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28/02/2018 | CJUE | N°C-301/16

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Commission européenne contre Xinyi PV Products (Anhui) Holdings Ltd., 28/02/2018, C-301/16


ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

28 février 2018 ( *1 )

« Pourvoi – Politique commerciale – Dumping – Importations de vitrage solaire originaire de Chine – Règlement (CE) no 1225/2009 – Article 2, paragraphe 7, sous b) et c) – Statut d’entreprise opérant dans les conditions d’une économie de marché – Notion de “distorsion importante induite par l’ancien système d’économie planifiée, au sens de l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret – Avantages fiscaux »

Dans l’affaire C‑301/16 P,


ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 26 mai 20...

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

28 février 2018 ( *1 )

« Pourvoi – Politique commerciale – Dumping – Importations de vitrage solaire originaire de Chine – Règlement (CE) no 1225/2009 – Article 2, paragraphe 7, sous b) et c) – Statut d’entreprise opérant dans les conditions d’une économie de marché – Notion de “distorsion importante induite par l’ancien système d’économie planifiée, au sens de l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret – Avantages fiscaux »

Dans l’affaire C‑301/16 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 26 mai 2016,

Commission européenne, représentée par MM. L. Flynn et T. Maxian Rusche, en qualité d’agents,

partie requérante,

soutenue par :

GMB Glasmanufaktur Brandenburg GmbH, établie à Tschernitz (Allemagne), représentée par Me A. Bochon, avocat, et par M. R. MacLean, solicitor,

partie intervenante au pourvoi,

l’autre partie à la procédure étant :

Xinyi PV Products (Anhui) Holdings Ltd, établie à Anhui (Chine), représentée par Mes Y. Melin et V. Akritidis, avocats,

partie demanderesse en première instance,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. M. Ilešič, président de chambre, M. A. Rosas, Mmes C. Toader, A. Prechal (rapporteur) et M. E. Jarašiūnas, juges,

avocat général : M. P. Mengozzi,

greffier : Mme V. Giacobbo-Peyronnel, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 21 juin 2017,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 5 décembre 2017,

rend le présent

Arrêt

1 Par son pourvoi, la Commission européenne demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 16 mars 2016, Xinyi PV Products (Anhui) Holdings/Commission (T‑586/14, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2016:154), par lequel celui-ci a annulé le règlement d’exécution (UE) no 470/2014 de la Commission, du 13 mai 2014, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de vitrage solaire originaire de la
République populaire de Chine (JO 2014, L 142, p. 1, et rectificatif JO 2014, L 253, p. 4, ci-après le « règlement litigieux »), en tant que ce règlement concernait Xinyi PV Products (Anhui) Holdings Ltd (ci-après « Xinyi PV »).

Le cadre juridique

2 À l’époque des faits à l’origine du litige, les dispositions régissant l’adoption de mesures antidumping par l’Union européenne figuraient dans le règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2009, L 343, p. 51, et rectificatif JO 2010, L 7, p. 22, ci-après le « règlement de base »). Ce règlement a été abrogé par le règlement (UE) 2016/1036 du
Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21).

3 L’article 2, paragraphe 7, du règlement de base disposait :

« a) Dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché [([n]otamment, Albanie, Arménie, Azerbaïdjan, Belarus, Géorgie, Corée du Nord, Kirghizstan, Moldavie, Mongolie, Tadjikistan, Turkménistan et Ouzbékistan)], la valeur normale est déterminée sur la base du prix ou de la valeur construite, dans un pays tiers à économie de marché, du prix pratiqué à partir d’un tel pays tiers à destination d’autres pays, y compris la Communauté, ou, lorsque cela n’est pas
possible, sur toute autre base raisonnable, y compris le prix effectivement payé ou à payer dans la Communauté pour le produit similaire, dûment ajusté, si nécessaire, afin d’y inclure une marge bénéficiaire raisonnable.

[...]

b) Dans le cas d’enquêtes antidumping concernant les importations en provenance de la République populaire de Chine, du Viêt Nam et du Kazakhstan et de tout pays dépourvu d’une économie de marché qui est membre de l’[Organisation mondiale du commerce (OMC)] à la date d’ouverture de l’enquête, la valeur normale est déterminée conformément aux paragraphes 1 à 6, s’il est établi, sur la base de requêtes dûment documentées présentées par un ou plusieurs producteurs faisant l’objet de l’enquête et
conformément aux critères et aux procédures énoncés au point c), que les conditions d’une économie de marché prévalent pour ce ou ces producteurs, en ce qui concerne la fabrication et la vente du produit similaire concerné. Si tel n’est pas le cas, les règles du point a) s’appliquent.

c) La requête présentée au titre du point b) doit [...] contenir des preuves suffisantes de ce que le producteur opère dans les conditions d’une économie de marché, à savoir si :

– les décisions des entreprises concernant les prix et les coûts des intrants, par exemple des matières premières, de la technologie, de la main-d’œuvre, de la production, des ventes et des investissements, sont arrêtées en tenant compte des signaux du marché reflétant l’offre et la demande et sans intervention significative de l’État à cet égard, et si les coûts des principaux intrants reflètent en grande partie les valeurs du marché,

– les entreprises utilisent un seul jeu de documents comptables de base, qui font l’objet d’un audit indépendant conforme aux normes internationales et qui sont utilisés à toutes fins,

– les coûts de production et la situation financière des entreprises ne font l’objet d’aucune distorsion importante, induite par l’ancien système d’économie planifiée, notamment en relation avec l’amortissement des actifs, d’autres annulations comptables, le troc ou les paiements sous forme de compensation de dettes,

– les entreprises concernées sont soumises à des lois concernant la faillite et la propriété, qui garantissent aux opérations des entreprises sécurité juridique et stabilité, et

– les opérations de change sont exécutées aux taux du marché.

[...] »

Les antécédents du litige

4 Les antécédents du litige tels qu’ils ressortent de l’arrêt attaqué peuvent être résumés comme suit.

5 Xinyi PV est une société productrice et exportatrice de vitrage solaire établie en Chine. Elle a pour actionnaire unique Xinyi Solar (Hong Kong) Ltd, société établie à Hong Kong (Chine), laquelle est cotée à la Bourse de Hong Kong.

6 À la suite d’une plainte déposée le 15 janvier 2013, la Commission a ouvert, le 28 février 2013, une enquête antidumping concernant les importations de certains produits de vitrage solaire originaires de Chine.

7 Le 21 mai 2013, Xinyi PV a présenté à la Commission une demande tendant à ce que lui soit octroyé le statut de société opérant dans les conditions d’une économie de marché (ci-après le « statut de SEM »), au sens de l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base, afin que la valeur normale soit déterminée, en ce qui la concerne, conformément à l’article 2, paragraphes 1 à 6, de ce règlement et non pas selon la méthode dite « du pays analogue », visée par les règles figurant à
l’article 2, paragraphe 7, sous a), dudit règlement.

