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26/03/2020 | CJUE | N°C-244/18

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Larko Geniki Metalleftiki kai Metallourgiki AE contre Commission européenne., 26/03/2020, C-244/18


 ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

26 mars 2020 ( *1 )

« Pourvoi – Aides d’État – Injection de capital et garanties d’État – Notion d’aide d’État – Notion d’“avantage” – Principe de l’opérateur privé – Critère de l’investisseur privé – Obligation d’examen diligent et impartial incombant à la Commission européenne – Contrôle juridictionnel – Charge de la preuve – Notion d’“entreprise en difficulté” – Lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration – Commu

nication relative aux garanties – Cadre temporaire de 2011 –
Montant des aides à récupérer – Obligations de motivation incombant à la Commis...

 ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

26 mars 2020 ( *1 )

« Pourvoi – Aides d’État – Injection de capital et garanties d’État – Notion d’aide d’État – Notion d’“avantage” – Principe de l’opérateur privé – Critère de l’investisseur privé – Obligation d’examen diligent et impartial incombant à la Commission européenne – Contrôle juridictionnel – Charge de la preuve – Notion d’“entreprise en difficulté” – Lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration – Communication relative aux garanties – Cadre temporaire de 2011 –
Montant des aides à récupérer – Obligations de motivation incombant à la Commission et au Tribunal de l’Union européenne »

Dans l’affaire C‑244/18 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 4 avril 2018,

Larko Geniki Metalleftiki kai Metallourgiki AE, établie à Athènes (Grèce), représentée par Mes I. Drillerakis, E. Rantos, N. Korogiannakis, I. Soufleros, E. Triantafyllou, et G. Psaroudakis, dikigoroi,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par MM. É. Gippini Fournier et A. Bouchagiar, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. A. Arabadjiev (rapporteur), président de chambre, MM. P. G. Xuereb et T. von Danwitz, juges,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 24 octobre 2019,

rend le présent

Arrêt

1 Par son pourvoi, Larko Geniki Metalleftiki kai Metallourgiki AE (ci-après « Larko ») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 1er février 2018, Larko/Commission (T‑423/14, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:57), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision 2014/539/UE de la Commission, du 27 mars 2014, concernant l’aide d’État SA.34572 (13/C) (ex 13/NN) accordée par la Grèce à Larco General Mining & Metallurgical Company SA (JO
2014, L 254, p. 24, ci-après la « décision litigieuse »).

Le cadre juridique

Les lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration

2 Les points 9 à 11 des lignes directrices communautaires concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté (JO 2004, C 244, p. 2, ci-après les « lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration ») prévoient :

« 9. Il n’existe pas de définition communautaire de ce qui constitue une entreprise en difficulté. Toutefois, aux fins des présentes lignes directrices, la Commission considère qu’une entreprise est en difficulté lorsqu’elle est incapable, avec ses ressources propres ou avec les fonds que sont prêts à lui apporter ses propriétaires/actionnaires ou ses créanciers, d’enrayer des pertes qui la conduisent, en l’absence d’une intervention extérieure des pouvoirs publics, vers une mort économique quasi
certaine à court ou moyen terme.

10. Concrètement, une entreprise est, en principe et quelle que soit sa taille, considérée comme étant en difficulté aux fins des présentes lignes directrices dans les circonstances suivantes :

a) s’il s’agit d’une société à responsabilité limitée [...], lorsque plus de la moitié de son capital social a disparu [...], plus du quart de ce capital ayant été perdu au cours des douze derniers mois, ou

b) s’il s’agit d’une société dont certains associés au moins ont une responsabilité illimitée pour les dettes de la société [...], lorsque plus de la moitié des fonds propres, tels qu’ils sont inscrits dans les comptes de la société, a disparu, plus du quart de ces fonds ayant été perdu au cours des douze derniers mois ; ou

c) pour toutes les formes d’entreprises, lorsqu’elle remplit selon le droit national qui lui est applicable, les conditions de soumission à une procédure collective d’insolvabilité.

11. Même si aucune des conditions énoncées au point 10 n’est remplie, une entreprise peut néanmoins être considérée comme étant en difficulté, en particulier si l’on est en présence des indices habituels d’une entreprise en situation de difficulté, tels que le niveau croissant des pertes, la diminution du chiffre d’affaires, le gonflement des stocks, la surcapacité, la diminution de la marge brute d’autofinancement, l’endettement croissant, la progression des charges financières ainsi que
l’affaiblissement ou la disparition de la valeur de l’actif net. Dans les cas les plus graves, l’entreprise peut même être devenue insolvable ou faire l’objet d’une procédure collective relative à son insolvabilité en droit national. Dans ce dernier cas, les présentes lignes directrices s’appliquent aux aides éventuellement accordées dans le contexte d’une telle procédure en vue d’assurer le maintien en activité de l’entreprise. Dans tous les cas, l’entreprise en difficulté n’est éligible
qu’après mise en évidence de son incapacité à assurer son redressement avec ses ressources propres, ou avec des fonds obtenus auprès de ses propriétaires/actionnaires ou de sources du marché. »

La communication relative aux garanties

3 La communication de la Commission sur l’application des articles [107] et [108 TFUE] aux aides d’État sous forme de garanties (JO 2008, C 155, p. 10, ci-après la « communication relative aux garanties ») énonce, à son point 2.1, troisième alinéa :

« Afin de dissiper les doutes à ce sujet, il conviendrait de clarifier la notion de ressources d’État à l’égard des garanties d’État. Cette forme de garantie présente l’avantage de faire supporter par l’État le risque qui y est associé. Or cette prise de risque devrait normalement être rémunérée par une prime appropriée. Lorsque l’État renonce à tout ou partie de cette prime, il y a à la fois avantage pour l’entreprise et ponction sur les ressources publiques. Par conséquent, même si, finalement,
l’État n’est pas amené à faire des paiements au titre de la garantie accordée, il peut néanmoins y avoir aide d’État au sens de l’article [107], paragraphe 1, [TFUE]. L’aide est accordée au moment où la garantie est offerte, et non au moment où elle est mobilisée ou à celui où elle entraîne des paiements. C’est donc au moment où la garantie est donnée qu’il y a lieu de déterminer si elle constitue ou non une aide d’État et, dans l’affirmative, d’en calculer le montant. »

4 Le point 3.2, sous a) et d), de cette communication relève :

« Dans le cas d’une garantie publique individuelle, la Commission considère que les conditions énoncées aux points a) à d) seront suffisantes pour exclure la présence d’une aide d’État.

a) L’emprunteur n’est pas en difficulté financière.

Afin de décider si l’emprunteur doit être considéré comme en difficulté financière, il y a lieu d’appliquer la définition figurant dans les [lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration]. Aux fins de la présente communication, les PME constituées depuis moins de trois ans ne sont pas considérées comme en difficulté financière pendant cette période.

[...]

d) La garantie donne lieu au paiement d’une prime conforme au prix du marché.

Ainsi qu’il est indiqué au point 2.1, la prise de risque devrait normalement être rémunérée par une prime adéquate sur le montant couvert par une garantie ou une contre-garantie. Lorsque le prix payé pour la garantie est au moins aussi élevé que la prime de garantie de référence correspondante offerte sur les marchés financiers, la garantie ne contient pas d’aide.

S’il n’existe pas de prime de garantie de référence correspondante sur les marchés financiers, le coût financier total du prêt garanti, comprenant le taux d’intérêt et la prime versée, doit être comparé au prix de marché d’un prêt similaire non garanti.

Dans les deux cas, afin de déterminer le prix de marché correspondant, il y a lieu de prendre en considération les caractéristiques de la garantie et du prêt sous-jacent. Celles-ci comprennent : le montant et la durée de l’opération, la sûreté donnée par l’emprunteur et autres éléments affectant l’évaluation du taux de recouvrement, la probabilité d’une défaillance de l’emprunteur due à sa situation financière, son secteur d’activité et ses perspectives, ainsi que d’autres conditions
économiques. Cette analyse doit notamment permettre de classer l’emprunteur au moyen d’une notation du risque. Elle peut s’appuyer sur la classification établie par une agence de notation internationalement reconnue ou correspondre, si elle existe, à la notation interne utilisée par la banque accordant le prêt sous-jacent. La Commission tient à mentionner le lien entre la notation et le taux de défaillance établi par les institutions financières internationales, dont les travaux sont également
publiés [...]. Afin de vérifier si la prime est conforme aux prix de marché, l’État membre peut procéder à une comparaison des prix payés par des entreprises ayant une note similaire sur le marché.

