Édition provisoire
ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)
15 mars 2017 (*)
« Manquement d’État – Environnement – Directive 2008/98/CE – Articles 13 et 15 – Gestion des déchets – Protection de la santé humaine et de l’environnement – Responsabilité – Décharges »
Dans l’affaire C‑563/15,
ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 4 novembre 2015,
Commission européenne, représentée par M^mes L. Pignataro-Nolin et E. Sanfrutos Cano, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
contre
Royaume d’Espagne, représenté par M^me A. Gavela Llopis, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
LA COUR (dixième chambre),
composée de M^me M. Berger, président de chambre, MM. A. Borg Barthet et F. Biltgen (rapporteur), juges,
avocat général : M. Y. Bot,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en ce qui concerne les décharges de Torremolinos (Malaga), de Torrent de S’Estret (Andratx, Majorque), de Hoya de la Yegua de Arriba (Yaiza, Lanzarote), de Barranco de Butihondo (Pájara, Fuerteventura), de La Laguna-Tiscamanita (Tuineje, Fuerteventura), de Lomo Blanco (Antigua, Fuerteventura), de Montaña de Amagro (Galdar, Grande Canarie), de Franja Costera de Botija (Galdar, Grande Canarie), de Cueva Lapa (Galdar,
Grande Canarie), de La Colmena (Santiago del Teide, Tenerife), de Montaña Los Giles (La Laguna, Tenerife), de Las Rosas (Güimar, Tenerife), de Barranco de Tejina (Guía de Isora, Tenerife), de Llano de Ifara (Granadilla de Abona, Tenerife), de Barranco del Carmen (Santa Cruz de La Palma, La Palma), de Barranco Jurado (Tijarafe, La Palma), de Montaña Negra (Puntagorda, La Palma), de Lomo Alto (Fuencaliente, La Palma), d’Arure/Llano Grande (Valle Gran Rey, La Gomera), d’El Palmar – Taguluche (Hermigua,
La Gomera), de Paraje de Juan Barba (Alajeró, La Gomera), d’El Altito (Valle Gran Rey, La Gomera), de Punta Sardina (Agulo, La Gomera), de Los Llanillos (La Frontera, El Hierro), de Faro de Orchilla (La Frontera, El Hierro), de Montaña del Tesoro (Valverde, El Hierro), d’Arbancón (Castille-La Manche), de Galve de Sorbe (Castille-La Manche), de Hiendelaencina (Castille-La Manche), de Tamajón (Castille-La Manche), d’El Casar (Castille-La Manche), de Cardeñosa (Ávila), de Miranda de Ebro (Burgos), de
Poza de la Sal (Burgos), d’Acebedo (León), de Bustillo del Páramo (León), de Cármenes (León), de Gradefes (León), de Noceda del Bierzo (León), de San Millán de los Caballeros (León), de Santa María del Páramo (León), de Villaornate y Castro (León), de Cevico de La Torre (Palencia), de Palencia (Palencia), d’Ahigal de los Aceiteros (Salamanque), d’Alaraz (Salamanque), de Calvarrasa de Abajo (Salamanque), de Hinojosa de Duero (Salamanque), de Machacón (Salamanque), de Palaciosrubios (Salamanque), de
Peñaranda de Bracamonte (Salamanque), de Salmoral (Salamanque), de Tordillos (Salamanque), de Basardilla (Ségovie), de Cabezuela (Ségovie), d’Almaraz del Duero (Zamora), de Cañizal (Zamora), de Casaseca de las Chanas (Zamora), de La Serratilla (Abanilla), de Las Rellanas (Santomera) et d’El Labradorcico (Águilas), le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 13 et 15 de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative
aux déchets et abrogeant certaines directives (JO 2008, L 312, p. 3).
Le cadre juridique
2 Le considérant 6 de la directive 2008/98 se lit comme suit :
« L’objectif premier de toute politique en matière de déchets devrait être de réduire à un minimum les incidences négatives de la production et de la gestion des déchets sur la santé humaine et l’environnement. La politique dans le domaine des déchets devrait également viser à réduire l’utilisation de ressources et favoriser l’application pratique d’une hiérarchie des déchets. »
3 Aux termes de l’article 1^er de la directive 2008/98, celle-ci « établit des mesures visant à protéger l’environnement et la santé humaine par la prévention ou la réduction des effets nocifs de la production et de la gestion des déchets, et par une réduction des incidences globales de l’utilisation des ressources et une amélioration de l’efficacité de cette utilisation ».
4 L’article 13 de ladite directive est libellé comme suit :
« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que la gestion des déchets se fait sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l’environnement, et notamment :
a) sans créer de risque pour l’eau, l’air, le sol, la faune ou la flore ;
b) sans provoquer de nuisances sonores ou olfactives ; et
c) sans porter atteinte aux paysages et aux sites présentant un intérêt particulier. »
5 L’article 15 de la directive 2008/98, intitulé « Responsabilité de la gestion des déchets », prévoit :
« 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour veiller à ce que tout producteur de déchets initial ou autre détenteur de déchets procède lui-même à leur traitement ou qu’il le fasse faire par un négociant, un établissement ou une entreprise effectuant des opérations de traitement des déchets ou par un collecteur de déchets privé ou public, conformément aux articles 4 et 13.
2. Lorsque des déchets sont transférés, à des fins de traitement préliminaire, du producteur initial ou du détenteur à l’une des personnes physiques ou morales visées au paragraphe 1, la responsabilité d’effectuer une opération complète de valorisation ou d’élimination n’est pas levée, en règle générale.
Sans préjudice du règlement (CE) n° 1013/2006, les États membres peuvent préciser les conditions de la responsabilité et décider dans quels cas le producteur initial conserve la responsabilité de l’ensemble de la chaîne de traitement ou dans quels cas la responsabilité du producteur et du détenteur peut être partagée ou déléguée parmi les intervenants dans la chaîne de traitement.
3. Les États membres peuvent décider, conformément à l’article 8, que la responsabilité de l’organisation de la gestion des déchets incombe en tout ou en partie au producteur du produit qui est à l’origine des déchets et que les distributeurs de ce produit peuvent partager cette responsabilité.
4. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que, sur leur territoire, les établissements ou les entreprises qui assurent la collecte ou le transport de déchets à titre professionnel acheminent les déchets collectés et transportés vers des installations de traitement appropriées respectant les dispositions de l’article 13. »
La procédure précontentieuse
6 Après plusieurs échanges de courriers et un certain nombre de réunions ayant débutées au cours de l’année 2005, la Commission a décidé d’ouvrir une procédure d’infraction afin de traiter le problème des décharges illégales en Espagne et a, par la lettre de mise en demeure du 23 mars 2007, attiré l’attention du Royaume d’Espagne sur le non-respect des obligations qui lui incombent en vertu des articles 4, 8 et 9 de la directive 2006/12/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2006,
relative aux déchets (JO 2006, L 114, p. 9).
7 Considérant que la réponse fournie par les autorités espagnoles confirmait le non-respect des obligations découlant de la directive 2006/12 mentionnées dans ladite lettre de mise en demeure, la Commission a, le 17 octobre 2008, adressé à cet État membre un avis motivé au motif qu’un nombre élevé de décharges non contrôlées continuaient de fonctionner à cette date sur le territoire dudit État membre et a conclu que le Royaume d’Espagne avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu
des articles 4, 8 et 9 de cette directive.
8 Après d’autres échanges de courriers et des réunions supplémentaires, la Commission a adressé, le 26 septembre 2014, un avis motivé complémentaire aux autorités espagnoles dans lequel elle concluait que, au regard de 63 décharges non contrôlées abandonnées mais non encore scellées ni réhabilitées, le Royaume d’Espagne avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 13 et 15 de la directive 2008/98, qui avait, entretemps, abrogé et remplacé la directive 2006/12.
9 Les autorités espagnoles ont répondu à l’avis motivé complémentaire par une lettre datée du 17 décembre 2014 ainsi que par un rapport communiqué le 17 août 2015.
10 Considérant que la situation de non-conformité au regard de la réglementation de l’Union européenne en matière de déchets persistait pour 61 décharges, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.
Sur le recours
Sur le premier grief
Argumentation des parties
11 Par son premier grief, la Commission reproche au Royaume d’Espagne d’avoir violé les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 13 de la directive 2008/98 qui oblige les États membres à prendre les mesures nécessaires pour assurer que la gestion des déchets se fait sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l’environnement. Selon cette institution, s’il est vrai que cette disposition ne précise pas le contenu concret des mesures qui doivent être prises pour assurer que
les déchets sont éliminés sans mettre en danger la santé de l’homme et sans porter préjudice à l’environnement, il n’en reste pas moins qu’elle lie les États membres quant à l’objectif à atteindre, tout en leur laissant une marge d’appréciation dans l’évaluation de la nécessité de telles mesures. En outre, la Cour aurait jugé de manière constante que la persistance d’une telle situation de fait, contraire aux objectifs établis à l’article 13 de cette directive, peut révéler que les États membres ont
outrepassé la marge d’appréciation que leur confère cette disposition.
12 Or, en l’espèce, le Royaume d’Espagne aurait clairement outrepassé cette marge d’appréciation et aurait, par conséquent, violé l’obligation qui lui incombe en vertu de l’article 13 de la directive 2008/98, puisque, selon les informations dont disposerait la Commission, qui ont été communiquées et reconnues par les autorités espagnoles elles-mêmes, à la date de l’envoi de l’avis motivé complémentaire, 61 décharges illégales n’étaient pas encore scellées ni réhabilitées. L’existence de cette
situation pendant une durée prolongée aurait nécessairement pour conséquence une dégradation significative de l’environnement, puisque, ainsi qu’il ressortirait de la jurisprudence de la Cour, les déchets ont une nature particulière, si bien que leur accumulation, avant même qu’ils ne deviennent dangereux pour la santé, constitue un danger pour l’environnement.
13 Selon la Commission, la situation dans les différentes régions d’Espagne se présente comme suit :
– En Andalousie, la décharge de Torremolinos (Malaga) serait, ainsi que le Royaume d’Espagne le reconnaît lui-même, toujours en attente de fermeture, de scellement et de réhabilitation.
– Sur les Îles Baléares, la décharge de Torrent de S’Estret (Andratx, Majorque) aurait, ainsi qu’il ressort des informations fournies par le Royaume d’Espagne, été revégétalisée et donc fermée le 19 novembre 2015, soit presqu’un an après le délai fixé dans l’avis motivé, à savoir le 26 novembre 2014.
– Sur les Îles Canaries,
i) s’agissant de la décharge de Barranco de Tejina (Guía de Isora, Tenerife), le Royaume d’Espagne indiquerait, dans son mémoire en défense, que l’ensemble des travaux de scellement, de réhabilitation et de fermeture de cette décharge est terminé. Toutefois, la Commission n’aurait pas encore reçu les modalités du projet de fermeture de ladite décharge de sorte qu’elle serait dans l’impossibilité de vérifier de manière appropriée si les obligations découlant de la directive 2008/98 sont
respectées. En tout état de cause, à supposer que le projet de fermeture, de scellement et de réhabilitation non transmis soit conforme à cette directive, l’infraction n’aurait cessé qu’après l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé et le manquement serait donc constitué ;
ii) en ce qui concerne la décharge de Hoya de la Yegua de Arriba (Yaiza, Lanzarote), le Royaume d’Espagne, informé de la procédure précontentieuse, aurait reconnu à maintes reprises, et notamment dans son rapport communiqué le 17 août 2015, l’existence d’une décharge illégale connue sous le nom de Hoya de la Yegua de Arriba et située sur le territoire de la commune de Yaiza sur l’île de Lanzarote. À aucun moment de la procédure, le Royaume d’Espagne n’aurait signalé que cette décharge porte
aussi le nom de Trasera de Montaña Roja. D’ailleurs, il ne ressortirait d’aucun des documents fournis à l’appui des allégations formulées dans le mémoire en défense que la décharge de Trasera de Montaña Roja, mentionnée dans ces documents, soit connue sous le nom de Hoya de la Yegua de Arriba ;
iii) en ce qui concerne les décharges de La Colmena (Santiago del Teide, Tenerife) et d’El Altito (Valle Gran Rey, La Gomera), les indications fournies par le Royaume d’Espagne dans son mémoire en défense ne seraient que des allégations qui ne sont pas étayées sur le plan documentaire par la transmission du projet correspondant de fermeture, de scellement et de réhabilitation de ces décharges. Il conviendrait donc de conclure que les autorités compétentes n’ont pas encore achevé la rédaction,
l’approbation et la réalisation des opérations de scellement et de réhabilitation desdites décharges, de sorte que le non-respect des obligations visées en l’espèce serait manifeste ;
iv) en ce qui concerne la décharge de Montaña Los Giles (La Laguna, Tenerife), l’information, donnée par le Royaume d’Espagne, selon laquelle cette décharge aurait été réhabilitée dans le cadre d’une procédure pénale et qu’il attend de recevoir les pièces justificatives de la part de la mairie de La Laguna, ne serait pas assez précise et ne serait étayée par aucun élément de preuve permettant à la Commission de s’assurer du respect des obligations imposées par la directive 2008/98 ;
