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02/03/2017 | CJUE | N°C-245/15

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, SC Casa Noastră SA contre Ministerul Transporturilor – Inspectoratul de Stat pentru Controlul în Transportul Rutier (ISCTR)., 02/03/2017, C-245/15


ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

2 mars 2017 ( 1 )

«Renvoi préjudiciel — Transports par route — Dispositions sociales — Dérogations — Règlement (CE) no 561/2006 — Article 3, sous a) — Règlement (CE) no 1073/2009 — Article 2, point 3 — Services réguliers assurant le transport de voyageurs — Notion — Transports gratuits organisés par un opérateur économique pour ses employés, à destination et en provenance du lieu de travail, dans des véhicules lui appartenant et conduits par l’un de ses employés»

Dans l’affaire C‑

245/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l...

ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

2 mars 2017 ( 1 )

«Renvoi préjudiciel — Transports par route — Dispositions sociales — Dérogations — Règlement (CE) no 561/2006 — Article 3, sous a) — Règlement (CE) no 1073/2009 — Article 2, point 3 — Services réguliers assurant le transport de voyageurs — Notion — Transports gratuits organisés par un opérateur économique pour ses employés, à destination et en provenance du lieu de travail, dans des véhicules lui appartenant et conduits par l’un de ses employés»

Dans l’affaire C‑245/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Judecătoria Balş – Judeţul Olt (tribunal de première instance de Balş – département d’Olt, Roumanie), par décision du 30 avril 2015, parvenue à la Cour le 28 mai 2015, dans la procédure

SC Casa Noastră SA

contre

Ministerul Transporturilor – Inspectoratul de Stat pentru Controlul în Transportul Rutier (ISCTR),

LA COUR (dixième chambre),

composée de Mme M. Berger (rapporteur), président de chambre, MM. A. Borg Barthet et F. Biltgen, juges,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

— pour le Ministerul Transporturilor – Inspectoratul de Stat pentru Controlul în Transportul Rutier (ISCTR), par M. D. Ştefan, en qualité d’agent,

— pour le gouvernement roumain, par Mmes M. Chicu et E. Gane ainsi que par M. R. H. Radu, en qualité d’agents,

— pour le gouvernement autrichien, par M. G. Eberhard, en qualité d’agent,

— pour la Commission européenne, par Mmes J. Hottiaux et L. Nicolae, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, sous a), du règlement (CE) no 561/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, relatif à l’harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route, modifiant les règlements (CEE) no 3821/85 et (CE) no 2135/98 du Conseil et abrogeant le règlement (CEE) no 3820/85 du Conseil (JO 2006, L 102, p. 1), ainsi que de l’article 2, point 3, du règlement (CE)
no 1073/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, établissant des règles communes pour l’accès au marché international des services de transport par autocars et autobus, et modifiant le règlement (CE) no 561/2006 (JO 2009, L 300, p. 88, et rectificatif, JO 2015, L 272, p. 15).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant SC Casa Noastră SA au Ministerul Transporturilor – Inspectoratul de Stat pentru Controlul în Transportul Rutier (ISCTR) [ministère du Transport ministère des Transports – Inspection nationale pour le contrôle du transport routier (ISCTR), Roumanie] au sujet d’une amende infligée par l’ISCTR à l’un des employés de Casa Noastră pour non-respect des durées de repos et de conduite.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement no 561/2006

3 L’article 2, point 1, sous b), du règlement no 561/2006 dispose :

« Le présent règlement s’applique au transport routier :

[...]

b) de voyageurs par des véhicules qui sont construits ou aménagés de façon permanente pour pouvoir assurer le transport de plus de neuf personnes, conducteur compris, et qui sont destinés à cet usage. »

4 L’article 3, sous a), de ce règlement prévoit :

« Le présent règlement ne s’applique pas aux transports routiers effectués par des :

a) véhicules affectés au transport de voyageurs par des services réguliers dont le parcours de la ligne ne dépasse pas 50 km ».