La Commission n’admettra donc pas que la prime versée au titre de la garantie soit fixée à un seul taux censé correspondre à une norme du secteur dans son ensemble. »

5 Le point 3.6 de ladite communication précise :

« Le non-respect de l’une quelconque des conditions prévues aux points 3.2 à 3.5 n’implique pas que la garantie ou le régime de garanties est automatiquement qualifié d’aide d’État. En cas de doute quant au caractère d’aide d’État d’une garantie ou d’un régime de garantie envisagé, le projet doit être notifié à la Commission. »

6 Le point 4.1, premier et deuxième alinéas ainsi que troisième alinéa, sous a), de la communication relative aux garanties expose :

« Lorsqu’une garantie individuelle ou un régime de garanties ne sont pas conformes au principe de l’investisseur en économie de marché, ils sont réputés contenir une aide d’État. Cet élément d’aide d’État doit donc être quantifié afin de pouvoir vérifier si l’aide peut être considérée comme compatible en vertu d’une exemption spécifique. Par principe, l’élément d’aide d’État sera réputé être égal à la différence entre le prix de marché adéquat de la garantie octroyée individuellement ou au titre
d’un régime et le prix réel payé pour cette mesure.

Les équivalents-subventions annuels qui en résultent devraient être actualisés à leur valeur présente en utilisant le taux de référence, puis être additionnés pour obtenir l’équivalent-subvention total.

En calculant l’élément d’aide d’une garantie, la Commission s’attachera tout particulièrement aux éléments suivants :

a) dans le cas des garanties individuelles : l’emprunteur est-il en difficulté financière ? Dans le cas des régimes de garanties, les critères d’admissibilité du régime prévoient-ils l’exclusion de ces entreprises ? [voir le détail au point 3.2.a)]

La Commission observe que pour les entreprises en difficulté, un garant sur le marché, s’il existe, exigerait une prime élevée au moment de l’octroi de la garantie, eu égard au taux de défaillance attendu. Si la probabilité que l’emprunteur ne puisse pas rembourser l’emprunt devient particulièrement élevée, il est possible que ce taux de marché n’existe pas et, dans des circonstances exceptionnelles, l’élément d’aide de la garantie peut se révéler aussi élevé que le montant effectivement
couvert par cette garantie ».

Le cadre temporaire de 2011

7 La communication de la Commission relative au cadre temporaire de l’Union pour les aides d’État destinées à favoriser l’accès au financement dans le contexte de la crise économique et financière actuelle (JO 2011, C 6, p. 5, ci-après le « cadre temporaire de 2011 ») indique, à son point 2.3, premier alinéa et second alinéa, sous f) et i) :

« Pour encourager davantage l’accès au financement et réduire la forte aversion au risque que manifestent actuellement les banques, des garanties de prêts subventionnées durant une période limitée peuvent constituer une solution appropriée et bien ciblée pour faciliter l’accès des entreprises au financement.

La Commission considérera que ces aides d’État sont compatibles avec le marché intérieur sur la base de l’article 107, paragraphe 3, point b), [TFUE], pour autant que toutes les conditions suivantes soient réunies :

[...]

f) la garantie ne dépasse pas 80 % du prêt pendant toute la durée du prêt ;

[...]

i) les entreprises en difficulté [telles que définies dans les lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration] sont exclues du champ d’application de la mesure. »

8 Le cadre temporaire de 2011 comporte, à son annexe, un tableau relatif au cadre temporaire des primes « refuge » en points de base par rapport à la catégorie de notation de l’agence de notation Standard & Poor’s.

Les antécédents du litige

9 Les antécédents du litige sont résumés comme suit aux points 1 à 14 de l’arrêt attaqué :

« 1 [Larko] est une grande entreprise, spécialisée dans l’extraction et la transformation du minerai de latérite, l’extraction de lignite et la production de ferronickel et de sous-produits.

2 Elle a été créée en 1989, sous la forme d’une nouvelle entreprise, à la suite de la liquidation de Hellenic Mining and Metallurgical SA. À l’époque des faits qui sous-tendent le litige, elle avait trois actionnaires : l’État grec, qui détenait 55,2 % des actions par l’intermédiaire du Hellenic Republic Asset Development Fund, un établissement financier privé, la National Bank of Greece SA (ci-après “ETE”), qui détenait 33,4 % des actions, et la Public Power Corporation (le principal producteur
d’électricité en Grèce, dont l’État est l’actionnaire majoritaire), qui détenait 11,4 % des actions.

3 En mars 2012, le Hellenic Republic Asset Development Fund a informé la Commission [...] d’un programme de privatisation de Larko.

4 En avril 2012, la Commission a lancé, d’office, un examen préliminaire sur ladite privatisation, conformément aux règles en matière d’aides d’État.

5 L’examen avait pour objet les six mesures suivantes :

– la première concernait, d’une part, un accord de règlement de dettes de 1998 entre Larko et ses créanciers principaux, en vertu duquel les dettes de cette société à l’égard des créanciers devaient être payées avec un intérêt de 6 % par an, et, d’autre part, le défaut de recouvrement de cette dette par l’État grec (ci-après la “mesure no 1”) ;

– la deuxième concernait une garantie relative à un prêt de 30 millions d’euros consenti par ATE Bank à Larko, garantie accordée par l’État grec en 2008 (ci-après la “mesure no 2” [...]). Cette garantie couvrait 100 % du prêt pendant une durée maximale de trois ans et prévoyait une prime de garantie de 1 % par an ;

– la troisième concernait une augmentation du capital social de 134 millions d’euros proposée en 2009 par le conseil d’administration de Larko, approuvée par ses trois actionnaires et à laquelle ont participé, pleinement, l’État grec et, partiellement, ETE (ci-après la “mesure no 3” [...]) ;

– la quatrième concernait une garantie accordée par l’État en 2010, d’une durée indéterminée, pour couvrir entièrement une lettre de garantie qu’ETE fournirait à Larko pour le montant d’environ 10,8 millions d’euros et prévoyant une prime de garantie de 2 % par an (ci-après la “mesure no 4” [...]). La lettre de garantie en cause garantissait le sursis à l’exécution, de la part de l’Areios Pagos (Cour de cassation, Grèce), d’un arrêt par lequel l’Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes, Grèce)
reconnaissait l’existence d’une dette de 10,8 millions d’euros de Larko à l’égard d’un créancier ;

– la cinquième concernait des lettres de garantie qui, par décision de la justice grecque, remplaçaient le prépaiement obligatoire de 25 % d’une amende fiscale (ci-après la “mesure no 5”) ;

– la sixième concernait deux garanties accordées par l’État en 2011 pour deux prêts, respectivement de 30 millions d’euros et de 20 millions d’euros, consentis par ATE Bank, garanties qui couvraient 100 % de ces prêts et prévoyaient une prime de 1 % par an (ci-après la “mesure no 6” [...]).

6 Au cours de cet examen, la Commission a demandé aux autorités grecques des informations supplémentaires, qui ont été fournies par lesdites autorités en 2012 et en 2013. Des réunions entre les services de la Commission et les représentants des autorités grecques ont également eu lieu.

7 Par décision du 6 mars 2013 (JO 2013, C 136, p. 27), la Commission a ouvert la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE concernant l’aide d’État SA.34572 (13/C) (ex 13/NN).

8 Au cours de la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, la Commission a invité les autorités grecques et les tiers intéressés à présenter leurs observations sur les mesures mentionnées au point 5 ci-dessus. La Commission a reçu des observations de la part des autorités grecques le 30 avril 2013 et n’a reçu aucune observation de la part des tiers intéressés.

9 Le 27 mars 2014, la Commission a adopté la décision [litigieuse].

10 Par la décision [litigieuse], la Commission a considéré, à titre liminaire, que, à l’époque où les six mesures en question avaient été accordées, Larko était une entreprise en difficulté au sens des [lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration].

11 S’agissant de l’appréciation des mesures mentionnées au point 5 ci-dessus, la Commission a considéré, tout d’abord, que les mesures nos 2 à 4 et 6 constituaient des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ensuite, que ces mesures avaient été accordées en violation des obligations de notification et d’interdiction de mise à exécution établies à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, et, enfin, que lesdites mesures constituaient des aides incompatibles avec le marché intérieur et
soumises à récupération au sens de l’article 14, paragraphe 1, du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1).

