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03/10/2019 | CJUE | N°C-272/18

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Verein für Konsumenteninformation contre TVP Treuhand- und Verwaltungsgesellschaft für Publikumsfonds mbH & Co KG., 03/10/2019, C-272/18


ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

3 octobre 2019 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Coopération judiciaire en matière civile – Loi applicable aux obligations contractuelles – Exclusion du droit des sociétés du champ d’application de la convention de Rome et du règlement (CE) no 593/2008 (Rome I) – Contrat de fiducie, conclu entre un professionnel et un consommateur, ayant pour seul objectif de gérer une participation en commandite »

Dans l’affaire C‑272/18,

ayant pour ob

jet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Oberster Gerichtshof ...

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

3 octobre 2019 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Coopération judiciaire en matière civile – Loi applicable aux obligations contractuelles – Exclusion du droit des sociétés du champ d’application de la convention de Rome et du règlement (CE) no 593/2008 (Rome I) – Contrat de fiducie, conclu entre un professionnel et un consommateur, ayant pour seul objectif de gérer une participation en commandite »

Dans l’affaire C‑272/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche), par décision du 28 mars 2018, parvenue à la Cour le 20 avril 2018, dans la procédure

Verein für Konsumenteninformation

contre

TVP Treuhand- und Verwaltungsgesellschaft für Publikumsfonds mbH & Co KG,

LA COUR (première chambre),

composée de M. J.-C. Bonichot, président de chambre, Mme C. Toader, MM. A. Rosas, L. Bay Larsen et M. Safjan (rapporteur), juges,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : M. D. Dittert, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 février 2019,

considérant les observations présentées :

– pour le Verein für Konsumenteninformation, par Me S. Schumacher, Rechtsanwalt,

– pour TVP Treuhand- und Verwaltungsgesellschaft für Publikumsfonds mbH & Co KG, par Mes C. Kux, G. Eckert et I. Haiderer, Rechtsanwälte,

– pour la Commission européenne, par MM. M. Wilderspin et M. Wasmeier ainsi que par Mme C. Valero, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 5 septembre 2019,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 2, sous e), et de l’article 5, paragraphe 4, sous b), de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980 (JO 1980, L 266, p. 1, ci-après la « convention de Rome »), de l’article 1er, paragraphe 2, sous f), et de l’article 6, paragraphe 4, sous b), du règlement (CE) no 593/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, sur la loi
applicable aux obligations contractuelles (Rome I) (JO 2008, L 177, p. 6, ci-après le « règlement Rome I »), ainsi que de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Verein für Konsumenteninformation (Association pour l’information des consommateurs, Autriche, ci-après le « VKI ») à TVP Treuhand- und Verwaltungsgesellschaft für Publikumsfonds mbH & Co KG (ci-après « TVP »), une société de droit allemand, au sujet de la licéité d’une clause de choix du droit applicable utilisée par celle-ci dans des contrats conclus avec des investisseurs privés.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La convention de Rome

3 L’article 1er de la convention de Rome, intitulé « Champ d’application », dispose :

«1.   Les dispositions de la présente convention sont applicables, dans les situations comportant un conflit de lois, aux obligations contractuelles.

2.   Elles ne s’appliquent pas :

[…]

e) aux questions relevant du droit des sociétés, associations et personnes morales, telles que la constitution, la capacité juridique, le fonctionnement interne et la dissolution des sociétés, associations et personnes morales, ainsi que la responsabilité personnelle légale des associés et des organes pour les dettes de la société, association ou personne morale ;

[...] »

4 Aux termes de l’article 5 de cette convention, intitulé « Contrats conclus par les consommateurs » :

« 1.   Le présent article s’applique aux contrats ayant pour objet la fourniture d’objets mobiliers corporels ou de services à une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, ainsi qu’aux contrats destinés au financement d’une telle fourniture.

2.   Nonobstant les dispositions de l’article 3, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle :

– si la conclusion du contrat a été précédée dans ce pays d’une proposition spécialement faite ou d’une publicité, et si le consommateur a accompli dans ce pays les actes nécessaires à la conclusion du contrat, ou

– si le cocontractant du consommateur ou son représentant a reçu la commande du consommateur dans ce pays, ou

– si le contrat est une vente de marchandises et que le consommateur se soit rendu de ce pays dans un pays étranger et y ait passé la commande, à la condition que le voyage ait été organisé par le vendeur dans le but d’inciter le consommateur à conclure une vente.

3.   Nonobstant les dispositions de l’article 4 et à défaut de choix exercé conformément à l’article 3, ces contrats sont régis par la loi du pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle, s’ils sont intervenus dans les circonstances décrites au paragraphe 2 du présent article.

4.   Le présent article ne s’applique pas :

[...]

b) au contrat de fourniture de services lorsque les services dus au consommateur doivent être fournis exclusivement dans un pays autre que celui dans lequel il a sa résidence habituelle.

