ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre)
30 janvier 2019 (*)
« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Contrôle de l’argent liquide entrant ou sortant de l’Union européenne – Règlement (CE) no 1889/2005 – Article 3, paragraphe 1 – Violation de l’obligation de déclaration – Article 4, paragraphe 2 – Mesure de rétention – Article 9, paragraphe 1 – Sanctions prévues par le droit national – Réglementation nationale prévoyant, en sus de l’infliction d’une peine privative de liberté ou d’une amende fixée à un cinquième du montant de
la somme non déclarée, la confiscation de cette somme au profit de l’État – Proportionnalité »
Dans les affaires jointes C‑335/18 et C‑336/18,
ayant pour objet deux demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia, Bulgarie) et l’Apelativen sad – Sofia (Cour d’appel de Sofia, Bulgarie), par décisions, respectivement, du 2 mai 2018 et du 16 avril 2018, parvenues à la Cour le 23 mai 2018, dans les procédures pénales contre
AK (C‑335/18),
et
EP (C‑336/18),
LA COUR (huitième chambre),
composée de MM. F. Biltgen, président de chambre, C. G. Fernlund (rapporteur) et M^me L. S. Rossi, juges,
avocat général : M. G. Hogan,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,
rend la présente
Ordonnance
1 Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 4, paragraphe 2, et de l’article 9, paragraphe 1, du règlement (CE) n^o 1889/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 26 octobre 2005, relatif aux contrôles de l’argent liquide entrant ou sortant de la Communauté (JO 2005, L 309, p 9).
2 Ces demandes ont été présentées dans le cadre de procédures pénales engagées contre AK et EP pour manquement à l’obligation de déclarer, lors du franchissement d’une frontière bulgare qui est également une frontière extérieure de l’Union européenne, une somme d’argent liquide transportée.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Les considérants 2, 5 et 6 du règlement n^o 1889/2005 sont libellés comme suit :
« (2) L’introduction du produit d’activités illicites dans le système financier et l’investissement de ce produit une fois blanchi nuisent au développement économique sain et durable. En conséquence, la directive 91/308/CEE du Conseil du 10 juin 1991 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux [(JO 1991, L 166, p. 77)] a instauré un mécanisme communautaire de contrôle des transactions effectuées à travers des établissements de crédit, des
institutions financières et certaines professions, afin de prévenir le blanchiment d’argent. Étant donné que la mise en œuvre dudit mécanisme risque de conduire à un accroissement des mouvements d’argent liquide effectués à des fins illicites, il y a lieu de compléter la directive [91/308] par un système de contrôle de l’argent liquide entrant ou sortant de la Communauté.
[...]
(5) En conséquence, l’argent liquide transporté par une personne physique entrant ou sortant de la Communauté doit être soumis au principe de la déclaration obligatoire. Ce principe permettrait aux autorités douanières de collecter des informations sur de tels mouvements d’argent liquide et, le cas échéant, de les transmettre à d’autres autorités. [...]
(6) Compte tenu de son but préventif et de son caractère dissuasif, l’obligation de déclaration devrait être remplie au moment de l’entrée ou de la sortie de la Communauté. Toutefois, afin de concentrer l’action des autorités sur des mouvements d’argent liquide significatifs, seuls les mouvements d’un montant égal ou supérieur à 10 000 [euros] devraient être soumis à une telle obligation. Il y a également lieu de préciser que l’obligation de déclaration s’impose à la personne physique
transportant l’argent liquide, que cette personne en soit ou non propriétaire. »
4 L’article 3, paragraphe 1, de ce règlement dispose :
« Toute personne physique entrant ou sortant de la Communauté avec au moins 10 000 euros en argent liquide déclare la somme transportée aux autorités compétentes de l’État membre par lequel elle entre ou sort de la Communauté, conformément au présent règlement. L’obligation de déclaration n’est pas réputée exécutée si les informations fournies sont incorrectes ou incomplètes. »
5 L’article 4, paragraphe 2, dudit règlement énonce :
« En cas de non-respect de l’obligation de déclaration prévue à l’article 3, l’argent liquide peut être retenu par décision administrative, conformément aux conditions fixées par la législation nationale. »
6 L’article 9, paragraphe 1, du même règlement prévoit :
« Chaque État membre introduit des sanctions applicables en cas de non-exécution de l’obligation de déclaration prévue à l’article 3. Ces sanctions doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. »
Le droit bulgare
7 L’article 251, paragraphe 1, du Nakazatelen kodeks (code pénal, DV n^o 26, du 2 avril 1968), dans sa version antérieure à la modification législative intervenue au cours de l’année 2017, prévoyait que quiconque ne se conforme pas à l’obligation de déclarer des sommes d’argent transportées en franchissant une frontière extérieure bulgare qui est également une frontière extérieure de l’Union, alors que la valeur de l’objet de l’infraction pénale est particulièrement importante, est puni soit
d’une peine privative de liberté de six ans au maximum soit d’une amende représentant le double de la valeur de l’objet de l’infraction pénale.
