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09/03/2017 | CJUE | N°C-100/16

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Ellinikos Chrysos AE Metalleion kai Viomichanias Chrysou contre Commission européenne., 09/03/2017, C-100/16


ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

9 mars 2017 ( *1 )

«Pourvoi — Aides d’État — Cession de mines à un prix inférieur à la valeur réelle du marché — Exonération des taxes sur l’opération de cession — Évaluation du montant de l’avantage accordé»

Dans l’affaire C‑100/16 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 18 février 2016,

Ellinikos Chrysos AE Metalleion kai Viomichanias Chrysou, représentée par Mes V. Christianos et

 I. Soufleros, dikigoroi,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

République hellénique,

...

ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

9 mars 2017 ( *1 )

«Pourvoi — Aides d’État — Cession de mines à un prix inférieur à la valeur réelle du marché — Exonération des taxes sur l’opération de cession — Évaluation du montant de l’avantage accordé»

Dans l’affaire C‑100/16 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 18 février 2016,

Ellinikos Chrysos AE Metalleion kai Viomichanias Chrysou, représentée par Mes V. Christianos et I. Soufleros, dikigoroi,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

République hellénique,

partie demanderesse en première instance,

Commission européenne, représentée par MM. É. Gippini Fournier et A. Bouchagiar, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (dixième chambre),

composée de Mme M. Berger, président de chambre, MM. A. Borg Barthet et E. Levits (rapporteur), juges,

avocat général : M. M. Wathelet,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par son pourvoi, Ellinikos Chrysos AE Metalleion kai Viomichanias Chrysou (ci‑après « Ellinikos Chrysos ») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 9 décembre 2015, Grèce et Ellinikos Chrysos/Commission (T‑233/11 et T‑262/11, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2015:948), en tant que, par cet arrêt, celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision 2011/452/UE de la Commission, du 23 février 2011, concernant l’aide d’État C 48/08 (ex NN 61/08) octroyée
par la Grèce en faveur d’Ellinikos Chrysos AE (JO 2011, L 193, p. 27, ci‑après la « décision litigieuse »).

Les antécédents du litige et la décision litigieuse

2 TVX Hellas AE a exploité jusqu’en 2003 les mines d’or de Kassandra (Grèce). En vertu du compromis extrajudiciaire du 12 décembre 2003, la République hellénique a acquis la propriété des actifs de TVX Hellas pour un montant de 11 millions d’euros et l’a dégagée, ainsi que sa société mère TVX Gold Inc., de toute responsabilité administrative ou pénale ou de toute obligation pour d’éventuels manquements à la législation sur la protection de l’environnement.

3 L’article 51 de la loi no 3220/2004 a ratifié ce compromis, alors que l’article 52 de cette loi a ratifié le contrat par lequel la République hellénique a cédé les actifs de TVX Hellas à Ellinikos Chrysos pour la somme de 11 millions d’euros. Lesdits actifs se composent de mines d’or, de terrains et de stocks d’or. En outre, l’acquéreur s’engageait, premièrement, à réaliser les actions et les procédures de protection de l’environnement et d’entretien dans le délai imparti pour l’octroi des
autorisations et des agréments nécessaires et, deuxièmement, à entamer les mesures nécessaires au démarrage de l’exploitation des mines de Kassandra dans un délai de trois mois. Troisièmement, l’acquéreur s’obligeait à rédiger un projet d’investissement complet sur le développement de ces mines ainsi que sur la construction et le fonctionnement de l’usine de métallurgie d’or, dans un délai de 24 mois.

4 En outre, l’article 5 dudit contrat stipulait que l’opération de cession des actifs à Ellinikos Chrysos était exempte de droits et d’impôts.

5 Après avoir reçu une plainte en rapport avec cette opération, la Commission européenne a procédé à des demandes d’informations auprès des autorités grecques. Cette institution a ouvert, par décision du 10 décembre 2008, la procédure formelle d’examen en application de l’article 108, paragraphe 2, TFUE. Dans ce contexte, Ellinikos Chrysos a présenté des observations.

