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25/11/2020 | CJUE | N°C-799/19

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, NI e.a. contre Sociálna poisťovňa., 25/11/2020, C-799/19


 ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

25 novembre 2020 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Directive 2008/94/CE – Articles 2 et 3 – Protection des travailleurs en cas d’insolvabilité de l’employeur – Notions de “créances impayées des travailleurs salariés” et d’“insolvabilité d’un employeur” – Accident du travail – Décès de l’employé – Indemnité du préjudice moral – Recouvrement de la créance auprès de l’employeur – Impossibilité – Institution de garantie »

Dans l’affaire

C‑799/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Okresný súd Košice I (tribu...

 ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

25 novembre 2020 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Directive 2008/94/CE – Articles 2 et 3 – Protection des travailleurs en cas d’insolvabilité de l’employeur – Notions de “créances impayées des travailleurs salariés” et d’“insolvabilité d’un employeur” – Accident du travail – Décès de l’employé – Indemnité du préjudice moral – Recouvrement de la créance auprès de l’employeur – Impossibilité – Institution de garantie »

Dans l’affaire C‑799/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Okresný súd Košice I (tribunal de district de Košice I, Slovaquie), par décision du 5 août 2019, parvenue à la Cour le 30 octobre 2019, dans la procédure

NI,

OJ,

PK

contre

Sociálna poisťovňa,

LA COUR (huitième chambre),

composée de Mme A. Prechal (rapporteure), présidente de la troisième chambre, faisant fonction de président de la huitième chambre, M. F. Biltgen et Mme L. S. Rossi, juges,

avocat général : M. J. Richard de la Tour,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour NI, OJ et PK, par Me P. Kerecman, advokát,

– pour le gouvernement slovaque, par Mme B. Ricziová, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek, J. Pavliš et J. Vláčil, en qualité d’agents,

– pour l’Irlande, par Mmes M. Browne et G. Hodge ainsi que par M. T. Joyce, en qualité d’agents, assistés de M. K. Binchy, BL,

– pour la Commission européenne, par MM. A. Tokár et B.‑R. Killmann, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 2 et 3 de la directive 2008/94/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, relative à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur (JO 2008, L 283, p. 36).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant NI, OJ et PK, à savoir l’épouse et les deux enfants de l’employé RL, à la Sociálna poisťovňa (caisse d’assurance sociale, Slovaquie) au sujet du refus de cette dernière de leur verser une indemnité pour préjudice moral subi à la suite du décès dudit employé après un accident du travail, survenu le 16 octobre 2003.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 Aux termes du considérant 3 de la directive 2008/94 :

« Des dispositions sont nécessaires pour protéger les travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur et pour leur assurer un minimum de protection, en particulier pour garantir le paiement de leurs créances impayées, en tenant compte de la nécessité d’un développement économique et social équilibré dans la Communauté. À cet effet, les États membres devraient mettre en place une institution qui garantisse aux travailleurs concernés le paiement des créances impayées des travailleurs. »

4 Le considérant 4 de cette directive énonce :

« En vue d’assurer une protection équitable des travailleurs salariés concernés, il est indiqué de définir l’état d’insolvabilité à la lumière des tendances législatives dans les États membres en la matière et de couvrir, par cette notion, également des procédures d’insolvabilité autres que la liquidation. [...] »

5 L’article 1er, paragraphe 1, de ladite directive dispose :

« La présente directive s’applique aux créances des travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations de travail et existant à l’égard d’employeurs qui se trouvent en état d’insolvabilité au sens de l’article 2, paragraphe 1. »

6 L’article 2 de la même directive est ainsi libellé :

« 1.   Aux fins de la présente directive, un employeur est considéré comme se trouvant en état d’insolvabilité lorsqu’a été demandée l’ouverture d’une procédure collective fondée sur l’insolvabilité de l’employeur, prévue par les dispositions législatives, réglementaires et administratives d’un État membre, qui entraîne le dessaisissement partiel ou total de cet employeur ainsi que la désignation d’un syndic, ou une personne exerçant une fonction similaire, et que l’autorité qui est compétente en
vertu desdites dispositions a :

a) soit décidé l’ouverture de la procédure ;

b) soit constaté la fermeture définitive de l’entreprise ou de l’établissement de l’employeur, ainsi que l’insuffisance de l’actif disponible pour justifier l’ouverture de la procédure.

2.   La présente directive ne porte pas atteinte au droit national en ce qui concerne la définition des termes [...] “rémunération”, [...]

[...]

4.   La présente directive n’empêche pas les États membres d’étendre la protection des travailleurs salariés à d’autres situations d’insolvabilité, par exemple une situation de fait permanente de cessation de paiement, établies par la voie de procédures autres que celles mentionnées au paragraphe 1, qui sont prévues par le droit national.

[...] »

7 Figurant au chapitre II, intitulé « Dispositions relatives aux institutions de garantie », l’article 3 de la directive 2008/94 prévoit :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires afin que les institutions de garantie assurent, sous réserve de l’article 4, le paiement des créances impayées des travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations de travail y compris, lorsque le droit national le prévoit, des dédommagements pour cessation de la relation de travail.

