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19/09/2018 | CJUE | N°C-109/17

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Bankia SA contre Juan Carlos Mari Merino e.a., 19/09/2018, C-109/17


ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

19 septembre 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Directive 2005/29/CE – Pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs – Contrat de prêt hypothécaire – Procédure de saisie hypothécaire – Réévaluation du bien immeuble avant sa vente aux enchères – Validité du titre exécutoire – Article 11 – Moyens adéquats et efficaces contre les pratiques commerciales déloyales – Interdiction au juge national d’apprécier l’existence de pratiques commerciales déloyales –

Impossibilité de suspendre la procédure de
saisie hypothécaire – Articles 2 et 10 – Code de bonne conduite – Abs...

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

19 septembre 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Directive 2005/29/CE – Pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs – Contrat de prêt hypothécaire – Procédure de saisie hypothécaire – Réévaluation du bien immeuble avant sa vente aux enchères – Validité du titre exécutoire – Article 11 – Moyens adéquats et efficaces contre les pratiques commerciales déloyales – Interdiction au juge national d’apprécier l’existence de pratiques commerciales déloyales – Impossibilité de suspendre la procédure de
saisie hypothécaire – Articles 2 et 10 – Code de bonne conduite – Absence de caractère juridiquement contraignant de ce code »

Dans l’affaire C‑109/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Juzgado de Primera Instancia no 5 de Cartagena (tribunal de première instance no 5 de Carthagène, Espagne), par décision du 20 février 2017, parvenue à la Cour le 3 mars 2017, dans la procédure

Bankia SA

contre

Juan Carlos Marí Merino,

Juan Pérez Gavilán,

María de la Concepción Marí Merino,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. J. L. da Cruz Vilaça, président de chambre, M. A. Tizzano (rapporteur), vice-président de la Cour, MM. E. Levits, A. Borg Barthet et Mme M. Berger, juges,

avocat général : M. N. Wahl,

greffier : Mme L. Carrasco Marco, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 7 février 2018,

considérant les observations présentées :

– pour Bankia SA, par Mes J. M. Rodríguez Cárcamo et A. M. Rodríguez Conde, abogados,

– pour le gouvernement espagnol, par Mme M. J. García-Valdecasas Dorrego, en qualité d’agent,

– pour l’Irlande, par M. A. Joyce ainsi que par Mmes M. Browne et J. Quaney, en qualité d’agents, assistés de Mme M. Gray, BL,

– pour la Commission européenne, par MM. J. Rius et N. Ruiz García ainsi que par Mme A. Cleenewerck de Crayencour, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 21 mars 2018,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 11 de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (JO 2005, L 149,
p. 22).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Bankia SA à MM. Juan Carlos Marí Merino et Juan Pérez Gavilán ainsi qu’à Mme María de la Concepción Marí Merino au sujet d’une procédure de saisie hypothécaire.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 93/13/CEE

3 L’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95 p. 29), prévoit :

« Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend. »

4 L’article 6, paragraphe 1, de cette directive dispose :

« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »

5 L’article 7, paragraphe 1, de ladite directive est rédigé comme suit :

« Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel. »

La directive 2005/29

6 Les considérants 9, 20 et 22 de la directive 2005/29 énoncent :

« (9) La présente directive s’applique sans préjudice des recours individuels formés par les personnes lésées par une pratique commerciale déloyale. Elle s’applique également sans préjudice des règles communautaires et nationales relatives au droit des contrats [...]

[...]

(20) Il convient de prévoir un rôle pour des codes de conduite, qui permettent aux professionnels d’appliquer les principes de la présente directive de manière effective dans des domaines économiques particuliers. Dans les secteurs dans lesquels le comportement des professionnels est soumis à des exigences contraignantes spécifiques, il convient que celles-ci soient également prises en considération aux fins des exigences en matière de diligence professionnelle dans le secteur concerné. Le
contrôle exercé par les responsables des codes au niveau national ou communautaire afin d’éliminer les pratiques commerciales déloyales peut éviter le recours à une action administrative ou judiciaire et devrait dès lors être encouragé. Dans le but d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs, les organisations de consommateurs pourraient être informées de l’élaboration des codes de conduite et y être associées.

