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07/02/2018 | CJUE | N°C-142/17

CJUE | CJUE, Ordonnance de la Cour, Manuela Maturi e.a. contre Fondazione Teatro dell'Opera di Roma, Fondazione Teatro dell’Opera di Roma contre Manuela Maturi e.a. et Catia Passeri contre Fondazione Teatro dell’Opera di Roma., 07/02/2018, C-142/17


ORDONNANCE DE LA COUR (dixième chambre)

7 février 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Politique sociale – Égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail – Directive 2006/54/CE – Réglementation nationale prévoyant la possibilité temporaire pour les travailleurs du spectacle ayant atteint l’âge de la retraite de continuer à exercer jusqu’à l’âge précédemment prévu pour le droit à la pension, fixé à 47 ans pour les femmes et 52 ans pour les hommes

 »

Dans les affaires jointes C‑142/17 et C‑143/17,

ayant pour objet des demandes de décision préjudici...

ORDONNANCE DE LA COUR (dixième chambre)

7 février 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Politique sociale – Égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail – Directive 2006/54/CE – Réglementation nationale prévoyant la possibilité temporaire pour les travailleurs du spectacle ayant atteint l’âge de la retraite de continuer à exercer jusqu’à l’âge précédemment prévu pour le droit à la pension, fixé à 47 ans pour les femmes et 52 ans pour les hommes »

Dans les affaires jointes C‑142/17 et C‑143/17,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie), par décisions du 15 février 2017, parvenues à la Cour le 20 mars 2017, dans les procédures

Manuela Maturi,

Laura Di Segni,

Isabella Lo Balbo,

Maria Badini,

Loredana Barbanera

contre

Fondazione Teatro dell’Opera di Roma,

et

Fondazione Teatro dell’Opera di Roma

contre

Manuela Maturi,

Laura Di Segni,

Isabella Lo Balbo,

Maria Badini,

Loredana Barbanera,

Luca Troiano,

Mauro Murri (C‑142/17),

et

Catia Passeri

contre

Fondazione Teatro dell’Opera di Roma (C‑143/17),

LA COUR,

composée de M. E. Levits, président de chambre, M. A. Borg Barthet et Mme M. Berger (rapporteur), juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1 Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2006, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail (JO 2006, L 204 p. 23), et de l’article 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

2 Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant notamment plusieurs travailleurs employés en qualité de danseuses à la Fondazione Teatro dell’Opera di Roma (ci-après la « fondation ») au sujet de leur licenciement en raison du fait qu’elles avaient atteint l’âge limite de maintien en activité.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 L’article 1er de la directive 2006/54, intitulé « Objet », dispose :

« La présente directive vise à garantir la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail.

À cette fin, elle contient des dispositions destinées à mettre en œuvre le principe de l’égalité de traitement en ce qui concerne :

a) l’accès à l’emploi, y compris la promotion, et à la formation professionnelle ;

b) les conditions de travail, y compris les rémunérations ;

c) les régimes professionnels de sécurité sociale.

Elle comprend également des dispositions visant à faire en sorte que la mise en œuvre de ce principe soit rendue plus effective par l’établissement de procédures appropriées. »

4 L’article 2 de cette directive, intitulé « Définitions », est libellé comme suit :

« 1.   Aux fins de la présente directive, on entend par :

a) “discrimination directe” : la situation dans laquelle une personne est traitée de manière moins favorable en raison de son sexe qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable ;

b) “discrimination indirecte” : la situation dans laquelle une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre désavantagerait particulièrement des personnes d’un sexe par rapport à des personnes de l’autre sexe, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour parvenir à ce but soient appropriés et nécessaires ;

[...] »

5 Aux termes de l’article 3 de ladite directive 2006/54, intitulé « Mesures positives » :

« Les États membres peuvent maintenir ou adopter des mesures au sens de l’article 141, paragraphe 4, du traité, pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle. »

6 L’article 14, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/54 dispose :

« Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe est proscrite dans les secteurs public ou privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne :

[...]

c) les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement ainsi que la rémunération, comme le prévoit l’article 141 du traité ».