v) en ce qui concerne les décharges d’Arure/Llano Grande (Valle Gran Rey, La Gomera) et de Barranco de Butihondo (Pájara, Fuerteventura), il ressortirait du mémoire en défense et des documents fournis que l’attribution des travaux d’exécution des projets de fermeture, de scellement et de réhabilitation de ces décharges s’est faite respectivement les 18 et 19 novembre 2015 et que la fin des travaux est prévue pour le mois d’avril 2016, en ce qui concerne la décharge d’Arure/Llano Grande, et pour
le mois de juin 2016, en ce qui concerne celle de Barranco de Butihondo (Pájara, Fuerteventura). Or, les modalités du projet de fermeture, de scellement et de réhabilitation de ces décharges n’ayant pas été communiquées à la Commission, cette dernière serait dans l’impossibilité de vérifier de manière appropriée si ledit projet est conforme à la directive 2008/98. En tout état de cause, les opérations de scellement et de réhabilitation desdites décharges n’étant pas encore terminées, le manquement
serait constitué à l’écoulement du délai fixé dans l’avis motivé, et
vi) en ce qui concerne les décharges de La Laguna-Tiscamanita (Tuineje, Fuerteventura), de Las Rosas (Güimar, Tenerife), de Barranco del Carmen (Santa Cruz de la Palma, La Palma), de Barranco Jurado (Tijarafe, La Palma), de Cueva Lapa (Galdar, Grande Canarie), d’El Palmar – Taguluche (Hermigua, La Gomera), de Faro de Orchilla (La Frontera, El Hierro), de Franja Costera de Botija (Galdar, Grande Canarie), de Llano de Ifara (Granadilla de Abona, Tenerife), de Lomo Alto (Fuencaliente, La Palma),
de Lomo Blanco (Antigua, Fuerteventura), de Los Llanillos (La Frontera, El Hierro), de Montaña del Tesoro (Valverde, El Hierro), de Montaña Negra (Puntagorda, La Palma), de Paraje de Juan Barba (Alajeró, La Gomera), de Punta Sardina (Agulo, La Gomera) et de Montaña de Amagro (Galdar, Grande Canarie), la Commission soutient que, nonobstant le fait qu’il ressort du mémoire en défense soumis par le Royaume d’Espagne que des projets de fermeture, de scellement et de réhabilitation correspondants ont été
élaborés pour certaines décharges, ces projets, pour certaines décharges, ne concernent qu’une partie relativement limitée des déchets déposés sur sol et ne tiennent pas compte de l’élimination des déchets déposés en mer qui sont reconnus comme majoritaires par ces mêmes projets, et que les prospections et les études réalisées pour déterminer qu’il ne reste pas de trace de l’ensemble des dépôts effectués en mer n’ont pas été étayées. Pour d’autres décharges, les projets seraient en cours de
rédaction, de sorte que le manquement serait, en ce qui concerne ces décharges, sans conteste établi.
– En Castille-La Manche, d’une part, en ce qui concerne les décharges d’Arbancón, de Galve de Sorbe, de Hiendelaencina et de Tamajón, toutes situées dans la province de Guadalajara, il ressortirait des pièces fournies par le Royaume d’Espagne dans son mémoire en défense que si la fermeture, le scellement et la réhabilitation de ces quatre décharges sont dorénavant établis, il serait également établi que l’infraction n’a cessé qu’après l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé. D’autre
part, s’agissant de la décharge d’El Casar, également dans la province de Guadalajara, dès lors qu’il ressortirait du mémoire en défense que le projet de fermeture, de scellement et de réhabilitation est en cours d’élaboration, le Royaume d’Espagne reconnaîtrait que l’approbation et l’exécution des opérations de scellement et de réhabilitation de cette décharge ne sont pas encore terminées. Le manquement aux obligations découlant de l’article 13 de la directive 2008/98 serait donc manifeste.
– En Castille-et-León,
i) en ce qui concerne les décharges de Gradefes (León), de Palaciosrubios (Salamanque) et de Cabezuela (Ségovie), la Commission précise que, contrairement à ce que soutient le Royaume d’Espagne, la violation reprochée à ce dernier ne dépend pas du type de déchets rejeté de manière illégale et que, en tout état de cause, il n’a pas été suffisamment établi que ces décharges non contrôlées contiennent seulement des déchets inertes. Dès lors, dans la mesure où l’attribution, l’approbation et
l’exécution des opérations de scellement et de réhabilitation desdites décharges n’ont pas encore eu lieu, le non-respect de l’article 13 de la directive 2008/98 serait établi ;
ii) en ce qui concerne la décharge de Bustillo del Páramo (León), la Commission fait valoir que les pièces soumises par le Royaume d’Espagne contiennent non pas un projet relatif à Bustillo del Páramo ou au ressort municipal d’Acebes del Páramo, mais seulement un reportage photographique portant sur une fermeture et un scellement présumés de décharges dans les localités de Mansilla del Páramo et d’Acebes del Páramo. La fermeture, le scellement et la réhabilitation de la décharge de Bustillo del
Páramo ne seraient donc pas dûment démontrés. En tout état de cause, à supposer que ladite preuve ait été apportée, il serait manifeste que l’infraction n’a cessé qu’après l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé ;
iii) en ce qui concerne les décharges de San Millán de los Caballeros (León), de Santa María del Páramo (León), d’Alaraz (Salamanque), de Peñaranda de Bracamonte (Salamanque), de Salmoral (Salamanque) et d’Almaraz del Duero (Zamora), au sujet desquelles le Royaume d’Espagne a démontré que les travaux de fermeture, de scellement et de réhabilitation ont été finalisés, la Commission relève que cette finalisation n’a eu lieu qu’après l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, à savoir le
26 novembre 2014 ;
iv) en ce qui concerne la décharge de Poza de la Sal (Burgos), l’affirmation du Royaume d’Espagne selon laquelle les travaux de fermeture, de scellement et de réhabilitation de cette décharge sont terminés serait contredite par la circonstance que le projet de fermeture, de scellement et de réhabilitation de ladite décharge communiqué avec le mémoire en défense fait apparaître que la localité en question dispose de deux zones de dépôt des déchets, l’une pour les déchets urbains, dénommée
« Fuenterreliquias » et située au nord, et l’autre pour les déchets inertes et les gravats, dans la zone de « Pontanilla », située au sud du village. Les deux décharges devraient donc être scellées. Or, il ressortirait des documents fournis que tel ne serait pas le cas, le dépotoir de Pontanilla n’étant toujours pas scellé. En tout état de cause, à supposer que toutes les décharges de Poza de la Sal aient effectivement été fermées, l’infraction en cause aurait cessé après l’expiration du délai fixé
dans l’avis motivé ;
v) en ce qui concerne les décharges de Villaornate y Castro (León) et de Casaseca de las Chanas (Zamora), la Commission, tout en reconnaissant que les pièces fournies par le Royaume d’Espagne avec son mémoire en défense établissent la fermeture, le scellement et la réhabilitation de ces décharges, relève qu’il ressort desdites pièces que l’infraction n’a cessé qu’après l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, et
vi) en ce qui concerne les décharges de Cardeñosa (Ávila), de Miranda de Ebro (Burgos), d’Acebedo (León), de Cármenes (León), de Noceda del Bierzo (León), de Cevico de La Torre (Palencia), de Palencia (Palencia), d’Ahigal de los Aceiteros (Salamanque), de Calvarrasa de Abajo (Salamanque), de Hinojosa de Duero (Salamanque), de Machacón (Salamanque), de Tordillos (Salamanque), de Basardilla (Ségovie) et de Cañizal (Zamora), le Royaume d’Espagne fournit dans son mémoire en défense des documents
attestant les progrès qui ont été accomplis, tout en reconnaissant que ces décharges demeurent en situation d’infraction. Partant, s’agissant de ces décharges, le manquement à l’article 13 de la directive 2008/98 ne serait pas contesté.