5 L’article 4, sous n), dudit règlement énonce :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

n) “services réguliers de transport de voyageurs” : les services de transports nationaux et internationaux tels que définis à l’article 2 du règlement (CEE) no 684/92 du Conseil du 16 mars 1992 établissant des règles communes pour les transports internationaux de voyageurs effectués par autocars et autobus [(JO 1992, L 74, p. 1)]».

Le règlement no 684/92

6 L’article 2, point 1, du règlement no 684/92, tel que modifié par le règlement (CE) no 1791/2006 du Conseil, du 20 novembre 2006 (JO 2006, L 363, p. 1) (ci-après le « règlement no 684/92 »), énonce :

« 1. Services réguliers

1.1. Les services réguliers sont les services qui assurent le transport de voyageurs selon une fréquence et sur une relation déterminées, les voyageurs pouvant être pris en charge et déposés à des arrêts préalablement fixés. Les services réguliers sont accessibles à tout le monde, nonobstant, le cas échéant, l’obligation de réserver.

Le caractère régulier du service n’est pas affecté par le fait d’une adaptation des conditions d’exploitation du service.

1.2. Quel que soit l’organisateur des transports, sont également considérés comme services réguliers ceux qui assurent le transport de catégories déterminées de voyageurs, à l’exclusion d’autres voyageurs, dans la mesure où ces services sont effectués aux conditions indiquées au point 1.1. De tels services sont dénommés “services réguliers spécialisés”.

Les services réguliers spécialisés comprennent notamment :

a) le transport “domicile-travail” des travailleurs ;

b) le transport “domicile-établissement” d’enseignement des scolaires et étudiants ;

c) le transport “État d’origine-lieu de casernement” des militaires et de leurs familles.

Le caractère régulier des services spécialisés n’est pas affecté par le fait que l’organisation du transport est adaptée aux besoins variables des utilisateurs.

[...] »

Le règlement no 1073/2009

7 Le règlement no 684/92 a été abrogé par l’article 30 du règlement no 1073/2009. En vertu de cet article, les références faites au règlement abrogé s’entendent comme faites au règlement no 1073/2009 et sont à lire selon le tableau de correspondance figurant à l’annexe III de celui-ci. Par suite de cette abrogation, à l’article 2, point 1.1, du règlement no 684/92 correspondent l’article 2, point 2, et l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 1073/2009, et à l’article 2, point 1.2, du règlement
no 684/92 correspondent l’article 2, point 3, et l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 1073/2009.

8 L’article 2 du règlement no 1073/2009 contient les définitions suivantes :

« [...]

2. “services réguliers”, les services qui assurent le transport de voyageurs selon une fréquence et sur un trajet déterminés, les voyageurs pouvant être pris en charge et déposés à des arrêts préalablement fixés ;

3. “services réguliers spécialisés”, les services réguliers qui, quel que soit l’organisateur des transports, assurent le transport de catégories déterminées de voyageurs, à l’exclusion d’autres voyageurs ;

[...]

5. “transports pour compte propre”, les transports effectués, à des fins non lucratives et non commerciales, par une personne physique ou morale, lorsque :

— l’activité de transport ne constitue qu’une activité accessoire pour cette personne physique ou morale, et

— les véhicules utilisés sont la propriété de cette personne physique ou morale, ou ont été achetés à tempérament par elle, ou ont fait l’objet d’un contrat de location à long terme, et sont conduits par un membre du personnel de cette personne physique ou morale ou par la personne physique elle-même, ou encore par du personnel employé par l’entreprise ou mis à la disposition de celle-ci en vertu d’une obligation contractuelle ;

[...] »

9 L’article 3 de ce règlement, intitulé « Liberté de prestation des services », dispose :

« 1.   Tout transporteur pour compte d’autrui visé à l’article 1er est admis, conformément au présent règlement, à effectuer des transports par autocars et autobus, sous forme de services réguliers, y compris les services réguliers spécialisés, et de services occasionnels, sans discrimination en raison de sa nationalité ou de son lieu d’établissement, à condition :

a) d’être habilité dans l’État membre d’établissement à effectuer des transports par autocars et autobus, sous forme de services réguliers, y compris les services réguliers spécialisés, ou de services occasionnels, conformément aux conditions d’accès au marché fixées par la législation nationale ;

[...]