Le droit italien

7 En application de la législation italienne, le travailleur ayant atteint l’âge de départ à la retraite peut être licencié ad nutum par son employeur, à savoir sans que ce dernier soit tenu de fournir de justification à cet égard.

8 Selon la juridiction de renvoi, l’âge de départ à la retraite des travailleurs du secteur des spectacles appartenant à la catégorie des danseurs était de 47 ans pour les femmes et de 52 ans pour les hommes. Elle expose que l’article 3, paragraphe 7, du décret-loi no 64, du 30 avril 2010, converti en loi no 100, du 29 juin 2010, dans sa version en vigueur à la date des faits en cause au principal (ci-après le « décret-loi no 64/2010 »), a modifié ces limites d’âge pour les travailleurs des deux
sexes, en fixant une limite d’âge commune de maintien en activité à 45 ans révolus.

9 Cette disposition a également instauré au profit de ces derniers une option transitoire, applicable pendant une période de deux années qui courrait à compter de la date d’entrée en vigueur de ladite disposition, en vertu de laquelle ils pouvaient demeurer en activité au-delà de cet âge limite commun. Ainsi, lesdits travailleurs employés à durée indéterminée ayant atteint ou dépassé l’âge de départ à la retraite nouvellement fixé pouvaient poursuivre leur activité professionnelle jusqu’à l’âge
limite de départ à la retraite antérieurement en vigueur, à savoir 47 ans pour les femmes et 52 ans pour les hommes, en exerçant ladite option, renouvelable annuellement, dans un délai de deux mois à compter de la date d’entrée en vigueur de ladite disposition ou au moins trois mois avant l’acquisition du droit définitif à la retraite.

Les litiges au principal et la question préjudicielle

10 À titre liminaire, il convient de préciser que les litiges au principal opposent des travailleurs employés en qualité de danseuses et de danseurs à la fondation, leur employeur. Toutefois, ainsi que cela ressort des décisions de renvoi et a été confirmé par la juridiction de renvoi à la suite d’une demande d’éclaircissement de la Cour, la situation des travailleurs de sexe masculin est sans incidence sur les questions posées dans les présentes demandes de décision préjudicielle. Dès lors, il
convient de ne retenir en l’occurrence que la situation des travailleuses concernées.

11 Ces dernières étaient employées par la fondation jusqu’au 31 mars 2014, date à laquelle elles ont été licenciées au motif qu’elles avaient atteint la limite d’âge de départ à la retraite. La rupture de leur contrat de travail est fondée sur l’article 3, paragraphe 7, du décret-loi no 64/2010.

12 Elles ont saisi le Tribunale di Roma (tribunal de Rome, Italie) d’un recours tendant à l’annulation de leur licenciement, à leur réintégration dans leur poste de travail et à la condamnation de leur employeur à leur réparer le préjudice causé. Elles estimaient que leur licenciement était illégal, au motif qu’elles avaient exercé l’option leur permettant de poursuivre leur activité professionnelle, prévue à l’article 3, paragraphe 7, du décret-loi no 64/2010, laquelle serait renouvelée
annuellement au moins 3 mois avant que l’âge légal limite de maintien en activité ne soit atteint.

13 Le juge saisi a accueilli les recours.

14 À la suite de l’appel interjeté par la fondation, la Corte d’appello di Roma (cour d’appel de Rome, Italie) a rejeté les prétentions des travailleuses en cause au principal. Cette juridiction a considéré que l’article 3, paragraphe 7, du décret-loi no 64/2010 ne méconnaissait pas le droit de l’Union, au motif que, tout en ayant abaissé à 45 ans l’âge de mise à la retraite, cette disposition accordait au personnel ayant atteint cet âge avant l’entrée en vigueur de ladite disposition ou durant la
période comprise entre le 1er juillet 2010 et le 1er juillet 2012, le droit de bénéficier de l’âge limite de maintien en activité prévu par la réglementation nationale antérieurement en vigueur, à savoir 47 ans pour les femmes et 52 ans pour les hommes.

15 Selon la Corte d’appello di Roma (cour d’appel de Rome), le législateur national avait eu l’intention d’introduire des modalités d’accès graduel au nouvel âge limite de maintien en activité pour les travailleurs qui, proches de ce nouvel âge, étaient exposés au changement soudain, dans un sens restrictif, du régime précédent. Dès lors, selon cette juridiction, il n’existe aucune incompatibilité entre la norme en question et les principes du droit de l’Union, même en tenant compte de la nature
transitoire de la disposition et du cercle restreint des destinataires.