8 Par une lettre du 22 août 2013, la Commission a informé Xinyi PV qu’elle estimait ne pas pouvoir accéder à cette demande. Dans cette lettre, la Commission a exposé, à cet égard, ce qui suit :

« L’enquête a révélé que [Xinyi PV] avait bénéficié de différents avantages fiscaux au titre de son impôt sur le revenu, tels que :

– le programme “2 Free 3 Halve”. Ce régime fiscal permet aux sociétés à capitaux étrangers de bénéficier d’une exonération fiscale totale (0 %) pendant deux ans et, durant les trois années suivantes, d’un taux d’imposition de 12,5 %, au lieu du taux normal d’imposition de 25 % ;

– le régime fiscal des entreprises de haute technologie. En application de ce régime, la société est soumise à un taux d’imposition réduit de 15 %, au lieu du taux normal d’imposition de 25 %. Ce taux d’imposition préférentiel constitue une subvention de nature adaptable quasiment en permanence qui pourrait aussi viser à attirer des investissements à des taux réduits, faussant ainsi la concurrence.

Il est considéré que les taux réduits d’imposition procurent des avantages financiers sensibles, de sorte que [Xinyi PV] n’est pas parvenu[e] à démontrer que ses coûts de production et sa situation financière ne font l’objet d’aucune distorsion importante induite par l’ancien système d’économie planifiée [...]

Par conséquent, le Commission propose de rejeter la demande de [Xinyi PV de se voir octroyer le statut de] SEM. »

9 Le 1er septembre 2013, Xinyi PV a présenté ses observations sur cette lettre, auxquelles la Commission a répondu par une lettre du 13 septembre 2013, laquelle a confirmé le rejet de la demande d’octroi du statut de SEM introduite par cette société.

10 Dans cette dernière lettre, la Commission a notamment indiqué ce qui suit :

« Un régime d’imposition sur le revenu qui traite [favorablement] certaines sociétés ou certains secteurs économiques, considérés par le gouvernement comme étant stratégiques, implique que ce régime fiscal ne procède pas d’une économie de marché[,] mais [qu’il] résulte encore grandement d’une planification étatique et peut, dès lors, relever du troisième critère [figurant à l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement de base]. L’application d’un régime de taux d’imposition
préférentiel modifie le montant des bénéfices avant impôt que la société doit générer aux fins d’être attractive pour les investisseurs [...]

À cet égard, il convient de rappeler qu’il était possible d’appliquer à [Xinyi PV] le taux d’imposition réduit (14,01 %) dès lors qu[’elle] pouvait cumuler le régime fiscal des entreprises de haute technologie avec un autre régime, à savoir le programme “2 Free 3 Halve”. L’effet combiné en a été un taux sensiblement réduit par rapport au taux normal (25 %), qui pouvait, notamment, poursuivre l’objectif d’attirer des capitaux à des taux réduits et, ainsi, impacter la situation financière et
économique d’ensemble de la société.

[...]

Enfin, vous soutenez que l’appréciation de la Commission, selon laquelle le régime fiscal est d’une nature adaptable quasiment en permanence, est dénuée de fondement. Vos arguments selon lesquels les deux régimes fiscaux sont limités dans le temps ont été dûment pris en compte. Toutefois, le fait que ces deux régimes fiscaux n’aient pas un caractère permanent ne saurait remettre en cause le fait [...] qu’ils ont visé à impacter la situation financière et économique de l’entreprise. »

11 Le 26 novembre 2013, la Commission a adopté le règlement (UE) no 1205/2013, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de vitrage solaire en provenance de la République populaire de Chine (JO 2013, L 316, p. 8, ci-après le « règlement provisoire »). En application de la méthode du pays analogue, la République de Turquie a été retenue aux fins du calcul de la valeur normale pour tous les producteurs-exportateurs chinois y compris Xinyi PV. Un droit antidumping provisoire de
39,3 % a été imposé aux importations du produit concerné, fabriqué par ce producteur.

12 Les considérants 34 à 47 du règlement provisoire portent sur les demandes d’octroi du statut de SEM. Les considérants 40, 41, 43 et 45 à 47 de ce règlement se lisent comme suit :

« (40) [...] [L]es demandes d’octroi du statut de [SEM] des quatre producteurs-exportateurs (groupes de sociétés), composés de onze entités juridiques, ont fait l’objet d’une enquête.

(41) Il est apparu, à la suite de l’enquête, qu’aucun des quatre producteurs-exportateurs (groupes de sociétés) ayant sollicité le statut de [SEM] n’a pu démontrer qu’il satisfaisait à tous les critères énoncés à l’article 2, paragraphe 7, [sous] c), du règlement de base.

[...]

(43) [A]ucun des quatre producteurs-exportateurs, à titre individuel ou en tant que groupe, n’a pu démontrer que sa situation ne faisait pas l’objet de distorsions importantes induites par le système d’économie planifiée. De ce fait, ces sociétés ou ce groupe de sociétés ne respectaient pas le troisième critère d’octroi du statut de [SEM]. Plus précisément, les quatre producteurs-exportateurs ou groupes de producteurs-exportateurs bénéficiaient de régimes fiscaux privilégiés.

[...]

(45) La Commission a communiqué les résultats de l’enquête visant à déterminer le statut de [SEM] aux sociétés concernées, aux autorités chinoises et au plaignant et les a invités à transmettre leurs observations.

(46) Les observations reçues n’étaient pas de nature à modifier les conclusions préliminaires de la Commission. Après avoir consulté les États membres conformément à l’article 2, paragraphe 7, [sous] c), [du règlement de base], tous les candidats ont été informés individuellement et officiellement, le 13 septembre 2013, de la décision finale de la Commission relative à leur demande d’octroi du statut [de SEM].

(47) Par conséquent, aucun des quatre producteurs-exportateurs ou groupes de producteurs-exportateurs coopérant à l’enquête en [Chine] et qui avait demandé le statut de [SEM] n’a pu démontrer qu’il satisfaisait aux critères énoncés à l’article 2, paragraphe 7, [sous] c), du règlement de base ; leurs demandes ont dès lors toutes été rejetées. »

13 Le 13 mai 2014, la Commission a adopté le règlement litigieux, par lequel elle a notamment confirmé, au considérant 34 de celui-ci, les constatations exposées aux considérants 34 à 47 du règlement provisoire, selon lesquelles toutes les demandes de statut de SEM devaient être rejetées. En vertu du règlement litigieux, un droit antidumping définitif de 36,1 % a été imposé sur les importations de produits de vitrage solaire fabriqués par Xinyi PV.

14 Ce droit antidumping définitif a, par la suite, été modifié et fixé à un taux de 75,4 %, en vertu du règlement d’exécution (UE) 2015/1394 de la Commission, du 13 août 2015, modifiant le règlement (UE) no 470/2014, tel que modifié par le règlement d’exécution (UE) 2015/588, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de vitrage solaire originaire de la République populaire de Chine à la suite d’une nouvelle enquête au
titre de la prise en charge des mesures menée conformément à l’article 12 du règlement no 1225/2009 (JO 2015, L 215, p. 42).

