ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
7 décembre 2017 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Sécurité sociale des travailleurs migrants – Règlement (CEE) no 1408/71 – Article 46, paragraphe 2 – Article 47, paragraphe 1, sous d) – Article 50 – Pension garantie – Prestation minimale – Calcul des droits à pension »
Dans l’affaire C‑189/16,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Högsta förvaltningsdomstolen (Cour suprême administrative, Suède), par décision du 23 mars 2016, parvenue à la Cour le 4 avril 2016, dans la procédure
Boguslawa Zaniewicz-Dybeck
contre
Pensionsmyndigheten,
LA COUR (cinquième chambre),
composée de M. J. L. da Cruz Vilaça, président de chambre, MM. E. Levits, A. Borg Barthet, Mme M. Berger et M. F. Biltgen (rapporteur), juges,
avocat général : M. M. Wathelet,
greffier : Mme C. Strömholm, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 mars 2017,
considérant les observations présentées :
– pour le Pensionsmyndigheten, par M. M. Westberg ainsi que par Mmes M. Irving et A. Svärd, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement suédois, par Mmes A. Falk, C. Meyer-Seitz et U. Persson ainsi que par M. L. Swedenborg, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek, J. Pavliš et J. Vláčil, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par MM. K. Simonsson et D. Martin, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 3 mai 2017,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 46, paragraphe 2, et de l’article 47, paragraphe 1, sous d), du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) no 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997,
L 28, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 1606/98 du Conseil, du 29 juin 1998 (JO 1998, L 209, p. 1) (ci-après le « règlement no 1408/71 »).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Boguslawa Zaniewicz-Dybeck au Pensionsmyndigheten (Office des pensions, Suède) au sujet de l’octroi d’une pension garantie telle que prévue par le régime général de retraite suédois.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Sous le titre III, intitulé « Dispositions particulières aux différentes catégories de prestations », le chapitre 3 du règlement no 1408/71, intitulé « Vieillesse et décès (pensions) », regroupe les articles 44 à 51 bis de ce règlement.
4 L’article 44 dudit règlement, intitulé « Dispositions générales concernant la liquidation des prestations lorsque le travailleur salarié ou non salarié a été assujetti à la législation de deux ou plusieurs États membres », prévoit, à son paragraphe 1 :
« Les droits à prestations d’un travailleur salarié ou non salarié qui a été assujetti à la législation de deux ou plusieurs États membres, ou de ses survivants, sont établis conformément aux dispositions du présent chapitre. »
5 L’article 45 du règlement no 1408/71, intitulé « Prise en compte des périodes d’assurance ou de résidence accomplies sous les législations auxquelles le travailleur salarié ou non salarié a été assujetti pour l’acquisition, le maintien ou le recouvrement du droit à prestations », énonce, à son paragraphe 1 :
« Si la législation d’un État membre subordonne l’acquisition, le maintien ou le recouvrement du droit aux prestations en vertu d’un régime qui n’est pas un régime spécial au sens des paragraphes 2 ou 3, à l’accomplissement de périodes d’assurance ou de résidence, l’institution compétente de cet État membre tient compte, dans la mesure nécessaire, des périodes d’assurance ou de résidence accomplies sous la législation de tout autre État membre, que ce soit dans le cadre d’un régime général ou
spécial, applicable à des travailleurs salariés ou non salariés. Dans ce but, elle tient compte de ces périodes, comme s’il s’agissait de périodes accomplies sous la législation qu’elle applique. »
6 L’article 46 de ce règlement, intitulé « Liquidation des prestations », dispose :
« 1. Lorsque les conditions requises par la législation d’un État membre pour avoir droit aux prestations sont satisfaites sans qu’il soit nécessaire de faire application des dispositions de l’article 45 ni de l’article 40 paragraphe 3, les règles suivantes sont applicables :
a) l’institution compétente calcule le montant de la prestation qui serait due :
i) d’une part, en vertu des seules dispositions de la législation qu’elle applique ;
ii) d’autre part, en application du paragraphe 2 ;
[...]