– En Murcie,
i) en ce qui concerne la décharge de La Serratilla (Abanilla), il ressortirait du mémoire en défense du Royaume d’Espagne que les travaux du projet de fermeture, de scellement et de réhabilitation de cette décharge sont effectués par l’administration au moyen d’une exécution forcée subsidiaire. Il y aurait dès lors lieu de conclure que, à la date du dépôt dudit mémoire, l’exécution des opérations de scellement et de réhabilitation était encore en cours. L’infraction n’aurait donc pas encore
pris fin ;
ii) en ce qui concerne la décharge de las Rellanas (Santomera), il ressortirait du mémoire en défense déposé par le Royaume d’Espagne que les travaux du projet approuvé de fermeture, de scellement et de réhabilitation de cette décharge n’ont pas encore commencé en raison de l’introduction d’un recours administratif par lequel la société responsable demande la prolongation du délai d’exécution et une dispense de l’obligation de constituer une garantie, recours qui serait actuellement pendant.
L’exécution des opérations de scellement et de réhabilitation de ladite décharge n’étant pas achevée, le manquement serait manifeste, et
iii) en ce qui concerne la décharge d’El Labradorcico (Águilas), il ressortirait du mémoire en défense déposé par le Royaume d’Espagne que, au 1^er décembre 2015, 46,60 % des travaux avaient été exécutés, que 46,60 % de plus seraient achevés pour la fin de l’année 2015 et que les 6,80 % subsistants restaient en suspens pour l’année 2016. L’exécution des opérations de scellement et de réhabilitation de cette décharge ne serait donc pas encore totalement achevée, de sorte que le manquement à
l’article 13 de la directive 2008/98 serait manifeste.
14 Le Royaume d’Espagne fait observer, à titre liminaire et avant de procéder à un examen au cas par cas des décharges visées par le recours, que, depuis l’adoption de la directive 1999/31/CE du Conseil, du 26 avril 1999, concernant la mise en décharge des déchets (JO 1999, L 182, p. 1), le gouvernement espagnol a engagé le processus complexe de mise en œuvre de cette dernière, en veillant à minimiser les délais dans les procédures administratives qui relèvent directement de sa responsabilité
et en encourageant les autres acteurs concernés, à savoir les administrations régionales et locales, à faire de même. Dans une période de graves difficultés économiques et budgétaires, les autorités espagnoles auraient fait un immense effort supplémentaire pour assurer le respect de ladite directive et des directives subséquentes, parmi lesquelles la directive 2008/98.
15 Selon le Royaume d’Espagne, à la date du dépôt du mémoire en duplique, plus aucune décharge incontrôlée n’est en fonctionnement et les opérations de scellement et de réhabilitation ont été engagées, et sont souvent arrivées à leur terme, dans la quasi-totalité des décharges. Ainsi, depuis l’ouverture de la procédure d’infraction, qui concernait initialement plus de 250 décharges, un nombre important de celles-ci auraient été scellées ou réhabilitées, de telle sorte que le recours ne concerne
plus que 61 décharges. En outre, le scellement aurait déjà eu lieu dans certains cas et il ne resterait plus qu’à démontrer le respect des conditions techniques de scellement et les décharges restantes feraient presque toutes l’objet d’un projet de scellement dans les autres cas.
16 Le Royaume d’Espagne ajoute que la circonstance que le ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et de l’Environnement a réservé des lignes de financement propres à la réhabilitation des décharges restantes dans un contexte de restrictions budgétaires générales démontre la grande importance que les autorités environnementales espagnoles attachent à ce que la gestion des déchets se fasse dans le respect des bonnes pratiques et, en tout état de cause, en protégeant le bien-être et la santé
des personnes et de l’environnement, comme cela est prévu à l’article 13 de la directive 2008/98.
17 En réponse à la requête, il aurait été démontré que sur les 61 décharges visées par le présent recours, douze satisfont aux exigences de la directive 2008/98. En tout état de cause, les autorités espagnoles continueraient à agir et à prendre des mesures afin de pleinement respecter les obligations énoncées dans ladite directive.
18 S’agissant de la situation concrète à la date du dépôt du mémoire en duplique, le Royaume d’Espagne fait valoir, notamment, que :
– En Andalousie, la décharge de Torremolinos (Malaga) serait inactive. La Junta de Andalucía aurait délivré plusieurs injonctions de fermeture de cette décharge à l’administration communale de Torremolinos. Toutefois, ces injonctions ayant été au cœur de nombreux litiges, tant administratifs que judiciaires, l’autorité environnementale de la Junta de Andalucía aurait décidé d’utiliser les mécanismes d’exécution forcée prévus dans la législation nationale. Il serait prévu que le projet
technique de fermeture, de surveillance et de suivi post-fermeture de ladite décharge soit rédigé avant le 31 décembre 2016.
