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22/04/2021 | CJUE | N°C-572/18

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, thyssenkrupp Electrical Steel GmbH et thyssenkrupp Electrical Steel Ugo contre Commission européenne., 22/04/2021, C-572/18


 ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

22 avril 2021 ( *1 )

« Pourvoi – Union douanière – Règlement (UE) no 952/2013 – Article 211, paragraphe 6 – Autorisation de perfectionnement actif de certains produits d’acier électrique à grains orientés – Risque d’affectation négative des intérêts essentiels des producteurs de l’Union – Examen des conditions économiques – Règlement d’exécution (UE) 2015/2447 – Article 259 – Conclusions de la Commission européenne sur les conditions économiques – Article 263 TFUE – Acte

non susceptible de recours »

Dans l’affaire C‑572/18 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statu...

 ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

22 avril 2021 ( *1 )

« Pourvoi – Union douanière – Règlement (UE) no 952/2013 – Article 211, paragraphe 6 – Autorisation de perfectionnement actif de certains produits d’acier électrique à grains orientés – Risque d’affectation négative des intérêts essentiels des producteurs de l’Union – Examen des conditions économiques – Règlement d’exécution (UE) 2015/2447 – Article 259 – Conclusions de la Commission européenne sur les conditions économiques – Article 263 TFUE – Acte non susceptible de recours »

Dans l’affaire C‑572/18 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 13 septembre 2018,

thyssenkrupp Electrical Steel GmbH, établie à Gelsenkirchen (Allemagne),

thyssenkrupp Electrical Steel Ugo, établie à Isbergues (France),

représentées par Mes M. Günes et L. Heinisch, Rechtsanwälte,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par M. J.-F. Brakeland et Mme F. Clotuche-Duvieusart, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. M. Vilaras, président de chambre, MM. N. Piçarra (rapporteur), D. Šváby, S. Rodin et Mme K. Jürimäe, juges,

avocat général : M. G. Hogan,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 26 novembre 2020,

rend le présent

Arrêt

1 Par leur pourvoi, thyssenkrupp Electrical Steel GmbH et thyssenkrupp Electrical Steel Ugo demandent l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 2 juillet 2018, thyssenkrupp Electrical Steel et thyssenkrupp Electrical Steel Ugo/Commission (T‑577/17, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2018:411), par laquelle celui-ci a rejeté leur recours tendant à l’annulation des conclusions de la Commission européenne figurant dans le compte rendu de la sixième réunion de
la section « Procédures spéciales autres que le transit » du groupe d’experts douaniers, du 2 mai 2017, en ce sens que les intérêts essentiels des producteurs de l’Union européenne ne risquaient pas d’être affectés négativement par une autorisation de perfectionnement actif de certains produits d’acier électrique à grains orientés, demandée par Euro-Mit Staal BV (ci‑après « EMS »).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement no 2913/92

2 Les articles 130 à 136 du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaires (JO 1992, L 302, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 2700/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 16 novembre 2000 (JO 2000, L 311, p. 17) (ci-après le règlement no 2913/92 »), portaient sur le régime de la transformation sous douane.

3 L’article 130 du règlement no 2913/92 disposait :

« Le régime de la transformation sous douane permet de mettre en œuvre sur le territoire douanier de la Communauté des marchandises non communautaires pour leur faire subir des opérations qui en modifient l’espèce ou l’état et sans qu’elles soient soumises aux droits à l’importation ni aux mesures de politique commerciale, et de mettre en libre pratique aux droits à l’importation qui leur sont propres les produits résultant de ces opérations. Ces produits sont dénommés produits transformés. »

4 Aux termes de l’article 132 de ce règlement :

« L’autorisation de transformation sous douane est délivrée sur demande de la personne qui effectue ou fait effectuer la transformation. »

5 L’article 133 dudit règlement prévoyait :

« L’autorisation n’est accordée que :

[...]

e) dans le cas où sont remplies les conditions nécessaires pour que le régime puisse contribuer à favoriser la création ou le maintien d’une activité de transformation de marchandises dans la Communauté sans qu’il soit porté atteinte aux intérêts essentiels des producteurs communautaires de marchandises similaires (conditions économiques). Les cas dans lesquels les conditions économiques sont considérées comme remplies peuvent être déterminés selon la procédure du comité. »

6 Conformément aux articles 247 à 249 du même règlement, la Commission était assistée par un comité.

7 Le règlement no 2913/92 a été abrogé et remplacé par le règlement (CE) no 450/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, établissant le code des douanes communautaire (code des douanes modernisé) (JO 2008, L 145, p. 1), lui-même abrogé et remplacé par le règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1, ci-après le « code des douanes »).

Le règlement no 2454/93

8 L’article 502, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement no 2913/92 (JO 1993, L 253, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 993/2001 de la Commission, du 4 mai 2001 (JO 2001, L 141, p. 1) (ci-après le « règlement no 2454/93 »), prévoyait :

« À moins que les conditions économiques soient considérées comme remplies en vertu des dispositions des chapitres 3, 4 ou 6, l’autorisation [de transformation sous douane] ne peut être accordée sans examen des conditions économiques par les autorités douanières. »

9 L’article 503 de ce règlement disposait :

« Un examen des conditions économiques en liaison avec la Commission peut être effectué :

a) si les autorités douanières concernées souhaitent procéder à une consultation avant ou après avoir délivré une autorisation ;

b) si une autre administration douanière formule des objections à l’encontre d’une autorisation délivrée ;

c) à l’initiative de la Commission. »

10 Aux termes de l’article 504, paragraphes 1 et 4, dudit règlement :

« 1.   Lorsqu’un examen est engagé conformément à l’article 503, le cas est transmis à la Commission. Il comporte les conclusions de l’examen déjà opéré.

