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07/11/2018 | CJUE | N°C-432/17

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Dermod Patrick O'Brien contre Ministry of Justice., 07/11/2018, C-432/17


ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

7 novembre 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Directive 97/81/CE – Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à temps partiel – Clause 4 – Principe de non-discrimination – Travailleurs à temps partiel – Pension de retraite – Calcul du montant de la pension – Prise en compte des années de service effectuées avant l’expiration du délai de transposition de la directive 97/81/CE – Application immédiate aux effets futurs d’une situation née sous l’empire de la loi ancien

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Dans l’affaire C‑432/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’ar...

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

7 novembre 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Directive 97/81/CE – Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à temps partiel – Clause 4 – Principe de non-discrimination – Travailleurs à temps partiel – Pension de retraite – Calcul du montant de la pension – Prise en compte des années de service effectuées avant l’expiration du délai de transposition de la directive 97/81/CE – Application immédiate aux effets futurs d’une situation née sous l’empire de la loi ancienne »

Dans l’affaire C‑432/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume-Uni), par décision du 12 juillet 2017, parvenue à la Cour le 17 juillet 2017, dans la procédure

Dermod Patrick O’Brien

contre

Ministry of Justice, anciennement Department for Constitutional Affairs,

LA COUR (première chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, vice-présidente, faisant fonction de président de la première chambre, MM. J.–C. Bonichot, A. Arabadjiev (rapporteur), C. G. Fernlund et S. Rodin, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 juin 2018,

considérant les observations présentées :

– pour M. O’Brien, par Mme C. Jones, solicitor, et Mme T. Burton, barrister, ainsi que par Mme R. Crasnow, QC, et M. R. Allen, QC,

– pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. S. Brandon et Mme C. Crane, en qualité d’agents, assistés de M. J. Cavanagh, QC, et de M. R. Hill, barrister,

– pour la Commission européenne, par M. M. van Beek et Mme N. Yerrell, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 97/81/CE du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant l’accord-cadre sur le travail à temps partiel conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES (JO 1998, L 14, p. 9), telle que modifiée par la directive 98/23/CE du Conseil, du 7 avril 1998 (JO 1998, L 131, p. 10) (ci-après la « directive 97/81 »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Dermod Patrick O’Brien au Ministry of Justice (ministère de la Justice, Royaume–Uni), anciennement Department for Constitutional Affairs (département des Affaires constitutionnelles), au sujet du montant de sa pension de retraite due au titre des fonctions judiciaires qu’il a exercées à temps partiel.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 Conformément à la directive 98/23 étendant au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord la directive 97/81, le délai de transposition de cette directive imparti à cet État membre a expiré le 7 avril 2000.

4 L’article 1er de la directive 97/81 précise que celle-ci vise à mettre en œuvre l’accord-cadre sur le travail à temps partiel conclu le 6 juin 1997 entre les organisations interprofessionnelles à vocation générale (UNICE, CEEP et CES) (ci-après l’« accord-cadre »).

5 La clause 4 de l’accord-cadre, intitulée « Principe de non-discrimination », prévoit :

« 1. Pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à temps partiel ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à temps plein comparables au seul motif qu’ils travaillent à temps partiel, à moins qu’un traitement différent ne soit justifié par des raisons objectives.

2. Lorsque c’est approprié, le principe du pro rata temporis s’applique.

3. Les modalités d’application de la présente clause sont définies par les États membres et/ou les partenaires sociaux, compte tenu des législations européennes et de la législation, des conventions collectives et pratiques nationales.

[...] »

Le droit du Royaume-Uni

6 Le paiement des pensions de magistrat est régi par le Judicial Pensions Act 1981 (loi de 1981 sur la pension des magistrats, ci-après la « loi de 1981 sur les pensions des professions judiciaires ») et par le Judicial Pensions and Retirement Act 1993 (loi de 1993 sur les pensions et la retraite des professions judiciaires, ci-après la « loi de 1993 »).

7 La loi de 1981 est applicable aux personnes nommées avant le 31 mars 1995, à moins qu’elles n’optent pour le bénéfice de la pension de retraite en application de la loi de 1993. La loi de 1993 est applicable aux personnes nommées à compter du 31 mars 1995.