2.   Tout transporteur pour compte propre visé à l’article 1er est admis à effectuer les services de transport conformément à l’article 5, paragraphe 5, sans discrimination en raison de la nationalité ou du lieu d’établissement, à condition :

a) d’être habilité dans l’État membre d’établissement à effectuer des transports par autocars et autobus conformément aux conditions d’accès au marché fixées par la législation nationale [...]

[...] »

10 L’article 5 dudit règlement, intitulé « Accès au marché », prévoit :

« 1.   Les services réguliers sont accessibles à tout le monde, nonobstant, le cas échéant, l’obligation de réserver.

Ces services font l’objet d’une autorisation conformément aux dispositions du chapitre III.

Les services réguliers au départ d’un État membre et à destination d’un pays tiers, et vice versa, font l’objet d’une autorisation conformément à l’accord bilatéral conclu entre l’État membre et le pays tiers et, s’il y a lieu, l’État membre de transit, tant que l’accord nécessaire entre la Communauté et le pays tiers concerné n’a pas été conclu.

Le caractère régulier du service n’est pas affecté par le fait d’une adaptation des conditions d’exploitation du service.

L’organisation de services parallèles ou temporaires, captant la même clientèle que les services réguliers existants, la non-desserte de certains arrêts ou la desserte d’arrêts supplémentaires par des services réguliers existants sont soumises aux mêmes règles que celles applicables à ces derniers.

2.   Les services réguliers spécialisés comprennent notamment :

a) le transport entre le domicile et le lieu de travail des travailleurs ;

b) le transport des écoliers et étudiants vers et au départ de l’établissement d’enseignement.

Le caractère régulier des services spécialisés n’est pas affecté par le fait que l’organisation du transport est adaptée aux besoins variables des utilisateurs.

Les services réguliers spécialisés ne font pas l’objet d’une autorisation conformément au chapitre III, à condition d’être couverts par un contrat conclu entre l’organisateur et le transporteur.

[...]

5.   Sont libérés de tout régime d’autorisation et sont soumis à un régime d’attestation les transports pour compte propre.

Les attestations sont délivrées par les autorités compétentes de l’État membre où le véhicule est immatriculé et sont valables pour l’ensemble du parcours, y compris le transit.

[...] »

Le droit roumain

11 L’article 3 de l’Ordonanța Guvernului nr. 27/2011 privind transporturile rutiere (ordonnance du gouvernement no 27/2011 sur les transports routiers), dans sa version en vigueur à la date des faits en cause au principal, prévoit que « le transport routier pour compte propre de personnes est un transport routier effectué à des fins non lucratives et non commerciales, par une personne physique ou morale, dans le respect des conditions prévues à l’article 2, point 5, du règlement no 1073/2009 ».

12 L’article 4, partie I, paragraphe 2, de cette ordonnance dispose, en ce qui concerne la classification des transports routiers :

« (2)   classification en fonction du caractère commercial de l’activité :

a) transport routier à titre onéreux ;

b) transport routier pour compte propre ».

13 L’article 52 de l’annexe de l’Ordinul Ministrului Transporturilor nr. 980/2011 pentru aprobarea Normelor metodologice privind aplicarea prevederilor referitoare la organizarea şi efectuarea transporturilor rutiere şi a activităţilor conexe acestora stabilite prin Ordonanţa Guvernului nr. 27/2011 privind transporturile rutiere (ordonnance no 980/2011 du ministre des Transports adoptant les règles méthodologiques concernant l’application des dispositions relatives à l’organisation et à l’exécution
de transports routiers et d’activités connexes à ceux-ci établies par l’ordonnance du gouvernement no 27/2011 sur les transports routiers), dans sa version en vigueur à la date des faits en cause au principal, prévoit que les services réguliers, les services réguliers spécialisés et les services occasionnels sont effectués à titre onéreux.

14 L’article 54, paragraphes 1 et 2, de l’annexe de cette ordonnance dispose :

« (1)   Le transport routier interdépartemental de personnes, à titre onéreux, par des services réguliers ne peut être effectué par un opérateur de transports routiers que si ce dernier détient une licence d’exploitation de liaison valable pour le trajet en cause, tel que celui-ci est prévu par le programme de transport.