6 Par la décision litigieuse, la Commission a considéré, en substance, que l’opération de cession des actifs de TVX Hellas à Ellinikos Chrysos par la République hellénique était constitutive d’une aide incompatible avec le marché intérieur et que cet État membre devait procéder à sa récupération. Par cette décision, la Commission a considéré, d’une part, que les mines de Kassandra ont été vendues à Ellinikos Chrysos à un prix inférieur à la valeur du marché et, d’autre part, que l’exemption des
droits d’enregistrement ou des autres taxes relatifs à l’opération de cession des terrains litigieux a constitué un élément supplémentaire de l’aide en cause. Le montant total de l’aide a été fixé à 15,34 millions d’euros.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

7 Au soutien de son recours en annulation dirigé contre la décision litigieuse, la requérante faisait valoir deux moyens, le premier étant subdivisé en plusieurs griefs.

8 Aux termes du deuxième grief du premier moyen, que le Tribunal a résumé au point 65 de l’arrêt attaqué, la requérante faisait valoir que la Commission avait utilisé et apprécié de manière erronée le rapport d’expertise portant sur l’évaluation des mines de Kassandra réalisé au cours de l’année 2004 par une société de consultants internationale spécialisée dans le secteur minier, pour le compte d’European Goldfields Ltd, dans le cadre du plan d’augmentation de capital de cette dernière dans
Ellinikos Chrysos (ci-après le « rapport d’expertise »), sur lequel la Commission s’est fondée pour évaluer la valeur de ces mines. Le Tribunal a fait état des arguments relatifs au contexte dans lequel ce rapport a été rédigé, de la date de rédaction de celui-ci ainsi que de la définition des exploitations en activité qui y était retenue, autant d’éléments qui le rendraient impropre pour une évaluation de la valeur desdites mines. Par ailleurs, le Tribunal a souligné, au point 92 de l’arrêt
attaqué, qu’il était constant que la requérante ne contestait pas la fiabilité et l’objectivité dudit rapport.

9 Après avoir rejeté l’argument relatif à la date de rédaction du rapport d’expertise, le Tribunal a constaté que ce rapport considérait comme se trouvant dans un état « proche de la production » un site minier opérationnel ou faisant l’objet d’une étude de faisabilité, ce qui était le cas, toujours d’après ledit rapport, des sites miniers de Stratoni, d’Olympiada et de Skouries qu’englobe l’exploitation de Kassandra.

10 Partant, le Tribunal a, au point 99 de l’arrêt attaqué, rejeté le deuxième grief du premier moyen.

11 En outre, le Tribunal a rappelé, au point 100 de l’arrêt attaqué, que le rapport d’expertise retenait l’approche dite « du revenu » pour évaluer la valeur des sites miniers en cause, approche dont la pertinence n’a pas été remise en cause par Ellinikos Chrysos.

12 S’agissant de la valeur de la mine de Skouries, le Tribunal a souligné, au point 103 de l’arrêt attaqué, que, en vertu du rapport d’expertise, une étude de faisabilité avait été complétée, de telle sorte que cette valeur avait été fixée selon l’approche du revenu, en tenant compte des coûts de développement, de construction et de fonctionnement ainsi que des coûts administratifs, afin d’obtenir un permis d’exploitation.

13 S’agissant de la valeur des terrains des sites miniers en cause, le Tribunal a rappelé, aux points 126 et 127 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait considéré qu’ils représentaient des actifs transférés à Ellinikos Chrysos, dont la valeur intrinsèque avait été évaluée par le rapport d’expertise sur le fondement des informations communiquées par la requérante. Le Tribunal a validé cette valeur au point 132 de l’arrêt attaqué et a rejeté le recours dans son ensemble.

Les conclusions des parties

14 Ellinikos Chrysos demande à la Cour :

— d’annuler l’arrêt attaqué et de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, et

— de condamner la Commission aux dépens.

15 La Commission demande à la Cour :

— de rejeter le pourvoi, et

— de condamner Ellinikos Chrysos aux dépens.

Sur le pourvoi

Considérations préliminaires

16 Au soutien de son pourvoi, la requérante soulève trois moyens, tirés, respectivement, d’un défaut de motivation de l’arrêt attaqué concernant l’évaluation de la valeur des mines cédées, d’un défaut de motivation de cet arrêt concernant l’évaluation de la valeur des terrains cédés et de l’évaluation erronée de l’avantage issu de l’exemption d’impôt sur l’opération de cession.

17 En substance, la requérante conteste, par ses trois moyens, l’évaluation effectuée par le Tribunal du montant de l’avantage qui lui a été accordé résultant de l’opération de cession des mines et des terrains de Kassandra.