2. Lorsque les conditions requises par la législation d’un État membre pour avoir droit aux prestations ne sont satisfaites qu’après l’application de l’article 45 et/ou de l’article 40 paragraphe 3, les règles suivantes sont applicables :
a) l’institution compétente calcule le montant théorique de la prestation à laquelle l’intéressé pourrait prétendre si toutes les périodes d’assurance et/ou de résidence accomplies sous les législations des États membres auxquelles a été soumis le travailleur salarié ou non salarié avaient été accomplies dans l’État membre en cause et sous la législation qu’elle applique à la date de la liquidation de la prestation. Si, selon cette législation, le montant de la prestation est indépendant de la
durée des périodes accomplies, ce montant est considéré comme le montant théorique visé au présent point a) ;
b) l’institution compétente établit ensuite le montant effectif de la prestation sur la base du montant théorique visé au point a), au prorata de la durée des périodes d’assurance ou de résidence accomplies avant la réalisation du risque sous la législation qu’elle applique, par rapport à la durée totale des périodes d’assurance et de résidence accomplies avant la réalisation du risque sous les législations de tous les États membres en question.
3. L’intéressé a droit, de la part de l’institution compétente de chaque État membre en question, au montant le plus élevé calculé conformément aux paragraphes 1 et 2, sans préjudice, le cas échéant, de l’application de l’ensemble des clauses de réduction, de suspension ou de suppression prévues par la législation au titre de laquelle cette prestation est due.
Si tel est le cas, la comparaison à effectuer porte sur les montants déterminés après l’application desdites clauses.
[...] »
7 L’article 47 dudit règlement, intitulé « Dispositions complémentaires pour le calcul des prestations », énonce, à son paragraphe 1, sous d) :
« Pour le calcul du montant théorique et du prorata visés à l’article 46 paragraphe 2, les règles suivantes sont appliquées :
[...]
d) l’institution compétente d’un État membre dont la législation prévoit que le calcul des prestations repose sur le montant des gains, des cotisations ou des majorations détermine les gains, les cotisations ou les majorations à prendre en compte au titre des périodes d’assurance ou de résidence accomplies sous la législation d’autres États membres, sur la base de la moyenne des gains, des cotisations ou des majorations, constatée pour les périodes d’assurance accomplies sous la législation que
cette institution applique ;
[...] »
8 L’article 50 du règlement no 1408/71, intitulé « Attribution d’un complément lorsque la somme des prestations dues au titre des législations des différents États membres n’atteint pas le minimum prévu par la législation de celui de ces États sur le territoire duquel réside le bénéficiaire », dispose :
« Le bénéficiaire de prestations auquel le [chapitre 3 du règlement no 1408/71] a été appliqué ne peut, dans l’État sur le territoire duquel il réside et au titre de la législation duquel une prestation lui est due, percevoir un montant de prestations inférieur à celui de la prestation minimale fixée par ladite législation pour une période d’assurance ou de résidence égale à l’ensemble des périodes prises en compte pour la liquidation conformément aux dispositions des articles précédents.
L’institution compétente de cet État lui verse éventuellement, pendant toute la durée de sa résidence sur le territoire de cet État, un complément égal à la différence entre la somme des prestations dues en vertu du [chapitre 3 du règlement no 1408/71] et le montant de la prestation minimale. »
Le droit suédois
9 La pension de retraite du régime général suédois est composée de trois éléments, à savoir la pension proportionnelle, la pension complémentaire et la pension garantie.
10 Les pensions proportionnelle et complémentaire sont des pensions fondées sur les revenus que les intéressés ont perçus. La première est basée sur les droits à pension acquis et la seconde relève du régime des pensions en vigueur en Suède avant 2003 et est destinée aux personnes nées en 1953 ou avant. Ce sont des prestations à caractère essentiellement contributif.