12 La Commission a également considéré que [...] les mesures nos 1 et 5 [...] ne constituaient pas des aides d’État.

13 Le dispositif de la décision [litigieuse] est libellé comme suit :

“[...]

Article 2

L’aide d’État s’élevant à 135820824,35 EUR sous la forme de garanties de l’État en faveur de [Larko] en 2008, 2010 et 2011 et la participation de l’État à l’augmentation du capital de l’entreprise en 2009, illégalement accordée par la Grèce en violation de l’article 108, paragraphe 3, [TFUE] est incompatible avec le marché intérieur.

Article 3

1.   La Grèce est tenue de récupérer les aides incompatibles visées à l’article 2 auprès du bénéficiaire.

2.   Les sommes à récupérer produisent des intérêts à partir de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition des bénéficiaires, jusqu’à leur récupération effective.

[...]

Article 6

La République hellénique est destinataire de la présente décision.”

14 L’annexe de la décision [litigieuse] fournit des “informations sur les montants reçus, à récupérer et déjà récupérés” et est reproduite ci-après :

Identité du bénéficiaire – mesure Montant total de l’aide reçue Montant total des aides à récupérer (Principal) Montant total déjà remboursé
  Principal Intérêts de recouvrement
Lar[k]o – mesure [no ]2 30 000 000 30 000 000 0 0
Lar[k]o – mesure [no ]3 44 999 999,40 44 999 999,40 0 0
Lar[k]o – mesure [no ]4 10 820 824,95 10 820 824,95 0 0
Lar[k]o – mesure [no ]6 50 000 000 50 000 000 0 0

»

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

10 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 juin 2014, Larko a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse ainsi qu’au remboursement, assorti d’intérêts, de toute somme éventuellement récupérée, directement ou indirectement, auprès d’elle en exécution de cette décision.

11 Au soutien de son recours, Larko a invoqué trois moyens, tirés, le premier, de ce que la Commission a considéré à tort que les mesures nos 2 à 4 et 6 constituaient des aides d’État incompatibles avec le marché intérieur, le deuxième, d’un défaut de motivation de la décision litigieuse et, le troisième, soulevé à titre subsidiaire, de ce que la Commission a déterminé de façon erronée le montant de l’aide à récupérer en ce qui concerne ces mesures et en a ordonné la récupération en violation de
principes fondamentaux de l’Union européenne.

12 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours dans son intégralité et a condamné Larko aux dépens.

Les conclusions des parties

13 Larko demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal et de réserver les dépens.

14 La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner Larko aux dépens.

Sur le pourvoi

15 À l’appui de son pourvoi, Larko avance quatre moyens, tirés, le premier, d’une application erronée du critère de l’investisseur privé et d’un défaut de motivation de l’arrêt attaqué, le deuxième, d’une interprétation erronée de la notion d’avantage économique et de défauts de motivation de cet arrêt, le troisième, d’erreurs de droit dans l’appréciation de la compatibilité avec le marché intérieur de la mesure no 6 ainsi que de défauts de motivation dudit arrêt et, le quatrième, d’erreurs de droit
dans l’appréciation de l’évaluation du montant des aides à récupérer au titre des mesures nos 2,4 et 6 et de défauts de motivation du même arrêt.

Sur le premier moyen, tiré d’une application erronée du critère de l’investisseur privé et d’un défaut de motivation de l’arrêt attaqué

Argumentation des parties

16 En premier lieu, Larko fait valoir que le Tribunal a erronément appliqué le critère de l’investisseur privé en ayant considéré, aux points 117 et 118 de l’arrêt attaqué, qu’elle n’a présenté aucun élément précédant la mesure no 3 démontrant que l’État grec visait, par cette mesure, à acquérir une participation majoritaire au capital de cette société en vue de lancer la vente de celle-ci ni qu’une telle acquisition aurait favorisé cette vente. En effet, en assurant la survie de son entreprise en
difficulté et, partant, la possibilité de la vendre, un investisseur privé avisé limiterait le préjudice résultant de la faillite de cette entreprise.

17 En deuxième lieu, selon Larko il est erroné de considérer que ne peut pas être pris en compte, car postérieur à la mesure no 3, le lancement de la privatisation de cette société immédiatement après cette mesure. La vente de ladite société n’ayant pu précéder ladite mesure, le fait que l’État grec n’avait pas extériorisé son intention d’y procéder ne serait pas pertinent. En effet, le lien économique inextricable entre la mesure no 3 et le lancement de cette privatisation ressortirait de leur
proximité chronologique.

18 En troisième lieu, l’absence de plan d’entreprise et de tout élément démontrant que l’État grec avait estimé la rentabilité à long terme de Larko ne suffirait pas non plus à justifier l’appréciation faite par le Tribunal au regard de l’application du critère de l’investisseur privé, dès lors qu’un tel investisseur pourrait raisonnablement investir sans plan d’entreprise afin non pas de rechercher un profit à long terme, mais de rendre possible la vente de l’entreprise.

19 En quatrième lieu, Larko considère que le Tribunal a renversé la charge de la preuve en ayant vérifié si l’appréciation de la Commission n’était pas manifestement erronée alors qu’il incombe à la Commission de prouver que les conditions d’application du critère de l’investisseur privé n’étaient manifestement pas réunies. Conformément à la jurisprudence, cette exigence s’appliquerait, en effet, à toutes les émanations du principe de l’opérateur privé et ne serait nullement circonscrite à l’aspect
quantitatif du critère du créancier privé.

20 En tout état de cause, le Tribunal aurait dû vérifier non seulement l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées. Or, en ayant méconnu la signification économique de l’augmentation de capital, le Tribunal aurait refusé de
prendre en compte des éléments essentiels pour apprécier les conditions d’application du critère de l’investisseur privé et, partant, commis une erreur de droit.

21 En cinquième lieu, les considérations contenues au point 120 de l’arrêt attaqué, selon lesquelles ETE a participé à l’augmentation de capital pour une proportion inférieure à celle de l’État et a annulé entièrement la valeur comptable de sa participation au capital, n’enlèveraient rien au fait qu’un investisseur privé avait décidé d’investir, concomitamment avec l’État, un montant important afin de conserver une participation minoritaire significative dans Larko, en vue de la privatisation de
celle-ci. Or, dans ces conditions, il ne saurait être considéré que Larko n’aurait manifestement pas obtenu des facilités comparables d’un investisseur privé.

22 En sixième lieu, Larko fait valoir que le Tribunal n’a pas répondu à son argument subsidiaire selon lequel la participation de l’État à l’augmentation du capital n’a pas eu pour effet l’octroi d’un avantage à celle-ci, à tout le moins à hauteur du montant nécessaire pour que l’État maintienne le même taux de participation dans cette entreprise.

23 La Commission conteste l’argumentation de Larko.

Appréciation de la Cour

24 Par son premier argument, Larko conteste, en substance et sans faire valoir une dénaturation d’éléments de preuve, l’appréciation souveraine des faits effectuée par le Tribunal aux points 117 et 118 de l’arrêt attaqué, selon laquelle Larko n’a pas établi que l’État grec a acquis une participation majoritaire au capital de Larko en vue de procéder à la vente de cette société et n’a pas davantage démontré que cette acquisition aurait favorisé cette vente.

25 Or, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, l’appréciation des faits par le Tribunal ne constitue pas, sous réserve d’une dénaturation des éléments de preuve produits devant lui, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (arrêt du 30 septembre 2003, Freistaat Sachsen e.a./Commission, C‑57/00 P et C‑61/00 P, EU:C:2003:510, point 102 ainsi que jurisprudence citée).

26 Il s’ensuit que le premier argument doit être écarté comme étant irrecevable.

27 Par son deuxième argument, Larko soutient que l’objectif de l’État grec de faciliter sa privatisation doit être déduit des démarches des autorités grecques postérieures à la mesure no 3, notamment en raison de leur proximité chronologique, et que l’absence de plan d’entreprise et de tout élément démontrant que l’État grec avait estimé la rentabilité à long terme de Larko ne suffit pas à justifier l’appréciation faite par le Tribunal au regard de l’application du critère de l’investisseur privé.

