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12/01/2017 | CJUE | N°C-411/15

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Timab Industries et Cie financière et de participations Roullier (CFPR) contre Commission européenne., 12/01/2017, C-411/15


ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

12 janvier 2017 ( *1 )

«Pourvoi — Ententes — Marché européen des phosphates pour l’alimentation animale — Attribution de quotas de vente, coordination des prix et des conditions de ventes et échange d’informations commerciales sensibles — Retrait des requérantes de la procédure de transaction — Pouvoir de pleine juridiction — Protection de la confiance légitime et de l’égalité de traitement — Durée raisonnable de la procédure»

Dans l’affaire C‑411/15 P,

ayant pour objet un pourvo

i au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 27 juillet 2015,
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ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

12 janvier 2017 ( *1 )

«Pourvoi — Ententes — Marché européen des phosphates pour l’alimentation animale — Attribution de quotas de vente, coordination des prix et des conditions de ventes et échange d’informations commerciales sensibles — Retrait des requérantes de la procédure de transaction — Pouvoir de pleine juridiction — Protection de la confiance légitime et de l’égalité de traitement — Durée raisonnable de la procédure»

Dans l’affaire C‑411/15 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 27 juillet 2015,

Timab Industries, établie à Dinard (France), représentée par Me N. Lenoir, avocate au barreau de Paris,

Cie financière et de participations Roullier (CFPR), établie à Saint-Malo (France), représentée par Me N. Lenoir, avocate au barreau de Paris,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par MM. C. Giolito et B. Mongin, en qualité d’agents, assistés de Me N. Coutrelis, avocate au barreau de Paris, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (dixième chambre),

composée de Mme M. Berger (rapporteur), président de chambre, MM. E. Levits et F. Biltgen, juges,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 28 juillet 2016,

rend le présent

Arrêt

1 Par leur pourvoi, les requérantes, Timab Industries (ci-après « Timab ») et Cie financière et de participations Roullier (CFPR) demandent, à titre principal, l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne, du 20 mai 2015, Timab Industries et CFPR/Commission (T‑456/10, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2015:296), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant à l’annulation de la décision C (2010) 5001 final de la Commission, du 20 juillet 2010, relative à une procédure d’application
de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/38866 – Phosphates pour l’alimentation animale) (ci-après la « décision litigieuse »), ainsi que le renvoi de l’affaire devant le Tribunal aux fins de la réduction appropriée du montant de l’amende qui leur a été infligée. À titre subsidiaire, elles demandent qu’il soit constaté que le Tribunal a violé leur droit à un procès équitable en raison de la durée déraisonnable de la procédure juridictionnelle.

Le cadre juridique

Le règlement (CE) no 1/2003

2 Le règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), prévoit à son article 7, paragraphe 1 :

« Si la Commission, agissant d’office ou saisie d’une plainte, constate l’existence d’une infraction aux dispositions de l’article [101] ou [102 TFUE], elle peut obliger par voie de décision les entreprises et associations d’entreprises intéressées à mettre fin à l’infraction constatée. À cette fin, elle peut leur imposer toute mesure corrective de nature structurelle ou comportementale, qui soit proportionnée à l’infraction commise et nécessaire pour faire cesser effectivement l’infraction.
[...] »

3 Aux termes de l’article 23, paragraphes 2 et 3, de ce règlement :

« 2.   La Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et associations d’entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence :

a) elles commettent une infraction aux dispositions de l’article [101] ou [102 TFUE] [...]

[...]

Pour chaque entreprise et association d’entreprises participant à l’infraction, l’amende n’excède pas 10 % de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent.

[...]

3.   Pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci. »

Le règlement (CE) no 773/2004

4 Au cours de l’année 2008, la procédure de transaction a été instituée par l’adoption du règlement (CE) no 622/2008 de la Commission, du 30 juin 2008, modifiant le règlement (CE) no 773/2004 en ce qui concerne les procédures de transaction engagées dans les affaires d’entente (JO 2008, L 171, p. 3). Les modalités de la mise en œuvre de ce règlement ont été précisées par la communication de la Commission du 2 juillet 2008 relative aux procédures de transaction engagées en vue de l’adoption de
décisions en vertu des articles 7 et 23 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil dans les affaires d’entente (JO 2008, C 167, p. 1, ci-après la « communication sur la transaction »).