(2)   La licence d’exploitation de trajet n’est valable que si elle est accompagnée de l’horaire de circulation pour toute la durée du transport et uniquement si le départ de la tête de trajet s’est fait au jour et à l’heure prévus par l’horaire de circulation. »

15 L’article 80 de cette annexe énonce :

« (1)   Le transport routier de personnes pour compte propre est effectué par des entreprises de transport routier, pour compte propre, uniquement avec des autobus à bord desquels se trouvent, pour toute la durée du transport, une copie conforme du certificat de transport pour compte propre ainsi que le document de transport.

(2)   Au sens du paragraphe 1, on entend par document de transport le tableau contenant le nom des personnes transportées, signé et estampillé par le représentant légal de l’entreprise. »

16 L’article 81, sous a), de ladite annexe prévoit :

« Outre le document de transport, dans le cas du transport routier de personnes pour compte propre, les documents suivants doivent se trouver à bord de l’autobus :

a) une carte de service valable du chauffeur, qui fait apparaître qu’il est employé par l’entreprise de transport routier pour compte propre ».

17 L’article 8, paragraphe 1, de l’Ordonanţa Guvernului nr. 37/2007 privind stabilirea cadrului de aplicare a regulilor privind perioadele de conducere, pauzele şi perioadele de odihnă ale conducătorilor auto şi utilizarea aparatelor de înregistrare a activităţii acestora (ordonnance gouvernementale no 37/2007 définissant le cadre d’application des règles relatives aux durées de conduite, de pause et de repos des conducteurs de véhicules à moteur et à l’utilisation des appareils d’enregistrement de
leurs activités), dans sa version en vigueur à la date des faits en cause au principal (ci-après l’« ordonnance gouvernementale no 37/2007 »), dispose :

« 1)   Les faits suivants constituent des violations très graves des dispositions du règlement (CE) no 561/2006 du Parlement européen et du Conseil et du règlement (CEE) no 3821/85, ainsi que, le cas échéant, de l’accord [européen relatif au travail des équipages des véhicules effectuant des transports internationaux par route (AETR)], et ils sont constitutifs de contraventions lorsqu’ils ne sont pas considérés comme des infractions en vertu des lois pénales :

1. le dépassement, de deux heures ou plus, de la durée journalière de conduite ou de la durée journalière maximale de conduite ;

[...]

6. le non-respect de la durée minimale de repos journalier, lorsque celle-ci est réduite de deux heures ou plus ».

18 L’article 9 de l’ordonnance gouvernementale no 37/2007 dispose :

« 1.   Les contraventions prévues à l’article 8 font l’objet des sanctions suivantes :

[...]

c) une amende allant de 4000 à 8000 [lei roumains (RON)], applicable au conducteur de l’automobile pour les faits visés au paragraphe 1, points 15, 16, 18 à 20, 22 à 26, 28 à 30, 36 et 38, et applicable à l’entreprise/l’opérateur de transport routier pour les faits visés au paragraphe 1, points 1 à 11, 31 et 32. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

19 Casa Noastră est une entreprise qui produit et commercialise des menuiseries en PVC et dont les installations de production sont situées à Pielești (Roumanie), soit à environ 13 km de Craiova (Roumanie).

20 Cette entreprise assure le transport de ses employés à destination et en provenance de leur lieu de travail, au moyen de trois autocars de 44 places et de deux minibus de 20 places, véhicules dont elle est propriétaire. Elle emploie cinq chauffeurs de manière permanente à cette fin.

21 Les employés de Casa Noastră travaillent par roulement de trois équipes, de sorte que leur transport s’effectue chaque jour ouvrable à raison de trois trajets aller et retour. L’un des trajets parcourus dans le cadre de ces transports est le trajet aller et retour entre Pielești et Braneț (Roumanie), la distance entre ces deux localités étant de 21 km.