[...]

4.   Les conclusions du comité sont prises en considération par les autorités douanières concernées et par toute autre autorité douanière traitant des autorisations ou demandes d’autorisation similaires. »

11 Le règlement no 2454/93 a été abrogé par le règlement d’exécution (UE) 2016/481 de la Commission, du 1er avril 2016 (JO 2016, L 87, p. 24).

Le code des douanes

12 L’article 5 du code des douanes, intitulé « Définitions », indique, à son point 39, que la notion de « décision », aux fins de ce code, doit être entendue comme visant « tout acte concernant la législation douanière pris par une autorité douanière statuant sur un cas donné et qui a des effets de droit sur la ou les personnes concernées ».

13 L’article 22 de ce code, intitulé « Décisions arrêtées à la suite d’une demande », dispose :

« 1.   Lorsqu’une personne introduit une demande de décision relative à l’application de la législation douanière, elle fournit toutes les informations nécessaires aux autorités douanières compétentes pour leur permettre de statuer.

[...]

2.   Les autorités douanières vérifient, sans tarder et au plus tard dans les trente jours qui suivent la réception de la demande de décision, si les conditions d’acceptation de ladite demande sont réunies.

Lorsque les autorités douanières établissent que la demande contient toutes les informations requises pour arrêter la décision, elles notifient au demandeur l’acceptation de sa demande dans le délai fixé au premier alinéa.

3.   L’autorité douanière compétente arrête la décision visée au paragraphe 1 et la notifie au demandeur sans tarder, et au plus tard dans les cent vingt jours qui suivent la date d’acceptation de la demande, sauf dispositions contraires.

[...]

6.   Avant de prendre une décision susceptible d’avoir des conséquences défavorables pour le demandeur, les autorités douanières informent le demandeur des motifs sur lesquels elles comptent fonder leur décision, lequel a la possibilité d’exprimer son point de vue dans un délai déterminé à compter de la date à laquelle il reçoit ou à laquelle il est réputé avoir reçu cette communication desdits motifs. À la suite de l’expiration de ce délai, le demandeur est informé, dans la forme appropriée, de
la décision.

[...]

7.   Une décision qui a des conséquences défavorables pour le demandeur expose les raisons qui la motivent et mentionne le droit de recours prévu à l’article 44. »

14 L’article 44 dudit code, intitulé « Droit de recours », énonce, à ses paragraphes 1 et 3 :

« 1.   Toute personne a le droit d’exercer un recours contre les décisions relatives à l’application de la législation douanière prises par les autorités douanières et qui la concernent directement et individuellement.

A également le droit d’exercer un recours quiconque a sollicité une décision auprès des autorités douanières mais qui n’a pas obtenu de décision sur la demande dans le délai visé à l’article 22, paragraphe 3.

[...]

3.   Le recours est introduit dans l’État membre où la décision a été prise ou sollicitée. »

15 L’article 211 du même code prévoit :

« 1.   Une autorisation des autorités douanières est requise en cas :

a) de recours au régime de perfectionnement actif [...]

[...]

4.   Sauf dispositions contraires et en complément du paragraphe 3, l’autorisation visée au paragraphe 1 n’est accordée que si toutes les conditions suivantes sont réunies :

a) les autorités douanières peuvent assurer la surveillance douanière sans devoir mettre en place un dispositif administratif disproportionné par rapport aux besoins économiques en question ;

b) les intérêts essentiels des producteurs de l’Union ne risquent pas d’être affectés négativement par une autorisation de placement sous un régime de transformation (conditions économiques).

5.   Les intérêts essentiels des producteurs de l’Union sont considérés comme n’étant pas affectés négativement, comme indiqué au paragraphe 4, point b), sauf en cas de preuve du contraire ou lorsque les conditions économiques sont considérées comme remplies.

6.   Lorsqu’il est prouvé que les intérêts essentiels des producteurs de l’Union risquent d’être affectés négativement, un examen des conditions économiques est opéré au niveau de l’Union. »

16 L’article 213 du code des douanes, intitulé « Attribution de compétences d’exécution », prévoit, à son premier alinéa :

« La Commission précise, par voie d’actes d’exécution, les règles de procédure relatives à l’examen des conditions économiques visé à l’article 211, paragraphe 6. »

Le règlement délégué

17 L’article 166 du règlement délégué (UE) 2015/2446 de la Commission, du 28 juillet 2015, complétant le règlement no 952/2013 au sujet des modalités de certaines dispositions du code des douanes de l’Union (JO 2015, L 343, p. 1, ci-après le « règlement délégué »), énonce, à son paragraphe 1, la règle générale selon laquelle la condition prévue à l’article 211, paragraphe 4, sous b), du code des douanes n’est pas applicable aux autorisations de perfectionnement actif tout en prévoyant trois
exceptions à cette règle.

Le règlement d’exécution

18 L’article 259 du règlement d’exécution (UE) 2015/2447 de la Commission, du 24 novembre 2015, établissant les modalités d’application de certaines dispositions du règlement no 952/2013 (JO 2015, L 343, p. 558, ci-après le « règlement d’exécution »), intitulé « Examen des conditions économiques », est libellé comme suit :

« 1.   Lorsque, à la suite d’une demande d’autorisation visée à l’article 211, paragraphe 1, [sous] a), du [code des douanes], un examen des conditions économiques est nécessaire en application de l’article 211, paragraphe 6, [de ce code], l’administration douanière de l’autorité douanière compétente pour arrêter la décision sur la demande transmet sans délai le dossier à la Commission en lui demandant de procéder à cet examen.

