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25/06/2020 | CJUE | N°C-131/19

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Commission européenne contre CX., 25/06/2020, C-131/19


ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

25 juin 2020 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Procédure disciplinaire – Droits de la défense – Droit d’être entendu – Annexe IX du statut des fonctionnaires de l’Union européenne – Article 4 – Possibilité pour le fonctionnaire qui ne peut être entendu de formuler ses observations par écrit ou de se faire représenter – Article 22 – Audition du fonctionnaire par l’autorité investie du pouvoir de nomination préalablement à l’adoption de la sanction disciplinaire – Incapacité allé

guée du fonctionnaire à être entendu
ainsi qu’à formuler des formulations par écrit ou à se faire représenter – Appr...

ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

25 juin 2020 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Procédure disciplinaire – Droits de la défense – Droit d’être entendu – Annexe IX du statut des fonctionnaires de l’Union européenne – Article 4 – Possibilité pour le fonctionnaire qui ne peut être entendu de formuler ses observations par écrit ou de se faire représenter – Article 22 – Audition du fonctionnaire par l’autorité investie du pouvoir de nomination préalablement à l’adoption de la sanction disciplinaire – Incapacité alléguée du fonctionnaire à être entendu
ainsi qu’à formuler des formulations par écrit ou à se faire représenter – Appréciation des preuves médicales – Défaut de réponse du Tribunal de l’Union européenne à des arguments invoqués en première instance »

Dans l’affaire C‑131/19 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 15 février 2019,

Commission européenne, représentée par MM. G. Berscheid et T. S. Bohr ainsi que par M^me C. Ehrbar, en qualité d’agents,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

CX, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Enghien (Belgique), représenté par M^e É. Boigelot, avocat,

partie demanderesse en première instance,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M^me L. S. Rossi, présidente de chambre, MM. J. Malenovský (rapporteur) et N. Wahl, juges,

avocat général : M. P. Pikamäe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, la Commission européenne demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 13 décembre 2018, CX/Commission (T‑743/16 RENV, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:937), par lequel celui-ci a annulé la décision de la Commission, du 16 octobre 2013, infligeant à CX la sanction de la révocation sans réduction pro tempore de ses droits à pension (ci-après la « décision litigieuse »).

 Le cadre juridique

 Le statut des fonctionnaires de l’Union européenne

2        Conformément à l’article 4 de l’annexe IX, intitulée « Procédures disciplinaires », du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») :

« Si, pour des raisons objectives, le fonctionnaire ne peut être entendu au titre des dispositions de la présente annexe, il peut être invité à formuler ses observations par écrit ou peut se faire représenter par une personne de son choix. »

3        En vertu de l’article 22 de cette annexe :

« 1.      Après avoir entendu le fonctionnaire, l’autorité investie du pouvoir de nomination prend sa décision conformément aux articles 9 et 10 de la présente annexe, dans un délai de deux mois à compter de la réception de l’avis du conseil. Cette décision doit être motivée.

2.      Si l’autorité investie du pouvoir de nomination décide de classer l’affaire sans prononcer de sanction disciplinaire, elle en informe le fonctionnaire concerné par écrit et sans délai. Le fonctionnaire concerné peut demander que cette décision figure dans son dossier individuel. »

 Les antécédents du litige

4        Les antécédents du litige ont été exposés aux points 1 à 38 de l’arrêt attaqué dans les termes suivants :

« 1      [CX] est entré au service de la [Commission] en qualité de fonctionnaire stagiaire de grade A 8 le 1^er septembre 1996. Il a occupé différents postes d’administrateur dans le domaine de la communication et était affecté, en dernier lieu, à la direction générale (DG) “Communication”, direction “Citoyens”, au sein de l’unité “Information des citoyens et communication interne”, en tant que fonctionnaire de grade AD 9.

2      En 2001, la Commission a lancé, sous le nom d’“Eurobaromètre [p]ays [c]andidats”, une série de sondages dans les États qui étaient alors candidats à l’adhésion à l’Union européenne. La mise en œuvre de ces sondages a été confiée à la société G., dans le cadre d’un contrat-cadre également dénommé “Eurobaromètre [p]ays [c]andidats”. De 2001 à 2003, [CX] était chargé de ce contrat-cadre.

3      Le 30 octobre 2009, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a ouvert une enquête portant sur les activités de [CX], soupçonné de se trouver dans une “situation de conflit d’intérêts/corruption dans le cadre de marchés de communication”. [CX] en a été informé le 15 avril 2010.

4      [CX] a été entendu par l’OLAF le 3 mai 2011. Le 18 avril 2012, l’OLAF a adopté son rapport d’enquête final, dans lequel il a estimé qu’une série d’irrégularités était imputable à [CX] (ci-après le “rapport d’enquête de l’OLAF”).

5      Par une note du 23 avril 2012 intitulée “Recommandation en vue de l’ouverture d’une procédure disciplinaire à la suite d’une enquête de l’OLAF”, l’OLAF a remis son rapport d’enquête à la secrétaire générale de la Commission et l’a invitée à ouvrir une procédure disciplinaire à l’égard de [CX]. En outre, dans sa note, l’OLAF a précisé à la secrétaire générale de la Commission que le rapport d’enquête était également transmis au procureur fédéral de Bruxelles (Belgique), en vue d’éventuelles
poursuites judiciaires.

6      Le 5 juin 2012, à la suite d’une première procédure disciplinaire, qui avait été ouverte le 21 mai 2010 pour des manquements différents de ceux en cause dans la présente affaire, commis en 2007 et en 2008, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’“AIPN”) a infligé à [CX] la sanction de la rétrogradation, dans le même groupe de fonctions, du grade AD 9 au grade AD 8 (ci-après la “décision de rétrogradation”).