[...]

(22) Il est nécessaire que les États membres déterminent le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions de la présente directive et veillent à leur mise en œuvre. Les sanctions ainsi prévues doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. »

7 L’article 2 de cette directive dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

d) “pratiques commerciales des entreprises vis-à-vis des consommateurs” (ci-après également dénommées “pratiques commerciales”) : toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d’un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit aux consommateurs ;

[...]

f) “code de conduite” : un accord ou un ensemble de règles qui ne sont pas imposés par les dispositions législatives, réglementaires ou administratives d’un État membre et qui définissent le comportement des professionnels qui s’engagent à être liés par lui en ce qui concerne une ou plusieurs pratiques commerciales ou un ou plusieurs secteurs d’activité ;

[...] »

8 L’article 3, paragraphe 2, de ladite directive prévoit :

« La présente directive s’applique sans préjudice du droit des contrats, ni, en particulier, des règles relatives à la validité, à la formation ou aux effets des contrats. »

9 L’article 5, paragraphes 1 et 2, de la même directive est rédigé comme suit :

« 1.   Les pratiques commerciales déloyales sont interdites.

2.   Une pratique commerciale est déloyale si :

a) elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle,

et

b) elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu’elle touche ou auquel elle s’adresse, ou du membre moyen du groupe lorsqu’une pratique commerciale est ciblée vers un groupe particulier de consommateurs. »

10 L’article 10 de la directive 2005/29 prévoit :

« La présente directive n’exclut pas le contrôle, que les États membres peuvent encourager, des pratiques commerciales déloyales par les responsables de codes de conduite, ni le recours à ces derniers par les personnes ou organisations visées à l’article 11, s’il existe des procédures devant de telles entités en sus des procédures judiciaires ou administratives visées audit article.

Le recours à de tels organismes de contrôle ne vaut en aucun cas renoncement à une voie de recours judiciaire ou administrative visée à l’article 11. »

11 Aux termes de l’article 11 de cette directive :

« 1.   Les États membres veillent à ce qu’il existe des moyens adéquats et efficaces pour lutter contre les pratiques commerciales déloyales afin de faire respecter les dispositions de la présente directive dans l’intérêt des consommateurs.

Ces moyens doivent inclure des dispositions juridiques aux termes desquelles les personnes ou organisations ayant, selon la législation nationale, un intérêt légitime à lutter contre les pratiques commerciales déloyales, y compris les concurrents, peuvent :

a) intenter une action en justice contre ces pratiques commerciales déloyales,

et/ou

b) porter ces pratiques commerciales déloyales devant une autorité administrative compétente soit pour statuer sur les plaintes, soit pour engager les poursuites judiciaires appropriées.

Il appartient à chaque État membre de décider laquelle de ces procédures sera retenue et s’il convient que les tribunaux ou les autorités administratives puissent exiger le recours préalable à d’autres voies établies de règlement des plaintes, y compris celles mentionnées à l’article 10. Les consommateurs doivent avoir accès à ces moyens, qu’ils soient établis sur le territoire du même État membre que le professionnel ou sur celui d’un autre État membre.

Il incombe à chaque État membre de décider :

a) si ces moyens juridiques peuvent être mis en œuvre séparément ou conjointement contre un certain nombre de professionnels du même secteur économique,

et

b) si ces moyens juridiques peuvent être mis en œuvre contre le responsable d’un code lorsque ce code encourage le non-respect des prescriptions légales.

2.   Dans le cadre des dispositions juridiques visées au paragraphe 1, les États membres confèrent aux tribunaux ou aux autorités administratives des pouvoirs les habilitant, dans les cas où ceux-ci estiment que ces mesures sont nécessaires compte tenu de tous les intérêts en jeu, et notamment de l’intérêt général :

a) à ordonner la cessation de pratiques commerciales déloyales ou à engager les poursuites appropriées en vue de faire ordonner la cessation desdites pratiques,

ou

b) si la pratique commerciale déloyale n’a pas encore été mise en œuvre mais est imminente, à interdire cette pratique ou à engager les poursuites appropriées en vue de faire ordonner son interdiction,

même en l’absence de preuve d’une perte ou d’un préjudice réels, ou d’une intention ou d’une négligence de la part du professionnel.

