ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
31 janvier 2019 ( *1 )
« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Règlement (CE) no 207/2009 – Article 51, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, ainsi que article 75 – Marque de l’Union européenne Cystus – Supplément d’aliments non à usage médical – Déclaration partielle de déchéance – Absence d’usage sérieux de la marque – Perception du terme “cystus” comme une indication descriptive de l’ingrédient principal des produits concernés – Obligation de motivation »
Dans l’affaire C‑194/17 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 13 avril 2017,
Georgios Pandalis, demeurant à Glandorf (Allemagne), représenté par Me A. Franke, Rechtsanwältin,
partie requérante,
les autres parties à la procédure étant :
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. S. Hanne et Mme D. Walicka, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance,
LR Health & Beauty Systems GmbH, établie à Ahlen (Allemagne), représentée par Mes N. Weber et L. Thiel, Rechtsanwälte,
partie intervenante en première instance,
LA COUR (troisième chambre),
composée de M. M. Vilaras, président de la quatrième chambre, faisant fonction de président de la troisième chambre, MM. J. Malenovský, L. Bay Larsen, M. Safjan (rapporteur) et D. Šváby, juges,
avocat général : Mme J. Kokott,
greffier : M. R. Schiano, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 juin 2018,
ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 13 septembre 2018,
rend le présent
Arrêt
1 Par son pourvoi, M. Georgios Pandalis demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 14 février 2017, Pandalis/EUIPO – LR Health & Beauty Systems (Cystus) (T‑15/16, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2017:75), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 30 octobre 2015 (affaire R 2839/2014-1), relative à une procédure
de déchéance entre LR Health & Beauty Systems et M. Pandalis (ci-après la « décision litigieuse »).
Le cadre juridique
Le règlement (CE) no 207/2009
2 L’article 7 du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque [de l’Union européenne] (JO 2009, L 78, p. 1, et rectificatif, JO 2015, L 312, p. 28), intitulé « Motifs absolus de refus », énonce, à son paragraphe 1, sous c) :
« Sont refusés à l’enregistrement :
[...]
c) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ».
3 L’article 51 de ce règlement, intitulé « Causes de déchéance », prévoit :
« 1. Le titulaire de la marque [de l’Union européenne] est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’[EUIPO] ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon :
a) si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’[Union européenne] pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, et qu’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage [...] ;
[...]
2. Si la cause de déchéance n’existe que pour une partie des produits ou des services pour lesquels la marque [de l’Union européenne] est enregistrée, le titulaire n’est déclaré déchu de ses droits que pour les produits ou les services concernés. »
4 L’article 64 dudit règlement, intitulé « Décision sur le recours », dispose, à son paragraphe 1 :
« À la suite de l’examen au fond du recours, la chambre de recours statue sur le recours. Elle peut, soit exercer les compétences de l’instance qui a pris la décision attaquée, soit renvoyer l’affaire à ladite instance en vue de la poursuite de la procédure. »
5 L’article 75 du même règlement, intitulé « Motivation des décisions », est libellé comme suit :
« Les décisions de l’[EUIPO] sont motivées. Elles ne peuvent être fondées que sur des motifs sur lesquels les parties ont pu prendre position. »
La directive 2002/46/CE
6 L’article 2, sous a), de la directive 2002/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 10 juin 2002, relative au rapprochement des législations des États membres concernant les compléments alimentaires (JO 2002, L 183, p. 51), énonce :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
a) “compléments alimentaires”, les denrées alimentaires dont le but est de compléter le régime alimentaire normal et qui constituent une source concentrée de nutriments ou d’autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique seuls ou combinés, commercialisés sous forme de doses, à savoir les formes de présentation telles que les gélules, les pastilles, les comprimés, les pilules et autres formes similaires, ainsi que les sachets de poudre, les ampoules de liquide, les flacons munis
d’un compte-gouttes et les autres formes analogues de préparations liquides ou en poudre destinées à être prises en unités mesurées de faible quantité ».
7 L’article 6 de cette directive prévoit :
« 1. Pour l’application de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2000/13/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 20 mars 2000, relative au rapprochement des législations des États membres concernant l’étiquetage et la présentation des denrées alimentaires ainsi que la publicité faite à leur égard (JO 2000, L 109, p. 29)], la dénomination sous laquelle les produits couverts par la présente directive sont vendus est celle de “complément alimentaire”.
2. L’étiquetage des compléments alimentaires, leur présentation et la publicité qui en est faite n’attribuent pas à ces produits des propriétés de prévention, de traitement ou de guérison d’une maladie humaine, ni n’évoquent ces propriétés.
3. Sans préjudice de la directive [2000/13], l’étiquetage porte obligatoirement les indications suivantes :
a) le nom des catégories de nutriments ou substances caractérisant le produit ou une indication relative à la nature de ces nutriments ou substances ;
b) la portion journalière de produit dont la consommation est recommandée ;
c) un avertissement contre le dépassement de la dose journalière indiquée ;
d) une déclaration visant à éviter que les compléments alimentaires ne soient utilisés comme substituts d’un régime alimentaire varié ;
e) un avertissement indiquant que les produits doivent être tenus hors de la portée des jeunes enfants. »
Les antécédents du litige
8 Le 10 août 1999, le requérant, M. Pandalis, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’EUIPO. La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Cystus (ci-après la « marque en cause »).