7      À partir du mois de juin 2012, [CX] a été en congé de maladie sans discontinuer jusqu’à sa révocation, à l’exception de deux jours, au cours du mois de février 2013.

8      Le 31 juillet 2012, au vu du rapport d’enquête de l’OLAF (voir point 4 ci-dessus), l’AIPN a confié à l’Office d’investigation et de discipline de la Commission (IDOC) un mandat afin de procéder à l’audition de [CX] au titre de l’article 3 de l’annexe IX du [statut]. Par note du 7 septembre 2012, l’IDOC a communiqué à [CX] une copie du rapport d’enquête de l’OLAF ainsi que d’autres documents et l’a convié à une audition pour le 10 octobre 2012.

9      [CX] a introduit, le 9 octobre 2012, une réclamation contre le mandat d’audition et ne s’est pas présenté à l’audition prévue le lendemain.

10      [CX] ne s’est pas rendu à une nouvelle audition devant l’IDOC, prévue le 19 novembre 2012, à laquelle il avait été convoqué par lettre de l’IDOC du 30 octobre 2012.

11      Par décision du 13 décembre 2012, l’AIPN a rejeté comme irrecevable la réclamation mentionnée au point 9 ci-dessus, à défaut d’acte faisant grief.

12      Le 7 février 2013, sur la base du rapport d’enquête de l’OLAF, l’AIPN a décidé d’ouvrir une deuxième procédure disciplinaire à l’égard de [CX] et a transmis à cette fin un rapport au conseil de discipline au titre de l’article 12 de l’annexe IX du statut.

13      Dans un courriel du 19 février 2013 adressé à l’IDOC, [CX] a indiqué qu’il se trouvait, au moment de sa convocation à l’audition mentionnée au point 10 ci-dessus, “dans une situation médicale grave” et dans “l’incapacité médicale la plus totale, attestée par [s]es médecins traitants [ainsi que, à plusieurs reprises,] par le médecin-conseil de la Commission, de répondre [...] aux convocations”. Dans ce courriel, [CX] a également indiqué que “la multiplication et la simultanéité de[s]
procédures [disciplinaires étaient], dans [s]on état de santé, de nature à [l]’empêcher d’exercer correctement [s]es droits de [la] défense”.

14      Par courriel du 20 mars 2013, le secrétariat du conseil de discipline a contacté [CX] pour fixer une date d’audition devant ledit conseil, en lui indiquant qu’il “a[vait] bien noté [son] congé de maladie, mais [que] la procédure [disciplinaire] d[evait] se poursuivre […], l’avis du [c]onseil de discipline d[evant] normalement être rendu deux mois après la saisine par l’AIPN, soit le 7 avril 2013”. Par courriel du même jour, [CX] a répondu que, dans son état de santé actuel, il n’était pas en
mesure de se défendre et a demandé un report de l’audition devant le conseil de discipline.

15      Le 27 mars 2013, [CX] a introduit un recours contre la décision de rétrogradation (voir point 6 ci-dessus), lequel a été enregistré au greffe du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne sous le numéro d’affaire F‑27/13.

16      Le 19 avril 2013, le service médical de la Commission a convoqué [CX] à une visite médicale fixée au 21 mai suivant, au titre de l’article 78 du statut relatif à l’invalidité.

17      Le 2 mai 2013, [CX] a pris connaissance de son dossier dans les locaux de l’IDOC.

18      Le 13 mai 2013, le service médical de la Commission a reporté le rendez-vous relatif à l’ouverture éventuelle d’une procédure d’invalidité mentionné au point 16 ci-dessus à une date ultérieure.

19      Le 16 mai 2013, [CX] a adressé des conclusions écrites au conseil de discipline. L’audition de [CX] devant le conseil de discipline a eu lieu le 21 mai 2013. Le 5 juin 2013, le conseil de discipline a rendu son avis, dans lequel il s’est prononcé en faveur de la sanction disciplinaire de la révocation sans réduction pro tempore de la pension.

20      Le 6 juin 2013, l’AIPN a convoqué [CX] à une audition au titre de l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut (ci-après l’“audition disciplinaire”), fixée au 1^er juillet 2013, devant l’AIPN tripartite, composée de la directrice générale de la DG “Ressources humaines et sécurité”, du directeur général de la DG “Communication” et du directeur général de la DG “Environnement”.

21      Par courriel du 12 juin 2013, l’avocat de [CX] a indiqué au directeur de l’IDOC qu’il n’était pas disponible le 1^er juillet 2013, date prévue pour l’audition disciplinaire, mais qu’il le serait, le cas échéant, le 8 juillet suivant.

22      Par courriel du 13 juin 2013, [CX] a demandé au directeur de l’IDOC une suspension de la procédure disciplinaire en expliquant que “[s]on état de santé [lui] interdi[sait] de déférer à une convocation” à une audition disciplinaire et qu’il “n[‘était] pas davantage en état de transmettre des observations écrites”. Il lui a également demandé quelles démarches il devait accomplir si l’AIPN n’accédait pas à sa demande de suspension de la procédure disciplinaire. Il a joint à ce courriel un
certificat médical en date du 10 juin 2013, dont il avait occulté les informations à caractère médical, en demandant dans son courriel à qui et comment il devait communiquer le document complet contenant les informations médicales.