11 En revanche, la pension garantie, dont l’objectif est la protection de base des personnes percevant des revenus faibles ou nuls, est une prestation basée sur la résidence et financée par l’impôt. Elle a été instituée par des modifications du régime suédois des pensions au cours des années 90 et s’est substituée à la pension nationale de vieillesse.
12 Le montant de la pension garantie est fixé en fonction du montant des autres pensions de retraite perçues par la personne concernée. Elle est diminuée graduellement en considération de la pension proportionnelle, de la pension complémentaire et de certaines autres prestations.
13 Les dispositions nationales relatives à la pension garantie pertinentes pour l’affaire au principal sont celles de la lagen (1998 :702) om garantipension (loi no 702 de 1998 sur la pension garantie), qui a été remplacée par le socialförsäkringsbalken (2010 :110) (code de la sécurité sociale de 2010, ci-après le « SFB »).
14 Conformément aux articles 8 et 10 du chapitre 55 du SFB, la pension garantie constitue la couverture de base de la pension de retraite du régime général suédois. Elle dépend de la période d’assurance et elle peut être accordée aux personnes qui ne disposent pas de pension de retraite fondée sur le revenu ou dont ladite pension ne dépasse pas un certain montant.
15 En vertu de l’article 2 du chapitre 67 du SFB, peuvent prétendre à une pension garantie les assurés nés en 1938 ou après s’ils ont accompli une période d’assurance d’au moins 3 ans.
16 L’article 4 du chapitre 67 du SFB dispose que la pension garantie peut être perçue au plus tôt à compter du mois où l’assuré atteint l’âge de 65 ans.
17 L’article 11 du même chapitre précise que, aux fins du calcul de la période d’assurance, n’est prise en considération que la période commençant à courir l’année calendaire au cours de laquelle l’intéressé atteint l’âge de 16 ans et se terminant l’année calendaire où il a atteint l’âge de 64 ans.
18 L’article 15 du chapitre 67 du SFB prévoit que la base de calcul de la pension garantie est constituée par la pension de retraite fondée sur le revenu à laquelle l’assuré a droit pour les mêmes années.
19 L’article 16 dudit chapitre définit les termes « pension de retraite fondée sur le revenu », au sens de l’article 15 du même chapitre, comme étant la pension de retraite fondée sur le revenu au sens du SFB avant l’application des réductions prévues à certains articles de ce code ainsi que les pensions de retraite obligatoires en vertu de législations d’autres États qui ne peuvent pas être assimilées à la pension garantie en vertu du SFB.
20 Le montant de base, qui sert de base de calcul de certaines prestations sociales, dont la pension garantie, est défini à l’article 7 du chapitre 2 du SFB. Ce montant est indexé sur le niveau général des prix. Au cours de l’année pertinente dans l’affaire au principal, il s’élevait à 39400 couronnes suédoises (SEK) (environ 4137 euros).
21 En vertu de l’article 23 du chapitre 67 du SFB, pour les personnes mariées dont la base de calcul de la pension garantie ne dépasse pas 1,14 fois le montant de base, la pension garantie annuelle s’élève à 1,9 fois le montant de base, diminué de la base de calcul.
22 L’article 24 du même chapitre prévoit que, pour les personnes mariées dont la base de calcul dépasse 1,14 fois le montant de base, la pension garantie annuelle s’élève à 0,76 fois le montant de base, diminué de 48 % de la partie de la base de calcul supérieure à 1,14 fois le montant de base.
23 L’article 25 du chapitre 67 du SFB indique que, pour les personnes qui ne peuvent justifier d’une période d’assurance de 40 années, tous les montants liés au montant de base indiqués aux articles 21 à 24 de ce chapitre doivent être réduits, selon un calcul au prorata, dans une proportion correspondant au quotient de la période d’assurance divisée par 40.