9 Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent notamment de la classe 30, au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié (ci-après l’« arrangement de Nice »), et correspondent à la description suivante : « Supplément d’aliments non à usage médical ».
10 La marque en cause a été enregistrée le 5 janvier 2004, sous le numéro 1273 119.
11 Le 3 septembre 2013, LR Health & Beauty Systems GmbH a déposé une demande en déchéance de la marque en cause pour tous les produits enregistrés, sur le fondement de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, au motif que ladite marque n’aurait pas fait l’objet d’un usage sérieux pendant une période ininterrompue de cinq ans.
12 Le 12 septembre 2014, la division d’annulation de l’EUIPO (ci-après la « division d’annulation ») a déchu de ses droits le requérant pour une partie des produits enregistrés, dont notamment les « suppléments d’aliments non à usage médical », relevant de la classe 30 de l’arrangement de Nice.
13 Le 30 octobre 2015, par la décision litigieuse, la première chambre de recours de l’EUIPO (ci-après la « chambre de recours ») a rejeté le recours formé par le requérant contre cette décision de la division d’annulation. En particulier, premièrement, elle a considéré que le requérant n’avait pas fait usage du terme « cystus » en tant que marque de l’Union européenne, c’est-à-dire afin d’indiquer l’origine commerciale de ses produits, mais en avait fait un usage descriptif visant à indiquer que
les produits en question contenaient des extraits de la variété végétale Cistus Incanus L. comme principale substance active. À cet égard, l’utilisation partielle du symbole « ® » et le fait d’orthographier le terme « cystus » avec la lettre « y » ne suffiraient pas pour qu’il soit conclu à un usage en tant que marque de l’Union européenne.
14 Deuxièmement, la chambre de recours a considéré que le requérant n’avait pas produit de preuve concrète et objective de l’utilisation de la marque en cause pour les « suppléments d’aliments non à usage médical », relevant de la classe 30 de l’arrangement de Nice. En effet, d’une part, il n’aurait pas été démontré que le terme « cystus » avait été utilisé en tant que marque pour les produits Pilots Friend Immunizer®, Immun44® Saft et Immun44® Kapseln. D’autre part, il n’aurait pas été démontré que
les pastilles à sucer, pastilles pour la gorge, infusion, solutions pour gargarisme et comprimés anti-infectieux (ci-après les « autres produits Cystus »), entraient dans la catégorie de produits décrits comme « suppléments d’aliments non à usage médical », relevant de ladite classe 30. La chambre de recours a donc estimé, en substance, que les exemples d’utilisation du terme « cystus » relatifs à ces produits ne permettaient pas de prouver l’usage sérieux de la marque en cause pour les produits
pour lesquels elle avait été enregistrée.
15 La chambre de recours a donc conclu que la marque en cause n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne au cours de la période de référence.
La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
16 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 janvier 2016, le requérant a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.
17 Par son premier moyen, lequel se composait, en substance, de trois branches, le requérant a soutenu que la chambre de recours avait violé l’article 64, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 51, paragraphe 1, sous a), de ce règlement, en qualifiant la marque en cause d’indication descriptive, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), dudit règlement.
18 Aux points 17 à 20 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté comme non fondée la première branche de ce moyen, relative à l’étendue de l’examen de la chambre de recours.
19 En ce qui concerne la deuxième branche dudit moyen, relative au droit du requérant d’être entendu, le Tribunal a considéré, aux points 23 à 25 de son arrêt, que, si le droit d’être entendu, tel que consacré à l’article 75, seconde phrase, du règlement no 207/2009, s’étend à tous les éléments de fait ou de droit ainsi qu’aux éléments de preuve qui constituent le fondement de la décision, ce droit ne s’applique toutefois pas à la position finale que l’administration entend adopter. Dès lors, la
chambre de recours ne serait pas obligée d’entendre un requérant sur une appréciation factuelle qui relève de sa position finale. Or, en l’espèce, la chambre de recours ne se serait aucunement prononcée sur l’existence de motifs absolus de refus d’enregistrement ni n’aurait remis en cause le caractère distinctif de la marque en cause. En tout état de cause, le requérant aurait eu l’occasion de prendre position, au cours de la procédure, sur l’usage sérieux de cette marque, y compris
nécessairement sur la nature de cet usage, au regard de l’ensemble des produits concernés. Le Tribunal, en conséquence, a rejeté cette deuxième branche comme étant inopérante.
20 S’agissant de la troisième branche du premier moyen invoqué, relative à l’erreur que la chambre de recours aurait commise en considérant que le terme « cystus » était descriptif à l’égard de l’ensemble des produits du requérant, le Tribunal a décidé d’examiner cette branche conjointement avec le troisième moyen du recours.
21 Le Tribunal a rejeté, aux points 31 à 35 de l’arrêt attaqué, le deuxième moyen, tiré d’un détournement de pouvoir commis par la chambre de recours.
22 À l’appui de son troisième moyen, lequel se composait de deux branches, le requérant a soutenu que la chambre de recours avait violé l’article 51, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, du règlement no 207/2009 en prononçant la déchéance de la marque en cause, alors qu’il avait démontré en avoir fait un usage sérieux et conforme à sa finalité pour les « suppléments d’aliments non à usage médical », relevant de la classe 30 de l’arrangement de Nice.
23 La première branche de ce troisième moyen était relative à la nature de l’usage de la marque en cause sur les emballages des produits Pilots Friend Immunizer®, Immun44® Saft et Immun44® Kapseln.
