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16/07/2020 | CJUE | N°C-771/18

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Commission européenne contre Hongrie., 16/07/2020, C-771/18


 ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

16 juillet 2020 ( *1 )

« Manquement d’État – Marchés intérieurs de l’électricité et du gaz naturel – Réseaux de transport de l’électricité et du gaz naturel – Conditions d’accès – Règlement (CE) no 714/2009 – Article 14, paragraphe 1 – Règlement (CE) no 715/2009 – Article 13, paragraphe 1 – Coûts – Fixation des redevances d’accès aux réseaux – Directive 2009/72/CE – Article 37, paragraphe 17 – Directive 2009/73/CE – Article 41, paragraphe 17 – Voies de r

ecours internes – Principe de protection juridictionnelle effective »

Dans l’affaire C‑771/18,

ayant pour objet un recours en manquement...

 ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

16 juillet 2020 ( *1 )

« Manquement d’État – Marchés intérieurs de l’électricité et du gaz naturel – Réseaux de transport de l’électricité et du gaz naturel – Conditions d’accès – Règlement (CE) no 714/2009 – Article 14, paragraphe 1 – Règlement (CE) no 715/2009 – Article 13, paragraphe 1 – Coûts – Fixation des redevances d’accès aux réseaux – Directive 2009/72/CE – Article 37, paragraphe 17 – Directive 2009/73/CE – Article 41, paragraphe 17 – Voies de recours internes – Principe de protection juridictionnelle effective »

Dans l’affaire C‑771/18,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 7 décembre 2018,

Commission européenne, représentée par Mmes O. Beynet et K. Talabér-Ritz, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Hongrie, représentée initialement par M. M. Z. Fehér et Mme Z. Wagner, puis par M. M. Z. Fehér, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. S. Rodin, président de chambre, MM. D. Šváby et N. Piçarra (rapporteur), juges,

avocat général : M. E. Tanchev,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que :

– en ne prenant pas en compte, lors de la fixation des redevances d’accès aux réseaux, les coûts effectivement encourus par les gestionnaires de réseau, la Hongrie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 14, paragraphe 1, du règlement (CE) no 714/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, sur les conditions d’accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d’électricité et abrogeant le règlement (CE) no 1228/2003 (JO 2009, L 211, p. 15), tel que
modifié par le règlement (UE) no 347/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 avril 2013 (JO 2013, L 115, p. 39) (ci-après le « règlement no 714/2009 »), ainsi que de l’article 13, paragraphe 1, du règlement (CE) no 715/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant les conditions d’accès aux réseaux de transport de gaz naturel et abrogeant le règlement (CE) no 1775/2005 (JO 2009, L 211, p. 36), tel que modifié par le règlement no 347/2013 (ci-après le
« règlement no 715/2009 »), et que,

– en n’établissant pas de mécanisme approprié pour assurer un droit de recours contre les décisions de l’autorité de régulation nationale, au sens de l’article 37, paragraphe 17, de la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE (JO 2009, L 211, p. 55), ainsi que de l’article 41, paragraphe 17, de la directive 2009/73/CE du Parlement européen et du
Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 2003/55/CE (JO 2009, L 211, p. 94), la Hongrie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu desdites dispositions des directives 2009/72 et 2009/73.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement no 714/2009

2 Aux termes des considérants 3, 14 et 16 du règlement no 714/2009 :

« (3) [...] [À] l’heure actuelle, il existe des obstacles à la vente de l’électricité dans des conditions identiques et sans subir de discrimination ni de désavantages dans la Communauté. Il reste notamment à mettre en place un accès non discriminatoire au réseau et une surveillance réglementaire d’une efficacité comparable dans chaque État membre, et des marchés isolés subsistent.

[...]

(14) Un système adéquat de signaux de localisation à long terme est nécessaire et repose sur le principe selon lequel le niveau des redevances d’accès aux réseaux devrait refléter l’équilibre entre la production et la consommation de la région concernée, sur la base d’une différenciation des redevances d’accès aux réseaux supportées par les producteurs et/ou les consommateurs.

[...]

(16) L’établissement de redevances non discriminatoires et transparentes pour l’utilisation du réseau, y compris les lignes d’interconnexions, est une condition préalable à une véritable concurrence sur le marché intérieur de l’électricité. La capacité disponible de ces lignes devrait être utilisée à son maximum dans le respect des normes de sécurité de l’exploitation sûre du réseau. »

3 L’article 11 de ce règlement dispose :

« Les coûts liés aux activités du [réseau européen des gestionnaires de réseau de transport (REGRT)] pour l’électricité visées aux articles 4 à 12 du présent règlement, ainsi qu’à l’article 11 du règlement (UE) no 347/2013, sont pris en charge par les gestionnaires de réseau de transport et sont pris en compte dans le calcul des tarifs. Les autorités de régulation n’approuvent ces coûts que si ceux-ci sont raisonnables et proportionnés. »

4 L’article 14 dudit règlement prévoit :

« 1.   Les redevances d’accès aux réseaux appliquées par les gestionnaires de réseau sont transparentes, tiennent compte de la nécessité de garantir la sécurité des réseaux et reflètent les coûts effectivement engagés dans la mesure où ils correspondent à ceux d’un gestionnaire de réseau efficace et ayant une structure comparable et elles sont appliquées d’une manière non discriminatoire. Ces redevances ne sont pas fonction de la distance.

2.   Le cas échéant, le niveau des tarifs appliqués aux producteurs et/ou aux consommateurs intègre des signaux de localisation au niveau communautaire et prend en considération les pertes de réseau et la congestion causées, ainsi que les coûts d’investissement relatifs aux infrastructures.

3.   Lors de la fixation des redevances d’accès aux réseaux, les éléments ci-après sont pris en considération :

a) les paiements et les recettes résultant du mécanisme de compensation entre gestionnaires de réseau ;

b) les paiements effectivement réalisés et reçus, ainsi que les paiements attendus pour les périodes futures, estimés sur la base des périodes passées.

[...] »

Le règlement no 715/2009

5 Les considérants 7 et 8 du règlement no 715/2009 énoncent :

« (7) Il convient de préciser les critères en fonction desquels les tarifs d’accès au réseau sont déterminés, afin de garantir qu’ils respectent totalement le principe de non-discrimination et les exigences de bon fonctionnement du marché intérieur, qu’ils tiennent pleinement compte de la nécessaire intégrité du système et qu’ils reflètent les coûts réels supportés, dans la mesure où ces coûts correspondent à ceux d’un gestionnaire de réseau efficace et ayant une structure comparable et sont
transparents, tout en comprenant un rendement approprié des investissements et en prenant en considération, le cas échéant, les analyses comparatives des tarifs réalisées par les autorités de régulation.

