ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)
15 janvier 2019 (*)
« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque tridimensionnelle ayant la forme d’une pièce de prothèse de hanche – Marque figurative représentant une pièce de prothèse de hanche – Marque consistant en une nuance de rose – Retrait des demandes en nullité et clôture des procédures de nullité – Recours du titulaire de la marque visant l’annulation de la décision de clôture – Recours déclaré irrecevable par la chambre de
recours »
Dans l’affaire C‑463/18 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 13 juillet 2018,
CeramTec GmbH, établie à Plochingen (Allemagne), représentée par M^e A. Renck, Rechtsanwalt,
partie requérante,
les autres parties à la procédure étant :
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),
partie défenderesse en première instance,
C5 Medical Werks, établie à Grand Junction (États-Unis),
partie intervenante en première instance,
LA COUR (septième chambre),
composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, M^me M. Berger (rapporteure) et M. C. Vajda, juges,
avocat général : M. G. Hogan,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son pourvoi, CeramTec GmbH demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 3 mai 2018, CeramTec/EUIPO – C5 Medical Werks (Forme d’une pièce de prothèse de hanche e.a.) (T‑193/17 à T‑195/17, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:248), par lequel celui-ci a rejeté ses recours tendant à l’annulation des trois décisions de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), du 15 février 2017
(affaires R 929/2016–4, R 928/2016–4 et R 930/2016–4), relatives à des procédures de nullité entre C5 Medical Werks et CeramTec (ci-après les « décisions litigieuses »).
2 À l’appui de son pourvoi, la requérante invoque deux moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 59 du règlement (CE) n^o 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), et, le second, d’une violation de l’article 36 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.
Sur le pourvoi
3 En vertu de l’article 181 de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi, totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.
4 Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.
5 M. l’avocat général a, le 12 novembre 2018, pris la position suivante :
« 1. Pour les raisons exposées ci-dessous, je propose que la Cour, conformément à l’article 181 de son règlement de procédure, rejette le pourvoi dans la présente affaire comme étant en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé, et condamne la requérante aux dépens, conformément aux articles 137 et 184, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour.
2. À l’appui de son pourvoi, la requérante invoque deux moyens tirés respectivement de la violation de l’article 59 du règlement n^o 207/2009 et de la violation de l’article 36 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 59 du règlement n^o 207/2009
3. Le premier moyen est divisé en trois branches.
Sur la première branche, tirée de l’application erronée du critère servant à déterminer si une décision ne fait pas droit aux prétentions d’une partie
4. La requérante considère que, aux points 23 et 29 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur de droit en appréciant la notion de “décision ne faisant pas droit aux prétentions d’une partie” figurant à l’article 59 du règlement n^o 207/2009, qui prévoit que “[t]oute partie à une procédure ayant conduit à une décision peut recourir contre cette décision pour autant que cette dernière n’a pas fait droit à ses prétentions”. La requérante soutient que le Tribunal ne pouvait pas fonder son
appréciation d’une décision ne faisant pas droit aux prétentions d’une partie uniquement sur le statut, dans le registre de l’EUIPO, des trois marques de l’Union européenne de la requérante dont la nullité a été demandée par C5 Medical Werks devant l’EUIPO (ci-après les “marques contestées”). Selon la requérante, la notion de “décision ne faisant pas droit aux prétentions d’une partie” doit s’appuyer sur la question de savoir si la division d’annulation de l’EUIPO a accueilli sa demande visant au
“rejet de la demande [...]”. À cet égard, la requérante allègue que la division d’opposition a clôturé la procédure sans statuer sur sa demande.
5. La requérante soutient également que, quand bien même les conséquences juridiques liées au statut, dans le registre de l’EUIPO, des marques contestées constitueraient une condition pour établir qu’une décision ne fait pas droit aux prétentions d’une partie, cette condition aurait été satisfaite, au sens de l’article 57, paragraphe 6, du règlement n^o 207/2009 qui prévoit qu’“[u]ne mention de la décision de l’[EUIPO] concernant la demande [...] en nullité est inscrite au registre lorsqu’elle
est définitive”. La requérante estime que, conformément à l’article 56, paragraphe 3, du règlement n^o 207/2009, cette inscription établit l’irrecevabilité de toute autre demande en nullité formée par le même demandeur.