[...]

4.   La Commission met en place un groupe d’experts, composé des représentants des États membres, qui conseille la Commission en vue de déterminer si les conditions économiques sont remplies ou non.

5.   Les conclusions concernant les conditions économiques sont prises en considération par l’autorité douanière concernée et par toute autre autorité douanière traitant des autorisations ou demandes d’autorisation similaires.

Dans les conclusions relatives aux conditions économiques, il est possible de préciser que le cas examiné est unique et ne peut donc constituer de précédent pour d’autres demandes ou autorisations.

[...] »

La décision C(2016) 3301 final

19 L’article 3, paragraphe 1, sous c), de la décision de la Commission, du 30 mai 2016, établissant des règles horizontales relatives à la création et au fonctionnement des groupes d’experts de la Commission [C(2016) 3301 final], prévoit que ces groupes fournissent des conseils et apportent une expertise à la Commission en ce qui concerne, entre autres, la mise en œuvre de la législation ainsi que la coordination et la coopération avec les États membres. Selon l’article 5 de cette décision, le
mandat d’un groupe d’expert doit être clairement défini et ses missions déterminées aussi précisément que possible.

20 Le groupe d’experts en matière douanière a été mis en place en application de l’article 259, paragraphe 4, du règlement d’exécution et est soumis aux règles horizontales mentionnées au point précédent. Le rôle de ce groupe consiste, conformément à l’article 2, sous g), des « termes de référence » adoptés le 3 mai 2016 [Ares (2016) 2109319], à conseiller la Commission et ses services concernant l’examen visant à déterminer si les conditions économiques sont remplies.

Les antécédents du litige

21 Les antécédents du litige figurent aux points 1 à 8 de l’ordonnance attaquée et peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés comme suit.

22 Le 21 février 2017, EMS a présenté à l’autorité douanière néerlandaise, conformément à l’article 211, paragraphe 1, sous a), du code des douanes, une demande d’autorisation de perfectionnement actif pour certains produits d’acier électronique à grains orientés originaires du Japon.

23 Le 27 février 2017, cette autorité a, en vertu de l’article 259, paragraphe 1, du règlement d’exécution, transmis le dossier à la Commission, en lui demandant de procéder à l’examen des conditions économiques.

24 Le 2 mai 2017, à l’occasion de la sixième réunion du groupe d’experts en matière douanière, section « Procédures spéciales autres que le transit », la question des conditions économiques a fait l’objet d’une discussion puis d’un vote favorable. La Commission a conclu, sur cette base, que les conditions économiques pour l’autorisation de perfectionnement actif étaient remplies (ci-après les « conclusions litigieuses »).

25 Le même jour, l’autorité douanière néerlandaise a délivré l’autorisation de perfectionnement actif à EMS pour la période allant du 2 mai 2017 au 1er mai 2020.

26 Le 12 juillet 2017, les requérantes ont présenté, auprès de cette autorité, des oppositions à l’octroi de cette autorisation.

27 Dans ses décisions préliminaires sur ces oppositions, du 11 décembre 2017, l’autorité douanière néerlandaise a déclaré qu’elle était « tenue »(verplicht) d’accorder l’autorisation demandée, car elle devait « prendre en considération [les conclusions litigieuses] ».

La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

28 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 août 2017, les requérantes ont introduit un recours tendant à l’annulation des conclusions litigieuses.

29 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 6 novembre 2017, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité, au titre de l’article 130 du règlement de procédure du Tribunal, fondée, à titre principal, sur l’absence d’acte attaquable, au sens de l’article 263 TFUE et, à titre subsidiaire, sur l’absence d’affectation directe et individuelle des requérantes, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

30 Statuant sur l’exception d’irrecevabilité, le Tribunal a considéré que les conclusions litigieuses ne constituaient pas un acte attaquable, au sens de l’article 263 TFUE et, partant, a rejeté le recours comme irrecevable, sans se prononcer sur la question de l’affectation directe et individuelle des requérantes, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

La procédure devant la Cour et les conclusions des parties au pourvoi

31 Les requérantes demandent à la Cour :

– d’annuler l’ordonnance attaquée ;

– de déclarer le recours recevable ;

– de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour la poursuite de l’instance en engageant le débat au fond, et

– de condamner la Commission aux dépens exposés dans le cadre de la présente instance.

32 La Commission demande à la Cour :

– de rejeter le pourvoi comme étant non fondé et

– de condamner les requérantes aux dépens.

33 Par ordonnance du 7 mars 2019, thyssenkrupp Electrical Steel et thyssenkrupp Electrical Steel Ugo/Commission (C‑572/18 P, non publiée, EU:C:2019:188), le président de la Cour a rejeté la demande d’intervention présentée par EMS au soutien des conclusions de la Commission, au motif qu’EMS ne justifiait pas d’un intérêt à la solution du litige.