24 Au point 42 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé qu’il n’était pas contesté par les parties que les produits en cause contenaient comme principe actif essentiel des extraits de la plante dont Cistus Incanus L. représentait la dénomination scientifique et cistus la dénomination latine.
25 Au point 43 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que, au regard de son contexte, l’usage du terme « cystus » sur les emballages des produits en cause serait perçu par le public comme descriptif de l’ingrédient principal de ces produits et non comme visant à identifier l’origine commerciale de ces produits. Ainsi, il ressortirait notamment clairement de l’expression « extrait de cystus® » et de l’inclusion des termes « cystus®052 » dans la liste des ingrédients du produit Immun44® Saft que
le terme « cystus » ne désigne pas le « supplément d’aliment non à usage médical », relevant de la classe 30 de l’arrangement de Nice, ni a fortiori son origine commerciale, mais désigne uniquement l’un de ses ingrédients. La multiplication des références au terme « cystus » sur les emballages des produits en question et leur mise en exergue ne permettraient pas d’établir l’usage dudit terme en tant que marque de l’Union européenne, lorsque, comme en l’espèce, le public pertinent percevra ces
références comme étant descriptives de la substance active essentielle des produits concernés.
26 Au point 46 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a ajouté que le fait d’orthographier le terme « cystus » avec la lettre « y » ne suffisait pas à démontrer l’usage en tant que marque. À cet égard, les graphies déformées ne contribueraient généralement pas à rendre distinctif un signe dont le contenu était immédiatement compréhensible comme étant descriptif. Il en serait d’autant plus ainsi, en l’espèce, que la chambre de recours avait pu considérer, à bon droit, que les lettres « i » et « y » étaient
souvent utilisées de manière interchangeable dans les mots d’origine latine et que la lettre « y » pouvait être prononcée comme la lettre « i » dans la langue allemande. Par conséquent, ce serait sans commettre d’erreur que la chambre de recours avait pu considérer que le public pertinent percevrait le terme « cystus » comme une indication descriptive faisant référence à la dénomination de la plante cistus et non en tant que marque de l’Union européenne, sans pour autant se prononcer sur
l’existence d’un motif absolu de refus d’enregistrement, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009.
27 La seconde branche du troisième moyen invoqué était relative à la classification des autres produits Cystus. À cet égard, le Tribunal a jugé, au point 54 de l’arrêt attaqué, que la chambre de recours n’avait aucunement classé ces produits en tant que médicaments, produits médicaux relevant de la classe 5 de l’arrangement de Nice ou de toute autre catégorie, mais s’était limitée à considérer qu’il n’avait pas été démontré à suffisance de droit que lesdits produits devaient être classés en tant que
« suppléments d’aliments non à usage médical », relevant de la classe 30 de l’arrangement de Nice.
28 Après avoir rappelé, aux points 55 et 56 de l’arrêt attaqué, les règles régissant la charge de la preuve dans le cadre d’une procédure de déchéance d’une marque de l’Union européenne, le Tribunal a constaté, au point 57 de cet arrêt, que, d’une part, le requérant n’avait pas apporté la preuve qu’il avait fait un usage sérieux de la marque en cause et, d’autre part, que la simple affirmation que les produits concernés étaient des « suppléments d’aliments non à usage médical », relevant de la
classe 30 de l’arrangement de Nice, ne suffisait pas.
29 Au point 58 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a estimé que la chambre de recours avait pu à bon droit considérer que le non-respect des dispositions de la directive 2002/46 imposant un certain nombre d’indications obligatoires pour la vente d’un produit dont le but est de compléter le régime alimentaire normal constituait un indice particulièrement probant plaidant à l’encontre de la qualification de « suppléments d’aliments non à usage médical », relevant de la classe 30 de l’arrangement de Nice.
30 Le Tribunal a ajouté, au point 59 de l’arrêt attaqué, que la chambre de recours n’avait pas non plus commis d’erreur en considérant que l’existence d’un numéro pharmacologique central pour les autres produits Cystus, la vente de ces produits en pharmacie et, en particulier, le fait qu’étaient soulignées, lors de leur commercialisation, leur faculté de prévention de la grippe et des refroidissements ainsi que leur vertu de soulagement des inflammations de la cavité bucco-pharyngée constituaient
autant d’indices probants supplémentaires, plaidant à l’encontre de leur qualification de « suppléments d’aliments non à usage médical », relevant de la classe 30 de l’arrangement de Nice.
31 Les premier à troisième moyens invoqués ayant tous été écartés, le Tribunal a rejeté le recours dont il était saisi dans son entièreté.
Les conclusions des parties devant la Cour
32 Par son pourvoi, le requérant demande à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué ;
– d’annuler la décision litigieuse ;
– d’annuler la décision de la division d’annulation du 12 septembre 2014, dans la mesure où celle-ci déclare que le titulaire de la marque en cause est déchu de ses droits en ce qui concerne les produits, compris dans la classe 30 de l’arrangement de Nice, décrits comme des « suppléments d’aliments non à usage médical » ;
– de rejeter la demande en nullité introduite par LR Health & Beauty Systems contre la marque en cause, dans la mesure où cette demande concerne les produits, compris dans la classe 30 de l’arrangement de Nice, décrits comme des « suppléments d’aliments non à usage médical », et
– de condamner l’EUIPO aux dépens.