6. J’estime que l’argumentation invoquée à l’appui de la première branche du premier moyen ne saurait prospérer.
7. Le 21 avril 2016, la division d’annulation de l’EUIPO a, à la suite du retrait par C5 Medical Werks de ses demandes en nullité auprès de l’EUIPO en ce qui concerne les marques contestées, clôturé les affaires et condamné C5 Medical Werks aux dépens. Par les décisions litigieuses, la quatrième chambre de recours a rejeté les trois recours de la requérante dirigés contre les décisions de la division d’annulation, au motif qu’elles n’avaient pas de conséquences négatives sur le statut des
marques contestées et que ces décisions avaient fait droit à ses prétentions.
8. J’estime que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant, aux points 23 et 29 de l’arrêt attaqué, que la chambre de recours avait estimé, à juste titre, que les décisions par lesquelles la division d’annulation avait clôturé les procédures de nullité n’avaient pas lésé la requérante, comme l’exige l’article 59 du règlement n^o 207/2009, dans la mesure où les marques contestées demeuraient inscrites au registre de l’EUIPO.
9. De mon point de vue, une demande en nullité au titre de l’article 56, paragraphe 1, du règlement n^o 207/2009 ne saurait prospérer après avoir été retirée par la personne l’ayant introduite. Dans la mesure où les demandes de la requérante visant au rejet de ces demandes en nullité dépendaient de la poursuite des recours en cause introduits par C5 Medical Werks, c’est à juste titre que le Tribunal a décidé, au point 23 de l’arrêt attaqué, que la chambre de recours avait considéré à bon droit
que, du fait du retrait des demandes en nullité, les affaires étaient devenues sans objet et qu’il n’était dès lors plus nécessaire de prononcer expressément le rejet de ces demandes.
10. J’estime également que, contrairement à ce que soutient la requérante, la considération du Tribunal, figurant au point 32 de l’arrêt attaqué, selon laquelle l’annulation des décisions de la division d’annulation du 21 avril 2016 clôturant l’affaire n’aurait pas nécessairement conduit à l’adoption d’une décision favorable sur le fond concernant la validité des marques contestées, est correcte. Le Tribunal a donc estimé à juste titre que l’intérêt dont se prévalait la requérante concernait
une situation juridique future et incertaine.
11. À cet égard, il convient de rappeler que l’intérêt à agir d’un requérant doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci, sous peine d’irrecevabilité (arrêt du 26 février 2015, Planet/Commission, C‑564/13 P, EU:C:2015:124, point 31 et jurisprudence citée). Si l’intérêt dont se prévaut un requérant concerne une situation juridique future, il doit démontrer que le préjudice causé à cette situation est déjà certain. L’intérêt ne peut pas concerner une
situation future et incertaine ou hypothétique (arrêts du 20 juin 2013, Cañas/Commission, C‑269/12 P, non publié, EU:C:2013:415, point 16, et du 23 novembre 2017, Bionorica et Diapharm/Commission, C‑596/15 P et C‑597/15 P, EU:C:2017:886, point 84).
12. Par conséquent, la première branche du premier moyen du pourvoi doit, à mon avis, être rejetée comme étant manifestement non fondée.
Sur la deuxième branche, tirée de l’application erronée de la notion de “décision ne faisant pas droit aux prétentions d’une partie” par l’ajout de la condition supplémentaire d’un “intérêt à voir annuler l’acte attaqué”
13. La requérante prétend que le Tribunal a commis une erreur de droit au point 22 de l’arrêt attaqué en exigeant notamment qu’elle ait un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Selon la requérante, l’“intérêt à voir annuler l’acte attaqué” ne doit être examiné que si les conclusions d’une partie ont été accueillies. Cependant, les conclusions de la requérante n’ayant pas été accueillies par la division d’annulation, l’exigence de l’“intérêt à voir annuler l’acte attaqué” n’aurait aucune
incidence sur la présente affaire.
14. Cet argument doit être rejeté comme étant manifestement non fondé. Au point 22 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a cité la jurisprudence constante en vertu de laquelle un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où cette dernière a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Un tel intérêt suppose que l’annulation de cet acte soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques et que le recours puisse ainsi, par son
résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (arrêt du 27 février 2014, Stichting Woonlinie e.a./Commission, C‑133/12 P, EU:C:2014:105, point 54).