[...] »

Le règlement Rome I

5 Les considérants 7 et 25 du règlement Rome I sont ainsi libellés :

« (7) Le champ d’application matériel et les dispositions du présent règlement devraient être cohérents par rapport au règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (Bruxelles I) [JO 2001, L 12, p. 1] et au règlement (CE) no 864/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 11 juillet 2007, sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (Rome II) [JO 2007,
L 199, p. 40].

[...]

(25) Les consommateurs devraient être protégés par les dispositions du pays de leur résidence habituelle auxquelles il ne peut être dérogé par accord, à condition que le contrat de consommation ait été conclu dans le cadre des activités commerciales ou professionnelles exercées par le professionnel dans le pays en question. [...] »

6 L’article 1er de ce règlement, intitulé « Champ d’application matériel », dispose :

« 1.   Le présent règlement s’applique, dans des situations comportant un conflit de lois, aux obligations contractuelles relevant de la matière civile et commerciale.

Il ne s’applique pas, notamment, aux matières fiscales, douanières et administratives.

2.   Sont exclus du champ d’application du présent règlement :

[...]

f) les questions relevant du droit des sociétés, associations et personnes morales, telles que la constitution, par enregistrement ou autrement, la capacité juridique, le fonctionnement interne et la dissolution des sociétés, associations et personnes morales, ainsi que la responsabilité personnelle légale des associés et des agents pour les dettes de la société, association ou personne morale ;

[...] »

7 L’article 3 dudit règlement, intitulé « Liberté de choix », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Le contrat est régi par la loi choisie par les parties. [...] »

8 Aux termes de l’article 6 du même règlement, intitulé « Contrats de consommation » :

« 1.   Sans préjudice des articles 5 et 7, un contrat conclu par une personne physique (ci-après “le consommateur”), pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, avec une autre personne (ci-après “le professionnel”), agissant dans l’exercice de son activité professionnelle, est régi par la loi du pays où le consommateur a sa résidence habituelle, à condition que le professionnel :

a) exerce son activité professionnelle dans le pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle, ou

b) par tout moyen, dirige cette activité vers ce pays ou vers plusieurs pays, dont celui-ci,

et que le contrat rentre dans le cadre de cette activité.

2.   Nonobstant les dispositions du paragraphe 1, les parties peuvent choisir la loi applicable à un contrat satisfaisant aux conditions du paragraphe 1, conformément à l’article 3. Ce choix ne peut cependant avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui aurait été applicable, en l’absence de choix, sur la base du paragraphe 1.

[...]

4.   Les paragraphes 1 et 2 ne s’appliquent pas :

a) au contrat de fourniture de services lorsque les services dus au consommateur doivent être fournis exclusivement dans un pays autre que celui dans lequel il a sa résidence habituelle ;

[...] »

La directive 93/13

9 Aux termes du dixième considérant de la directive 93/13 :

« [...] sont notamment exclus de la présente directive les contrats de travail, les contrats relatifs aux droits successifs, les contrats relatifs au statut familial ainsi que les contrats relatifs à la constitution et aux statuts des sociétés ».

10 L’article 3 de cette directive dispose, à son paragraphe 1 :

« Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat. »

Le droit autrichien

11 L’article 6 du Konsumentenschutzgesetz (loi fédérale relative à la détermination de dispositions pour la protection des consommateurs), du 8 mars 1979 (BGBl. 140/1979, ci-après le « KSchG »), dispose, à son paragraphe 3 :

« Une clause contractuelle dans des conditions générales ou des formulaires de contrat standard est dépourvue d’effet si elle est rédigée de manière peu claire ou incompréhensible. »

12 L’article 13a, paragraphe 2, du KSchG prévoit :

« L’article 6 [s’applique] afin de protéger le consommateur, quel que soit le droit régissant le contrat, lorsque ce dernier est intervenu dans le cadre d’activités exercées en Autriche par le professionnel aux fins de la conclusion de tels contrats, ou par les personnes employées à cette fin par celui-ci. »

13 Aux termes de l’article 864a de l’Allgemeines Bürgerliches Gesetzbuch (code civil général), du 1er juin 1811 (JGS no 946/1811, ci-après l’« ABGB ») :

« Les dispositions au contenu inhabituel utilisées par une partie contractante dans des conditions générales ou dans des contrats d’adhésion sont réputées non écrites si elles sont défavorables à l’autre partie et que celle-ci, y compris au vu des circonstances, particulièrement de l’apparence extérieure de l’acte, n’avait pas lieu de s’attendre à de telles dispositions, sauf à ce que la première partie contractante ait spécifiquement attiré l’attention de la seconde sur ces dispositions. »

14 L’article 879 de l’ABGB dispose :

« (1)   Un contrat qui méconnaît une interdiction légale ou qui est contraire aux bonnes mœurs est nul.