– Sur les Îles Canaries,
i) il existerait dorénavant un projet de fermeture, de scellement et de réhabilitation de la décharge de Barranco de Tejina (Guía de Isora, Tenerife), projet nécessaire pour démontrer que la directive 2008/98 a bien été respectée ;
ii) le problème quant au nom de la décharge de Hoya de la Yegua de Arriba (Yaiza, Lanzarote) résulterait du fait que l’inventaire des décharges fourni par l’Agencia de Protección del Medio Urbano y Natural contient une fiche correspondant à la décharge de Montaña Roja-Playa Blanca, où « Hoya de la Yegua de Arriba » figure à la ligne « secteur », dans la partie « localisation de la décharge ». La confusion concernerait donc uniquement la dénomination de la décharge, puisqu’il ressortirait d’une
pièce jointe au mémoire en réplique qu’il s’agit bien d’une seule et même décharge ;
iii) le projet de réhabilitation du paysage de la décharge Montaña Los Giles (La Laguna, Tenerife) aurait été conçu au cours de l’année 2002 et sa mise en œuvre aurait débuté après que le propriétaire du sol a été condamné au pénal au cours de l’année 2006. Certes, le certificat final d’exécution des travaux n’aurait jamais été délivré, mais un document établi par le maître d’œuvre au mois de janvier 2007 expliquerait que les travaux tels que prévus dans le projet approuvé étaient presque finis
et qu’il ne restait plus qu’à finaliser le talus et à sceller définitivement cette décharge en la recouvrant d’une couche de terre végétale. D’autres pièces jointes au mémoire en duplique, dont la dernière date du mois d’octobre 2015, permettraient de constater que le terrain a été restauré du point de vue environnemental et qu’il s’intègre dans le reste du paysage ;
iv) la décharge d’Arure/Llano Grande (Valle Gran Rey, La Gomera) satisferait aux exigences de la directive 2008/98 ainsi que le démontrent le projet de fermeture, de scellement et de réhabilitation et le certificat final d’exécution des travaux relatifs à cette décharge. De même, il existerait un projet de fermeture, de scellement et de réhabilitation de la décharge de Barranco de Butihondo (Pájara, Fuerteventura), et
v) le rapport établi par l’entité chargée de la rédaction des projets, au sujet des décharges de Punta Sardina (Agulo, La Gomera) et d’El Palmar – Taguluche (Hermigua, La Gomera) exposerait les raisons pour lesquelles la collecte des déchets susceptibles de se trouver dans la mer est inopportune et ineffective du point de vue environnemental et injustifiée du point de vue économique.
– En Castille-La Manche, les décharges d’Arbancón, de Galve de Sorbe, de Hiendelaencina et de Tamajón respecteraient la directive 2008/98, ainsi que le reconnaît la Commission. S’agissant de la décharge d’El Casar, les travaux d’exécution du projet de fermeture, de scellement et de réhabilitation de celle-ci seraient en cours.
– En Castille-et-León, compte tenu du grand nombre de communes et de la taille de cette région, de nombreuses décharges sauvages, dont la très grande majorité a un volume de déchets et un impact sur l’environnement réduits, seraient apparues. En réaction, l’administration de Castille-et-León aurait lancé son programme de scellement des décharges sauvages au cours de l’année 1998. À ce jour, elle aurait scellé plus de 526 décharges pour un coût de 119 millions d’euros, l’investissement restant
étant estimé à environ 7 millions d’euros. Bien que la date limite de cessation de l’infraction fixée dans l’avis motivé complémentaire ait été le 26 novembre 2014, il serait actuellement prévu que les opérations de fermeture, de scellement et de réhabilitation de toutes les décharges sauvages pour déchets municipaux visées en l’espèce se termineront pendant le premier semestre de l’année 2017. La crise économique aurait retardé l’exécution correcte du scellement de toutes les décharges sauvages
situées en Castille-et-León, de sorte qu’il y aurait un dépassement du délai antérieurement fixé pour la cessation de l’infraction. Ainsi :
i) s’agissant des décharges de San Millán de los Caballeros (León), de Santa María del Páramo (León), d’Alaraz (Salamanque), de Peñaranda de Bracamonte (Salamanque), de Salmoral (Salamanque), d’Almaraz del Duero (Zamora), de Villaornate y Castro (León) et de Casaseca de las Chanas (Zamora), la Commission aurait reconnu que les travaux de fermeture, de scellement et de réhabilitation sont terminés et que l’article 13 et l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/98 sont actuellement
respectés ;
ii) la décharge de Bustillo del Páramo (León) respecterait également, à la date du mémoire en duplique, l’article 13 et l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/98 ;
iii) la décharge de Cañizal (Zamora), contrairement à ce qu’affirme la Commission, respecterait également, à l’heure actuelle, l’article 13 et l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/98, ainsi que le prouvent les projets de fermeture, de scellement et de réhabilitation ainsi que le procès-verbal de réception des travaux et les photographies joints au mémoire en duplique ;
iv) la zone de la décharge de Poza de la Sal (Burgos) appelée « Fuenterreliquias » serait, ainsi que la Commission le reconnaît, fermée. La fermeture de la seconde zone, appelée « Pontanilla », dédiée aux déchets inertes, aurait également été décidée. Toutefois, le scellement présenterait des difficultés, car cette zone se situe sur le domaine public hydraulique de la Confederación Hidrográfica del Ebro (Confédération hydrographique de l’Èbre). Ledit scellement devrait avoir lieu au courant de
l’année 2016 ;
v) les déchets inertes déposés dans les décharges de Gradefes (León), de Palaciosrubios (Salamanque) et de Cabezuela (Ségovie) causeraient un préjudice environnemental nettement moindre que les autres déchets et l’exécution des travaux sur ces trois décharges serait prévue pour l’année 2016. D’ailleurs, les travaux préparatoires auraient déjà été entamés, et
vi) les décharges de Cardeñosa (Ávila), de Miranda de Ebro (Burgos), d’Acebedo (León), de Cármenes (León), de Noceda del Bierzo (León), de Cevico de La Torre (Palencia), de Palencia (Palencia), d’Ahigal de los Aceiteros (Salamanque), de Calvarrasa de Abajo (Salamanque), de Hinojosa de Duero (Salamanque), de Machacón (Salamanque), de Tordillos (Salamanque) et de Basardilla (Ségovie) se trouveraient à différents stades de fermeture, de scellement et de réhabilitation.
