Édition provisoire
ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)
2 mars 2017 (1)
« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Règlement (CE) n° 40/94 – Article 52 – Article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5 – Marque figurative comportant les éléments verbaux “krispy kreme doughnuts” – Marques verbales et figuratives, nationales et internationales, comportant les éléments “donut”, “donuts” et “doghnuts” – Demande en nullité – Rejet »
Dans l’affaire C‑655/15 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 7 décembre 2015,
Panrico SA, établie à Esplugues de Llobregat (Espagne), représentée par M^e D. Pellisé Urquiza, abogado,
partie requérante,
les autres parties à la procédure étant :
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M^me S. Palmero Cabezas, en qualité d’agent,
partie défenderesse en première instance,
HDN Development Corp., établie à Frankfort (États-Unis), représentée par M^es M. H. Granado Carpenter et L. Polo Carreño, abogadas,
partie intervenante en première instance,
LA COUR (huitième chambre),
composée de M. M. Vilaras, président de chambre, MM. J. Malenovský (rapporteur) et D. Šváby, juges,
avocat général : M. P. Mengozzi,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par son pourvoi, Panrico SA demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 7 octobre 2015, Panrico/OHMI – HDN Development (Krispy Kreme DOUGHNUTS) (T‑534/13, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2015:751), par lequel celui-ci a rejeté le recours tendant à l’annulation ou à la réformation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 25 juillet 2013 (affaire R 623/2011‑4),
relative à une procédure de nullité entre Panrico et HDN Development Corp. (ci-après la « décision litigieuse »).
Le cadre juridique
Le règlement (CE) n° 40/94
2 Le règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 1992/2003 du Conseil, du 27 octobre 2003 (JO 2003, L 296, p. 1) (ci-après le « règlement n° 40/94 »), a été abrogé et remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009, du 26 février 2009, sur la [marque de l’Union européenne] (JO 2009, L 78, p. 1), qui est entré en vigueur le 13 avril 2009. Néanmoins, compte tenu du fait que la date déterminante
aux fins de l’identification du droit matériel applicable est celle à laquelle la demande d’enregistrement a été introduite (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 13 juin 2013, DMK Deutsches Milchkontor/OHMI, C‑346/12 P, non publiée, EU:C:2013:397, point 2 et jurisprudence citée), à savoir le 6 septembre 1999, le présent litige demeure régi par le règlement n° 40/94, à tout le moins en ce qui concerne les dispositions à caractère non strictement procédural.
3 L’article 8 du règlement n° 40/94, intitulé « Motifs relatifs de refus », disposait :
« 1. Sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement :
[...]
b) lorsqu’en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée ; le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.
2. Aux fins du paragraphe 1, on entend par “marques antérieures” :
a) les marques dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire, compte tenu, le cas échéant, du droit de priorité invoqué à l’appui de ces marques, et qui appartiennent aux catégories suivantes :
i) les marques communautaires ;
ii) les marques enregistrées dans un État membre ou, pour ce qui concerne la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas, auprès du Bureau Benelux des marques ;
iii) les marques qui ont fait l’objet d’un enregistrement international ayant effet dans un État membre ;
iv) les marques qui ont fait l’objet d’un enregistrement international ayant effet dans la Communauté ;
b) les demandes de marques visées au point a), sous réserve de leur enregistrement ;
c) les marques qui, à la date de dépôt de la demande de marque communautaire ou, le cas échéant, à la date de la priorité invoquée à l’appui de la demande de marque communautaire, sont notoirement connues dans un État membre au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris.
[...]
5. Sur opposition du titulaire d’une marque antérieure au sens du paragraphe 2, la marque demandée est également refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à la marque antérieure et si elle est destinée à être enregistrée pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque, dans le cas d’une marque communautaire antérieure, elle jouit d’une renommée dans la Communauté et, dans le cas d’une marque
nationale antérieure, elle jouit d’une renommée dans l’État membre concerné et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’il leur porterait préjudice. »
4 L’article 52, paragraphe 1, du règlement n° 40/94, intitulé « Causes de nullité relative », prévoyait :
« La marque communautaire est déclarée nulle sur demande présentée auprès de l’Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon :
a) lorsqu’il existe une marque antérieure visée à l’article 8 paragraphe 2 et que les conditions énoncées au paragraphe 1 ou au paragraphe 5 de cet article sont remplies ;
[...] »
Les directives relatives à la procédure d’opposition de l’EUIPO
5 La partie 2, chapitre 2b, des directives relatives à la procédure d’opposition de l’EUIPO, dans leur version applicable au moment des faits, stipulait :
« 5.3.3. Cas particuliers : services de restauration et produits alimentaires
[...]
Il existe un degré moyen de similitude lorsque les produits alimentaires sont proposés indépendamment des services de restauration et qu’ils ne sont pas simplement accessoires à ces services. Les produits alimentaires proposés séparément incluent les repas prêts à emporter (“sur place ou à emporter ?”). Selon les États membres, les produits alimentaires proposés indépendamment des services de restauration peuvent également englober certains types d’aliments transformés ou non comme les confiseries,
les crèmes glacées (transformés) ou la viande (à l’état brut), étant donné que les boulangeries/pâtisseries, les salons de thé et les boucheries peuvent également proposer la consommation de leurs produits dans une salle de restauration rapide ou un café. [...] »
Les antécédents du litige et la décision litigieuse
6 Aux points 1 à 17 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a résumé les faits à l’origine du litige dans ces termes :
« 1 Le 6 septembre 1999, [HDN Development] a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à [l’EUIPO] en vertu du règlement [n° 40/94].
2 La marque dont l’enregistrement a été demandé est le sigle figuratif suivant :
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3 Les produits et services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent notamment des classes 30 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié [ci-après l’“arrangement de Nice”], et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :
– classe 30 : “Beignets, tartes, gâteaux, brioches, bagels, café” ;
– classe 42 : “Services de restauration spécialisés dans la fourniture de beignets, tartes, gâteaux, brioches, bagels”.
4 [HDN Development] a fait une déclaration de renonciation à l’invocation de droits exclusifs (“disclaimer”) sur le terme “doughnuts”.