24 Les instructions internes no 2 de 2007 de la Försäkringskassan (Caisse nationale d’assurance, Suède) (ci-après les « instructions ») prévoient que, dans le cadre du calcul au prorata de la pension garantie prévu à l’article 25 du chapitre 67 du SFB, il convient, pour calculer le montant théorique prévu à l’article 46, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1408/71, d’attribuer à chaque période d’assurance accomplie dans d’autres États membres une valeur de pension fictive correspondant à la
valeur moyenne en termes de pension des périodes d’assurance accomplies en Suède.
Le litige au principal et les questions préjudicielles
25 Mme Zaniewicz-Dybeck, de nationalité polonaise, est née en 1940 et a quitté la Pologne pour s’installer en Suède en 1980. Après avoir travaillé en Pologne pendant 19 ans, elle a résidé en Suède pendant 24 ans et elle y a travaillé durant 23 ans.
26 En 2005, Mme Zaniewicz-Dybeck a présenté une demande de pension garantie qui lui a été refusée par la Caisse nationale d’assurance.
27 Par décision rendue sur réclamation le 1er septembre 2008, la Caisse nationale d’assurance a confirmé ce rejet.
28 Étant donné que Mme Zaniewicz-Dybeck avait accompli des périodes d’assurance à la fois en Suède et en Pologne, la Caisse nationale d’assurance a calculé, conformément au règlement no 1408/71, la pension garantie de cette dernière, d’une part, en vertu des dispositions nationales, et, d’autre part, selon le principe du calcul au prorata prévu à l’article 46, paragraphe 2, de ce règlement.
29 Dans le cadre du calcul de la pension garantie de Mme Zaniewicz-Dybeck selon les dispositions nationales, la Caisse nationale d’assurance a, conformément à l’article 25 du chapitre 67 du SFB et aux instructions, déterminé la base de calcul de cette pension en effectuant un calcul au prorata. En outre, lors du calcul du montant de base prévu à l’article 46, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1408/71, elle n’a pas pris en compte la pension de retraite fondée sur les revenus acquise par
Mme Zaniewicz-Dybeck en Pologne, mais elle a attribué à la pension fondée sur les revenus acquise par cette dernière en Suède, d’un montant de 75216 SEK (environ 7897 euros) pour 24 années d’assurance, une valeur annuelle de 3134 SEK (environ 329 euros), soit 75216 SEK divisé par 24, puis elle a multiplié ce montant par la durée maximale d’assurance pour la pension garantie, soit 40 ans. Elle a ainsi obtenu une valeur de pension fictive de 125360 SEK (environ 13162 euros).
30 Au vu des résultats obtenus, la Caisse nationale d’assurance a estimé que les pensions de retraite fondées sur le revenu, qui, conformément à l’article 15 du chapitre 67 du SFB, constituent la base de calcul de la pension garantie, perçues par Mme Zaniewicz-Dybeck excédaient le plafond de ressources pour l’attribution d’une pension garantie.
31 Après avoir contesté, sans succès, cette décision devant le Förvaltningsrätten i Stockholm (tribunal administratif siègeant à Stockholm, Suède), puis devant le Kammarrätten i Stockholm (cour d’appel administrative de Stockholm, Suède), Mme Zaniewicz-Dybeck a saisi le Högsta förvaltningsdomstolen (Cour suprême administrative, Suède).
32 Mme Zaniewicz-Dybeck fait valoir que le montant théorique de la pension garantie doit être calculé conformément au règlement no 1408/71, sans appliquer, d’une part, l’article 47, paragraphe 1, sous d), de ce règlement, puisque la pension garantie repose uniquement sur la durée des périodes d’assurance, déduction faite de la pension basée sur les revenus perçue en Suède et, d’autre part, les instructions, puisque celles-ci désavantagent les travailleurs migrants qui perçoivent une pension basée
sur les revenus de la part d’un autre État membre d’un faible montant.