23      Dans le certificat médical du 10 juin 2013, le médecin traitant de [CX] précisait qu’il envisageait une hospitalisation et que [CX] “n’a[vait] plus [alors] la capacité de faire face à la succession d’étapes administratives [qu’il] ne compren[ait] pas ce qui lui [était] reproché et [qu’il] n’[était] clairement pas en mesure d’assurer son droit à se défendre, et ce au moins depuis septembre 2012”. Le médecin traitant de [CX] concluait qu’il “[lui] parai[ssai]t donc nécessaire de suspendre
[momentanément] tous [les] actes [...] concernant [CX] jusqu’à ce qu’une amélioration sensible de son état puisse être constatée”.

24      En réponse au courriel de [CX] du 13 juin 2013, le directeur de l’IDOC a, par lettre du 14 juin 2013, informé [CX] que l’AIPN “décidera[it] des suites à réserver à [sa] demande [de suspension de la procédure disciplinaire] au vu de l’avis médical qui sera[it] rendu par le [d]octeur [A.-G., médecin-conseil de la Commission]”.

25      Le 26 juin 2013, [CX] a été examiné par le docteur S. à la demande de la Commission.

26      Par lettre du 27 juin 2013, l’AIPN a indiqué [à CX] que, après l’avoir examiné le 26 juin 2013, le docteur A.-G. avait estimé que son état de santé n’empêchait pas le bon déroulement de la procédure disciplinaire. Selon l’AIPN, il n’y avait donc pas lieu de suspendre ladite procédure.

27      Ni [CX] ni son conseil ne se sont présentés à l’audition disciplinaire du 1^er juillet 2013.

28      Par courriel du même jour, [CX] a contesté avoir fait l’objet d’un examen médical le 26 juin 2013 par le docteur A.-G. Il a, en outre, demandé à l’AIPN, au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut :

–        “[premièrement,] de suspendre, dans [la] procédure [disciplinaire], tous [les] actes [le] concernant jusqu’à ce que [sa] situation médicale se soit sensiblement améliorée, ainsi qu’établi par [son médecin traitant] ;

–        [deuxièmement,] le cas échéant, de réunir une commission médicale ad hoc pour trancher la question ;

–        [troisièmement,] de [lui] permettre l’accès, que ce soit directement ou par l’entremise de l’un de [s]es médecins traitants, à l’ensemble de [son] dossier médical, et notamment aux notes du [d]octeur [F., médecin-conseil de la Commission qui avait suivi son dossier avant le docteur A.-G.] ;

–        [quatrièmement,] de [lui] expliquer pourquoi la procédure d’invalidité [...] a[vait] été ouverte puis suspendue sine die et de [lui] transmettre tous les documents, instructions et décisions portant sur ce point.”

29      Par lettre du 2 juillet 2013, l’AIPN a convoqué une nouvelle fois [CX] à une audition disciplinaire, pour le 19 juillet 2013, en précisant qu’il pouvait faire parvenir des observations écrites jusqu’au 17 juillet 2013. Dans cette lettre, il était mentionné qu’il s’agissait de la seconde et dernière convocation à l’audition disciplinaire devant l’AIPN tripartite.

30      Par courriel du 3 juillet 2013, le docteur A.-G., en sa qualité de médecin-conseil de la Commission chargé du contrôle des absences pour maladie, a indiqué à l’IDOC que [CX] lui avait précisé par téléphone qu’il “avait ou allait contester [la lettre du 27 juin 2013 et] qu’il avait [fait ou] allait [faire] une demande d’arbitrage, puisque son médecin ne voulait pas qu’il soit entendu [par l’AIPN tripartite, alors] que [lui-même, le docteur A.-G.,] [à la ]suite [de] l’expertise [du docteur S.,
avait dit] qu’il pouvait se présenter [devant celle-ci]”. Dans ce courriel, le docteur A.-G. précisait également que, à la “suite [de] cet échange téléphonique, [il] a[vait] contacté [l’IDOC] pour savoir s[‘il fallait] tenir compte de [la] demande [de CX] ou [non]”.

31      Par courriel du 17 juillet 2013, l’avocat de [CX] a indiqué que celui-ci avait été examiné, le 26 juin 2013, par le docteur S., médecin extérieur à la Commission, et non par le docteur A.-G. L’avocat de [CX] a également dénoncé la “précipitation” de l’AIPN et le report sine die et sans justification de l’ouverture de la procédure d’invalidité. Il a demandé à nouveau une suspension de la procédure disciplinaire en raison de l’état de santé de [CX]. Il a, en outre, déploré le fait que la date
de l’audition disciplinaire avait été fixée pendant la période des vacances judiciaires et a indiqué que lui-même, étant à l’étranger, ne pourrait pas y assister. Il a constaté que le service médical de la Commission n’avait pas pris connaissance des informations d’ordre médical figurant dans le certificat médical du 10 juin 2013, lesquelles avaient été occultées dans la version transmise à l’administration le 13 juin 2013, car elles relevaient du secret médical. Enfin, il a souligné qu’il n’avait
reçu ni l’avis du médecin extérieur à la Commission, le docteur S., dont il avait demandé une copie, ni celui du docteur A.-G.

32      Par courriel du 18 juillet 2013, le directeur de l’IDOC a informé [CX] que l’AIPN avait décidé de confirmer son refus de suspendre la procédure disciplinaire et l’a invité à contacter directement le service médical pour lui indiquer les coordonnées du médecin qu’il désignait pour recevoir copie de l’expertise médicale du docteur S.

33      Le 19 juillet 2013, ni [CX] ni son conseil n’étaient présents à l’audition disciplinaire devant l’AIPN tripartite.