28 À cet égard, il convient de rappeler que, aux fins de l’appréciation de la question de savoir si la même mesure aurait été adoptée dans les conditions normales du marché par un opérateur privé, il convient de se référer à un tel opérateur se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle de l’État (voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2018, Commission/FIH Holding et FIH Erhvervsbank, C‑579/16 P, EU:C:2018:159, point 55 ainsi que jurisprudence citée).

29 C’est dans ce cadre qu’il appartient à la Commission d’effectuer une appréciation globale prenant en compte tout élément pertinent en l’espèce lui permettant de déterminer si l’entreprise bénéficiaire n’aurait manifestement pas obtenu des facilités comparables d’un tel opérateur privé (voir, en ce sens, arrêt du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission, C‑73/11 P, EU:C:2013:32, point 73).

30 À cet égard, doit être considérée comme étant pertinente toute information susceptible d’influencer de manière non négligeable le processus décisionnel d’un opérateur privé normalement prudent et diligent, se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle de l’État (voir, en ce sens, arrêts du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission, C‑73/11 P, EU:C:2013:32, point 78, et du 21 mars 2013, Commission/Buczek Automotive, C‑405/11 P, non publié, EU:C:2013:186, point 54).

31 En conséquence, sont seuls pertinents, aux fins de l’application du principe de l’opérateur privé, les éléments disponibles et les évolutions prévisibles au moment où la décision de procéder à la mesure en cause a été prise (voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2012, Commission/EDF, C‑124/10 P, EU:C:2012:318, point 105).

32 Partant, des éléments postérieurs au moment où la mesure concernée a été adoptée ne sauraient être pris en compte aux fins de l’application du principe de l’opérateur privé (voir, en ce sens, arrêt du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C‑486/15 P, EU:C:2016:912, point 139).

33 Certes, la Cour a jugé que, les interventions étatiques prenant des formes diverses et devant être analysées en fonction de leurs effets, il ne saurait être exclu que plusieurs interventions consécutives de l’État doivent, aux fins de l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, être regardées comme une seule intervention. Tel peut notamment être le cas lorsque des interventions consécutives présentent, au regard notamment de leur chronologie, de leur finalité et de la situation de
l’entreprise au moment de ces interventions, des liens tellement étroits entre elles qu’il est impossible de les dissocier (arrêt du 19 mars 2013, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission e.a. et Commission/France e.a., C‑399/10 P et C‑401/10 P, EU:C:2013:175, points 103 et 104).

34 Toutefois, le Tribunal ayant précisément constaté, en l’espèce, qu’il n’est pas établi que, par l’adoption de la mesure no 3, l’État grec poursuivait la vente de Larko, la prétendue proximité chronologique des démarches postérieures des autorités grecques ne suffit pas, à elle seule, à établir une erreur de droit commise par le Tribunal.

35 Pour autant que Larko conteste, par son troisième argument, l’appréciation faite par le Tribunal au regard de l’application du critère de l’investisseur privé en faisant valoir qu’un tel investisseur pourrait raisonnablement investir sans plan d’entreprise afin non pas de rechercher un profit sur le long terme, mais de rendre possible la vente de l’entreprise concernée, il suffit de relever que Larko demande ainsi à la Cour d’effectuer une nouvelle appréciation des faits, ce qui n’est pas, eu
égard à la jurisprudence rappelée au point 25 du présent arrêt, de son ressort.

36 Partant, le troisième argument doit être écarté comme étant irrecevable.

37 Par son quatrième argument, Larko reproche au Tribunal d’avoir méconnu les limites du contrôle juridictionnel qui lui incombe par rapport aux appréciations de la Commission relatives à l’application du critère de l’investisseur privé.

38 Certes, comme le fait valoir à bon droit Larko et ainsi qu’il a été relevé au point 29 du présent arrêt, il appartient à la Commission d’effectuer, lors de l’application du principe de l’opérateur privé, une appréciation globale prenant en compte tout élément pertinent en l’espèce lui permettant de déterminer si l’entreprise bénéficiaire n’aurait manifestement pas obtenu des facilités comparables d’un tel opérateur.

39 Toutefois, il est également de jurisprudence constante qu’un tel examen requiert de procéder à une appréciation économique complexe et que, dans le cadre du contrôle que les juridictions de l’Union exercent sur les appréciations économiques complexes faites par la Commission dans le domaine des aides d’État, il n’appartient pas au juge de l’Union de substituer son appréciation économique à celle de la Commission (arrêt du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C‑300/16 P, EU:C:2017:706,
points 62 et 63).

40 Par conséquent, le Tribunal n’a pas entaché l’arrêt attaqué d’une erreur de droit lorsqu’il a restreint son contrôle des appréciations de la Commission relatives à l’application du critère de l’investisseur privé à celui de l’erreur manifeste d’appréciation.

41 Pour autant que Larko relève à bon droit qu’il incombait néanmoins au Tribunal de vérifier non seulement l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (arrêt du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C‑300/16 P,
EU:C:2017:706, point 64), cette entreprise se borne à faire valoir que le Tribunal a méconnu la signification économique de l’augmentation de capital effectuée et remet donc ainsi en cause, de manière irrecevable, l’appréciation souveraine des faits par le Tribunal.

42 Il en va de même s’agissant du cinquième argument de Larko, par lequel cette entreprise conteste les appréciations factuelles effectuées par le Tribunal au point 120 de l’arrêt attaqué, relatives à la signification économique de la participation d’ETE à l’augmentation de capital.

43 Enfin, en ce qui concerne le sixième argument de Larko, il suffit de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que l’obligation de motivation n’impose pas au Tribunal de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige, la motivation du Tribunal pouvant donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la
Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (arrêt du 9 mars 2017, Ellinikos Chrysos/Commission, C‑100/16 P, EU:C:2017:194, point 32).

44 En effet, ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, les points 112 à 120 de l’arrêt attaqué permettent à la Cour d’exercer son contrôle et à Larko de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal a rejeté de manière implicite son argument subsidiaire selon lequel la participation de l’État à la mesure no 3 n’a pas comporté d’avantage pour Larko à hauteur du montant nécessaire pour que l’État maintienne le même taux de participation dans cette entreprise.

45 Eu égard aux considérations qui précèdent, le premier moyen doit être écarté comme étant, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondé.

Sur le deuxième moyen, tiré d’une interprétation erronée de la notion d’avantage économique et de défauts de motivation de l’arrêt attaqué

46 Le deuxième moyen comporte deux branches, relatives, la première, à la mesure no 2 et, la seconde, à la mesure no 4.

Sur la première branche du deuxième moyen, relative à la mesure no 2

– Argumentation des parties

47 Larko soutient que le Tribunal a commis deux erreurs de droit lorsqu’il a considéré que la mesure no 2 renferme un avantage en sa faveur.

48 D’une part, le Tribunal aurait erronément qualifié Larko d’entreprise en difficulté, dès lors que les éléments de fait sur lesquels cette appréciation est fondée sont postérieurs à l’octroi de ladite mesure. En effet, tout d’abord, les résultats financiers évoqués s’étendraient jusqu’à l’année 2012 et, en particulier, aux résultats négatifs de l’année 2009. Ensuite, les résultats financiers de l’année 2008 seraient aussi postérieurs à l’octroi de la même mesure et n’auraient pas été connus de
l’État grec lors de l’octroi de celle-ci, car l’exercice comptable n’était pas encore achevé. Enfin, à supposer même que les données de l’année 2008 n’étaient pas futures, elles seraient, à ce stade, des données à court terme.

49 Partant, Larko estime que le Tribunal a omis de se replacer dans le contexte de l’époque, ainsi que l’exige la jurisprudence de la Cour. En outre, il résulterait des points 9 à 11 des lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration que l’analyse de la situation patrimoniale de l’entreprise doit être fondée sur des données d’une durée suffisante et non sur l’image d’un instant.

50 D’autre part, le Tribunal a, selon Larko, erronément interprété le critère de rémunération en ce qui concerne la mesure no 2. À cet égard, Larko relève que le Tribunal a constaté lui-même, au point 95 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’a établi aucun des éléments du critère qui résulte du point 3.2, sous d), de la communication relative aux garanties. Or, par une telle communication, qui ne prévoirait aucune exception pour des cas dans lesquels il serait « évident », selon la Commission, que
les conditions d’application de cette disposition n’étaient pas remplies, cette institution se serait autolimitée et aurait créé de la confiance légitime dans une égalité de traitement.