[...] »

12 L’article 13 de ladite directive est ainsi libellé :

« Les États membres déterminent le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions nationales prises en application de la présente directive, et mettent tout en œuvre pour en assurer l’exécution. Les sanctions ainsi prévues doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. »

Le droit espagnol

Le code de procédure civile

13 L’article 695 de la Ley de Enjuiciamiento Civil (code de procédure civile) prévoit, à son paragraphe 1 :

« Dans les procédures visées au présent chapitre, l’opposition à l’exécution du défendeur à l’exécution n’est accueillie que lorsqu’elle est fondée sur les motifs suivants :

1)   l’extinction de la garantie ou de l’obligation garantie [...],

2)   une erreur dans la détermination du montant exigible, lorsque la créance garantie est constituée par le solde entraînant la clôture d’un compte entre le demandeur à l’exécution et le défendeur à l’exécution [...],

3)   en cas d’exécution visant des biens meubles hypothéqués ou sur lesquels ont été constitués des gages sans dépossession, la constitution, sur ces biens, d’un autre gage, d’une hypothèque mobilière ou immobilière, ou d’un séquestre inscrits antérieurement à la charge qui est à l’origine de la procédure [...],

4)   le caractère abusif d’une clause contractuelle constituant le fondement de l’exécution ou ayant permis de déterminer le montant exigible. »

14 L’article 698, paragraphe 1, du code de procédure civile dispose :

« Toute réclamation que le débiteur, le tiers détenteur ou tout intéressé pourrait formuler et qui ne serait pas comprise dans les articles précédents, y compris celles relatives à la nullité du titre ou à l’échéance, au caractère certain, à l’extinction ou au montant de la dette, est tranchée dans le jugement correspondant, sans jamais avoir pour effet de suspendre la procédure judiciaire d’exécution prévue au présent chapitre ou de l’entraver. »

Le décret-loi royal 6/2012

15 L’article 1er du Real Decreto-ley 6/2012 de medidas urgentes de protección de deudores hipotecarios sin recursos (décret-loi royal 6/2012 portant mesures urgentes de protection des débiteurs hypothécaires sans ressources), du 9 mars 2012, précise que celui-ci a pour objet d’établir des mesures propices à encourager la restructuration de la dette hypothécaire des débiteurs qui rencontrent des difficultés extraordinaires lors du paiement de leur dette ainsi que les mécanismes d’assouplissement des
procédures de saisie hypothécaire.

16 L’article 5 de ce décret-loi royal prévoit :

« 1.   L’adhésion au code de bonnes pratiques inclus dans la présente annexe des établissements de crédit ou de tout autre organisme exerçant à titre professionnel des activités d’octroi de prêts ou de crédits hypothécaires est volontaire.

[...]

4.   Tout établissement de crédit qui a adhéré au code de bonnes pratiques est impérativement tenu par les dispositions de celui-ci dès lors que le débiteur a démontré qu’il se trouve en dessous du seuil d’exclusion.

[...]

9.   Les établissements ayant adhéré au code de bonnes pratiques devront informer de manière appropriée leurs clients de la possibilité d’invoquer les dispositions du code [...] »

17 L’article 6 du même décret-loi royal dispose :

« 1.   Le respect du code de bonnes pratiques par les établissements y ayant adhéré est surveillé par la commission de contrôle constituée à cette fin.

[...]

4.   La commission de contrôle reçoit et examine les informations que lui transmet la Banque d’Espagne conformément aux paragraphes 5 et 6 et publie semestriellement un rapport sur le degré de respect du code de bonnes pratiques.

[...]