5 La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 45/2000, du 5 juin 2000.
6 Le 5 septembre 2000, Donut Corporation Española SA, la société ayant précédé en droit [Panrico], a formé opposition, au titre de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [...], à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et services visés au point 3 ci-dessus.
7 L’opposition était fondée, notamment, sur les marques espagnoles verbales antérieures DOGHNUTS, déposée le 5 décembre 1988, enregistrée le 18 juin 1994 sous le numéro 1288926 et renouvelée jusqu’en 2014 (ci-après la “marque DOGHNUTS”), et DONUT, déposée le 21 mars 1962, enregistrée le 8 septembre 1962 sous le numéro 399563 et renouvelée jusqu’en 2011 (ci-après la “marque DONUT”), désignant, chacune, les produits relevant de la classe 30 et correspondant à la description suivante :
– marque DOGHNUTS : “Tous types de produits et préparations pour confiserie, pâtisserie, friandises et sucreries, sucre, chocolat, thé, cacao, café, succédanés des produits précédents, vanille, essences et produits et préparations pour flans et tartes, aliments à base de chocolat et sucre, crèmes glacées, caramels, bonbons, gâteau[x] de forme torique, gommes à mâcher, biscuits” ;
– marque DONUT : “Tous types de produits et préparations pour confiserie, pâtisserie, friandises et sucreries, sucre, chocolat, thé, cacao, café, succédané[s] du café, vanille, essences et préparations pour flans et tartes, aliments à base de chocolat et sucre, crèmes glacées, caramels, bonbons, gâteau[x] de forme torique, gommes à mâcher, biscuits”.
8 Le 27 janvier 2005, la division d’opposition a rejeté l’opposition, estimant qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les marques alors en conflit. Par décision du 8 août 2006 (affaire R 194/2005‑1), la première chambre de recours a rejeté le recours contre la décision de la division d’opposition, présenté par [Panrico]. En particulier, elle a considéré qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les marques alors en conflit.
9 Par recours déposé au greffe du Tribunal le 23 novembre 2006, [Panrico] a demandé l’annulation de cette décision de la chambre de recours. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 23 mars 2007, [Panrico] s’est désistée de ce recours. L’affaire a dès lors été rayée du registre du Tribunal par ordonnance du 7 juin 2007, Panrico/OHMI – HDN Development (Krispy Kreme DOUGHNUTS) (T‑317/06, EU:T:2007:163).
10 Le 23 novembre 2007, la marque demandée par [HDN Development] a été enregistrée sous le numéro 1298785 pour tous les produits et services pour lesquels la protection était demandée (ci-après la “marque contestée ”).
11 Le 30 janvier 2008, [Panrico] a introduit une demande en nullité dirigée contre la marque [contestée] s’agissant de l’intégralité des produits et services visés au point 3 ci-dessus.
12 La demande en nullité était fondée sur les marques déjà mentionnées au point 7 ci-dessus, ainsi que sur les marques suivantes :
– la marque espagnole figurative antérieure suivante, déposée le 24 avril 1971, enregistrée le 30 septembre 1972 sous le numéro 643273 et renouvelée en 2002 (ci-après la “marque DONUTS”) :
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désignant les produits relevant de la classe 30 et correspondant à la description suivante : “tous types de produits et préparations pour confiserie, pâtisserie, friandises et sucreries, sucres, chocolats, cacaos, thés, cafés et succédanés de ces produits ; préparations pour flans et tartes, aliments à base de chocolat et sucre, crèmes glacées, caramels, bonbons, bagels, dragées de gomme à mâcher, biscuits, orgeat et sirops” ;
– la marque espagnole figurative antérieure suivante, déposée le 26 novembre 1998, enregistrée le 20 avril 1999 sous le numéro 2198817 pour divers produits compris dans la classe 30 et non renouvelée en 2008 (ci-après la “marque DONUTS CREAM”) :
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; et
– l’enregistrement international n° 355753 du signe verbal DONUT, fait le 30 avril 1969 sur la base de la marque espagnole n° 399563 (voir point 7 ci-dessus) et désignant un nombre d’États membres de l’Union européenne, notamment le Portugal (ci-après l’“enregistrement DONUT”) ; les produits désignés par cet enregistrement relèvent des classes 30 et 32 et correspondent à la description suivante :
– classe 30 : “Toutes sortes de produits et préparations de pâtisserie, douceurs, confiserie, sucres, chocolats, cacao, thés, cafés et produits similaires, vanilles, essences et produits pour l’élaboration de flans et gâteaux, produits alimentaires à base de chocolat et sucre, bonbons, chocolats, boules de gomme à mâcher, biscuits, glaces et sirops de mélasse” ;
– classe 32 : “Orgeat”.
13 Le motif de nullité invoqué par [Panrico] était, s’agissant des cinq marques sur lesquelles la demande en nullité était fondée, l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94 [...], lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement [...] et, s’agissant des marques DONUT et DONUTS ainsi que de l’enregistrement DONUT, l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 5, du même règlement [...]
14 Le 30 janvier 2008, [HDN Development] a invité [Panrico] à prouver l’usage des marques antérieures.
15 Le 24 janvier 2011, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité dans son intégralité au motif que, d’une part, il n’existait pas de risque de confusion et, d’autre part, la marque contestée ne tirait [...] indûment profit [ni] du caractère distinctif, ni de la renommée des marques DONUT et DONUTS ainsi que de l’enregistrement DONUT.
16 Le 23 mars 2011, [Panrico] a formé un recours auprès de l’[EUIPO], au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’annulation.