51 Partant, lorsqu’il a néanmoins jugé que la décision litigieuse n’est pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation, en raison de la situation de difficulté économique de Larko et du manque d’apport, au cours de la procédure administrative, d’éléments démontrant que la prime de garantie prévue dans la mesure no 2 était adéquate, le Tribunal aurait, à la fois, remplacé le système de critères établi au point 3.2, sous d), de la communication relative aux garanties et rejeté sur Larko et l’État
grec la charge de prouver le montant adéquat de cette prime, dispensant ainsi la Commission de l’obligation lui incombant d’établir ce montant.

52 La Commission considère que le Tribunal a constaté, sur la base de faits survenus jusqu’au 22 décembre 2008, que Larko était une entreprise en difficulté, dès lors que c’est au cours de l’année 2008 que Larko affichait des fonds propres négatifs, une réduction du montant de son chiffre d’affaires de près de la moitié par rapport à l’année précédente et des pertes considérables. Le fait que ces données ont été officialisées plus tard à travers les états financiers de Larko ne saurait remettre en
cause ce constat. De plus, selon la jurisprudence du Tribunal, les faits survenus au cours d’une période donnée pourraient aussi être prouvés par des documents ultérieurs fondés sur ces faits antérieurs. En tout état de cause, un investisseur privé qui se serait trouvé le 22 décembre 2008 à la place de l’État grec aurait veillé à se renseigner sur la situation économique existante de Larko avant de lui accorder une garantie telle que celle résultant de la mesure no 2.

– Appréciation de la Cour

53 Ainsi que le relève à juste titre Larko dans son argumentation résumée aux points 48 et 49 du présent arrêt, le Tribunal a appuyé son analyse dans un premier temps, aux points 78 à 82 de l’arrêt attaqué, sur des éléments postérieurs à l’adoption de la mesure no 2, à savoir les résultats financiers de Larko de l’année 2008, afin d’établir des faits antérieurs à l’adoption de cette mesure, à savoir que Larko était une entreprise en difficulté, au sens des points 9 à 11 des lignes directrices
concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration, lorsque la mesure no 2 lui a été octroyée.

54 Dans un deuxième temps, le Tribunal a vérifié, aux points 83 et 84 dudit arrêt, si les autorités grecques avaient connaissance, au moment où la mesure no 2 a été adoptée, de ces difficultés et a considéré, au point 85 du même arrêt, qu’aucun élément ne démontre « de manière certaine » que ces autorités en avaient connaissance à ce moment.

55 Dans un troisième temps, le Tribunal a fait application, à partir du point 85 de l’arrêt attaqué, d’une présomption selon laquelle l’État grec aurait dû connaître la situation de difficulté de Larko lors de l’adoption de la mesure no 2.

56 Dans ce cadre, tout d’abord, il s’est référé, au point 86 dudit arrêt, aux points 82 à 84 de l’arrêt du 5 juin 2012, Commission/EDF (C‑124/10 P, EU:C:2012:318), desquels il ressort notamment que, si un État membre invoque, au cours de la procédure administrative, le critère de l’investisseur privé, il lui incombe, en cas de doute, d’établir sans équivoque et sur la base d’éléments objectifs et vérifiables que la mesure mise en œuvre ressortit à sa qualité d’actionnaire.

57 Ensuite, au point 87 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a exposé que, ainsi que la Commission l’avait constaté dans la décision du 6 mars 2013 portant ouverture de la procédure formelle d’examen, il résultait des résultats financiers de Larko au titre de l’année 2008 et des écritures de cette entreprise qu’elle était depuis l’année 2008 une entreprise en difficulté.

58 Enfin, au point 88 du même arrêt, le Tribunal a constaté, notamment, que les autorités grecques n’ont pas démontré, au cours de la procédure administrative, qu’elles se seraient renseignées sur la situation économique et financière de Larko au moment de l’octroi de la mesure no 2 ni qu’elles ne pouvaient pas connaître cette situation.

59 Sur ce fondement, le Tribunal a considéré, aux points 89 et 90 de l’arrêt attaqué, qu’un actionnaire avisé se serait, à tout le moins, renseigné sur la situation économique et financière actuelle de l’entreprise avant de lui accorder une garantie telle que la mesure no 2 et que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle a qualifié Larko d’entreprise en difficulté lors de l’octroi de cette mesure.

60 Partant, c’est en ayant conclu, en substance, à l’absence de tout élément se référant à la situation antérieure ou contemporaine à l’octroi de la mesure no 2 qui aurait démontré que les autorités grecques avaient connaissance, lors de l’octroi de cette mesure, des difficultés de Larko que le Tribunal a présumé qu’un opérateur privé se trouvant dans la situation des autorités grecques aurait dû avoir connaissance, à ce moment, de ces difficultés.

61 Or, en raisonnant ainsi, le Tribunal a commis des erreurs de droit, ainsi que le fait valoir à bon droit Larko.

62 En effet, dans la mesure où Larko reproche au Tribunal d’avoir omis de se replacer dans le contexte de l’adoption de la mesure no 2 et que celui-ci a fait application de la présomption selon laquelle l’État grec aurait dû connaître la situation de difficulté de cette entreprise lors de l’adoption de cette mesure, il convient de rappeler d’emblée que l’examen de l’applicabilité du principe de l’opérateur privé doit être distingué de celui relatif à l’application de ce principe (voir, en ce sens,
arrêts du 24 octobre 2013, Land Burgenland e.a./Commission, C‑214/12 P, C‑215/12 P et C‑223/12 P, EU:C:2013:682, point 51, ainsi que du 6 mars 2018, Commission/FIH Holding et FIH Erhvervsbank, C‑579/16 P, EU:C:2018:159, points 65 et 72).

63 En effet, lorsqu’il existe des doutes quant à l’applicabilité dudit principe, notamment en raison de l’emploi par l’État membre concerné, lors de l’adoption de la mesure en cause, de ses prérogatives de puissance publique, il incombe à l’État membre d’établir sans équivoque et sur la base d’éléments objectifs et vérifiables que la mesure mise en œuvre ressortit à sa qualité d’opérateur privé (arrêts du 5 juin 2012, Commission/EDF, C‑124/10 P, EU:C:2012:318, point 82, ainsi que du 24 octobre 2013,
Land Burgenland e.a./Commission, C‑214/12 P, C‑215/12 P et C‑223/12 P, EU:C:2013:682, point 57).

64 En revanche, lorsque le principe de l’opérateur privé est applicable, il figure parmi les éléments que la Commission est tenue de prendre en compte pour établir l’existence d’une aide, et ne constitue donc pas une exception s’appliquant seulement sur la demande d’un État membre, lorsqu’il a été constaté que les éléments constitutifs de la notion d’« aide d’État », figurant à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, sont réunis (voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2018, Commission/FIH Holding et FIH
Erhvervsbank, C‑579/16 P, EU:C:2018:159, point 46 ainsi que jurisprudence citée).

65 C’est donc sur la Commission que pèse la charge de la preuve de ce que les conditions d’application du principe de l’opérateur privé sont ou non remplies (voir, en ce sens, arrêt du 21 mars 2013, Commission/Buczek Automotive, C‑405/11 P, non publié, EU:C:2013:186, point 34).

66 À cet égard, il a déjà été rappelé, aux points 29 et 31 du présent arrêt, qu’il appartient donc à la Commission d’effectuer une appréciation globale prenant en compte tout élément pertinent en l’espèce lui permettant de déterminer si l’entreprise bénéficiaire n’aurait manifestement pas obtenu des facilités comparables d’un tel opérateur privé et que sont seuls pertinents, dans ce contexte, les éléments disponibles et les évolutions prévisibles au moment où la décision de procéder à la mesure en
cause a été prise.

67 Or, la Commission est tenue, dans l’intérêt d’une bonne administration des règles fondamentales du traité FUE relatives aux aides d’État, de conduire la procédure d’examen des mesures incriminées de manière diligente et impartiale, afin qu’elle dispose, lors de l’adoption de la décision finale, des éléments les plus complets et fiables possibles pour ce faire (arrêt du 2 septembre 2010, Commission/Scott, C‑290/07 P, EU:C:2010:480, point 90).