Les créances prises en charge par l’institution de garantie sont les rémunérations impayées correspondant à une période se situant avant et/ou, le cas échéant, après une date déterminée par les États membres. »

8 Au chapitre V de ladite directive, intitulé « Dispositions générales et finales », l’article 11, premier alinéa, énonce :

« La présente directive ne porte pas atteinte à la faculté des États membres d’appliquer ou d’introduire des dispositions législatives, réglementaires ou administratives plus favorables aux travailleurs salariés. »

Le droit slovaque

La loi relative à la caisse d’assurance sociale

9 L’article 44a du zákon č. 274/1994 Z. z., o Sociálnej poisťovni (loi no 274/1994 relative à la caisse d’assurance sociale), dans sa version applicable jusqu’au 31 décembre 2003 (ci-après la « loi no 274/1994 »), disposait, notamment concernant l’assurance légale de la responsabilité civile de l’employeur :

«1.   L’assurance responsabilité civile commence à courir à la date d’engagement du premier travailleur salarié et s’étend jusqu’à la fin de la période d’engagement du dernier travailleur salarié de l’employeur.

2.   L’employeur peut exiger, en cas de réalisation du risque assuré, que la caisse d’assurance sociale règle à sa place les droits à réparation démontrés en cas de dommage corporel causé par un accident du travail survenu pendant la durée d’assurance de responsabilité civile [...]

3.   Par “risque assuré”, on entend un dommage corporel ou le décès résultant d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.

4.   Si une juridiction compétente est appelée à statuer sur les dommages-intérêts, le risque assuré est réputé réalisé à la date où la décision ordonnant à la caisse d’assurance sociale de procéder au paiement est devenue définitive. »

10 L’article 44b, paragraphes 1 et 2, de cette loi énonçait :

« 1.   La [caisse d’assurance sociale] verse l’indemnisation telle que fixée à l’article 44a, paragraphe 2, à l’employé ayant subi un dommage corporel causé par un accident du travail ou une maladie professionnelle, en couronnes slovaques.

2.   Si l’employeur a indemnisé l’employé visé au paragraphe 1, pour le dommage prévu à l’article 44a, paragraphe 2, ou pour une partie de celui-ci, il a droit à ce que la [caisse d’assurance sociale] lui rembourse l’indemnisation qu’il a payée à concurrence du montant qu’il était tenu de verser en réparation audit employé. »

Le code du travail

– Dispositions relatives à l’insolvabilité de l’employeur

11 L’article 21 du zákon č. 311/2001 Z. z., zákonník práce (loi no 311/2001 portant code de travail), dans sa version applicable jusqu’au 31 décembre 2003 (ci-après le « code du travail »), était ainsi libellé :

« 1.   Aux fins du règlement des créances des travailleurs salariés résultant d’une relation de travail en cas d’insolvabilité, l’employeur est considéré comme se trouvant en état d’insolvabilité lorsque, faisant suite à l’introduction d’une demande de déclaration de faillite,

a) une juridiction a déclaré la faillite ou

b) une juridiction a rejeté la demande de déclaration de faillite en raison de l’insuffisance de l’actif.

2.   L’insolvabilité de l’employeur débute à la date de la décision de justice déclarant la faillite ou rejetant la demande de déclaration de faillite en raison de l’insuffisance de l’actif. »

12 L’article 22 du code du travail prévoyait :

« 1.   Si un employeur devient insolvable conformément à l’article 21 et n’est pas en mesure de régler les créances des travailleurs salariés résultant d’une relation de travail, le fonds de garantie règle ces créances conformément à la réglementation spécifique applicable.

2.   Les créances des travailleurs salariés résultant d’une relation de travail qui sont réglées par le fonds de garantie [...] sont les suivantes :

a) le salaire et la rémunération due pour les périodes de garde ;

b) la rémunération due pour les jours fériés et en cas d’empêchement de travailler ;

c) la rémunération due pour les jours de congé payé acquis pendant l’année civile au cours de laquelle l’employeur est devenu insolvable et pendant l’année civile précédente ;

d) l’indemnité de départ due au travailleur salarié en cas de cessation de la relation de travail ;

e) l’indemnité due en cas de cessation immédiate de la relation de travail (article 69) ;

f) l’indemnité due en cas de cessation non valable de la relation de travail (article 79) ;

g) les frais de voyage, de déménagement et autres exposés par le travailleur salarié dans l’exercice de ses fonctions ;

h) les dommages-intérêts dus à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ;

i) les frais de justice exposés pour faire valoir les créances du travailleur salarié résultant de la relation de travail devant une juridiction en raison de la dissolution de l’employeur, y compris les frais de représentation juridique. »

– Dispositions relatives à la responsabilité civile de l’employeur

13 Aux termes de l’article 195 dudit code :

« 1.   Les dommages corporels subis par un employé dans l’exercice de ses fonctions ou en relation directe avec celles-ci, ou son décès résultant d’un accident (accident du travail) relèvent de la responsabilité de l’employeur pour lequel l’employé travaillait au moment de son accident.