34      Par certificat médical du 26 juillet 2013, le médecin traitant de [CX] a constaté que l’état de santé de celui-ci se dégradait.

35      Au cours de l’été 2013, [CX] a introduit une demande de reconnaissance de maladie professionnelle au titre de l’article 73 du statut.

36      Par [la décision litigieuse], l’AIPN a considéré que [CX] avait commis entre 2001 et 2004 deux “fautes lourdes en violation de [l’] article 11[, paragraphe] 1, [des articles] 12 et 21 du statut, des articles 52 et 79 du règlement financier et de l’article 98 des modalités d’exécution, tels qu’en vigueur à l’époque”. Il s’agissait, selon l’AIPN, de manquements d’une “particulière gravité”, à savoir, d’une part, “la négociation non autorisée et clandestine d[‘un] marché”, laquelle avait
consisté en l’envoi d’un courriel confidentiel, le 6 septembre 2001, à la société G., par lequel [CX] proposait à cette société d’inclure dans son offre des dépenses supplémentaires, de l’ordre de 2 000 euros, sous couvert de 0,5 unité de questions, pour la préparation des questionnaires du sondage, et, d’autre part, “la création et l’aggravation d’une situation de conflit d’intérêts”. À cet égard, l’AIPN faisait notamment référence à un courriel du 24 juin 2003 par lequel [CX] avait proposé au
consortium E., prestataire désigné pour assurer la traduction en français du rapport final établi par la société G., de sous-traiter le travail de traduction à “une société de traduction ‘amie’”, la société N., créée par la personne qui se trouvait être, à cette époque, la compagne de [CX]. Après avoir estimé, dans ses observations finales, que “la sanction recommandée par le [c]onseil de discipline [était] la sanction appropriée”, l’AIPN a décidé d’infliger à [CX] la sanction disciplinaire de la
révocation sans réduction pro tempore de la pension, au titre de l’article 9, paragraphe 1, sous h), de l’annexe IX du statut.

37      Par note du 16 octobre 2013, le directeur général de la DG “Ressources humaines et sécurité” a transmis à [CX] la décision [litigieuse], en l’informant également qu’il avait ouvert une troisième procédure disciplinaire à son égard, portant sur les “faits actuellement soumis à l’appréciation des juridictions belges”, et qu’il avait décidé de suspendre cette procédure disciplinaire “dans l’attente du résultat de la procédure pénale”.

38      Le 3 décembre 2013, [CX] a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision [litigieuse]. »

 La procédure devant le Tribunal de la fonction publique et devant le Tribunal ainsi que l’arrêt attaqué

5        Le 17 janvier 2014, CX a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse devant le Tribunal de la fonction publique.

6        Par arrêt du 18 juin 2015, CX/Commission (F‑5/14, ci-après l’« arrêt initial », EU:F:2015:61), cette juridiction a annulé la décision litigieuse, après avoir constaté, au point 87 de cet arrêt, que le droit de CX d’être entendu par l’AIPN tripartite, au sens de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et de l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, « n’[avait] pas été limité pour des raisons objectives dans le respect des conditions de
proportionnalité et de nécessité prévues par l’article 52 de la [charte des droits fondamentaux] et que les intérêts et l’état de santé de [l’intéressé] n’[avaient] pas été suffisamment pris en compte par l’AIPN, en violation du devoir de sollicitude ».

7        Le 26 août 2015, la Commission a introduit un pourvoi contre l’arrêt initial.

8        Par arrêt du 27 octobre 2016, Commission/CX (T‑493/15 P, non publié, ci-après l’« arrêt sur pourvoi », EU:T:2016:636), le Tribunal a jugé que la conclusion du Tribunal de la fonction publique figurant au point 87 de l’arrêt initial, telle qu’exposée au point 6 du présent arrêt, « [reposait] sur un examen incomplet des faits, sur une dénaturation de certains éléments de preuve et sur des erreurs de droit ». En outre, il a considéré que l’arrêt initial était vicié par une erreur de droit
quant à l’interprétation de l’article 22 de l’annexe IX du statut. Par conséquent, le Tribunal a annulé l’arrêt initial et a renvoyé l’affaire devant une autre formation de jugement du Tribunal.

9        Les 23 décembre 2016 et 5 janvier 2017, respectivement, la Commission et CX ont déposé les observations prévues à l’article 217, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, applicable par analogie à la procédure de renvoi.

10      Dans le dernier état de ses conclusions, CX a conclu à l’annulation de la décision litigieuse et à la condamnation de la Commission à lui verser des dommages-intérêts en réparation des préjudices qu’il estime avoir subis, en soulevant, à l’appui de ses conclusions, quatre moyens.

11      En défense, la Commission a conclu au rejet du recours ainsi qu’à la condamnation de CX aux dépens.

12      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a annulé la décision litigieuse, après avoir accueilli le premier grief de la première branche du deuxième moyen, tiré de la violation par l’AIPN de l’obligation qui lui incombait d’entendre CX avant l’adoption de la décision litigieuse.

13      L’appréciation de ce grief par le Tribunal figure aux points 155 à 176 de l’arrêt attaqué :

« 155      Les parties s’opposent donc sur le point de savoir si [CX] était ou non en mesure d’assurer utilement sa défense au moment où il a été convoqué à l’audition disciplinaire. Estimant que tel était le cas, la Commission considère qu’il doit être tenu pour entièrement responsable de son absence à l’audition préalable à l’adoption de la décision attaquée. [CX], quant à lui, fait valoir qu’il avait suffisamment établi son incapacité à assurer sa défense et que la Commission n’est pas parvenue à
démontrer le contraire.