33 Selon l’Office des pensions, qui a succédé, le 1er janvier 2010, à la Caisse nationale d’assurance, les périodes d’assurance accomplies dans un État membre autre que le Royaume de Suède donnent droit à une pension de la part de cet autre État membre. Or, dans la mesure où la pension garantie présente un caractère complémentaire, le fait de calculer cette pension sans appliquer l’article 47, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1408/71 aurait pour effet que l’intéressé ayant accompli des
périodes d’assurance dans un État membre autre que le Royaume de Suède percevrait une surcompensation. En effet, le fait de ne pas affecter une valeur de pension moyenne aux périodes d’assurance accomplies dans un État membre autre que le Royaume de Suède aurait pour conséquence de donner à ces périodes une valeur inférieure à celle correspondant aux mêmes périodes accomplies en Suède.
34 La juridiction de renvoi met l’accent sur le fait que, lorsque l’institution compétente, à savoir la Caisse nationale d’assurance ou l’Office des pensions calcule la pension garantie conformément à l’article 46, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1408/71, elle attribue à chaque période d’assurance accomplie par le travailleur dans un État membre autre que le Royaume de Suède une valeur de pension fictive correspondant à la valeur moyenne de pension des périodes d’assurance accomplies en
Suède, qui vient en déduction de la pension garantie, indépendamment du point de savoir si l’intéressé a travaillé ou non durant cette période. En effet, si l’intéressé a travaillé durant ladite période et a, en conséquence, acquis un droit à pension supérieure à la valeur de la pension fictive calculée par l’institution compétente, il serait avantagé. En revanche, si l’intéressé n’a pas travaillé dans l’autre État membre ou a acquis une pension inférieure à la valeur de pension fictive calculée
par l’institution compétente, il serait désavantagé.
35 Compte tenu de ces éléments, la juridiction de renvoi estime qu’il existe une incertitude quant à la manière dont il convient de calculer la pension garantie. Elle se demande, plus particulièrement, si, lors du calcul d’une telle pension, il y a lieu d’appliquer l’article 46, paragraphe 2, et l’article 47, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1408/71 et, dans l’affirmative, si, conformément à ces dispositions, il est possible d’attribuer, aux fins de la détermination de la base de calcul d’une
telle pension, aux périodes d’assurance accomplies dans un État membre autre que le Royaume de Suède une valeur de pension fictive correspondant à la valeur moyenne des périodes accomplies en Suède. En cas de réponse négative, la juridiction de renvoi demande s’il y a lieu, aux fins du calcul de la pension garantie, de tenir compte des pensions de retraite perçues par l’intéressé dans d’autres États membres.
36 Dans ces conditions, le Högsta förvaltningsdomstolen (Cour suprême administrative) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Les dispositions de l’article 47, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1408/71 impliquent-elles qu’il est possible, lors du calcul de la pension garantie suédoise, d’attribuer aux périodes d’assurance accomplies dans un autre État membre une valeur de pension correspondant à la valeur moyenne des périodes accomplies en Suède lorsque l’institution compétente procède à un calcul au prorata conformément à l’article 46, paragraphe 2, de ce règlement ?
2) En cas de réponse négative à la première question, l’institution compétente peut-elle, dans son calcul des droits à la pension garantie, tenir compte des pensions de retraite que l’assuré perçoit d’un autre État membre sans que cela entre en conflit avec les dispositions du règlement no 1408/71 ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
37 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le règlement no 1408/71 doit être interprété en ce sens que, lors du calcul par l’institution compétente d’un État membre d’une prestation telle que la pension garantie en cause au principal, il y a lieu d’appliquer la méthode de calcul au prorata prévue à l’article 46, paragraphe 2, de ce règlement et d’attribuer, conformément à l’article 47, paragraphe 1, sous d), dudit règlement, aux périodes d’assurance accomplies
par l’intéressé dans un autre État membre une valeur moyenne fictive.