[...]

6.   L’employeur est responsable du dommage même s’il a respecté les obligations découlant des réglementations spéciales et des autres réglementations visant à assurer la sécurité et la protection de la santé au travail [...] ».

14 L’article 204, paragraphe 1, du même code disposait, au sujet de l’étendue des réparations devant être octroyées dans le cadre de la responsabilité objective de l’employeur en cas de décès à la suite d’un accident de travail :

« En cas de décès d’un travailleur salarié à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, sont accordés, dans les limites de la responsabilité de l’employeur :

a) une indemnité correspondant aux frais médicaux effectivement encourus valablement ;

b) une indemnité correspondant aux frais raisonnables liés aux funérailles ;

c) une indemnité correspondant aux frais d’entretien des survivants ;

d) un montant forfaitaire destiné à dédommager les survivants ;

e) une indemnité à titre de réparation du préjudice matériel ; les dispositions de l’article 192, paragraphe 3, s’appliquent également. »

15 L’article 210 de ce code du travail énonçait :

« 1.   L’employeur qui emploie au moins un travailleur salarié est assuré pour sa responsabilité en cas de dommages résultant d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.

2.   L’assurance responsabilité civile de l’employeur est fournie par la caisse d’assurance sociale conformément à la réglementation spécifique applicable. »

La loi relative à l’assurance sociale

16 Le zákon č. 461/2003 Z. z. o sociálnom poistení v znení neskorších predpisov (loi no 461/2003 relative à l’assurance sociale), telle que modifiée (ci-après la « loi no 461/2003 »), visait à transposer les exigences imposées par la directive 80/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1980, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur (JO 1980, L 283, p. 23), abrogée et remplacée par la directive
2008/94, à travers le système de la garantie subsidiaire obligatoire de l’employeur en cas d’insolvabilité.

17 Depuis le 1er janvier 2004, en vertu de l’article 2, sous d), de cette loi, la garantie subsidiaire est une assurance sociale couvrant les cas d’insolvabilité de l’employeur, destinée à satisfaire les créances des employés par le versement de prestations de cette garantie.

18 L’article 12 de ladite loi détermine le moment à partir duquel un employeur est considéré comme étant insolvable aux fins de la garantie subsidiaire.

Dans sa version en vigueur jusqu’au 31 juillet 2006, il disposait :

« 1. L’employeur est insolvable si

a) une juridiction l’a déclaré en faillite ou

b) une juridiction a rejeté une demande de mise en faillite pour insuffisance d’actifs.

2. Le premier jour de l’insolvabilité de l’employeur est le jour du prononcé de l’ordonnance de mise en faillite par la juridiction ou le jour où la juridiction rend l’ordonnance par laquelle elle rejette la demande de mise en faillite pour insuffisance d’actifs. »

Dans sa version en vigueur à compter du 1er janvier 2012, cette disposition prévoit :

« 1. Aux fins de la présente loi, l’employeur est insolvable si une demande de mise en faillite a été déposée.

2. L’insolvabilité de l’employeur naît le jour de la notification de la demande de mise en faillite à la juridiction compétente.

3. Si une juridiction ouvre une procédure d’insolvabilité d’office en application d’une réglementation spéciale, le jour où la juridiction rend son ordonnance d’ouverture de la procédure d’insolvabilité est considéré comme étant le jour où naît l’insolvabilité de l’employeur. »

La loi relative à la faillite

19 Selon l’article 3, paragraphe 2, troisième et quatrième phrases du zákon č. 7/2005 Z. z., o konkurze a reštrukturalizácii a o zmene a doplnení niektorých zákonov (loi no 7/2005 relative à la faillite et la restructuration et modifiant certaines lois, ci-après la « loi relative à la faillite »), une personne physique est insolvable si elle n’est pas capable de remplir au moins une obligation monétaire 180 jours après la date d’échéance. Dans le cas où une créance pécuniaire opposable à un débiteur
ne peut être recouvrée dans le cadre d’une exécution forcée, le débiteur est considéré comme étant insolvable.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

20 Le 16 octobre 2003, RL, époux de NI et père de OJ et PK, est décédé à la suite d’un accident du travail relevant de la responsabilité de son employeur.

21 Par requête du 21 avril 2004 déposée devant l’Okresný súd Košice II (tribunal de district de Košice II, Slovaquie), NI, OJ et PK, parties requérantes au principal, ont introduit contre l’employeur une action en indemnisation du préjudice moral et matériel qu’elles estimaient avoir subi à la suite du décès de RL.

22 Cette juridiction leur a accordé, au terme de deux procédures distinctes, une indemnité au titre du préjudice moral et matériel, respectivement, au cours des années 2012 et 2016. La première décision a été confirmée en appel au cours de l’année 2013.

23 Les dommages-intérêts pour le préjudice matériel, accordés au cours de l’année 2016, ont été versés intégralement, pour le compte de l’employeur concerné, par la caisse d’assurance sociale dans le cadre de l’assurance légale de l’employeur couvrant la responsabilité de celui-ci pour les dommages causés par les accidents du travail.