6.   Les réclamations pour non-respect du code de bonnes pratiques par les établissements de crédit peuvent être portées devant la Banque d’Espagne. Ces réclamations reçoivent le même traitement que les autres réclamations pour lesquelles la Banque d’Espagne est compétente. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

18 Le 30 janvier 2006, MM. Marí Merino et Gavilán ainsi que Mme Marí Merino ont conclu avec Bankia un contrat de prêt avec garantie hypothécaire pour un capital de 166000 euros, remboursable en 25 ans. Ce contrat fixait à 195900 euros la valeur « de mise à prix » de l’immeuble hypothéqué, c’est-à-dire la valeur de départ du bien lors d’une éventuelle vente aux enchères de celui-ci, conformément au droit espagnol.

19 Après une première novation du 29 janvier 2009, ledit contrat a de nouveau été nové par acte notarié du 18 octobre 2013. Dans le cadre de cette seconde novation, la valeur de mise à prix de l’immeuble en cause a été ramenée à 57689 euros et le délai de remboursement du capital restant dû de 102750 euros a été rallongé à 40 ans. En outre, la vente extrajudiciaire de l’immeuble a été autorisée et le contrat précise désormais que cet immeuble est le logement habituel de MM. Marí Merino et Gavilán
ainsi que de Mme Marí Merino.

20 Le contrat de prêt avec garantie hypothécaire, ainsi nové, servant de titre exécutoire, Bankia a engagé la procédure de saisie hypothécaire. MM. Marí Merino et Gavilán ainsi que Mme Marí Merino ont, le 8 mars 2016, formé opposition à cette procédure au motif que ce contrat contient des clauses abusives. En effet, d’une part, la valeur de mise à prix aurait été réduite à leur détriment, le rallongement du délai de remboursement n’ayant servi qu’à encourager les emprunteurs à accepter la novation
dudit contrat. Ainsi, Bankia aurait agi de manière contraire à la diligence professionnelle en ce qu’elle aurait profité de la restructuration de la dette pour modifier l’estimation de l’immeuble en question. D’autre part, les conditions permettant aux emprunteurs d’éviter la saisie et de se libérer de la dette par la dation en paiement du logement tout en restant locataire auraient été remplies, conformément au code de bonnes pratiques bancaires, de sorte que, ce code étant contraignant, Bankia
aurait dû accepter la dation en paiement proposée par les défendeurs au principal.

21 La juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si les agissements de Bankia constituent des pratiques commerciales déloyales, au sens de la directive 2005/29.

22 À cet égard, ladite juridiction précise que, en vertu du droit national, l’opposition à la procédure de saisie hypothécaire ne peut être fondée que sur l’un des motifs prévus de manière exhaustive à l’article 695 du code de procédure civile. Or, si l’existence d’une clause abusive dans le contrat servant de titre exécutoire constitue l’un de ces motifs, tel ne serait pas le cas pour l’existence de pratiques commerciales déloyales qui ne sauraient être contrôlées qu’au moyen d’un recours distinct.
Toutefois, l’introduction d’un tel recours n’emporterait pas la suspension de la procédure de saisie hypothécaire, le juge du fond n’étant pas compétent pour suspendre celle-ci, conformément à l’article 698 du code de procédure civile.

23 Dans ce cadre, la juridiction de renvoi estime que, si le droit de l’Union lui permettait de contrôler le comportement déloyal du professionnel lors de la procédure de saisie hypothécaire, tout comme la directive 93/13 le lui permet s’agissant des clauses abusives, elle pourrait apprécier la validité de la novation du contrat de prêt avec garantie hypothécaire effectuée le 18 octobre 2013. En outre, si le code de bonnes pratiques bancaires était contraignant pour les établissements de crédit qui
l’ont souscrit, les défendeurs au principal pourraient effectivement exiger l’acceptation de la dation en paiement, ce qui mettrait un terme à la saisie hypothécaire aussi bien qu’à leur responsabilité personnelle.

24 C’est dans ces circonstances que le Juzgado de Primera Instancia no 5 de Cartagena (tribunal de première instance no 5 de Carthagène, Espagne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 11 de la directive 2005/29 doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale telle que la réglementation actuelle de la procédure de saisie hypothécaire espagnole, à savoir les articles 695 et suivants, en liaison avec l’article 552, paragraphe 1, du code de procédure civile, qui ne prévoient le contrôle des pratiques commerciales déloyales ni d’office ni à la demande des parties, au motif que ces dispositions nationales rendent plus difficile ou
empêchent le contrôle juridictionnel des contrats et des actes susceptibles de constituer des pratiques commerciales déloyales ?