38 Afin d’apporter une réponse utile à la juridiction de renvoi, il importe, à titre liminaire, de souligner que le règlement no 1408/71 n’organise pas un régime commun de sécurité sociale, mais laisse subsister des régimes nationaux distincts et a pour unique objet d’assurer une coordination entre ces derniers. Ainsi, selon une jurisprudence constante, les États membres conservent leur compétence pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale (voir, notamment, arrêt du 21 février 2013, Salgado
González, C‑282/11, EU:C:2013:86, point 35 et jurisprudence citée).
39 Dès lors, en l’absence d’une harmonisation au niveau de l’Union, il appartient à la législation de chaque État membre de déterminer, notamment, les conditions qui donnent droit à des prestations (arrêt du 21 février 2013, Salgado González, C‑282/11, EU:C:2013:86, point 36 et jurisprudence citée).
40 Dans l’exercice de cette compétence, les États membres doivent néanmoins respecter le droit de l’Union et, en particulier, les dispositions du traité FUE relatives à la liberté reconnue à tout citoyen de l’Union de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres (arrêt du 21 février 2013, Salgado González, C‑282/11, EU:C:2013:86, point 37 et jurisprudence citée).
41 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 45 du règlement no 1408/71, lorsque la législation d’un État membre subordonne l’acquisition, le maintien ou le recouvrement du droit aux prestations à l’accomplissement de périodes d’assurance, l’institution compétente de cet État membre doit tenir compte des périodes d’assurance accomplies sous la législation de tout État membre comme s’il s’agissait de périodes accomplies sous la législation qu’elle applique. En d’autres termes,
les périodes d’assurance accomplies dans divers États membres doivent être totalisées.
42 Dans un tel cas, l’article 46, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1408/71 prévoit que l’institution compétente calcule le montant théorique de la prestation à laquelle a droit l’intéressé comme si toutes les périodes de travail qu’il a accomplies dans différents États membres l’avaient été dans l’État membre de l’institution compétente. L’institution compétente établit ensuite, conformément au paragraphe 2, sous b), du même article, le montant effectif de la prestation sur la base du montant
théorique au prorata de la durée des périodes d’assurance et/ou de résidence dans l’État membre de l’institution compétente, par rapport à la durée totale des périodes d’assurance et/ou de résidence accomplies dans les différents États membres. Il s’agit de la méthode de calcul au prorata.
43 L’article 47 du règlement no 1408/71 prévoit des dispositions complémentaires pour le calcul du montant théorique et du prorata visés à l’article 46, paragraphe 2, de ce règlement. Ainsi, l’article 47, paragraphe 1, sous d), dudit règlement précise, notamment, que l’institution compétente d’un État membre dont la législation prévoit que le calcul des prestations repose sur le montant des gains, des cotisations ou des majorations détermine les gains, les cotisations ou les majorations à prendre en
compte au titre des périodes d’assurance ou de résidence accomplies sous les législations d’autres États membres, sur la base de la moyenne des gains, des cotisations ou des majorations, constatée pour les périodes d’assurance accomplies sous la législation que cette institution applique.
44 En l’occurrence, il convient de relever que, au cours de l’audience, le gouvernement suédois a lui-même reconnu que la pension garantie vise à assurer à ses bénéficiaires un niveau de vie raisonnable en leur garantissant un revenu minimum, qui dépasse le montant qui leur serait acquis s’ils percevaient uniquement la pension de retraite fondée sur le revenu, lorsque ce montant se révèle être trop faible, voire nul. La pension garantie constitue ainsi la couverture de base de la pension de retraite
du régime général suédois.
45 À cet égard, au point 15 de l’arrêt du 17 décembre 1981, Browning (22/81, EU:C:1981:316), la Cour a jugé qu’il y a « prestation minimale », au sens de l’article 50 du règlement no 1408/71, lorsque la législation de l’État de résidence comporte une garantie spécifique ayant pour objet d’assurer aux bénéficiaires de prestations de sécurité sociale un revenu minimal dépassant le niveau des prestations auxquelles ils pourraient prétendre en fonction du seul état de leurs périodes d’affiliation et de
leurs cotisations.