16 Les travailleuses en cause au principal ont formé un pourvoi contre cet arrêt devant la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie) en invoquant notamment l’incompatibilité de l’article 3, paragraphe 7, du décret-loi no 64/2010 avec l’article 157 TFUE, l’article 21 de la Charte et la directive 2006/54.

17 La fondation a également formé un pourvoi devant la juridiction de renvoi contre l’arrêt de la Corte d’appello di Roma (cour d’appel de Rome), du 14 octobre 2015.

18 En soulignant que l’issue des litiges au principal dépend de l’interprétation qu’il conviendra de retenir de la notion de « non-discrimination fondée sur le sexe », prévue à la directive 2006/54 et à l’article 21 de la Charte, la juridiction de renvoi se demande si l’article 3, paragraphe 7, du décret-loi no 64/2010 est compatible avec les dispositions du droit de l’Union invoquées par les requérantes.

19 C’est dans ces conditions que la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour, dans chacune des affaires, la question préjudicielle suivante :

« Le principe de non-discrimination fondée sur le sexe, prévu par la directive 2006/54 et la Charte (article 21), fait-il obstacle à la réglementation nationale prévue à l’article 3, paragraphe 7, du [décret-loi no 64/2010] et selon laquelle “pour les travailleurs du secteur des spectacles appartenant à la catégorie des danseurs, l’âge de la retraite est fixé pour les hommes et les femmes à 45 ans révolus, avec application pour les travailleurs auxquels s’applique intégralement le système de
contribution ou le système mixte, du coefficient de conversion prévu à l’article 1er, sixième alinéa, de la loi du 8 août 1995, no 335 relatif à l’âge maximal. Pour les deux années suivant la date d’entrée en vigueur de la présente disposition, les travailleurs mentionnés à l’alinéa précédent, employés à durée indéterminée et qui ont atteint ou dépassé l’âge de la retraite, se voient accorder la faculté d’exercer l’option, renouvelable annuellement, de rester en service. Cette option doit être
exercée à travers une demande formelle à présenter à l’ente nazionale di previdenza e assistenza per i lavoratori dello spettacolo (ENPALS) (organisme national de prévoyance et d’assistance pour les intermittents du spectacle) dans un délai de deux mois à compter de la date d’entrée en vigueur de la présente disposition ou au moins trois mois avant l’acquisition du droit définitif à la retraite, et ce sans préjudice de l’âge de la retraite maximal de 47 ans pour les femmes et de 52 ans pour les
hommes” ? »

20 Par une décision du président de la Cour du 27 avril 2017, les affaires C‑142/17 et C‑143/17 ont été jointes aux fins des procédures écrite et orale ainsi que de l’arrêt.

Sur la question préjudicielle

21 En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à une telle question ne laisse place à aucun doute raisonnable, la Cour peut à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée.

22 Il y a lieu de faire application de cette disposition dans le cadre des présentes affaires.

23 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 14, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/54 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle prévue à l’article 3, paragraphe 7, du décret-loi no 64/2010, en vertu de laquelle les travailleurs, employés en qualité de danseurs, ayant atteint l’âge de départ à la retraite fixé par cette réglementation à 45 ans pour les femmes comme pour les hommes, ont la faculté
d’exercer, pendant une période transitoire de deux ans, une option leur permettant de poursuivre l’exercice de leur activité professionnelle jusqu’à l’âge limite de maintien en activité prévu par la réglementation antérieurement en vigueur, fixé à 47 ans pour les femmes et à 52 ans pour les hommes.

24 Il convient de constater, à titre liminaire, que la Cour a jugé que la question des conditions d’octroi de la pension de retraite, d’une part, et celle des conditions de cessation de la relation de travail, d’autre part, sont distinctes (voir, notamment, arrêt du 18 novembre 2010, Kleist, C‑356/09, EU:C:2010:703, point 24).