[…]

(3)   Une clause contractuelle qui figure dans des conditions générales ou des contrats d’adhésion et ne fixe pas l’une des obligations principales des parties est nulle de plein droit si elle préjudicie gravement à une partie, compte tenu de toutes les circonstances. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

15 Le VKI est, en tant qu’association de consommateurs d’utilité publique établie en Autriche, habilité à former des actions en cessation afin de protéger les intérêts des consommateurs résidant en Autriche.

16 TVP est une société établie à Hambourg (Allemagne), filiale à 100 % du groupe MPC Münchmeyer Capital AG Hamburg (ci-après le « groupe MPC »), qui crée et commercialise des fonds d’investissement de type fermé. Ces fonds sont constitués sous la forme de sociétés en commandite soumises au droit allemand, dans lesquelles des investisseurs privés et institutionnels peuvent prendre des participations en tant que commanditaires.

17 Jusqu’au 19 décembre 2014, il existait entre TVP et sa société mère un accord de contrôle et de versement de dividendes. Ainsi, la direction de TVP était subordonnée au groupe MPC.

18 Parmi les nombreuses sociétés en commandite créées par le groupe MPC figurent Dreiundvierzigste Sachwert Rendite-Fonds Holland GmbH & Co KG (ci-après le « 43e fonds »), Einundfünfzigste Sachwert Rendite-Fonds Holland GmbH & Co KG et Zweiundsiebziegste Sachwert Rendite-Fonds Holland GmbH & Co KG.

19 En tant que gestionnaire et commanditaire fondatrice, TVP détient une participation notamment dans ce 43e fonds, constitué au cours de l’année 2003. Ce fonds n’ayant pas été commercialisé uniquement en Autriche, un compte fiduciaire, destiné aux versements du montant correspondant aux participations prises par les investisseurs résidant en Autriche, a été ouvert dans une banque autrichienne. Certains des autres fonds de TVP ont été commercialisés exclusivement en Autriche, comme Einundfünfzigste
Sachwert Rendite-Fonds Holland (constitué au cours de l’année 2004) et Zweiundsiebziegste Sachwert Rendite-Fonds Holland (constitué en 2011). TVP a ouvert dans une banque autrichienne un compte fiduciaire pour ces deux derniers fonds.

20 En vertu de l’article 3, paragraphe 3, des statuts du 43e fonds, TVP est habilitée à admettre des commanditaires supplémentaires. Les investisseurs intéressés, futurs commanditaires, versent alors une participation sur le compte fiduciaire de ce fonds. Les investisseurs entrent ainsi indirectement dans ledit fonds en tant que constituants, par l’intermédiaire de TVP qui agit en tant que gestionnaire fiduciaire. TVP gère leurs participations sur la base d’un contrat de fiducie. Cette façon de
procéder est également appliquée à l’égard des autres fonds.

21 TVP ne se charge pas elle-même de la prospection de ces investisseurs, cette activité étant effectuée par une autre filiale à 100 % du groupe MPC, CPM Anlagen Vertriebs GmbH i.L. Les offres et les publicités ciblées sont transmises par cette filiale, mais également par d’autres intermédiaires, tels que des banques autrichiennes ou des conseillers en investissement, à des consommateurs résidant en Autriche. TVP, qui ne dispose ni d’établissement ni de succursale en Autriche, n’a pas de contact
direct avec les commanditaires et ne fournit elle-même aucune activité de conseil.

22 Les investisseurs peuvent prendre des participations dans les fonds en adressant à TVP une déclaration d’adhésion prenant la forme d’une offre de conclusion d’un contrat de fiducie. Ainsi que cela ressort de la décision de renvoi, les investisseurs en cause dans le litige pendant devant la juridiction de renvoi ont tous signé leur demande de souscription en Autriche. Le montant de leur participation devait être versé sur le compte fiduciaire du fonds choisi, ouvert au nom de TVP dans une banque
autrichienne. En aucun cas le montant correspondant à leur participation n’était versé sur un compte fiduciaire allemand.

23 TVP offre aux investisseurs une prestation de services de fiducie. Elle prend en charge la participation commanditaire pour le compte de l’investisseur et la gère fiduciairement. Elle exerce, en son nom propre mais pour le compte de l’investisseur, les droits de ce dernier issus de sa participation commanditaire et lui transfère les versements de dividendes et tous les autres avantages patrimoniaux issus de sa participation. TVP transmet au fur et à mesure aux investisseurs les informations que
lui fournit le fonds sur le déroulement de l’activité de la société dans laquelle ils détiennent une participation. Pour ces prestations, TVP perçoit une rémunération forfaitaire annuelle d’un montant de 0,3 % du placement de l’investisseur.