Sur le pourvoi

34 À l’appui de leur pourvoi, les requérantes soulèvent cinq moyens. Le premier moyen est tiré d’une erreur de droit commise par le Tribunal, en ce qu’il a considéré que le code des douanes ainsi que le règlement délégué et le règlement d’exécution ne confèrent pas à la Commission le pouvoir d’adopter des décisions qui lient les autorités douanières nationales dans une procédure d’octroi d’une autorisation de perfectionnement actif. Le deuxième moyen est tiré d’une erreur de droit commise par le
Tribunal, en ce qu’il a jugé que le rôle de la Commission dans le cadre de l’examen des conditions économiques revêt un caractère purement procédural. Le troisième moyen est tiré d’une erreur de droit commise par le Tribunal, en ce qu’il a considéré que l’arrêt du 11 mai 2006, Friesland Coberco Dairy Foods (C‑11/05, ci-après l’« arrêt Friesland Coberco , EU:C:2006:312), est juridiquement contraignant pour l’interprétation de l’article 259, paragraphe 5, du règlement d’exécution. Le quatrième
moyen est tiré d’une erreur de droit commise par le Tribunal, en ce qu’il n’a pas pris en considération, comme preuve du caractère contraignant des conclusions litigieuses, le document intitulé « Pratique administrative concernant l’examen des conditions économiques conformément à l’article 211, paragraphe 6, du [code des douanes] et à l’article 259 du [règlement d’exécution] »(Administrative practice regarding the examination of the economic conditions in accordance with Articles 211(6) [Union
Customs Code (UCC)] and 259 [UCC Implementing Act (IA UCC)]), du 5 août 2016 [Ares(2016)4155451, ci-après l’« arrangement administratif »]. Le cinquième moyen est tiré d’une erreur de droit commise par le Tribunal, en ce qu’il s’est abstenu de considérer que les requérantes étaient concernées directement et individuellement par les conclusions litigieuses.

35 À titre liminaire, il y a lieu de faire observer que, dans son mémoire en réponse, la Commission, sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité, a indiqué que, dans le cas où les requérantes n’auraient pas engagé de procédures juridictionnelles contre le rejet, par l’autorité douanière néerlandaise, de leurs oppositions à l’autorisation de perfectionnement actif accordée à EMS, cette autorisation serait devenue définitive, de sorte qu’elles ne justifieraient pas d’un intérêt à la
poursuite du pourvoi.

36 Toutefois, dans leur mémoire en réplique, les requérantes ont confirmé qu’elles avaient intenté de telles procédures devant les juridictions néerlandaises, ce que la Commission a également admis dans son mémoire en duplique.

37 Par conséquent, il y a lieu d’écarter les arguments de la Commission pris de l’absence de justification d’un intérêt à la poursuite du pourvoi.

Sur les premier, deuxième et quatrième moyens

Argumentation des parties

38 Par ces moyens, qu’il convient de traiter ensemble eu égard à leur connexité, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir commis, dans le cadre de son appréciation de la question de savoir si les conclusions litigieuses constituent un acte attaquable, au sens de l’article 263 TFUE, trois erreurs de droit portant sur l’interprétation et l’application, d’une part, des dispositions du code des douanes, du règlement délégué et du règlement d’exécution concernant la procédure d’examen des
conditions économiques et, d’autre part, de l’arrangement administratif.

39 Au soutien du premier moyen, dirigé contre le point 48 de l’ordonnance attaquée, les requérantes font valoir que la Commission, au titre de ses pouvoirs d’exécution, a mis en place une procédure dans laquelle la question de savoir si les conditions économiques sont remplies doit être examinée au niveau de l’Union, aucune compétence pour examiner ces conditions n’ayant été conférée aux autorités douanières nationales. La mise en place d’une telle procédure marquerait une différence par rapport au
règlement no 2913/92, tel qu’interprété par la Cour dans l’arrêt Friesland Coberco.

40 Selon les requérantes, dès lors que l’octroi d’une autorisation de perfectionnement actif est subordonné à la satisfaction des conditions économiques et que les autorités douanières nationales n’ont pas le pouvoir de procéder à l’examen de cette question, les conclusions de la Commission en la matière sont nécessairement contraignantes pour ces autorités. Cette conclusion serait corroborée par l’arrangement administratif ainsi que par les décisions préliminaires de l’autorité douanière
néerlandaise du 11 décembre 2017 sur les oppositions des requérantes.

41 Les requérantes font aussi valoir que le pouvoir de la Commission d’adopter des décisions contraignantes à l’issue de l’examen des conditions économiques ne saurait être mis en doute ni par le fait que l’article 259 du règlement d’exécution désigne l’acte issu de cet examen de « conclusions », ni par le fait que cette institution est assistée par le groupe d’experts en matière douanière. Elles soulignent, à cet égard, que la forme sous laquelle un acte est adopté ne peut modifier la nature de
celui-ci et que les avis de ce groupe ont une valeur purement consultative.

42 Au soutien du deuxième moyen, dirigé contre les points 49 et 50 de l’ordonnance attaquée, les requérantes font valoir qu’aucune disposition du code des douanes, du règlement délégué ou du règlement d’exécution ne limite le rôle de la Commission à recueillir les votes des représentants des États membres au sein du groupe d’experts en matière douanière et à procéder au comptage de ces votes. Selon les requérantes, dès lors que la Commission n’est pas tenue de suivre les conseils de ce groupe
d’experts, elle devrait être « juridiquement responsable » de ses conclusions sur les conditions économiques.

43 Dès lors, les requérantes estiment que de telles conclusions constituent un acte visant à produire des effets juridiques obligatoires et, par conséquent, sont susceptibles de faire l’objet d’un recours au titre de l’article 263 TFUE.