24 Cependant, la caisse d’assurance sociale a refusé de payer la somme accordée au titre de l’indemnisation du préjudice moral au motif que la réparation des dommages causés par les accidents du travail ne comprenait pas la réparation de ce préjudice.

25 La procédure d’exécution menée par un huissier de justice à l’encontre de l’employeur afin d’obtenir cette indemnité s’est soldée par un échec en raison de l’état d’insolvabilité dans lequel se trouvait cet employeur. Aucun règlement, même partiel de ladite indemnité, n’a été effectué en faveur des parties requérantes.

26 Celles-ci ont alors introduit un recours devant la juridiction de renvoi, l’Okresný súd Košice I (tribunal de district de Košice I, Slovaquie), contre la caisse d’assurance sociale tendant au paiement de ladite indemnité.

27 Cette juridiction nourrit des doutes sur l’interprétation qu’il convient de donner à la notion d’« état d’insolvabilité », au sens de la directive 2008/94, ainsi que sur l’interprétation restrictive de la notion de « préjudice » soutenue par la caisse d’assurance sociale pour s’opposer à ce paiement.

28 À cet égard, s’appuyant sur la prémisse selon laquelle l’assurance obligatoire de l’employeur pour les dommages causés par un accident du travail est une mesure pour protéger les travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur, ladite juridiction se demande si « une créance impayée d’un travailleur salarié », au sens de l’article 3 de la directive 2008/94, peut inclure une indemnité pour préjudice moral due à des survivants proches. Cette assurance permettrait aux ayants droit
d’obtenir directement réparation du préjudice résultant de l’accident du travail par « une institution de garantie », à savoir, en l’occurrence, la caisse d’assurance sociale, en lieu et place de l’employeur assuré.

29 En cas d’insolvabilité de l’employeur, un travailleur salarié a, selon la juridiction de renvoi, en vertu de l’article 204, paragraphe 1, du code du travail, lu en combinaison avec l’article 44a, paragraphe 2, de la loi no 274/1994, droit au paiement, par ladite caisse, d’indemnités pour des « dommages corporels » à la suite d’un accident de travail, en lieu et place de l’employeur. En cas de décès d’un employé à la suite d’un tel accident, ces dispositions garantissent également, selon la
juridiction de renvoi, un droit direct aux survivants à obtenir réparation du préjudice subi par ces derniers consécutif à cet accident.

30 La juridiction de renvoi se demande, dès lors, si, eu égard à la notion de « préjudice » figurant à l’article 44a, paragraphe 2, de la loi no 274/1994, l’obligation de garantie de la caisse d’assurance sociale de réparer les dommages résultant d’un accident du travail vise également l’indemnisation d’un préjudice moral subi par les survivants.

31 Par ailleurs, étant donné que, dans le cadre de la directive 2008/94, l’état d’insolvabilité de l’employeur est une condition préalable à la protection des créances impayées résultant de contrats de travail, la juridiction de renvoi s’interroge sur la portée de cette notion.

32 Selon elle, l’article 2 de la directive 2008/94, lu à la lumière du considérant 4 de celle-ci, milite en faveur d’une interprétation extensive de la notion d’« insolvabilité », dans l’intérêt d’une protection équitable de la créance en question. Par conséquent, elle se demande si une situation telle que celle en cause au principal peut tomber dans le champ d’application de cette directive. À cet égard, elle observe que, bien qu’aucune procédure de faillite n’ait été formellement initiée contre
l’employeur au principal, le droit slovaque prévoit que, dans l’hypothèse où une créance serait irrécouvrable dans une procédure d’exécution, une personne physique serait considérée comme étant insolvable.

33 Dans ces conditions, l’Okresný súd Košice I (tribunal de district de Košice I) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 3 de la directive 2008/94 doit-il être interprété en ce sens que la notion de “créances impayées des travailleurs salariés résultant de contrats de travail” comprend également le préjudice moral subi du fait du décès d’un employé à la suite d’un accident du travail ?

2) L’article 2 de la directive 2008/94 doit-il être interprété en ce sens que se trouve également en état d’insolvabilité un employeur ayant fait l’objet d’une demande d’ouverture d’une procédure d’exécution au titre d’un droit à réparation reconnu par une décision de justice pour le préjudice moral causé par le décès d’un employé à la suite d’un accident du travail, bien que la créance ait été déclarée irrécouvrable dans la procédure d’exécution en raison de l’indigence de l’employeur ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la compétence ratione temporis

34 Le gouvernement slovaque conteste la compétence ratione temporis de la Cour, soutenant que la jurisprudence sur laquelle s’appuie la juridiction de renvoi, notamment l’arrêt du 14 juin 2007, Telefónica O2 Czech Republic (C‑64/06, EU:C:2007:348), selon laquelle la Cour est compétente bien que les faits aient débuté avant l’adhésion de cet État membre à l’Union européenne, étant donné qu’ils se sont poursuivis pendant la période postérieure à cette adhésion et qu’une décision judiciaire de nature
constitutive a été adoptée après ladite adhésion, n’est pas applicable à la présente affaire.