(8) Dans le calcul des tarifs d’accès aux réseaux, il est important de tenir compte des coûts réels supportés, dans la mesure où ces coûts correspondent à ceux d’un gestionnaire de réseau efficace et ayant une structure comparable, et où ils sont transparents, ainsi que de la nécessité d’offrir un rendement approprié des investissements et des incitations pour construire de nouvelles infrastructures, notamment une réglementation spécifique réservée aux nouveaux investissements, telle qu’elle est
prévue dans la directive 2009/73/CE. À cet égard, et notamment en présence d’une concurrence réelle entre gazoducs, l’analyse comparative des tarifs par les autorités de régulation représente un élément de réflexion important. »

6 L’article 11 de ce règlement dispose :

« Les coûts liés aux activités du REGRT pour le gaz visées aux articles 4 à 12 du présent règlement, et à l'article 11 du règlement (UE) no 347/2013 sont pris en charge par les gestionnaires de réseau de transport et sont pris en compte dans le calcul des tarifs. Les autorités de régulation n’approuvent ces coûts que si ceux-ci sont raisonnables et appropriés. »

7 L’article 13, paragraphe 1, dudit règlement prévoit :

« Les tarifs, ou leurs méthodologies de calcul, appliqués par les gestionnaires de réseau de transport et approuvés par les autorités de régulation conformément à l’article 41, paragraphe 6, de la directive 2009/73/CE, ainsi que les tarifs publiés conformément à l’article 32, paragraphe 1, de ladite directive, sont transparents, tiennent compte de la nécessaire intégrité du réseau et de la nécessité de l’améliorer, et reflètent les coûts réels supportés, dans la mesure où ces coûts correspondent à
ceux d’un gestionnaire de réseau efficace et ayant une structure comparable et sont transparents, tout en comprenant un rendement approprié des investissements, et prennent en considération, le cas échéant, les analyses comparatives des tarifs réalisées par les autorités de régulation. Les tarifs, ou leurs méthodologies de calcul, sont appliqués de façon non discriminatoire.

[...] »

La directive 2009/72

8 Aux termes de l’article 1er de la directive 2009/72 :

« La présente directive établit des règles communes concernant la production, le transport, la distribution et la fourniture d’électricité, ainsi que des dispositions relatives à la protection des consommateurs, en vue de l’amélioration et de l’intégration de marchés de l’électricité compétitifs dans la Communauté. Elle définit les modalités d’organisation et de fonctionnement du secteur de l’électricité, l’accès ouvert au marché, les critères et les procédures applicables en ce qui concerne les
appels d’offres et l’octroi des autorisations ainsi que l’exploitation des réseaux. Elle définit également les obligations de service universel et les droits des consommateurs d’électricité, et clarifie les obligations en matière de concurrence. »

9 L’article 37 de cette directive dispose :

« 1.   L’autorité de régulation est investie des missions suivantes :

a) fixer ou approuver, selon des critères transparents, les tarifs de transport ou de distribution ou leurs méthodes de calcul ;

[...]

6.   Les autorités de régulation se chargent de fixer ou d’approuver, suffisamment à l’avance avant leur entrée en vigueur, au moins les méthodes utilisées pour calculer ou établir :

a) les conditions de raccordement et d’accès aux réseaux nationaux, y compris les tarifs de transport et de distribution ou leurs méthodes. Ces tarifs ou méthodes permettent de réaliser les investissements nécessaires à la viabilité des réseaux ;

[...]

8.   Lors de la fixation ou de l’approbation des tarifs ou des méthodes et des services d’ajustement, les autorités de régulation prévoient des mesures incitatives appropriées, tant à court terme qu’à long terme, pour encourager les gestionnaires de réseau de transport et de distribution à améliorer les performances, à favoriser l’intégration du marché et la sécurité de l’approvisionnement et à soutenir les activités de recherche connexes.

[...]

17.   Les États membres veillent à ce que des mécanismes appropriés, à l’échelon national, permettent à une partie lésée par une décision d’une autorité de régulation d’exercer un recours auprès d’un organisme indépendant des parties concernées et de tout gouvernement. »

La directive 2009/73

10 Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2009/73 :

« La présente directive établit des règles communes concernant le transport, la distribution, la fourniture et le stockage de gaz naturel. Elle définit les modalités d’organisation et de fonctionnement du secteur du gaz naturel, l’accès au marché, les critères et les procédures applicables en ce qui concerne l’octroi d’autorisations pour le transport, la distribution, la fourniture et le stockage de gaz naturel ainsi que l’exploitation des réseaux. »

11 L’article 41 de cette directive prévoit :

« 1.   L’autorité de régulation est investie des missions suivantes :

a) fixer ou approuver, selon des critères transparents, les tarifs de transport et de distribution ou leurs méthodes de calcul ;

[...]

6.   Les autorités de régulation se chargent de fixer ou d’approuver, suffisamment à l’avance avant leur entrée en vigueur, au moins les méthodes utilisées pour calculer ou établir :

a) les conditions de raccordement et d’accès aux réseaux nationaux, y compris les tarifs de transport et de distribution et les conditions et tarifs d’accès aux installations de [gaz naturel liquéfié (GNL)]. Ces tarifs ou méthodes permettent de réaliser les investissements nécessaires à la viabilité des réseaux et des installations de GNL ;

[...]

8.   Lors de la fixation ou de l’approbation des tarifs ou des méthodes et des services d’équilibrage, les autorités de régulation prévoient des mesures incitatives appropriées, tant à court terme qu’à long terme, pour encourager les gestionnaires de réseau de transport et de distribution à améliorer les performances, à favoriser l’intégration du marché et la sécurité de l’approvisionnement et à soutenir les activités de recherche connexes.

[...]