44 Au soutien du quatrième moyen, dirigé contre le point 66 de l’ordonnance attaquée, les requérantes font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit dans son examen de la portée des conclusions de la Commission sur les conditions économiques, en ce qu’il n’a pas pris en considération l’arrangement administratif comme preuve du caractère contraignant de ces conclusions, alors que le point 3, premier alinéa, de cet arrangement précise que « l[es] conclusion[s] de la Commission lie[nt] les
autorités douanières compétentes et [...] celles-ci ne peuvent donc pas s’en écarter ». Par ailleurs, l’autorité douanière néerlandaise aurait déclaré avoir été « tenue »(verplicht), en vertu des conclusions litigieuses, d’accorder l’autorisation demandée.

45 La Commission conteste le bien-fondé de ces moyens.

Appréciation de la Cour

46 À titre liminaire, il convient de rappeler que sont considérés comme des « actes attaquables », au sens de l’article 263 TFUE, toutes dispositions adoptées par les institutions de l’Union, quelle qu’en soit la forme, qui visent à produire des effets de droit obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique (voir, en ce sens, arrêts du 13 octobre 2011, Deutsche Post et Allemagne/Commission, C‑463/10 P et C‑475/10 P,
EU:C:2011:656, point 37, ainsi que du 20 septembre 2016, Mallis e.a./Commission et BCE, C‑105/15 P à C‑109/15 P, EU:C:2016:702, point 51 ainsi que jurisprudence citée).

47 En revanche, échappe au contrôle juridictionnel prévu à l’article 263 TFUE tout acte ne produisant pas d’effets juridiques obligatoires, tels que les actes préparatoires et les actes de pure exécution, les simples recommandations et les avis, ainsi que, en principe, les instructions internes (voir, en ce sens, arrêts du 12 septembre 2006, Reynolds Tobacco e.a./Commission, C‑131/03 P, EU:C:2006:541, point 55 et jurisprudence citée, ainsi que du 20 février 2018, Belgique/Commission, C‑16/16 P,
EU:C:2018:79, point 27).

48 Selon la jurisprudence de la Cour, pour déterminer si l’acte attaqué produit de tels effets, il y a lieu de s’attacher à la substance de cet acte et d’apprécier ces effets à l’aune de critères objectifs, tels que le contenu dudit acte, en tenant compte, le cas échéant, du contexte de l’adoption de ce dernier ainsi que des pouvoirs de l’institution qui en est l’auteur (arrêts du 20 février 2018, Belgique/Commission, C‑16/16 P, EU:C:2018:79, point 32 et jurisprudence citée, ainsi que du 9 juillet
2020, République tchèque/Commission, C‑575/18 P, EU:C:2020:530, point 47).

49 Il n’en va autrement que lorsque des actes pris au cours de la procédure préparatoire constituent eux-mêmes le terme ultime d’une procédure spéciale distincte de celle qui doit permettre à l’institution concernée de statuer sur le fond (arrêt du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 11).

50 En tout état de cause, si des mesures de nature purement préparatoire ne peuvent, en tant que telles, faire l’objet d’un recours en annulation, les illégalités éventuelles qui les entacheraient peuvent être invoquées à l’appui du recours dirigé contre l’acte définitif dont elles constituent un stade d’élaboration (arrêt du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 12).

51 En l’espèce, le Tribunal a relevé, tout d’abord, au point 48 de l’ordonnance attaquée, que ni le code des douanes, ni le règlement délégué, ni le règlement d’exécution n’attribuent à la Commission le pouvoir d’adopter des décisions, et encore moins des décisions contraignantes pour les autorités douanières nationales dans le cadre de l’examen des conditions économiques.

52 Ensuite, le Tribunal a indiqué, au point 49 de l’ordonnance attaquée, que le code des douanes n’impose nullement à la Commission de procéder elle-même à l’examen des conditions économiques et a décrit le rôle de cette institution dans la coopération entre elle-même et les experts des États membres, d’une part, et les autorités douanières intéressées, d’autre part, comme étant purement procédural. Or, selon le Tribunal, cette coopération ne se confond pas avec un dispositif de prise de décision au
niveau de l’Union, dans lequel les conclusions rendues dans un cadre informel lieraient les États membres.

53 Enfin, le Tribunal a souligné, au point 50 de l’ordonnance attaquée, qu’il ne ressortait pas de la procédure mise en place par la Commission, en vertu des pouvoirs d’exécution qu’elle tire de l’article 213 du code des douanes, que cette institution devrait exprimer son opinion ou exercer un pouvoir d’appréciation sur la question de savoir si les conditions économiques sont remplies.

54 Par ailleurs, le Tribunal a constaté, au point 66 de l’ordonnance attaquée, d’une part, que l’arrangement administratif n’a fait que remplacer un document administratif antérieur portant sur l’application des dispositions pertinentes du règlement no 2454/93, et d’autre part, que, dans la mesure où ce document n’avait pas tiré les conséquences de l’arrêt Friesland Coberco, il ne pouvait pas servir de base valable pour l’interprétation contenue dans l’arrangement administratif.

55 Dans le cadre des premier et deuxième moyens du pourvoi, les requérantes considèrent, en substance, que les dispositions pertinentes du code des douanes, du règlement délégué et du règlement d’exécution doivent être interprétées en ce sens que la procédure d’examen des conditions économiques, menée, au niveau de l’Union, par la Commission en collaboration avec le groupe d’experts en matière douanière, est autonome et dissociable de la procédure d’autorisation du perfectionnement actif.