15 Parallèlement à l’enquête antidumping, une enquête antisubventions a été ouverte, le 23 avril 2013, qui a donné lieu à l’adoption du règlement d’exécution (UE) no 471/2014 de la Commission, du 13 mai 2014, instituant un droit compensateur définitif sur les importations de vitrage solaire originaire de la République populaire de Chine (JO 2014, L 142, p. 23). En vertu de l’article 1er, paragraphe 2, de ce règlement, un droit compensateur de 3,2 % a été institué sur les importations de vitrage
solaire fabriqué par Xinyi PV.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

16 Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 7 août 2014, Xinyi PV a demandé l’annulation du règlement litigieux.

17 À l’appui de son recours, Xinyi PV a invoqué quatre moyens. Seul le premier de ces moyens, tiré d’une violation de l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement de base, a été examiné par le Tribunal dans l’arrêt attaqué et présente donc un intérêt aux fins du présent pourvoi.

18 Par ce moyen, Xinyi PV faisait valoir que c’était à tort que, dans le règlement litigieux, la Commission avait considéré que ses coûts de production et sa situation financière faisaient l’objet de distorsions importantes induites par l’ancien système d’économie planifiée, au sens de l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement de base.

19 À cet égard, le Tribunal a jugé, au point 62 de l’arrêt attaqué, que force était de considérer que, sur ce point, l’appréciation de la Commission était manifestement erronée.

20 Dans un premier temps, aux points 63 à 67 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a fondé cette conclusion, en substance, sur le motif selon lequel il ne saurait être considéré que les avantages fiscaux en cause sont induits par un ancien système d’économie planifiée, en ce sens qu’ils en résultent ou qu’ils en sont consécutifs, dès lors qu’il est notoire que des pays à économie de marché, tels les États membres de l’Union, accordent également à des entreprises des avantages fiscaux prenant la forme
d’exonérations fiscales pendant une certaine période ou d’un taux d’imposition réduit, ainsi que cela ressort au demeurant de la jurisprudence de la Cour en matière d’aides d’État.

21 Aux points 68 à 78 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, dans un second temps, rejeté les arguments de la Commission, tirés de ce que, en raison de leurs caractéristiques particulières, les avantages fiscaux en cause seraient étrangers à une économie de marché, dès lors, notamment, qu’ils seraient rattachables à différents plans mis en œuvre en Chine.

22 Partant, le Tribunal a accueilli le premier moyen du recours et, en conséquence, a annulé l’article 1er du règlement litigieux en tant qu’il concernait Xinyi PV, sans examiner les autres moyens d’annulation invoqués par celle-ci.

Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

23 La Commission demande à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué ;

– de rejeter, comme dénuée de fondement en droit, la première branche du premier moyen du recours de première instance ;

– de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il réexamine la seconde branche de ce premier moyen ainsi que les deuxième à quatrième moyens du recours de première instance, et

– de réserver les dépens des deux instances.

24 Xinyi PV demande à la Cour :

– de rejeter le pourvoi et

– de condamner la requérante au pourvoi et la partie intervenante aux dépens.

25 Par ordonnance du président de la Cour du 13 octobre 2016, Commission/Xinyi PV Products (Anhui) Holdings (C‑301/16 P, non publiée, EU:C:2016:796), GMB Glasmanufaktur Brandenburg GmbH (ci-après « GMB ») a été admise à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

Sur le pourvoi

26 Au soutien de son pourvoi, la Commission invoque trois moyens, tirés, le premier, d’une erreur de droit dans l’interprétation des termes « induite par l’ancien système d’économie planifiée », figurant à l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement de base, le deuxième, d’une violation de l’obligation de motivation et, le troisième, d’irrégularités de procédure.

Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement de base, en ce que le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’interprétation des termes « induite par l’ancien système d’économie planifiée »

Argumentation des parties

27 Le premier moyen de la Commission se divise en cinq branches.

– Sur la première branche

28 Par la première branche de son premier moyen, la Commission reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en jugeant, aux points 63 et 69 de l’arrêt attaqué, qu’il ne suffit pas de démontrer qu’une mesure est destinée à la mise en œuvre d’un plan quinquennal en Chine pour la considérer comme ayant été induite par l’ancien système d’économie planifiée, au sens de l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement de base, sauf à priver cette disposition de tout effet
utile.

29 En effet, l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement de base devrait être interprété en ce sens que des avantages fiscaux destinés à la mise en œuvre d’un plan quinquennal sont toujours induits par l’ancien système d’économie planifiée.

30 Xinyi PV fait valoir, en réponse à cette première branche, qu’il ressort du point 57 de l’arrêt attaqué que l’argumentation de la Commission, selon laquelle des avantages fiscaux destinés à la mise en œuvre d’un plan quinquennal seraient toujours induits par l’ancien système d’économie planifiée, n’a été à aucun moment discutée devant le Tribunal. Il s’agirait donc d’une nouvelle allégation qui, comme telle, devrait être écartée par la Cour comme étant irrecevable.

31 Sur le fond, au point 69 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait jugé, à bon droit, que le rejet d’une demande d’octroi du statut de SEM au motif qu’il existerait un lien indirect entre les avantages fiscaux en cause et des plans mis en œuvre par la République populaire de Chine d’aujourd’hui priverait les termes « induite par l’ancien système d’économie planifiée » de tout effet utile.

– Sur la deuxième branche

32 Par la deuxième branche de son premier moyen, la Commission fait grief au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit, aux points 74 à 76 de l’arrêt attaqué, lorsqu’il a considéré que le soutien apporté à certains secteurs industriels jugés stratégiques par un pays, tel que celui de la haute technologie, constitue un objectif légitime dans une économie de marché.

33 À cet égard, la Commission soutient que, si le concept d’économie de marché autorise certaines interventions étatiques, celles-ci ont pour objectif l’intérêt général et non la sélection de « champions », laquelle consiste en la mise en avant d’un secteur économique déclaré « stratégique » par rapport à un autre, au moyen de taux d’imposition différents ou d’autres formes d’avantages. Dans une économie de marché, des aides d’État ne seraient justifiées que si elles visent à corriger des
défaillances du marché ou si elles poursuivent des finalités d’équité.

34 Xinyi PV fait valoir que cette argumentation, en ce qu’elle vise les points 75 et 76 de l’arrêt attaqué, porte sur des appréciations en principe souveraines, par le Tribunal, d’éléments de preuve qu’elle a mis à la disposition de ce dernier, lesquelles ne sauraient faire l’objet d’un examen au stade du pourvoi, la Commission n’ayant ni allégué ni démontré une dénaturation manifeste de l’un de ces éléments de preuve.

35 Lesdits points 75 et 76 serviraient uniquement à illustrer le fait que les avantages fiscaux en cause ne constituent pas des distorsions du type de celles qui sont opérées dans des économies à commerce d’État, aux fins de l’application du critère énoncé à l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement de base.