17.   Les États membres veillent à ce que des mécanismes appropriés, à l’échelon national, permettent à une partie lésée par une décision d’une autorité de régulation d’exercer un recours auprès d’un organisme indépendant des parties concernées et de tout gouvernement. »

Le droit hongrois

La loi relative à l’électricité

12 L’article 178 SZ de la loi no LXXXVI de 2007 relative à l’électricité (ci-après la « loi relative à l’électricité ») prévoit :

« 1.   Dans leur gestion des facturations, les titulaires d’une autorisation en application de la présente loi et les titulaires d’une autorisation de ligne privée ne peuvent pas répercuter sur leurs clients contractuels les frais en relation avec la taxe sur les transactions financières (ci-après les “frais de transaction”) à laquelle les assujettit la loi no CXVI de 2012 relative à une taxe sur les transactions financières. Par conséquent, les frais de transaction ne peuvent pas être intégrés,
directement ou indirectement, dans le prix du produit ou du service fourni par les titulaires susmentionnés, et ne peuvent pas être facturés séparément, mais sont supportés en propre par lesdits titulaires.

2.   Les titulaires d’une autorisation en application de la présente loi ne peuvent pas répercuter sur leurs clients contractuels l’impôt spécial sur les revenus et la taxe sur les réseaux des services d’utilité publique (ci-après, ensemble, les “impôts spéciaux”) auxquels les assujettissent la loi no LXVII de 2008 sur la compétitivité du chauffage urbain et la loi no CLXVIII de 2012 relative à la taxe sur les réseaux des services d’utilité publique (ci-après, ensemble, les “lois sur les impôts
spéciaux”). Par conséquent, les impôts spéciaux ne peuvent pas être intégrés, directement ou indirectement, dans le prix du produit ou du service fourni par les titulaires susmentionnés, et ne peuvent pas être facturés séparément. La charge fiscale est supportée en propre par les assujettis, au sens des lois sur les impôts spéciaux. »

La loi relative à l’approvisionnement en gaz naturel

13 Selon l’article 103 de la loi no XL de 2008 relative à l’approvisionnement en gaz naturel (ci-après la « loi relative à l’approvisionnement en gaz naturel ») :

« [...]

4.   Les producteurs et les titulaires d’une autorisation en application de la présente loi ne peuvent pas répercuter sur leurs clients contractuels l’impôt spécial sur les revenus et la taxe sur les réseaux des services d’utilité publique (ci-après, ensemble, les “impôts spéciaux”) auxquels les assujettissent la loi no LXVII de 2008 sur la compétitivité du chauffage urbain et la loi no CLXVIII de 2012 relative à la taxe sur les réseaux des services d’utilité publique (ci-après, ensemble, les
“lois sur les impôts spéciaux”). Par conséquent, les impôts spéciaux ne peuvent pas être intégrés, directement ou indirectement, dans le prix du produit ou du service fourni par les producteurs et titulaires susmentionnés, et ne peuvent pas être facturés séparément. La charge fiscale est supportée en propre par les assujettis au sens des lois sur les impôts spéciaux.

4a.   Dans leur gestion des facturations, les producteurs et les titulaires d’une autorisation en application de la présente loi ne peuvent pas répercuter sur leurs clients contractuels les frais en relation avec la taxe sur les transactions financières (ci-après les “frais de transaction”) à laquelle les assujettit la loi no CXVI de 2012 relative à une taxe sur les transactions financières. Par conséquent, les frais de transaction ne peuvent pas être intégrés, directement ou indirectement, dans
le prix du produit ou du service fourni par les producteurs et titulaires susmentionnés, et ne peuvent pas être facturés séparément, mais sont supportés en propre par lesdits producteurs et titulaires.

[...] »

La loi modifiant, à des fins d’harmonisation, les lois régissant le secteur énergétique

14 L’article 7 de la loi no LIX de 2016 modifiant, à des fins d’harmonisation, les lois régissant le secteur énergétique (ci-après la « loi modifiant, à des fins d’harmonisation, les lois régissant le secteur énergétique ») dispose :

« Dans la partie intitulée “Règles générales de procédure de l’Autorité” de la loi relative à l’électricité, après l’article 168, l’article 168 A suivant est ajouté :

“Article 168 A

1)   Dans le cadre des modalités de fixation des redevances d’utilisation, de la rémunération de services exécutés par un distributeur moyennant une tarification spéciale et des redevances de raccordement, seul le titulaire de l’autorisation du réseau concerné est considéré comme client.

2)   Dans un délai de 15 jours à compter de la notification d’une décision de l’Autorité fixant des redevances d’utilisation, la rémunération de services exécutés par un distributeur moyennant une tarification spéciale et des redevances de raccordement, le client concerné peut saisir le juge compétent en matière administrative d’une demande de contrôle juridictionnel de ladite décision sous l’angle de sa légalité en introduisant un recours contre l’Autorité.

3)   La demande de contrôle juridictionnel d’une décision fixant des redevances d’utilisation, la rémunération de services exécutés par un distributeur moyennant une tarification spéciale et des redevances de raccordement est un recours extraordinaire et le juge saisi statue au plus tard 30 jours après le dépôt de ladite demande.

[...]” »

15 L’article 23 de la loi modifiant, à des fins d’harmonisation, les lois régissant le secteur énergétique prévoit :

« Dans la loi relative à l’approvisionnement en gaz naturel, l’article 129 A suivant est ajouté avant le titre “Coopération internationale et relations avec les institutions de l’Union européenne” :

“Article 129 A

[...]

4)   Dans un délai de 15 jours à compter de la notification d’une décision de l’Autorité fixant des redevances d’utilisation, la rémunération de services exécutés par un gestionnaire de réseau moyennant une tarification spéciale et des redevances de raccordement, le client concerné peut saisir le juge compétent en matière administrative d’une demande de contrôle juridictionnel de ladite décision sous l’angle de sa légalité en introduisant un recours contre l’Autorité.

5)   La demande de contrôle juridictionnel d’une décision fixant des redevances d’utilisation, la rémunération de services exécutés par un gestionnaire de réseau moyennant une tarification spéciale et des redevances de raccordement est un recours extraordinaire et le juge saisi statue au plus tard 30 jours après le dépôt de ladite demande.