17 Par [la décision litigieuse], la quatrième chambre de recours [de l’EUIPO] a rejeté le recours. En particulier, elle a considéré, à titre liminaire, que le règlement n° 40/94 [...] n’excluait pas la possibilité de former, d’abord, une opposition, puis, après l’enregistrement de la demande, d’introduire une demande en nullité, notamment pour les mêmes motifs que ceux fondant l’opposition et que, partant, [HDN Development] ne saurait utilement se fonder sur le principe de la chose jugée pour
nier la recevabilité de la demande en nullité présentée par [Panrico]. Concernant les marques invoquées par [Panrico], la chambre de recours a relevé, d’une part, que la marque DONUTS CREAM n’était plus en vigueur et, d’autre part, que les informations fournies par [Panrico] n’étaient pas suffisantes afin de démontrer l’usage sérieux de la marque DOGHNUTS, de sorte qu’il convenait de ne pas tenir compte de ces deux marques. S’agissant du risque de confusion allégué par [Panrico], la chambre de
recours a considéré que, premièrement, pour ce qui est des marques DONUT et DONUTS, ainsi que de l’enregistrement DONUT (ci-après, prises ensemble, les “marques antérieures ”), le public pertinent était composé de consommateurs moyens censés être normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés, deuxièmement, les produits de la classe 30 concernés étaient identiques, alors que les services de la classe 42 visés par la marque contestée étaient semblables à un faible degré aux produits de
la classe 30 désignés par les marques antérieures, troisièmement, les signes en conflit n’étaient pas semblables sur le plan visuel, qu’il existait tout au plus un faible degré de similitude phonétique entre eux et qu’il n’était pas possible de procéder à une comparaison conceptuelle des signes en conflit, quatrièmement, le faible degré de similitude entre les signes en cause, limité au plan phonétique, n’était pas suffisant pour créer un risque de confusion, même si les marques antérieures
jouissaient d’une renommée et, cinquièmement et partant, il n’existait pas de risque de confusion entre les marques en conflit. La chambre de recours a ensuite constaté que la marque contestée ne possédait pas les caractéristiques qui permettraient de l’associer à la famille de marques formée par les marques antérieures. S’agissant de la question de savoir si la marque contestée tirait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures, la chambre de recours a rappelé
que les marques n’étaient semblables ni du point de vue visuel ni du point de vue conceptuel et qu’il existait seulement une faible similitude phonétique entre les signes. Cette similitude phonétique ne permettrait pas de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures, étant donné que cet aspect était moins important que l’aspect visuel et que les signes en conflit présentaient d’importantes différences dans leur ensemble. Les signes en conflit ne
présentaient pas de similitude pertinente pour pouvoir appliquer l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94. »
La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
7 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 octobre 2013, Panrico a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse et à ce que le Tribunal constate la nullité de la marque contestée.
8 À l’appui de son recours, Panrico a invoqué deux moyens tirés respectivement, d’une part, de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, et, d’autre part, de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), dudit règlement, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 5, de ce même règlement.
9 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours dans son ensemble.
10 En ce qui concerne le premier moyen, le Tribunal a relevé, aux points 32 et 33 de l’arrêt attaqué, que, s’agissant, en premier lieu, de l’examen du public pertinent opéré par la chambre de recours de l’EUIPO (ci-après la « chambre de recours »), les parties s’accordent pour considérer que celui-ci était constitué des seuls consommateurs espagnols ainsi que portugais et qu’il disposait d’un niveau d’attention plutôt faible.
11 En deuxième lieu, le Tribunal a examiné les arguments de Panrico visant à contester la comparaison des produits et des services effectuée par la chambre de recours. À cette occasion, il a, tout d’abord, considéré, aux points 36 et 37 de l’arrêt attaqué, que « [l]a chambre de recours a constaté à juste titre [...] que les produits “beignets, tartes, gâteaux, brioches, bagels, café” compris dans la classe 30 et désignés par la marque contestée étaient identiques aux produits “tous types de
produits et préparations pour confiserie, pâtisserie, café” des marques antérieures compris dans cette même classe. S’agissant des “services de restauration spécialisés dans la fourniture de beignets, tartes, gâteaux, brioches, bagels” compris dans la classe 42 et désignés par la marque contestée, la chambre de recours a constaté, au point 37 de la décision [litigieuse], qu’ils étaient semblables, bien qu’à un faible degré, aux produits couverts par les marques antérieures dans la mesure où il
serait relativement fréquent que les producteurs de ces produits disposent de commerces par l’intermédiaire desquels ils offrent leurs produits ».
12 Au point 38 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, ensuite, écarté un premier argument présenté par Panrico, tiré de ce que les services de restauration compris dans la classe 42, au sens de l’arrangement de Nice, présenteraient un degré de similitude moyen, voire élevé, avec les produits couverts par les marques antérieures, pour le motif qu’un service de restauration se définit non seulement par le type de produits servis, mais également par les conditions dans lesquelles cette activité se
déroule.
13 Enfin, au point 39 dudit arrêt, le Tribunal a rejeté un second argument de Panrico, tiré de ce que les directives relatives à la procédure d’opposition de l’EUIPO mentionnent expressément, comme exemple de degré de similitude moyen, les services de restauration et produits alimentaires proposés dans le cadre de ces services, au motif que de telles directives ne constituent que la codification d’une ligne de conduite que l’EUIPO se propose d’adopter et que, par conséquent, leurs stipulations
ne peuvent, en tant que telles, ni prévaloir sur les dispositions des règlements n^os 40/94 et 207/2009 ni même infléchir l’interprétation de celles-ci par le juge de l’Union.
14 En troisième lieu, s’agissant de l’examen de la similitude entre les marques antérieures et la marque contestée réalisé par la chambre de recours, le Tribunal a jugé, au point 44 de l’arrêt attaqué, que, sur un plan visuel, c’était à juste titre que ladite chambre avait constaté que, prises dans leur ensemble, les marques en conflit n’étaient pas semblables, car les éléments « krispy » et « kreme » de la marque contestée sont ceux qui attirent le plus l’attention du public pertinent dès lors
que, tout d’abord, la taille de leurs lettres est sensiblement plus grande que celle de l’élément « doughnuts », ensuite, ils occupent la position centrale du signe et, enfin, ils sont les seuls éléments verbaux écrits de manière stylisée.
15 En ce qui concerne la similitude entre les marques en conflit sur le plan conceptuel, le Tribunal a considéré, au point 45 de l’arrêt attaqué, que, en substance, c’est également à juste titre que la chambre de recours avait considéré que, dès lors que les éléments « doughnuts », « donut », « donuts », « krispy » et « kreme » n’appartiennent pas au vocabulaire usuel des langues espagnole ou portugaise, de sorte que le public pertinent ne les associe pas à un concept concret, il n’était pas
possible de procéder à leur comparaison sur le plan conceptuel. Au cas où le public pertinent ferait tout de même une association entre l’élément verbal « kreme » et le concept de « crème », les marques en conflit demeureraient cependant différentes sur le plan phonétique.