– Sur la troisième branche

36 Par la troisième branche de son premier moyen, la Commission soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, aux points 77 et 78 de l’arrêt attaqué, que l’argument de la Commission, selon lequel les avantages fiscaux en cause ont eu une incidence non exclusivement sur des coûts directement rattachés à l’objectif poursuivi, mais sur l’ensemble du résultat financier de Xinyi PV et donc sur sa situation économique globale, est pertinent uniquement pour déterminer l’importance de la
distorsion, au sens de l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement de base, mais non pas pour évaluer si ladite distorsion est induite par l’ancien système d’économie planifiée, au sens de cette même disposition.

37 Ainsi que l’aurait établi la Commission tant dans le cadre de la procédure administrative que devant le Tribunal, l’une des caractéristiques communes des régimes d’aide, dans une économie de marché, tiendrait au fait que les aides sont ciblées et limitées au financement public nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivis. En revanche, les mesures examinées en l’espèce ne seraient pas limitées de cette manière à une catégorie particulière de coûts liés à un investissement et ne seraient pas
non plus limitées dans le temps.

38 Xinyi PV fait valoir que la Commission n’apporte aucun élément de preuve à l’appui de son assertion selon laquelle les seules subventions qui existent dans les économies de marché sont celles qui sont ciblées et limitées au financement public nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivis, et ne renvoie à aucun élément présenté au Tribunal.

39 Cette argumentation serait en outre dénuée de fondement juridique, dès lors que l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement de base porte non pas sur le point de savoir si une distorsion relève d’un type de mesures acceptable dans une économie de marché, mais sur celui de savoir si elle relève d’un type de mesures qui existait dans l’ancien système d’économie planifiée.

– Sur la quatrième branche

40 Par la quatrième branche de son premier moyen, la Commission fait grief au Tribunal d’avoir jugé, aux points 66 et 67 de l’arrêt attaqué, que les régimes d’aides d’État jugés illégaux et incompatibles avec le marché intérieur dans les arrêts du 29 janvier 1998, Commission/Italie (C‑280/95, EU:C:1998:28), du 21 mars 2002, Espagne/Commission (C‑36/00, EU:C:2002:196), ainsi que du 28 juillet 2011, Diputación Foral de Vizcaya e.a./Commission (C‑471/09 P à C‑473/09 P, non publié, EU:C:2011:521), sont
comparables aux mesures fiscales examinées en l’espèce, de telle sorte que l’existence, en tant que telle, de ces mesures ne suffit pas pour que celles-ci soient considérées comme étant induites par un système d’économie planifiée.

41 Tout d’abord, les régimes d’aide en cause dans ces trois arrêts de la Cour auraient eu comme point commun d’être ciblés et limités au montant nécessaire pour atteindre l’objectif stratégique poursuivi et auraient partagé ainsi une caractéristique propre à une économie de marché. En revanche, les deux mesures examinées dans la présente affaire ne seraient pas limitées à une catégorie particulière de coûts et, en outre, le taux d’imposition réduit prévu en faveur des entreprises de haute
technologie ne serait pas limité dans le temps.

42 Ensuite, ces trois régimes d’aide invoqués auraient poursuivi un objectif stratégique caractéristique d’une économie de marché, à savoir la protection de l’environnement, la restructuration des entreprises en difficulté et le développement régional. En revanche, les mesures examinées dans la présente affaire viseraient à favoriser des secteurs stratégiques et ne poursuivraient donc pas un objectif caractéristique d’une économie de marché.

43 Enfin, selon la Commission, les bénéficiaires des aides d’État jugées illégales et incompatibles avec le marché intérieur dans les trois arrêts cités au point 66 de l’arrêt attaqué n’avaient pas eu, contrairement à Xinyi PV, le droit de conserver ces aides, dès lors que leur récupération avait été ordonnée.

44 Xinyi PV estime que les constatations faites par le Tribunal aux points 66 et 67 de l’arrêt attaqué constituent des appréciations de fait, qui ne sauraient faire l’objet d’un examen au stade du pourvoi, la Commission n’ayant ni allégué ni démontré une dénaturation manifeste d’un élément de preuve.

45 Sur le fond, la Commission ne préciserait pas en quoi les avantages fiscaux en cause ne sont pas limités au montant nécessaire à la réalisation de l’objectif qu’ils poursuivent. En tout état de cause, le critère qu’énonce l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement de base n’exigerait pas qu’il soit établi que les subventions perçues sont limitées au montant nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis par celles-ci. Par ailleurs, les avantages fiscaux en cause
viseraient bien des objectifs environnementaux.

46 GMB critique, tout d’abord, le point 66 de l’arrêt attaqué, en faisant valoir que le Tribunal confond deux notions distinctes. La notion de « distorsion importante induite par l’ancien système d’économie planifiée », en l’occurrence la République populaire de Chine, concernerait une question relevant de la législation et de la politique antidumping de l’Union, consistant à savoir si un exportateur chinois est en droit de bénéficier du statut de SEM. En revanche, la notion de « subventions ou
d’aides d’État » ferait partie d’un ensemble de règles régissant une question différente, consistant à savoir si des aides d’État, accordées dans un pays ayant une économie de marché, sont permises.

47 Ensuite, le Tribunal se serait mépris sur la différence existant entre le contrôle centralisé d’une économie et les interventions limitées et ciblées pouvant être observées dans une économie de marché, qui visent à attirer des investissements étrangers et à promouvoir l’activité économique.

48 Enfin, GMB critique le raisonnement tenu au point 67 de l’arrêt attaqué, en faisant valoir que, les avantages fiscaux en cause étant expressément et délibérément conçus pour organiser la structure de l’économie chinoise d’une manière déterminée, ceux-ci ne peuvent être considérés de manière isolée de la planification globale de l’économie chinoise, visant à manipuler les forces du marché qui opèrent au sein de celle-ci.

– Sur la cinquième branche

49 Par la cinquième branche de son premier moyen, la Commission fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en se fondant, aux points 75 et 76 ainsi qu’aux points 66 et 67 de l’arrêt attaqué, sur une interprétation erronée de la notion d’« économie planifiée », au sens de l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement de base.

50 La Commission soutient, en premier lieu, que, lorsque le Tribunal a affirmé, au point 76 de l’arrêt attaqué, qu’un système d’économie planifiée se caractérise par « un mode d’organisation économique fondé sur la propriété collective ou étatique des entreprises soumises à des objectifs de production définis par un plan centralisé », il s’est réfèré de manière erronée à la définition d’un pays à commerce d’État.

51 En effet, la notion de « système d’économie planifiée » serait plus large que celle de « pays à commerce d’État », en ce qu’elle couvrirait, notamment, les pays inclus dans la liste figurant à la note en bas de page accompagnant l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base, lesquels, pour un certain nombre d’entre eux, si ce n’est pour la plupart, seraient des économies en transition vers une économie de marché.