8 Selon l’article 251, paragraphe 1, du code pénal, dans sa version postérieure à cette modification législative, en cas de violation de l’obligation de déclaration, la peine privative de liberté encourue est de cinq ans au maximum et l’amende prévue représente un cinquième de la valeur de l’objet de l’infraction pénale.
9 L’article 251, paragraphe 2, du code pénal continue à prévoir, aussi dans sa version postérieure à ladite modification législative, que l’objet de l’infraction pénale, ou l’équivalent de sa valeur, est confisqué au profit de l’État.
Les litiges au principal et les questions préjudicielles
L’affaire C‑335/18
10 Le 9 décembre 2015, AK a été interpellé à l’aéroport de Sofia (Bulgarie) en possession de 20 000 dollars des États-Unis (USD) (environ 18 200 euros) et de 10 300 euros, soit l’équivalent de 55 897,45 leva bulgares (BGN), alors qu’il s’apprêtait à prendre un vol à destination d’Israël. AK n’avait pas préalablement déclaré son intention de transporter ces sommes d’argent liquide lors de sa sortie du territoire bulgare et de l’Union.
11 Par jugement du 17 novembre 2017, le Sofiyski Rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia, Bulgarie) a condamné AK à une amende de 111 794,90 BGN, représentant deux fois le montant de l’argent liquide non déclaré, en application de l’article 251, paragraphe 1, du code pénal, dans sa version antérieure à la modification législative intervenue au cours de l’année 2017, et a ordonné la confiscation au profit de l’État des sommes non déclarées, conformément à l’article 251, paragraphe 2, du
code pénal.
12 AK a interjeté appel de ce jugement devant le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia, Bulgarie), en soutenant que ledit jugement était illégal, non fondé et qu’il ne correspondait pas aux preuves recueillies.
13 Cette juridiction s’interroge sur le point de savoir si l’article 251, paragraphe 2, du code pénal, qui prévoit la confiscation de la somme d’argent non déclarée, est conforme au droit de l’Union.
14 C’est dans ces conditions que le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) L’article 4, paragraphe 2, du règlement n^o 1889/2005 doit-il être interprété en ce sens qu’il autorise une législation nationale qui prévoit la confiscation automatique au profit de l’État de la somme d’argent retenue non dûment déclarée lors du franchissement d’une frontière extérieure de l’Union européenne, du seul fait qu’elle n’a pas été déclarée et sans que la confiscation soit nécessaire pour établir l’origine de cet argent ?
2) L’article 9, paragraphe 1, du règlement n^o 1889/2005 doit-il être interprété en ce sens qu’il autorise une réglementation nationale qui, pour l’acte visé à la première question, prévoit non seulement une peine privative de liberté de cinq ans au maximum ou une amende d’un montant équivalent à un cinquième de la valeur de l’infraction, mais aussi la confiscation obligatoire au profit de l’État de l’objet de l’infraction quelle que soit l’origine de l’argent non déclaré ? »
L’affaire C‑336/18
15 Par une ordonnance du 21 juin 2017, le Rayonen sad Slivnitsa (tribunal d’arrondissement de Slivnitsa, Bulgarie) a, dans le cadre d’une procédure de reconnaissance de culpabilité, condamné EP à une peine privative de liberté de quatre mois assortie d’un sursis de trois ans, en application de l’article 251, paragraphe 1, du code pénal, dans sa version antérieure à la modification législative survenue au cours de l’année 2017, pour violation de l’obligation de déclarer, lors du franchissement
d’une frontière bulgare qui est également une frontière extérieure de l’Union, une somme d’argent liquide transportée.
16 Conformément à l’article 251, paragraphe 2, du code pénal, l’objet de l’infraction pénale, soit 46 000 euros, a en outre été confisqué au profit de l’État.
17 Le droit bulgare prévoyant une voie extraordinaire d’appréciation de telles décisions juridictionnelles, EP a demandé à l’Apelativen sad – Sofia (Cour d’appel de Sofia, Bulgarie) la réouverture de la procédure pénale le concernant.