156      Il convient par ailleurs de rappeler que, en application des dispositions combinées de l’article 4 et de l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, le droit d’être entendu du fonctionnaire par l’AIPN peut s’exercer selon trois modalités différentes, dont chacune est a priori suffisante, les deux dernières modalités étant prévues pour les cas dans lesquels, pour des raisons objectives, le fonctionnaire ne peut personnellement être entendu : par la comparution personnelle du
fonctionnaire devant l’AIPN ; par la représentation du fonctionnaire poursuivi par le conseil de son choix ; par la présentation d’observations écrites.

157      Il est établi par les pièces du dossier que [CX] ne s’est présenté à aucune des deux auditions disciplinaires auxquelles il avait été convoqué. La question de savoir si ces absences étaient justifiées – et, partant, si l’AIPN pouvait légalement adopter la [décision litigieuse] sans l’entendre – dépend du point de savoir si la Commission est parvenue, au vu des circonstances de fait qui prévalaient à l’époque, à écarter la présomption d’incapacité établie par le certificat médical du 10 juin
2013. Ce certificat, en effet, comporte les indications suivantes :

“[CX] n’a plus actuellement la capacité à faire face à la succession d’étapes administratives [...] Par ailleurs, il ne comprend pas ce qui lui est reproché et n’est clairement pas en mesure d’assurer son droit à se défendre, et ce au moins depuis septembre 2012.

Il me paraît donc nécessaire de suspendre pour l’instant tous actes le concernant jusqu’à ce qu’une amélioration sensible de son état puisse être constatée.”

158      Tout d’abord, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, il appartient au fonctionnaire poursuivi d’établir son incapacité à assurer sa défense. Lorsqu’il le fait en produisant un certificat médical en ce sens, il établit à cet égard une présomption qui n’est pas irréfragable. L’administration peut alors utiliser tous moyens de preuve pour tenter de renverser cette présomption (voir, en ce sens, arrêts du 5 décembre 2002, Stevens/Commission, T‑277/01, EU:T:2002:302, point 42, et
du 15 octobre 2014, de Brito Sequeira Carvalho/Commission, F-I07/13, EU:F:2014:232, point 111).

[...]

160      Il convient donc de vérifier si, comme elle le soutient, la Commission, d’une part, a accompli des diligences suffisantes et, d’autre part, disposait d’un faisceau d’indices lui permettant de remettre en cause la réalité de l’incapacité alléguée par [CX] à assurer sa défense aux dates auxquelles il avait été convoqué.

161      En premier lieu, en réponse à la demande présentée par [CX] et tendant à la suspension de l’action disciplinaire le concernant, la Commission a décidé de soumettre celui-ci à la contre-expertise d’un psychiatre extérieur à l’institution, le docteur S. Elle a ensuite déduit du rapport d’expertise du docteur S. que le requérant pouvait participer à une audition disciplinaire.

162      Force est cependant de constater, à la lecture de ce rapport d’expertise, lequel a été versé aux débats avant l’audience, que le docteur S. a corroboré le diagnostic de trouble dépressif majeur anxieux évoluant depuis plusieurs mois, dans un contexte d’antécédents de dépendance aux médicaments et à l’alcool. Se contentant de relever que les troubles dont [CX] était atteint n’interféraient pas de manière significative avec sa participation à “un examen médical ou à un entretien comparable”,
le docteur S. n’a cependant nullement émis l’avis que [CX] avait la capacité de participer utilement à une audition disciplinaire devant l’AIPN tripartite, susceptible d’aboutir à sa révocation. Un tel entretien, en effet, ne saurait être considéré comme “comparable” à un examen médical. Il s’ensuit que, en considérant que le rapport d’expertise médicale établi par le docteur S. le 27 juin 2013 infirmait le contenu du certificat médical du 10 juin 2013, la Commission en a dénaturé la teneur.

163      A fortiori, il ne saurait être reproché [à CX], comme la Commission tente de le faire, de ne pas avoir produit un nouveau certificat médical avant les deux dates auxquelles il a été convoqué. En effet, [CX] s’estimait couvert par le certificat médical du 10 juin 2013 et il avait expressément contesté les raisons pour lesquelles la Commission entendait écarter ledit certificat.

164      En second lieu, la Commission fait valoir que, entre le mois de septembre 2012 et le 19 juillet 2013, date de la seconde audition disciplinaire, [CX] a manifesté par son comportement qu’il avait la capacité de comprendre ce qui lui était reproché et d’argumenter en sa faveur, c’est-à-dire d’assurer utilement sa propre défense. Les éléments invoqués par la Commission, également relevés par le Tribunal dans l’arrêt sur pourvoi et dont l’exactitude matérielle n’est pas contestée par le
requérant, sont notamment les suivants.

[...]

171      Septièmement, le 1^er juillet 2013, jour prévu pour l’audition disciplinaire, [CX] a adressé à l’IDOC un courriel particulièrement détaillé (voir point 28 ci-dessus), dans lequel il articule différents moyens, cite le code pénal français, conteste l’extrait de la note de l’AIPN mentionnant par erreur qu’il avait été examiné par le docteur A.-G. alors qu’il l’avait été par le docteur S., rappelle des correspondances antérieures, précise les dates auxquelles son conseil était disponible,
exige l’envoi par l’AIPN de documents en recommandé sous peine de nullité et présente plusieurs demandes au titre de l’article 90, paragraphe l, du statut.

[...]