24 Dans ses relations d’affaires avec les investisseurs privés, TVP utilise des formulaires de contrat standard. Les actes juridiques requis (signature de la déclaration d’adhésion) sont effectués en Autriche par les investisseurs et acceptés en Autriche par des partenaires contractuels de TVP ou par les partenaires contractuels de ceux-ci.

25 TVP exerce son activité de gestion en vertu d’un contrat de fiducie. Dans les contrats de fiducie en cause, il est notamment indiqué :

« Le contrat de fiducie est soumis au droit de la République fédérale d’Allemagne. Dans la mesure où il est légalement possible d’en convenir ainsi, le lieu d’exécution est le siège de l’administratrice fiduciaire, et la juridiction de ce dernier est compétente pour connaître de tous les litiges portant sur ce contrat ou sa formation ».

26 Cette clause n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle et figure dans les formulaires de contrat standard. Ces formulaires ne comportent pas non plus d’indication claire permettant au futur investisseur d’en prendre aisément connaissance.

27 Selon la juridiction de renvoi, TVP dirige ses prestations de services vers le marché autrichien et exploite un site Internet, www.tvp-treuhand.at, à partir duquel l’utilisateur est renvoyé au site allemand www.tvp-treuhand.de. Le titulaire du nom de domaine est une entreprise du groupe MPC chargée de l’informatique pour l’ensemble de ce groupe. Cette société administre également la page d’accueil allemande du site Internet. Les investisseurs autrichiens peuvent, depuis l’année 2006, s’inscrire
au moyen de ce site. Depuis l’année 2011, les investisseurs qui le souhaitent expressément peuvent voter en ligne et non plus uniquement par écrit. L’investisseur peut également consulter une copie des documents écrits qu’il a reçus par ce moyen.

28 Par une action en cessation introduite le 6 septembre 2013 devant le Handelsgericht Wien (tribunal de commerce de Vienne, Autriche), le VKI a demandé qu’il soit interdit à TVP d’utiliser, dans les conditions générales sur lesquelles elle fonde les contrats de fiducie qu’elle conclut ou dans les formulaires de contrat standard utilisés à cet effet, lors de ses relations d’affaires avec les investisseurs résidant en Autriche, qui doivent selon elle être regardés comme des consommateurs, la clause
de choix du droit applicable et des clauses de contenu équivalent, ainsi que de faire valoir ces clauses.

29 Selon le VKI, la clause de choix du droit applicable méconnaît le droit de l’Union ainsi que le droit autrichien. En particulier, elle serait contraire à l’article 6, paragraphe 3, du KSchG, mais également à l’article 864a et à l’article 879, paragraphe 3, de l’ABGB. En vertu des articles 4 et 6 du règlement Rome I, il conviendrait d’apprécier la légalité de la clause contestée au regard non pas du droit applicable à ces contrats, mais du droit du lieu de l’acte illicite, c’est-à-dire du droit
autrichien. Le droit autrichien serait également applicable en vertu de la convention de Rome et du règlement Rome I, au motif que TVP aurait organisé son activité sur le marché autrichien en connaissance de cause et que les prestations de services qui lui sont imputables auraient été fournies en Autriche.

30 Par jugement du 3 septembre 2015, la juridiction de première instance a fait droit à cette action. Elle a ainsi, en appliquant le droit autrichien, ordonné à TVP de cesser d’utiliser, dans ses relations d’affaires avec les consommateurs résidant en Autriche, les clauses visées par ladite action.

31 Par ordonnance du 13 septembre 2016, l’Oberlandesgericht Wien (tribunal régional supérieur, Autriche), saisi en appel, a annulé le jugement rendu par cette juridiction et a renvoyé l’affaire devant celle‑ci en vue de la poursuite de l’instruction et d’une nouvelle décision. Il a considéré que l’examen de la validité de la clause de choix du droit applicable devait être effectué au regard du droit allemand, mais que, conformément à ce droit, une clause figurant dans les conditions générales est
abusive dès lors qu’elle induit en erreur le consommateur en lui donnant l’impression que seul le droit allemand est applicable au contrat, sans l’informer du fait que, conformément au règlement Rome I et à la convention de Rome, il bénéficie également de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle, en l’occurrence le droit autrichien. La juridiction d’appel expose que, à supposer que la clause de choix du droit applicable
en faveur du droit allemand soit valide, il conviendrait ensuite, en principe, d’examiner la légalité des autres clauses au regard de ce droit. Elle estime qu’il y aurait également lieu de vérifier si des dispositions impératives de protection des consommateurs prévues par le droit autrichien s’opposent à l’application du droit allemand lors de l’appréciation de la légalité des clauses contestées.

