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17/05/2018 | CJUE | N°C-30/17

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Dyrektor Izby Celnej w Poznaniu contre Kompania Piwowarska S.A. w Poznaniu., 17/05/2018, C-30/17


ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

17 mai 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Dispositions fiscales – Droits d’accise – Directive 92/83/CEE – Article 3, paragraphe 1 – Alcools et boissons alcoolisées – Bière – Bière aromatisée – Degré Plato – Mode de calcul »

Dans l’affaire C‑30/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative, Pologne), par décision du 19 octobre 2016, parvenue à la Cou

r le 20 janvier 2017, dans la procédure

Dyrektor Izby Celnej w Poznaniu

contre

Kompania Piwowarska S.A. w Pozn...

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

17 mai 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Dispositions fiscales – Droits d’accise – Directive 92/83/CEE – Article 3, paragraphe 1 – Alcools et boissons alcoolisées – Bière – Bière aromatisée – Degré Plato – Mode de calcul »

Dans l’affaire C‑30/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative, Pologne), par décision du 19 octobre 2016, parvenue à la Cour le 20 janvier 2017, dans la procédure

Dyrektor Izby Celnej w Poznaniu

contre

Kompania Piwowarska S.A. w Poznaniu,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. C. Vajda, E. Juhász, Mme K. Jürimäe et M. C. Lycourgos (rapporteur), juges,

avocat général : M. Y. Bot,

greffier : Mme R. Şereş, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 7 décembre 2017,

considérant les observations présentées :

– pour le Dyrektor Izby Celnej w Poznaniu, par Mme M. Jurkowska et M. C. Komorowski, en qualité d’agents, assistés de M. A. Toboła, radca prawny,

– pour Kompania Piwowarska S.A. w Poznaniu, par Me M. Gizicki, adwokat, et M. R. Pietrzak, doradca podatkowy,

– pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna et Mme A. Kramarczyk – Szaładzińska, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement hellénique, par Mmes G. Papadaki, E. Zisi, M. Tassopoulou et D. Tsagkaraki, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement espagnol, par M. S. Jiménez García, en qualité d’agent,

– pour la Commission européenne, par Mme C. Perrin et M. Ł. Habiak, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 1er février 2018,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 92/83/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant l’harmonisation des structures des droits d’accises sur l’alcool et les boissons alcooliques (JO 1992, L 316, p. 21).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Dyrektor Izby Celnej w Poznaniu (directeur de l’administration des douanes de Poznań, Pologne) à Kompania Piwowarska S.A. w Poznaniu (ci-après « Kompania Piwowarska ») au sujet du calcul du montant de l’accise due par cette société sur la vente de bières aromatisées.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 92/83

3 Les cinquième et sixième considérants de la directive 92/83 énoncent :

« considérant que, dans le cas de la bière, il convient d’autoriser d’autres méthodes de calcul de l’accise sur le produit fini ;

considérant que, dans les cas de la bière, il convient, dans certaines limites, d’autoriser les États membres à appliquer l’accise à des tranches de densité couvrant plus d’un degré Plato, à condition que la bière soit toujours soumise à un taux qui ne peut être inférieur au taux communautaire minimal ».

4 L’article 1er, paragraphe 1, de cette directive prévoit :

« Les États membres appliquent une accise à la bière conformément à la présente directive. »

5 L’article 2 de ladite directive dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par bière : tout produit relevant du code NC 2203 ou tout produit contenant un mélange de bière et de boissons non alcooliques relevant du code NC 2206, ayant dans l’un ou l’autre cas un titre alcoométrique acquis supérieur à 0,5 % vol. »

6 L’article 3, paragraphe 1, de la directive 92/83 est libellé comme suit :

« L’accise prélevée par les États membres sur la bière est déterminée par référence au nombre :

– d’hectolitres par degré Plato

ou

– d’hectolitres par titre alcoométrique acquis

de produit fini. »

7 L’article 5 de cette directive prévoit :

« 1.   Les États membres peuvent appliquer des taux réduits inférieurs au taux minimal à la bière dont le titre alcoométrique acquis n’excède pas 2,8 % vol.