2) L’article 11 de la directive 2005/29 doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale telle que celle espagnole qui ne garantit pas le respect effectif du code de conduite si le demandeur à l’exécution décide de ne pas l’appliquer (articles 5 et 6 en liaison avec l’article 15 du [décret-loi royal 6/2012]) ?

3) L’article 11 de la directive 2005/29 doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la réglementation nationale espagnole qui, dans une procédure de saisie hypothécaire, ne permet pas au consommateur d’exiger le respect d’un code de conduite, notamment concernant la dation en paiement et l’extinction de la dette (paragraphe 3 de l’annexe du [décret-loi royal 6/2012]) ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

25 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 11 de la directive 2005/29 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui interdit au juge de la procédure de saisie hypothécaire de contrôler, d’office ou à la demande des parties, la validité du titre exécutoire au regard de l’existence de pratiques commerciales déloyales et, en tout état de cause, au juge compétent pour statuer au
fond sur l’existence de ces pratiques d’adopter des mesures provisoires, telles que la suspension de la procédure de saisie hypothécaire.

26 Il convient de relever d’emblée que, selon Bankia, la réduction de l’estimation du bien hypothéqué opérée dans l’affaire au principal ne saurait être considérée comme étant une « pratique commerciale », au sens de l’article 2, sous d), de la directive 2005/29, étant donné qu’elle ne serait pas « en relation directe » avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un bien ou d’un service au consommateur. En tout état de cause, cette réduction ne serait pas « déloyale », au sens de l’article 5,
paragraphe 2, de cette directive. Dans ces circonstances, la directive 2005/29 n’étant pas applicable en l’occurrence, il n’y aurait pas lieu de répondre à la première question préjudicielle.

27 À cet égard, il suffit de constater que ce n’est que si le juge de renvoi pouvait, voire devait, contrôler la validité du titre exécutoire au regard de la directive 2005/29, ce qui dépend précisément de la réponse à la première question posée par ce juge, que celui-ci devrait alors vérifier si ladite directive s’applique aux faits en cause au principal.

28 Par conséquent, il y a lieu de répondre à la première question préjudicielle.

29 À cet égard, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la directive 2005/29 vise à assurer un niveau élevé de protection des consommateurs en procédant à une harmonisation complète des règles relatives aux pratiques commerciales déloyales (voir, en ce sens, arrêt du 16 avril 2015, UPC Magyarország, C‑388/13, EU:C:2015:225, point 32 et jurisprudence citée).

30 C’est précisément en vue d’assurer un tel niveau élevé de protection des consommateurs que cette directive établit une interdiction générale des pratiques commerciales déloyales qui altèrent le comportement économique de ceux-ci (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2013, Trento Sviluppo et Centrale Adriatica, C‑281/12, EU:C:2013:859, points 31 et 32).

31 Cependant, il est également de jurisprudence constante que ladite directive se borne à prévoir, à son article 5, paragraphe 1, que les pratiques commerciales déloyales « sont interdites » et que, dès lors, elle laisse aux États membres une marge d’appréciation quant au choix des mesures nationales destinées à lutter, conformément aux articles 11 et 13 de la même directive, contre ces pratiques, à la condition qu’elles soient adéquates et efficaces et que les sanctions ainsi prévues soient
effectives, proportionnées et dissuasives (voir, en ce sens, arrêt du 16 avril 2015, UPC Magyarország, C‑388/13, EU:C:2015:225, points 56 et 57 ainsi que jurisprudence citée).

32 En outre, conformément au considérant 9 de la directive 2005/29, celle-ci s’applique sans préjudice, notamment, des recours individuels formés par les personnes lésées par une pratique commerciale déloyale ni des règles de l’Union et nationales relatives au droit des contrats, y inclus, comme il résulte expressément de l’article 3, paragraphe 2, de cette directive, les règles relatives à la validité, à la formation ou aux effets des contrats.