8 En vertu de ces deux lois, une pension peut être versée à quiconque prend sa retraite d’une « charge judiciaire remplissant les conditions requises » (qualifying judicial office), à condition d’avoir atteint l’âge de 65 ans et, s’agissant des personnes relevant de la loi de 1993, d’avoir exercé de telles fonctions pendant au moins cinq ans.

9 À la date à laquelle M. O’Brien a pris sa retraite, seuls les magistrats à temps plein et les magistrats salariés à temps partiel étaient considérés comme exerçant « une charge judiciaire remplissant les conditions requises », ce qui n’était pas le cas des magistrats à temps partiel rémunérés sur la base d’honoraires journaliers, tels que les recorders.

10 Tant le régime de la loi de 1981 que celui de la loi de 1993 prévoient que le montant de la retraite d’un magistrat ayant exercé à temps plein est fondé sur celui des émoluments de la dernière année d’exercice des fonctions et sur le nombre d’années d’exercice de la charge judiciaire à la date du départ à la retraite.

11 En vertu de la loi de 1981, un circuit judge (juge d’un tribunal de deuxième instance) devait justifier d’une ancienneté professionnelle de quinze ans pour pouvoir bénéficier d’une pension de retraite égale à la moitié du montant de la dernière rémunération annuelle. La période correspondante en vertu de la loi de 1993 s’élève à 20 ans.

12 Les deux régimes prévoient qu’un magistrat ayant eu une carrière plus courte bénéficie d’une pension de retraite réduite à proportion, correspondant à la durée d’exercice de ses fonctions. Une somme forfaitaire était également versée lors du départ à la retraite, dont le montant était basé sur celui de la pension de retraite annuelle.

13 Le Royaume-Uni a mis en œuvre la directive 97/81 au moyen du Part-time Workers (Prevention of Less Favourable Treatment) Regulations 2000 (SI 2000/1551) [règlement no 1551, de 2000, sur les travailleurs à temps partiel (prévention des traitements moins favorables)], entré en vigueur le 1er juillet 2000. Ce règlement prévoit que le travailleur à temps partiel ne doit pas faire l’objet d’un traitement moins favorable par son employeur qu’un travailleur à temps plein dans une situation comparable et
que, à cet égard, le principe du prorata temporis doit être appliqué, sauf si l’application de ce principe n’est pas appropriée.

Le litige au principal et la question préjudicielle

14 M. O’Brien, inscrit au barreau au cours de l’année 1962, a été nommé Queen’s Counsel au cours de l’année 1983. Il a exercé les fonctions de recorder auprès de la Crown Court du 1er mars 1978 au 31 mars 2005, date à laquelle il a pris sa retraite à l’âge de 65 ans. En tant que recorder, il ne percevait pas de salaire et était rémunéré sur la base d’honoraires journaliers.

15 Au mois de juin 2005, M. O’Brien a demandé au département des Affaires constitutionnelles à bénéficier d’une pension de retraite sur la même base, ajustée prorata temporis, que celle versée aux anciens magistrats travaillant à temps plein ayant exercé les mêmes fonctions que lui ou des fonctions similaires. Le département des Affaires constitutionnelles lui a fait savoir qu’il ne relevait pas des catégories de magistrats pouvant bénéficier d’une pension de retraite de magistrat.

16 Au mois de septembre 2005, M. O’Brien a saisi l’Employment Tribunal (tribunal du travail, Royaume-Uni), en faisant valoir qu’il avait droit à une telle pension en application de la directive 97/81 et des textes transposant cette dernière en droit national. Cette juridiction lui a donné gain de cause, mais il a succombé en appel devant l’Employment Appeal Tribunal (tribunal d’appel du travail, Royaume-Uni), puis devant la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) [Cour d’appel (Angleterre
et pays de Galles) (division civile), Royaume-Uni]. À la suite d’un recours formé devant elle, la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume–Uni) a saisi la Cour d’une demande de décision préjudicielle.

17 Par l’arrêt du 1er mars 2012, O’Brien (C‑393/10, EU:C:2012:110), la Cour, après avoir rappelé qu’il appartenait au juge national de déterminer si M. O’Brien devait être considéré comme étant un travailleur à temps partiel, au sens de la clause 2, point 1, de l’accord–cadre, a jugé que le droit national ne saurait établir une distinction entre les juges à temps plein et les juges à temps partiel rémunérés sur la base d’honoraires journaliers, à moins que des raisons objectives ne justifient une
telle différence de traitement.