33 L’EUIPO demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi et
– de condamner le requérant aux dépens.
34 LR Health & Beauty Systems demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi dans son intégralité et
– de condamner le requérant aux dépens.
Sur le pourvoi
35 À l’appui de son pourvoi, le requérant invoque, en substance, trois moyens, relatifs, le premier, à la classification des autres produits Cystus en tant que « suppléments d’aliments non à usage médical », relevant de la classe 30 de l’arrangement de Nice, le deuxième, à la nature de l’usage du terme « cystus » pour les produits Pilots Friend Immunizer®, Immun44® Saft et Immun44® Kapseln ainsi que, le troisième, au droit d’être entendu par la chambre de recours.
Sur le premier moyen
Argumentation des parties
36 Le premier moyen vise les motifs de l’arrêt attaqué figurant aux points 54 à 59 de celui-ci. Il est divisé en deux branches.
37 Par la première branche de son premier moyen, le requérant soutient que le Tribunal a commis des erreurs de droit dans l’interprétation et l’application de l’article 51, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, du règlement no 207/2009.
38 À cet égard, l’arrêt attaqué ne permettrait pas de savoir si la marque en cause n’a pas été utilisée pour des « suppléments d’aliments non à usage médical » ou pour des suppléments alimentaires en général. Or, les autres produits Cystus, dont l’ingrédient principal est le ciste, constitueraient des compléments alimentaires, au sens de l’article 2, sous a), de la directive 2002/46, celle-ci n’opérant pas de distinction entre les compléments alimentaires à usage médical et les compléments
alimentaires non à usage médical.
39 En outre, le Tribunal aurait dénaturé la circonstance que la publicité pour les autres produits Cystus était fondée sur la faculté de prévention de la grippe et des refroidissements de ces produits, en considérant à tort cette circonstance comme un indice de ce que ces produits ne pourraient pas relever des « suppléments d’aliments non à usage médical ».
40 Par ailleurs, le fait que le requérant n’aurait éventuellement pas respecté les exigences en matière d’étiquetage prévues à l’article 6, paragraphes 1 à 3, de la directive 2002/46 aurait également été dénaturé par le Tribunal. En effet, ce dernier l’aurait interprété en ce sens qu’un produit qui ne respecte pas ces dispositions ne constitue pas un complément alimentaire non à usage médical. Or, l’étiquetage n’aurait aucune incidence sur la qualification des autres produits Cystus de compléments
alimentaires, au sens de l’article 2, sous a), de la directive 2002/46.
41 Le Tribunal aurait aussi violé l’article 51, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, du règlement no 207/2009 en retenant l’existence d’un numéro pharmacologique central pour les autres produits Cystus et la vente de ces produits en pharmacie comme des indices probants plaidant à l’encontre de leur qualification de « suppléments d’aliments non à usage médical ». Or, en Allemagne, l’existence d’un tel numéro pharmacologique n’aurait pas de lien avec la question de savoir si un produit est ou non à
usage médical.
42 Enfin, le Tribunal n’aurait pas procédé à un examen différencié des pastilles à sucer commercialisées sous la marque en cause (ci-après les « pastilles à sucer ») afin de vérifier si celles-ci constituaient des compléments alimentaires, au sens de l’article 2, sous a), de la directive 2002/46.
43 Par la seconde branche de son premier moyen, le requérant soutient que l’arrêt attaqué contient une motivation insuffisante dans le cadre de la constatation selon laquelle la marque en cause n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux, au sens de l’article 51, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, du règlement no 207/2009 pour les « suppléments d’aliments non à usage médical ».
44 En effet, le requérant ne pourrait connaître les raisons pour lesquelles les faits qu’il a allégués ainsi que les preuves produites n’ont pas convaincu le Tribunal de ce que la marque en cause a fait l’objet d’un usage sérieux pour des « suppléments d’aliments non à usage médical ». Par ailleurs, l’analyse du Tribunal ne permettrait pas au requérant de savoir de quelle catégorie ses produits relèvent.
45 De plus, la motivation de l’arrêt attaqué serait insuffisante, dans la mesure où elle ne permettrait pas au requérant de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas vérifié de manière différenciée si la marque en cause, en ce qui concerne les pastilles à sucer, a fait l’objet d’un usage sérieux pour des « suppléments d’aliments non à usage médical ».
46 Plus particulièrement, les pastilles à sucer n’auraient pas été commercialisées avec l’indication selon laquelle elles ont une faculté de prévention de la grippe et des refroidissements ainsi qu’une vertu de soulagement des inflammations de la cavité bucco-pharyngée. Au point 59 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait cependant considéré que cette faculté constituait un indice probant plaidant à l’encontre de la qualification des autres produits Cystus de « suppléments d’aliments non à usage
médical ».
47 L’EUIPO et LR Health & Beauty Systems concluent au rejet du premier moyen du pourvoi.
Appréciation de la Cour
48 En l’occurrence, le requérant a obtenu l’enregistrement de la marque en cause pour des produits décrits comme des « suppléments d’aliments non à usage médical », relevant de la classe 30 de l’arrangement de Nice.
49 Aux points 54 à 61 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que la chambre de recours avait considéré à bon droit que le requérant n’avait pas établi que les autres produits Cystus pouvaient être qualifiés de « suppléments d’aliments non à usage médical », avec la conséquence qu’il n’avait pas prouvé que la marque en cause avait fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union, au sens de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, pour lesdits produits.