5 Le règlement (CE) no 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission, en application des articles [101] et [102 TFUE] (JO 2004, L 123, p. 18), tel que modifié par le règlement no 622/2008 (ci-après le « règlement no 773/2004 »), prévoit à son article 10 bis, intitulé « Procédure de transaction dans les affaires d’entente » :

«1.   Après l’ouverture de la procédure prévue à l’article 11, paragraphe 6, du règlement […] no 1/2003, la Commission peut impartir aux parties un délai pour lui faire savoir par écrit si elles sont disposées à prendre part à des discussions en vue de parvenir à une transaction, afin de présenter, le cas échéant, des propositions de transaction. La Commission n’est pas tenue de prendre en considération les réponses reçues après l’expiration de ce délai.

[...]

2.   La Commission peut informer les parties prenant part aux discussions en vue d’une transaction :

a) des griefs qu’elle envisage de soulever à leur encontre ;

b) des preuves utilisées pour formuler les griefs envisagés ;

c) des versions non confidentielles de tout document accessible figurant dans le dossier de l’affaire à ce moment-là, pour autant que la demande de la partie en cause se justifie pour lui permettre de préciser sa position concernant une période donnée ou tout autre aspect de l’entente ;

d) et de la fourchette des amendes probables.

[...]

Si les discussions en vue d’une transaction progressent, la Commission peut impartir à ces dernières un délai pour s’engager éventuellement à suivre la procédure de transaction en présentant des propositions de transaction reflétant les résultats des discussions menées à cet effet et reconnaissant leur participation à une infraction à l’article [101 TFUE], ainsi que leur responsabilité. Avant que la Commission ne fixe un délai pour l’introduction des propositions de transaction, les parties en
cause ont le droit, si elles en font la demande, d’obtenir la communication rapide des informations mentionnées à l’article 10 bis, paragraphe 2, premier alinéa. La Commission n’est pas tenue de prendre en considération les propositions de transaction reçues après l’expiration de ce délai.

3.   Lorsque la communication des griefs notifiée aux parties reprend la teneur de leurs propositions de transaction, les parties en cause doivent, dans le délai fixé par la Commission, confirmer, dans leur réponse écrite à cette communication des griefs, que cette dernière reflète la teneur de leurs propositions de transaction. La Commission peut alors adopter une décision en vertu des articles 7 et 23 du règlement […] no 1/2003, après consultation du comité consultatif en matière d’ententes et
de positions dominantes conformément à l’article 14 du règlement […] no 1/2003.

4.   La Commission peut décider, à toute étape de la procédure, de mettre fin aux discussions menées en vue d’une transaction, pour l’ensemble d’un dossier spécifique ou à l’égard d’une ou plusieurs parties concernées, si elle considère qu’il est probable que l’efficacité de la procédure est menacée.»

La communication sur la transaction

6 Aux termes du point 1 de la communication sur la transaction:

« La présente communication définit un cadre permettant de récompenser la coopération dans les procédures engagées en vue de l’application de l’article [101 TFUE] à des affaires d’entente. [...] La coopération visée dans la présente communication diffère de la fourniture volontaire de preuves visant à déclencher l’enquête de la Commission ou à la faire avancer, dont il est question dans la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires
portant sur des ententes [...] Pour autant que la coopération fournie par une entreprise relève des deux communications de la Commission, elle peut être récompensée à ce double titre. »

7 La partie 2.1 de ladite communication, intitulée « Ouverture de la procédure et phase exploratoire en vue de la transaction », dispose, à son point 11 :

« Si la Commission considère qu’il convient de chercher à connaître si les parties souhaitent entamer des discussions en vue de parvenir à une transaction, elle leur impartit un délai de deux semaines au moins, conformément à l’article 10 bis, paragraphe 1, et à l’article 17, paragraphe 3, du règlement […] no 773/2004, pour déclarer par écrit si elles sont disposées à prendre part à des discussions en vue de parvenir à une transaction afin de présenter ultérieurement des propositions de
transaction le cas échéant. Cette déclaration écrite ne signifie nullement que les parties reconnaissent avoir participé à une quelconque infraction, ni qu’elles en assument la responsabilité. »