18 À la suite de cet arrêt, la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume–Uni) a jugé, par un arrêt du 6 février 2013, que, au cours de la période en cause au principal, M. O’Brien devait être considéré comme ayant été un travailleur à temps partiel, au sens de la clause 2, point 1, de l’accord-cadre, et qu’aucune justification objective n’avait été apportée pour écarter le principe de la rémunération des magistrats exerçant à temps partiel sur les mêmes bases que celles des
magistrats exerçant à temps plein, sous réserve d’un ajustement prorata temporis. La Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume–Uni) a donc reconnu à M. O’Brien le droit à bénéficier d’une pension de retraite aux mêmes conditions qu’un circuit judge (juge d’un tribunal de deuxième instance).

19 L’affaire a alors été renvoyée devant l’Employment Tribunal (tribunal du travail) pour déterminer le montant de la pension de retraite à laquelle M. O’Brien avait droit. Devant cette juridiction, la question s’est posée de savoir si, lors de la détermination de ce montant, il devait être tenu compte de la totalité de la durée des fonctions exercées par l’intéressé depuis la date de sa nomination le 1er mars 1978, soit 27 ans, ou bien uniquement des fonctions exercées depuis la date d’expiration
du délai de transposition de la directive 97/81, soit moins de 5 ans. L’Employment Tribunal (tribunal du travail) a considéré qu’il fallait tenir compte de toute la durée des fonctions, mais l’Employment Appeal Tribunal (tribunal d’appel du travail) a jugé en sens contraire. La Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) [Cour d’appel (Angleterre et pays de Galles) (division civile)] a confirmé cette dernière décision. M. O’Brien a formé un pourvoi devant la juridiction de renvoi.

20 Selon la décision de renvoi, la majorité des membres de la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume–Uni) incline à penser que la directive 97/81 a pour effet d’interdire la discrimination à l’encontre des travailleurs à temps partiel lorsqu’une pension de retraite devient exigible. Cette directive serait applicable ratione temporis lorsqu’une pension de retraite devient exigible après la date de son entrée en vigueur. Dans le cas où une partie de l’ancienneté a été acquise
avant cette date, ladite directive serait applicable aux effets futurs d’une telle situation.

21 Toutefois, selon la décision de renvoi, la Cour n’a pas eu encore à se prononcer sur l’argument selon lequel une pension de retraite professionnelle doit être regardée, ainsi qu’il pourrait être déduit de l’arrêt du 6 octobre 1993, Ten Oever (C‑109/91, EU:C:1993:833), comme étant une rémunération différée dont les droits sont acquis au cours de la période d’exercice de l’activité faisant l’objet de la rémunération. Or, si un tel argument était accueilli, la directive 97/81 ne pourrait,
conformément au principe général de non–rétroactivité, affecter les droits acquis ou, comme dans le cas de M. O’Brien, les droits non acquis avant son entrée en vigueur, en l’absence de disposition dans ladite directive écartant ce principe. Bien que la majorité des membres de la juridiction de renvoi ait tendance à penser que la solution issue de l’arrêt du 6 octobre 1993, Ten Oever (C‑109/91, EU:C:1993:833), n’est pas transposable à l’affaire en cause au principal, elle considère néanmoins que
la solution qu’il convient de retenir ne s’impose pas avec évidence.

22 Dans ces conditions, la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume-Uni) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« La directive [97/81], et plus spécialement la clause 4 de l’[accord–cadre], relative au principe de non–discrimination, a–t–elle pour effet que les périodes d’ancienneté antérieures à la date limite pour sa transposition doivent être prises en compte pour la détermination du montant de la pension de retraite d’un travailleur à temps partiel si de telles périodes sont prises en compte pour la détermination de la pension de retraite d’un travailleur comparable à temps plein ? »

Sur la question préjudicielle

23 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 97/81 doit être interprétée en ce sens que les périodes d’ancienneté antérieures à la date d’expiration du délai de transposition de cette directive, prises en compte pour la détermination de la pension de retraite d’un travailleur à temps plein, doivent être prises en considération pour la détermination des droits à pension de retraite d’un travailleur à temps partiel comparable.