18 À cet égard, premièrement, il est de jurisprudence constante que la Commission, pour estimer la valeur d’une aide au sens de l’article 107 TFUE, doit procéder à des appréciations économiques complexes (voir, en ce sens, arrêt du 2 septembre 2010, Commission/Scott, C‑290/07 P, EU:C:2010:480, point 68).

19 Dans ces conditions, le contrôle par le juge de l’Union d’une telle opération est nécessairement restreint. Celui-ci se limite à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêt du 12 octobre 2016, Land Hessen/Pollmeier Massivholz, C‑242/15 P, non publié, EU:C:2016:765, point 28).

20 En particulier, il n’appartient pas au juge de l’Union, dans le cadre de ce contrôle, de substituer son appréciation économique à celle de la Commission (arrêt du 24 octobre 2013, Land Burgenland e.a./Commission, C‑214/12 P, C‑215/12 P et C‑223/12 P, EU:C:2013:682, point 78).

21 Deuxièmement, il convient de rappeler que, conformément aux articles 256 TFUE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est, dès lors, seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation des faits et des éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle,
au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 26 janvier 2017, Masco e.a./Commission, C‑614/13 P, EU:C:2017:63, point 35).

22 Par conséquent, le présent pourvoi ne saurait prospérer qu’à la condition qu’Ellinikos Chrysos démontre que le Tribunal a commis une erreur de droit ou une dénaturation des faits ou des éléments de preuve dans l’exercice de son contrôle restreint de l’appréciation par la Commission du montant de l’aide litigieuse.

Sur le premier moyen

Argumentation des parties

23 Par son premier moyen, la requérante fait valoir, en premier lieu, que le Tribunal a considéré, à tort, au point 103 de l’arrêt attaqué, que la mine de Stratoni était opérationnelle au moment de sa vente. En effet, il ressortirait de la décision litigieuse que les activités étaient suspendues dans toutes les mines de Kassandra. S’agissant de la mine de Skouries, le Tribunal n’aurait pu confirmer qu’elle présentait une valeur positive et constater parallèlement que ce site minier ne représentait
qu’un gisement ne disposant ni d’infrastructure ni de permis minier.

24 En deuxième lieu, le Tribunal aurait omis de répondre à l’argument de la requérante contestant l’utilisation, aux fins de l’évaluation de la valeur des mines cédées, du rapport d’expertise en raison du contexte dans lequel celui-ci a été réalisé. En outre, le Tribunal aurait tenu compte, aux points 96 et 97 de l’arrêt attaqué, d’informations erronées contenues dans ce rapport en ce qui concerne la reprise effective des activités des mines de Stratoni et d’Olympiada. Il en résulterait une
évaluation erronée de l’avantage tiré par Ellinikos Chrysos de l’achat des mines de Kassandra.

25 En troisième lieu, le Tribunal n’aurait pas pris en compte, pour confirmer l’évaluation de cet avantage, certains coûts liés aux infrastructures à réaliser pour rendre opérationnelle la mine de Skouries.

26 La Commission fait valoir le caractère non fondé du premier moyen.

Appréciation de la Cour

27 S’agissant de la première branche du premier moyen, il convient de souligner qu’Ellinikos Chrysos ne conteste pas la définition d’un site minier « proche de la production », telle qu’elle a été retenue par la Commission et rappelée par le Tribunal, au point 96 de l’arrêt attaqué, en vertu de laquelle un site minier se trouve dans un état « proche de la production » dès lors qu’il est ou a été opérationnel ou qu’il a fait l’objet d’une étude de faisabilité. Dès lors que les mines de Stratoni et
d’Olympiada ont été opérationnelles, mais que leurs activités ont été suspendues pour des raisons autres qu’économiques, et que la mine de Skouries a fait l’objet d’une étude de faisabilité, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en confirmant que l’évaluation de l’avantage accordé à la requérante par la cession des sites miniers en cause concernait des mines dans un état « proche de la production ».

28 À cet égard, Ellinikos Chrysos, en reprochant au Tribunal d’avoir confirmé que la mine de Stratoni était en activité au moment de sa cession, procède à une lecture erronée de l’arrêt attaqué. En effet, le Tribunal a confirmé, dans les limites de ses compétences, que l’appréciation de la valeur de cette mine se fondait sur la circonstance qu’elle avait été opérationnelle et que ses activités avaient été suspendues pour des raisons qui ne sont pas de nature à affecter la valeur économique
intrinsèque de celle-ci.