15. La requérante prétend que, conformément à la jurisprudence à laquelle le Tribunal se réfère au point 31 de l’arrêt attaqué, l’intérêt à agir en annulation peut également résulter d’une issue future hypothétique.
16. Cet argument doit être rejeté comme étant manifestement non fondé. Il découle clairement de la jurisprudence citée ci-dessus, au point 11, que l’intérêt à agir en annulation ne saurait résulter d’une issue hypothétique future.
17. La requérante fait également valoir que, quand bien même un intérêt à voir annuler l’arrêt attaqué serait exigé, elle disposerait d’un tel intérêt sur le fondement de l’article 56, paragraphe 3, du règlement n^o 207/2009 et du principe général du droit à un recours juridictionnel.
18. J’estime que cet argument doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.
19. À mon avis, le Tribunal a constaté à juste titre, au point 33 de l’arrêt attaqué, que la question de savoir si la décision ne fait pas droit aux prétentions de la requérante doit être appréciée par rapport à la présente procédure, et non en relation ou en association avec d’autres procédures. À cet égard, le Tribunal a jugé à bon droit, au point 32 de l’arrêt attaqué, que l’annulation des décisions de la division d’annulation du 21 avril 2016 n’aurait pas nécessairement conduit à l’adoption
d’une décision favorable sur le fond concernant la validité des marques contestées, si bien que l’intérêt dont se prévalait la requérante concernait une situation juridique future et incertaine.
20. La requérante soutient que, aux points 31 et 32 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a fait une application incorrecte du droit et a dénaturé les faits en jugeant que la requérante n’avait pas un intérêt né et actuel à poursuivre la procédure, en ce qu’il a considéré que les procédures parallèles au niveau national constituaient une situation future et incertaine. Le Tribunal n’aurait pas tenu compte du fait que les procédures parallèles devant la juridiction nationale étaient déjà en cours au
moment de l’introduction du recours.
21. Cet argument doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.
22. Conformément à l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE et à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi devant la Cour est limité aux questions de droit. Le Tribunal est dès lors seul compétent pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation des faits et des éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un
pourvoi (ordonnance du 21 novembre 2013, Kuwait Petroleum e.a./Commission, C‑581/12 P, non publiée, EU:C:2013:772, point 28). Il y a également lieu de rappeler qu’une telle dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêt du 21 septembre 2006, JCB Service/Commission, C‑167/04 P, EU:C:2006:594, point 108).
23. Au point 31 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a cité une jurisprudence constante en vertu de laquelle l’intérêt d’une partie requérante à voir annuler l’acte attaqué doit être né et actuel, et si l’intérêt dont celle-ci se prévaut concerne une situation juridique future, elle doit établir que l’atteinte à cette situation future se révèle, d’ores et déjà, certaine. Par conséquent, une partie requérante ne saurait invoquer des situations futures qui sont à présent incertaines et hypothétiques
pour justifier son intérêt à demander l’annulation de l’acte attaqué.
24. Au point 32 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que l’annulation des décisions de la division d’annulation du 21 avril 2016 n’aurait pas nécessairement conduit à l’adoption d’une décision favorable sur le fond concernant la validité des marques contestées, si bien que l’intérêt dont se prévalait la requérante concernait une situation juridique future et incertaine.
25. Rien n’indique, au point 32 de l’arrêt attaqué, que le Tribunal n’aurait pas tenu compte du fait que des procédures parallèles étaient pendantes devant une juridiction nationale. En effet, au point 33 de cet arrêt, le Tribunal a expressément mentionné l’existence d’autres procédures devant les tribunaux des marques de l’Union européenne et considéré qu’elles n’avaient aucune incidence sur les conditions de recevabilité du recours devant la chambre de recours.
26. Par conséquent, la deuxième branche du premier moyen doit, selon moi, être rejetée comme étant manifestement non fondée.
Sur la troisième branche, tirée d’une erreur de droit en ce que le retrait unilatéral d’une demande en nullité n’est pas valable juridiquement et constitue une décision ne faisant pas droit aux prétentions d’une partie
27. Aux points 132 à 140 de son pourvoi, la requérante expose que le Tribunal a commis une erreur de droit en ce qu’il n’a pas décidé que la clôture de la procédure par la division d’annulation de l’EUIPO constituait une décision ne faisant pas droit à ses prétentions.
28. Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, il résulte de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande. À cet égard,
il est précisé, à l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure, que les moyens et les arguments de droit invoqués identifient avec précision les points des motifs de la décision du Tribunal qui sont contestés (arrêt du 28 juillet 2016, Tomana e.a./Conseil et Commission, C‑330/15 P, non publié, EU:C:2016:601, point 34 et jurisprudence citée).
29. La requérante n’a pas identifié, aux points 132 à 140 de son pourvoi, les points précis de l’arrêt attaqué éventuellement entachés de l’erreur de droit invoquée dans la troisième branche du premier moyen du pourvoi.
30. Dès lors, et eu égard à la jurisprudence mentionnée au point 28 de la présente position, la troisième branche du premier moyen du pourvoi doit, selon moi, être rejetée comme étant manifestement irrecevable.
31. Il résulte des considérations qui précèdent que le premier moyen du pourvoi doit, selon moi, être rejeté comme étant, pour partie, manifestement non fondé et, pour partie, manifestement irrecevable.
Sur le deuxième moyen du pourvoi, tiré d’une insuffisance de motivation
32. La requérante estime que le Tribunal a commis une erreur de droit en manquant à son obligation de motiver l’arrêt attaqué comme l’exige l’article 36 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.
33. Selon une jurisprudence constante de la Cour, l’obligation de motivation qui incombe au Tribunal n’impose pas à ce dernier de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige et la motivation du Tribunal peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour
exercer son contrôle (arrêt du 20 mai 2010, Gogos/Commission, C‑583/08 P, EU:C:2010:287, point 30 et jurisprudence citée).
34. La requérante fait valoir, en premier lieu, que le Tribunal, au point 21 de l’arrêt attaqué, n’a pas fourni de définition ni précisé la portée de la condition liée à la décision ne faisant pas droit aux prétentions d’une partie, prévue à l’article 59, première phrase, du règlement n^o 207/2009.
35. Aux points 22 et 31 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a cité la jurisprudence constante de la Cour relative à l’intérêt à agir. Le Tribunal a ainsi rappelé qu’un requérant doit avoir un intérêt à voir annuler l’acte attaqué et qu’un tel intérêt n’est présent que si l’annulation de cet acte est susceptible d’avoir des conséquences juridiques. Le Tribunal a également mentionné la condition selon laquelle l’intérêt à voir annuler l’acte attaqué doit être né et actuel et qu’une partie requérante
ne saurait invoquer des situations futures et incertaines pour justifier son intérêt à demander cette annulation.
36. Après avoir décrit l’exigence d’un intérêt à agir telle que développée dans la jurisprudence de la Cour, le Tribunal a procédé à un examen approfondi des arguments de la requérante visant à démontrer que les décisions litigieuses ne faisaient pas droit à ses prétentions, pour finalement les rejeter. En particulier, le Tribunal a considéré que les décisions litigieuses n’avaient pas lésé la requérante puisque la chambre de recours avait estimé, à juste titre, que les décisions par lesquelles
la division d’annulation avait clôturé les procédures de nullité n’avaient pas porté préjudice à la requérante, dans la mesure où les marques contestées demeuraient inscrites au registre de l’EUIPO (voir point 23 de l’arrêt attaqué). Le Tribunal a ensuite examiné l’argument de la requérante relatif à l’existence “d’autres conséquences négatives” résultant de l’absence d’une décision finale sur le fond et a rejeté tout parallèle entre la situation propre à la renonciation aux marques, examinée dans
l’arrêt du 24 mars 2011, Ferrero/OHMI(C‑552/09 P, EU:C:2011:177), et les procédures de nullité (voir points 24 à 30 de l’arrêt attaqué). Cette juridiction a également considéré que, dans la mesure où l’annulation des décisions de la division d’annulation du 21 avril 2016 n’aurait pas nécessairement conduit à l’adoption d’une décision favorable sur le fond, l’intérêt dont se prévalait la requérante concernait une situation juridique future et incertaine (voir point 32 de l’arrêt attaqué). Le Tribunal
a également jugé que la chambre de recours avait conclu à bon droit que l’existence de procédures parallèles pendantes devant les juridictions nationales était sans incidence sur les conditions de recevabilité d’un recours devant cette chambre (voir point 33 de l’arrêt attaqué).