50 Au soutien de la première branche du premier moyen du pourvoi, relative à la classification des autres produits Cystus, le requérant fait valoir, dans un premier grief, que ces produits constituent des compléments alimentaires, au sens de l’article 2, sous a), de la directive 2002/46, et relèvent de la classe 30 de l’arrangement de Nice.
51 À cet égard, il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE ainsi que de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est, dès lors, seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation de ces faits et de ces éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur
dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (arrêts du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, EU:C:2008:739, point 68, et du 6 juin 2018, Apcoa Parking Holdings/EUIPO, C‑32/17 P, non publié, EU:C:2018:396, point 49).
52 Par ailleurs, une telle dénaturation doit ressortir de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêts du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, EU:C:2008:739, point 69, et du 26 octobre 2016, Westermann Lernspielverlage/EUIPO, C‑482/15 P, EU:C:2016:805, point 36).
53 En outre, compte tenu de la nature exceptionnelle d’un moyen tiré de la dénaturation des faits et des éléments de preuve, l’article 256 TFUE, l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour imposent, en particulier, à un requérant d’indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par le Tribunal et de démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation,
auraient conduit celui-ci à cette dénaturation (arrêt du 22 septembre 2016, Pensa Pharma/EUIPO, C‑442/15 P, non publié, EU:C:2016:720, point 21 et jurisprudence citée).
54 Or, force est de constater que, par les arguments qu’il avance au soutien de ce premier grief, le requérant se borne à contester les appréciations factuelles auxquelles le Tribunal s’est livré pour aboutir à la conclusion que les autres produits Cystus ne devaient pas être qualifiés de « suppléments d’aliments non à usage médical », relevant de la classe 30 de l’arrangement de Nice, et tente, en réalité, d’obtenir de la Cour une nouvelle appréciation des faits.
55 En outre et pour autant que le requérant allègue que l’arrêt attaqué repose sur une dénaturation d’éléments de fait et de preuve, les arguments qu’il développe à l’appui de cette allégation ne permettent pas d’identifier les éléments précis que le Tribunal aurait dénaturé ni ne démontrent les erreurs d’analyse prétendument commises par celui-ci. Partant, ces arguments ne répondent pas aux exigences résultant de la jurisprudence citée au point 53 du présent arrêt.
56 En conséquence, le premier grief invoqué doit être rejeté comme étant irrecevable.
57 Le requérant reproche au Tribunal, dans un second grief, d’avoir omis de procéder à un examen différencié relatif aux pastilles à sucer, dans la mesure où, au point 59 de l’arrêt attaqué, il a considéré de manière générale que, lors de la commercialisation des autres produits Cystus, ces derniers étaient présentés comme ayant des effets favorables sur la santé, ce qui constituait un indice probant plaidant à l’encontre de leur qualification de « suppléments d’aliments non à usage médical ». Or,
le requérant conteste que les pastilles à sucer aient été commercialisées avec l’indication qu’elles ont de tels effets favorables.
58 Sans qu’il soit besoin de déterminer si ce second grief est recevable, il suffit de relever, à l’instar de Mme l’avocate générale au point 39 de ses conclusions, qu’il procède d’une lecture erronée du point 59 de l’arrêt attaqué.
59 En effet, audit point, le Tribunal n’a pas constaté que les pastilles à sucer étaient commercialisées avec l’indication de leurs effets favorables sur la santé. Il s’est borné à relever, sans distinguer les pastilles à sucer parmi les autres produits Cystus, que la chambre de recours n’avait pas commis d’erreur dans le cadre de son appréciation factuelle des indices probants supplémentaires plaidant à l’encontre de la qualification des autres produits Cystus de « suppléments d’aliments non à
usage médical ».
60 Ce faisant, le Tribunal n’a pas remis en cause l’appréciation de la chambre de recours, figurant au point 57 de la décision litigieuse, selon laquelle les documents produits par le requérant n’indiquaient pas si les pastilles à sucer étaient des « produits médicaux » ou des « suppléments d’aliments non à usage médical ». Par conséquent, les pastilles à sucer ont bien fait l’objet d’un examen différencié par lequel la chambre de recours et le Tribunal ont pris en compte le fait que celles-ci
n’étaient pas commercialisées avec l’indication d’effets favorables sur la santé.
61 Le second grief invoqué doit donc être rejeté.
62 En ce qui concerne la seconde branche du premier moyen du pourvoi, relative à la violation de l’obligation de motivation, le requérant fait valoir, d’une part, que le Tribunal n’a procédé à aucune constatation quant à la catégorie à laquelle appartenaient les autres produits Cystus.
63 Cependant, ainsi que l’a relevé Mme l’avocate générale au point 43 de ses conclusions, le litige entre LR Health & Beauty Systems et le requérant porte exclusivement sur le point de savoir si ce dernier a été en mesure d’apporter la preuve d’un usage sérieux de la marque en cause pour les autres produits Cystus en tant que « suppléments d’aliments non à usage médical », relevant de la classe 30 de l’arrangement de Nice.