173      L’ensemble de ces éléments, qui s’inscrivent, d’ailleurs, parmi d’autres faits comparables ressortant des pièces du dossier, constituent, il est vrai, des indices susceptibles de démontrer la capacité [de CX] à comprendre les enjeux des différentes étapes de la procédure disciplinaire. Pour autant, de tels éléments ne sauraient infirmer les constatations du certificat médical du 10 juin 2013 selon lesquelles [CX] n’était pas en mesure de se défendre utilement lors d’une audition
disciplinaire. En effet, il convient de replacer ces éléments dans le contexte [...]  évoqué dans le certificat médical du 10 juin 2013 et dans le rapport d’expertise du docteur S. du 27 juin 2013. Il convient également d’avoir égard au fait que [CX] s’est trouvé contraint, par le calendrier de la procédure disciplinaire dont il a fait l’objet, de répondre aux griefs qui lui ont été opposés à chaque étape de la procédure. Dans ces conditions, sa participation, même active, à la procédure ne saurait,
par elle-même, et à l’encontre des avis médicaux dont il a fait l’objet, suffire à démontrer qu’il était dans un état lui permettant d’assurer utilement sa défense.

174      Par suite, c’est à tort que la Commission a considéré que les absences [de CX] aux deux auditions disciplinaires auxquelles il avait été convoqué n’étaient pas justifiées et que, en conséquence, il devait être tenu pour entièrement responsable du défaut d’audition préalable à l’adoption de la décision attaquée. Compte tenu de son incapacité établie à assurer sa défense, il ne saurait davantage être reproché [à CX] de ne pas s’être fait représenter et de n’avoir pas fait usage de la
possibilité de présenter des observations écrites lors des auditions disciplinaires [...]

175      Enfin, il suffit de relever que l’argument de la Commission selon lequel l’incidence du défaut d’audition préalable [de CX] sur le contenu de la décision attaquée serait théorique est, lui-même, purement conjecturel et qu’il n’est étayé d’aucun commencement de preuve de nature à en établir le bien-fondé.

176      Il s’ensuit que l’AIPN n’a pu adopter la décision attaquée sans méconnaître les dispositions de l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut et le droit [de CX] d’être entendu. Par conséquent, la [décision litigieuse] doit être annulée, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres arguments allégués par [CX]. »

 Les conclusions des parties devant la Cour

14      Par son pourvoi, la Commission demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué ;

–        de renvoyer l’affaire devant le Tribunal afin qu’il statue sur les autres moyens du recours, et

–        de réserver les dépens.

15      CX demande à la Cour de rejeter le pourvoi dans son intégralité comme étant manifestement irrecevable et non fondé.

 Sur le pourvoi

 Sur la persistance de l’objet du litige 

 Argumentation des parties

16      CX considère que le pourvoi est devenu sans objet dès lors que, à la suite de l’annulation de la décision litigieuse par l’arrêt attaqué, la Commission l’a de nouveau convoqué pour une audition le 15 mai 2019 et que, à la suite de celle-ci, le 28 juin 2019, l’AIPN a adopté une nouvelle décision de révocation. Ainsi, si la Cour venait à annuler l’arrêt attaqué, il ferait l’objet simultanément de deux décisions disciplinaires, ce qui serait contraire au principe non bis in idem.

17      La Commission conclut à la persistance de l’objet du litige. Elle fait valoir que la question de la légalité de la décision litigieuse, qui a pris effet le 1^er novembre 2013, reste déterminante pour régler la situation juridique, notamment financière, de CX entre cette dernière date et la date de prise d’effet de la nouvelle décision de révocation.

 Appréciation de la Cour

18      Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, l’objet du litige doit perdurer, de même que l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle, sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours ou, le cas échéant, le pourvoi soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (arrêt du 4 septembre 2018, ClientEarth/Commission, C‑57/16 P, EU:C:2018:660, point 43 et jurisprudence citée).

19      En l’occurrence, il convient de constater que, si la Cour venait à annuler l’arrêt attaqué, cette annulation serait susceptible de procurer un bénéfice certain à la Commission, puisque celle-ci serait en mesure de régler définitivement la situation juridique de CX et d’obtenir, le cas échéant, après reconstitution de sa carrière, la restitution des sommes perçues par celui-ci entre le 1^er novembre 2013, date de prise d’effet de la décision litigieuse, et le 1^er juillet 2019, date de prise
d’effet de la nouvelle décision de révocation, adoptée le 28 juin 2019.

20      Il s’ensuit que le pourvoi ne se trouve pas dépourvu d’objet et qu’il y a lieu de statuer sur celui-ci.

 Sur la recevabilité du pourvoi

 Argumentation des parties

21      CX estime que le pourvoi doit être rejeté dans son ensemble comme étant manifestement irrecevable, en vertu de l’article 181 du règlement de procédure. En effet, par ce pourvoi, la Commission entendrait en réalité obtenir une nouvelle appréciation des faits, puisqu’elle se bornerait à renvoyer aux arguments qui avaient été soumis au Tribunal et se limiterait à des affirmations générales portant sur la méconnaissance par l’arrêt attaqué du droit de l’Union, sans identifier avec suffisamment
de clarté les éléments critiqués de cet arrêt et les moyens invoqués à l’appui dudit pourvoi. CX ajoute que ce dernier serait structuré de manière incompréhensible.

22      La Commission conclut au rejet de la fin de non-recevoir soulevée par CX.

 Appréciation de la Cour

23      Il convient de rappeler que, conformément à l’article 256 TFUE et à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit et doit être fondé sur des moyens tirés de l’incompétence du Tribunal, d’irrégularités de la procédure devant le Tribunal portant atteinte aux intérêts de la partie requérante ou de la violation du droit de l’Union par le Tribunal (arrêt du 4 septembre 2014, Espagne/Commission, C‑192/13 P,
EU:C:2014:2156, point 42 et jurisprudence citée).