32 Le VKI et TVP ont, chacun, formé un recours devant l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche) contre l’arrêt de la juridiction d’appel. Selon TVP, la convention de Rome et le règlement Rome I ne sont pas applicables compte tenu de l’exclusion des questions relatives au droit des sociétés de leur champ d’application. En raison de l’imbrication des statuts de la société et du contrat de fiducie, les constituants seraient directement impliqués dans la société en tant qu’associés. De plus, les
exceptions visées à l’article 5, paragraphe 4, sous b), de la convention de Rome et à l’article 6, paragraphe 4, sous a), du règlement Rome I s’appliqueraient également, au motif que TVP exercerait en tant qu’administratrice fiduciaire les droits d’un commanditaire et fournirait, par conséquent, des services.

33 C’est dans ces circonstances que l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’exclusion du champ d’application prévue à l’article 1er, paragraphe 2, sous e), de la convention de Rome et l’article 1er, paragraphe 2, sous f), du règlement Rome I vise-t-elle également des accords conclus entre un constituant et un administrateur qui détient en fiducie pour ledit constituant une participation dans une société en commandite, notamment lorsqu’il y a une imbrication entre les statuts de la société et le contrat de fiducie ?

2) En cas de réponse négative à la première question :

L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit-il être interprété en ce sens qu’une clause d’un contrat de fiducie, conclu entre un professionnel et un consommateur, relatif à la gestion d’une participation en commandite, qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle et en vertu de laquelle le droit applicable est celui de l’État du siège de la société en commandite, est abusive, lorsque le seul objet du contrat de fiducie est la gestion de ladite société en commandite et que
le constituant a les droits et les obligations d’un associé direct ?

3) En cas de réponse affirmative à la première ou à la deuxième question :

La réponse est-elle différente si, pour fournir les prestations de services dont il est redevable, le professionnel n’a pas à se rendre dans l’État du consommateur mais est tenu de transférer au consommateur les versements de dividendes et autres avantages patrimoniaux issus de la participation, ainsi que de lui transmettre des informations relatives au déroulement de l’activité de la société dans laquelle il détient une participation ? La question de l’applicabilité du règlement Rome I ou de
la convention de Rome importe-t-elle à cet égard ?

4) En cas de réponse affirmative à la troisième question :

Cette réponse reste-t-elle valable lorsque, de surcroît, la demande de souscription du consommateur a été signée dans l’État de résidence de celui-ci, le professionnel fournit des informations sur la participation également sur Internet et un compte de paiement a été mis en place dans l’État du consommateur, sur lequel ce dernier doit verser le montant de la participation, bien que le professionnel ne soit pas habilité à disposer de ce compte bancaire ? La question de l’applicabilité du
règlement Rome I ou de la convention de Rome importe-t-elle à cet égard ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

34 Par sa première question, la juridiction de renvoi souhaite savoir, en substance, si l’article 1er, paragraphe 2, sous e), de la convention de Rome et l’article 1er, paragraphe 2, sous f), du règlement Rome I doivent être interprétés en ce sens que sont exclues du champ d’application de cette convention et de ce règlement des obligations contractuelles, telles que celles en cause au principal, qui trouvent leur source dans un contrat de fiducie ayant pour objet la gestion d’une participation dans
une société en commandite.

35 À cet égard, la Cour a jugé que l’exclusion du champ d’application du règlement Rome I des questions relevant du droit des sociétés, associations et personnes morales, telles que la constitution, par enregistrement ou autrement, la capacité juridique, le fonctionnement interne et la dissolution des sociétés, associations et personnes morales, énoncée à l’article 1er, paragraphe 2, sous f), de ce règlement, vise exclusivement les aspects organiques de ces sociétés, associations et personnes
morales (arrêt du 8 mai 2019, Kerr, C‑25/18, EU:C:2019:376, point 33).

36 Cette interprétation est corroborée par le rapport concernant la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, [rédigé] par Mario Giuliano, professeur à l’université de Milan, et Paul Lagarde, professeur à l’université de Paris I (JO 1980, C 282, p. 1), selon lequel l’exclusion desdites questions du champ d’application de la convention de Rome, qui a été remplacée, entre les États membres, par le règlement Rome I, vise tous les actes de nature complexe nécessaires à la création
d’une société ou réglant sa vie interne ou sa dissolution, c’est-à-dire des actes qui relèvent du droit des sociétés (arrêt du 8 mai 2019, Kerr, C‑25/18, EU:C:2019:376, point 34).

37 Comme M. l’avocat général l’a relevé aux points 49 à 55 de ses conclusions, si des opérations telles que la vente ou la fiducie portant sur des parts sociales sont de nature à soulever des questions relevant du droit des sociétés, il n’en va pas de même des contrats sous-tendant ces opérations. Notamment la seule circonstance qu’un contrat ait un lien avec des « questions relevant du droit des sociétés » n’a pas pour effet d’exclure du champ d’application du règlement Rome I les obligations
trouvant leur source dans ce contrat. Par conséquent, ces questions ne doivent pas être confondues avec des questions d’ordre contractuel. En l’occurrence, l’action en cessation intentée par le VKI porte sur le caractère abusif et, de ce fait, sur la licéité de certaines clauses des contrats de fiducie en cause. Dès lors, les questions posées par le litige au principal relèvent du domaine de la loi régissant le contrat et, partant, du règlement Rome I.