8 Les points 15 à 17 et 19 de la communication sur la transaction, qui relèvent de la partie 2.2 de cette communication, intitulée « Engagement de la procédure de transaction : discussions menées en vue de parvenir à une transaction », prévoient :

« 15. La Commission dispose d’une marge d’appréciation pour déterminer l’opportunité de mener des discussions bilatérales avec chaque entreprise en vue de parvenir à une transaction et leur rythme. Conformément à l’article 10 bis, paragraphe 2, du règlement […] no 773/2004, il s’agit notamment de définir, à la lumière des progrès accomplis globalement au cours de la procédure de transaction, l’ordre et le rythme des discussions bilatérales menées en vue de la transaction ainsi que les moments de
la communication aux parties d’informations comprenant les preuves figurant dans le dossier de la Commission utilisées à l’appui des griefs envisagés, ainsi que le montant potentiel de l’amende. Ces informations seront communiquées en temps voulu, au fur et à mesure de l’avancement des discussions en vue de parvenir à une transaction.

16. La communication anticipée de ces informations dans le cadre des discussions menées en vue de parvenir à une transaction en vertu de l’article 10 bis, paragraphe 2, [...] du règlement […] no 773/2004 permettra aux parties d’être informées des éléments essentiels pris en considération à ce stade, tels que les faits allégués, leur qualification, la gravité et la durée de l’entente alléguée, l’attribution des responsabilités, une estimation des fourchettes d’amendes probables, ainsi que les
éléments de preuve utilisés à l’appui des griefs éventuels. Ce dispositif permettra aux parties de faire valoir leur point de vue sur les griefs qui pourraient leur être faits et de décider, en connaissance de cause, de conclure une transaction ou non. [...]

17. Lorsque les progrès des discussions menées en vue de parvenir à une transaction débouchent sur une appréciation commune de l’étendue des griefs éventuels et de l’estimation de la fourchette probable des amendes infligées par la Commission et que celle-ci estime a priori, à la lumière des progrès accomplis globalement, que cette procédure sera plus efficace, elle peut accorder un délai d’au moins quinze jours ouvrables, de manière à permettre à l’entreprise en cause de présenter une proposition
de transaction définitive [...]

[…]

19. Si les parties en cause ne présentent pas de proposition de transaction, la procédure conduisant à la décision finale dans leur cas respectera les dispositions générales [...] au lieu de celles qui régissent la procédure de transaction. »

9 La partie 2.3 de la communication sur la transaction, intitulée « Propositions de transaction », prévoit, à son point 20, que les parties qui optent pour la procédure de transaction doivent présenter une demande officielle de transaction sous la forme d’une proposition de transaction. Dans cette proposition doit figurer, notamment, une reconnaissance en termes clairs et sans équivoque, par les parties, de leur responsabilité dans l’infraction ainsi que la confirmation, par ces parties, que
celles-ci n’envisagent pas de demander l’accès au dossier ou à être entendues de nouveau, lors d’une audition orale, à moins que la communication des griefs et la décision de la Commission ne reflètent pas leur proposition de transaction.

10 Aux termes du point 21 de la communication sur la transaction, qui relève également de ladite partie 2.3 :

« La reconnaissance de responsabilité et les confirmations fournies par les parties en vue de parvenir à une transaction constituent l’expression de leur engagement de coopérer au règlement rapide de l’affaire en appliquant la procédure de transaction. Cependant, ces reconnaissance et confirmations sont subordonnées à l’acceptation, par la Commission, de la proposition de transaction présentée par les parties, notamment en ce qui concerne le montant maximum prévu de l’amende. »

11 La partie 2.4 de cette communication, intitulée « Communication des griefs et réponse », dispose, à ses points 23, 24 et 26 :

« 23. Conformément à l’article 10, paragraphe 1, du règlement […] no 773/2004, la notification, par écrit, d’une communication des griefs à chacune des parties contre lesquelles des griefs sont formulés est une étape préparatoire obligatoire avant d’adopter toute décision finale. C’est pourquoi la Commission émettra également une communication des griefs dans le cadre d’une procédure de transaction.