52 De même, s’agissant de la République populaire de Chine, ce pays, même à l’époque où il était inclus dans cette liste, avant d’être déplacé, par suite de l’adoption du règlement (CE) no 905/98 du Conseil, du 27 avril 1998, portant modification du règlement (CE) no 384/96 relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1998, L 128, p. 18), vers la catégorie des pays visés à la disposition correspondant à
l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base, était, dès l’année 1979, déjà une économie dite « en transition ».

53 Ainsi, la République populaire de Chine aurait introduit, au cours de l’année 1986, des mesures visant à attirer des investissements étrangers directs, au nombre desquelles figurait le programme « 2 Free 3 Halve », en particulier pour les entreprises étrangères du secteur de la haute technologie.

54 Partant, le Tribunal, en affirmant, au point 76 de l’arrêt attaqué, que l’objectif consistant à attirer des investissements étrangers directs est antinomique avec la notion d’« économie planifiée », aurait commis une erreur de droit, dès lors qu’il se serait fondé sur une interprétation erronée de cette notion. En effet, dans leur grande majorité si ce n’est dans leur totalité, les pays dépourvus d’une économie de marché, une fois entamées des réformes économiques, essaieraient d’attirer des
investissements étrangers, en recourant, souvent, à des exonérations fiscales telles que celles en cause au principal.

55 En second lieu, aux points 66, 67, 75 et 76 de l’arrêt attaqué, le Tribunal se serait fondé sur la prémisse selon laquelle tout ce qui peut être observé dans une économie de marché ne peut, par définition, être induit d’un système d’économie planifiée.

56 Une telle prémisse serait erronée, car, d’une part, la plupart des pays dépourvus d’une économie de marché sont des économies en transition, qui s’orientent vers une économie de marché, et, d’autre part, des distorsions provoquées par des interventions de l’État peuvent également être observées dans les économies de marché. La question décisive serait celle de savoir non pas si certains éléments peuvent également être observés dans une économie de marché, mais s’ils sont caractéristiques d’une
telle économie.

57 Xinyi PV soutient que le terme « ancien », figurant à l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement de base ne laisse place à aucun doute quant au fait que, pour apprécier les demandes d’octroi du statut de SEM déposées par des producteurs chinois à compter du 1er juillet 1998, soit à la date d’entrée en vigueur du règlement no 905/98 introduisant la possibilité d’obtenir ce statut, la Commission doit examiner s’il existe des distorsions induites par le système d’économie
planifiée qui était en vigueur avant cette date, à savoir lorsque la République populaire de Chine était encore un pays à commerce d’État traditionnel.

58 Ce serait donc à bon droit que, au point 76 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a interprété les termes « économie planifiée », figurant à l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement de base, comme signifiant « économie à commerce d’État ».

59 GMB soutient que les points 65 et 67 de l’arrêt attaqué sont entachés d’une erreur de droit. Elle souligne qu’une distorsion peut être considérée comme « induite », au sens de l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement de base, tant que l’économie chinoise n’a pas résolument abandonné l’économie planifiée pour passer à une économie de marché.

60 Or, l’économie chinoise resterait encore, à bien des égards, une économie non réformée, où les courants de contrôle étatique continueraient de jouer un rôle organisateur. Les plans quinquennaux consécutifs refléteraient un ensemble obligatoire d’instructions du gouvernement central chinois, mis en œuvre aux niveaux national, régional et local pour organiser l’économie chinoise dans la droite ligne de la planification centrale. Le modèle économique chinois n’aurait pas changé, après l’année 1998,
d’une manière significative qui permettrait de le décrire comme étant une économie de marché.

61 GMB dénonce l’approche qu’elle qualifie d’excessivement formaliste du Tribunal à l’égard de la notion de « distorsion induite par l’ancien système d’économie planifiée », en ce que celle-ci impliquerait que toute distorsion introduite par la République populaire de Chine dans son économie, postérieurement à l’année 1998, exclurait que la Commission refuse l’octroi du statut de SEM.

62 Cette société estime que le Tribunal a également commis une erreur de droit, dès lors que l’analyse adéquate des distorsions porte non pas simplement sur « l’existence » des mesures en cause en tant qu’incitants économiques, mais plutôt sur le rôle que celles-ci jouent en tant que prolongements des objectifs politiques du gouvernement central chinois. La genèse du droit antidumping de 36,1 %, puis de 75,4 %, imposé à Xinyi PV, démontrerait que les distorsions dont celle-ci a pu bénéficier dans la
poursuite des objectifs économiques planifiés du gouvernement chinois l’ont fortement aidée à réduire ses prix à un niveau plancher, en faisant abstraction de la totalité de ses coûts de production. L’inélasticité totale des prix ne se serait pas produite en l’absence des distorsions concernées.

63 GMB soutient, enfin, que le point 65 de l’arrêt attaqué est, en tout état de cause, entaché d’une erreur en ce que le programme « 2 Free 3 Halve » a été instauré par le gouvernement chinois au cours de l’année 1986 et remonte donc à une époque où la Chine ne présentait encore aucune des caractéristiques d’une économie de marché.

Appréciation de la Cour

– Observations liminaires

64 À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base, dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché, par dérogation aux règles établies à l’article 2, paragraphes 1 à 6, du même règlement, la valeur normale est, en principe, déterminée sur la base du prix ou de la valeur construite dans un pays tiers à économie de marché, c’est-à-dire selon la méthode du pays analogue. Cette disposition vise ainsi à
éviter la prise en considération des prix et des coûts en vigueur dans les pays n’ayant pas une économie de marché, dans la mesure où ces paramètres n’y sont pas la résultante normale des forces qui s’exercent sur le marché (voir, notamment, arrêt du 19 juillet 2012, Conseil/Zhejiang Xinan Chemical Industrial Group, C‑337/09 P, EU:C:2012:471, point 66).

65 Toutefois, en vertu de l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base, dans le cas d’enquêtes antidumping concernant les importations en provenance, notamment, de Chine, la valeur normale est déterminée conformément à l’article 2, paragraphes 1 à 6, de ce règlement et non pas, par conséquent, selon la méthode du pays analogue, s’il est établi, sur la base de requêtes dûment documentées, présentées par un ou plusieurs producteurs faisant l’objet de l’enquête et conformément aux critères
et aux procédures énoncés à l’article 2, paragraphe 7, sous c), dudit règlement, que les conditions d’une économie de marché prévalent pour ce ou ces producteurs, en ce qui concerne la fabrication et la vente du produit similaire concerné.

66 Ainsi que cela résulte des différents règlements dont est issu l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base, ce dispositif vise à permettre aux producteurs soumis aux conditions d’une économie de marché qui ont émergé, notamment, en Chine de bénéficier d’un statut correspondant à leur situation individuelle plutôt qu’à la situation d’ensemble du pays dans lequel ils sont établis (arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma, C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74, point 108).