16 Pour ce qui est de la similitude des marques en conflit sur le plan phonétique, le Tribunal a relevé, au point 46 dudit arrêt, que les éléments verbaux « krispy » et « kreme » de la marque contestée n’avaient aucun équivalent dans les marques antérieures. Par suite, il a considéré que, dès lors que ces éléments se trouvent au début du signe que constitue la marque contestée, qui est la partie à laquelle le public accorde généralement le plus d’attention, la chambre de recours avait constaté
à bon droit qu’ils déterminent, en grande partie, la prononciation de cette dernière marque.
17 Ensuite, le Tribunal a écarté, aux points 47 à 49 de l’arrêt attaqué, un argument de Panrico selon lequel ce serait l’élément verbal « doughnuts », qui, du fait de sa ressemblance avec les éléments verbaux « donut » et « donuts » des marques antérieures, attirerait l’attention du consommateur. D’une part, à supposer même que le public pertinent fasse le lien entre, d’un côté, les éléments verbaux « donut » ainsi que « donuts » et, de l’autre, l’élément verbal « doughnuts », le Tribunal a
considéré qu’il était « hautement probable » que, dans une telle situation, le public pertinent prononce également, voire seulement, les éléments verbaux « krispy » et « kreme ». D’autre part, dans la mesure où certaines combinaisons de lettres contenues dans l’élément verbal « doughnuts » sont étrangères ou peu courantes dans le vocabulaire des langues espagnole et portugaise, le Tribunal a estimé qu’au moins une partie du public pertinent prononce l’élément verbal « doughnuts » différemment des
éléments « donut » et « donuts ».
18 En conséquence, il a considéré, au point 50 de l’arrêt attaqué, que c’était à juste titre que la chambre de recours avait décidé que, malgré une similitude découlant d’une éventuelle association de l’élément verbal « doughnuts » de la marque contestée avec les éléments verbaux « donut » et « donuts » des marques antérieures, il n’existait qu’un faible degré de similitude sur le plan phonétique entre les marques en conflit.
19 En quatrième lieu, en ce qui concerne l’examen du risque global de confusion, le Tribunal a rappelé, au point 54 de l’arrêt attaqué, que la chambre de recours avait, notamment, considéré que les différences entre les marques en conflit étaient suffisantes pour exclure tout risque de confusion, et ce même s’il devait être admis que les marques antérieures présentent un caractère distinctif élevé ou jouissent d’une grande renommée.
20 S’agissant du premier argument avancé par Panrico à l’encontre de cette considération de la chambre de recours, tiré de ce que cette dernière avait, ce faisant, méconnu la circonstance que, en l’espèce, l’aspect phonétique primait sur l’aspect visuel, le Tribunal a relevé, aux points 55 à 57 de l’arrêt attaqué, que, pour ce qui est des produits compris dans la classe 30, au sens de l’arrangement de Nice, et désignés par la marque contestée, l’aspect visuel est plus important que l’aspect
phonétique, car, dans le cas où les produits concernés feraient l’objet d’une distribution en grandes surfaces, l’acquisition de ce type de produits dépendrait surtout de l’impression visuelle et, dans le cas où lesdits produits seraient vendus dans des boulangeries ou des pâtisseries, les consommateurs demanderont normalement des produits présentés sans emballage, en faisant référence non pas à leur marque, mais à leur nom. Au cas où les mêmes produits seraient néanmoins présentés dans leur propre
emballage, le Tribunal a estimé que la marque de ceux-ci sera exposée de manière apparente, tout comme dans un supermarché.
21 En revanche, au point 58 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que de telles considérations ne s’appliquaient pas aux services de restauration compris dans la classe 42, au sens de l’arrangement de Nice, et désignés par la marque contestée, étant donné que ces services ne sont pas commercialisés de telle manière que, habituellement, le public pertinent perçoit la marque de façon visuelle. Pour ces services, les aspects visuel et phonétique auraient la même importance. Toutefois, au
point 59 de cet arrêt, le Tribunal a estimé que, même à supposer qu’une plus grande importance doive être attachée à l’aspect phonétique, en l’espèce, la similitude phonétique entre les marques en conflit était très faible.
22 En ce qui concerne le deuxième argument soulevé par Panrico, tiré de ce que les marques possédant un caractère distinctif élevé, en raison notamment de leur renommée importante, doivent se voir reconnaître une protection plus étendue que les marques dont le caractère distinctif est moindre, le Tribunal l’a écarté, aux points 60 à 63 de l’arrêt attaqué, au motif, en substance, que, dans l’ensemble, les marques en conflit n’étant pas semblables, même un caractère distinctif élevé des marques
antérieures ne suffirait pas pour constater un risque de confusion entre les marques en conflit.
23 S’agissant du troisième argument avancé par Panrico, tiré de ce que, lors de la traduction par l’EUIPO de la liste des produits désignés par la marque contestée au cours de la procédure d’enregistrement, le terme anglais « doughnuts » a été traduit en langue espagnole non pas par le terme générique espagnol « rosquillas », mais par le terme « donuts », qui correspondrait, en substance, aux marques antérieures, le Tribunal l’a également écarté, au point 64 de l’arrêt attaqué, au motif que cet
argument ne constituait nullement une preuve de l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit.
24 Dans le cadre de l’examen de cet argument, le Tribunal a considéré que « le fait que cette traduction ait été choisie pour désigner un type précis de produits indique que le public pertinent espagnol pourrait, dans une certaine mesure, être enclin à considérer que “donut” constitue un terme descriptif pour les produits qu’il désigne ». Répondant ensuite à un argument de HDN Development, tiré de ce que les marques antérieures seraient dépourvues de caractère distinctif, le Tribunal a rappelé,
au point 65 de l’arrêt attaqué, qu’il a été jugé, aux points 62 à 74 de l’arrêt du 10 octobre 2012, Bimbo/OHMI – Panrico (BIMBO DOUGHNUTS) (T‑569/10, non publié, EU:T:2012:535), que le terme « doughnuts » possède un caractère distinctif pour le public espagnol et que, selon la jurisprudence de la Cour, un tel caractère doit, dans une certaine mesure mais nécessairement, être reconnu à toute marque internationale ou nationale. En conséquence, le Tribunal a jugé qu’il ne pouvait pas considérer les
marques antérieures comme étant descriptives.