18 Devant cette juridiction, EP soutient, d’une part, que la condamnation à une peine privative de liberté de quatre mois est disproportionnée et méconnaît le droit de l’Union et, d’autre part, que la confiscation automatique au profit de l’État de l’intégralité de la somme non déclarée est également disproportionnée.
19 C’est dans ces conditions que l’Apelativen sad – Sofia (Cour d’appel de Sofia) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) L’article 4, paragraphe 2, du règlement [n^o 1889/2005], prévoyant la retenue de la somme d’argent non déclarée conformément aux règles prévues par la législation nationale, doit-il être interprété en ce sens qu’il permet la confiscation automatique de cette somme au profit de l’État du fait qu’elle n’a pas été déclarée, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une appréciation de l’origine de celle-ci, ou bien l’article 4, paragraphe 2, du règlement n^o 1889/2005 doit-il être interprété
en ce sens qu’il permet uniquement de retenir provisoirement la somme d’argent jusqu’à ce que les autorités nationales compétentes aient procédé à l’appréciation de l’origine de celle-ci ? Par conséquent, l’article 251, paragraphe 2, du code pénal est-il conforme à la faculté accordée à l’article 4, paragraphe 2, de ce règlement ?
2) En fonction de la réponse à la question précédente – l’article 9, paragraphe 1, du règlement n^o 1889/2005 doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition du droit national qui prévoit, en cas de manquement à l’obligation visée à l’article 3 du règlement, le cumul des peines de privation de liberté, d’amende et de confiscation des sommes d’argent non déclarées au profit de l’État, sans qu’il soit procédé à une appréciation de l’origine de celles-ci. L’application
conjointe de l’article 251, paragraphe 1, et de l’article 251, paragraphe 2, du code pénal, comprenant l’infliction de la peine prévue à l’article 251, paragraphe 1, du code pénal et, s’ensuivant de la décision juridictionnelle de condamnation, la confiscation au profit de l’État de la somme non déclarée (objet de l’infraction visé à l’article 251, paragraphe 1, du code pénal, obligation de confiscation en vertu du paragraphe 2), est-elle conforme à l’exigence de l’article 9, paragraphe 1, du
règlement n^o 1889/2005 en vertu de laquelle la sanction en cas de non-respect de l’article 3 de ce règlement doit être effective, dissuasive et proportionnée à la faute commise et à sa dangerosité sociale ? »
20 Par décision du président de la Cour du 29 juin 2018, les affaires C‑335/18 et C‑336/18 ont été jointes.
21 Par lettres du 13 juillet 2018, le greffe de la Cour a demandé aux juridictions de renvoi si elles entendaient maintenir leurs demandes de décision préjudicielle, compte tenu du prononcé de l’ordonnance du 12 juillet 2018, Pinzaru et Cirstinoiu (C‑707/17, non publiée, EU:C:2018:574), qui portait sur une demande de décision préjudicielle dont l’origine se trouve dans l’application de la version de l’article 251 du code pénal antérieure à la modification législative survenue au cours de
l’année 2017.
22 Par lettre parvenue au greffe de la Cour le 10 août 2018, l’Apelativen sad – Sofia (Cour d’appel de Sofia) a informé celle-ci de son intention de maintenir uniquement sa seconde question préjudicielle (affaire C‑336/18).
23 Par lettre parvenue au greffe de la Cour le 13 août 2018, le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) a informé la Cour de son intention de maintenir sa demande dans sa totalité (affaire C‑335/18), en invoquant le fait que l’article 251, paragraphe 1, du code pénal avait été modifié au cours de l’année 2017.
Sur les questions préjudicielles
24 En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, lorsqu’une réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à la question posée ne laisse place à aucun doute raisonnable, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée.
25 Il convient de faire application de ladite disposition dans les présentes affaires.
26 Par leurs questions, qu’il convient d’examiner ensemble, les juridictions de renvoi demandent, en substance, si l’article 4, paragraphe 2, et l’article 9, paragraphe 1, du règlement n^o 1889/2005 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui, pour sanctionner une violation de l’obligation de déclaration prévue à l’article 3 de ce règlement, prévoit, en sus de l’infliction d’une peine privative de liberté de
cinq ans au maximum ou d’une amende représentant un cinquième de la somme d’argent liquide non déclarée, la confiscation au profit de l’État de cette somme non déclarée.