56 Toutefois, en premier lieu, les conclusions de la Commission concernant les conditions économiques, telles que les conclusions litigieuses, s’insèrent dans la procédure d’autorisation du perfectionnement actif, dans le cadre de laquelle, conformément à l’article 211, paragraphe 1, sous a), du code des douanes, le placement des marchandises sous le régime du perfectionnement actif est subordonné à une autorisation des autorités douanières nationales, celles-ci exerçant ainsi de manière exclusive,
dans le cadre de cette procédure, le pouvoir décisionnel final.

57 Ce constat est corroboré par les dispositions de l’article 22 du code des douanes. En effet, conformément au paragraphe 3 de cet article, il appartient à l’autorité douanière compétente d’arrêter la décision à la suite d’une demande d’application de la législation douanière et de notifier cette décision au demandeur dans les délais légaux. De son côté, le paragraphe 6 dudit article impose aux autorités douanières, avant de prendre une décision susceptible d’avoir des conséquences défavorables
pour le demandeur, de communiquer à celui-ci les motifs sur lesquels elles comptent fonder leur décision, ouvrant la possibilité au demandeur d’exprimer son point de vue sur ces motifs. Enfin, en vertu du paragraphe 7 de ce même article, une décision qui a des conséquences défavorables pour le demandeur doit exposer les raisons qui la motivent et mentionner « le droit de recours prévu à l’article 44 [du code des douanes] », ce recours devant être introduit, conformément au paragraphe 3 de ce
dernier article, « dans l’État membre où la décision a été prise ou sollicitée ».

58 Quant à l’article 5, point 39, du code des douanes, qui définit la notion de « décision » comme visant « tout acte concernant la législation douanière pris par une autorité douanière statuant sur un cas donné et qui a des effets de droit sur la ou les personnes concernées », cette disposition ne laisse aucun doute quant au fait que ce sont les autorités douanières nationales qui détiennent le pouvoir d’adopter des actes de nature décisoire en application de ce code.

59 Certes, parmi les conditions cumulatives nécessaires à l’obtention d’une autorisation de perfectionnement actif, l’article 211 du code des douanes exige, à son paragraphe 4, sous b), que les conditions économiques soient satisfaites, et prévoit, à son paragraphe 6, dans les cas où un examen de ces conditions est nécessaire, que celui-ci est « opéré au niveau de l’Union ». Toutefois, il ressort d’une lecture combinée de l’article 211, paragraphe 1, sous a), de l’article 211, paragraphe 4, sous b),
et de l’article 211, paragraphe 6, de ce code qu’un tel examen s’insère dans la procédure conduisant à l’adoption, à la suite d’une demande d’autorisation en ce sens, de la décision finale par les autorités douanières nationales et constitue seulement une étape intermédiaire de cette procédure.

60 Ainsi, et alors que l’article 211, paragraphe 1, sous a), du code des douanes confie explicitement le pouvoir décisionnel en matière de régime de perfectionnement actif aux autorités douanières nationales, l’article 211, paragraphe 4, sous b), et paragraphe 6, de ce code n’attribue, pour sa part, aucun pouvoir décisionnel propre à une entité de l’Union dans le cadre de l’examen des conditions économiques.

61 Ce constat est corroboré par le fait que, à la différence de ce que prévoient l’article 22 et l’article 44, paragraphe 3, du code des douanes en ce qui concerne les décisions arrêtées par l’autorité douanière compétente à la suite d’une demande, aucune disposition de ce code n’impose à l’entité de l’Union qui doit effectuer l’examen des conditions économiques de notifier le résultat de cet examen au demandeur, voire de lui transmettre les motifs qui ont conduit à ce résultat. En outre, dans ce
contexte, aucune disposition n’ouvre un droit de recours au demandeur contre un tel résultat.

62 Par ailleurs, contrairement à ce que les requérantes soutiennent, il ne découle pas des dispositions du code des douanes que le rôle de l’autorité douanière compétente serait limité à la mise à exécution du résultat obtenu au terme de l’examen des conditions économiques au niveau de l’Union. En effet, ce code, notamment son article 211, n’attribue pas à l’entité de l’Union à laquelle il revient d’effectuer l’examen des conditions économiques le pouvoir de prendre une mesure autre que purement
intermédiaire et préparatoire.

63 En deuxième lieu, s’agissant des règles de procédure applicables à l’examen des conditions économiques opéré au niveau de l’Union, au sens de l’article 211, paragraphe 6, du code des douanes, il résulte, certes, d’une lecture combinée de l’article 259, paragraphes 1 et 4, du règlement d’exécution que, lorsqu’un tel examen est nécessaire, celui-ci doit être effectué par la Commission en liaison avec un groupe d’experts composé des représentants des États membres, à partir des éléments mis à la
disposition de celle-ci par l’autorité douanière compétente. Il résulte, en outre, de l’article 259, paragraphe 5, du règlement d’exécution que la Commission consigne le résultat de l’examen des conditions économiques opéré au niveau de l’Union dans des « conclusions » et que celles-ci sont « prises en considération » par l’autorité douanière compétente et par toute autre autorité douanière traitant des autorisations ou des demandes d’autorisation similaires.

64 Ainsi, l’article 259 du règlement d’exécution corrobore la constatation que les conclusions auxquelles la Commission parvient à l’issue de l’examen des conditions économiques constituent une simple mesure intermédiaire, visant à préparer la décision finale des autorités douanières sur la demande d’autorisation de perfectionnement actif.