[...]” »

16 L’article 29, paragraphe 2, de la loi modifiant, à des fins d’harmonisation, les lois régissant le secteur énergétique dispose :

« À l’article 12 de la loi no XXII de 2013 établissant l’autorité hongroise de régulation du secteur de l’énergie et des services d’utilité publique, les points n) et o) suivants sont ajoutés :

“ [Le président de l’Autorité]

n) adopte une décision établissant les redevances d’utilisation du réseau électrique et les redevances de raccordement au réseau électrique, ainsi que la rémunération de services exécutés par un distributeur moyennant une tarification spéciale en fonction des besoins du titulaire de l’autorisation ou de l’utilisateur et la rémunération de services exécutés par un distributeur moyennant une tarification spéciale en cas de rupture du contrat par le client ;

o) adopte une décision établissant les tarifs d’utilisation du réseau de gaz naturel et les tarifs de raccordement au réseau de gaz naturel, ainsi que la rémunération de services exécutés par les gestionnaires de réseau moyennant une tarification spéciale en fonction des besoins du titulaire de l’autorisation ou de l’utilisateur et la rémunération de services exécutés par les gestionnaires de réseau moyennant une tarification spéciale en cas de rupture du contrat par l’utilisateur.” »

La loi modifiant, à des fins de régulation des prix, certaines lois régissant le secteur énergétique

17 La loi no CLXXXIII de 2016 modifiant, à des fins de régulation des prix, certaines lois régissant le secteur énergétique (ci-après la « loi modifiant, à des fins de régulation des prix, certaines lois régissant le secteur énergétique) abroge, à son article 6, paragraphe 4, l’article 168 A de la loi relative à l’électricité et, à son article 12, paragraphe 3, les paragraphes 2 à 7 de l’article 129 A de la loi relative à l’approvisionnement en gaz naturel.

18 L’article 4 de la loi modifiant, à des fins de régulation des prix, certaines lois régissant le secteur énergétique dispose :

« Dans la [loi relative à l’électricité], l’article 178 U suivant est ajouté avant le titre “Dispositions d’entrée en vigueur” :

“Article 178 U

1.   Il y a lieu d’appliquer pour la première fois les règlements prévus à l’article 143, paragraphe 5, à l’article 146, paragraphe 4, et à l’article 146 A, paragraphe 3, de la présente loi, tels que modifiés par la [loi modifiant, à des fins de régulation des prix, certaines lois régissant le secteur énergétique], pour fixer les redevances dues, à partir du 1er janvier 2017.

2.   Les décisions publiées sur la base de l’article 143, paragraphe 5, de l’article 146, paragraphe 4, et de l’article 146 A, paragraphe 3, de la présente loi, tels que modifiés par la [loi modifiant, à des fins d’harmonisation, les lois régissant le secteur énergétique], n’entrent pas en vigueur.

3.   Si une décision publiée sur la base de l’article 143, paragraphe 5, de l’article 146, paragraphe 4, et de l’article 146 A, paragraphe 3, de la présente loi, tels que modifiés par la [loi modifiant, à des fins d’harmonisation, les lois régissant le secteur énergétique], fait l’objet d’une procédure de contrôle juridictionnel au moment de l’entrée en vigueur de la [loi modifiant, à des fins de régulation des prix, certaines lois régissant le secteur énergétique], le juge saisi éteint cette
action.

4.   Il y a lieu aussi d’appliquer aux procédures administratives et judiciaires en cours les dispositions de la présente loi telles que modifiées par la [loi modifiant, à des fins de régulation des prix, certaines lois régissant le secteur énergétique].” »

19 L’article 10 de la loi modifiant, à des fins de régulation des prix, certaines lois régissant le secteur énergétique dispose :

« Au chapitre XVIII de la loi relative à l’approvisionnement en gaz naturel, l’article 146 M suivant est ajouté :

“Article 146 M

1.   Il y a lieu d’appliquer pour la première fois les règlements prévus à l’article 104 B, paragraphe 4, à l’article 106, paragraphe 3, et à l’article 108, paragraphe 2, de la présente loi, tels que modifiés par la [loi modifiant, à des fins de régulation des prix, certaines lois régissant le secteur énergétique], pour fixer les tarifs dus, à partir du 1er janvier 2017.

2.   Les décisions publiées sur la base de l’article 104 B, paragraphe 4, de l’article 106, paragraphe 3, et de l’article 108, paragraphe 2, de la présente loi, tels que modifiés par la [loi modifiant, à des fins d’harmonisation, les lois régissant le secteur énergétique], n’entrent pas en vigueur.

3.   Si une décision publiée sur la base de l’article 104 B, paragraphe 4, de l’article 106, paragraphe 3, et de l’article 108, paragraphe 2, de la présente loi, tels que modifiés par la [loi modifiant, à des fins d’harmonisation, les lois régissant le secteur énergétique], fait l’objet d’une procédure de contrôle juridictionnel au moment de l’entrée en vigueur de la [loi modifiant, à des fins de régulation des prix, certaines lois régissant le secteur énergétique], le juge saisi éteint cette
action.

4.   Il y a lieu aussi d’appliquer aux procédures administratives et judiciaires en cours les dispositions de la présente loi telles que modifiées par la [loi modifiant, à des fins de régulation des prix, certaines lois régissant le secteur énergétique].” »

20 L’article 13 de la loi modifiant, à des fins de régulation des prix, certaines lois régissant le secteur énergétique dispose :

« À l’article 12, sous n) et o), de la loi no XXII de 2013 établissant l’autorité hongroise de régulation du secteur de l’énergie et des services d’utilité publique, les termes “adopte une décision” sont remplacés par les termes “adopte un règlement”. »

La procédure précontentieuse

21 Le 15 juillet 2013, dans le cadre du dossier « EU Pilot » no 5366/13/ENER, la Commission a adressé à la Hongrie plusieurs questions portant sur la transposition des directives 2009/72 et 2009/73 et l’application des règlements nos 714/2009 et 715/2009, en ce qui concerne, notamment, le caractère non discriminatoire de l’accès au réseau pour les tiers, l’indépendance, les compétences et le fonctionnement des autorités de régulation nationales, les règles relatives aux redevances d’accès aux
réseaux et l’accès transfrontalier aux infrastructures des réseaux.

22 Les autorités nationales ont répondu à ces questions par des lettres des 23 octobre et 11 décembre 2013.

23 Le 27 février 2015, la Commission, estimant que la réponse apportée par la Hongrie ne dissipait pas ses doutes quant à la conformité de la législation hongroise au droit de l’Union et que, à de nombreux égards, cette législation n’était pas conforme aux directives et aux règlements susmentionnés, a adressé une lettre de mise en demeure à cet État membre.

24 La Hongrie a répondu à cette lettre de mise en demeure par des lettres des 8 mai et 7 juillet 2015 et a complété les informations communiquées par des lettres des 23 novembre et 17 décembre 2015 ainsi que des 13 et 20 mai 2016. À sa réponse complémentaire du 19 juillet 2016, cet État membre a joint le texte de la loi modifiant, à des fins d’harmonisation, les lois régissant le secteur énergétique.