24. Pour garantir l’exercice effectif des droits de la défense, la Commission doit, avant d’adopter une décision finale, recueillir le point de vue des parties sur les griefs formulés à leur égard ainsi que sur les éléments de preuve fournis à l’appui et en tenir compte en modifiant son analyse préliminaire s’il y a lieu. La Commission doit être en mesure non seulement d’accepter ou de refuser les arguments pertinents des parties exprimés au cours de la procédure administrative, mais aussi de
procéder à sa propre analyse des éléments que celles-ci ont fait valoir, soit pour abandonner des griefs qui se seraient révélés infondés, soit pour aménager et compléter, tant en fait qu’en droit, son argumentation des griefs qu’elle maintient.

[...]

26. Si la communication des griefs reflète les propositions de transaction des entreprises en cause, ces dernières doivent y répondre dans le délai [...] fixé par la Commission, [...] en confirmant simplement (en termes non équivoques) que la communication des griefs correspond à la teneur de leurs propositions de transaction et que, dès lors, leur engagement de suivre la procédure de transaction n’est pas remis en cause. [...] »

12 La partie 2.5 de la communication sur la transaction, intitulée « Décision de la Commission et récompense au titre de la transaction », énonce, à ses points 28, 30, 32 et 33 :

« 28. Une fois que les parties ont confirmé, en réponse à la communication des griefs, leur engagement de parvenir à une transaction, le règlement […] no 773/2004 permet à la Commission de procéder, sans autre acte de procédure, à l’adoption de la décision finale en vertu des articles 7 et/ ou 23 du règlement […] no 1/2003 [...] Il en découle notamment que les parties ne peuvent demander à être entendues ni à avoir accès au dossier une fois que leurs propositions de transaction ont été reflétées
par la communication des griefs [...]

[...]

30. Le montant final de l’amende dans un cas donné est déterminé dans la décision constatant une infraction en vertu de l’article 7 et infligeant une amende en vertu de l’article 23 du règlement […] no 1/2003.

[...]

32. Si la Commission décide de récompenser une partie pour une transaction conclue conformément à la présente communication, elle réduira de 10 % le montant de l’amende à infliger après application du plafond de 10 % visé dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement […] no 1/2003 [...]

33. Lorsque des entreprises ayant demandé à bénéficier de mesures de clémence sont parties prenantes à une affaire ayant abouti à une transaction, la réduction de l’amende qui leur est accordée au titre de la transaction s’ajoutera au montant de la récompense accordée au titre de la clémence. »

Les lignes directrices de 2006

13 Les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 ») déterminent la méthodologie que la Commission utilise pour la fixation de l’amende à imposer aux entreprises et aux associations d’entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence, celles-ci commettent une infraction aux dispositions des articles 101 ou 102 TFUE.

14 Conformément aux points 10 et 11 des lignes directrices de 2006 :

« 10. En premier lieu, la Commission déterminera un montant de base pour chaque entreprise ou association d’entreprises [...]

11. En second lieu, elle pourra ajuster ce montant de base, à la hausse ou à la baisse [...] »

15 Le point 27 des lignes directrices de 2006, qui s’inscrit dans la partie 2 de celles-ci, intitulée « Ajustements du montant de base », énonce :

« Dans la détermination de l’amende, la Commission peut prendre en compte des circonstances qui mènent à une augmentation ou à une réduction du montant de base [...] Elle le fera sur le fondement d’une appréciation globale tenant compte de l’ensemble des circonstances pertinentes. »

16 Le point 29 des lignes directrices de 2006, lequel ouvre la partie B de ces lignes directrices, intitulée « Circonstances atténuantes », prévoit :

« Le montant de base de l’amende peut être réduit lorsque la Commission constate l’existence de circonstances atténuantes, telles que :

[...]

— lorsque l’entreprise concernée coopère effectivement avec la Commission, en dehors du champ d’application de la communication sur la clémence et au-delà de ses obligations juridiques de coopérer ;

[...] »

La communication sur la clémence

17 En vertu des points 20 à 23 de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la « communication sur la clémence »), relevant de la partie B de cette communication, intitulée « Réduction du montant de l’amende » :

« 20. Les entreprises qui ne remplissent pas les conditions prévues au titre A peuvent toutefois bénéficier d’une réduction de l’amende qui à défaut leur aurait été infligée.