37. À mon avis, l’argument de la requérante doit donc être rejeté comme étant manifestement non fondé, puisqu’elle était en mesure de comprendre les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à ses arguments et que la Cour a disposé ainsi des éléments suffisants en vue d’exercer son contrôle.
38. La requérante fait valoir en deuxième lieu que, au point 31 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur de droit en fondant son raisonnement sur trois arrêts de cette juridiction qui ne sont pas applicables à la présente affaire.
39. Je crois que cet argument doit être rejeté comme étant manifestement non fondé, car la jurisprudence citée au point 31 de l’arrêt attaqué est pleinement pertinente en ce qui concerne le critère de recevabilité et l’exigence d’un intérêt à agir, tels qu’appliqués par le Tribunal. Cette jurisprudence se rapporte à une exigence qui s’applique dans tous les recours en annulation, à savoir que l’intérêt à voir annuler l’acte soit né et actuel à la date d’introduction du recours en annulation ou,
dans le cas où le recours concerne une situation juridique future, que l’atteinte à cette situation future se révèle, d’ores et déjà, certaine. Le fait que les affaires en question concernent des secteurs ou des matières autres que les marques, voire des procédures de marques autres que des procédures de nullité, n’enlève rien à la pertinence de la jurisprudence citée.
40. En troisième lieu, la requérante reproche au Tribunal de ne pas avoir expliqué, au point 23 de l’arrêt attaqué, pour quelle raison le statut juridique, dans le registre de l’EUIPO, des marques contestées était décisif aux fins d’établir si les décisions attaquées la lésaient.
41. À mon sens, cet argument doit être rejeté comme étant manifestement non fondé. Au point 23 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a pas constaté que le statut juridique des marques contestées dans le registre de l’EUIPO était décisif aux fins d’établir si les décisions litigieuses lésaient la requérante. Si ce statut était évidemment important pour la motivation de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné, et finalement rejeté, d’autres arguments avancés par la requérante afin de démontrer que
l’absence d’une décision finale sur le fond en ce qui concerne les marques contestées la lésait.
42. Ainsi, au point 22 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a cité la jurisprudence selon laquelle un requérant n’a d’intérêt à voir annuler un acte que si son recours est susceptible d’avoir des conséquences juridiques. Au point 23 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a estimé que les décisions clôturant les procédures de nullité n’avaient pas lésé la requérante, dans la mesure où les marques contestées demeuraient inscrites au registre de l’EUIPO. Au point 29 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a également
déclaré que, si la requérante avait obtenu le rejet des demandes en nullité, cela n’aurait eu aucune conséquence juridique pour le statut des marques contestées, celles-ci demeurant inscrites au registre de l’EUIPO, et ce à compter de la date à laquelle elles avaient été enregistrées. Le Tribunal a cependant, aux points 31 à 33 de l’arrêt attaqué, procédé à l’examen de l’argument de la requérante selon lequel elle aurait un intérêt à la poursuite des procédures de nullité en raison des procédures
parallèles devant les juridictions nationales.
43. La requérante soutient en quatrième lieu que le Tribunal n’a pas expliqué, au point 31 de l’arrêt attaqué, pourquoi le fait que des procédures parallèles soient effectivement pendantes devant des juridictions nationales au moment où elle a introduit son recours devant la chambre de recours concernait une situation future et incertaine.
44. Je suis d’avis que cet argument doit être rejeté comme étant manifestement non fondé. Au point 31 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a cité la jurisprudence exigeant qu’un requérant ait un intérêt né et actuel à voir annuler un acte. En outre, le Tribunal a estimé, au point 33 de l’arrêt attaqué, que le critère juridique qui doit être vérifié selon cette jurisprudence n’était pas rempli en l’espèce puisque l’existence d’autres procédures devant les tribunaux des marques de l’Union européenne
était sans incidence sur les conditions de recevabilité du recours devant la chambre de recours.
45. Il s’ensuit que le second moyen de la requérante à l’appui de son pourvoi doit, à mon avis, être rejeté comme manifestement non fondé.