38 Il convient de rappeler que la Cour a également jugé, s’agissant d’obligations engendrées par un contrat d’emprunt conclu par une société avant son absorption transfrontalière, lequel relevait, avant cette fusion par absorption, du champ d’application de la convention de Rome, que la loi applicable à l’interprétation et à l’exécution de ces obligations postérieurement à ladite fusion demeurait celle qui leur était antérieurement applicable (voir, en ce sens, arrêt du 7 avril 2016, KA Finanz,
C‑483/14, EU:C:2016:205, points 52 à 58).

39 Par ailleurs, si les parties au principal sont en désaccord sur le point de savoir si les constituants ont ou non la qualité d’associés, cette question, qui relève du droit des sociétés, n’est pas déterminante dans le cadre de l’affaire au principal. En effet, celle-ci porte non pas sur l’étendue des éventuels droits et obligations que les constituants auraient, en vertu du droit des sociétés applicable, à l’égard des sociétés en commandite, ou les éventuelles obligations des constituants à
l’égard des tiers créanciers de la société, mais sur le caractère abusif et, partant, sur la licéité de certaines clauses des contrats de fiducie.

40 Or, ces clauses, qui concernent des questions telles que l’étendue de la responsabilité de TVP en qualité d’administratrice fiduciaire, le lieu de l’exécution des prestations fiduciaires et la loi applicable au contrat de fiducie, ont pour objet de régler les rapports contractuels entre constituants et administrateurs fiduciaires et relèvent, en conséquence, du domaine de la lex contractus. Les obligations en cause au principal ne sont donc pas exclues du champ d’application de la convention de
Rome ou du règlement Rome I.

41 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 1er, paragraphe 2, sous e), de la convention de Rome et l’article 1er, paragraphe 2, sous f), du règlement Rome I doivent être interprétés en ce sens que ne sont pas exclues du champ d’application de cette convention et de ce règlement des obligations contractuelles, telles que celles en cause au principal, qui trouvent leur source dans un contrat de fiducie ayant pour objet la gestion d’une participation dans
une société en commandite.

Sur les troisième et quatrième questions

42 Par ses troisième et quatrième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi souhaite savoir, en substance, si l’article 5, paragraphe 4, sous b), de la convention de Rome et l’article 6, paragraphe 4, sous a), du règlement Rome I doivent être interprétés en ce sens que relève de l’exclusion prévue à ces dispositions un contrat de fiducie en application duquel les services qui sont dus au consommateur doivent être fournis, à distance, dans le pays de résidence habituelle
de celui–ci depuis le territoire d’un autre pays.

43 À cet égard, la juridiction de renvoi a déjà constaté que les contrats de fiducie litigieux sont des contrats de consommation susceptibles de relever des règles de protection des consommateurs prévues à l’article 5 de la convention de Rome et à l’article 6 du règlement Rome I. En effet, ces contrats lient un « professionnel », à savoir TVP, agissant dans l’exercice de son activité professionnelle, à différents investisseurs qui ont la qualité de « consommateurs », à savoir des personnes physiques
ayant agi, en concluant lesdits contrats, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à une telle activité.

44 Néanmoins, ces articles excluent expressément, à leur paragraphe 4, certains contrats de leur champ d’application. En particulier, l’article 5, paragraphe 4, sous b), de la convention de Rome et l’article 6, paragraphe 4, sous a), du règlement Rome I prévoient, en des termes identiques, que les règles protectrices en matière de contrats de consommation ne s’appliquent pas « au contrat de fourniture de services lorsque les services dus au consommateur doivent être fournis exclusivement dans un
pays autre que celui dans lequel il a sa résidence habituelle ».

45 Il ressort du libellé de ces dispositions que l’article 5 de la convention de Rome et l’article 6, paragraphes 1 et 2, du règlement Rome I ne s’appliquent pas lorsque, premièrement, il existe un contrat de fourniture de services et, deuxièmement, que les services dus au consommateur sont fournis exclusivement dans un pays autre que celui dans lequel ce consommateur a sa résidence habituelle.

46 S’agissant, d’une part, de la notion de « contrat de fourniture de services », celle-ci doit être comprise de la même manière que celle de « contrat de prestation de services » figurant à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de ce règlement et de celle de « fourniture de services », au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement no 44/2001, en ce sens qu’elle vise l’engagement d’effectuer une activité déterminée en contrepartie d’une rémunération (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai
2019, Kerr, C‑25/18, EU:C:2019:376, points 36 à 41).