68 Par conséquent, lorsqu’il apparaît que le critère du créancier privé pourrait être applicable, il incombe à la Commission de demander à l’État membre concerné de lui fournir toutes les informations pertinentes lui permettant de vérifier si les conditions d’application de ce critère sont remplies (arrêt du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C‑300/16 P, EU:C:2017:706, point 24.)

69 Or, même lorsque cette institution est confrontée à un État membre qui, manquant à son devoir de collaboration, a omis de lui fournir des renseignements qu’elle lui avait enjoint de communiquer, elle doit fonder ses décisions sur des éléments d’une certaine fiabilité et cohérence qui fournissent une base suffisante pour conclure qu’une entreprise a bénéficié d’un avantage constitutif d’une aide d’État et qui sont, partant, de nature à étayer les conclusions auxquelles elle parvient (arrêt du
17 septembre 2009, Commission/MTU Friedrichshafen, C‑520/07 P, EU:C:2009:557, points 54 à 56).

70 En effet, étant donné que la récupération de l’aide en cause auprès de son bénéficiaire vise à éliminer la distorsion de concurrence causée par un avantage concurrentiel déterminé et à rétablir ainsi la situation antérieure au versement de cette aide, la Commission ne saurait supposer qu’une entreprise a bénéficié d’un avantage constitutif d’une aide d’État en se basant simplement sur une présomption négative, fondée sur l’absence d’informations permettant d’aboutir à la conclusion contraire, en
l’absence d’autres éléments de nature à établir positivement l’existence d’un tel avantage (arrêt du 17 septembre 2009, Commission/MTU Friedrichshafen, C‑520/07 P, EU:C:2009:557, points 57 et 58).

71 Or, en ayant présumé, alors qu’il avait conclu, en substance, à l’absence de tout élément se référant à la situation antérieure ou contemporaine à l’octroi de la mesure no 2 qui aurait démontré que les autorités grecques avaient connaissance, lors de l’octroi de cette mesure, des difficultés de Larko, qu’un opérateur privé se trouvant dans la situation des autorités grecques aurait dû avoir connaissance, à ce moment, de ces difficultés, le Tribunal a méconnu la jurisprudence mentionnée au point
précédent et omis de se replacer dans le contexte de l’adoption de ladite mesure, comme le soutient Larko.

72 Par conséquent, sans qu’il soit besoin d’examiner l’argumentation de Larko résumée aux points 50 et 51 du présent arrêt, la première branche du deuxième moyen doit être accueillie.

Sur la seconde branche du deuxième moyen, relative à la mesure no 4

– Argumentation des parties

73 Larko fait valoir que l’arrêt attaqué est entaché de quatre défauts de motivation en ce qui concerne la mesure no 4. Le Tribunal aurait omis de répondre, au point 127 de l’arrêt attaqué, à l’argument selon lequel l’octroi d’une garantie par l’un des actionnaires principaux afin de satisfaire une condition posée par une juridiction dans le cadre d’une décision en référé est une pratique courante, au point 128 de cet arrêt, à l’argument selon lequel, si la mesure no 4 n’avait pas été octroyée,
Larko aurait subi un dommage irréparable résultant de la saisie de ses actifs, ce qui aurait compromis sa privatisation, au point 130 dudit arrêt, à l’argument selon lequel la couverture, la durée et la prime de la garantie prévues par la mesure no 4 étaient conformes aux conditions qui prévalent sur le marché et, au point 131 du même arrêt, à l’argument selon lequel cette mesure était conforme au critère de l’investisseur privé, en raison de la position particulière d’ETE.

74 La Commission conteste l’argumentation de Larko.

– Appréciation de la Cour

75 Eu égard à la jurisprudence rappelée au point 43 du présent arrêt, force est de constater que les points 125 à 132 de l’arrêt attaqué permettent à Larko de connaître les raisons qui ont conduit au rejet, explicite et implicite, des arguments résumés au point 73 du présent arrêt et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle juridictionnel à cet égard.

76 Pour autant que l’argumentation de Larko vise également à contester l’appréciation du Tribunal selon laquelle une prime de garantie de 2 % ne reflétait pas le risque de défaut de Larko, cette entreprise remet en cause, de manière irrecevable, une appréciation factuelle effectuée de manière souveraine par le Tribunal.

77 Par conséquent, contrairement à ce que prétend Larko, l’arrêt attaqué n’est pas entaché des défauts de motivation ni de la prétendue erreur de droit que cette entreprise fait valoir.

78 Il s’ensuit que la deuxième branche du deuxième moyen doit être écartée comme étant non fondée.

Sur le troisième moyen, tiré d’erreurs de droit dans l’appréciation de la compatibilité avec le marché intérieur de la mesure no 6 et de défauts de motivation de l’arrêt attaqué

79 Le troisième moyen comporte deux branches, tirées, la première, d’une violation du cadre temporaire de 2011 et de défauts de motivation de l’arrêt attaqué ainsi que, la seconde, d’une violation des lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration ainsi que de défauts de motivation dudit arrêt.

Sur la première branche du troisième moyen, tirée d’une violation du cadre temporaire de 2011 et de défauts de motivation de l’arrêt attaqué

– Argumentation des parties

80 Larko relève que, aux points 170 et 171 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que la mesure no 6 n’était pas conforme au cadre temporaire de 2011, parce que la prime de garantie prévue par cette mesure était insuffisante, que le montant des prêts couverts par cette garantie dépassait le montant des charges salariales de Larko pour l’année 2010, que ladite garantie couvrait 100 % de ces prêts, que les entreprises en difficulté lors de l’octroi de la garantie prévue par le cadre temporaire de
2011 sont exclues du champ d’application de ce cadre et que les autorités grecques n’ont pas prouvé que la mesure no 6 était nécessaire, appropriée et proportionnée pour remédier à une perturbation grave de l’économie de l’État membre concerné.

81 Toutefois, la décision litigieuse ne mentionnant pas les primes visées à l’annexe du cadre temporaire de 2011 et le Tribunal n’ayant pas expliqué comment la Commission a néanmoins satisfait à son obligation d’évaluer une telle prime, celui-ci aurait entaché l’arrêt attaqué d’un défaut de motivation. En outre, le montant total des prêts garantis au cours de l’année 2011 ne dépassant pas le montant des charges salariales de Larko au titre de l’année 2010, le Tribunal aurait violé son obligation de
contrôle effectif de la décision litigieuse. Par ailleurs, en ayant considéré qu’était cruciale, pour déterminer si une entreprise est en difficulté, la date de l’octroi de l’aide et non pas la date du 1er juillet 2008, le Tribunal aurait méconnu le point 2.3, second alinéa, sous i), du cadre temporaire de 2011.

82 Enfin, le Tribunal aurait entaché l’arrêt attaqué d’un défaut de motivation en s’étant borné à relever l’absence de preuve pertinente apportée par les autorités grecques et relative au point de savoir si la mesure no 6 était nécessaire pour remédier à une perturbation grave de l’économie de l’État membre concerné.

83 La Commission conteste l’argumentation de Larko.

– Appréciation de la Cour

84 Ainsi que le fait valoir à bon droit la Commission, les conditions énoncées au point 2.3 du cadre temporaire de 2011 sont cumulatives et Larko ne conteste pas que la mesure no 6 couvrait 100 % des prêts en cause. Partant, Larko ne contestant pas l’appréciation du Tribunal selon laquelle la condition prévue au second alinéa, sous f), de cette disposition n’est pas remplie, son argumentation sur le fond est inopérante.

85 S’agissant du prétendu défaut de motivation de l’arrêt attaqué, il y a lieu de constater que, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 43 du présent arrêt, les points 168 à 171 de l’arrêt attaqué permettent à Larko de connaître les raisons qui ont conduit au rejet, explicite et implicite, des arguments résumés aux points 81 et 82 du présent arrêt et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle juridictionnel à cet égard.

86 Il s’ensuit que la première branche du troisième moyen doit être écartée comme étant non fondée.

Sur la seconde branche du troisième moyen, tirée d’une violation des lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration ainsi que d’un défaut de motivation de l’arrêt attaqué

– Argumentation des parties

87 Larko prétend que, en ayant omis de prendre en compte ses arguments selon lesquels la mesure no 6 avait été notifiée à la Commission qui travaillait avec les autorités grecques à l’élaboration d’un plan de restructuration de cette société, le Tribunal a interprété de manière erronée les lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration, n’a pas tenu compte des obligations incombant à la Commission en vertu du principe de coopération loyale et a privé l’arrêt
attaqué de toute motivation.