21. Afin de pouvoir prétendre à une telle réduction, une entreprise doit fournir à la Commission des éléments de preuve de l’infraction présumée qui apportent une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments de preuve déjà en possession de la Commission, et doit mettre fin à sa participation à l’activité illégale présumée au plus tard au moment où elle fournit ces éléments de preuve.

22. La notion de “valeur ajoutée” vise la mesure dans laquelle les éléments de preuve fournis renforcent, par leur nature même et/ou leur niveau de précision, la capacité de la Commission d’établir les faits en question. Lors de cette appréciation, la Commission estimera généralement que les éléments de preuve écrits datant de la période à laquelle les faits se rapportent ont une valeur qualitative plus élevée que les éléments de preuve établis ultérieurement. De même, les éléments de preuve se
rattachant directement aux faits en question seront le plus souvent considérés comme qualitativement plus importants que ceux qui n’ont qu’un lien indirect avec ces derniers.

23. Dans toute décision finale arrêtée au terme de la procédure administrative, la Commission déterminera :

a) si les éléments de preuve fournis par une entreprise ont représenté une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments déjà en possession de la Commission ;

b) le niveau de réduction dont l’entreprise bénéficiera, qui s’établira comme suit par rapport au montant de l’amende qu’à défaut la Commission aurait infligée :

— Première entreprise à remplir la condition énoncée au point 21 : réduction comprise entre 30 et 50 % ;

— Deuxième entreprise à remplir la condition énoncée au point 21 : réduction comprise entre 20 et 30 % ;

— Autres entreprises remplissant la condition énoncée au point 21 : réduction maximale de 20 %.

Pour définir le niveau de réduction à l’intérieur de ces fourchettes, la Commission prendra en compte la date à laquelle les éléments de preuve remplissant la condition énoncée au point 21 ont été communiqués et le degré de valeur ajoutée qu’ils ont représenté. Elle pourra également prendre en compte l’étendue et la continuité de la coopération dont l’entreprise a fait preuve à partir de la date de sa contribution.

En outre, si une entreprise fournit des éléments de preuve de faits précédemment ignorés de la Commission qui ont une incidence directe sur la gravité ou la durée de l’entente présumée, la Commission ne tiendra pas compte de ces faits pour fixer le montant de l’amende infligée à l’entreprise qui les a fournis. »

Les antécédents du litige

18 Les antécédents du litige et la décision litigieuse, tels qu’ils ressortent des points 1 à 28 de l’arrêt attaqué, peuvent se résumer comme suit.

19 Timab, filiale du groupe Roullier dont CFPR est la société de portefeuille, produit et commercialise des produits chimiques, à savoir des phosphates pour l’alimentation animale (ci-après les « PAA »).

20 Le groupe Kemira était le premier à informer la Commission d’une entente secrète dans les PAA, au moyen d’une demande d’immunité d’amende au titre de la communication sur la clémence, en date du 28 novembre 2003. Cette demande portait sur la période comprise entre les années 1989 et 2003.

21 L’information fournie par le groupe Kemira a permis à la Commission de procéder, les 10 et 11 février 2004, en France et en Belgique, à des inspections dans les locaux d’un certain nombre d’entreprises actives dans le secteur des PAA, notamment dans ceux de Timab.

22 Trois autres entreprises ont ensuite présenté des demandes visant à bénéficier d’une immunité d’amendes au titre de la communication sur la clémence.

23 Ainsi, le 18 février 2004, Tessenderlo Chemie NV a présenté une telle demande couvrant, cette fois-ci, toute la période de l’infraction, à savoir la période allant de l’année 1969 à l’année 2004.

24 Le 27 mars 2007, Quimitécnica.com-Comércia e Indústria Química SA et sa société mère José de Mello SGPS SA ont, à leur tour, introduit une demande au titre de la communication sur la clémence.

25 Le 14 octobre 2008, les requérantes ont elles aussi déposé une demande tendant à bénéficier de la clémence, complétée le 28 octobre 2009.

26 Par lettres du 19 février 2009, la Commission a informé les parties à l’entente, parmi lesquelles Timab, de l’ouverture d’une procédure en vue de l’adoption d’une décision en application du chapitre III du règlement no 1/2003 et a fixé un délai de deux semaines pour leur permettre de lui faire savoir, par écrit, si elles étaient disposées à prendre part à des discussions en vue de parvenir à une transaction au sens de l’article 10 bis du règlement no 773/2004.