25 Enfin, au sujet du quatrième argument soulevé par Panrico, tiré de ce que plusieurs décisions nationales, et notamment un arrêt du Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne), ont reconnu le caractère distinctif accru des marques antérieures, le Tribunal l’a écarté, au point 66 de l’arrêt attaqué, au motif que le régime des marques de l’Union européenne étant un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application est
indépendante de tout système national. En tout état de cause, le Tribunal a estimé qu’il n’était pas en mesure d’apprécier si les marques en cause dans cet arrêt du Tribunal Supremo (Cour suprême) étaient comparables aux marques en conflit.
26 Ayant écarté l’ensemble des arguments soulevés par Panrico, le Tribunal a rejeté le premier moyen dans son ensemble.
27 S’agissant du second moyen, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 5, de ce règlement, le Tribunal l’a examiné aux points 68 à 79 de l’arrêt attaqué.
28 À cette occasion, il a rappelé, aux points 70 à 74 de l’arrêt attaqué, que l’application de la protection élargie accordée à certaines marques présupposait la réunion de plusieurs conditions, parmi lesquelles figurent l’existence d’une similitude entre les marques en conflit ainsi que l’existence du risque qu’un profit puisse être indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’un préjudice puisse être porté au caractère distinctif ou à la renommée de la
marque antérieure. Or, dans la mesure où, en l’espèce, la marque contestée ne présente qu’un très faible degré de similitude avec les marques antérieures sur le plan phonétique et aucun sur les plans visuel ainsi que conceptuel, le Tribunal a considéré que, dans l’ensemble, la marque contestée différait desdites marques antérieures de manière tellement importante qu’aucun lien ne saurait être établi entre elles, nonobstant la renommée dont jouissent les marques antérieures et la similitude, voire
l’identité, des produits et des services en cause. Par suite, le Tribunal a décidé que c’était à juste titre que la chambre de recours avait constaté que la marque contestée ne saurait porter préjudice à la renommée ou au caractère distinctif des marques antérieures, ni en tirer indûment profit.
29 Aux points 75 à 78 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé, en substance, que, en tout état de cause, si le titulaire d’une marque antérieure peut établir l’existence d’un risque futur non hypothétique de profit indu ou de préjudice sur la base de déductions logiques, Panrico n’avait pas apporté d’élément permettant de conclure, prima facie, à l’existence d’un tel risque.
30 En conséquence, le Tribunal a rejeté le second moyen d’annulation et, partant, le premier chef de conclusions.
31 Enfin, s’agissant du second chef de conclusions, le Tribunal l’a rejeté aux points 80 à 84 de l’arrêt attaqué, au motif que la décision litigieuse n’étant entachée d’aucun motif d’annulation ou de réformation, il ne lui appartenait pas de procéder à la réformation de cette décision.
Les conclusions des parties au pourvoi
32 Panrico demande à la Cour :
– d’annuler dans sa totalité l’arrêt attaqué ;
– d’accueillir les conclusions formulées devant le Tribunal tendant à l’infirmation ou à l’annulation de la décision litigieuse, et
– de condamner l’EUIPO aux dépens.
33 L’EUIPO demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi, et
– de condamner Panrico aux dépens.
34 HDN Development demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi dans son intégralité, et
– de condamner Panrico aux dépens.
Sur le pourvoi
35 Au soutien de son pourvoi, Panrico invoque trois moyens respectivement tirés :
– de l’absence de prise en compte du caractère notoire, voire de la renommée, des marques antérieures ;
– du non-respect des critères jurisprudentiels concernant l’évaluation du risque de confusion, y compris du risque d’association, dans la mesure où le Tribunal a procédé à une appréciation erronée, d’une part, de la similitude entre les marques en conflit en ayant notamment refusé de considérer l’élément verbal « doughnuts » comme présentant un caractère dominant dans l’ensemble de la marque Krispy Kreme DOUGHNUTS et, d’autre part, de la ressemblance ou de la similitude entre les produits et
les services des marques en conflit, et
– de l’absence de constatation de l’existence d’un profit indûment tiré du caractère distinctif des marques antérieures DONUT et DONUTS ainsi que d’un préjudice clair porté à celles-ci.
Sur la recevabilité
36 HDN Development soutient que l’ensemble des moyens soulevés par Panrico et, par suite, le pourvoi tout entier sont irrecevables, car visant à remettre en cause des appréciations factuelles opérées par le Tribunal. L’EUIPO soulève également une exception d’irrecevabilité fondée sur un motif analogue, mais uniquement à l’égard des deuxième et troisième moyens.
37 Toutefois, il convient de relever que chacun des trois moyens avancés par Panrico soulève, au moins en partie, des questions susceptibles d’être examinées par la Cour, statuant sur pourvoi. Ainsi, la deuxième branche du premier moyen, la troisième branche du deuxième moyen et la seconde branche du troisième moyen sont tirées d’une erreur de droit, tandis que les cinquième et sixième branches du deuxième moyen sont, respectivement, tirées d’un défaut de motivation et d’une contradiction de
motifs.
38 Il s’ensuit que ni le pourvoi ni les différents moyens soulevés par Panrico ne sauraient être déclarés comme étant, dans leur ensemble, irrecevables.
39 En conséquence, il convient de rejeter les exceptions d’irrecevabilité soulevées par HDN Development et l’EUIPO à l’égard, respectivement, de l’ensemble du pourvoi et des deuxième et troisième moyens.
Sur le fond
Sur le premier moyen
Argumentation des parties
40 Dans le cadre de la première branche de ce moyen, Panrico reproche au Tribunal d’avoir omis de tenir compte, afin d’établir le degré de similitude entre les marques en conflit, du caractère distinctif élevé qui s’attache, dans la marque complexe Krispy Kreme DOUGHNUTS, à l’élément « doughnuts » en raison de la notoriété dont jouissent, ainsi que l’aurait notamment reconnu le Tribunal Supremo (Cour suprême), les marques antérieures auprès du public espagnol.