88 La Commission conteste l’argumentation de Larko.

– Appréciation de la Cour

89 Ainsi que le fait valoir à bon droit la Commission, Larko conteste de manière irrecevable les faits souverainement établis par le Tribunal selon lesquels, au cours de la procédure administrative, les autorités grecques n’ont pas invoqué les lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration, n’ont pas notifié de plan de restructuration ou de liquidation dans un délai de six mois et n’ont pas apporté la preuve que la mesure no 6 se limitait au minimum nécessaire.

90 S’agissant du prétendu défaut de motivation de l’arrêt attaqué, il convient de constater que, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 43 du présent arrêt, les points 172 à 174 de l’arrêt attaqué permettent à Larko de connaître les raisons qui ont conduit au rejet, explicite et implicite, des arguments résumés au point 87 du présent arrêt et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle juridictionnel à cet égard.

91 Il s’ensuit que la seconde branche du troisième moyen et, par conséquent, le troisième moyen dans son ensemble doivent être écartés comme étant, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondés.

Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs de droit dans l’appréciation de l’évaluation du montant des aides à récupérer au titre des mesures nos 2, 4 et 6 et de défauts de motivation de l’arrêt attaqué

Argumentation des parties

92 Larko fait valoir que, en ayant considéré, aux points 180 à 194 de l’arrêt attaqué, que l’évaluation dans la décision litigieuse du montant des aides à récupérer au titre des mesures nos 2, 4 et 6 était conforme à l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 659/1999 et au point 4.1, troisième alinéa, sous a), de la communication relative aux garanties, le Tribunal a commis des erreurs de droit et a entaché ledit arrêt de défauts de motivation.

93 Premièrement, au point 193 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, selon Larko, fourni lui-même une motivation en suppléant ainsi une motivation inexistante dans la décision litigieuse et a imposé à Larko la charge de la preuve relative aux circonstances exceptionnelles visées au point 4.1, troisième alinéa, sous a), de la communication relative aux garanties.

94 Deuxièmement, alors qu’il était clair au moment de l’adoption de la décision litigieuse qu’aucune des garanties en cause n’avait été mobilisée, le Tribunal aurait entériné l’approche de la Commission qui, sans s’adresser aux autorités grecques, s’est bornée à constater qu’elle ne disposait pas d’éléments indiquant que ces garanties ont été mobilisées. Il aurait ainsi méconnu les obligations relatives à un examen diligent et impartial incombant à la Commission.

95 En effet, tout d’abord, il ressortirait du contrat de prêt de l’année 2008 dont disposait la Commission que le remboursement des prêts prévus par ce contrat devait s’achever le 31 mars 2012, bien avant l’adoption, le 27 mars 2014, de la décision litigieuse. La Commission aurait donc eu à sa disposition l’ensemble des éléments lui permettant de conclure que ces prêts devaient déjà être remboursés. Ensuite, le remboursement du prêt accordé au cours de l’année 2010 devait s’achever 45 jours après
l’adoption de la décision litigieuse. Enfin, à ladite date, la Commission aurait pu constater que le prêt faisant l’objet de la mesure no 6 était déjà partiellement remboursé.

96 Troisièmement, l’obligation de rembourser tant au prêteur qu’à l’État garant la totalité du prêt consenti conduirait au résultat paradoxal selon lequel une société remboursant son prêt se retrouverait dans une situation plus difficile qu’une société qui a fait mobiliser la garantie de l’État. Le Tribunal, n’ayant pas répondu, dans l’arrêt attaqué, aux arguments avancés à cet égard, aurait entaché cet arrêt d’un défaut de motivation.

97 Quatrièmement, Larko relève que, au moment de l’adoption de la décision litigieuse, il n’existait, ni dans la jurisprudence ni dans la pratique de la Commission, de précédent pour une récupération, au titre d’une garantie, de la valeur intégrale du prêt garanti lorsqu’il n’a pas été fait appel de la garantie. En effet, les affaires auxquelles renvoie la Commission concerneraient d’autres circonstances factuelles, où il a été fait appel aux garanties. En revanche, dans une affaire similaire, où
les prêts ont, par la suite, été remboursés, la Commission aurait pris en compte ce fait et n’aurait pas imposé la récupération du montant des prêts, mais aurait appliqué un taux de référence majoré. Or, elle aurait dû faire la même chose en l’espèce.

98 Cinquièmement, les conséquences découlant de l’obligation de procéder à la récupération du montant des prêts en cause seraient en contradiction avec la jurisprudence constante selon laquelle les décisions de la Commission ordonnant la récupération des aides d’État visent à rétablir la situation antérieure et ne sauraient constituer une sanction allant au-delà de l’avantage effectivement reçu.

99 Sixièmement, le caractère de sanction illégale que présente la décision litigieuse découlerait de l’application erronée du point 4.1, troisième alinéa, sous a), de la communication relative aux garanties, qui ne permet une telle démarche que s’il existe des circonstances exceptionnelles. Or, une telle appréciation devrait être motivée de manière précise et ne pourrait être fondée ni sur des « doutes » de la Commission relatifs à la capacité de Larko d’obtenir un prêt, tels que ceux exprimés aux
considérants 77 et 104 de la décision litigieuse, ni sur l’absence d’éléments indiquant que la garantie a été mobilisée, comme il est évoqué aux considérants 78, 95 et 105 de cette décision.

100 Partant, en considérant que la décision litigieuse était suffisamment motivée à cet égard, tout d’abord, le Tribunal aurait commis une erreur de droit quant au niveau de preuve requis. Ensuite, il aurait commis une telle erreur en ce qui concerne l’appréciation selon laquelle il existait des circonstances exceptionnelles. Enfin, le Tribunal aurait entaché l’arrêt attaqué de contradictions et, partant, d’une motivation insuffisante.

101 La Commission conteste l’argumentation de Larko. En particulier, cette institution considère que Larko conteste non pas le test juridique appliqué par le Tribunal, mais, de manière irrecevable, l’établissement des faits auxquels le Tribunal a appliqué ce test. En effet, le Tribunal aurait constaté l’existence de circonstances exceptionnelles, car, lors de l’octroi des mesures nos 2, 4 et 6, Larko se trouvait dans une « situation extrêmement délicate » qui se traduisait par « une impossibilité
pour Larko de rembourser la totalité de l’emprunt par ses propres moyens ».

Appréciation de la Cour

102 Il convient de rappeler d’emblée que l’interprétation d’une décision en matière d’aides d’État adoptée par la Commission dans l’exercice de ses pouvoirs relève d’une appréciation juridique et que des moyens dirigés contre une telle interprétation effectuée par le Tribunal sont, partant, recevables dans le cadre d’un pourvoi (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2015, Commission/Andersen, C‑303/13 P, EU:C:2015:647, point 74).

103 Pour autant que les arguments de la Commission tendant à contester la recevabilité de l’argumentation de Larko devaient viser celle relative à l’interprétation de la décision litigieuse, ils doivent donc être écartés.

104 En premier lieu, dans la mesure où Larko reproche au Tribunal d’avoir excédé les limites de son contrôle, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre du contrôle de la légalité visé à l’article 263 TFUE, la Cour et le Tribunal sont compétents pour se prononcer sur les recours pour incompétence, violation des formes substantielles, violation du traité FUE ou de toute règle de droit relative à son application, ou détournement de pouvoir. L’article 264 TFUE prévoit que, si le recours est fondé,
l’acte contesté est déclaré nul et non avenu. La Cour et le Tribunal ne peuvent donc, en toute hypothèse, substituer leur propre motivation à celle de l’auteur de l’acte attaqué (arrêts du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission, C‑73/11 P, EU:C:2013:32, point 89 et jurisprudence citée, ainsi que du 28 février 2013, Portugal/Commission, C‑246/11 P, non publié, EU:C:2013:118, point 85 et jurisprudence citée).

105 Toutefois, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence rappelée au point 102 du présent arrêt, l’interprétation de l’acte attaqué relève de ce contrôle.

106 Or, en l’occurrence, il ressort sans équivoque des points 184 à 194 de l’arrêt attaqué que le Tribunal s’est borné à procéder à une telle interprétation et n’a aucunement procédé à une substitution de motifs.