35 En effet, d’une part, le droit à la réparation du préjudice moral subi par les requérantes au principal serait né à la date à laquelle l’accident de travail en question s’est produit, à savoir le 16 octobre 2003, donc avant l’adhésion de la République slovaque à l’Union, le 1er mai 2004. D’autre part, les jugements accordant l’indemnité, intervenus au cours des années 2012 et 2013, seraient, en l’espèce, déclaratifs et non pas constitutifs. Ces décisions ne créeraient donc pas une nouvelle
relation de droit, mais procureraient uniquement une protection juridique à un droit qui existait déjà avant l’adhésion.

36 En outre, bien que la juridiction de renvoi s’appuie sur l’article 44a, paragraphe 4, de la loi no 274/1994 pour considérer que le risque assuré est réputé réalisé à la date de la décision définitive, à savoir au cours de l’année 2013, ni le droit à réparation du préjudice moral ni la créance alléguée dans l’affaire au principal, fondée sur ce droit, ne relèveraient de la réglementation régissant l’assurance de la responsabilité pour dommages causés par un accident du travail, dont fait partie
ladite disposition. Ces droits relèveraient, en revanche, du code civil. En tout état de cause, même si tel n’était pas le cas, la créance au titre de l’assurance accidents du travail devrait être appréciée, en vertu de la législation nationale applicable, au regard de la réglementation en vigueur avant l’adhésion de la République slovaque à l’Union. Ce régime juridique serait encore actuellement en vigueur.

37 À cet égard, force est de constater que, indépendamment de la nature des décisions judiciaires relatives à l’indemnité pour le préjudice moral ou de l’applicabilité de l’une ou de l’autre des réglementations nationales susmentionnées, il ressort de la décision de renvoi que le litige au principal est issu, d’une part, du refus de la caisse d’assurance sociale de payer l’indemnité déjà accordée par lesdites décisions judiciaires et, d’autre part, de la constatation de l’état d’insolvabilité de
fait de l’employeur du travailleur décédé.

38 Ces faits à la source du litige au principal sont postérieurs à la date de l’adhésion de la République slovaque à l’Union.

39 Dès lors que le juge national interroge la Cour sur l’interprétation de la législation de l’Union applicable au litige au principal, la Cour statue sans qu’elle ait en principe à s’interroger sur les circonstances dans lesquelles les juridictions nationales ont été amenées à lui poser les questions et se proposent de faire application de la disposition du droit de l’Union qu’elles lui ont demandé d’interpréter (arrêt du 22 décembre 2010, Bezpečnostní softwarová asociace, C‑393/09, EU:C:2010:816,
point 25).

40 Il n’en irait différemment que dans les hypothèses où soit la disposition du droit de l’Union soumise à l’interprétation de la Cour ne serait pas applicable aux faits du litige au principal, qui se seraient déroulés antérieurement à l’adhésion d’un nouvel État membre à l’Union, soit il serait manifeste que ladite disposition ne peut trouver à s’appliquer (arrêt du 22 décembre 2010, Bezpečnostní softwarová asociace, C‑393/09, EU:C:2010:816, point 26 et jurisprudence citée).

41 Or, tel n’est pas le cas en l’espèce. Par conséquent, la Cour est, contrairement à ce qu’allègue le gouvernement slovaque, compétente pour interpréter les dispositions de la directive 2008/94 invoquées par la juridiction de renvoi. Il y a donc lieu de répondre aux questions posées par celle-ci.

Sur la recevabilité

42 Le gouvernement slovaque soulève une exception d’irrecevabilité de la première question. Les doutes exprimés par cet État membre concernent, en substance, l’inexactitude de la construction juridique nationale qui sous-tend cette demande ainsi que la méconnaissance, par la juridiction de renvoi, des exigences posées à l’article 94 du règlement de procédure, notamment en ce que cette juridiction n’indiquerait pas intégralement dans sa demande de décision préjudicielle la nature de la créance
litigieuse, le droit national applicable et n’établirait pas le lien existant entre l’interprétation du droit de l’Union et le litige au principal.

43 À cet égard, il importe de rappeler, en premier lieu, que, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose
à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (arrêt du 5 mars 2019, Eesti Pagar, C‑349/17, EU:C:2019:172, point 47).

44 Il s’ensuit que, même si les observations du gouvernement slovaque quant à l’inexactitude du cadre juridique sur laquelle sont fondées les questions préjudicielles étaient pertinentes, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa propre responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence (arrêt du 3 juillet 2019,
UniCredit Leasing, C‑242/18, EU:C:2019:558, point 46).

45 En outre, la Cour a itérativement jugé qu’il ne lui appartient pas, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, de se prononcer sur l’interprétation des dispositions nationales et de juger si l’interprétation qu’en donne la juridiction nationale est correcte, une telle interprétation relevant en effet de la compétence exclusive des juridictions nationales (arrêt du 3 juillet 2019, UniCredit Leasing, C‑242/18, EU:C:2019:558, point 47 et jurisprudence citée).