25 La Commission, estimant que les mesures notifiées par les autorités hongroises en réponse à ladite lettre de mise en demeure n’avaient pas résolu tous les problèmes relevés dans cette dernière, a envoyé à la Hongrie, le 9 décembre 2016, un avis motivé faisant état du manquement de cet État membre aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 41, paragraphe 6, de la directive 2009/73, de l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 714/2009 et de l’article 13, paragraphe 1, du règlement
no 715/2009.

26 La Hongrie a répondu à cet avis motivé par une lettre du 8 février 2017.

27 Après avoir examiné cette réponse, la Commission a considéré que les problèmes relevés étaient résolus. Cependant, compte tenu des modifications apportées, entre‑temps, à la réglementation en cause par la loi modifiant, à des fins de régulation des prix, certaines lois régissant le secteur énergétique, la Commission a considéré que la Hongrie a manqué à ses obligations en n’établissant pas un mécanisme approprié pour assurer un droit de recours contre les décisions de l’autorité de régulation
nationale, au sens de l’article 37, paragraphe 17, de la directive 2009/72 et de l’article 41, paragraphe 17, de la directive 2009/73. Le 28 avril 2017, la Commission a adressé un avis motivé complémentaire à cet État membre.

28 Par une lettre du 28 juin 2017, la Hongrie a répondu à cet avis motivé complémentaire, en se référant à sa réponse à l’avis motivé précédent, dans laquelle elle avait indiqué que, entre-temps, elle avait procédé à des modifications de la loi relative à l’approvisionnement en gaz naturel, compte tenu des exigences du troisième paquet « Énergie », qui avaient pris effet les 1er octobre et 22 décembre 2016, et qu’elle avait ainsi mis les compétences de l’autorité de régulation nationale en
conformité avec l’article 41, paragraphe 6, de la directive 2009/73.

29 Considérant que la Hongrie ne s’est pas conformée aux obligations qui résultent, d’une part, de l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 714/2009 et de l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 715/2009 ainsi que, d’autre part, de l’article 37, paragraphe 17, de la directive 2009/72 et de l’article 41, paragraphe 17, de la directive 2009/73, la Commission a introduit le présent recours.

Sur le recours

Sur le premier grief, tiré de la violation de l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 714/2009 et de l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 715/2009

Argumentation des parties

30 La Commission fait valoir, en premier lieu, que l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 714/2009 et l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 715/2009 établissent le principe d’orientation des tarifs d’accès aux réseaux en fonction des coûts supportés par leurs gestionnaires et ne prévoient pas de restrictions concernant les coûts à prendre en considération lors de la fixation des redevances d’accès aux réseaux. Selon la Commission, ces dispositions imposent que ces redevances reflètent
tous les coûts supportés par ces gestionnaires, dès lors que ces coûts sont transparents et correspondent à ceux d’un gestionnaire de réseau efficace ayant une structure comparable, alors que l’article 178 SZ, paragraphes 1 et 2, de la loi relative à l’électricité et l’article 103, paragraphes 4 et 4a, de la loi relative à l’approvisionnement en gaz naturel, qui empêchent les gestionnaires de réseau de répercuter sur les consommateurs les montants de l’impôt spécial sur les réseaux de transport
d’énergie ainsi que la taxe sur les transactions financières, ne permettent pas à l’autorité nationale de régulation, lors de la fixation des redevances d’accès aux réseaux, de prendre en considération les coûts afférents à cet impôt et à cette taxe.

31 En deuxième lieu, la Commission fait valoir que l’interdiction, pour l’autorité de régulation nationale, de prendre en considération les coûts en cause, lors de la fixation des redevances d’accès aux réseaux, n’est justifiée par aucune raison objective. En effet, le motif invoqué par la Hongrie dans sa réponse à la demande d’informations de la Commission, à savoir que l’objectif poursuivi par les dispositions litigieuses consiste à faire baisser les prix du gaz et de l’électricité payés par
l’utilisateur résident final, ne serait pas pertinent.

32 À cet égard, la Commission relève que, certes, l’article 3, paragraphe 8, de la directive 2009/72 et l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2009/73 permettent aux États membres d’adopter des mesures de protection des consommateurs, notamment pour lutter contre la pauvreté énergétique. Toutefois, ils ne pourraient le faire que sous réserve que de telles mesures ne fassent pas obstacle au bon fonctionnement du marché, lequel exigerait, notamment, le respect du « principe d’orientation des
tarifs d’accès aux réseaux ».

33 En troisième lieu, en ce qui concerne l’argument de la Hongrie selon lequel il résulterait des règlements nos 714/2009 et 715/2009 et des directives 2009/72 et 2009/73 qu’il appartient au législateur national, lors de l’adoption des règles relatives à la fixation des redevances d’accès aux réseaux, de trouver l’équilibre adéquat entre les intérêts contradictoires des gestionnaires de réseau et des consommateurs, la Commission fait valoir que le « troisième paquet énergie », adopté le 13 juillet
2009, qui comprend notamment les directives 2009/72 et 2009/73 ainsi que les règlements nos 714/2009 et 715/2009, ne laisse pas de marge d’appréciation aux États membres. En effet, les intérêts des gestionnaires de réseau et ceux des consommateurs auraient été pleinement pris en compte, par le législateur de l’Union, à l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 714/2009 et à l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 715/2009. Ainsi, si les redevances d’accès aux réseaux ne reflétaient pas tous
les coûts supportés par les gestionnaires, elles n’atteindraient pas un niveau raisonnable.

34 En quatrième lieu, la Commission considère que, indépendamment des effets économiques de la mesure en cause, il est établi que la Hongrie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 714/2009 et de l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 715/2009. Il ne serait donc pas nécessaire que la Commission démontre l’effet de la législation contestée.

35 La Hongrie fait valoir, en se référant à l’arrêt du 29 novembre 1983, Roussel Laboratoria e.a. (181/82, EU:C:1983:352, point 25), que la législation nationale en cause a été adoptée dans le cadre de l’autonomie fiscale des États membres en matière d’impôts directs et est applicable à tous les gestionnaires de réseau de manière générale et non discriminatoire, dans le respect de la jurisprudence de la Cour en matière de non-discrimination entre les contribuables. La Hongrie considère que la taxe
sur les transactions et l’impôt sur le revenu des fournisseurs d’énergie ne sont pas pertinents pour la fixation des redevances d’accès aux réseaux.