25 S’agissant de ces dernières, l’article 14, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/54 prévoit que l’application du principe d’égalité de traitement en ce qui concerne les conditions de licenciement implique l’absence de toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe dans les secteurs public ou privé, y compris les organismes publics.

26 À cet égard, relève de la notion de « licenciement », au sens de cette disposition, notion qui doit être entendue dans un sens large, la cessation de la relation de travail au motif que le travailleur a atteint l’âge limite de maintien en activité fixé par la réglementation nationale, dans le cadre d’une politique générale de mise à la retraite menée par un employeur, même si ce départ entraîne l’octroi d’une pension de retraite (voir, en ce sens, arrêt du 18 novembre 2010, Kleist, C‑356/09,
EU:C:2010:703, point 26).

27 Il s’ensuit qu’une affaire, telle que celles en cause au principal, dans lesquelles les travailleuses concernées ont, conformément à la réglementation nationale, été mises d’office à la retraite par leur employeur au motif qu’elles avaient atteint l’âge limite de maintien en activité, porte sur les conditions de licenciement, au sens de l’article 14, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/54 (voir, en ce sens, arrêt du 18 novembre 2010, Kleist, C‑356/09, EU:C:2010:703, point 27).

28 La Cour a déjà jugé, en ce qui concerne la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (JO L 39, p. 40), laquelle a été abrogée par la directive 2006/54, qu’une politique générale de licenciement impliquant le licenciement d’une salariée au seul motif qu’elle a atteint ou dépassé
l’âge auquel elle a droit à une pension de retraite, lequel est différent pour les hommes et pour les femmes en vertu de la législation nationale, constitue une discrimination fondée sur le sexe interdite par la directive 76/207 (arrêt du 18 novembre 2010, Kleist, C‑356/09, EU:C:2010:703, point 28).

29 Une telle interprétation est également applicable à une réglementation nationale, telle que celle figurant à l’article 3, paragraphe 7, du décret-loi no 64/2010, qui prévoit que les travailleurs ayant atteint l’âge limite de maintien en activité peuvent, pendant une période transitoire, exercer une option leur permettant de poursuivre leur activité professionnelle, lorsque l’âge auquel le contrat de travail prend définitivement fin est différent selon que le travailleur concerné est un homme ou
une femme.

30 À cet égard, il convient de relever, en premier lieu, que, conformément à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/54, une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable en raison de son sexe qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable.

31 En l’occurrence, il résulte de l’article 3, paragraphe 7, du décret-loi no 64/2010, que, pendant une période de deux années qui courrait à compter de la date d’entrée en vigueur de cette disposition, les danseurs employés à durée indéterminée ayant atteint ou dépassé l’âge de départ à la retraite nouvellement fixé, se voyaient accorder la faculté d’exercer l’option de poursuivre leur activité professionnelle, renouvelable annuellement, dans un délai de deux mois à compter de la date d’entrée en
vigueur de ladite disposition ou au moins trois mois avant l’acquisition du droit définitif à la retraite, jusqu’à l’âge limite de départ à la retraite antérieurement en vigueur, à savoir 47 ans pour les femmes et 52 ans pour les hommes.

32 Il ressort de cette disposition que les modalités d’exercice de l’option en cause dépendent du sexe des travailleurs.

33 En deuxième lieu, il convient d’examiner si, dans un contexte tel que celui régi par ladite disposition, les travailleurs de sexe féminin âgés de 45 ans ou plus se trouvent dans une situation comparable, au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/54, à celle des travailleurs de sexe masculin de la même tranche d’âge.

34 Les éléments qui caractérisent différentes situations et, ainsi, leur caractère comparable doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but des dispositions en cause, étant entendu qu’il doit être tenu compte, à cet effet, des principes et des objectifs du domaine dont relève l’acte en cause (voir, notamment, arrêt du 26 octobre 2017, BB construct, C‑534/16, EU:C:2017:820, point 43 et jurisprudence citée).

35 Dans les affaires au principal, la réglementation établissant la différence de traitement en cause a pour objet de régir les conditions dans lesquelles il est mis fin à la relation de travail des travailleurs concernés.