33 Par conséquent, un contrat servant de titre exécutoire ne saurait être déclaré invalide au seul motif qu’il contient des clauses contraires à l’interdiction générale des pratiques commerciales déloyales édictée à l’article 5, paragraphe 1, de ladite directive.

34 Il s’ensuit que l’effet utile de la directive 2005/29 n’exige pas que les États membres autorisent le juge de la procédure de saisie hypothécaire à contrôler, que ce soit d’office ou à la demande des parties, la validité du titre exécutoire au regard de l’existence de pratiques commerciales déloyales.

35 Dans ce contexte, la juridiction de renvoi, se référant notamment à l’arrêt du 14 mars 2013, Aziz (C‑415/11, EU:C:2013:164), se demande également si l’article 11 de cette directive, exigeant notamment que les mesures nationales destinées à lutter contre les pratiques commerciales déloyales soient adéquates et efficaces, s’oppose à une réglementation nationale, telle que les articles 695 et 698 du code de procédure civile, aux termes de laquelle non seulement le consommateur ne peut pas s’opposer
à la procédure de saisie hypothécaire en faisant valoir l’existence de pratiques commerciales déloyales à la base du titre exécutoire, le juge de l’exécution n’étant pas habilité à exercer un tel contrôle, mais encore, à ces fins, il est également tenu de former un recours au fond devant un autre juge, lequel ne peut suspendre ladite procédure de saisie hypothécaire.

36 Or, contrairement à ce que soutient, notamment, la Commission européenne, la conclusion que la Cour a tirée dans cet arrêt, rendu dans le cadre de la directive 93/13, ne saurait être étendue à la directive 2005/29, étant donné que, si ces deux directives visent à garantir un niveau élevé de protection des consommateurs, elles poursuivent néanmoins cet objectif par des modalités différentes.

37 En effet, la directive 93/13 dispose expressément, à son article 6, paragraphe 1, que les clauses abusives ne lient pas les consommateurs.

38 Cette disposition impérative tendant à substituer à l’équilibre formel que le contrat établit entre les droits et obligations des cocontractants un équilibre réel de nature à rétablir l’égalité entre ces derniers, le juge national est tenu d’apprécier, même d’office, le caractère abusif d’une clause contractuelle relevant du champ d’application de la directive 93/13 et, ce faisant, de suppléer au déséquilibre qui existe entre le consommateur et le professionnel (voir, en ce sens, arrêt du 14 juin
2012, Banco Español de Crédito, C‑618/10, EU:C:2012:349, points 40 et 42 ainsi que jurisprudence citée).

39 C’est en considération de cette jurisprudence que, au point 59 de l’arrêt du 14 mars 2013, Aziz (C‑415/11, EU:C:2013:164), la Cour a considéré qu’un régime procédural tel que celui résultant en substance des articles 695 et 698 du code de procédure civile, en ce qu’il instituait une impossibilité pour le juge du fond, devant lequel le consommateur avait introduit une demande faisant valoir le caractère abusif, au regard de la directive 93/13, d’une clause contractuelle constituant le fondement du
titre exécutoire, d’octroyer des mesures provisoires susceptibles de suspendre la procédure de saisie hypothécaire ou d’y faire échec, lorsque l’octroi de telles mesures s’avère nécessaire pour garantir la pleine efficacité de sa décision finale, était de nature à porter atteinte à l’effectivité de la protection voulue par cette directive.

40 Il en va autrement en ce qui concerne la directive 2005/29.

41 En effet, comme il a été relevé aux points 32 et 33 du présent arrêt, cette directive se borne à interdire les pratiques commerciales déloyales.

42 En outre, d’une part, l’article 11 de la directive 2005/29 se limite à exiger des États membres qu’ils veillent à ce qu’il existe des moyens adéquats et efficaces pour lutter contre les pratiques commerciales déloyales, de tels moyens pouvant consister en une action en justice contre ces pratiques ou en un recours administratif assorti de la possibilité de contrôle judiciaire, cette action et ce recours ayant pour finalité de faire cesser de telles pratiques. D’autre part, en vertu de
l’article 13 de cette directive, il appartient aux États membres de déterminer un régime de sanctions appropriées en ce qui concerne les professionnels recourant aux pratiques commerciales déloyales.