36 La Hongrie reproche à la Commission d’interpréter de façon erronée l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 714/2009 et l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 715/2009, en ce qu’elle ne prendrait en compte ni les particularités du marché ni l’objectif et la portée de la réglementation des prix.

37 À cet égard, la Hongrie fait valoir, en premier lieu, que la gestion de réseaux est un domaine spécial du marché de l’énergie, dans lequel il existerait un monopole naturel, à savoir le réseau de transport d’électricité et le réseau de transport de gaz naturel. L’article 14, paragraphe 1, du règlement no 714/2009 et l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 715/2009 auraient ainsi pour objectifs de maintenir les redevances d’accès à ces réseaux à un niveau bas et équitable et de réduire le
risque de voir ces gestionnaires, disposant d’un monopole, abuser de leur position dominante, y compris par une tarification excessive.

38 En deuxième lieu, la Hongrie fait valoir que l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 714/2009 et l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 715/2009 ne contiennent pas de règles ou de méthodologies détaillées relatives à la détermination des coûts à prendre en considération lors de la fixation des redevances. Selon cet État membre, il découle de la logique du système mis en place par ces règlements ainsi que par les directives 2009/72 et 2009/73, qu’il incombe au législateur national
d’apprécier, dans les limites fixées par lesdits règlements et directives, les intérêts de tous les acteurs du marché de l’énergie, y compris ceux des consommateurs, ainsi que l’intérêt public, notamment la sécurité d’approvisionnement et la protection de l’environnement, et d’adopter, sur la base de cette appréciation, des règles nationales détaillées, conformes au droit de l’Union.

39 La législation nationale en cause poursuivrait l’intérêt public consistant à maintenir à un niveau raisonnable le prix de l’électricité et du gaz naturel à la charge du consommateur final, imposé par la conciliation, qu’il appartiendrait aux États membres de faire, entre, d’une part, l’intérêt des gestionnaires de réseau à ce que les redevances d’accès aux réseaux intègrent la totalité des coûts et des dépenses supportés et, d’autre part, les intérêts des consommateurs et des autres utilisateurs
des réseaux à ce que ces redevances restent à un niveau équitable.

40 En troisième lieu, la Hongrie fait valoir que les redevances d’accès aux réseaux doivent refléter de manière appropriée les coûts des gestionnaires de réseau, conformément à l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 714/2009 et à l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 715/2009. Elle souligne que la Commission n’allègue pas que, en raison de la législation nationale en cause, les redevances d’accès aux réseaux sont fixées à un niveau qui compromettrait l’activité des gestionnaires de
réseaux ou l’entretien approprié des réseaux.

41 En dernier lieu, la Hongrie fait observer que, selon une jurisprudence constante de la Cour, c’est à la Commission qu’il incombe d’établir l’existence du manquement allégué. La Commission n’aurait pas avancé les raisons pour lesquelles les bénéfices des gestionnaires de réseau, en Hongrie, ne peuvent pas être considérés comme appropriés.

Appréciation de la Cour

42 Afin de déterminer si, comme le soutient la Commission, l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 714/2009 et l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 715/2009 imposent que tous les coûts, au sens de ces dispositions, y compris les coûts afférents à l’impôt spécial sur les réseaux de transport d’énergie et à la taxe sur les transactions financières en cause, soient nécessairement pris en compte par l’autorité de régulation nationale lors de la fixation des redevances d’accès aux réseaux, il
convient de tenir compte non seulement du libellé de ces deux dispositions, mais également de leur contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elles font partie [voir, par analogie, arrêt du 3 mars 2020, X (Mandat d’arrêt européen – Double incrimination), C‑717/18, EU:C:2020:142, point 21 et jurisprudence citée].

43 En ce qui concerne, en premier lieu, les libellés de l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 714/2009 et de l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 715/2009, il y a lieu de constater qu’ils se limitent à un énoncé général des coûts à prendre en considération lors de la fixation des redevances d’accès aux réseaux, sans préciser si « tous » ces coûts doivent être pris en compte par l’autorité de régulation nationale.

44 S’agissant, en deuxième lieu, du contexte dans lequel l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 714/2009 et l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 715/2009 s’inscrivent, il y a lieu de relever que ces règlements n’identifient que quelques catégories des coûts qui doivent être pris en compte dans le calcul des redevances d’accès aux réseaux. Tel est, notamment, le cas des coûts liés aux activités du réseau européen des gestionnaires de réseau de transport d’électricité, qui doivent être
raisonnables et appropriés (article 11 du règlement no 714/2009 et article 11 du règlement no 715/2009) et les coûts d’investissement relatifs aux infrastructures (article 14, paragraphe 2, du règlement no 714/2009).

45 S’agissant, en troisième lieu, des objectifs poursuivis par la réglementation dont relèvent les dispositions en cause, il ressort de l’article 1er du règlement no 714/2009 et de l’article 1er du règlement no 715/2009 que ces règlements visent à établir des règles non discriminatoires d’accès aux réseaux de transport de l’électricité et du gaz naturel et à faciliter l’émergence de marchés de gros qui soient transparents, qui fonctionnent bien et qui présentent un niveau élevé de sécurité
d’approvisionnement.

46 Or, ces objectifs peuvent être efficacement atteints sans que les redevances d’accès aux réseaux doivent refléter tous les coûts effectivement engagés par les gestionnaires de ces réseaux. Ces redevances contribuent à la réalisation de tels objectifs dans la mesure où elles doivent, d’une part, être transparentes et appliquées de façon non discriminatoire à tous les utilisateurs (considérant 16 et article 14, paragraphe 1, du règlement no 714/2009 ainsi que considérant 7 et article 13,
paragraphe 1, du règlement no 715/2009) et, d’autre part, assurer un niveau de rendement approprié, permettant aux gestionnaires de réaliser les investissements nécessaires à la viabilité des réseaux de transport d’électricité et de gaz naturel (article 14, paragraphes 1 et 2, du règlement no 714/2009 ainsi que considérant 8 et article 13 du règlement no 715/2009).

47 Il résulte de ce qui précède que l’interprétation à laquelle se livre la Commission, selon laquelle l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 714/2009 et l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 715/2009 imposent que tous les coûts, au sens de ces dispositions, y compris ceux afférents à l’impôt spécial sur les réseaux de transport d’énergie et à la taxe sur les transactions financières en cause, soient nécessairement pris en compte par l’autorité de régulation nationale lors de la fixation
des redevances d’accès aux réseaux, ne saurait être retenue.