24 En l’occurrence, il convient de relever que M. O’Brien a exercé ses fonctions de juge à temps partiel rémunéré sur la base d’honoraires journaliers entre le 1er mars 1978 et le 31 mars 2005, soit, pour l’essentiel, au cours d’une période antérieure à l’expiration, le 7 avril 2000, du délai de transposition de la directive 97/81 au Royaume-Uni. Or, au cours de cette période, il n’était pas prévu par le régime national de pension des professions judiciaires que les juges à temps partiel rémunérés
sur la base d’honoraires journaliers bénéficient d’une pension de retraite au titre de ces fonctions.

25 Il ressort en outre du dossier dont dispose la Cour que les juges acquièrent un droit à pension au titre du régime de pension des professions judiciaires applicable en Angleterre et au pays de Galles en fonction de périodes d’ancienneté qui ouvrent droit à pension. Les régimes de pension pertinents sont des régimes dits de « derniers salaires », en vertu desquels la pension des juges est calculée en multipliant une part déterminée des émoluments de la dernière année d’exercice qui ouvre droit à
pension par le nombre total des années et des jours d’ancienneté à la date du départ à la retraite.

26 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45), à la différence des règles de fond, qui sont habituellement interprétées comme ne visant des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur que dans la mesure où il ressort clairement de leurs termes, de leur finalité ou de leur
économie qu’un tel effet doit leur être attribué (voir, en ce sens, arrêts du 12 novembre 1981, Meridionale Industria Salumi e.a., 212/80 à 217/80, EU:C:1981:270, point 9, ainsi que du 23 février 2006, Molenbergnatie, C‑201/04, EU:C:2006:136, point 31).

27 Il importe d’ajouter qu’une règle de droit nouvelle s’applique à compter de l’entrée en vigueur de l’acte qui l’instaure et que, si elle ne s’applique pas aux situations juridiques nées et définitivement acquises antérieurement à cette entrée en vigueur, elle s’applique immédiatement aux effets futurs d’une situation née sous l’empire de la loi ancienne ainsi qu’aux situations juridiques nouvelles. Il n’en va autrement, et sous réserve du principe de non-rétroactivité des actes juridiques, que si
la règle nouvelle est accompagnée des dispositions particulières qui déterminent spécialement ses conditions d’application dans le temps (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2015, Commission/Moravia Gas Storage, C‑596/13 P, EU:C:2015:203, point 32 et jurisprudence citée).

28 Il y a lieu, d’emblée, de rappeler que ni la directive 97/81 ni l’accord-cadre ne dérogent au principe rappelé au point précédent (arrêt du 10 juin 2010, Bruno e.a., C‑395/08 et C‑396/08, EU:C:2010:329, point 54).

29 Il convient dès lors d’examiner si l’acquisition progressive de droits à pension au cours de la période précédant la date d’expiration du délai de transposition de la directive 97/81 au Royaume-Uni a pour effet que la situation juridique du requérant au principal doit être considérée comme ayant été définitivement acquise à cette date.

30 Le gouvernement du Royaume-Uni fait valoir à cet égard que les rémunérations différées prenant la forme d’un droit à pension professionnelle augmenteraient de la même manière que les autres formes de rémunération. Dans le cas des régimes de pension des professions judiciaires en cause au principal, la pension serait acquise sur la base de périodes successives d’ancienneté ouvrant chacune droit à pension, les droits à pension augmentant ainsi au fur et à mesure que chaque période d’ancienneté est
accomplie. Partant, dans la mesure où, au terme de chaque période d’ancienneté, le droit à pension acquis correspondant épuiserait ses effets, il ne pourrait donc être tenu compte des droits à pension acquis antérieurement à la date d’expiration du délai de transposition de la directive 97/81 au Royaume-Uni.

31 Se référant à cet égard aux arrêts du 17 mai 1990, Barber (C‑262/88, EU:C:1990:209), et du 6 octobre 1993, Ten Oever (C‑109/91, EU:C:1993:833), le gouvernement du Royaume-Uni souligne la particularité de cette forme de rémunération qui consiste en une dissociation temporelle entre la constitution du droit à pension, qui se réalise progressivement tout au long de la carrière du travailleur, et le paiement effectif de la prestation, qui est en revanche différé jusqu’à un âge donné.