– En Murcie,
i) le projet de scellement et de réhabilitation de la décharge de La Serratilla (Abanilla) serait soumis à une procédure d’exécution forcée ordonnée le 7 octobre 2015. À la suite d’une déclaration d’urgence, des travaux auraient commencé le 10 février 2016 ainsi que le 15 avril 2016 et seraient censés se terminer respectivement six mois et huit mois après leurs débuts ;
ii) le projet de scellement et de fermeture de la décharge pour déchets municipaux solides de Las Rellanas (Santomera) aurait été adopté le 24 juillet 2015. Toutefois, à la suite d’un recours, l’exécution des travaux en question aurait été suspendue jusqu’au 2 mai 2016, date à laquelle la Consejera de Agua, Agricultura y Medio Ambiente de Murcie a adopté un décret rejetant ledit recours. L’exécution du projet de scellement et de réhabilitation de ladite décharge devrait donc reprendre, et
iii) les travaux de scellement et de réhabilitation de la décharge d’El Labradorcico (Àguilas) auraient pris fin le 31 mars 2016, ainsi qu’il ressort de l’attestation du directeur en charge du projet, du procès-verbal de réception des travaux et du reportage photographique soumis avec le mémoire en duplique.
19 Eu égard à ce qui précède, le Royaume d’Espagne considère avoir démontré que, pour un certain nombre de décharges visées par le recours, il respecte dorénavant les obligations découlant de l’article 13 et de l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/98.
Appréciation de la Cour
20 Il convient, en premier lieu, de rappeler que dans le cadre d’une procédure en manquement en vertu de l’article 258 TFUE, il incombe à la Commission d’établir l’existence du manquement allégué. C’est elle qui doit apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence de ce manquement, sans pouvoir se fonder sur une présomption quelconque (voir, en ce sens, arrêts du 4 mars 2010, Commission/Italie, C‑297/08, EU:C:2010:115, point 101 et jurisprudence citée,
ainsi que du 11 décembre 2014, Commission/Grèce, C‑677/13, non publié, EU:C:2014:2433, point 57 et jurisprudence citée).
21 Toutefois, les États membres sont tenus, conformément à l’article 4, paragraphe 3, TUE, de faciliter à la Commission l’accomplissement de sa mission, consistant notamment, selon l’article 17, paragraphe 1, TUE, à veiller à l’application des dispositions du traité FUE ainsi que des dispositions prises par les institutions de l’Union en vertu de celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 2007, Commission/Italie, C‑135/05, EU:C:2007:250, point 27 et jurisprudence citée).
22 À cet égard, il convient de tenir compte du fait que, s’agissant de vérifier l’application correcte, en pratique, des dispositions nationales destinées à assurer la mise en œuvre effective des directives, dont celles adoptées dans le domaine de l’environnement, la Commission, qui ne dispose pas de pouvoirs propres d’investigation en la matière, est largement tributaire des éléments fournis par d’éventuels plaignants, des organismes privés ou publics actifs sur le territoire de l’État membre
concerné ainsi que par ledit État membre lui-même (arrêt du 26 avril 2007, Commission/Italie, C‑135/05, EU:C:2007:250, point 28 et jurisprudence citée). De même, tout document officiel émis par les autorités de l’État membre concerné peut être considéré comme une source valable d’informations aux fins de l’engagement, par la Commission, de la procédure visée à l’article 258 TFUE (arrêt du 11 décembre 2014, Commission/Grèce, C‑677/13, non publié, EU:C:2014:2433, point 66 et jurisprudence citée).
23 En l’espèce, au regard du caractère circonstancié des éléments produits par la Commission, qui consistent en des documents et des rapports officiels émis par les autorités espagnoles elles-mêmes, il incombe au Royaume d’Espagne de contester de manière substantielle et détaillée les données ainsi présentées et les conséquences qui en découlent (arrêts du 26 avril 2007, Commission/Italie, C‑135/05, EU:C:2007:250, point 30 et jurisprudence citée, ainsi que du 4 mars 2010, Commission/Italie,
C‑297/08, EU:C:2010:115, point 102 et jurisprudence citée).
24 Par conséquent, il appartient au premier chef aux autorités nationales de procéder aux vérifications nécessaires sur place, dans un esprit de coopération loyale, conformément au devoir de tout État membre, rappelé au point 21 du présent arrêt, de faciliter la mission générale de la Commission (arrêt du 26 avril 2007, Commission/Italie, C‑135/05, EU:C:2007:250, point 31 et jurisprudence citée).
25 Il convient, en deuxième lieu, de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et que les changements éventuels intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (arrêt du 16 juillet 2015, Commission/Slovénie, C‑140/14, non publié, EU:C:2015:501, point 63 et jurisprudence citée).
26 En l’occurrence, ainsi qu’il ressort du point 8 du présent arrêt, la Commission a envoyé au Royaume d’Espagne un avis motivé complémentaire le 26 septembre 2014, de telle sorte que le délai pour se conformer audit avis a expiré deux mois après sa réception.
27 Il importe, en troisième lieu, de relever que l’article 13 de la directive 2008/98 dispose que les États membres prennent les mesures nécessaires pour s’assurer que la gestion des déchets se fait sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l’environnement, et notamment sans créer de risque pour l’eau, l’air, le sol, la faune ou la flore.
28 La Cour a précisé qu’une dégradation de l’environnement est inhérente à la présence de déchets dans une décharge, quelle que soit la nature des déchets en cause (voir, en ce sens, arrêt du 10 juin 2010, Commission/Portugal, C‑37/09, non publié, EU:C:2010:331, point 37 et jurisprudence citée).
29 En l’occurrence, force est de constater que ni les explications factuelles fournies par le Royaume d’Espagne ni les annexes volumineuses soumises par cet État membre ne permettent de réfuter l’argument de la Commission selon lequel, au terme du délai fixé dans l’avis motivé complémentaire, la situation dans les 61 décharges faisant l’objet du présent recours n’était pas encore conforme à l’article 13 de la directive 2008/98.
30 En effet, il s’avère, à la lecture des explications fournies par le Royaume d’Espagne, que malgré les efforts déployés par les autorités nationales et régionales compétentes, et alors même qu’il y a eu une amélioration constante de la situation depuis le début de la procédure précontentieuse au cours de l’année 2005, cet État membre n’a pas démontré que les manquements constatés par la Commission dans les différentes décharges en cause ont pris fin avant l’écoulement du délai fixé dans
l’avis motivé complémentaire du 26 septembre 2014.