2.   Les États membres peuvent limiter l’application du présent article aux produits contenant un mélange de bière et de boissons non alcooliques du code NC 2206. »

8 L’article 28 de la directive 92/83 énonce :

« Le Royaume-Uni [de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord] peut continuer à appliquer les exonérations en vigueur le 1er janvier 1992 aux produits suivants :

– boisson à base de malt concentré dont les moûts, avant fermentation, avaient une densité de 1200 d’extrait primitif (47° Plato) ou plus,

[...] »

La directive 92/84/CEE

9 Les deuxième et septième considérants de la directive 92/84/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant le rapprochement des taux d’accises sur l’alcool et les boissons alcoolisées (JO 1992, L 316, p. 29), énoncent :

« considérant que la directive 92/83/CEE [...] fixe des dispositions concernant l’harmonisation des structures des droits d’accises sur l’alcool et les boissons alcoolisées ;

[...]

considérant que les méthodes de taxation de la bière varient d’un État membre à l’autre et qu’il convient d’autoriser le maintien de cette différence, en particulier en fixant un taux minimal exprimé par rapport à la densité initiale et à la teneur en alcool du produit ».

10 L’article 6 de la directive 92/84 prévoit :

« À partir du 1er janvier 1993, le taux minimal de l’accise sur la bière est fixé à :

– 0,748 [euro] par hectolitre par degré Plato

ou

– 1,87 [euro] par hectolitre par degré d’alcool

de produit fini. »

Le droit polonais

11 L’article 68 de l’ustawa o podatku akcyzowym (loi sur les droits d’accise), du 23 janvier 2004 (Dz. U. no 29, position 257), dans sa version applicable aux faits au principal, dispose :

« 1.   Au sens de la présente loi, on entend par “bière” les produits visés au point 13 de l’annexe 2, ainsi que tous les produits constituant un mélange de bière et de boissons non alcooliques, relevant du code PKWiU 15.94.10 et du code NC 2206 00, ayant un titre alcoométrique acquis supérieur à 0,5 % vol.

[...]

3.   La base d’imposition de la bière est constituée par le nombre d’hectolitres de produit fini par degré Plato.

4.   Le taux du droit d’accise sur la bière s’élève à 6,86 [zlotys polonais (PLN) (environ 1,63 euro)] par hectolitre pour chaque degré Plato du produit fini.

5.   Le ministre compétent en matière de finances publiques fixe, par voie d’arrêté, les modalités de calcul de la base d’imposition pour la bière, en tenant compte des bases d’imposition applicables dans les États membres. »

12 L’article 1er, paragraphe 1, du rozporządzenie Ministra Finansów w sprawie sposobu ustalania podstawy opodatkowania piwa (arrêté du ministre des Finances sur les modalités de calcul de la base d’imposition pour la bière), du 31 mars 2004 (Dz. U. no 70, position 635), dispose :

« Aux fins du calcul de la base d’imposition pour la bière, on entend par 1 degré Plato : 1 % en masse d’extrait sec du moût calculé sur la base du titre alcoométrique et de l’extrait réel dans le produit fini. »

Le litige au principal et la question préjudicielle

13 Kompania Piwowarska est une société établie en Pologne qui produit de la bière, y compris de la bière aromatisée, relevant de la position 2206 de la nomenclature combinée et fabriquée à partir de bière traditionnelle, à laquelle sont ajoutés, après l’achèvement de la fermentation alcoolique, du sirop de sucre, des arômes et de l’eau.

14 Dans une déclaration fiscale initiale, Kompania Piwowarska a fixé le montant de l’accise due en raison de la vente de bière aromatisée en prenant en compte, dans le calcul destiné à déterminer, en fonction de la formule de Balling, les degrés Plato de cette bière, les ingrédients qui y avaient été ajoutés après l’achèvement du processus de fermentation. L’accise, calculée sur cette base, a été payée par cette société.

15 Ladite société a, par la suite, adressé à l’autorité fiscale une demande visant à faire constater le trop-perçu d’accises sur la vente de bières aromatisées pour le mois de novembre 2004, accompagnée d’un rectificatif de sa déclaration fiscale initiale, en faisant valoir que le mode de calcul des degrés Plato de ses bières aromatisées, adopté dans sa déclaration initiale, était erroné. Selon Kompania Piwowarska, le sucre, contenu dans le produit fini, aurait, en effet, dû être déduit de l’extrait
réel de la bière, aux fins de l’application de la formule de Balling, cette dernière n’étant applicable qu’à la bière traditionnelle, à savoir la bière sans additifs.

16 Cette demande de constatation de trop-perçu ayant été rejetée par l’autorité fiscale de premier degré et ce rejet ayant été confirmé par l’organe de recours, Kompania Piwowarska a présenté une requête devant le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Poznaniu (tribunal administratif de voïvodie de Poznań, Pologne), qui a annulé les décisions tant de l’autorité fiscale de premier degré que de l’organe de recours.