64 Dans le cadre de l’examen de ce litige, le Tribunal a constaté, au point 57 de l’arrêt attaqué, que la chambre de recours avait considéré à bon droit que le requérant n’avait pas apporté une telle preuve d’un usage sérieux. Il n’appartenait pas au Tribunal d’examiner la question de savoir à quelle catégorie, autre que la classe 30 de l’arrangement de Nice, les autres produits Cystus devaient être rattachés, une telle question étant dépourvue de pertinence pour la solution dudit litige.
65 Dans ces conditions, le premier grief invoqué doit être rejeté comme étant non fondé.
66 Le requérant soutient, d’autre part, que l’arrêt attaqué ne permet pas de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas procédé à un examen différencié afin de vérifier si la marque en cause, s’agissant spécifiquement des pastilles à sucer, avait fait l’objet d’un usage sérieux pour des « suppléments d’aliments non à usage médical ».
67 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la Cour n’impose pas au Tribunal de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige, et que la motivation du Tribunal peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son
contrôle (arrêt du 30 mai 2018, Tsujimoto/EUIPO, C‑85/16 P et C‑86/16 P, EU:C:2018:349, point 82 ainsi que jurisprudence citée).
68 Certes, le Tribunal n’a pas distingué les pastilles à sucer parmi les autres produits Cystus. Cependant, il convient de relever que, aux points 57 à 64 de la décision litigieuse, la chambre de recours a examiné la question de savoir si les pastilles à sucer, parmi les autres produits Cystus, correspondaient à la description de « suppléments d’aliments non à usage médical ».
69 Dès lors, il y a lieu de considérer que le Tribunal, en retenant que la chambre de recours n’avait pas commis d’erreur s’agissant de la classification des autres produits Cystus, a fait sienne l’appréciation de la chambre de recours. Ce faisant, ainsi que l’a relevé Mme l’avocate générale au point 45 de ses conclusions, le Tribunal a rejeté implicitement les objections formulées par le requérant en ce qui concerne les pastilles à sucer.
70 Dès lors, le second grief invoqué et, partant, la seconde branche du premier moyen du pourvoi doivent être rejetés comme étant non fondés.
71 Eu égard aux considérations qui précèdent, le premier moyen doit être écarté comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.
Sur le deuxième moyen
Argumentation des parties
72 Le deuxième moyen du pourvoi se rapporte aux motifs de l’arrêt attaqué figurant aux points 43 et 46 de celui-ci. Il comporte deux branches.
73 Par la première branche de ce deuxième moyen, le requérant fait valoir, que le Tribunal a violé l’article 51, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, du règlement no 207/2009 en qualifiant la marque en cause d’indication descriptive faisant référence à la dénomination de la plante cistus, sans se référer à la nature concrète de l’usage en tant que marque.
74 Selon le requérant, c’est à tort que le Tribunal a relevé, au point 46 de l’arrêt attaqué, que la chambre de recours a pu considérer que le public pertinent percevrait le terme « cystus » comme une indication descriptive faisant référence à la dénomination de la plante cistus, sans pour autant se prononcer sur l’existence d’un motif absolu de refus, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009. Cette qualification sommaire par le Tribunal priverait le requérant de toute
possibilité d’utiliser sa marque conformément à sa fonction essentielle, au sens de l’article 51, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, du règlement no 207/2009.
75 À cet égard, premièrement, le Tribunal aurait dû vérifier si le requérant avait utilisé la marque en cause pour des « suppléments d’aliments non à usage médical » sous la forme dans laquelle elle avait été enregistrée ou sous une forme qui différait de celle-ci par des éléments n’altérant pas son caractère distinctif.
76 Deuxièmement, le Tribunal aurait dû examiner le point de savoir si la marque en cause avait été utilisée conformément à sa fonction essentielle, qui était d’indiquer une origine commerciale. Or, cette marque aurait été utilisée conformément à cette fonction, étant donné que le consommateur est habitué à ce que des produits portent, outre la marque principale, des marques secondaires qui sont, elles aussi, comprises comme des indications de l’origine des produits.
77 Troisièmement, le public pertinent considérerait le signe Cystus comme une marque désignant les compléments alimentaires commercialisés en raison du fait que cette marque est également utilisée pour la plante cistus, vendue en tant que produit fini. Par conséquent, le fait de désigner les produits concernés par le signe Cystus constituerait un usage de la marque, en ce sens que celle-ci indique que le fabricant d’un des éléments essentiels du produit est aussi responsable des compléments
alimentaires concernés dans leur globalité.
78 S’agissant des « suppléments d’aliments non à usage médical », qui contiennent, en tant que substance active principale, des extraits de la plante cistus, le requérant serait, de facto, privé de la possibilité d’utiliser sa marque conformément à la fonction de cette dernière.
79 Par la seconde branche de son deuxième moyen, le requérant soutient que le Tribunal a violé l’obligation de motivation dans le cadre de la constatation selon laquelle la marque en cause n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux, au sens de l’article 51, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, du règlement no 207/2009, pour les « suppléments d’aliments non à usage médical ».
80 À cet égard, l’appréciation portée par le Tribunal aux points 43 et 46 de l’arrêt attaqué serait contradictoire, en ce que celui-ci, d’une part, aurait constaté sommairement que le fait d’orthographier le terme « cystus » avec la lettre « y » ne suffisait pas à démontrer l’usage en tant que marque. Mais, d’autre part, le Tribunal prétendrait que, sur la base de cette argumentation, c’était sans commettre d’erreur que la chambre de recours avait pu considérer que le public pertinent percevrait le
terme « cystus » comme une indication descriptive faisant référence à la dénomination de la plante cistus et non en tant que marque de l’Union européenne.