41 Au soutien de la deuxième branche dudit moyen, Panrico affirme que le Tribunal n’a pas tenu compte, lors de l’appréciation globale du risque de confusion, de la renommée des marques antérieures. En effet, un tel risque serait d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s’avère important, de sorte que les marques ayant un caractère distinctif élevé, soit intrinsèquement, soit en raison de la connaissance de celles‑ci sur le marché, jouissent d’une protection plus
étendue que celles dont le caractère distinctif est moindre.
42 À l’appui de la troisième branche du même moyen, Panrico fait valoir que, en affirmant que le public espagnol pourrait, dans une certaine mesure, être enclin à considérer que « donut » constitue un terme descriptif pour les produits qu’il désigne, le Tribunal a remis en cause la validité des marques antérieures, ce que, en substance, il n’était pas en droit de faire.
43 L’EUIPO et HDN Development rétorquent que le Tribunal a tenu compte de la renommée des marques antérieures, mais a considéré que celle-ci n’était pas pertinente, car il était possible qu’une partie du public se limite à prononcer les éléments verbaux « krispy » et « kreme ».
Appréciation de la Cour
44 S’agissant de la première branche du premier moyen, Panrico s’est bornée à soutenir devant le Tribunal que, en raison de leur renommée, les marques antérieures devaient se voir reconnaître une protection accrue. Cela étant, elle n’a nullement allégué que la chambre de recours aurait dû tenir compte, afin d’établir le degré de similitude entre les marques en conflit, du caractère distinctif élevé qui s’attacherait, dans la marque complexe Krispy Kreme DOUGHNUTS, à l’élément « doughnuts » en
raison de la notoriété dont jouiraient les marques antérieures auprès du public pertinent.
45 Dans ces circonstances, il y a lieu de constater que, à l’appui de cette branche du premier moyen, Panrico soulève un grief nouveau.
46 Or, permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour des moyens et des arguments que cette partie n’a pas soulevés devant le Tribunal reviendrait à tort à l’autoriser à saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal (voir en ce sens, notamment, arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 54).
47 Il en résulte que la première branche du premier moyen doit être rejetée comme étant irrecevable.
48 En ce qui concerne la deuxième branche de ce moyen, tirée de ce que le Tribunal aurait omis de tenir compte, lors de l’examen du risque global de confusion, de la protection accrue devant être reconnue aux marques renommées, telles que le seraient les marques antérieures, il y a lieu de constater que celle‑ci repose sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué.
49 En effet, il ressort des points 61 et 62 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a tenu compte de la protection accrue qui s’attache aux marques renommées. Toutefois, il a estimé que, à considérer même que les marques antérieures aient une telle renommée et que, par conséquent, celles-ci doivent se voir reconnaître un caractère distinctif élevé, cette circonstance ne suffirait pas pour constater l’existence d’un risque de confusion, et ce dans la mesure où, tout d’abord, les marques en conflit
sont différentes sur le plan visuel, ensuite, une comparaison sur le plan conceptuel n’était pas possible et, enfin, ces marques présentent un très faible degré de similitude sur le plan phonétique.
50 Dans ces conditions, il convient de rejeter la deuxième branche du premier moyen comme étant non fondée.
51 En ce qui concerne la troisième branche de ce moyen, il peut certes être relevé que, au point 64 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a indiqué que « le public pertinent espagnol pourrait, dans une certaine mesure, être enclin à considérer que “donuts” constitue un terme descriptif pour les produits qu’il désigne ».
52 Toutefois, l’emploi du conditionnel ainsi que des termes « dans une certaine mesure » et « être enclin » démontrent que le Tribunal a entendu prendre une distance avec cette thèse qui était celle défendue par HDN Development.
53 Au demeurant, au point suivant de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé qu’il ne pouvait pas considérer que les marques antérieures sont descriptives pour les produits qu’elles désignent.
54 Ainsi, contrairement à ce que soutient Panrico, le Tribunal n’a pas remis en cause la validité des marques antérieures et, par suite, outrepassé sa compétence.
55 Par conséquent, il convient de rejeter la troisième branche du premier moyen comme étant non fondée.
56 Par conséquent, il convient de rejeter le premier moyen dans son ensemble.
Sur le deuxième moyen
Argumentation des parties
57 Le deuxième moyen se subdivise en sept branches.
58 Par la première branche de ce moyen, Panrico reproche au Tribunal d’avoir, à tort, considéré que les éléments dominant sur le plan visuel de la marque Krispy Kreme DOUGHNUTS sont les éléments « krispy kreme » alors que l’élément « doughnuts » est le seul écrit en lettres majuscules et en caractères gras sur fond noir.
59 Par la deuxième branche dudit moyen, Panrico fait grief au Tribunal d’avoir minimisé la similitude phonétique existant entre l’élément « doughnuts » de la marque contestée et les éléments « donut » et « donuts » des marques antérieures.
60 Par la troisième branche du même moyen, Panrico soutient que le Tribunal a omis de tenir compte de ce que les marques en conflit ont été enregistrées pour une même catégorie de produits, relevant de la classe 30 au sens de l’arrangement de Nice, car, si tel avait été le cas, celui-ci aurait dû exiger, pour écarter l’existence d’un risque de confusion, un degré de différence plus important entre les signes.
61 Aux termes de la quatrième branche à l’appui de son deuxième moyen, Panrico reproche au Tribunal d’avoir considéré que les produits de la classe 30 au sens de l’arrangement de Nice, pour lesquels les marques antérieures ont été enregistrées, ne présentaient qu’un degré de similitude faible avec les services de la classe 42 au sens de ce même arrangement, pour lesquels la marque contestée a été enregistrée.
62 La cinquième branche du deuxième moyen est tirée de ce que l’arrêt attaqué ne serait pas motivé à suffisance de droit, dans la mesure où, d’une part, l’affirmation, figurant au point 38 de cet arrêt, selon laquelle « un service de restauration se définit non seulement par le type de produits servis, mais également par les conditions dans lesquelles cette activité se déroule », serait générale et vide de sens. D’autre part, ledit arrêt ne préciserait pas le raisonnement ayant conduit le
Tribunal à écarter l’application des directives relatives à la procédure d’opposition de l’EUIPO.