17 Le directeur de l’administration des douanes de Poznań a saisi la juridiction de renvoi d’un pourvoi en cassation contre le jugement du Wojewódzki Sąd Administracyjny w Poznaniu (tribunal administratif de voïvodie de Poznań).

18 La juridiction de renvoi relève que, en l’espèce, le poids de l’extrait de la bière aromatisée est plus élevé que celui de l’extrait sec du moût primitif, en raison de l’augmentation de densité provoquée par l’ajout du sirop de sucre et, dans une moindre mesure, d’arômes. Elle estime qu’il lui revient de déterminer si l’article 3, paragraphe 1, de la directive 92/83 oblige, lorsque la base d’imposition pour les bières aromatisées est calculée en fonction de leur degré Plato, à prendre en compte
la teneur en extrait réel du produit fini, y compris l’extrait provenant des arômes ajoutés après l’achèvement du processus de fermentation, ou à ne pas prendre en compte des ingrédients ajoutés après l’achèvement de ce processus.

19 Cette juridiction fait remarquer qu’elle est confrontée à deux approches différentes. Selon la première approche, soutenue par Kompania Piwowarska, les notions utilisées afin de déterminer la base d’imposition de la bière devraient être interprétées dans leur sens technique, propre au domaine brassicole, et ne pourraient être modifiées pour des raisons fiscales. Or, un degré Plato équivalant à 1 % en masse d’extrait sec du moût, seul cet extrait, et non le produit final, devrait servir de
référence pour la détermination du degré Plato. Le degré Plato des bières aromatisées devrait, dès lors, être calculé, au moyen de la formule de Balling, sans tenir compte des ingrédients ajoutés après l’achèvement du processus de fermentation. Ce point de vue reposerait sur l’idée, qui ressort de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 92/83, que, lorsque les dispositions de l’Union prévoient la possibilité d’adopter deux méthodes alternatives de calcul de la base d’imposition de la bière,
ces deux méthodes doivent conduire à des résultats similaires.

20 Selon la seconde approche, soutenue par le directeur de l’administration des douanes de Poznań, l’imposition selon les degrés Plato devrait tenir compte de tous les extraits présents dans le produit fini, y compris les sucres ajoutés après l’achèvement du processus de fermentation. Cette approche reposerait sur le fait que le législateur a prévu que les degrés Plato sont déterminés sur la base du produit fini. Cette approche permettrait d’appliquer le même traitement fiscal aux bières ayant la
même qualité gustative et le même titre alcoométrique, indépendamment des différences entre les technologies de leur production.

21 Éprouvant des doutes sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 92/83, le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative, Pologne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« À la lumière de l’article 3, paragraphe 1, et des objectifs de la directive 92/83 [...], faut‑il prendre en considération, pour déterminer la base d’imposition des bières aromatisées selon l’échelle de Plato, la teneur en extrait réel du produit fini en ayant égard à l’extrait provenant des arômes ajoutés après l’achèvement de la fermentation ou sans tenir compte desdits arômes ? »

Sur la question préjudicielle

22 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 1, de la directive 92/83 doit être interprété en ce sens que, pour déterminer la base d’imposition des bières aromatisées selon l’échelle de Plato, il y a lieu de prendre en compte l’extrait sec du moût primitif ou l’extrait sec du produit fini incluant des arômes et du sirop de sucre ajoutés après l’achèvement du processus de fermentation.

23 À titre liminaire, il convient, premièrement, de rappeler que, selon l’article 3, paragraphe 1, de la directive 92/83, les États membres peuvent choisir entre deux méthodes de calcul de la base imposable de l’accise grevant la bière, à savoir par référence au nombre d’hectolitres par degré Plato de produit fini ou par référence au nombre d’hectolitres par titre alcoométrique acquis de produit fini.

24 Dans le cas de la République de Pologne, il ressort de l’article 68, paragraphe 3, de la loi sur les droits d’accise du 23 janvier 2004, dans sa version applicable aux faits au principal, de l’article 1er, paragraphe 1, de l’arrêté du ministre des Finances sur les modalités de calcul de la base d’imposition pour la bière du 31 mars 2004 ainsi que des observations écrites du directeur de l’administration des douanes de Poznań que cet État membre a opté pour la méthode de calcul par référence au
nombre d’hectolitres par degré Plato de produit fini.