81 La motivation retenue par le Tribunal serait, de surcroît, insuffisante, étant donné que celui-ci n’exposerait pas les raisons pour lesquelles la nature concrète de l’usage de la marque en cause ne respecte pas les exigences prévues à l’article 51, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, du règlement no 207/2009. En effet, cette marque ayant été enregistrée, entre autres, pour des « suppléments d’aliments non à usage médical » relevant de la classe 30 de l’arrangement de Nice, il conviendrait de
supposer qu’elle est distinctive et non descriptive pour ces produits.
82 L’EUIPO et LR Health & Beauty Systems font valoir que le deuxième moyen du pourvoi doit être écarté.
Appréciation de la Cour
83 S’agissant de la première branche de ce second moyen, il convient de rappeler qu’une marque fait l’objet d’un « usage sérieux » lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle, qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages à caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque.
L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci dans la vie des affaires, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue
et la fréquence de l’usage de la marque (arrêts du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43, et du 17 mars 2016, Naazneen Investments/OHMI, C‑252/15 P, non publié, EU:C:2016:178, point 56).
84 S’agissant des marques individuelles, cette fonction essentielle consiste à garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance. En effet, pour que la marque puisse jouer son rôle d’élément essentiel du système de concurrence non faussé que le traité entend établir et maintenir, elle doit constituer la garantie que
tous les produits ou services qu’elle désigne ont été fabriqués ou fournis sous le contrôle d’une entreprise unique à laquelle peut être attribuée la responsabilité de leur qualité (arrêt du 8 juin 2017, W. F. Gözze Frottierweberei et Gözze, C‑689/15, EU:C:2017:434, point 41 ainsi que jurisprudence citée).
85 Il s’ensuit que la condition d’usage sérieux conforme à la fonction essentielle n’est pas remplie lorsque l’apposition d’une marque sur un produit ne contribue ni à créer un débouché pour celui-ci ni même à le distinguer dans l’intérêt du consommateur des produits provenant d’autres entreprises (voir, en ce sens, arrêt du 15 janvier 2009, Silberquelle, C‑495/07, EU:C:2009:10, point 21).
86 En l’occurrence, il y a lieu de constater que l’argumentation du requérant procède d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué.
87 À cet égard, le Tribunal a relevé, au point 43 de l’arrêt attaqué, que, « au regard de son contexte », l’usage du terme « cystus » sur les emballages des produits Pilots Friend Immunizer®, Immun44® Saft et Immun44® Kapseln serait perçu par le public comme descriptif de l’ingrédient principal de ces produits et non comme visant à identifier l’origine commerciale desdits produits.
88 En outre, au point 46 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a ajouté que c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours avait pu considérer que le public pertinent percevrait le terme « cystus » comme une indication descriptive faisant référence à la dénomination de la plante cistus et non en tant que marque de l’Union européenne.
89 Par ailleurs, au point 47 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a indiqué que l’élément « cystus » possédait un « faible caractère distinctif ».
90 Il en résulte, ainsi que l’a relevé Mme l’avocate générale au point 59 de ses conclusions, que le Tribunal n’a pas constaté que la marque en cause revêtait un caractère descriptif.
91 En effet, le Tribunal a distingué, d’une part, l’usage de la marque en cause et, d’autre part, l’utilisation du terme « cystus », perçu par le public comme descriptif de l’ingrédient principal des produits Pilots Friend Immunizer®, Immun44® Saft et Immun44® Kapseln. Eu égard à la jurisprudence citée aux points 83 à 85 du présent arrêt, le Tribunal pouvait procéder à une telle distinction, une marque n’étant pas toujours utilisée conformément à sa fonction essentielle, qui est de garantir
l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée.
92 Le Tribunal a donc considéré en substance, après une appréciation des éléments factuels et de preuve que, dans les circonstances de l’espèce, la chambre de recours avait relevé à juste titre que le requérant n’avait pas fait usage de la marque en cause conformément à sa fonction essentielle. Plutôt que la marque en cause, le requérant aurait ainsi utilisé le terme « cystus » comme descriptif de l’ingrédient principal des produits concernés.
93 Au demeurant, la question de savoir si le requérant a fait usage de la marque en cause conformément à la fonction d’indication d’origine ou a utilisé le terme « cystus » sur les emballages des produits concernés constitue une appréciation de nature factuelle et ne peut donc faire l’objet d’un pourvoi que dans le cas d’une dénaturation, conformément à la jurisprudence citée au point 51 du présent arrêt. Or, dans le cadre de la première branche de son second moyen, le requérant n’a pas soutenu que
le Tribunal a dénaturé les éléments de fait et de preuve soumis à son appréciation.
94 Dans ces conditions, cette première branche doit être rejetée comme étant non fondée.
95 S’agissant de la seconde branche du deuxième moyen du pourvoi, relative à l’obligation de motivation, celle-ci repose sur la prémisse selon laquelle le Tribunal aurait considéré que la marque en cause était descriptive s’agissant des produits concernés. Or, ainsi qu’il ressort de l’examen de la première branche de ce moyen, cette prémisse est erronée.
96 En outre, le Tribunal a exposé, aux points 39 à 49 de l’arrêt attaqué, les motifs pour lesquels il a estimé que la marque en cause n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union, au sens de l’article 51, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, du règlement no 207/2009, pour les produits Pilots Friend Immunizer®, Immun44® Saft et Immun44® Kapseln.