22 Le 26 novembre 2014, l’un des véhicules de Casa Noastră, conduit par l’un des chauffeurs de cette entreprise sur ledit trajet, a été contrôlé par un inspecteur de l’ISCTR. Lors de ce contrôle, le conducteur a dû présenter le relevé de son tachygraphe, qui a révélé un non-respect des durées de repos et de conduite. Casa Noastră s’est donc vu infliger une amende contraventionnelle, au titre de l’article 8, paragraphe 1, points 1 et 6, de l’ordonnance gouvernementale no 37/2007, pour dépassement de
la durée journalière de conduite, et plus précisément de la durée journalière maximale de conduite, ainsi que pour non-respect de la durée minimale de repos journalier.

23 Casa Noastră a contesté cette sanction en soutenant, notamment, que, lors de ce contrôle, elle effectuait un transport routier de personnes relevant de la catégorie des « services réguliers spécialisés » de transport de travailleurs entre leur domicile et leur lieu de travail, sur un parcours de moins de 50 km, et que, par conséquent, la dérogation prévue à l’article 3, sous a), du règlement no 561/2006 trouvait à s’appliquer.

24 L’ISCTR a soutenu que Casa Noastră effectuait un transport routier de personnes pour compte propre, étant donné que ce transport était réalisé à des fins non lucratives et non commerciales, alors que le transport routier de personnes dans le cadre de services réguliers spécialisés est payant et implique le respect d’autres conditions prévues par la législation nationale. Par conséquent, ledit transport ne relevait pas, selon elle, de la dérogation prévue à l’article 3, sous a), du règlement
no 561/2006.

25 La juridiction de renvoi considère qu’il convient d’examiner la possibilité légale, pour les opérateurs économiques, d’organiser des services de transport de leurs propres travailleurs, à destination et en provenance de leur lieu de travail, ainsi que la question de savoir dans quelle mesure un travailleur est, pour la durée du transport, un voyageur qui bénéficie d’un service régulier spécialisé, et cela en tenant compte du fait que Casa Noastră ne perçoit aucune rémunération pour le service de
transport concerné.

26 Dans ces conditions, la Judecătoria Balş – Judeţul Olt (tribunal de première instance de Balş – département d’Olt, Roumanie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Dans quelle mesure l’expression “quel que soit l’organisateur des transports” qui est employée à l’article 2, point 3, du règlement no 1073/2009 peut-elle être interprétée en ce sens qu’un service régulier de transport peut être organisé par un opérateur économique aux fins du transport de ses propres employés à destination et en provenance du lieu de travail ?

2) Dans quelle mesure l’expression “transport de voyageurs par des services réguliers dont le parcours de la ligne ne dépasse pas 50 km” employée à l’article 3, sous a), du règlement no 561/2006 peut-elle être interprétée en ce sens qu’elle s’applique à des travailleurs, dans le cadre de leurs déplacements à destination ou en provenance de leur lieu de travail ? »

Sur les questions préjudicielles

27 Par ses deux questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le service de transport entre le domicile et le lieu de travail de travailleurs, organisé par l’employeur de ces derniers et dont le parcours de la ligne ne dépasse pas 50 km, entre dans le champ d’application de la dérogation, prévue à l’article 3, sous a), du règlement no 561/2006, selon laquelle ce règlement ne s’applique pas à un tel service de transport.

28 À cet égard, il importe de rappeler que, en vertu du considérant 17 et de l’article 1er du règlement no 561/2006, ce dernier vise à harmoniser les conditions de concurrence entre les modes de transport terrestre, en particulier concernant le secteur routier, et à améliorer les conditions de travail du personnel de ce secteur ainsi que la sécurité routière, ces objectifs se traduisant notamment par l’obligation de munir, en principe, les véhicules de transport par route d’un tachygraphe agréé
permettant de contrôler le respect des temps de conduite et de repos des conducteurs (voir, notamment, arrêts du 3 octobre 2013, Lundberg, C‑317/12, EU:C:2013:631, point 31 et jurisprudence citée, ainsi que du 19 octobre 2016, EL-EM-2001,C‑501/14, EU:C:2016:777, point 21).

29 Selon son article 3, sous a), le règlement no 561/2006 ne s’applique pas aux transports routiers effectués par des véhicules affectés au transport de voyageurs par des services réguliers dont le parcours de la ligne ne dépasse pas 50 km.