25 Deuxièmement, il convient de préciser que, selon les indications figurant dans la décision de renvoi, la bière aromatisée en cause au principal est fabriquée à partir d’une bière traditionnelle, à laquelle sont ajoutés, en général après l’achèvement de la fermentation alcoolique, du sirop de sucre et des arômes.

26 Troisièmement, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 44 de ses conclusions, la notion de « moût primitif » désigne, jusqu’au moment où débute le processus de fermentation, le mélange composé d’eau et des autres ingrédients de la bière préparés pour la fermentation, tels que le malt d’orge et le houblon. L’« extrait sec du moût primitif » consiste en l’ensemble des ingrédients du moût primitif autres que l’eau.

27 S’agissant de la question posée, il convient de relever que la notion de « degré Plato », visée à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 92/83, n’est définie ni dans cette directive ni dans d’autres actes de l’Union. Dans ces conditions, la signification de cette notion doit être établie conformément à son sens habituel, tout en tenant compte du contexte dans lequel elle est utilisée et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir, en ce sens, arrêt du 2 mars
2017, Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs Frankfurt am Main, C-568/15, EU:C:2017:154, point 19 et jurisprudence citée).

28 À cet égard, en premier lieu, il est constant que, selon son sens habituel dans le domaine brassicole, l’échelle de Plato permet de calculer le pourcentage d’extrait sec dans la masse du moût primitif, un degré Plato équivalant à 1 g d’extrait sec par 100 g de moût primitif. Il s’ensuit que, tel qu’il est communément compris dans le domaine brassicole, le degré Plato est calculé sans prendre en compte les arômes et le sirop de sucre ajoutés dans les bières aromatisées après le processus de
fermentation.

29 L’utilisation des termes « de produit fini », à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 92/83, n’est pas de nature à remettre en cause cette interprétation. En effet, comme le relève à juste titre la Commission européenne, le fait que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 92/83 se réfère aux degrés Plato de produit fini signifie que le nombre de degrés Plato doit être une valeur déterminant une caractéristique du produit fini, indépendamment de la question de savoir si ce nombre de degrés
est mesuré dans le produit fini ou à un stade antérieur du processus de production.

30 Or, les degrés Plato, qui mesurent l’extrait sec dans le moût primitif utilisé pour la fermentation, continuent de caractériser l’ensemble des produits finis provenant de ce moût, que ces produits soient de la bière traditionnelle ou de la bière aromatisée.

31 En deuxième lieu, l’analyse contextuelle confirme que, dans le cadre de la directive 92/83, le calcul des degrés Plato de la bière aromatisée ne peut prendre en compte les arômes et le sirop de sucre ajoutés après l’achèvement du processus de fermentation.

32 À cet égard, il y a lieu de se référer, d’une part, à l’article 28, premier tiret, de la directive 92/83, qui a également recours à la notion de « degrés Plato ». Selon cette disposition, le Royaume-Uni peut continuer à appliquer les exonérations en vigueur au 1er janvier 1992 concernant, notamment, une boisson à base de malt concentré dont les moûts, avant la fermentation, avaient une densité de 1200 d’extrait primitif, soit 47° Plato, ou plus.

33 Comme M. l’avocat général l’a relevé aux points 93 et 96 de ses conclusions, il ressort sans équivoque dudit article 28, premier tiret, que, aux fins de l’application de cette disposition, les degrés Plato sont appréhendés à partir de la densité du moût primitif, avant sa fermentation, et il n’est pas concevable que, sans aucune indication en ce sens, le législateur de l’Union ait entendu imposer, dans deux dispositions de la même directive, deux méthodes différentes de calcul des degrés Plato.

34 D’autre part, dans l’interprétation contextuelle de la directive 92/83, il est justifié de prendre en considération la directive 92/84 établissant le taux minimal de l’accise sur la bière, dont la structure est déterminée par la première de ces directives. Il y a lieu de relever que le septième considérant de la directive 92/84 énonce que les méthodes de taxation de la bière varient d’un État membre à l’autre et indique qu’il convient d’autoriser le maintien de cette différence, en particulier en
fixant un taux minimal exprimé par rapport soit à la densité initiale soit à la teneur en alcool du produit.