97 Dans ces conditions, ladite seconde branche doit être écartée comme non fondée et, en conséquence, le deuxième moyen doit être rejeté dans son intégralité.
Sur le troisième moyen
Argumentation des parties
98 Le requérant se réfère aux points 23 à 25 de l’arrêt attaqué et soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 75, seconde phrase, du règlement no 207/2009, en ce que la chambre de recours se serait prononcée sur l’existence d’un motif absolu de refus d’enregistrement en relevant le caractère descriptif de la marque en cause, ainsi qu’il ressortirait des points 32 et 34 de la décision litigieuse. Contrairement à ce qu’affirmerait le Tribunal, la chambre
de recours aurait opéré cette appréciation dans le cadre de l’exposé introductif de la décision litigieuse et non dans celui de son examen de la nature concrète de l’usage de la marque en cause.
99 Or, le requérant n’aurait pas eu l’occasion de prendre position, au cours de la procédure devant la chambre de recours, sur la constatation du caractère descriptif de la marque en cause. Le Tribunal aurait donc dû annuler la décision litigieuse en raison d’une violation du droit d’être entendu.
100 L’EUIPO et LR Health & Beauty Systems contestent le bien-fondé des arguments avancés par le requérant.
Appréciation de la Cour
101 Aux points 23 à 25 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné et rejeté la deuxième branche du premier moyen du recours de première instance du requérant, tiré de la violation de son droit d’être entendu, consacré à l’article 75, seconde phrase, du règlement no 207/2009. À cet égard, le Tribunal a relevé que, contrairement à ce que soutenait le requérant, la chambre de recours ne s’était aucunement prononcée sur l’existence de motifs absolus de refus d’enregistrement ni n’avait remis en cause le
caractère distinctif de la marque en cause et que, en tout état de cause, le requérant avait eu l’occasion de prendre position, au cours de la procédure, sur l’usage sérieux de cette marque, y compris nécessairement sur la nature de cet usage, au regard de l’ensemble des produits concernés.
102 Le requérant reproche au Tribunal, en substance, une lecture erronée de la décision litigieuse. Il soutient que la chambre de recours s’est prononcée sur un motif absolu de refus d’enregistrement, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, pour lequel il n’a pas été entendu. À cet égard, le requérant se réfère aux points 32 et 34 de la décision litigieuse.
103 Au point 32 de cette décision, la chambre de recours a constaté que la « dénomination générique scientifique d’une plante ne constitu[ait] pas seulement le nom du genre végétal [et, par conséquent, le nom du produit au sens large ou une indication descriptive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009], mais désign[ait] également les produits dont l’ingrédient essentiel [était] obtenu à partir de plantes de ce genre » et que cette considération n’était pas non plus
remise en cause par l’interversion du « i » et du « y », lettres utilisées souvent de façon indifférenciée dans les mots d’origine latine.
104 Certes, ces phrases pourraient, prises isolément, prêter à confusion. Néanmoins, il ressort du point 29 de la décision litigieuse que la chambre de recours a relevé que le litige entre LR Health & Beauty Systems et le requérant portait sur la question de savoir si ce dernier avait fait concrètement usage de la marque en cause conformément à la fonction d’indication d’origine ou bien s’il avait utilisé le terme « cystus » comme une indication descriptive de l’ingrédient principal des produits
concernés.
105 Par conséquent, la chambre de recours n’a pas considéré que, de façon générale, le requérant ne pouvait pas faire usage de la marque en cause. Elle a estimé, après un examen des éléments de fait et de preuve, que, en l’occurrence, le terme « cystus » était utilisé par celui-ci comme une indication descriptive faisant référence à la dénomination de la plante cistus.
106 Il en découle que, contrairement à ce que soutient le requérant, le point 32 de la décision litigieuse ne saurait être entendu comme une affirmation de la chambre de recours selon laquelle celle-ci se serait prononcée sur l’existence d’un motif absolu de refus d’enregistrement.
107 Par ailleurs, aux points 33 et 34 de la décision litigieuse, ladite chambre a précisé que l’ajout du symbole « ® » devait probablement se comprendre dans le sens que le requérant déclarait finalement dans sa publicité qu’il avait acquis un droit de marque sur une indication descriptive.
108 À cet égard, ainsi que l’a relevé Mme l’avocate générale au point 85 de ses conclusions, ces phrases constituent non pas une constatation effectuée par la chambre de recours elle-même quant au fait que le terme « cystus » constituerait, de façon générale, une indication descriptive, mais une interprétation de la communication que le requérant a opérée par l’utilisation du symbole « ® ».
109 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que, en considérant que la chambre de recours ne s’était pas prononcée sur l’existence d’un motif absolu de refus d’enregistrement, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, le Tribunal n’a pas commis d’erreur dans la lecture de la décision litigieuse.
110 Dès lors, le troisième moyen du pourvoi ne saurait prospérer.
111 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le pourvoi doit être rejeté dans son intégralité.
Sur les dépens
112 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. L’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
113 L’EUIPO et LR Health & Beauty Systems ayant conclu à la condamnation du requérant aux dépens et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de condamner ce dernier aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête :
1) Le pourvoi est rejeté.
2) M. Georgios Pandalis est condamné aux dépens.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.