29 De même, l’argument de la requérante tiré de l’absence d’infrastructure et de permis minier s’agissant de la mine de Skouries ne saurait prospérer. En effet, un tel état n’est pas en contradiction avec la reconnaissance d’une valeur positive à cette mine, eu égard, non seulement, à la définition qu’a fait sienne la Commission d’une mine dans un état proche de la production, mais également à la méthode d’évaluation employée, telle qu’elle a été décrite, au point 100 de l’arrêt attaqué, et qui
n’est pas contestée par Ellinikos Chrysos.

30 S’agissant de la deuxième branche du premier moyen, la requérante reproche au Tribunal, premièrement, de ne pas avoir répondu explicitement à l’argument par lequel l’utilité du rapport d’expertise pour évaluer la valeur des mines en cause était remise en question en raison de sa finalité.

31 À cet égard, il y a lieu de rappeler, d’une part, que, dans le cadre du pourvoi, le contrôle de la Cour a pour objet, notamment, de vérifier si le Tribunal a répondu à suffisance de droit à l’ensemble des arguments invoqués par le requérant et, d’autre part, que le moyen tiré d’un défaut de réponse du Tribunal à des arguments invoqués en première instance revient, en substance, à invoquer une violation de l’obligation de motivation qui découle de l’article 36 du statut de la Cour de justice de
l’Union européenne, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 117 du règlement de procédure du Tribunal (ordonnance du 13 décembre 2012, Alliance One International/Commission, C‑593/11 P, non publiée, EU:C:2012:804, point 27).

32 En outre, l’obligation de motivation n’impose pas au Tribunal de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige, la motivation du Tribunal pouvant donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (ordonnance du 13 décembre 2012, Alliance One
International/Commission, C‑593/11 P, non publiée, EU:C:2012:804, point 28).

33 Il ressort du point 65 de l’arrêt attaqué qu’Ellinikos Chrysos fondait son grief relatif au caractère inadéquat du rapport d’expertise en tant que fondement de l’évaluation de la valeur des mines de Kassandra sur quatre arguments. Or, si le Tribunal a apporté une réponse aux arguments relatifs à la date de rédaction du rapport d’expertise, aux points 93 à 95 de l’arrêt attaqué, à la définition retenue de la notion de mine opérationnelle, aux points 96 à 98 de cet arrêt, ainsi qu’à la méthode
d’évaluation, aux points 100 à 104 de ce même arrêt, il n’a pas répondu à l’argument tiré de la finalité pour laquelle ce rapport a été rédigé dont résulterait son caractère impropre pour l’évaluation litigieuse.

34 Dans ces circonstances, en estimant, au point 99 de l’arrêt attaqué, que les arguments de la requérante relatifs à l’utilisation par la Commission du rapport d’expertise devaient être rejetés, sans répondre à l’argument tiré de la finalité pour laquelle ce rapport a été rédigé, le Tribunal a commis une violation de l’obligation de motivation qui lui incombe.

35 Deuxièmement, à supposer que, en reprochant au Tribunal d’avoir retenu des éléments du rapport d’expertise se rapportant à des événements futurs, la requérante ne demande pas à la Cour de procéder à une nouvelle appréciation des faits de l’espèce, elle n’indique aucunement dans quelle mesure une telle circonstance disqualifierait l’évaluation faite par la Commission de l’avantage qui lui a été accordé. En effet, ces événements s’étant effectivement réalisés, de surcroît à une date antérieure à
celle prévue dans ce rapport concernant l’un d’eux, il n’apparaît pas pour quelle raison une telle circonstance serait susceptible d’altérer l’utilité dudit rapport aux fins de l’évaluation de l’avantage accordé.

36 S’agissant de la troisième branche du premier moyen, le Tribunal a indiqué, au point 103 de l’arrêt attaqué, que le rapport d’expertise avait pris en compte les différents coûts nécessaires à la mise en production de la mine de Skouries. Partant, cette troisième branche, par laquelle la requérante soutient que l’évaluation de la valeur de la mine de Skouries n’a pas reflété de tels coûts, procède d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué.

37 En tout état de cause, s’agissant du montant même de ces coûts, il ressort du point 21 du présent arrêt qu’Ellinikos Chrysos ne saurait, au stade du pourvoi, demander à la Cour une nouvelle appréciation des faits, en général, et de la valeur même des mines en cause, en particulier.