27 Après plusieurs réunions bilatérales entre la Commission et les entreprises concernées, notamment Timab, au cours desquelles la substance des griefs ainsi que les preuves qui les sous-tendent ont été présentées, la Commission a fixé la fourchette des amendes probables. Cette estimation, à savoir une fourchette d’amendes allant de 41 à 44 millions d’euros pour la participation de Timab à une infraction unique et continue du 31 décembre 1978 au 10 février 2004, a été communiquée à cette dernière,
le 16 septembre 2009.

28 Par la suite, la Commission a imparti aux sociétés concernées, y compris Timab, un délai pour présenter des propositions formelles de transaction, conformément à l’article 10 bis, paragraphe 2, du règlement no 772/2004. Toutes les parties à l’entente ont présenté des propositions de transaction dans le délai qui leur avait été imparti, à l’exception des requérantes, qui ont décidé de se retirer de la procédure de transaction.

29 Le 23 novembre 2009, la Commission a adopté un ensemble de six communications des griefs adressées d’une part aux requérantes, et, d’autre part, à chacune des parties à l’entente acceptant la transaction.

30 Après avoir eu accès au dossier et répondu à la communication des griefs, le 2 février 2010, les requérantes ont participé à une audition, qui s’est tenue le 24 février 2010.

31 Le 20 juillet 2010, la Commission a adopté la décision litigieuse, dans laquelle elle constatait l’existence d’une infraction unique et continue aux articles 101 TFUE et 53 de l’accord EEE dans le secteur des PPA. Selon la Commission, cette infraction unique et continue s’est déroulée du 16 septembre 1993 au 10 février 2004 et consistait en un partage d’une grande partie du marché européen des PPA par l’attribution de quotas de vente et de clients aux parties à l’entente et en une coordination
des prix ainsi que, dès lors que cela était nécessaire, des conditions de vente.

32 Il résulte, en substance, de la décision litigieuse que l’accord original, passé par écrit au cours de l’année 1969 entre les cinq principaux producteurs de PPA, à l’époque, aurait visé à résoudre une situation de surcapacité sur le marché européen. Les arrangements constitutifs de l’entente auraient été baptisés « CEPA » (Centre d’étude des phosphates alimentaires). Afin de garantir le fonctionnement et la permanence de l’entente, cet accord aurait donné lieu à des accords spécifiques
complémentaires et à d’autres sous-arrangements régionaux. La participation des producteurs français au CEPA aurait été confirmée à compter de l’année 1970. Après une réorganisation, par les participants à l’entente, en trois sous-arrangements, lesdits participants auraient envisagé, au début des années 90, un retour à une structure unique, le « Super CEPA », englobant, d’une part, les cinq États d’Europe centrale, à savoir la Belgique, l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Autriche, ainsi que la Suisse,
et, d’autre part, le Danemark, l’Irlande, la Hongrie, la Pologne, la Finlande, la Suède, le Royaume-Uni ainsi que la Norvège. Les discussions se seraient tenues à deux niveaux : celui des « réunions centrales » ou des réunions « au niveau européen », lors desquelles des décisions de politique générale auraient été arrêtées, et celui des «réunions d’experts», lors desquelles des discussions plus approfondies auraient été engagées, au niveau national ou régional, par les parties à l’entente actives
dans un pays ou une région spécifique.

33 S’agissant, plus particulièrement, de la participation des requérantes, il ressort de la décision litigieuse que Timab a été intégrée dans le cadre régional « Super CEPA », en plus de sa participation au volet français de l’entente, au moment où elle a commencé à exporter de France de grandes quantités de PPA. C’est au mois de septembre 1993 que Timab aurait commencé à participer aux arrangements de ce « Super CEPA ». En outre, parallèlement aux réunions du Super CEPA, elle aurait participé aux
réunions concernant la France et à celles concernant l’Espagne.

34 Ainsi, après avoir constaté, à l’article 1er de la décision litigieuse, l’infraction, commise par les requérantes, aux articles 101 TFUE et 53 de l’accord EEE dans le secteur des PPA, la Commission, aux termes de l’article 2 de cette décision, a infligé solidairement à Timab et à CFPR une amende de 59850000 euros. Aux fins du calcul de cette amende, la Commission s’est fondée sur les lignes directrices de 2006.