30 Aux termes de l’article 4, sous n), de ce même règlement, on entend par « services réguliers de transport de voyageurs » les services de transports nationaux et internationaux tels que définis à l’article 2, point 1, du règlement no 684/92.

31 La Cour a précisé, à cet égard, que ledit article 2, point 1, prévoit deux catégories de tels services en établissant une distinction entre les services réguliers et les services réguliers spécialisés. Les premiers, accessibles à tout le monde, assurent le transport de voyageurs selon une fréquence et sur un trajet déterminés, les voyageurs pouvant être pris en charge et déposés à des arrêts préalablement fixés. Les seconds sont effectués aux mêmes conditions, mais uniquement pour des catégories
déterminées de voyageurs (arrêt du 30 avril 1998, Clarke & Sons et Ferne, C‑47/97, EU:C:1998:185, point 16), à savoir pour le transport « domicile-travail des travailleurs », le transport « domicile-établissement » d’enseignement des scolaires et étudiants et le transport « État d’origine-lieu de casernement » des militaires et de leurs familles.

32 Il s’ensuit que les services réguliers spécialisés constituent une catégorie spécifique de services réguliers, la seule différence entre ces deux catégories résidant dans le fait que les services réguliers spécialisés visent le transport de groupes de personnes déterminées, à l’exclusion d’autres voyageurs, alors que les services réguliers sont accessibles sans restriction à l’ensemble des voyageurs. Or, au regard des objectifs poursuivis par le règlement no 561/2006, mentionnés au point 28 du
présent arrêt, la qualité des personnes transportées ne saurait constituer un critère décisif pour l’application ou non de ce règlement.

33 Compte tenu de la structure du règlement no 684/92 ainsi que de la définition de la notion de « services réguliers spécialisés », il apparaît que l’intention du législateur de l’Union européenne a consisté à exclure du champ d’application du règlement no 561/2006 tant les services réguliers que les services réguliers spécialisés, sous réserve que le parcours de la ligne concernée ne dépasse pas 50 km.

34 Cette constatation n’est pas remise en question par le fait que le règlement no 684/92 a été remplacé par le règlement no 1073/2009, qui opère une distinction entre les « services réguliers » et les « services réguliers spécialisés ». En effet, les définitions de ces notions restent en substance inchangées, de sorte que les services réguliers spécialisés sont toujours définis comme constituant une catégorie particulière de services réguliers.

35 En outre, le transport entre le domicile et le lieu de travail des travailleurs est explicitement régi par l’article 5, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1073/2009 en tant qu’il constitue l’une des formes de services réguliers spécialisés. Le raisonnement se trouvant à la base de l’interprétation du règlement no 684/92 s’applique, par conséquent, mutatis mutandis, au règlement no 1073/2009.

36 Il s’ensuit que le champ d’application de la dérogation prévue à l’article 3, sous a), du règlement no 561/2006 n’a pas été modifié par le règlement no 1073/2009, cette dérogation s’appliquant tant aux services réguliers qu’aux services réguliers spécialisés, sous réserve que le parcours de la ligne concernée ne dépasse pas 50 km.

37 En second lieu, il convient de relever que le règlement no 1073/2009 contient, à son article 2, point 5, à l’instar de l’article 2, point 4, du règlement no 684/1992, une définition des « transports pour compte propre », selon laquelle il s’agit des transports effectués à des fins non lucratives et non commerciales à condition, d’une part, que l’activité de transport ne constitue qu’une activité accessoire pour la personne physique ou morale qui l’assure. D’autre part, ladite définition prévoit
que les véhicules doivent être la propriété de cette personne, avoir été achetés à tempérament ou avoir fait l’objet d’un contrat de location à long terme, et qu’ils doivent être conduits par un membre du personnel de cette personne physique ou morale ou par la personne elle-même, ou encore par du personnel employé par l’entreprise ou mis à la disposition de celle-ci en vertu d’une obligation contractuelle.

38 En l’occurrence, il convient de constater que, d’une part, le transport en cause au principal paraît remplir les conditions exigées pour être qualifié de « service régulier spécialisé ».