65 En effet, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, en substance, au point 52 de ses conclusions, l’expression « prises en considération » qui figure dans l’article 259, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement d’exécution suggère, compte tenu de son sens habituel dans le langage courant, une certaine marge d’appréciation dans le chef de l’autorité douanière compétente quant à la manière de donner suite aux conclusions de la Commission concernant les conditions économiques. Cette expression
implique donc que l’autorité douanière compétente examine les conclusions rendues par la Commission et, en cas de désaccord avec celles-ci, fournit les motifs de sa décision de ne pas les suivre (voir, par analogie, arrêt Friesland Coberco, point 27).

66 Il est vrai, ainsi que les requérantes le soulignent, que, conformément aux dispositions de l’article 259, paragraphe 1, du règlement d’exécution, l’autorité douanière compétente saisie d’une demande d’autorisation de perfectionnement actif est tenue, lorsqu’un examen des conditions économiques opéré au niveau de l’Union est nécessaire en vertu de l’article 211, paragraphe 6, du code des douanes, de transmettre le dossier à la Commission en lui demandant de procéder audit examen.

67 Toutefois, à l’instar de ce que la Cour a, en substance, jugé aux points 28 et 29 de l’arrêt Friesland Coberco en ce qui concerne le règlement no 2913/92, l’obligation pour l’autorité douanière compétente de transmettre, dans certaines circonstances, le dossier à la Commission n’implique pas l’obligation pour cette autorité de suivre les conclusions formulées par cette institution. Comme l’a souligné à bon droit le Tribunal aux points 53 et 54 de l’ordonnance attaquée, non critiqués dans le cadre
du présent pourvoi, la circonstance que les conclusions concernant les conditions économiques sont désormais émises par la Commission et non plus, comme c’était le cas sous l’empire du règlement no 2913/92, par un comité institué par ce dernier règlement, ne saurait infirmer cette conclusion. Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 64 de ses conclusions, l’objectif poursuivi par ledit examen demeure identique, seul l’auteur de celui-ci ayant changé.

68 En outre, l’obligation faite aux autorités douanières nationales, lorsqu’elles entendent s’écarter des conclusions de la Commission, de motiver leurs décisions à cet égard, corrobore la constatation selon laquelle ces conclusions ne produisent pas d’effets juridiques obligatoires, susceptibles de modifier de façon caractérisée la situation juridique d’un requérant. En effet, ainsi que M. l’avocat général l’a, en substance, relevé au point 70 de ses conclusions, si cette obligation de motivation
révèle l’existence d’un certain effet juridique produit par les conclusions de la Commission, cet effet ne saurait suffire à conférer à ces conclusions le caractère d’acte attaquable, au sens de l’article 263 TFUE.

69 Pour ce qui est de l’argument des requérantes fondé sur le libellé de l’article 259, paragraphe 5, second alinéa, du règlement d’exécution – lequel prévoit la possibilité pour la Commission de préciser, dans ses conclusions, que le cas examiné est unique et ne peut constituer de précédent pour d’autres demandes ou autorisations –, il ne résulte pas non plus de cette disposition que la Commission serait habilitée à adopter des actes produisant des effets de droit obligatoires de nature à affecter
les intérêts d’un requérant, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique. En effet, même dans un tel cas, les autorités douanières nationales concernées peuvent s’écarter de ces conclusions, pourvu qu’elles motivent leurs décisions dans ce sens.

70 Enfin, pour autant que les requérantes invoquent l’arrangement administratif au soutien de leur position selon laquelle les conclusions de la Commission concernant les conditions économiques constituent un acte attaquable, au sens de l’article 263 TFUE, ainsi que le Tribunal l’a rappelé à bon droit au point 67 de l’ordonnance attaquée – point qui n’est pas contesté dans le cadre du présent pourvoi –, bien qu’une pratique administrative puisse être considérée comme un moyen valable pour
interpréter la nature de telles conclusions, elle n’a pas force obligatoire en droit et ne saurait donc modifier la portée de l’acte auquel elle se réfère.

71 Or, eu égard à l’interprétation de l’article 259 du règlement d’exécution, telle qu’exposée aux points 63 à 69 du présent arrêt, c’est également à bon droit que le Tribunal a écarté, au point 68 de l’ordonnance attaquée, l’interprétation contenue dans l’arrangement administratif comme n’étant pas conforme aux dispositions mêmes du règlement d’exécution.

72 Dans ces conditions, l’arrangement administratif n’est pas susceptible de remettre en cause l’interprétation des dispositions du code des douanes et du règlement d’exécution qui figure aux points 56 à 69 du présent arrêt, de sorte que l’argument des requérantes fondé sur cet arrangement ne saurait prospérer. La circonstance que, en l’espèce, l’autorité douanière compétente a arrêté sa décision en se croyant liée par les conclusions litigieuses n’a pas pour effet, ainsi que l’a relevé M. l’avocat
général au point 61 de ses conclusions, de faire de ces conclusions un acte ayant force obligatoire en droit.

73 Il s’ensuit que l’argumentation des requérantes visant à démontrer que le Tribunal a commis, dans le cadre de son appréciation de la question de savoir si les conclusions litigieuses constituent un acte attaquable, au sens de l’article 263 TFUE, trois erreurs de droit portant sur l’interprétation et l’application, d’une part, des dispositions du code des douanes, du règlement délégué et du règlement d’exécution concernant la procédure d’examen des conditions économiques et, d’autre part, de
l’arrangement administratif ne saurait prospérer.