63 Selon la sixième branche de ce moyen, le raisonnement du Tribunal est entaché d’une contradiction de motifs, dans la mesure où, tout en admettant qu’un service de restauration se définit par le type de produits servis et par les conditions dans lesquelles cette activité se déroule, il a considéré que les produits de la classe 30 et les services de la classe 42, au sens de l’arrangement de Nice, ne présentaient entre eux qu’un faible degré de similitude.
64 Par la septième branche de son deuxième moyen, Panrico soutient que, pour une correcte évaluation du risque de confusion, le Tribunal aurait dû considérer, ce qu’il n’a pas fait, que les produits et les services désignés par les marques en conflit étaient similaires, que les signes présentaient une similitude phonétique élevée, qu’ils étaient fréquemment demandés oralement, que les marques antérieures jouissaient d’un caractère distinctif de niveau très élevé en raison de leur renommée et
que le public pertinent n’avait qu’un très faible degré d’attention.
65 L’EUIPO et HDN Development rétorquent que le Tribunal a examiné la similarité des marques en conflit ainsi que celle des produits et des services en cause et qu’il a procédé à l’appréciation de l’existence du risque de confusion en tenant compte de tous les facteurs pertinents.
66 S’agissant plus spécifiquement de la sixième branche du deuxième moyen, l’EUIPO estime que l’arrêt attaqué est motivé à suffisance de droit. En effet, étant donné que Panrico fonderait son argument sur l’existence des directives relatives à la procédure d’opposition de l’EUIPO, la seule référence à la jurisprudence reconnaissant l’absence de caractère contraignant de ces directives constituerait une explication suffisante pour justifier que cet argument soit écarté.
Appréciation de la Cour
67 Il importe d’emblée de rappeler que, conformément à l’article 256, paragraphe 1, TFUE ainsi qu’à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi devant la Cour est limité aux questions de droit. L’appréciation des faits et des éléments de preuve ne constituant pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour, le Tribunal est donc seul compétent pour constater et apprécier ces
faits et éléments (voir en ce sens, notamment, arrêt du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, EU:C:2008:739, point 68, et ordonnance du 22 octobre 2014, Repsol YPF/OHMI, C‑466/13 P, non publiée, EU:C:2014:2331, point 54).
68 Or, les première, deuxième, quatrième et septième branches du deuxième moyen visent à contester les différentes appréciations opérées par le Tribunal, tant en ce qui concerne les éléments dominant l’impression d’ensemble produite par la marque contestée que le degré de similitude des marques en conflit, le degré de similitude des produits et services concernés, ou l’absence de risque global de confusion, ces appréciations relevant toutes de considérations d’ordre factuel (voir, par analogie,
ordonnance du 16 mai 2013, Arav/H.Eich et OHMI, C‑379/12 P, non publiée, EU:C:2013:317, points 42, 81 et 82 ; arrêt du 19 mars 2015, MEGA Brands International/OHMI, C‑182/14 P, EU:C:2015:187, points 48 à 51, ainsi que ordonnance du 7 avril 2016, Harper Hygienics/EUIPO, C‑475/15 P, non publiée, EU:C:2016:264, points 35 et 36).
69 Dans ces conditions, les première, deuxième, quatrième et septième branches du deuxième moyen doivent être rejetées comme étant irrecevables.
70 S’agissant de la troisième branche de ce moyen, il ressort des points 54 et 62 de l’arrêt attaqué que, contrairement à ce que soutient Panrico, le Tribunal a tenu compte de ce que les marques en conflit ont été enregistrées pour une même catégorie de produits, relevant de la classe 30 au sens de l’arrangement de Nice, mais qu’il a considéré que, nonobstant cette circonstance, étant donné que les signes protégés par ces marques ne présentaient qu’un très faible degré de similitude,
l’existence d’un risque de confusion était exclue.
71 Par conséquent, il convient de rejeter la troisième branche du deuxième moyen comme étant non fondée.
72 En ce qui concerne la cinquième branche de ce moyen, il y a lieu de rappeler que l’obligation de motivation, qui incombe au Tribunal conformément à l’article 36 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, de ce statut, a pour objet de permettre aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son
contrôle (voir en ce sens, notamment, arrêt du 16 juillet 2009, Commission/Schneider Electric, C‑440/07 P, EU:C:2009:459, point 135).
73 En l’espèce, pour dénier aux services de restauration compris dans la classe 42, au sens de l’arrangement de Nice et pour lesquels la marque contestée est enregistrée, un degré de similitude élevé, ou à tout le moins moyen, avec les produits couverts par les marques antérieures, le Tribunal a constaté, au point 38 de l’arrêt attaqué, qu’« un service de restauration se définit non seulement par le type de produits servis, mais également par les conditions dans lesquelles cette activité se
déroule ». Or, une telle précision permet aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer d’un élément suffisant pour, le cas échéant, lui permettre d’exercer son contrôle.
74 Il en va de même des raisons ayant conduit le Tribunal à écarter l’application des directives relatives à la procédure d’opposition de l’EUIPO. En effet, celui-ci a indiqué, au point 39 de l’arrêt attaqué, que de telles directives ne constituent que la codification d’une ligne de conduite que l’EUIPO se propose lui-même d’adopter et que, par conséquent, leurs stipulations ne peuvent, en tant que telles, ni prévaloir sur les dispositions des règlements n^os 40/94 et 207/2009 ni même infléchir
l’interprétation de ces dispositions par le juge de l’Union.
75 Dans ces conditions, il convient de rejeter la cinquième branche du deuxième moyen comme étant non fondée.
76 Enfin, s’agissant de la sixième branche de ce moyen, il n’existe aucune contradiction de motifs entre le constat figurant au point 38 de l’arrêt attaqué au sujet de la notion de « service de restauration » et la conclusion à laquelle le Tribunal est parvenu, au point 40 dudit arrêt, tenant à l’existence d’un faible degré de similitude entre les produits et les services en cause.
77 En effet, le fait qu’un service de restauration se définit non seulement par le type de produits servis, mais également par les conditions dans lesquelles cette activité se déroule n’implique nullement que, lorsque les produits servis dans un type d’établissement de restauration sont ceux pour lesquels les marques antérieures ont été enregistrées, il existe nécessairement un degré de similitude, au minimum moyen, entre ce service de restauration et les produits en cause.