67 En application des pouvoirs qui lui sont conférés par le règlement de base, il appartient à la Commission d’apprécier si les éléments fournis par le producteur concerné sont suffisants pour démontrer que les critères énoncés à l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base sont satisfaits pour lui reconnaître le bénéfice du statut de SEM, visé à l’article 2, paragraphe 7, sous b), de ce règlement, et au juge de l’Union de vérifier si cette appréciation n’est pas entachée d’une erreur
manifeste (voir en ce sens, notamment, arrêt du 19 juillet 2012, Conseil/Zhejiang Xinan Chemical Industrial Group, C‑337/09 P, EU:C:2012:471, point 70).

68 Il est constant que, en l’espèce, la demande de Xinyi PV, tendant à ce qu’elle soit admise au bénéfice du statut de SEM, a été rejetée au motif unique que cette société n’avait pas établi qu’elle satisfaisait au critère énoncé à l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement de base.

69 En vertu de ladite disposition, le producteur concerné doit présenter des preuves suffisantes, de nature à établir que ses coûts de production et sa situation financière ne font l’objet d’aucune distorsion importante, induite par l’ancien système d’économie planifiée, notamment en relation avec l’amortissement des actifs, d’autres annulations comptables, le troc ou les paiements sous forme de compensation de dettes.

70 Il ressort du libellé de cette disposition, ainsi que l’a également relevé le Tribunal au point 46 de l’arrêt attaqué, que celle-ci impose deux conditions cumulatives, tenant, l’une, à l’existence d’une distorsion importante des coûts de production et de la situation financière de l’entreprise en cause et, l’autre, au fait que ladite distorsion se révèle être induite par l’ancien système d’économie planifiée.

71 L’arrêt attaqué ne porte que sur la seconde de ces deux conditions, le Tribunal s’étant limité à examiner, puis à accueillir, la branche du premier moyen invoqué par Xinyi PV, tirée de ce que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que les avantages fiscaux prévus par la réglementation chinoise dont Xinyi PV avait bénéficié devaient être qualifiés de distorsion « induite par l’ancien système d’économie planifiée », au sens de l’article 2, paragraphe 7,
sous c), troisième tiret, du règlement de base.

– Sur la cinquième branche

72 Par la cinquième branche de son premier moyen, qu’il convient d’examiner en premier lieu, la Commission conteste l’interprétation, retenue par le Tribunal au point 76 de l’arrêt attaqué, de la seconde condition posée à l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement de base, en faisant valoir, en substance, que c’est à tort que le Tribunal a jugé que les termes « ancien système d’économie planifiée », au sens de l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement
de base, se réfèrent à un « mode d’organisation économique fondé sur la propriété collective ou étatique des entreprises soumises à des objectifs de production définis par un plan centralisé ».

73 Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que, devant le Tribunal, Xinyi PV avait soutenu, notamment, que les avantages fiscaux dont elle avait bénéficié ne pouvaient être considérés comme relevant d’un système dans lequel le commerce fait l’objet d’un monopole complet ou presque complet et où les prix intérieurs sont fixés par l’État, c’est-à-dire d’un pays à commerce d’État.

74 Il s’ensuit, ce qui du reste n’a été contesté par aucune des parties devant la Cour, que, aux fins de la définition des termes « ancien système d’économie planifiée », figurant à l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement de base, le Tribunal s’est spécifiquement référé, au point 76 de l’arrêt attaqué, à un système économique d’un pays à commerce d’État.

75 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, ainsi que l’énoncent les quatrième et cinquième considérants du règlement no 905/98, l’introduction du dispositif ultérieurement repris, notamment, à l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement de base, a été motivée par le fait que les réformes entreprises en Chine ont fondamentalement modifié l’économie de ce pays et ont abouti à l’émergence d’entreprises soumises aux conditions d’une économie de marché, de telle sorte que ledit pays s’est
détourné du système économique qui avait justifié le recours systématique à la méthode du pays analogue (arrêt du 19 juillet 2012, Conseil/Zhejiang Xinan Chemical Industrial Group, C‑337/09 P, EU:C:2012:471, point 68).

76 Toutefois, dans la mesure où, malgré ces réformes, la République populaire de Chine ne constitue toujours pas un pays à économie de marché, aux exportations duquel s’appliqueraient automatiquement les règles établies à l’article 2, paragraphes 1 à 6, du règlement de base, il incombe, en vertu de l’article 2, paragraphe 7, sous c), de ce dernier, à chaque producteur qui souhaite bénéficier de ces règles d’apporter des preuves suffisantes, telles que spécifiées à cette dernière disposition, qu’il
opère dans les conditions d’une économie de marché justifiant l’octroi du statut de SEM (arrêt du 19 juillet 2012, Conseil/Zhejiang Xinan Chemical Industrial Group, C‑337/09 P, EU:C:2012:471, point 69).

77 Partant, il y a lieu de considérer que les termes « ancien système d’économie planifiée », tels que figurant à l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement de base, renvoient à l’ancien système économique qui avait justifié l’utilisation systématique de la méthode du pays analogue à l’égard des producteurs chinois, mais duquel la République populaire de Chine s’est détourné.

78 Or, il est notoire que, bien avant le 1er juillet 1998, date d’entrée en vigueur du règlement no 905/98, qui a introduit le dispositif ultérieurement repris, notamment, à l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement de base, le système économique prévalant en Chine n’était déjà plus celui d’un pays à commerce d’État. En effet, il était celui d’un pays, qui, bien que toujours dépourvu d’une économie de marché, avait déjà fait l’objet de certaines réformes réduisant le contrôle de l’État,
mais dont l’économie, dans un grand nombre de secteurs, demeurait caractérisée, notamment, par le rôle central joué par les plans quinquennaux.

79 Il est d’ailleurs constant, ainsi que l’a également relevé M. l’avocat général au point 59 de ses conclusions, que l’objectif poursuivi par l’introduction dudit dispositif consistait à reconnaître les réformes déjà accomplies dans certains secteurs de l’économie chinoise et à encourager des réformes plus fondamentales encore, afin que, dans un futur relativement proche, dans tous les secteurs de cette économie, les coûts auxquels sont soumis les producteurs et les prix qu’ils pratiquent ne soient
plus déterminés ou significativement influencés par l’État, mais soient, pour l’essentiel, la résultante du libre jeu de l’offre et de la demande.

80 Toutefois, entre temps, en vertu de l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement de base, la méthode du pays analogue continue à s’appliquer par défaut au calcul de la valeur normale, dans la mesure où ce n’est que si un producteur démontre, à suffisance de droit, qu’il remplit l’ensemble des cinq conditions fixées à l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base que cette méthode ne lui sera pas appliquée et que la Commission sera tenue de calculer la valeur normale,
s’agissant de ce producteur, conformément à la méthode prévue à l’article 2, paragraphes 1 à 6, du règlement de base, pour des importations en provenance de pays ayant une économie de marché.