24      En outre, il résulte de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 168, paragraphe 1, sous d), et de l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de la décision du Tribunal dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette
demande. Ne répond pas aux exigences de motivation résultant de ces dispositions un pourvoi qui se limite à répéter ou à reproduire textuellement les moyens et les arguments qui ont été présentés devant le Tribunal, y compris ceux qui étaient fondés sur des faits expressément rejetés par cette juridiction (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 46 ainsi que jurisprudence citée).

25      Cependant, dès lors qu’un requérant conteste l’interprétation ou l’application du droit de l’Union faite par le Tribunal, les points de droit examinés en première instance peuvent être à nouveau discutés dans le cadre d’un pourvoi. En effet, si un requérant ne pouvait fonder de la sorte son pourvoi sur des moyens et des arguments déjà utilisés devant le Tribunal, la procédure de pourvoi serait privée d’une partie de son sens (arrêt du 4 septembre 2014, Espagne/Commission, C‑192/13 P,
EU:C:2014:2156, point 45 et jurisprudence citée).

26      En l’espèce, le présent pourvoi satisfait, ainsi qu’il ressort de son contenu, aux exigences mentionnées au point 24 du présent arrêt, puisqu’il identifie avec précision les points critiqués de l’arrêt attaqué et avance à l’encontre de ces points des moyens et des arguments juridiques. Par suite, le présent pourvoi, lequel est, au demeurant, structuré de manière compréhensible, est recevable.

 Sur le fond

27      À l’appui de son pourvoi, la Commission soulève trois moyens. Le premier moyen, qui se subdivise en trois branches, et le deuxième moyen, qui se subdivise en deux branches, sont tous deux tirés d’une « méconnaissance des articles 4 et 22 de l’annexe IX du statut », en ce que le Tribunal aurait interprété erronément la portée, premièrement, du droit du fonctionnaire à « la comparution personnelle » et, deuxièmement, du droit de celui-ci à être invité à formuler des observations écrites ou de
se faire représenter par une personne de son choix. Par son troisième moyen, la Commission reproche au Tribunal d’avoir méconnu l’obligation de motivation concernant les conséquences de la violation du droit d’être entendu.

28      À cet égard, il convient d’examiner d’emblée les première et deuxième branches du premier moyen, ensemble avec la première branche du deuxième moyen.

 Argumentation des parties

29      À l’appui des première et deuxième branches du premier moyen ainsi que de la première branche du deuxième moyen, la Commission fait valoir, en substance, que c’est en méconnaissance des règles qui lui imposent de mener un contrôle juridictionnel complet sur les faits et en ne prenant pas en compte concrètement tous les éléments de preuve pertinents que le Tribunal est parvenu, à tort, à la conclusion, figurant au point 173 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la présomption qui s’attache au
certificat médical du 10 juin 2013 n’avait pas été renversée.

30      Plus particulièrement, la Commission fait valoir que, parmi les éléments de preuve qui démontraient que CX était en mesure de comparaître utilement à l’audition devant l’AIPN ou, à tout le moins, de faire parvenir à celle-ci des observations écrites ou de se faire représenter, figuraient, notamment, l’avis du docteur A.-G. du 5 avril 2013 ainsi que l’interprétation donnée par ce dernier au rapport d’expertise du docteur S. du 27 juin 2013. Or, la motivation de l’arrêt attaqué ne permettrait
pas de savoir si le Tribunal a effectivement pris en considération ces deux éléments de preuve ou, en tout état de cause, de connaître les raisons pour lesquelles il a estimé que celles-ci n’étaient pas susceptibles de renverser la présomption qui s’attache au certificat médical du 10 juin 2013.

31      Dans son mémoire en réponse, CX rétorque que le Tribunal a, au point 162 de l’arrêt attaqué, suffisamment caractérisé et tenu compte de la gravité de la situation, notamment en rappelant que le docteur S. avait corroboré le diagnostic de « trouble dépressif majeur anxieux » évoluant depuis plusieurs mois.

32      Par ailleurs, le Tribunal aurait examiné tous les éléments pertinents du cas d’espèce, et il lui appartenait seul d’apprécier la valeur qu’il convenait d’attribuer aux éléments qui lui étaient soumis.

 Appréciation de la Cour

33      D’emblée, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre du pourvoi, le contrôle de la Cour a pour objet, notamment, de vérifier si le Tribunal a répondu à suffisance de droit à l’ensemble des arguments invoqués par le requérant (arrêts du 2 avril 2009, France Télécom/Commission, C‑202/07 P, EU:C:2009:214, point 41, et du 15 avril 2010, Gualtieri/Commission, C‑485/08 P, EU:C:2010:188, point 40).

34      Par ailleurs, le moyen tiré d’un défaut de réponse du Tribunal à des arguments invoqués en première instance revient, en substance, à invoquer une violation de l’obligation de motivation qui découle de l’article 36 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 119 du règlement de procédure du Tribunal (ordonnance du 13 décembre 2012, Alliance One International/Commission, C‑593/11 P, non
publiée, EU:C:2012:804, point 27).

35      Il ressort également d’une jurisprudence constante de la Cour que l’obligation de motivation n’impose pas au Tribunal de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige, et que la motivation du Tribunal peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour
exercer son contrôle (ordonnance du 13 décembre 2012, Alliance One International/Commission, C‑593/11 P, non publiée, EU:C:2012:804, point 28).