43 Il s’ensuit que, sur la seule base des dispositions de ladite directive, une clause contractuelle ne saurait être déclarée invalide, alors même qu’elle a été convenue entre les parties au contrat sur la base d’une pratique commerciale déloyale.

44 Dans ces circonstances, l’octroi de mesures provisoires, telles que la suspension de la procédure de saisie hypothécaire, par le juge saisi d’un recours au fond concernant l’existence de telles pratiques n’est pas exigé par la directive 2005/29 pour garantir la pleine efficacité de la décision finale de ce juge. Celle-ci, en effet, ne pourrait, en tout état de cause, entraîner, sur la seule base de cette directive, des conséquences sur la validité du contrat en cause et, a fortiori, sur celle du
titre exécutoire.

45 Pour cette même raison, si ne satisfait pas aux exigences de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 une réglementation nationale ne prévoyant pas la possibilité de suspendre une procédure de saisie hypothécaire de telle sorte que, dans tous les cas où la saisie immobilière du bien hypothéqué est réalisée avant la décision du juge du fond déclarant le caractère abusif de la clause contractuelle à l’origine de l’hypothèque et donc la nullité de la procédure d’exécution, cette décision ne
permettrait d’assurer au consommateur qu’une protection a posteriori purement indemnitaire (arrêt du 14 mars 2013, Aziz, C‑415/11, EU:C:2013:164, point 60), il en va autrement s’agissant des exigences de l’article 11 de la directive 2005/29.

46 En effet, cette directive s’appliquant, comme il a été rappelé au point 32 du présent arrêt, sans préjudice des recours individuels formés par les personnes lésées par une pratique commerciale déloyale et des règles de l’Union et nationales relatives au droit des contrats, une protection indemnitaire peut être considérée comme l’un des moyens adéquats et efficaces pour lutter contre les pratiques commerciales déloyales exigés par ladite disposition.

47 Par conséquent, une réglementation telle que celle en cause au principal n’est pas de nature à porter atteinte à l’effectivité de la protection voulue par la directive 2005/29.

48 Cela étant précisé, il y a encore lieu de souligner que, dès lors que le juge de la procédure de saisie hypothécaire procède au contrôle de la validité du titre exécutoire au regard de la directive 93/13, que ce soit d’office ou, comme cela semble bien pouvoir être le cas en l’occurrence, sur demande des parties, il lui sera loisible d’apprécier, dans le cadre de ce contrôle, le caractère déloyal d’une pratique commerciale sur la base de laquelle ce titre s’est formé.

49 En effet, si la constatation du caractère déloyal d’une pratique commerciale n’est pas de nature à établir automatiquement et à elle seule le caractère abusif d’une clause contractuelle, elle constitue un élément parmi d’autres sur lequel le juge compétent peut fonder son appréciation du caractère abusif des clauses d’un contrat, appréciation qui, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13, doit tenir compte de toutes les circonstances propres au cas d’espèce (voir, en ce sens,
arrêt du 15 mars 2012, Pereničová et Perenič, C‑453/10, EU:C:2012:144, points 43 et 44).

50 Bien entendu, la constatation du caractère déloyal d’une pratique commerciale n’a pas d’incidences directes sur la question de savoir si le contrat est valide au regard de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 (arrêt du 15 mars 2012, Pereničová et Perenič, C‑453/10, EU:C:2012:144, points 46).

51 Compte tenu de ce qui précède, il convient de répondre à la première question que l’article 11 de la directive 2005/29 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui interdit au juge de la procédure de saisie hypothécaire de contrôler, d’office ou à la demande des parties, la validité du titre exécutoire au regard de l’existence de pratiques commerciales déloyales et, en tout état de cause, au juge compétent pour
statuer au fond sur l’existence de ces pratiques d’adopter des mesures provisoires, telles que la suspension de la procédure de saisie hypothécaire.