81 La conclusion selon laquelle les termes « ancien système d’économie planifiée », tels que figurant à l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement de base renvoient non pas nécessairement et spécifiquement au système économique historique d’un pays à commerce d’État, mais, de manière plus générale, à un système économique dépourvu d’une économie de marché, qui, le cas échéant, a déjà connu certaines réformes, est confortée par le fait que, dans plusieurs versions linguistiques
de cette disposition, figurent différentes expressions, telles que « système économique antérieur dans lequel l’économie n’est pas assujettie aux lois du marché » (« sistema anterior de economia no sujeta a las leyes del mercado » en langue espagnole), « ancien système dépourvu d’une économie de marché » (« former non-market economy system » en langue anglaise) ou encore « ancien système économique centralisé » (« antigo sistema de economia centralizada » en langue portugaise).

82 De même, cette conclusion est corroborée par la circonstance que, ainsi que l’a également relevé, en substance, M. l’avocat général aux points 70 à 73 de ses conclusions, le mot « induite » qui précède les termes « par l’ancien système d’économie planifiée », doit, compte tenu de la ratio legis des dispositions relatives au statut de SEM, être compris en ce sens que cet ancien système doit avoir amené ou conduit aux distorsions en cause ou, en d’autres termes, en ce sens que les avantages
concernés doivent découler d’un tel système, comme l’a d’ailleurs jugé le Tribunal au point 64 de l’arrêt attaqué, au vu d’une comparaison de certaines versions linguistiques du règlement de base.

83 Enfin, cette conclusion est confortée par la finalité de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base, laquelle vise à assurer que le producteur opère dans les conditions d’une économie de marché et, notamment, que les coûts auxquels il est soumis et les prix qu’il pratique sont la résultante du libre jeu des forces du marché (arrêt du 19 juillet 2012, Conseil/Zhejiang Xinan Chemical Industrial Group, C‑337/09 P, EU:C:2012:471, point 82).

84 En effet, par rapport à cette finalité, il est indifférent, aux fins de l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, de ce règlement, que le système économique en cause soit une économie à commerce d’État ou un autre type d’économie dépourvue d’une économie de marché.

85 Il s’ensuit que l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement de base doit être compris en ce sens qu’il impose au producteur d’établir, à suffisance de droit, que ses coûts de production et sa situation financière ne font l’objet d’aucune distorsion importante découlant d’un système économique dépourvu d’une économie de marché, qui, le cas échéant, est un système déjà en transition, pour certains secteurs, vers un système d’économie de marché.

86 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que, en se référant, au point 76 de l’arrêt attaqué, aux fins de la définition des termes « ancien système d’économie planifiée », figurant à l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement de base, à un système économique d’un pays à commerce d’État, le Tribunal a commis une erreur de droit.

87 Partant, il y a lieu d’accueillir la cinquième branche du premier moyen.

– Sur la première branche

88 Par la première branche de son premier moyen, qu’il convient d’examiner en deuxième lieu, la Commission reproche, en substance, au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en jugeant, aux points 63 et 69 de l’arrêt attaqué, qu’il ne suffit pas de démontrer qu’une mesure est rattachable à un plan mis en œuvre en Chine pour considérer celle-ci comme ayant été induite par l’ancienne économie planifiée, au sens de l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement de base, sauf à
priver cette disposition de tout effet utile.

89 À cet égard, il y a lieu de rejeter, à titre liminaire, l’exception soulevée par Xinyi PV, selon laquelle cette argumentation de la Commission serait irrecevable, dès lors qu’il s’agirait d’une nouvelle allégation qui n’aurait pas été discutée devant le Tribunal.

90 La Commission est, en effet, recevable à former un pourvoi en faisant valoir, devant la Cour, des moyens nés de l’arrêt attaqué lui-même et qui visent à en critiquer, en droit, le bien-fondé (voir en ce sens, notamment, arrêt du 10 avril 2014, Commission e.a./Siemens Österreich e.a., C‑231/11 P à C‑233/11 P, EU:C:2014:256, point 102). Par ailleurs, il ressort des points 52 et 53 de l’arrêt attaqué que l’argument en cause a été soulevé par la Commission devant le Tribunal, de telle sorte que
celui-ci était tenu d’y répondre.

91 Sur le fond, il y a lieu de relever, à titre liminaire, que, contrairement à ce que soutient Xinyi PV, le Tribunal ne s’est pas fondé, au point 69 de l’arrêt attaqué, sur la considération selon laquelle les plans quinquennaux établis par la République populaire de Chine d’aujourd’hui ne sont pas comparables à ceux mis en œuvre lorsque ce pays était encore une économie à commerce d’État.

92 En effet, audit point, le Tribunal a rejeté l’argument tiré, par la Commission, « du rattachement indirect des avantages fiscaux en cause à différents plans mis en œuvre en Chine », au motif que celui-ci « procède d’un formalisme excessif, la survivance de ces plans n’impliquant pas nécessairement que lesdits régimes étaient induits par l’ancienne économie planifiée en Chine, sauf à considérer que toutes les mesures adoptées en Chine et rattachables à un plan sont induites par son ancienne
économie planifiée, ce qui priverait l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement de base de tout effet utile ».

93 Par ailleurs, au point 76 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que le recours à des plans centralisés définissant des objectifs de production caractérise un système d’économie planifiée.

94 À cet égard, il y a lieu de constater que, à supposer que, dorénavant, les plans quinquennaux chinois ne prévoient plus, pour tous les secteurs de l’économie, des objectifs de production définis, ainsi que c’était le cas à l’époque où la République populaire de Chine était encore un pays à commerce d’État, il n’en demeure pas moins que, ainsi que l’a également relevé, en substance, M. l’avocat général aux points 89 et 99 de ses conclusions, il est notoire que ces plans jouent encore, même après
les réformes qu’a connu le système économique chinois, un rôle fondamental dans l’organisation de cette économie, en ce qu’ils contiennent, pour un grand nombre de secteurs, des objectifs précis, qui ont un caractère contraignant pour tous les niveaux gouvernementaux.

95 Partant, dans la mesure où, ainsi qu’il a déjà été dit au point 85 du présent arrêt, le critère énoncé à l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement de base impose au producteur d’établir, à suffisance de droit, que ses coûts de production et sa situation financière ne font l’objet d’aucune distorsion importante découlant d’un système économique dépourvu d’une économie de marché, qu’il s’agisse d’un système à commerce d’État ou d’un système en transition vers une économie de
marché, le rattachement d’une mesure, telle que celle en cause en l’espèce, consistant à octroyer des avantages fiscaux aux investissements étrangers dans des secteurs jugés stratégiques, tels que les hautes technologies, à différents plans mis en œuvre en Chine est suffisant pour présumer que cette mesure constitue une distorsion « induite par l’ancien système d’économie planifiée », au sens de cette disposition.

96 Par ailleurs, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal au point 69 de l’arrêt attaqué, cette présomption ne prive pas l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement de base de tout effet utile.

97 En effet, outre le fait qu’elle ne s’applique qu’à des mesures qui sont effectivement liées à un plan quinquennal, le producteur concerné peut renverser cette présomption s’il démontre, à suffisance de droit, que la mesure en cause n’est pas intrinsèquement contraire à une économie de marché.