46. Les deux moyens du pourvoi de la requérante devant être rejetés, il y a lieu de rejeter le pourvoi dans son ensemble et de condamner la requérante aux dépens, conformément aux articles 137 et 184, paragraphe 1, du règlement de procédure. »
6 En ce qui concerne la première branche du premier moyen, il convient d’ajouter, en premier lieu, que la requérante allègue également que le Tribunal n’a pas tenu compte de la dimension subjective des termes « décision ne faisant pas droit aux prétentions d’une partie ». Ainsi, le Tribunal aurait dû, dans le cadre de l’appréciation de ces termes, tenir compte de son intérêt personnel, à savoir de son intérêt à obtenir une décision qui deviendrait définitive et ferait obstacle à ce que les
mêmes questions fassent indéfiniment l’objet de nouvelles procédures entre les mêmes parties.
7 Or, cet argument résulte d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué. En effet, le Tribunal, dans le cadre de l’interprétation des termes « décision ne faisant pas droit aux prétentions d’une partie », a tenu compte de l’ensemble des arguments invoqués par la requérante relativement aux conséquences juridiques négatives qu’entraînerait la clôture des procédures et, notamment, de l’argument selon lequel seule une décision définitive sur le fond aurait permis d’éviter qu’une deuxième demande en
nullité ne soit introduite par la même partie contre la même marque sur le fondement des mêmes motifs devant le tribunal de grande instance de Paris (France).
8 Ainsi, aux points 24 à 29 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a expliqué les raisons pour lesquelles la théorie de la poursuite de la procédure de nullité à la suite d’une renonciation à la marque contestée, telle qu’elle ressortirait de l’arrêt du 24 mars 2011, Ferrero/OHMI (C‑552/09 P, EU:C:2011:177), ne pouvait trouver application dans la présente affaire. En outre, au point 32 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré, ainsi que l’a souligné M. l’avocat général au point 10 de sa position,
que « l’annulation des décisions de la division d’annulation du 21 avril 2016 n’aurait pas nécessairement conduit à l’adoption d’une décision favorable sur le fond concernant la validité des marques contestées, si bien que l’intérêt à la poursuite des procédures en nullité dont se prévaut la requérante concerne une situation juridique future et incertaine ».
9 Il en résulte que l’argument selon lequel le Tribunal n’aurait pas tenu compte de la prétendue dimension subjective des termes « décision ne faisant pas droit aux prétentions d’une partie » doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.
10 En second lieu, la requérante estime que le Tribunal a commis une erreur de droit en soumettant, au point 32 de l’arrêt attaqué, la qualification des termes « décision ne faisant pas droit aux prétentions d’une partie » à des exigences excessives, à savoir l’adoption d’une décision ultérieure favorable sur le fond. Ainsi, le Tribunal n’opérerait pas de distinction entre la recevabilité et le bien-fondé du recours.
11 À cet égard, il convient de rappeler la jurisprudence constante de la Cour, également mentionnée par M. l’avocat général au point 14 de sa position, selon laquelle l’existence d’un intérêt à agir est une condition de recevabilité, et non pas de bien-fondé, de tout recours.
12 Au demeurant, il y a lieu d’observer que, au point 31 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a statué sur l’argument de la requérante selon lequel elle aurait eu un intérêt à la poursuite des procédures de nullité. Dans ce contexte, il a considéré que cet argument ne saurait être accueilli compte tenu de la jurisprudence constante, citée à ce point, selon laquelle l’intérêt à voir annuler l’acte attaqué doit être né et actuel et s’apprécie au jour où le recours est formé. Ainsi, une partie
requérante ne saurait invoquer des situations futures et incertaines pour justifier son intérêt à demander l’annulation de l’acte attaqué.
13 Après le rappel de cette jurisprudence, qui se trouve également mentionnée au point 11 de la position de M. l’avocat général, le Tribunal a estimé, au point 32 de l’arrêt attaqué, que l’intérêt à la poursuite des procédures de nullité dont se prévalait la requérante concernait une situation juridique future et incertaine.
14 Partant, il ne saurait être soutenu que le Tribunal a soumis, audit point 32 de l’arrêt attaqué, la qualification des termes « décision ne faisant pas droit aux prétentions d’une partie » à des exigences excessives, en la faisant dépendre de l’issue potentielle de la procédure. Cet argument procédant d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué, il doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.
15 Pour ces motifs ainsi que pour ceux retenus par M. l’avocat général, il y a lieu de rejeter le pourvoi comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.
Sur les dépens
16 Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance. En l’espèce, la présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (septième chambre) ordonne :
1) Le pourvoi est rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.
2) CeramTec GmbH supporte ses propres dépens.
Signatures
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* Langue de procédure : l’anglais.