39 Ledit transport s’effectue chaque jour ouvrable par trois allers et retours, ce qui correspond aux trois postes de travail journaliers de Casa Noastră. Étant donné que, selon les éléments dont dispose la Cour, le transport entre le domicile et le lieu de travail des salariés de cette entreprise est effectué entre les localités de Pielești et de Braneț, le trajet concerné est « déterminé », au sens de l’article 2, point 2, du règlement no 1073/2009, les travailleurs étant pris en charge et déposés
à des endroits préalablement fixés. En outre, le service en cause au principal ne s’adresse qu’à une catégorie précise de voyageurs, en l’occurrence les employés de ladite entreprise, à l’exclusion d’autres voyageurs.

40 D’autre part, le transport en cause au principal satisfait également aux exigences fixées à l’article 2, point 5, du règlement no 1073/2009, relatives aux « transports pour compte propre ».

41 En effet, selon les mêmes éléments, les services de transport concernés ne sont fournis aux employés de Casa Noastră ni à des fins lucratives ni dans un but commercial. La juridiction de renvoi précise d’ailleurs qu’aucune rémunération n’est perçue pour le service fourni. En outre, l’activité principale de cette société est non pas le transport de personnes, mais la production et la commercialisation de menuiseries en PVC, le transport de travailleurs ne représentant pour celle-ci qu’une activité
accessoire. Enfin, Casa Noastră est propriétaire des véhicules utilisés, lesquels sont, de surcroît, conduits par les propres employés de cette entreprise.

42 Ainsi qu’il a été constaté au point 36 du présent arrêt, la dérogation prévue à l’article 3, sous a), du règlement no 561/2006 s’applique aux services réguliers, y compris aux services réguliers spécialisés. Par conséquent, cette dérogation ne vise pas, a priori, les transports pour compte propre.

43 Or, il convient de constater que la catégorie des services réguliers, qui comprend les services réguliers spécialisés, et la catégorie des transports pour compte propre ne s’excluent pas mutuellement. Les transports pour compte propre peuvent prendre la forme de services réguliers spécialisés ou de services occasionnels, ces derniers étant définis, à l’article 2, point 4, du règlement no 1073/2009, comme étant les services qui ne répondent pas à la définition des services réguliers, y compris les
services réguliers spécialisés, et qui ont pour principale caractéristique de consister dans le transport de groupes constitués à l’initiative d’un donneur d’ordre ou du transporteur lui-même.

44 À cet égard, il convient de relever que rien, dans le libellé des règlements nos 561/2006 et 1073/2009, ne s’oppose à cette interprétation. En principe, comme l’a fait valoir la Commission européenne dans ses observations écrites, les services de transports peuvent être classés en deux catégories, à savoir, d’une part, les services fournis à des tiers et, d’autre part, les services pour compte propre.

45 La première de ces deux catégories peut prendre plusieurs formes, à savoir celles de services réguliers, de services réguliers spécialisés et de services occasionnels.

46 Les services pour compte propre peuvent également prendre la forme de services réguliers spécialisés ou de services occasionnels, s’ils remplissent les conditions fixées par le règlement no 1073/2009. En revanche, en sont exclus les services réguliers, qui sont, par définition, accessibles à tous les voyageurs.

47 Cette interprétation est corroborée par le fait que, en effet, tant le règlement no 684/92 que le règlement no 1073/2009 incluent dans le champ d’application des services réguliers spécialisés, ainsi qu’il a été déjà constaté au point 35 du présent arrêt, le transport entre le domicile et le lieu de travail des travailleurs. En outre, la définition figurant à l’article 2, point 1.2, du règlement no 684/92 précise que ces services assurent le transport de catégories déterminées de voyageurs « quel
que soit l’organisateur ».

48 Par ailleurs, une telle interprétation est également confirmée par le fait que les transports pour compte propre sont, dans le règlement no 1073/2009, qui établit des règles communes pour l’accès au marché international des services de transport par autocars et autobus, soumis à des règles généralement moins strictes que celles qui sont applicables aux services réguliers, y compris aux services réguliers spécialisés. Ces derniers ne peuvent, en effet, être effectués que sur autorisation, alors
que les transports pour compte propre sont uniquement soumis à un régime d’attestation et sont exemptés d’autorisation. Par conséquent, l’obtention d’une attestation en fonction des modalités d’exercice du service de transport n’est pas nécessaire, l’attestation relative aux transports pour compte propre couvrant toutes les modalités d’exercice du service, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une identification spécifique par catégorie de services de transport concernée.