46 Il apparaît donc que, compte tenu de sa finalité, telle que décrite au point 44 du présent arrêt, la pension garantie en cause au principal constitue une prestation minimale relevant de l’article 50 du règlement no 1408/71.
47 Ainsi que M. l’avocat général l’a observé au point 47 de ses conclusions, dans la mesure où le règlement no 1408/71 n’exige pas que les États membres prévoient des prestations minimales et que toute législation nationale ne comporte donc pas nécessairement ce type de prestation, l’article 46, paragraphe 2, de ce règlement ne saurait imposer des règles spécifiques et détaillées pour le calcul d’une telle prestation.
48 Par conséquent, le droit de percevoir une prestation minimale telle que la pension garantie en cause au principal doit être évalué non pas sur la base de l’article 46, paragraphe 2, ou de l’article 47, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1408/71, mais conformément aux règles spécifiques contenues dans l’article 50 de ce règlement et la législation nationale pertinente.
49 Or, il ressort de l’exposé des faits au principal figurant au point 29 du présent arrêt que, pour calculer les droits à pension garantie de Mme Zaniewicz-Dybeck, l’institution compétente a, d’une part, appliqué, conformément à l’article 25 du chapitre 67 du SFB, au montant des pensions proportionnelle et complémentaire de l’intéressée qui constituent la base de calcul de la pension garantie, une méthode de calcul au prorata qui, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé en substance aux points 45
et 46 de ses conclusions, est semblable à celle prévue à l’article 46, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement no 1408/71. D’autre part, lors du calcul au prorata prévu audit article 46, paragraphe 2, l’institution compétente n’a pas, conformément aux instructions, pris en compte les pensions de retraite perçues par Mme Zaniewicz-Dybeck en Pologne, mais a, ainsi que le prévoit l’article 47, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1408/71, attribué à la pension fondée sur les revenus acquise par
l’intéressée en Suède une valeur annuelle, puis a multiplié ce montant par la durée maximale d’assurance pour la pension garantie, soit 40 ans. Il résulte de la décision de renvoi que le résultat obtenu en application de la méthode de calcul telle qu’elle vient d’être décrite excédait le plafond de ressources pour l’attribution d’une pension garantie.
50 Ainsi qu’il découle du point 48 du présent arrêt, une telle méthode de calcul fondée sur l’article 46, paragraphe 2, et l’article 47, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1408/71 ne saurait être admise aux fins du calcul d’une prestation minimale telle que la pension garantie en cause au principal.
51 Il incombe à l’institution compétente de calculer la pension garantie conformément aux dispositions combinées de l’article 50 du règlement no 1408/71 et de la législation nationale, excepté l’article 25 du chapitre 67 du SFB et les instructions.
52 Par conséquent, il convient de répondre à la première question que le règlement no 1408/71 doit être interprété en ce sens que, lors du calcul par l’institution compétente d’un État membre d’une prestation minimale telle que la pension garantie en cause au principal, il n’y a pas lieu d’appliquer l’article 46, paragraphe 2, ni l’article 47, paragraphe 1, sous d), dudit règlement. Une telle prestation doit être calculée conformément aux dispositions combinées de l’article 50 du même règlement et
de la législation nationale, sans toutefois faire application de dispositions nationales, telles que celles en cause au principal, relatives au calcul au prorata.
Sur la seconde question
53 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le règlement no 1408/71 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation d’un État membre qui prévoit que, lors du calcul d’une prestation telle que la pension garantie en cause au principal, l’institution compétente doit tenir compte de l’ensemble des pensions de retraite que l’intéressé perçoit effectivement d’un ou de plusieurs autres États membres.