32 Toutefois, il y a lieu de relever, d’une part, que les circonstances de l’affaire en cause au principal se distinguent de celles à l’origine des affaires ayant donné lieu à ces arrêts, dans lesquelles était en cause l’application des effets d’un arrêt dans le temps.

33 Il importe à cet égard de rappeler que la question de l’effet rétroactif d’une règle de droit ne saurait être confondue avec celle des effets dans le temps d’un arrêt de la Cour. Ainsi que celle-ci l’a rappelé dans son arrêt du 17 mai 1990, Barber (C‑262/88, EU:C:1990:209), les conditions auxquelles est subordonnée la limitation des effets d’un arrêt dans le temps tiennent à l’existence de troubles graves que celui-ci pourrait entraîner pour le passé.

34 En l’occurrence, force est de constater que le gouvernement du Royaume-Uni n’a à aucun moment demandé à la Cour de limiter dans le temps les effets de l’arrêt du 1er mars 2012, O’Brien (C‑393/10, EU:C:2012:110). Or, pareille limitation ne peut être admise que dans l’arrêt même qui statue sur l’interprétation sollicitée (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 1990, Barber, C‑262/88, EU:C:1990:209, point 41).

35 D’autre part, s’agissant de l’argument du gouvernement du Royaume-Uni selon lequel il conviendrait de distinguer le calcul de l’ancienneté requise pour bénéficier d’une pension de retraite et les droits à pension, il y a lieu de relever que la circonstance qu’un droit à pension est définitivement acquis au terme de la période d’ancienneté correspondante ne permet pas de conclure que la situation juridique du travailleur doit être considérée comme étant définitivement acquise. Il convient à cet
égard de constater que ce n’est qu’ultérieurement et en tenant compte des périodes d’ancienneté pertinentes que ledit travailleur pourra se prévaloir effectivement de ce droit en vue du versement de sa pension de retraite.

36 Par conséquent, dans une situation telle que celle au principal, dans laquelle la constitution des droits à pension s’étend sur des périodes tant antérieures que postérieures à l’expiration du délai de transposition de la directive 97/81, il convient de considérer que la détermination de ces droits est régie par les dispositions de cette directive, y compris s’agissant des périodes d’ancienneté antérieures à la date d’entrée en vigueur de celle-ci.

37 Une telle situation est, à cet égard, à distinguer de celle, invoquée par le gouvernement du Royaume-Uni au soutien de ses arguments, des collègues du requérant au principal partis à la retraite avant l’expiration du délai de transposition de la directive 97/81.

38 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la question posée que la directive 97/81 doit être interprétée en ce sens que, dans un cas tel que celui en cause au principal, les périodes d’ancienneté antérieures à la date d’expiration du délai de transposition de cette directive doivent être prises en compte pour la détermination des droits à pension de retraite.

Sur les dépens

39 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

  La directive 97/81/CE du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant l’accord-cadre sur le travail à temps partiel conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES, telle que modifiée par la directive 98/23/CE du Conseil, du 7 avril 1998, doit être interprétée en ce sens que, dans un cas tel que celui en cause au principal, les périodes d’ancienneté antérieures à la date d’expiration du délai de transposition de la directive 97/81, telle que modifiée par la directive 98/23, doivent être prises en compte pour la
détermination des droits à pension de retraite.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C-432/17
Date de la décision : 07/11/2018
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par la Supreme Court of the United Kingdom.

Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Directive 97/81/CE – Accord‑cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à temps partiel – Clause 4 – Principe de non‑discrimination – Travailleurs à temps partiel – Pension de retraite – Calcul du montant de la pension – Prise en compte des années de service effectuées avant l’expiration du délai de transposition de la directive 97/81/CE – Application immédiate aux effets futurs d’une situation née sous l’empire de la loi ancienne.

Politique sociale


Parties
Demandeurs : Dermod Patrick O'Brien
Défendeurs : Ministry of Justice.

Composition du Tribunal
Avocat général : Kokott
Rapporteur ?: Arabadjiev

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2018:879

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