78 Il s’ensuit que la sixième branche du deuxième moyen doit être rejetée comme étant non fondée.
79 Dans ces conditions, ce moyen doit être rejeté dans son ensemble.
Sur le troisième moyen
Argumentation des parties
80 La première branche du troisième moyen soulevé par Panrico est dirigée contre les points 75 à 78 de l’arrêt attaqué aux termes desquels le Tribunal a considéré que la décision de la chambre de recours d’écarter l’application de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 5, de ce règlement, était fondée pour le motif que cette société n’avait pas apporté d’éléments permettant de conclure, prima facie, à l’existence d’un risque
futur non hypothétique de profit indu ou de préjudice.
81 Dans le cadre de la seconde branche de ce moyen, Panrico critique les points 70 à 74 de l’arrêt attaqué par lesquels le Tribunal a jugé que la décision de la chambre de recours était justifiée au motif également que la marque contestée ne présentait qu’un très faible degré de similitude avec les marques antérieures sur le plan phonétique et aucun sur les plans visuel ainsi que conceptuel, de telle sorte qu’aucun lien ne saurait être créé entre elles. En effet, selon Panrico, dès lors qu’il
existait une certaine similitude entre les marques en conflit, ne serait-ce qu’une faible similitude sur le plan phonétique, le Tribunal aurait dû examiner si celle-ci était suffisante pour que le public concerné établisse un lien entre lesdites marques.
82 HDN Development soutient que, étant donné que les conditions d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 sont cumulatives, Panrico aurait dû présenter des preuves ou, à tout le moins, tenter d’établir qu’il était probable que la marque contestée porte préjudice aux marques antérieures ou qu’un profit indu en soit tiré. En outre, dès lors que le Tribunal avait constaté que la marque contestée ne présentait qu’un très faible degré de similitude avec les marques
antérieures sur le plan phonétique et aucun sur les plans visuel ainsi que conceptuel, celui-ci était en droit d’en déduire que les marques en conflit différaient de manière tellement importante qu’aucun lien ne saurait être créé entre elles, nonobstant la renommée dont jouissent les marques antérieures et la similitude, voire l’identité, des produits et des services en cause.
Appréciation de la Cour
83 En ce qui concerne la première branche du troisième moyen, il convient de relever que, au point 76 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé que, conformément à sa jurisprudence issue de l’arrêt du 6 juillet 2012, Jackson International/OHMI – Royal Shakespeare (ROYAL SHAKESPEARE) (T‑60/10, non publié, EU:T:2012:348), l’existence d’un risque futur non hypothétique de profit indu ou de préjudice peut être établie notamment sur la base de déductions logiques résultant d’une analyse des
probabilités et en prenant en compte les pratiques habituelles dans le secteur pertinent ainsi que toute autre circonstance pertinente.
84 Sur la base de cette jurisprudence, le Tribunal a considéré, au point 78 de l’arrêt attaqué, que, faute pour Panrico d’avoir démontré à suffisance de droit l’existence d’un risque futur non hypothétique de profit indu ou de préjudice, celle-ci ne saurait se prévaloir de la protection élargie accordée par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94.
85 Dans son pourvoi, Panrico conteste cette considération.
86 Toutefois, il convient de rappeler que l’appréciation, notamment, des éléments de preuve opérée par le Tribunal ne constitue pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, EU:C:2008:739, point 68).
87 Or, en l’espèce, ladite considération repose sur la constatation du Tribunal, figurant au point 78 de l’arrêt attaqué, selon laquelle Panrico avait affirmé qu’« il serait difficilement justifiable » qu’un risque futur non hypothétique n’existe pas et que, s’étant bornée à formuler cette affirmation, elle n’avait nullement établi l’existence d’éléments permettant de conclure à un risque sérieux qu’une telle atteinte se produise.
88 Étant donné que Panrico n’allègue aucune dénaturation des éléments de preuve qu’elle a soumis à l’appréciation du Tribunal, il apparaît que la première branche du troisième moyen tend en réalité à obtenir de la Cour qu’elle substitue sa propre appréciation de ces éléments à celle à laquelle le Tribunal a procédé, ce qui, ainsi qu’il a été rappelé au point 86 du présent arrêt, ne relève pas de la compétence de la Cour lorsqu’elle statue sur pourvoi.
89 En conséquence, la première branche de ce moyen doit être déclarée irrecevable.
90 S’agissant de la seconde branche dudit moyen, il convient de relever que celle-ci vise à contester le raisonnement opéré par le Tribunal aux points 70 à 74 de l’arrêt attaqué, au terme duquel celui-ci a confirmé le bien-fondé de la décision de la chambre de recours d’écarter l’application de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 5, de ce règlement, pour le motif, en substance, que la similarité constatée sur le plan
phonétique entre les marques en conflit était trop faible pour que le public établisse un lien entre celles-ci.
91 Toutefois, le Tribunal ayant jugé que la décision de la chambre de recours d’écarter l’application de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 5, de ce règlement, était, en tout état de cause, fondée, car Panrico n’avait pas démontré à suffisance de droit l’existence d’un risque futur non hypothétique de profit indu ou de préjudice, et étant donné que ce motif est suffisant, à lui seul, à fonder le dispositif de l’arrêt
attaqué, le raisonnement exposé par le Tribunal aux points 70 à 74 dudit arrêt doit être considéré comme surabondant.
92 Or, des griefs dirigés contre des motifs surabondants d’une décision du Tribunal ne sauraient, en tout état de cause, entraîner l’annulation de cette décision et doivent donc être considérés comme inopérants (voir en ce sens, notamment, arrêt du 15 avril 2010, Gualtieri/Commission, C‑485/08 P, EU:C:2010:188, point 52).
93 Dans ces conditions, la seconde branche du troisième moyen doit être rejetée comme inopérante.
94 Par conséquent, il convient de rejeter le troisième moyen dans son ensemble.
95 Il découle de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le pourvoi.
Sur les dépens
96 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
97 L’EUIPO et HDN Development ayant conclu à la condamnation de Panrico aux dépens et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) déclare et arrête :
1) Le pourvoi est rejeté.
2) Panrico SA est condamnée aux dépens.
Signatures
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1 Langue de procédure : l’espagnol.