107 Il s’ensuit que le premier argument de Larko doit être écarté comme étant non fondé.

108 En deuxième lieu, contrairement à ce que prétend Larko, le Tribunal n’a pas, auxdits points de l’arrêt attaqué, renversé la charge de la preuve relative à l’existence des circonstances exceptionnelles visées au point 4.1, troisième alinéa, sous a), de la communication relative aux garanties, mais a vérifié si l’appréciation effectuée par la Commission était entachée d’erreurs de droit ou d’erreurs manifestes d’appréciation, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 39 et 41 du présent
arrêt.

109 En troisième lieu, dans la mesure où Larko reproche au Tribunal d’avoir retenu une interprétation erronée de ce point 4.1, troisième alinéa, sous a), et de cette notion, il importe de relever que, aux points 189 à 191 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a retenu l’existence de circonstances exceptionnelles que dans l’hypothèse où il est exclu que l’emprunteur puisse rembourser par ses propres moyens l’emprunt couvert par la garantie en cause.

110 Or, contrairement à ce que prétend Larko, une telle hypothèse est de nature à établir l’existence de circonstances exceptionnelles, au sens de ladite disposition, et ne nécessite aucune démonstration autre que celle de sa réalité.

111 À cet égard, d’une part, le Tribunal a considéré à bon droit, aux points 186 à 188 de l’arrêt attaqué, qu’il résulte d’une lecture d’ensemble des considérants 55 à 66, 77, 94 et 104 de la décision litigieuse que, par l’emploi du terme inapproprié « douteux », la Commission a exprimé, en réalité, l’appréciation selon laquelle, sans les mesures nos 2 et 6, Larko n’aurait pas pu obtenir les financements respectifs.

112 D’autre part, aux points 181, 182, 192 et 193 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a motivé à suffisance de droit, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 43 du présent arrêt, le rejet des arguments de Larko relatifs à l’absence de circonstances exceptionnelles, au sens du point 4.1, troisième alinéa, sous a), de la communication relative aux garanties, les considérations développées à ces points de l’arrêt attaqué permettant, en effet, à Larko de connaître les raisons qui ont conduit au rejet
de ces arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle juridictionnel à cet égard.

113 En quatrième lieu, s’agissant de l’argumentation résumée aux points 94 à 96 du présent arrêt, par laquelle Larko conteste le bien-fondé de l’appréciation du Tribunal relative à l’évaluation des aides à récupérer, il suffit de relever que cette argumentation est tirée de la prise en compte d’évènements postérieurs à l’octroi des mesures nos 4 et 6, de sorte que, à supposer même qu’elle soit recevable, elle devrait, en tout état de cause, être rejetée comme inopérante, eu égard à la jurisprudence
rappelée aux points 28 à 32 du présent arrêt.

114 En cinquième lieu, dans la mesure où Larko invoque une prétendue pratique décisionnelle antérieure de la Commission, il suffit de relever que, conformément à la jurisprudence de la Cour, c’est dans le seul cadre de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, que doit être apprécié le caractère d’aide d’État d’une certaine mesure et non au regard d’une prétendue pratique décisionnelle antérieure de la Commission (arrêt du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni,
C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732, point 136).

115 En sixième lieu, quant à la prétendue absence de jurisprudence imposant la récupération de la valeur intégrale du prêt garanti, la Commission relève à bon droit que la Cour a déjà envisagé l’hypothèse de garanties accordées par l’État à des entreprises en difficulté et a jugé que de telles garanties doivent être considérées comme des aides d’un montant égal au prêt garanti (arrêts du 5 octobre 2000, Allemagne/Commission, C‑288/96, EU:C:2000:537, point 31, et du 28 janvier 2003,
Allemagne/Commission, C‑334/99, EU:C:2003:55, point 138).

116 En septième lieu, il en résulte que, dans une telle hypothèse, la récupération auprès de l’entreprise bénéficiaire d’une aide d’un montant égal au prêt garanti vise précisément à rétablir la situation antérieure et non à imposer une sanction à celle-ci, contrairement à ce que prétend Larko. En particulier, ainsi que le relève à juste titre la Commission, le remboursement de l’emprunt à la banque ne constitue pas une restitution du montant de l’aide à l’État.

117 En huitième lieu, s’agissant des prétendus défauts de motivation de l’arrêt attaqué, il suffit de constater que, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 43 du présent arrêt, les points 180 à 194 de l’arrêt attaqué permettent à Larko de connaître les raisons qui ont conduit au rejet, explicite et implicite, de ses arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle juridictionnel à cet égard.

118 Il s’ensuit que le quatrième moyen doit être écarté.

119 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, d’une part, l’arrêt attaqué doit être annulé dans la mesure où, par celui-ci, le Tribunal a rejeté la première branche du premier moyen du recours en tant qu’elle porte sur la mesure no 2 et, d’autre part, le pourvoi doit être rejeté pour le surplus.

Sur le litige en première instance

120 Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, cette dernière, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, peut statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

121 En l’espèce, la Cour ne dispose pas des éléments nécessaires pour statuer définitivement sur la première branche du premier moyen du recours en tant qu’elle porte sur la mesure no 2, tirée de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, au motif de l’application incorrecte du principe de l’opérateur privé.

122 En effet, ainsi qu’il ressort notamment des points 53 à 71 du présent arrêt, d’une part, dans la décision litigieuse, la Commission appuie la constatation selon laquelle Larko était, au moment de l’octroi de la mesure no 2, une entreprise en difficulté, sur les résultats financiers de Larko dont il est constant qu’ils n’étaient pas disponibles à ce moment. D’autre part, le Tribunal s’est borné à constater qu’aucun élément ne démontre « de manière certaine » que les autorités grecques avaient
connaissance, audit moment, de telles difficultés.

123 Or, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 69 du présent arrêt, il incombe au Tribunal de vérifier si le dossier administratif contient des éléments d’une certaine fiabilité et cohérence qui fournissent une base suffisante pour conclure, d’une part, que les autorités grecques avaient ou devaient avoir, au moment de l’octroi de la mesure no 2, connaissance des prétendues difficultés de Larko et, d’autre part, que ce point n’était pas, au cours de la procédure administrative, litigieux
entre la Commission et les autorités grecques.

124 En effet, conformément à une jurisprudence constante, lorsque l’adoption d’une décision de la Commission s’inscrit dans un contexte bien connu des intéressés, elle peut être motivée d’une manière sommaire (voir, en ce sens, arrêts du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C‑156/98, EU:C:2000:467, point 105, et du 26 juin 2012, Pologne/Commission, C‑335/09 P, EU:C:2012:385, point 152).

125 Par conséquent, il y a lieu de renvoyer l’affaire devant le Tribunal.

Sur les dépens

126 L’affaire étant renvoyée devant le Tribunal, il convient de réserver les dépens.

  Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête :

  1) L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 1er février 2018, Larko/Commission (T‑423/14, EU:T:2018:57), est annulé dans la mesure où, par cet arrêt, le Tribunal a rejeté la première branche du premier moyen du recours en tant qu’elle porte sur une garantie accordée au cours de l’année 2008 par l’État grec à Larko Geniki Metalleftiki kai Metallourgiki AE et relative à un prêt de 30 millions d’euros consenti par ATE Bank à cette société.

  2) Le pourvoi est rejeté pour le surplus.

  3) L’affaire est renvoyée devant le Tribunal de l’Union européenne.

  4) Les dépens sont réservés.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le grec.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : C-244/18
Date de la décision : 26/03/2020
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé, Pourvoi - fondé, Pourvoi - irrecevable
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi – Aides d’État – Injection de capital et garanties d’État – Notion d’aide d’État – Notion d’“avantage” – Principe de l’opérateur privé – Critère de l’investisseur privé – Obligation d’examen diligent et impartial incombant à la Commission européenne – Contrôle juridictionnel – Charge de la preuve – Notion d’“entreprise en difficulté” – Lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration – Communication relative aux garanties – Cadre temporaire de 2011 – Montant des aides à récupérer – Obligations de motivation incombant à la Commission et au Tribunal de l’Union européenne.

Concurrence

Aides accordées par les États


Parties
Demandeurs : Larko Geniki Metalleftiki kai Metallourgiki AE
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Saugmandsgaard Øe
Rapporteur ?: Arabadjiev

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2020:238

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