31 Ce constat vaut également pour les décharges que la Commission considère désormais être en conformité avec le droit de l’Union, dès lors que, ainsi qu’il a été rappelé au point 25 du présent arrêt, les changements éventuels intervenus après le délai fixé dans l’avis motivé complémentaire ne sauraient être pris en compte par la Cour.
32 De surcroît, il y a lieu de rappeler que selon une jurisprudence constante de la Cour, un État membre ne saurait exciper de situation de son ordre interne pour justifier le non-respect des obligations et des délais résultant du droit de l’Union. En particulier, d’une part, les coûts liés à l’exécution complète des obligations découlant d’une directive ne sauraient justifier le non-respect de ces obligations (voir, en ce sens, arrêts du 18 octobre 2012, Commission/Royaume-Uni, C‑301/10,
EU:C:2012:633, point 66, et du 6 novembre 2014, Commission/Belgique, C‑395/13, EU:C:2014:2347, point 51). D’autre part, l’exercice de voies de recours juridictionnelles, telles que celles invoquées au regard des décharges de Torremolinos (Malaga), de Montaña Los Giles (La Laguna, Tenerife), de La Serratilla (Abanilla) ou de Las Rellanas (Santomera), est sans incidence sur le bien-fondé d’un grief formulé dans le cadre d’une procédure en manquement (arrêt du 25 février 2016, Commission/Espagne,
C‑454/14, non publié, EU:C:2016:117, point 45 et jurisprudence citée).
33 S’agissant de la prétendue confusion qui existerait au sujet de la décharge de Hoya de la Yegua de Arriba (Yaiza, Lanzarote), il suffit de relever que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée aux points 21 et 22 du présent arrêt, il appartenait au Royaume d’Espagne de faciliter à la Commission l’accomplissement de sa mission et de lui fournir des documents clairs établissant qu’il n’existait qu’une seule décharge et d’éviter qu’une « confusion » puisse naître au regard du nom de
cette décharge. En tout état de cause, à supposer qu’il ne s’agisse que d’une seule et même décharge, le Royaume d’Espagne n’a pas établi qu’à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé complémentaire celle-ci ait respecté les conditions prévues à l’article 13 de la directive 2008/98.
34 Il s’ensuit que le premier grief, tiré de la violation de l’article 13 de la directive 2008/98, doit être considéré comme fondé.
Sur le second grief
Argumentation des parties
35 Par son second grief, la Commission reproche au Royaume d’Espagne d’avoir manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/98 qui oblige les États membres à prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que tout producteur de déchets initial ou autre détenteur de déchets procède lui-même à leur traitement ou qu’il le fasse faire par un négociant, un établissement ou une entreprise effectuant des opérations de traitement des déchets ou
par un collecteur de déchets privé ou public, conformément aux articles 4 et 13 de la même directive.
36 Le maintien, jusqu’à l’introduction du présent recours, de 61 décharges illégales non encore scellées ni réhabilitées amène la Commission à considérer que les autorités espagnoles n’ont pas adopté toutes les mesures requises à l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/98 dès lors que, pendant une longue période, elles n’ont pas empêché le dépôt illégal de déchets dans ces décharges et, par conséquent, n’ont pas veillé à ce que ces déchets soient traités conformément à cette
disposition.
37 Partant, il y aurait lieu de conclure que le Royaume d’Espagne, en n’adoptant pas, en ce qui concerne les déchets déversés dans les décharges visées par le premier grief, les mesures nécessaires pour que ces déchets soient traités par une entreprise ou par un collecteur de déchets privé ou public en vue de leur élimination ou de leur valorisation, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 15 de la directive 2008/98.
38 Le Royaume d’Espagne traite ce second grief ensemble avec le premier et se borne à affirmer qu’il a démontré que, pour un certain nombre de décharges visées par le recours, les obligations résultant de l’article 13 et de l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/98 sont désormais respectées.
Appréciation de la Cour
39 D’emblée, il convient de rappeler que, conformément à l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/98, les États membres doivent prendre les mesures nécessaires aux fins de veiller à ce que tout producteur de déchets initial ou autre détenteur de déchets soit procède lui-même au traitement de ceux-ci, soit le fasse faire par un négociant, un établissement ou une entreprise effectuant des opérations de traitement des déchets ou par un collecteur de déchets privé ou public, conformément
aux articles 4 et 13 de cette directive.
40 À cet égard, il y a lieu de constater que les décharges en cause dans la présente affaire ont, ainsi que l’admet d’ailleurs le Royaume d’Espagne lui-même, fonctionné pendant une très longue période de manière incontrôlée et illégale et que les déchets qui y ont été déposés n’ont pas été traités de manière à en réduire les incidences négatives sur l’environnement.
41 Or, une telle situation n’a pu se produire qu’en raison de l’absence d’adoption, par le Royaume d’Espagne, de mesures contraignantes destinées à amener le producteur initial ou le détenteur de déchets à procéder lui-même au traitement de ces déchets ou à le faire faire par une des autres personnes énumérées à l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/98.
42 Il résulte d’ailleurs de la jurisprudence de la Cour que les communes sont tenues de respecter ces mêmes règles et peuvent être tenues soit de procéder elles-mêmes au traitement des déchets provenant de décharges situées sur leur territoire, soit de le faire faire par un négociant, un établissement ou une entreprise effectuant des opérations de traitement des déchets ou par un collecteur de déchets privés ou public et qu’il appartient à l’État membre en question d’adopter les mesures
nécessaires pour assurer que les communes respectent leurs obligations (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, Commission/Slovénie, C‑140/14, non publié, EU:C:2015:501, points 95 et 96).
43 En l’espèce, et eu égard aux explications fournies par le Royaume d’Espagne, il y a lieu de conclure que, au terme du délai fixé dans l’avis motivé complémentaire, les mesures nécessaires pour assurer le plein respect de l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/98 n’avaient pas encore été adoptées.
44 Il s’ensuit que le second grief, tiré de la violation de l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/98, doit être considéré comme fondé.
