ORDONNANCE DE LA COUR (dixième chambre)
13 décembre 2017 (*)
« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Cause de nullité relative – Déclaration de nullité – Marque figurative MORTON’S – Marques nationales non enregistrées antérieures – Interprétation et application du droit national – Action en usurpation d’appellation (action for passing off) »
Dans l’affaire C‑468/17 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 3 août 2017,
Morton’s of Chicago Inc., établie à Chicago (États-Unis), représentée par M^e J. Moss, barrister, et M. M. Krause, solicitor,
partie requérante,
les autres parties à la procédure étant :
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),
partie défenderesse en première instance,
Mortons the Restaurant Ltd, établie à Londres (Royaume-Uni),
partie intervenante en première instance,
LA COUR (dixième chambre),
composée de M. E. Levits, président de chambre, M. A. Borg Barthet et M^me M. Berger (rapporteur), juges,
avocat général : M. M. Szpunar,
greffier : M. A. Calot Escobar,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son pourvoi, Morton’s of Chicago Inc. demande, premièrement, l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 15 mai 2017, Morton’s of Chicago/EUIPO – Mortons the Restaurant (MORTON’S) (T‑223/15, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2017:333), par lequel celui-ci a rejeté son recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), du 12 février 2015 (affaire R 46/2014-1),
relative à une procédure de nullité entre Mortons the Restaurant Ltd et Morton’s of Chicago, et, deuxièmement, la condamnation de l’intervenante à supporter les dépens de la requérante.
2 À l’appui de son pourvoi, la requérante soulève quatre moyens tirés d’une violation, par le Tribunal, de l’article 8, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1).
Sur le pourvoi
3 En vertu de l’article 181 de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi, totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.
4 Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.
5 M. l’avocat général a, le 7 novembre 2017, pris la position suivante :
« 1. Je propose à la Cour de rejeter le pourvoi dans l’affaire sous objet comme étant en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé et d’ordonner à la requérante de supporter ses propres dépens conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour pour les raisons suivantes.
2. Le pourvoi comporte quatre moyens, tous tirés d’une violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009.
3. Par les premier et deuxième moyens, la requérante conteste l’appréciation des preuves effectuée par le Tribunal quant à la question de savoir si l’usage du signe antérieur avait une portée seulement locale ou non (points 28 à 33 et 73 de l’arrêt attaqué).
4. Je rappelle, à cet égard, que l’appréciation des faits et des éléments de preuve ne constitue pas, sous réserve de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi. Or, par lesdits moyens, la requérante ne se fonde pas sur une quelconque dénaturation des faits mais vise à remettre en cause l’appréciation factuelle effectuée par le Tribunal dans le cadre de l’application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009. Ces
deux moyens sont donc manifestement irrecevables.
5. Par ailleurs, dans le cadre du deuxième moyen, la requérante soulève un grief autonome tiré de la violation du droit d’être entendu par le Tribunal, en soutenant que celui-ci a pris en considération des éléments de preuve qui n’auraient pas fait partie du dossier de la procédure et sur lesquels les parties n’auraient donc pas pu présenter leurs observations. Il s’agit de trois articles de presse mentionnés par le Tribunal dans le cadre d’un faisceau de preuve attestant de l’existence d’une
couverture de presse nationale et internationale du Morton’s Club (point 66 de l’arrêt attaqué). J’observe que, dès lors que la requérante ne conteste pas que les éléments en cause ont été portés devant les instances de l’EUIPO et faisaient partie du dossier de la procédure devant la chambre de recours, transmis au Tribunal (point 66 de l’arrêt attaqué), elle ne saurait valablement prétendre ne pas avoir pu prendre position à cet égard. Par conséquent, le présent grief est manifestement non fondé.
6. Par les troisième et quatrième moyens, la requérante fait grief au Tribunal d’avoir interprété de manière erronée les règles du droit anglais relatives à l’action en usurpation d’appellation (action for passing off) dans le cadre de l’application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009. Elle soutient que le Tribunal a commis une erreur en ayant retenu le fait que l’intervenante détenait bien une force d’attraction de la clientèle (goodwill) (points 37 à 44 de l’arrêt attaqué)
ainsi que l’existence d’un risque de présentation trompeuse (actionable misrepresentation) (points 50 à 56 de l’arrêt attaqué).
7. Il convient de rappeler que, pour ce qui est de l’examen, dans le cadre d’un pourvoi, des constatations faites par le Tribunal à l’égard de la législation nationale dont une partie invoque la protection, la Cour est compétente pour examiner, tout d’abord, si le Tribunal, sur le fondement des documents et des autres pièces qui lui ont été soumis, n’a pas dénaturé le libellé des dispositions nationales en cause ou de la jurisprudence nationale qui leur est relative ou encore des écrits de
doctrine qui les concernent, ensuite, si le Tribunal ne s’est pas livré, au regard de ces éléments, à des constatations allant de façon manifeste à l’encontre de leur contenu et, enfin, si le Tribunal n’a pas, dans l’examen de l’ensemble desdits éléments, attribué à l’un d’entre eux, aux fins de constater le contenu de la législation nationale en cause, une portée qui ne lui revient pas par rapport aux autres éléments, pour autant que cela ressorte de façon manifeste des pièces du dossier (arrêt du
5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 53).
8. Or, en l’espèce, la requérante se borne à invoquer de prétendues erreurs relatives à l’application du droit anglais en matière d’action en usurpation d’appellation et n’avance aucun argument susceptible de démontrer que le Tribunal aurait dénaturé le libellé des dispositions nationales en cause ou de la jurisprudence nationale qui leur est relative.
9. Par conséquent, il convient d’écarter d’emblée les troisième et quatrième moyens et, partant, de rejeter le pourvoi dans son intégralité comme étant en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé. »
6 Pour les mêmes motifs que ceux retenus par M. l’avocat général, il y a lieu de rejeter le pourvoi.
Sur les dépens
7 En application de l’article 137 du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance. En l’espèce, la présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi ne soit signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles‑ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses
propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) ordonne :
1) Le pourvoi est rejeté.
2) Morton’s of Chicago Inc. supporte ses propres dépens.
Signatures
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
* Langue de procédure : l’anglais.