48 Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argument de la Commission selon lequel, si les gestionnaires de réseau ne peuvent pas répercuter les coûts afférents à l’impôt spécial sur les réseaux de transport d’énergie et à la taxe sur les transactions financières, leurs bénéfices n’atteindront pas un niveau raisonnable. En effet, le niveau des redevances d’accès aux réseaux n’est pas déterminé uniquement sur la base des coûts supportés par les gestionnaires de réseau.

49 Ainsi, premièrement, il ressort d’une lecture combinée de l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 714/2009 et de l’article 37, paragraphe 6, sous a), de la directive 2009/72, d’une part, ainsi que de l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 715/2009 et de l’article 41, paragraphe 6, sous a), de la directive 2009/73, d’autre part, que le niveau de ces redevances doit être déterminé également en fonction des investissements nécessaires à la viabilité des réseaux de transport d’électricité et
de gaz naturel.

50 Deuxièmement, en vertu de l’article 37, paragraphe 8, de la directive 2009/72 et de l’article 41, paragraphe 8, de la directive 2009/73, lors de la fixation des redevances d’accès aux réseaux, les autorités de régulation nationales peuvent prévoir des mesures incitatives appropriées, tant à court terme qu’à long terme, pour encourager les gestionnaires de réseau à améliorer leurs performances, à favoriser l’intégration du marché et la sécurité de l’approvisionnement ainsi qu’à soutenir des
activités de recherche connexes.

51 Troisièmement, il ressort d’une lecture combinée du considérant 14 et de l’article 14, paragraphes 2 et 3, du règlement no 714/2009 que le niveau des redevances d’accès aux réseaux de transport d’électricité doit refléter les coûts d’investissement relatifs aux infrastructures et l’équilibre entre la production et la consommation de la région concernée. À cette fin, les pertes de réseau et la congestion causées, ainsi que les paiements résultant du mécanisme de compensation entre gestionnaires de
réseau et les paiements effectivement réalisés, estimés sur la base des périodes passées, doivent également être pris en considération.

52 Enfin, il ressort d’une lecture combinée de l’article 13, paragraphe 1, et des considérants 7 et 8 du règlement no 715/2009 que le niveau des redevances d’accès aux réseaux de transport du gaz naturel doit comprendre un rendement approprié des investissements et des incitations pour construire de nouvelles infrastructures et également prendre en considération, le cas échéant, les analyses comparatives des tarifs réalisées par les autorités de régulation.

53 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’écarter, comme étant non fondé, le premier grief avancé par la Commission.

Sur le second grief, tiré de la violation de l’article 37, paragraphe 17, de la directive 2009/72 et de l’article 41, paragraphe 17, de la directive 2009/73

Argumentation des parties

54 La Commission soutient que la Hongrie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 37, paragraphe 17, de la directive 2009/72 et de l’article 41, paragraphe 17, de la directive 2009/73 en n’établissant pas de mécanisme approprié pour assurer un droit de recours effectif contre les décisions de l’autorité de régulation nationale, au sens de ces dispositions. Selon la Commission, un tel droit de recours est un corollaire du principe de protection juridictionnelle effective,
lequel constitue un principe général du droit de l’Union, consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

55 La Commission fait observer, en premier lieu, que le droit de recours, devant une juridiction administrative, contre les décisions de l’autorité administrative de régulation nationale, mentionné à l’article 168, paragraphe 10, de la loi nationale relative à l’électricité et à l’article 129 de la loi relative à l’approvisionnement en gaz naturel, ne s’étend pas aux règlements par lesquels cette autorité fixe les redevances d’accès aux réseaux. En effet, ces règlements ne seraient attaquables que
devant l’Alkotmánybíróság (Cour constitutionnelle, Hongrie), moyennant une plainte pour inconstitutionnalité, en vertu de l’article 26 de la loi no CLI de 2011 relative à la Cour constitutionnelle. Aucune autre voie de recours ne serait prévue pour contester ces règlements. De plus, selon l’article 29 de cette loi, l’Alkotmánybíróság (Cour constitutionnelle) ne connaîtrait que des plaintes pour inconstitutionnalité « ayant trait à une question constitutionnelle fondamentale ».

56 En outre, la Commission rappelle que les directives 2009/72 et 2009/73 ont renforcé le rôle des autorités nationales de régulation, en établissant des exigences plus strictes d’indépendance à l’égard des entités publiques et privées et en les dotant de compétences nouvelles qui leur permettent de prendre des décisions juridiquement contraignantes dans un certain nombre de domaines. Ces directives auraient contrebalancé l’indépendance et la compétence accrues de ces autorités par des règles
relatives à leur responsabilité, parmi lesquelles l’article 37, paragraphe 17, de la directive 2009/72 et l’article 41, paragraphe 17, de la directive 2009/73 joueraient un rôle central.

57 En deuxième lieu, la Commission fait valoir, en se référant à l’arrêt du 22 mai 2003, Connect Austria (C‑462/99, EU:C:2003:297, point 37), que la Cour a déjà jugé, dans le cadre d’une affaire concernant une disposition analogue à l’article 37, paragraphe 17, de la directive 2009/72 et à l’article 41, paragraphe 17, de la directive 2009/73, à savoir l’article 5 bis, paragraphe 3, de la directive 90/387/CEE du Conseil, du 28 juin 1990, relative à l’établissement des services de télécommunication
par la mise en œuvre de la fourniture d’un réseau ouvert de télécommunication (JO 1990, L 192, p. 1), qu’un droit de recours devant une cour constitutionnelle, limité aux violations de la loi constitutionnelle ou d’un traité international, ne saurait constituer un mécanisme adéquat, au sens de la disposition en cause.

58 Enfin, la Commission souligne que, dans sa réponse à la lettre de mise en demeure, la Hongrie a reconnu la nécessité de remédier à cette situation et a adopté, par la suite, au cours de l’année 2016, la loi modifiant, à des fins d’harmonisation, les lois régissant le secteur énergétique. En vertu de cette loi, l’autorité de régulation nationale ne définirait, par règlement, que les principes et le cadre pour la fixation des redevances, tandis que les redevances proprement dites seraient fixées
par des décisions individuelles, ce qui rendrait possible un contrôle juridictionnel plein et entier de ces décisions. Toutefois, en vertu d’une loi ultérieure, également adoptée pendant l’année 2016, modifiant, à des fins de régulation des prix, certaines lois régissant le secteur énergétique, les redevances proprement dites seraient, désormais, fixées par des règlements de l’autorité de régulation nationale et, pour cette raison, ne sauraient faire l’objet que d’un recours devant
l’Alkotmánybíróság (Cour constitutionnelle).