47 En l’occurrence, il y a lieu de constater que, en application d’un contrat de fiducie tel que ceux en cause au principal, l’administrateur fiduciaire effectue une activité consistant à gérer la chose placée en fiducie, en contrepartie d’une rémunération. Dès lors, un tel contrat doit être considéré comme ayant pour objet une fourniture de services, au sens de l’article 5, paragraphe 4, sous b), de la convention de Rome et de l’article 6, paragraphe 4, sous a), du règlement Rome I.

48 S’agissant, d’autre part, du pays dans lequel les services dus au consommateur doivent être fournis, il convient de déterminer, tout d’abord, si cette question est préalable à la désignation de la loi régissant le contrat ou si elle relève de cette dernière.

49 Or, comme l’a exposé M. l’avocat général au point 71 de ses conclusions, la question du lieu de fourniture des services dus au consommateur vise à déterminer la loi applicable au contrat et doit, dès lors, être tranchée préalablement à la désignation de celle-ci.

50 À cet égard, il ressort du rapport concernant la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, mentionné au point 36 du présent arrêt, que l’exclusion figurant à l’article 5, paragraphe 4, sous b), de la convention de Rome est justifiée par le fait que, dans le cas des contrats portant sur des prestations de services qui sont fournies exclusivement en dehors de l’État de résidence du consommateur, celui‑ci ne peut raisonnablement pas s’attendre à ce que la loi de son État
d’origine soit appliquée par dérogation aux règles générales des articles 3 et 4 de cette convention.

51 Ainsi, sauf à permettre à un prestataire, tel que TVP, de choisir, au détriment de l’objectif de protection des consommateurs, la loi applicable en recourant à une clause contractuelle déterminant le lieu de fourniture, l’exclusion en cause ne saurait être interprétée en ce sens que les termes « doivent être fournis », au sens de l’article 6, paragraphe 4, sous a), du règlement Rome I, se réfèrent à l’obligation contractuellement fixée de réaliser la prestation de services en un lieu déterminé.
Comme l’a relevé M. l’avocat général au point 76 de ses conclusions, il importe de vérifier s’il résulte de la nature même des services convenus que ceux-ci ne peuvent être fournis, dans leur ensemble, qu’en dehors de l’État de résidence habituelle du consommateur.

52 Lorsque, comme le prévoient les contrats en cause au principal, le lieu de réalisation matérielle de la prestation se situe dans un pays différent de celui dans lequel le consommateur en bénéficie, il doit être considéré que les services ne sont fournis « exclusivement » en dehors de l’État membre de résidence habituelle du consommateur que lorsque ce dernier n’a aucune possibilité d’en percevoir le bénéfice dans son État de résidence et doit se rendre à l’étranger à cette fin.

53 En l’occurrence, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 81 de ses conclusions, le fait que les sommes requises pour l’adhésion à la société ont été versées sur des comptes fiduciaires de TVP en Autriche, que celle-ci a versé les dividendes aux consommateurs autrichiens sur des comptes autrichiens, qu’elle remplit ses obligations d’information découlant du contrat de fiducie en envoyant des rapports sur sa gestion fiduciaire aux consommateurs autrichiens en Autriche et le fait qu’elle
dispose d’un site Internet à l’attention des consommateurs autrichiens sur lequel ceux-ci peuvent consulter des informations et exercer leur droit de vote tendent à indiquer, ce qui appartient au juge de renvoi de vérifier, que ces services sont fournis à distance dans le pays de résidence du consommateur. Il en résulte que l’exclusion prévue à l’article 5, paragraphe 4, sous b), de la convention de Rome et à l’article 6, paragraphe 4, sous a), du règlement Rome I n’a pas vocation à s’appliquer.

54 Il ressort de ce qui précède qu’il convient de répondre aux troisième et quatrième questions que l’article 5, paragraphe 4, sous b), de la convention de Rome et l’article 6, paragraphe 4, sous a), du règlement Rome I doivent être interprétés en ce sens que ne relève pas de l’exclusion prévue à ces dispositions un contrat de fiducie en application duquel les services qui sont dus au consommateur doivent être fournis, à distance, dans le pays de résidence habituelle de celui–ci depuis le territoire
d’un autre pays.

Sur la deuxième question

55 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi souhaite savoir, en substance, si l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause d’un contrat de fiducie, conclu entre un professionnel et un consommateur, relatif à la gestion d’une participation en commandite, qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle et en vertu de laquelle le droit applicable est celui de l’État du siège de la société en commandite, est abusive, au sens de cette
disposition.

56 À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 5, paragraphe 3, de la convention de Rome et l’article 6, paragraphe 1, du règlement Rome I prévoient que, en principe, un contrat de consommation est régi par la loi du pays où le consommateur a sa résidence habituelle.