Sur les deuxième et troisième questions

52 Par ses deuxième et troisième questions, qui doivent être traitées ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 11 de la directive 2005/29 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui ne confère pas un caractère juridiquement contraignant à un code de conduite tel que ceux mentionnés à l’article 10 de cette directive.

53 Bankia et le gouvernement espagnol estiment qu’il n’y a pas lieu de répondre à ces questions étant donné que, en tout état de cause, le code de bonnes pratiques bancaires en cause au principal n’est pas un code de conduite au sens de l’article 10 de la directive 2005/29.

54 Il convient de relever, à cet égard, qu’il n’appartient pas à la Cour d’établir si ledit code de bonnes pratiques bancaires rentre dans la définition du code de conduite fournie à l’article 2, sous f), de cette directive.

55 Les doutes soulevés à cet égard n’étant par ailleurs pas de nature à renverser la présomption de pertinence qui s’attache à toute question préjudicielle (arrêt du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a., C‑186/16, EU:C:2017:703, point 20), il y a lieu de répondre auxdites questions.

56 À ces fins, il convient de rappeler que ledit article 2, sous f), définit le « code de conduite » comme « un accord ou un ensemble de règles qui ne sont pas imposés par les dispositions législatives, réglementaires ou administratives d’un État membre et qui définissent le comportement des professionnels ».

57 Or, ainsi qu’il résulte du considérant 20 de la directive 2005/29, le rôle attribué par celle-ci auxdits codes est celui de permettre aux professionnels eux-mêmes d’appliquer les principes de cette directive de manière effective dans des domaines économiques particuliers, de respecter les exigences en matière de diligence professionnelle et d’éviter le recours à une action administrative ou judiciaire.

58 Certes, l’article 6, paragraphe 2, sous b), de la directive 2005/29 dispose que le non-respect par le professionnel d’un code de conduite peut constituer une pratique commerciale déloyale. Cependant, cette directive n’impose pas aux États membres de prévoir des conséquences directes à l’égard des professionnels pour la seule raison que ceux-ci ne se sont pas conformés à un code de conduite après y avoir adhéré.

59 Dans ces conditions, il convient de répondre aux deuxième et troisième questions que l’article 11 de la directive 2005/29 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui ne confère pas un caractère juridiquement contraignant à un code de conduite tel que ceux mentionnés à l’article 10 de cette directive.

Sur les dépens

60 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

  1) L’article 11 de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale,
telle que celle en cause au principal, qui interdit au juge de la procédure de saisie hypothécaire de contrôler, d’office ou à la demande des parties, la validité du titre exécutoire au regard de l’existence de pratiques commerciales déloyales et, en tout état de cause, au juge compétent pour statuer au fond sur l’existence de ces pratiques d’adopter des mesures provisoires, telles que la suspension de la procédure de saisie hypothécaire.

  2) L’article 11 de la directive 2005/29 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui ne confère pas un caractère juridiquement contraignant à un code de conduite tel que ceux mentionnés à l’article 10 de cette directive.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’espagnol.


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : C-109/17
Date de la décision : 19/09/2018
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Juzgado de Primera Instancia n° 5 de Cartagena.

Renvoi préjudiciel – Directive 2005/29/CE – Pratiques commerciales déloyales des entreprises vis‑à‑vis des consommateurs – Contrat de prêt hypothécaire – Procédure de saisie hypothécaire – Réévaluation du bien immeuble avant sa vente aux enchères – Validité du titre exécutoire – Article 11 – Moyens adéquats et efficaces contre les pratiques commerciales déloyales – Interdiction au juge national d’apprécier l’existence de pratiques commerciales déloyales – Impossibilité de suspendre la procédure de saisie hypothécaire – Articles 2 et 10 – Code de bonne conduite – Absence de caractère juridiquement contraignant de ce code.

Rapprochement des législations

Protection des consommateurs


Parties
Demandeurs : Bankia SA
Défendeurs : Juan Carlos Mari Merino e.a.

Composition du Tribunal
Avocat général : Wahl
Rapporteur ?: Tizzano

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2018:735

Source

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