46 En second lieu, s’agissant de la méconnaissance alléguée de l’article 94 du règlement de procédure, force est de constater que, en l’occurrence, la demande de décision préjudicielle répond aux critères prescrits par cet article. En effet, cette demande fournit les précisions nécessaires en ce qui concerne les faits pertinents et l’objet du litige au principal, à savoir le paiement d’une indemnisation du préjudice moral subi à la suite du décès d’un employé après un accident du travail. Elle fait
également état de la teneur des dispositions de droit national qui, selon la juridiction de renvoi, sont susceptibles de s’appliquer à l’affaire au principal, à savoir le code du travail, la loi no 274/1994 ainsi que la loi relative à la faillite. Enfin, la juridiction de renvoi indique, d’une part, les raisons qui l’ont conduite à s’interroger sur l’interprétation de la directive 2008/94 et, d’autre part, le lien qu’elle établit entre celle-ci et la législation nationale qu’elle estime être
applicable au litige au principal.

47 Il s’ensuit que la demande, y compris la première question, est recevable.

Sur le fond

48 Dès lors que la protection que la directive 2008/94 vise à offrir suppose le constat de l’état d’insolvabilité de l’employeur, au sens de l’article 2, paragraphe 1, de cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 18 avril 2013, Mustafa, C‑247/12, EU:C:2013:256, point 30), il convient de traiter en premier lieu la seconde question.

Sur la seconde question

49 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2008/94 doit être interprété en ce sens qu’un employeur peut être considéré se trouver en « état d’insolvabilité » lorsque celui-ci a fait l’objet d’une demande d’ouverture d’une procédure d’exécution au titre d’un droit à réparation, reconnu par une décision de justice, mais que la créance a été déclarée irrécouvrable dans le cadre de la procédure d’exécution en raison de l’état
d’insolvabilité de fait de cet employeur.

50 Ainsi que la Cour l’a déjà précisé dans son arrêt du 18 avril 2013, Mustafa (C‑247/12, EU:C:2013:256, points 31 et 32), il résulte des termes mêmes de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2008/94 que deux conditions doivent être réunies pour qu’un employeur soit considéré comme se trouvant en état d’insolvabilité. D’une part, l’ouverture d’une procédure collective fondée sur l’insolvabilité de l’employeur doit avoir été demandée et, d’autre part, soit une décision d’ouverture de cette
procédure, soit, en cas d’insuffisance de l’actif pour justifier l’ouverture d’une telle procédure, une constatation de la fermeture définitive de l’entreprise doit être intervenue.

51 S’agissant de la première de ces conditions, il y a lieu de constater que ni le dépôt d’une demande d’ouverture d’une procédure d’exécution, au titre d’une indemnisation, reconnue en justice, à l’encontre d’un employeur, ni l’ouverture même d’une telle procédure ne répondent à l’exigence que l’ouverture d’une procédure collective fondée sur l’insolvabilité de cet employeur soit demandée.

52 En effet, une procédure d’exécution qui vise la réalisation forcée d’une décision de justice reconnaissant un droit d’un créancier, telle que celle en cause au principal, se distingue sur plusieurs points d’une procédure collective telle qu’envisagée à l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2008/94, notamment, en ce qui concerne d’une part son objectif, en ce qu’elle ne vise pas le désintéressement collectif des créanciers (voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 1997, Bonifaci e.a. et Berto
e.a., C‑94/95 et C‑95/95, EU:C:1997:348, point 34, ainsi du 25 février 2016, Stroumpoulis e.a., C‑292/14, EU:C:2016:116, point 34) et, d’autre part, les conséquences pour le débiteur en question en ce qu’elle n’entraîne ni le dessaisissement partiel ou total du débiteur ni la désignation d’un syndic ou d’une personne exerçant une fonction similaire.

53 Par conséquent, dès lors qu’il découle du libellé de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2008/94 que les deux conditions rappelées au point 50 du présent arrêt doivent être réunies cumulativement, le fait que, en l’absence d’ouverture d’une procédure collective fondée sur l’insolvabilité de l’employeur, une créance ait été déclarée irrécouvrable en raison de l’état d’insolvabilité de fait de cet employeur ne peut suffire à lui seul pour justifier l’application de ladite directive sur le
fondement de cette disposition.

54 Il convient, toutefois, de relever que l’article 2, paragraphe 4, premier alinéa, de la directive 2008/94 confère aux États membres la faculté de légiférer en vertu du droit de l’Union afin d’étendre la protection des travailleurs salariés prévue par cette directive à d’autres situations d’insolvabilité (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2014, Julián Hernández e.a., C‑198/13, EU:C:2014:2055, point 44), par exemple à une situation de fait permanente de cessation de paiement, établies par la
voie de procédures autres que celles mentionnées au paragraphe 1 de cet article 2, qui sont prévues par le droit national.

55 Ainsi, il n’est pas exclu qu’une situation d’insolvabilité de fait telle que celle constatée dans l’affaire au principal et à laquelle la juridiction de renvoi fait référence en se fondant sur la loi relative à la faillite puisse relever des cas visés à l’article 2, paragraphe 4, premier alinéa, de la directive 2008/94.