59 La Hongrie fait valoir que la législation nationale en vigueur, dans la mesure où elle prévoit la possibilité d’attaquer les règlements de l’autorité de régulation nationale devant l’Alkotmánybíróság (Cour constitutionnelle), est conforme à l’article 37, paragraphe 17, de la directive 2009/72 et à l’article 41, paragraphe 17, de la directive 2009/73. En effet, la fixation des redevances d’accès aux réseaux exigerait l’adoption d’un règlement et non pas d’un acte administratif individuel.

60 La Hongrie précise que l’examen effectué par l’Alkotmánybíróság (Cour constitutionnelle) est limité aux seules questions de nature constitutionnelle dont cette juridiction est saisie et aux questions qu’elle peut examiner d’office dans certaines conditions.

Appréciation de la Cour

61 Il y a lieu, tout d’abord, de relever que l’article 37, paragraphe 17, de la directive 2009/72 et l’article 41, paragraphe 17, de la directive 2009/73 imposent aux États membres d’établir, au niveau national, des mécanismes appropriés permettant à une partie lésée par une décision de l’autorité de régulation de saisir un organisme indépendant des parties concernées et du gouvernement. Une telle exigence est un corollaire du principe de protection juridictionnelle effective, lequel constitue un
principe général du droit de l’Union, qui découle des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qui est consacré à l’article 47 de la Charte (voir, en ce sens, arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 52).

62 En l’absence de réglementation de l’Union en la matière, il appartient à l’ordre juridique de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 16 décembre 1976, Rewe‑Zentralfinanz et Rewe-Zentral, 33/76, EU:C:1976:188, point 5, ainsi que du 13 mars 2007, Unibet, C-432/05, EU:C:2007:163, point 39), sans pour autant
porter atteinte au droit à une protection juridictionnelle effective [voir, en ce sens, arrêts du 19 mars 2015, E.On Földgáz Trade, C‑510/13, EU:C:2015:189, point 50, ainsi que du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême), C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 115].

63 La législation hongroise a certes institué, à l’article 168, paragraphe 10, de la loi relative à l’électricité et à l’article 129 de la loi relative à l’approvisionnement en gaz naturel, un droit de recours général auprès d’une juridiction administrative contre les décisions de l’autorité de régulation nationale. Toutefois, s’agissant de la fixation, par voie de règlement, du montant des redevances d’accès aux réseaux, laquelle doit être couverte par la garantie visée à l’article 37,
paragraphe 17, de la directive 2009/72 et à l’article 41, paragraphe 17, de la directive 2009/73, il y a lieu de constater qu’une telle fixation, dès lors qu’elle revêt la forme d’un règlement, ne peut faire l’objet que d’une plainte devant l’Alkotmánybíróság (Cour constitutionnelle) « ayant trait à une question constitutionnelle fondamentale », conformément à l’article 29 de la loi no CLI de 2011 relative à la Cour constitutionnelle.

64 Or, il est de jurisprudence constante, s’agissant du droit d’accès à un tribunal, que, pour qu’un tel organe puisse statuer sur une contestation portant sur des droits et obligations découlant du droit de l’Union, en conformité avec l’article 47 de la Charte, il faut qu’il soit compétent pour examiner toutes les questions de fait et de droit pertinentes pour la solution du litige dont il est saisi (voir, en ce sens, arrêt du 6 novembre 2012, Otis e.a., C‑199/11, EU:C:2012:684, points 48 et 49).

65 Au vu de ce qui précède, le recours devant l’Alkotmánybíróság (Cour constitutionnelle), prévu par la législation hongroise, contre les règlements de l’autorité de régulation nationale fixant les redevances d’accès aux réseaux, dans la mesure où il est limité au contrôle du respect de certains éléments du droit constitutionnel, ne saurait être considéré comme constituant un mécanisme approprié, au sens de l’article 37, paragraphe 17, de la directive 2009/72 et de l’article 41, paragraphe 17, de la
directive 2009/73.

66 Par suite, il convient d’accueillir le second grief de la Commission en ce qu’il vise les possibilités limitées de contester, devant une juridiction, les règlements de l’autorité de régulation nationale fixant les redevances d’accès aux réseaux.

67 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient :

– de constater que, en n’assurant pas un droit de recours effectif contre les règlements de l’autorité de régulation nationale fixant les redevances d’accès aux réseaux, la Hongrie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 37, paragraphe 17, de la directive 2009/72 ainsi que de l’article 41, paragraphe 17, de la directive 2009/73, et

– de rejeter le recours pour le surplus.

Sur les dépens

68 En vertu de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure de la Cour, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. En l’espèce, les parties ayant succombé sur un ou plusieurs chefs, il y a lieu de décider que chacune d’elles supportera ses propres dépens.

  Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) déclare et arrête :

  1) En n’assurant pas un droit de recours effectif contre les règlements de l’autorité de régulation nationale fixant les redevances d’accès aux réseaux, la Hongrie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 37, paragraphe 17, de la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE, ainsi que de l’article 41, paragraphe 17, de la
directive 2009/73/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 2003/55/CE.

  2) Le recours est rejeté pour le surplus.

  3) La Commission européenne et la Hongrie supportent chacune leurs propres dépens.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le hongrois.


Synthèse
Formation : Neuvième chambre
Numéro d'arrêt : C-771/18
Date de la décision : 16/07/2020
Type de recours : Recours en constatation de manquement - fondé, Recours en constatation de manquement - non fondé

Analyses

Manquement d’État – Marchés intérieurs de l’électricité et du gaz naturel – Réseaux de transport de l’électricité et du gaz naturel – Conditions d’accès – Règlement (CE) no 714/2009 – Article 14, paragraphe 1 – Règlement (CE) no 715/2009 – Article 13, paragraphe 1 – Coûts – Fixation des redevances d’accès aux réseaux – Directive 2009/72/CE – Article 37, paragraphe 17 – Directive 2009/73/CE – Article 41, paragraphe 17 – Voies de recours internes – Principe de protection juridictionnelle effective.

Énergie

Rapprochement des législations


Parties
Demandeurs : Commission européenne
Défendeurs : Hongrie.

Composition du Tribunal
Avocat général : Tanchev
Rapporteur ?: Piçarra

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2020:584

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