54 Il importe de souligner que, ainsi qu’il ressort de la réponse apportée à la première question, une prestation minimale telle que la pension garantie en cause au principal doit être calculée conformément à l’article 50 du règlement no 1408/71 et à la législation nationale pertinente.
55 Or, il ressort expressément des dispositions nationales relatives à la pension garantie figurant dans le SFB, telles que reprises, notamment, au point 19 du présent arrêt, que les pensions de retraite obligatoires en vertu de législations d’autres États membres qui ne sont pas assimilables à la pension garantie sont comprises dans la base de calcul de cette pension. Il apparaît donc que, conformément à la législation nationale pertinente, l’institution compétente de l’État membre concerné doit,
lors du calcul de la pension garantie, prendre en considération les pensions de retraite perçues par l’intéressé dans d’autres États membres.
56 Dans ces conditions, il y a lieu de déterminer si le règlement no 1408/71, et plus particulièrement l’article 50 de celui-ci, s’oppose à une législation d’un État membre qui prévoit que, dans le cadre du calcul des droits à une prestation minimale telle que la pension garantie en cause au principal, l’institution compétente doit tenir compte des pensions de retraite que l’intéressé perçoit d’un autre État membre.
57 Il importe de rappeler, à cet égard, que, selon une jurisprudence constante, l’article 50 du règlement no 1408/71 vise les cas où les carrières du travailleur au titre des législations des États auxquelles il a été soumis ont été relativement brèves, de sorte que le montant total des prestations dues par ces États n’atteint pas un niveau de vie raisonnable (arrêts du 30 novembre 1977, Torri, 64/77, EU:C:1977:197, point 5, et du 17 décembre 1981, Browning, 22/81, EU:C:1981:316, point 12).
58 En vue de remédier à cette situation, cet article 50 dispose que, lorsque la législation de l’État de résidence prévoit une prestation minimale, la prestation due par cet État sera augmentée d’un supplément égal à la différence entre la somme des prestations dues par les différents États, aux législations desquels le travailleur a été soumis, et cette prestation minimale (arrêt du 30 novembre 1977, Torri, 64/77, EU:C:1977:197, point 6).
59 Il s’ensuit que, comme M. l’avocat général l’a relevé au point 59 de ses conclusions, lors du calcul des droits à une prestation minimale telle que la pension garantie en cause au principal, l’article 50 du règlement no 1408/71 prévoit spécifiquement la prise en compte du montant effectif des pensions de retraite que l’intéressé perçoit d’un autre État membre.
60 Par conséquent, il convient de répondre à la seconde question que le règlement no 1408/71, et plus particulièrement l’article 50 dudit règlement, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une législation d’un État membre qui prévoit que, lors du calcul d’une prestation minimale telle que la pension garantie en cause au principal, l’institution compétente doit tenir compte de l’ensemble des pensions de retraite que l’intéressé perçoit effectivement d’un ou de plusieurs autres États
membres.
Sur les dépens
61 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :
1) Le règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) no 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) no 1606/98 du Conseil, du 29 juin 1998, doit être interprété en ce sens que, lors du calcul par
l’institution compétente d’un État membre d’une prestation minimale telle que la pension garantie en cause au principal, il n’y a pas lieu d’appliquer l’article 46, paragraphe 2, ni l’article 47, paragraphe 1, sous d), dudit règlement. Une telle prestation doit être calculée conformément aux dispositions combinées de l’article 50 du même règlement et de la législation nationale, sans toutefois faire application de dispositions nationales, telles que celles en cause au principal, relatives au
calcul au prorata.
2) Le règlement no 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement no 118/97, tel que modifié par le règlement no 1606/98, et plus particulièrement l’article 50 dudit règlement, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une législation d’un État membre qui prévoit que, lors du calcul d’une prestation minimale telle que la pension garantie en cause au principal, l’institution compétente doit tenir compte de l’ensemble des pensions de retraite que l’intéressé perçoit
effectivement d’un ou de plusieurs autres États membres.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : le suédois.