36      En l’espèce, il ressort des points 163 et 173 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a estimé que le certificat médical du 10 juin 2013 avait établi une présomption selon laquelle CX n’était pas en mesure d’assurer utilement sa défense devant l’AIPN dans le cadre de la procédure disciplinaire jusqu’au mois de septembre 2013. Il a, par ailleurs, considéré que cette présomption, que confirmaient certains éléments figurant dans le rapport d’expertise du docteur S. du 27 juin 2013, ne pouvait être
renversée par les éléments de preuve contraire avancés par la Commission, mentionnés aux points 165 à 172 de l’arrêt attaqué.

37      Or, d’une part, s’agissant de l’avis du 5 avril 2013, dans lequel le docteur A.-G., médecin-conseil de la Commission, indiquait que CX était en mesure de comparaître devant le conseil de discipline le 21 mai 2013, il est constant que le Tribunal s’est abstenu, dans son appréciation figurant dans l’arrêt attaqué, de toute référence audit avis.

38      D’autre part, en ce qui concerne l’interprétation donnée par ce même docteur A.-G. au rapport d’expertise du docteur S. du 27 juin 2013, il est vrai que le Tribunal a mentionné cette interprétation tant au point 26 de l’arrêt attaqué, dans le cadre de la description des faits, qu’au point 171 de cet arrêt, au titre des éléments invoqués par la Commission aux fins d’établir la capacité de CX à assurer sa propre défense. Toutefois, le Tribunal n’a pas spécifiquement mentionné ladite
interprétation lorsqu’il a, au point 173 dudit arrêt, apprécié la question de savoir si l’ensemble de ces éléments était de nature à renverser la présomption établie par le certificat médical du 10 juin 2013.

39      Or, dans la mesure où tant l’avis du docteur A.-G. du 5 avril 2013 que l’interprétation donnée par celui-ci au rapport d’expertise du docteur S. du 27 juin 2013 allaient dans un sens contraire à celui du certificat médical du 10 juin 2013, le Tribunal aurait dû, pour satisfaire à l’obligation de motivation à laquelle il était tenu, exposer les raisons pour lesquelles ces deux éléments de preuve, considérés isolément et ensemble avec les autres éléments pertinents, étaient insusceptibles de
renverser la présomption résultant dudit certificat médical.

40      De surcroît, il y a lieu de faire observer que, ainsi qu’il découle du point 51 de l’arrêt sur pourvoi, le Tribunal lui-même, siégeant dans une autre formation de jugement, avait expressément fait reproche au Tribunal de la fonction publique d’avoir omis de tenir compte, dans l’arrêt initial, au titre des éléments à prendre en considération pour apprécier si la présomption attachée au certificat médical du 10 juin 2013 pouvait être renversée, de l’interprétation donnée par le docteur A.-G.
au rapport d’expertise du docteur S. du 27 juin 2013.

41      Dans ces conditions, les motifs de l’arrêt attaqué ne permettant ni à la Commission de connaître les justifications du rejet de ses arguments ni à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel, il y a lieu d’accueillir les première et deuxième branches du premier moyen ainsi que la première branche du deuxième moyen.

42      Il s’ensuit, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres branches et arguments des premier et deuxième moyens ainsi que le troisième moyen, que l’arrêt attaqué doit être annulé.

 Sur les conséquences de l’annulation de l’arrêt attaqué

43      Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, celle-ci peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue, soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

44      En l’espèce, la Cour estime qu’il appartiendra au Tribunal de prendre en considération, de façon motivée, l’ensemble des éléments avancés par la Commission afin de vérifier si la présomption attachée au certificat médical du 10 juin 2013 peut être renversée.

45      Par ailleurs, alors que, dans le cadre du recours introduit devant le Tribunal, CX avait invoqué quatre moyens, il ressort des points 77 et 176 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a annulé la décision litigieuse en limitant son examen à la première branche du deuxième moyen de première instance.

46      Dans ces conditions, il convient de renvoyer l’affaire devant le Tribunal.

 Sur les dépens

47      L’affaire étant renvoyée devant le Tribunal, il convient de réserver les dépens.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) déclare et arrête :

1)      L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 13 décembre 2018, CX/Commission (T‑743/16 RENV, non publié, EU:T:2018:937), est annulé.

2)      L’affaire est renvoyée devant le Tribunal de l’Union européenne.

3)      Les dépens sont réservés.

Rossi Malenovský Wahl

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 juin 2020.

Le greffier La présidente de la VIII^ème chambre

A. Calot Escobar   L.S. Rossi

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*      Langue de procédure : le français.


Synthèse
Formation : Huitième chambre
Numéro d'arrêt : C-131/19
Date de la décision : 25/06/2020
Type d'affaire : Pourvoi - fondé
Type de recours : Recours de fonctionnaires

Analyses

Pourvoi – Fonction publique – Procédure disciplinaire – Droits de la défense – Droit d’être entendu – Annexe IX du statut des fonctionnaires de l’Union européenne – Article 4 – Possibilité pour le fonctionnaire qui ne peut être entendu de formuler ses observations par écrit ou de se faire représenter – Article 22 – Audition du fonctionnaire par l’autorité investie du pouvoir de nomination préalablement à l’adoption de la sanction disciplinaire – Incapacité alléguée du fonctionnaire à être entendu ainsi qu’à formuler des formulations par écrit ou à se faire représenter – Appréciation des preuves médicales – Défaut de réponse du Tribunal de l’Union européenne à des arguments invoqués en première instance.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Commission européenne
Défendeurs : CX.

Composition du Tribunal
Avocat général : Pikamäe
Rapporteur ?: Malenovský

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2020:502

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