45 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de constater que, en n’adoptant pas, en ce qui concerne les décharges de Torremolinos (Malaga), de Torrent de S’Estret (Andratx, Majorque), de Hoya de la Yegua de Arriba (Yaiza, Lanzarote), de Barranco de Butihondo (Pájara, Fuerteventura), de La Laguna-Tiscamanita (Tuineje, Fuerteventura), de Lomo Blanco (Antigua, Fuerteventura), de Montaña de Amagro (Galdar, Grande Canarie), de Franja Costera de Botija (Galdar, Grande
Canarie), de Cueva Lapa (Galdar, Grande Canarie), de La Colmena (Santiago del Teide, Tenerife), de Montaña Los Giles (La Laguna, Tenerife), de Las Rosas (Güimar, Tenerife), de Barranco de Tejina (Guía de Isora, Tenerife), de Llano de Ifara (Granadilla de Abona, Tenerife), de Barranco del Carmen (Santa Cruz de La Palma, La Palma), de Barranco Jurado (Tijarafe, La Palma), de Montaña Negra (Puntagorda, La Palma), de Lomo Alto (Fuencaliente, La Palma), d’Arure/Llano Grande (Valle Gran Rey, La Gomera),
d’El Palmar – Taguluche (Hermigua, La Gomera), de Paraje de Juan Barba (Alajeró, La Gomera), d’El Altito (Valle Gran Rey, La Gomera), de Punta Sardina (Agulo, La Gomera), de Los Llanillos (La Frontera, El Hierro), de Faro de Orchilla (La Frontera, El Hierro), de Montaña del Tesoro (Valverde, El Hierro), d’Arbancón (Castille-La Manche), de Galve de Sorbe (Castille-La Manche), de Hiendelaencina (Castille-La Manche), de Tamajón (Castille-La Manche), d’El Casar (Castille-La Manche), de Cardeñosa
(Ávila), de Miranda de Ebro (Burgos), de Poza de la Sal (Burgos), d’Acebedo (León), de Bustillo del Páramo (León), de Cármenes (León), de Gradefes (León), de Noceda del Bierzo (León), de San Millán de los Caballeros (León), de Santa María del Páramo (León), de Villaornate y Castro (León), de Cevico de La Torre (Palencia), de Palencia (Palencia), d’Ahigal de los Aceiteros (Salamanque), d’Alaraz (Salamanque), de Calvarrasa de Abajo (Salamanque), de Hinojosa de Duero (Salamanque), de Machacón
(Salamanque), de Palaciosrubios (Salamanque), de Peñaranda de Bracamonte (Salamanque), de Salmoral (Salamanque), de Tordillos (Salamanque), de Basardilla (Ségovie), de Cabezuela (Ségovie), d’Almaraz del Duero (Zamora), de Cañizal (Zamora), de Casaseca de las Chanas (Zamora), de La Serratilla (Abanilla), de Las Rellanas (Santomera) et d’El Labradorcico (Águilas), les mesures nécessaires pour s’assurer que la gestion des déchets se fait sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à
l’environnement, et notamment sans créer de risque pour l’eau, l’air, le sol, la faune ou la flore, et que les déchets qui y sont déversés soient traités par les communes elles-mêmes ou par un négociant, un établissement ou une entreprise effectuant des opérations de traitement des déchets ou par un collecteur de déchets privé ou public, conformément aux articles 4 et 13 de la directive 2008/98, le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 13 et de
l’article 15, paragraphe 1, de cette directive.
Sur les dépens
46 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume d’Espagne et ce dernier ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) déclare et arrête :
1) En n’adoptant pas, en ce qui concerne les décharges de Torremolinos (Malaga), de Torrent de S’Estret (Andratx, Majorque), de Hoya de la Yegua de Arriba (Yaiza, Lanzarote), de Barranco de Butihondo (Pájara, Fuerteventura), de La Laguna-Tiscamanita (Tuineje, Fuerteventura), de Lomo Blanco (Antigua, Fuerteventura), de Montaña de Amagro (Galdar, Grande Canarie), de Franja Costera de Botija (Galdar, Grande Canarie), de Cueva Lapa (Galdar, Grande Canarie), de La Colmena (Santiago del Teide,
Tenerife), de Montaña Los Giles (La Laguna, Tenerife), de Las Rosas (Güimar, Tenerife), de Barranco de Tejina (Guía de Isora, Tenerife), de Llano de Ifara (Granadilla de Abona, Tenerife), de Barranco del Carmen (Santa Cruz de La Palma, La Palma), de Barranco Jurado (Tijarafe, La Palma), de Montaña Negra (Puntagorda, La Palma), de Lomo Alto (Fuencaliente, La Palma), d’Arure/Llano Grande (Valle Gran Rey, La Gomera), d’El Palmar – Taguluche (Hermigua, La Gomera), de Paraje de Juan Barba (Alajeró, La
Gomera), d’El Altito (Valle Gran Rey, La Gomera), de Punta Sardina (Agulo, La Gomera), de Los Llanillos (La Frontera, El Hierro), de Faro de Orchilla (La Frontera, El Hierro), de Montaña del Tesoro (Valverde, El Hierro), d’Arbancón (Castille-La Manche), de Galve de Sorbe (Castille-La Manche), de Hiendelaencina (Castille-La Manche), de Tamajón (Castille-La Manche), d’El Casar (Castille-La Manche), de Cardeñosa (Ávila), de Miranda de Ebro (Burgos), de Poza de la Sal (Burgos), d’Acebedo (León), de
Bustillo del Páramo (León), de Cármenes (León), de Gradefes (León), de Noceda del Bierzo (León), de San Millán de los Caballeros (León), de Santa María del Páramo (León), de Villaornate y Castro (León), de Cevico de La Torre (Palencia), de Palencia (Palencia), d’Ahigal de los Aceiteros (Salamanque), d’Alaraz (Salamanque), de Calvarrasa de Abajo (Salamanque), de Hinojosa de Duero (Salamanque), de Machacón (Salamanque), de Palaciosrubios (Salamanque), de Peñaranda de Bracamonte (Salamanque), de
Salmoral (Salamanque), de Tordillos (Salamanque), de Basardilla (Ségovie), de Cabezuela (Ségovie), d’Almaraz del Duero (Zamora), de Cañizal (Zamora), de Casaseca de las Chanas (Zamora), de La Serratilla (Abanilla), de Las Rellanas (Santomera) et d’El Labradorcico (Águilas), les mesures nécessaires pour s’assurer que la gestion des déchets se fait sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l’environnement, et notamment sans créer de risque pour l’eau, l’air, le sol, la faune ou la flore,
et que les déchets qui y sont déversés soient traités par les communes elles-mêmes ou par un négociant, un établissement ou une entreprise effectuant des opérations de traitement des déchets ou par un collecteur de déchets privé ou public, conformément aux articles 4 et 13 de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux déchets et abrogeant certaines directives, le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 13
et de l’article 15, paragraphe 1, de cette directive.
2) Le Royaume d’Espagne est condamné aux dépens.
Signatures
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* Langue de procédure : l’espagnol.