98 En tout état de cause, ledit producteur conserve la possibilité de démontrer que cette mesure, telle qu’elle lui a été appliquée, ne comporte pas une distorsion pouvant être qualifiée d’« importante », au sens de cette même disposition.

99 Il s’ensuit que les considérations figurant au point 69 de l’arrêt attaqué sont entachées d’une erreur de droit.

100 Par conséquent, il y a lieu de conclure que la première branche du premier moyen du pourvoi est également fondée.

– Sur les deuxième et quatrième branches

101 Par les deuxième et quatrième branches de son premier moyen, qu’il convient d’examiner conjointement en troisième lieu, la Commission reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en jugeant, aux points 66, 67, 75 et 76 de l’arrêt attaqué, qu’il ne saurait être considéré que les avantages fiscaux en cause sont induits par un ancien système d’économie planifiée, au sens de l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement de base, dès lors que, d’une part, il est notoire
que des pays à économie de marché, tels les États membres de l’Union, accordent également à des entreprises des avantages fiscaux ayant pour objectif d’attirer des investissements étrangers dans des secteurs jugés stratégiques, tels que celui des hautes technologies, et, d’autre part, un tel objectif s’avère, à tout le moins en théorie, antinomique avec un mode d’organisation économique fondé sur la propriété collective ou étatique des entreprises soumises à des objectifs de production définis
par un plan centralisé, ce qui caractérise un système d’économie planifiée.

102 Si, ainsi que le soutient Xinyi PV, il n’appartient certes pas à la Cour de vérifier, au stade du pourvoi, la constatation, de nature essentiellement factuelle, opérée auxdits points de l’arrêt attaqué, selon laquelle des avantages fiscaux de la même nature que ceux dont a bénéficié ce producteur existent également dans des pays ayant une économie de marché, tels les États membres de l’Union, la Commission est, en revanche, recevable à critiquer, dans son pourvoi, la conclusion qu’en a tirée le
Tribunal, sous forme de qualification juridique de ces faits, à savoir qu’il ne saurait être considéré que ces avantages constituent une distorsion « induite par l’ancien système d’économie planifiée », au sens de l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement de base.

103 Or, force est de constater que cette critique est fondée.

104 En effet, ainsi que l’a également relevé, en substance, M. l’avocat général aux points 95 à 99 de ses conclusions, dès lors qu’il n’est pas contesté que les avantages fiscaux en cause peuvent être rattachés à différents plans mis en œuvre en Chine et que ce pays, malgré les réformes de son modèle économique, est toujours considéré, ainsi qu’il ressort du dispositif prévu à l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement de base, comme étant, en principe, un pays dépourvu d’une économie de
marché, le contexte dans lequel ces avantages fiscaux interviennent est radicalement différent de celui dans lequel des mesures éventuellement similaires opèrent dans des pays à économie de marché.

105 À cet égard, s’agissant des États membres de l’Union, il y a lieu de rappeler que de tels avantages fiscaux sont, en principe, incompatibles avec le marché intérieur et partant interdits s’ils peuvent être qualifiés d’« aides d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ce qui requiert que les quatre conditions posées à cette disposition soient remplies (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a., C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981,
point 53).

106 Par ailleurs, ainsi que l’a également soutenu la Commission sans être contredite sur ce point, dans les trois arrêts mentionnés par le Tribunal au point 66 de l’arrêt attaqué, étaient concernées des aides fiscales jugées illégales et incompatibles avec le droit de l’Union, devant être récupérées auprès de leurs bénéficiaires et cela alors même que l’octroi de celles-ci avait été assorti de certaines limitations, en vue de la réalisation d’objectifs précis. En revanche, en l’espèce, les avantages
fiscaux octroyés le sont en faveur de secteurs stratégiques définis largement et ne sont pas limités dans le temps et il n’apparaît pas que l’octroi des aides fasse l’objet d’un contrôle étatique exposant leurs bénéficiaires au risque d’une récupération de celles-ci.

107 Pour ce qui concerne le système économique particulier prévalant en Chine, tel qu’il est visé par le dispositif prévu à l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement de base, à savoir un système économique en transition vers une économie de marché, mais qui est toujours considéré comme étant, par défaut, un système dépourvu d’une économie de marché si, ainsi que cela est le cas en l’espèce, les avantages fiscaux en cause sont rattachables à différents plans mis en œuvre en Chine, il ne
saurait être considéré que ces avantages sont antinomiques avec un tel système.

108 Au contraire, ainsi que l’a également relevé M. l’avocat général au point 104 de ses conclusions, dès lors que les avantages fiscaux concernés mettent en œuvre un plan quinquennal, élément caractéristique des économies planifiées et fondamental dans l’organisation économique chinoise, la Commission pouvait présumer que ces mesures avaient été « induite[s] par l’ancien système d’économie planifiée ».

109 Partant, il doit être conclu au bien-fondé des deuxième et quatrième branches du premier moyen de la Commission.

110 Il s’ensuit, sans qu’il soit besoin d’examiner la troisième branche du premier moyen, que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation en refusant d’octroyer à Xinyi PV le statut de SEM, sur le fondement de la considération selon laquelle les distorsions résultant de ces mesures n’étaient pas « induites par l’ancien système d’économie planifiée », au sens de l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement
de base.

111 Par conséquent, le premier moyen de la Commission étant fondé dans ses première, deuxième, quatrième et cinquième branches, il y a lieu d’annuler l’arrêt attaqué, sans qu’il soit besoin d’examiner les deuxième et troisième moyens du pourvoi.

Sur le recours devant le Tribunal

112 Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, cette dernière, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, peut statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

113 Tel n’est pas le cas en l’espèce, le Tribunal ayant fait droit au recours en annulation de Xinyi PV sans avoir examiné la seconde branche du premier moyen ni les deuxième à quatrième moyens invoqués devant lui. Il y a lieu, par conséquent, de renvoyer l’affaire au Tribunal.

Sur les dépens

114 L’affaire étant renvoyée devant le Tribunal, il convient de réserver les dépens.

  Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête :

  1) L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 16 mars 2016, Xinyi PV Products (Anhui) Holdings/Commission (T‑586/14, EU:T:2016:154), est annulé.

  2) L’affaire est renvoyée au Tribunal de l’Union européenne.

  3) Les dépens sont réservés.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : C-301/16
Date de la décision : 28/02/2018
Type d'affaire : Pourvoi - fondé
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi – Politique commerciale – Dumping – Importations de vitrage solaire originaire de Chine – Règlement (CE) no 1225/2009 – Article 2, paragraphe 7, sous b) et c) – Statut d’entreprise opérant dans les conditions d’une économie de marché – Notion de “distorsion importante induite par l’ancien système d’économie planifiée”, au sens de l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret – Avantages fiscaux.

Politique commerciale

Relations extérieures

Dumping


Parties
Demandeurs : Commission européenne
Défendeurs : Xinyi PV Products (Anhui) Holdings Ltd.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mengozzi
Rapporteur ?: Prechal

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2018:132

Source

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