57 L’action introduite au principal concernant des consommateurs résidant en Autriche, le droit autrichien a, en principe, vocation à régir les contrats de fiducie que lesdits consommateurs ont conclus avec TVP. Pour autant, il importe de savoir si la clause de choix de loi insérée dans ces contrats et désignant comme applicable la loi du siège de TVP, à savoir le droit allemand, est illicite, au motif qu’elle serait abusive.

58 Si l’article 5, paragraphe 2, de la convention de Rome et l’article 6, paragraphe 2, du règlement Rome I autorisent, en principe, le recours à une clause relative au choix de la loi applicable, il convient néanmoins de rappeler qu’est abusive, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, une telle clause, contenue dans des conditions générales de vente d’un professionnel, qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle et induit le consommateur en erreur en lui donnant
l’impression que seule la loi de l’État membre du siège de ce professionnel s’applique au contrat conclu par voie électronique, sans l’informer du fait qu’il bénéficie également, en vertu de l’article 6, paragraphe 2, dudit règlement, de la protection que lui assurent les dispositions impératives du droit qui serait applicable en l’absence de cette clause, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier à la lumière de toutes les circonstances pertinentes (arrêt du 28 juillet 2016,
Verein für Konsumenteninformation, C‑191/15, EU:C:2016:612, point 71).

59 Les considérations qui précèdent ne sont pas limitées à une modalité spécifique de conclusion des contrats, à savoir, notamment, la voie électronique, et ont une portée générale. Elles doivent donc conduire la juridiction de renvoi à constater le caractère abusif de la clause de choix de loi litigieuse si les conditions visées au point précédent sont réunies, ce qu’il appartient à cette juridiction de vérifier.

60 Il ressort de ce qui précède qu’il y a lieu de répondre à la deuxième question que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause d’un contrat de fiducie relatif à la gestion d’une participation en commandite, tel que ceux en cause au principal, conclu entre un professionnel et un consommateur, qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle et en vertu de laquelle le droit applicable est celui de l’État membre du siège de la société en
commandite, est abusive, au sens de cette disposition, lorsqu’elle induit ce consommateur en erreur en lui donnant l’impression que seule la loi de cet État membre s’applique au contrat, sans l’informer du fait qu’il bénéficie également, en vertu de l’article 5, paragraphe 2, de la convention de Rome et de l’article 6, paragraphe 2, du règlement Rome I, de la protection que lui assurent les dispositions impératives du droit national qui serait applicable en l’absence de cette clause.

Sur les dépens

61 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

  1) L’article 1er, paragraphe 2, sous e), de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980, et l’article 1er, paragraphe 2, sous f), du règlement (CE) no 593/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), doivent être interprétés en ce sens que ne sont pas exclues du champ d’application de cette convention et de ce règlement des obligations contractuelles,
telles que celles en cause au principal, qui trouvent leur source dans un contrat de fiducie ayant pour objet la gestion d’une participation dans une société en commandite.

  2) L’article 5, paragraphe 4, sous b), de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles et l’article 6, paragraphe 4, sous a), du règlement no 593/2008 doivent être interprétés en ce sens que ne relève pas de l’exclusion prévue à ces dispositions un contrat de fiducie en application duquel les services qui sont dus au consommateur doivent être fournis, à distance, dans le pays de résidence habituelle de celui-ci depuis le territoire d’un autre pays.

  3) L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens qu’une clause d’un contrat de fiducie relatif à la gestion d’une participation en commandite, tel que ceux en cause au principal, conclu entre un professionnel et un consommateur, qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle et en vertu de laquelle le droit applicable est celui de l’État
membre du siège de la société en commandite, est abusive, au sens de cette disposition, lorsqu’elle induit ce consommateur en erreur en lui donnant l’impression que seule la loi de cet État membre s’applique au contrat, sans l’informer du fait qu’il bénéficie également, en vertu de l’article 5, paragraphe 2, de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles et de l’article 6, paragraphe 2, du règlement no 593/2008, de la protection que lui assurent les dispositions
impératives du droit national qui serait applicable en l’absence de cette clause.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C-272/18
Date de la décision : 03/10/2019
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par l'Oberster Gerichtshof.

Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Coopération judiciaire en matière civile – Loi applicable aux obligations contractuelles – Exclusion du droit des sociétés du champ d’application de la convention de Rome et du règlement (CE) no 593/2008 (Rome I) – Contrat de fiducie, conclu entre un professionnel et un consommateur, ayant pour seul objectif de gérer une participation en commandite.

Espace de liberté, de sécurité et de justice

Coopération judiciaire en matière civile


Parties
Demandeurs : Verein für Konsumenteninformation
Défendeurs : TVP Treuhand- und Verwaltungsgesellschaft für Publikumsfonds mbH & Co KG.

Composition du Tribunal
Avocat général : Saugmandsgaard Øe
Rapporteur ?: Safjan

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2019:827

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