38 Par conséquent, la deuxième branche du premier moyen doit être accueillie, en tant que, par celle-ci, la requérante reproche au Tribunal de ne pas avoir répondu à l’argument tiré de la finalité pour laquelle le rapport d’expertise a été rédigé. Pour le surplus, ce moyen doit être rejeté.

Sur le deuxième moyen

Argumentation des parties

39 Par son deuxième moyen, la requérante reproche, en premier lieu, au Tribunal de s’être fondé sur une motivation insuffisante et contradictoire pour rejeter, au point 132 de l’arrêt attaqué, ses arguments relatifs à l’appréciation de la valeur des terrains des mines de Kassandra. En effet, si le Tribunal avait retenu que les mines auxquelles ces terrains étaient rattachés n’étaient pas en activité au moment de la cession des actifs, son évaluation de la valeur desdits terrains aurait été
inférieure à celle qui résulte de l’arrêt attaqué.

40 En second lieu, le Tribunal aurait confirmé la méthode d’évaluation de la valeur des terrains fondée sur le prix payé par TVX Hellas au cours de l’année 1995. Or, à cette date, les mines étaient en activité et la valeur des terrains nécessairement supérieure à celle de l’année 2003.

41 À titre principal, la Commission considère que le deuxième moyen, dans son ensemble, est irrecevable. À titre subsidiaire, elle excipe du caractère manifestement non fondé des arguments de la requérante.

Appréciation de la Cour

42 S’agissant de la première branche du deuxième moyen, le Tribunal a confirmé, au point 126 de l’arrêt attaqué, l’approche de la Commission qui a tenu compte de la valeur intrinsèque des terrains rattachés aux mines de Kassandra. Cela étant, la requérante n’indique pas dans quelle mesure une telle approche serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation, au motif qu’il n’aurait pas été tenu compte de la circonstance que les mines en cause n’étaient pas en activité et que ces terrains ne
pouvaient avoir une autre destination que celle retenue. En effet, à supposer qu’un tel état de fait est de nature à influencer la valeur intrinsèque des terrains en cause, le Tribunal a souligné, audit point 126, que la situation et la spécialité desdits terrains avaient été prises en compte dans l’évaluation faite par la Commission. Partant, il ne saurait être reproché au Tribunal une quelconque violation de l’obligation de motivation qui lui incombe.

43 S’agissant de la seconde branche du deuxième moyen, le Tribunal a constaté, au point 127 de l’arrêt attaqué, sans être contredit par la requérante, que la valeur des terrains retenue par la Commission après vérification correspondait à celle communiquée par Ellinikos Chrysos.

44 En outre, et ainsi qu’il a été rappelé au point 42 du présent arrêt, la Commission s’est attachée à déterminer la valeur intrinsèque des terrains en cause. Dès lors, et pour autant que la Commission a pris en compte, dans l’estimation de la valeur de l’ensemble des actifs cédés, tous les coûts requis pour exploiter les mines de Kassandra ainsi que la spécialité de ces terrains, la circonstance que les mines en cause n’ont pas été exploitées au moment de leur cession ne saurait avoir, par
elle‑même, une influence sur la valeur intrinsèque des terrains en cause.

45 En tout état de cause, en contestant l’appréciation de la valeur des terrains rattachés aux mines litigieuses, telle qu’elle résulte de l’arrêt attaqué, Ellinikos Chrysos demande, en réalité, à la Cour de procéder à une nouvelle appréciation des faits de l’espèce, ce qu’elle ne saurait exiger au stade du pourvoi, ainsi qu’il a été rappelé au point 21 du présent arrêt. Il convient de rappeler que le pourvoi est limité aux questions de droit et que le Tribunal est seul compétent pour apprécier les
faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve.

46 Or, dès lors qu’Ellinikos Chrysos ne fait valoir aucune dénaturation de ces faits et de ces éléments de preuve, ses arguments au soutien de son deuxième moyen ne sauraient prospérer.

47 Il y a lieu, par conséquent, de rejeter ce moyen.

Sur le troisième moyen

Argumentation des parties

48 Par son troisième moyen, la requérante fait valoir que, dès lors que la valeur des terrains en cause n’a pas été correctement estimée par la Commission, le montant de l’avantage tiré de l’exemption d’impôt qui lui a été accordée est nécessairement erroné, le montant de ces impôts étant directement lié à la valeur de ces terrains.