74 Partant, il y a lieu de rejeter les premier, deuxième et quatrième moyens comme étant non fondés.

Sur le troisième moyen

Argumentation des parties

75 Par le troisième moyen, les requérantes font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit aux points 60 et 61 de l’ordonnance attaquée en jugeant que l’interprétation de l’article 504, paragraphe 4, du règlement no 2454/93, retenue par la Cour dans l’arrêt Friesland Coberco, demeurait pertinente pour l’interprétation de l’article 259, paragraphe 5, du règlement d’exécution, applicable en l’espèce. Elles contestent la constatation du Tribunal selon laquelle ces deux dispositions « peuvent
être qualifiées d’équivalentes ».

76 À l’encontre de cette constatation, les requérantes font valoir que la procédure de transformation sous douane, qui était en cause dans l’affaire ayant conduit à l’arrêt Friesland Coberco, ne figure plus dans le code des douanes. Cette modification aurait, par ailleurs, conduit à un changement dans la définition de la notion de « conditions économiques ». En outre, le comité institué par le règlement no 2913/92 ne jouerait plus aucun rôle dans l’examen des conditions économiques, les conclusions
sur ces conditions étant à présent rendues par la Commission.

77 Les requérantes soulignent également la différence de libellé entre, d’une part, l’article 502, paragraphe 1, du règlement no 2454/93 et, d’autre part, l’article 211, paragraphe 6, du code des douanes ainsi que l’article 259, paragraphe 1, du règlement d’exécution. Les termes « sont prises en considération », figurant à l’article 259, paragraphe 5, du règlement d’exécution devraient donc être entendus en ce sens que les conclusions de la Commission sur les conditions économiques sont
contraignantes pour les autorités douanières nationales.

78 La Commission conteste le bien-fondé du présent moyen.

Appréciation de la Cour

79 Par le présent moyen, dirigé contre les points 60 et 61 de l’ordonnance attaquée, les requérantes allèguent que, compte tenu de l’ampleur des modifications qui sont intervenues dans la réglementation douanière depuis l’interprétation, retenue par l’arrêt Friesland Coberco, des règlements nos 2913/92 et 2454/93, le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que l’article 504, paragraphe 4, du règlement no 2454/93 et l’article 259, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement d’exécution
constituent des dispositions équivalentes et, ce faisant, en retenant une interprétation de la seconde disposition identique à celle que, dans cet arrêt, la Cour a retenue de la première disposition, en ce sens que les conclusions du comité institué par le règlement no 2913/92 étaient dépourvues de caractère contraignant pour les autorités douanières nationales.

80 À cet égard, il suffit de relever que, eu égard aux considérations exposées aux points 56 à 69 du présent arrêt, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé, aux points 60 et 61 de l’ordonnance attaquée, que l’interprétation de l’article 504, paragraphe 4, du règlement no 2454/93, retenue par la Cour dans l’arrêt Friesland Coberco, demeure pertinente pour l’interprétation de l’article 259, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement d’exécution, étant donné que la première et la
seconde de ces dispositions peuvent être qualifiées d’équivalentes.

81 Dans ces conditions, l’argumentation des requérantes visant à démontrer que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que l’interprétation de l’article 504, paragraphe 4, du règlement no 2454/93, retenue par la Cour dans l’arrêt Friesland Coberco, demeure pertinente pour l’interprétation de l’article 259, paragraphe 5, du règlement d’exécution, applicable en l’espèce, ne saurait non plus prospérer.

82 Il s’ensuit que le troisième moyen doit également être rejeté comme étant non fondé.

Sur le cinquième moyen

Argumentation des parties

83 Par le présent moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit en s’abstenant de constater qu’elles étaient directement et individuellement concernées par les conclusions litigieuses, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

84 La Commission estime que ce moyen est inopérant et, en tout état de cause, non fondé.

Appréciation de la Cour

85 Dès lors que le Tribunal a jugé, à bon droit, que les conclusions litigieuses ne constituent pas un acte attaquable, au sens de l’article 263 TFUE, il ne saurait lui être reproché d’avoir commis une erreur de droit en ce qu’il s’est abstenu d’examiner si les requérantes étaient directement et individuellement concernées par un tel acte, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. En effet, à défaut d’être dirigé contre un acte attaquable, le recours ne pouvait qu’être rejeté comme étant
irrecevable, et cela même à supposer que les requérantes soient, ainsi qu’elles le soutiennent, directement et individuellement concernées par les conclusions litigieuses.

86 Dans ces conditions, le cinquième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

87 Aucun des cinq moyens du recours n’ayant été accueilli, celui-ci doit être rejeté dans son intégralité.

Sur les dépens

88 Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

89 Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

90 La Commission ayant conclu à la condamnation aux dépens des requérantes et celles-ci ayant succombé en leur pourvoi, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission.

  Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête :

  1) Le pourvoi dans l’affaire C‑572/18 P est rejeté.

  2) thyssenkrupp Electrical Steel GmbH et thyssenkrupp Electrical Steel Ugo supportent, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : C-572/18
Date de la décision : 22/04/2021
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi – Union douanière – Règlement (UE) no 952/2013 – Article 211, paragraphe 6 – Autorisation de perfectionnement actif de certains produits d’acier électrique à grains orientés – Risque d’affectation négative des intérêts essentiels des producteurs de l’Union – Examen des conditions économiques – Règlement d’exécution (UE) 2015/2447 – Article 259 – Conclusions de la Commission européenne sur les conditions économiques – Article 263 TFUE – Acte non susceptible de recours.

Union douanière

Tarif douanier commun


Parties
Demandeurs : thyssenkrupp Electrical Steel GmbH et thyssenkrupp Electrical Steel Ugo
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Hogan
Rapporteur ?: Piçarra

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2021:317

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