36 Or, dans ce contexte, aucune circonstance susceptible de conférer à la situation des travailleurs de sexe féminin un caractère spécifique par rapport à celle des travailleurs de sexe masculin ne peut être identifiée. Partant, les travailleurs de sexe féminin concernés se trouvent dans une situation comparable, au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/54, à celle des travailleurs de sexe masculin du même âge en ce qui concerne les conditions de cessation de la relation
de travail. En conséquence, une telle disposition instaure une différence de traitement directement fondée sur le sexe.

37 Dans ces circonstances, une différence de traitement directement fondée sur le sexe telle que celle instaurée par la réglementation nationale en cause au principal constitue une discrimination directe fondée sur le sexe, au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/54 (voir, en ce sens, arrêt du 18 novembre 2010, Kleist, C‑356/09, EU:C:2010:703, point 42).

38 À cet égard, il convient de rappeler que la directive 2006/54 opère une distinction entre, d’une part, les discriminations directement fondées sur le sexe et, d’autre part, celles dites « indirectes », en ce sens que les premières ne peuvent pas être justifiées par un but légitime. En revanche, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, sous b), de ladite directive, les dispositions, critères ou pratiques susceptibles de constituer des discriminations indirectes peuvent échapper à la qualification de
discrimination à condition d’être « objectivement justifié[es] par un but légitime et que les moyens pour parvenir à ce but soient appropriés et nécessaires » (arrêt du 18 novembre 2010, Kleist, C‑356/09, EU:C:2010:703, point 41).

39 Partant, une différence de traitement telle que celle en cause dans les affaires au principal ne saurait être justifiée par la volonté de ne pas exposer les travailleurs concernés à un changement soudain, dans un sens restrictif, du régime précédent de maintien en activité.

40 Il y a donc lieu de répondre à la question posée que l’article 14, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/54 doit être interprété en ce sens qu’une réglementation nationale, telle que celle prévue à l’article 3, paragraphe 7, du décret-loi no 64/2010, en vertu de laquelle les travailleurs employés en qualité de danseurs, ayant atteint l’âge de départ à la retraite fixé par cette réglementation à 45 ans pour les femmes comme pour les hommes, ont la faculté d’exercer, pendant une période
transitoire de deux ans, une option leur permettant de poursuivre l’exercice de leur activité professionnelle jusqu’à l’âge limite de maintien en activité prévu par la réglementation antérieurement en vigueur, fixé à 47 ans pour les femmes et à 52 ans pour les hommes, instaure une discrimination directe fondée sur le sexe interdite par cette directive.

Sur les dépens

41 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

  Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :

L’article 14, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2006, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail, doit être interprété en ce sens qu’une réglementation nationale, telle que celle prévue à l’article 3, paragraphe 7, du décret-loi no 64, du 30 avril 2010, converti en loi no 100, du 29 juin 2010, dans sa version en vigueur à la
  date des faits en cause au principal, en vertu de laquelle les travailleurs employés en qualité de danseurs, ayant atteint l’âge de départ à la retraite fixé par cette réglementation à 45 ans pour les femmes comme pour les hommes, ont la faculté d’exercer, pendant une période transitoire de deux ans, une option leur permettant de poursuivre leur activité professionnelle jusqu’à l’âge limite de maintien en activité prévu par la réglementation antérieurement en vigueur, fixé à 47 ans pour les femmes
et à 52 ans pour les hommes, instaure une discrimination directe fondée sur le sexe interdite par cette directive.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’italien.


Synthèse
Formation : Dixième chambre
Numéro d'arrêt : C-142/17
Date de la décision : 07/02/2018
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demandes de décision préjudicielle, introduites par la Corte suprema di cassazione.

Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Politique sociale – Égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail – Directive 2006/54/CE – Réglementation nationale prévoyant la possibilité temporaire pour les travailleurs du spectacle ayant atteint l’âge de la retraite de continuer à exercer jusqu’à l’âge précédemment prévu pour le droit à la pension, fixé à 47 ans pour les femmes et 52 ans pour les hommes.

Politique sociale

Charte des droits fondamentaux

Droits fondamentaux


Parties
Demandeurs : Manuela Maturi e.a.
Défendeurs : Fondazione Teatro dell'Opera di Roma, Fondazione Teatro dell’Opera di Roma

Composition du Tribunal
Avocat général : Kokott
Rapporteur ?: Berger

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2018:68

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