27 Ainsi que la Cour l’a déjà constaté, conformément aux considérants 2, 5 et 6 du règlement n^o 1889/2005, celui-ci vise à prévenir, à dissuader et à éviter l’introduction du produit d’activités illicites dans le système financier ainsi que l’investissement de ce produit une fois blanchi par la mise en place, notamment, d’un principe de déclaration obligatoire de tels mouvements permettant de collecter des informations sur ceux-ci (arrêt du 16 juillet 2015, Chmielewski, C‑255/14,
EU:C:2015:475, point 18, ainsi que ordonnance du 12 juillet 2018, Pinzaru et Cirstinoiu, C‑707/17, non publiée, EU:C:2018:574, point 22).
28 À cet effet, l’article 3, paragraphe 1, du règlement n^o 1889/2005 fait obligation à toute personne physique entrant ou sortant de l’Union avec au moins 10 000 euros en argent liquide de déclarer la somme transportée aux autorités compétentes de l’État membre par lequel elle entre ou sort de l’Union.
29 Par ailleurs, l’article 4, paragraphe 2, de ce règlement prévoit la possibilité de retenir, par décision administrative et conformément aux conditions fixées par la législation nationale, l’argent liquide n’ayant pas fait l’objet de la déclaration prévue à l’article 3 dudit règlement, notamment en vue de permettre aux autorités compétentes d’effectuer les contrôles et les vérifications nécessaires relatifs à la provenance de cet argent liquide, à l’usage qu’il est prévu d’en faire et à la
destination de celui-ci (arrêt du 16 juillet 2015, Chmielewski, C‑255/14, EU:C:2015:475, point 33, ainsi que ordonnance du 12 juillet 2018, Pinzaru et Cirstinoiu, C‑707/17, non publiée, EU:C:2018:574, point 24).
30 En ce qui concerne les sanctions applicables en cas de non-respect de l’obligation de déclaration visée à l’article 3 du règlement n^o 1889/2005, l’article 9, paragraphe 1, de ce règlement prévoit que chaque État membre introduit de telles sanctions, celles-ci devant être effectives, proportionnées et dissuasives.
31 À cet égard, selon une jurisprudence constante de la Cour, en l’absence d’harmonisation de la législation de l’Union dans le domaine des sanctions applicables en cas d’inobservation des conditions prévues par un régime institué par cette législation, les États membres sont compétents pour choisir les sanctions qui leur semblent appropriées. Ils sont toutefois tenus d’exercer leur compétence dans le respect du droit de l’Union et de ses principes généraux et, par conséquent, dans le respect
du principe de proportionnalité (arrêt du 16 juillet 2015, Chmielewski, C‑255/14, EU:C:2015:475, point 21 et jurisprudence citée, ainsi que ordonnance du 12 juillet 2018, Pinzaru et Cirstinoiu, C‑707/17, non publiée, EU:C:2018:574, point 26).
32 En particulier, les mesures administratives ou répressives permises par une législation nationale ne doivent pas excéder les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation des objectifs légitimement poursuivis par cette législation (arrêt du 16 juillet 2015, Chmielewski, C‑255/14, EU:C:2015:475, point 22 et jurisprudence citée, ainsi que ordonnance du 12 juillet 2018, Pinzaru et Cirstinoiu, C‑707/17, non publiée, EU:C:2018:574, point 27).
33 Dans ce contexte, la rigueur des sanctions doit être en adéquation avec la gravité des violations qu’elles répriment, notamment en assurant un effet réellement dissuasif, tout en respectant le principe général de proportionnalité (arrêt du 16 juillet 2015, Chmielewski, C‑255/14, EU:C:2015:475, point 23 et jurisprudence citée, ainsi que ordonnance du 12 juillet 2018, Pinzaru et Cirstinoiu, C‑707/17, non publiée, EU:C:2018:574, point 28).
34 S’agissant des litiges au principal, il y a lieu de relever que le caractère effectif et dissuasif des sanctions prévues à l’article 251 du code pénal n’a pas été contesté devant les juridictions de renvoi et n’a pas été mis en question par ces juridictions dans leurs demandes de décision préjudicielle. En effet, cette disposition, applicable aux cas où la somme non déclarée est considérée comme étant « particulièrement importante », prévoit non seulement l’infliction d’une peine privative
de liberté de cinq ans au maximum ou d’une amende représentant un cinquième de la somme non déclarée, mais également la confiscation au profit de l’État de la totalité de cette somme.
35 Ainsi, des sanctions telles que celles en cause au principal apparaissent comme étant propres à atteindre les objectifs poursuivis par le règlement n^o 1889/2005 et à assurer une mise en œuvre effective de l’obligation de déclaration prévue à l’article 3 de ce règlement, puisqu’elles sont de nature à dissuader fortement les personnes concernées de violer cette obligation.