49 La seule différence existant entre un service régulier spécialisé destiné à des tiers et le même service effectué dans le cadre d’un transport pour compte propre tient, par conséquent, à la qualité de l’organisateur du service. Or, cette différence ne saurait justifier que des services réguliers spécialisés effectués dans le cadre d’un transport pour compte propre soient exclus du champ d’application de la dérogation prévue à l’article 3, sous a), du règlement no 561/2006.

50 Cette interprétation ne porte pas non plus atteinte aux objectifs poursuivis par le règlement no 561/2006. Ce dernier vise, ainsi qu’il a été mentionné au point 28 du présent arrêt, à harmoniser les conditions de concurrence entre les modes de transport terrestre, en particulier concernant le secteur routier, et à améliorer les conditions de travail du personnel de ce secteur ainsi que la sécurité routière. Or, les services réguliers spécialisés effectués pour compte propre ne représentent pas
une concurrence déloyale au détriment d’autres types de transport proposés à des tiers, dès lors que seuls les employés de l’entreprise qui offre ces services peuvent les emprunter. D’ailleurs, s’agissant de l’amélioration des conditions de travail et de la sécurité routière, rien ne justifierait qu’une distinction soit opérée entre un conducteur qui assure des services réguliers spécialisés pour des tiers sur des distances inférieures à 50 km et un conducteur qui assure des services réguliers
spécialisés dans le cadre d’un transport pour compte propre sur les mêmes distances.

51 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’article 3, sous a), du règlement no 561/2006, ainsi que l’article 2, point 3, du règlement no 1073/2009 doivent être interprétés en ce sens que le service de transport entre le domicile et le lieu de travail de travailleurs, organisé par l’employeur de ces derniers et dont le parcours de la ligne ne dépasse pas 50 km, entre dans le champ d’application de la dérogation, prévue à l’article 3, sous a), du règlement no 561/2006, selon
laquelle ce règlement ne s’applique pas à un tel service de transport.

Sur les dépens

52 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :

L’article 3, sous a), du règlement (CE) no 561/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, relatif à l’harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route, modifiant les règlements (CEE) no 3821/85 et (CE) no 2135/98 du Conseil et abrogeant le règlement (CEE) no 3820/85 du Conseil, ainsi que l’article 2, point 3, du règlement (CE) no 1073/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, établissant des règles
  communes pour l’accès au marché international des services de transport par autocars et autobus, et modifiant le règlement (CE) no 561/2006, doivent être interprétés en ce sens que le service de transport entre le domicile et le lieu de travail de travailleurs, organisé par l’employeur de ces derniers et dont le parcours de la ligne ne dépasse pas 50 km, entre dans le champ d’application de la dérogation, prévue à l’article 3, sous a), du règlement no 561/2006, selon laquelle ce règlement ne
s’applique pas à un tel service de transport.

  Signatures

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( 1 ) Langue de procédure : le roumain.


Synthèse
Formation : Dixième chambre
Numéro d'arrêt : C-245/15
Date de la décision : 02/03/2017
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par la Judecătoria Balş – Judeţul Olt.

Renvoi préjudiciel – Transports par route – Dispositions sociales – Dérogations – Règlement (CE) no 561/2006 – Article 3, sous a) – Règlement (CE) no 1073/2009 – Article 2, point 3 – Services réguliers assurant le transport de voyageurs – Notion – Transports gratuits organisés par un opérateur économique pour ses employés, à destination et en provenance du lieu de travail, dans des véhicules lui appartenant et conduits par l’un de ses employés.

Politique sociale

Transports


Parties
Demandeurs : SC Casa Noastră SA
Défendeurs : Ministerul Transporturilor – Inspectoratul de Stat pentru Controlul în Transportul Rutier (ISCTR).

Composition du Tribunal
Avocat général : Saugmandsgaard Øe
Rapporteur ?: Berger

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2017:156

Source

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