56 Le gouvernement slovaque fait observer qu’il existe une réglementation nationale spécifique, à savoir la loi no 461/2003, qui définit de manière autonome l’état d’insolvabilité aux fins de la protection des travailleurs salariés, au sens de la directive 2008/94. Cette loi, qui viserait précisément à transposer cette directive, rattacherait la preuve de la condition de l’insolvabilité de l’employeur aux fins de l’assurance sociale couvrant les cas d’insolvabilité de l’employeur, exclusivement à
une procédure spécifique d’insolvabilité, prévue à son article 12.

57 Selon le gouvernement slovaque, ladite loi s’applique à tous les cas dans lesquels l’insolvabilité est postérieure au 1er janvier 2004 et devrait être considérée comme étant une lex specialis au regard de la loi relative à la faillite invoquée par la juridiction de renvoi. En effet, seule la loi no 461/2003 régirait spécifiquement l’insolvabilité de l’employeur, tandis que la loi relative à la faillite, sur laquelle s’est fondée la juridiction de renvoi, définirait de manière générale
l’insolvabilité aux fins de la procédure d’insolvabilité.

58 Il s’ensuivrait que la constatation d’un état d’insolvabilité de fait, en vertu de la loi relative à la faillite à laquelle la juridiction de renvoi fait référence, ne suffirait pas, en l’occurrence, pour établir que la condition d’insolvabilité est remplie, au sens du droit national applicable.

59 Toutefois, eu égard à la répartition des compétences entre la Cour et les juridictions nationales, telle que rappelée aux points 44 et 45 du présent arrêt, c’est à la juridiction nationale qu’il appartient, en l’occurrence, d’apprécier, d’une part, s’il convient d’appliquer aux faits en cause au principal la législation spécifique décrite par le gouvernement slovaque dans ses observations écrites et résumée aux points 56 à 58 du présent arrêt et, d’autre part, si le législateur slovaque a fait
usage de la possibilité offerte à l’article 2, paragraphe 4, de la directive 2008/94 en étendant la protection prévue par celle-ci à d’autres situations d’insolvabilité, telle que celle constatée dans l’affaire au principal.

60 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la seconde question que l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2008/94 doit être interprété en ce sens qu’un employeur ne peut être considéré comme se trouvant en « état d’insolvabilité » lorsqu’il a fait l’objet d’une demande d’ouverture d’une procédure d’exécution au titre d’un droit à réparation, reconnu par une décision de justice, mais que la créance a été déclarée irrécouvrable dans le cadre de la
procédure d’exécution en raison de l’insolvabilité de fait de cet employeur. Il appartient cependant à la juridiction de renvoi de vérifier si, conformément à l’article 2, paragraphe 4, de cette directive, l’État membre concerné a décidé d’étendre la protection des travailleurs salariés prévue par ladite directive à une telle situation d’insolvabilité, établie par la voie de procédures autres que celles mentionnées audit article 2, paragraphe 1, qui sont prévues par le droit national.

Sur la première question

61 Dès lors que l’applicabilité de la directive 2008/94 dépend du constat de l’état d’insolvabilité de l’employeur, la Cour ne répond à la première question que dans l’hypothèse où la juridiction de renvoi aurait constaté, d’une part, que le législateur slovaque a étendu la protection des travailleurs salariés prévue par cette directive à d’autres situations d’insolvabilité et, d’autre part, que les conditions prévues par le droit national à cet égard sont remplies.

62 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 1, et l’article 3 de la directive 2008/94 doivent être interprétés en ce sens qu’une indemnité due par un employeur aux proches survivants au titre du préjudice moral subi du fait du décès d’un employé à la suite d’un accident de travail peut être considérée comme constituant une « créance de travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations de travail », au sens de
l’article 1er, paragraphe 1, de cette directive.

63 La première question porte donc sur la délimitation de la notion de « créance de travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations de travail », qui fait l’objet de l’obligation de paiement par les institutions de garantie, prévue à l’article 3, de la directive 2008/94.

64 Selon une jurisprudence bien établie de la Cour, la finalité sociale de cette directive consiste à garantir à tous les travailleurs salariés un minimum de protection à l’échelle de l’Union en cas d’insolvabilité de l’employeur par le paiement des créances impayées résultant de contrats ou de relations de travail et portant sur la rémunération afférente à une période déterminée (voir, arrêt du 25 juillet 2018, Guigo, C‑338/17, EU:C:2018:605, point 28 et jurisprudence citée).

65 À cet égard, il découle d’une lecture combinée de l’article 1er, paragraphe 1, et de l’article 3 de la directive 2008/94 ainsi que de la jurisprudence de la Cour, relative tant à cette directive qu’à la directive 80/987, abrogée par ladite directive, que sont seulement visées les créances des travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations de travail lorsque ces créances portent sur la rémunération. Ne sont donc pas visées, sans distinction, toutes les créances des
travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations de travail (voir, en ce sens, arrêts du 16 décembre 2004, Olaso Valero, C‑520/03, EU:C:2004:826, point 30 et jurisprudence citée, ainsi que du 28 juin 2018, Checa Honrado, C‑57/17, EU:C:2018:512, point 28).