36 Toutefois, dans l’arrêt du 16 juillet 2015, Chmielewski (C‑255/14, EU:C:2015:475, points 30 et 31), la Cour a jugé qu’une amende dont le montant correspond à 60 % de la somme d’argent liquide non déclarée, lorsque cette somme est supérieure à 50 000 euros, encourue en cas de violation de l’obligation de déclaration prévue à l’article 3 du règlement n^o 1889/2005, n’apparaît pas comme étant proportionnée, compte tenu de la nature de l’infraction concernée. En effet, la Cour a estimé qu’une
telle amende va au-delà des limites de ce qui est nécessaire pour garantir le respect de cette obligation et assurer la réalisation des objectifs poursuivis par ce règlement, étant donné que la sanction prévue à l’article 9 dudit règlement vise à sanctionner non pas d’éventuelles activités frauduleuses ou illicites, mais uniquement une violation de ladite obligation (ordonnance du 12 juillet 2018, Pinzaru et Cirstinoiu, C‑707/17, non publiée, EU:C:2018:574, point 31).
37 À la lumière de ce raisonnement, force est de constater que, en l’occurrence, même si les sanctions prévues par le droit national ne sont applicables qu’aux cas où la somme non déclarée est considérée comme étant « particulièrement importante », le fait que la réglementation nationale en cause au principal prévoit non seulement l’infliction d’une peine privative de liberté de cinq ans au maximum ou d’une amende représentant un cinquième de la valeur de la somme non déclarée, mais également,
en sus de cette peine ou de cette amende, la confiscation de l’intégralité de cette somme non déclarée va au-delà des limites de ce qui est nécessaire pour garantir le respect d’une obligation de déclaration.
38 En effet, à la lumière du raisonnement exposé au point 36 de la présente ordonnance, quand bien même la violation de l’obligation de déclaration serait réprimée uniquement par une confiscation au profit de l’État de la totalité de la somme non déclarée, en l’absence de toute peine privative de liberté ou d’amende, une telle mesure irait, à elle seule, au-delà des limites de ce qui est nécessaire pour garantir le respect de cette obligation de déclaration. Eu égard au fait que la Cour a déjà
jugé qu’une amende dont le montant correspond à 60 % de la somme d’argent liquide non déclarée encourue en cas de violation de ladite obligation n’apparaît pas comme étant proportionnée, compte tenu de la nature de l’infraction concernée, une mesure plus lourde, telle que la confiscation au profit de l’État de l’intégralité de la somme non déclarée, ne saurait a fortiori être considérée comme étant proportionnée.
39 Enfin, la confiscation de la somme non déclarée au profit de l’État, telle qu’elle est prévue par la législation en cause au principal, ne saurait être regardée comme étant une mesure de rétention, au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n^o 1889/2005. En effet, il ressort des points 27 et 29 de la présente ordonnance que les mesures de rétention visées à ladite disposition sont principalement des moyens permettant de collecter des informations sur des mouvements d’argent liquide,
afin de vérifier que ceux-ci ne sont pas effectués à des fins illicites. Or, selon les explications fournies par les juridictions de renvoi, la mesure de confiscation en cause au principal est obligatoire et vise toute somme d’argent non déclarée indépendamment de l’origine de celle-ci. En tant que telle, elle constitue non pas un moyen permettant de collecter des informations sur des mouvements d’argent liquide, mais une sanction, au sens de l’article 9 dudit règlement.
40 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions posées que l’article 4, paragraphe 2, et l’article 9, paragraphe 1, du règlement n^o 1889/2005 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui, pour sanctionner une violation de l’obligation de déclaration prévue à l’article 3 de ce règlement, prévoit, en sus de l’infliction d’une peine privative de liberté de cinq ans
au maximum ou d’une amende représentant un cinquième de la somme d’argent liquide non déclarée, la confiscation au profit de l’État de cette somme non déclarée.
Sur les dépens
41 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) ordonne :
L’article 4, paragraphe 2, et l’article 9, paragraphe 1, du règlement (CE) n^o 1889/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 26 octobre 2005, relatif aux contrôles de l’argent liquide entrant ou sortant de la Communauté, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui, pour sanctionner une violation de l’obligation de déclaration prévue à l’article 3 de ce règlement, prévoit, en sus de l’infliction d’une peine
privative de liberté de cinq ans au maximum ou d’une amende représentant un cinquième de la somme d’argent liquide non déclarée, la confiscation au profit de l’État de cette somme non déclarée.
Signatures
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* Langue de procédure : le bulgare.