49 La Commission propose de rejeter ce moyen comme étant non fondé.

Appréciation de la Cour

50 Le troisième moyen repose sur la prémisse que le Tribunal aurait commis des erreurs de droit s’agissant de l’appréciation de l’évaluation par la Commission de la valeur des terrains afférant aux exploitations minières de Kassandra. Or, ainsi qu’il résulte du point 46 du présent arrêt, Ellinikos Chrysos n’est pas parvenue à démontrer que tel était le cas. Dès lors, le troisième moyen ne peut qu’être écarté.

51 Il résulte de l’ensemble de ces considérations que l’arrêt attaqué doit être annulé en tant que, par cet arrêt, le Tribunal a omis de répondre à l’argument de la requérante tiré de la finalité pour laquelle le rapport d’expertise a été rédigé. Pour le surplus, le pourvoi est rejeté.

Sur le recours devant le Tribunal

52 Conformément à l’article 61, premier alinéa, seconde phrase, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, cette dernière peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, statuer définitivement sur le litige lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

53 Or, étant donné que c’est le cas en l’espèce, il y a lieu d’examiner l’argument du deuxième grief du premier moyen du recours en première instance introduit par Ellinikos Chrysos, tiré de la finalité pour laquelle le rapport d’expertise a été rédigé.

54 À cet égard, la requérante fait valoir que la finalité pour laquelle le rapport d’expertise a été rédigé le rendait impropre pour un usage en vue de l’évaluation de la valeur des mines de Kassandra. Ainsi, ce rapport ayant été commandé aux fins de conseiller le conseil d’administration d’European Goldfields sur l’acquisition potentielle de parts sociales supplémentaires dans le capital d’Ellinikos Chrysos, il viserait la valeur de cette société sur le long terme.

55 Toutefois, et dans la mesure où la requérante ne remet en cause ni la fiabilité ni l’objectivité du rapport d’expertise, la simple évocation du contexte dans lequel celui-ci a été rédigé ne saurait avoir pour effet de le priver de toute crédibilité pour procéder à l’évaluation des mines de Kassandra.

56 En effet, et à défaut d’élément contraire invoqué par Ellinikos Chrysos, il n’apparaît pas que la finalité pour laquelle est réalisée une expertise ait une quelconque influence sur la valeur des actifs estimés, sauf à contester la fiabilité et l’objectivité de cette expertise.

57 Dans la mesure où tel n’est pas le cas, il convient de rejeter ledit argument ainsi que le recours en annulation introduit par Ellinikos Chrysos devant le Tribunal dans son ensemble.

Sur les dépens

58 Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé ou lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

59 La Commission ayant conclu à la condamnation d’Ellinikos Chrysos et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission.

  Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) déclare et arrête :

  1) L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 9 décembre 2015, Grèce et Ellinikos Chrysos/Commission (T‑233/11 et T‑262/11, EU:T:2015:948), est annulé en tant que, par cet arrêt, celui-ci a omis de répondre à l’argument d’Ellinikos Chrysos AE Metalleion kai Viomichanias Chrysou tiré de la finalité pour laquelle le rapport d’expertise portant sur l’évaluation des mines de Kassandra (Grèce) réalisé au cours de l’année 2004 a été rédigé.

  2) Pour le surplus, le pourvoi est rejeté.

  3) Le recours d’Ellinikos Chrysos AE Metalleion kai Viomichanias Chrysou tendant à l’annulation de la décision 2011/452/UE de la Commission, du 23 février 2011, concernant l’aide d’État C 48/08 (ex NN 61/08) octroyée par la Grèce en faveur d’Ellinikos Chrysos AE, est rejeté.

  4) Ellinikos Chrysos AE Metalleion kai Viomichanias Chrysou est condamnée aux dépens.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.


Synthèse
Formation : Dixième chambre
Numéro d'arrêt : C-100/16
Date de la décision : 09/03/2017
Type d'affaire : Pourvoi - fondé, Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi – Aides d’État – Cession de mines à un prix inférieur à la valeur réelle du marché – Exonération des taxes sur l’opération de cession – Évaluation du montant de l’avantage accordé.

Aides accordées par les États

Concurrence


Parties
Demandeurs : Ellinikos Chrysos AE Metalleion kai Viomichanias Chrysou
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Wathelet
Rapporteur ?: Levits

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2017:194

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