66 Ainsi, les États membres sont tenus d’assurer, dans la limite d’un plafond qu’ils sont en droit de fixer pour la garantie des créances impayées, le paiement de la totalité desdites créances (voir, arrêt du 2 mars 2017, Eschenbrenner, C‑496/15, EU:C:2017:152, point 53).

67 Cependant, si les institutions de garantie doivent ainsi prendre en charge lesdites rémunérations impayées, c’est au droit national qu’il incombe de définir, en application de l’article 2, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 2008/94, le terme « rémunération » (voir, en ce sens, arrêt du 2 mars 2017, Eschenbrenner, C‑496/15, EU:C:2017:152, point 54), et, dès lors, de préciser quelles indemnités relèvent du champ d’application de l’article 3, premier alinéa, de cette directive (voir arrêt
du 28 juin 2018, Checa Honrado, C‑57/17, EU:C:2018:512, point 30).

68 Par conséquent, la question de savoir si une indemnité due par un employeur aux proches survivants au titre du préjudice moral subi du fait du décès d’un employé à la suite d’un accident de travail, telle que l’indemnisation en cause au principal, relève de la notion de « rémunération » doit être résolue à l’aune du droit national, en l’occurrence le droit slovaque. Il incombe donc à la juridiction nationale de déterminer si tel est effectivement le cas.

69 Par ailleurs, il convient de signaler que l’article 11, premier alinéa, de la directive 2008/94 confère aux États membres la faculté d’appliquer ou d’introduire des dispositions plus favorables aux travailleurs salariés.

70 Ainsi, une protection accrue peut être offerte en imposant à l’institution de garantie de couvrir des frais autres que ceux de nature salariale dus aux travailleurs salariés.

71 Cependant, il découle de la jurisprudence de la Cour relative à l’exercice par un État membre de ses compétences propres, que ces dispositions nationales sont régies par le droit national dans les limites de la protection minimale assurée par la directive en cause (voir, en ce sens, arrêts du 19 novembre 2019, TSN et AKT, C‑609/17 et C‑610/17, EU:C:2019:981, points 34 et 35 ainsi que du 4 juin 2020, Fetico e.a., C‑588/18, EU:C:2020:420, points 31 et 32).

72 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 1er, paragraphe 1, et l’article 3 de la directive 2008/94 doivent être interprétés en ce sens qu’une indemnité due par un employeur aux proches survivants au titre du préjudice moral subi du fait du décès d’un employé à la suite d’un accident de travail ne peut être considérée comme constituant une « créance de travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations
de travail », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de cette directive que lorsqu’elle relève de la notion de « rémunération », telle que celle-ci est précisée par le droit national, ce qu’il incombe au juge national de déterminer.

Sur les dépens

73 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

  1) L’article 2, paragraphe 1, de la directive 2008/94/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, relative à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur, doit être interprété en ce sens qu’un employeur ne peut être considéré comme se trouvant en « état d’insolvabilité » lorsqu’il a fait l’objet d’une demande d’ouverture d’une procédure d’exécution au titre d’un droit à réparation, reconnu par une décision de justice, mais que la créance a été
déclarée irrécouvrable dans le cadre de la procédure d’exécution en raison de l’insolvabilité de fait de cet employeur. Il appartient cependant à la juridiction de renvoi de vérifier si, conformément à l’article 2, paragraphe 4, de cette directive, l’État membre concerné a décidé d’étendre la protection des travailleurs salariés prévue par ladite directive à une telle situation d’insolvabilité, établie par la voie de procédures autres que celles mentionnées audit article 2, paragraphe 1, qui
sont prévues par le droit national.

  2) L’article 1er, paragraphe 1, et l’article 3 de la directive 2008/94/CE doivent être interprétés en ce sens qu’une indemnité due par un employeur aux proches survivants au titre du préjudice moral subi du fait du décès d’un employé à la suite d’un accident de travail ne peut être considérée comme constituant une « créance de travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations de travail », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de cette directive que lorsqu’elle relève de la
notion de « rémunération », telle que celle-ci est précisée par le droit national, ce qu’il incombe au juge national de déterminer.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le slovaque.


Synthèse
Formation : Huitième chambre
Numéro d'arrêt : C-799/19
Date de la décision : 25/11/2020
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par l'Okresný súd Košice I.

Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Directive 2008/94/CE – Articles 2 et 3 – Protection des travailleurs en cas d’insolvabilité de l’employeur – Notions de “créances impayées des travailleurs salariés” et d’“insolvabilité d’un employeur” – Accident du travail – Décès de l’employé – Indemnité du préjudice moral – Recouvrement de la créance auprès de l’employeur – Impossibilité – Institution de garantie.

Politique sociale


Parties
Demandeurs : NI e.a.
Défendeurs : Sociálna poisťovňa.

Composition du Tribunal
Avocat général : Richard de la Tour
Rapporteur ?: Prechal

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2020:960

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