35 Ce taux minimal est fixé à l’article 6 de cette directive, en fonction du nombre d’hectolitres par degré Plato de produit fini ou en fonction du nombre d’hectolitres par degré d’alcool de produit fini. Dès lors, la référence à la densité initiale du produit, contenue au septième considérant de ladite directive, doit être interprétée comme renvoyant à la méthode de calcul de l’accise sur la bière en fonction des degrés Plato de celle-ci, alors que la référence à la teneur en alcool du produit,
contenue au même considérant, doit être interprétée comme renvoyant à la méthode de calcul de l’accise sur la bière eu égard à son degré d’alcool. Il en découle que les degrés Plato doivent être calculés, aux fins de cet article 6, en prenant en compte la densité initiale de la bière, soit son moût primitif.

36 Or, les deux méthodes de fixation du taux minimal de l’accise visées à l’article 6 de la directive 92/84 correspondent aux deux méthodes de détermination de l’accise visées à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 92/83. Les termes « de produit fini » sont aussi utilisés, de la même manière, dans ces deux articles.

37 Il résulte de ce qui précède que, compte tenu de son sens habituel et du contexte dans lequel elle est utilisée, la notion de « degré Plato », visée à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 92/83, doit être interprétée comme constituant une unité de mesure se référant à la densité initiale de la bière et, partant, au moût primitif de celle-ci.

38 Il convient de relever, en troisième lieu, qu’une telle interprétation est également confortée par l’examen des objectifs poursuivis par le régime juridique établi par les directives 92/83 et 92/84.

39 En effet, les directives 92/83 et 92/84 visent à imposer un niveau minimal d’accises par hectolitre de bière, qu’elle soit ou non aromatisée, plus élevé à mesure que sa teneur en alcool augmente. L’accise prévue par ces directives a donc pour objectif, comme M. l’avocat général l’a observé au point 101 de ses conclusions, d’imposer l’alcool consommé.

40 Ainsi, l’article 2 et l’article 5, paragraphe 1, de la directive 92/83 prévoient, respectivement, des dispenses de taxation pour les bières ou les bières aromatisées dont le pourcentage d’alcool est inférieur à 0,5 % vol. et l’application de taux réduits, inferieurs au taux minimal, à la bière dont le titre alcoométrique n’excède pas 2,8 % vol. En outre, il ressort de l’article 6, second tiret, de la directive 92/84 que le montant minimal de l’accise sur la bière, lorsqu’il est calculé en
fonction de son degré d’alcool, y est directement proportionnel.

41 En ce qui concerne la détermination de la base d’imposition de l’accise selon l’échelle de Plato, il est constant entre les parties au principal que, en principe, plus le pourcentage d’extrait sec du moût primitif est élevé, plus la bière issue de ce moût primitif est alcoolisée.

42 En revanche, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 107 de ses conclusions, les ingrédients ajoutés après la fermentation n’ont aucune incidence sur la teneur en alcool du produit fini. Dès lors, calculer les degrés Plato d’une bière aromatisée en tenant compte non seulement de l’extrait sec du moût primitif, mais aussi des arômes et du sirop de sucre qui ont été ajoutés après la fermentation pourrait aboutir à taxer cette bière plus fortement qu’une bière traditionnelle ayant un même
degré d’alcool.

43 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 92/83 doit être interprété en ce sens que, pour déterminer la base d’imposition des bières aromatisées selon l’échelle de Plato, il y a lieu de prendre en compte l’extrait sec du moût primitif sans tenir compte des arômes et du sirop de sucre ajoutés après l’achèvement de la fermentation.

Sur les dépens

44 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

  L’article 3, paragraphe 1, de la directive 92/83/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant l’harmonisation des structures des droits d’accises sur l’alcool et les boissons alcooliques, doit être interprété en ce sens que, pour déterminer la base d’imposition des bières aromatisées selon l’échelle de Plato, il y a lieu de prendre en compte l’extrait sec du moût primitif sans tenir compte des arômes et du sirop de sucre ajoutés après l’achèvement de la fermentation.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le polonais.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : C-30/17
Date de la décision : 17/05/2018
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Naczelny Sąd Administracyjny.

Renvoi préjudiciel – Dispositions fiscales – Droits d’accise – Directive 92/83/CEE – Article 3, paragraphe 1 – Alcools et boissons alcoolisées – Bière – Bière aromatisée – Degré Plato – Mode de calcul.

Droits d'accise

Fiscalité


Parties
Demandeurs : Dyrektor Izby Celnej w Poznaniu
Défendeurs : Kompania Piwowarska S.A. w Poznaniu.

Composition du Tribunal
Avocat général : Bot
Rapporteur ?: Lycourgos

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2018:325

Source

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