35 Le 20 juillet 2010, la Commission a également adopté la décision C (2010) 5004 final, portant sur la même affaire, dont les destinataires étaient les parties ayant accepté de participer à la procédure de transaction et ayant présenté une proposition de transaction.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

36 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 1er octobre 2010, Timab et CFPR ont introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse et, à titre subsidiaire, à l’annulation de l’article 1er de la décision litigieuse en ce que la Commission a affirmé qu’elles avaient pris part aux pratiques liées aux conditions de vente et à un système de compensation. En tout état de cause, les requérantes ont demandé la réformation de l’article 2 de la décision litigieuse et une réduction
substantielle du montant de l’amende qui leur avait été infligée solidairement.

37 Les requérantes ont soulevé plusieurs moyens au soutien de leurs conclusions tendant à l’annulation de la décision litigieuse, lesquels peuvent être répartis en trois groupes. Le premier groupe de ces moyens portait sur la procédure de transaction. Les requérantes reprochaient, en substance, à la Commission d’avoir appliqué à une entreprise, qui s’était retirée de la procédure de transaction, une amende plus élevée que le maximum de la fourchette envisagée lors des discussions aux fins de ladite
transaction.

38 Le deuxième groupe desdits moyens portait sur certaines pratiques constituant des éléments du cartel en cause, à savoir le mécanisme de compensation et les conditions de vente. Dans le cadre de ce deuxième groupe de moyens, les requérantes considéraient, en substance, que la Commission avait, à tort, imputé toutes les pratiques alléguées à l’ensemble des entreprises sans distinguer les différentes périodes de l’infraction et les différents comportements. Ainsi, la Commission aurait privé les
requérantes du droit de faire utilement valoir leurs observations sur les griefs non fondés de participation à certaines de ces pratiques, à savoir le mécanisme de compensation et la fixation concertée des conditions de vente.

39 Le troisième groupe de moyens concernait plusieurs aspects du calcul du montant de l’amende. Dans le cadre de ce troisième groupe de moyens, les requérantes critiquaient, en substance, différents aspects du montant de l’amende ou les règles appliquées à celui-ci, en alléguant une violation de l’article 23 du règlement no 1/2003, une erreur manifeste d’appréciation de la gravité des pratiques reprochées, une erreur manifeste d’appréciation des circonstances atténuantes, une diminution
disproportionnée de la réduction au titre de la clémence et une erreur manifeste d’appréciation de la capacité contributive. En outre, les requérantes soutenaient que la Commission avait violé les principes d’égalité de traitement, d’individualité des peines et de proportionnalité.

40 Au soutien de leurs conclusions tendant, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l’amende, les requérantes ont invoqué principalement deux arguments. Par le premier de ces arguments, elles sollicitaient, en substance, une réduction du « taux de gravité ». Par le second, elles demandaient que soit accordée, outre une réduction pour leur coopération au titre de la communication sur la clémence, une réduction d’amende complémentaire pour leur coopération en dehors du cadre de cette
communication, compte tenu de l’absence de contestation des faits à partir du 16 septembre 1993.

41 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours dans son intégralité.

Les conclusions des parties devant la Cour

42 Timab et CFPR demandent à la Cour :

— d’annuler l’arrêt attaqué ;

— de renvoyer l’affaire devant le Tribunal afin de réduire de manière appropriée le montant de l’amende ;

— à titre incident, de constater que le Tribunal a violé le droit à un procès équitable en raison de la durée déraisonnable de la procédure juridictionnelle, et

— de condamner la Commission aux dépens.

43 La Commission demande à la Cour :

— de rejeter le pourvoi, et

— de condamner les requérantes aux dépens.

Sur la demande tendant à la réouverture de la phase orale de la procédure

44 À la suite de la présentation des conclusions de M. l’avocat général, les requérantes ont, par lettre parvenue à la Cour le 1er septembre 2016, demandé que soit ordonnée, conformément à l’article 83 du règlement de procédure de la Cour, la réouverture de la phase orale de la procédure.

45 Au soutien de cette demande, les requérantes font valoir, en substance, que la Cour est insuffisamment éclairée, en premier lieu, sur les circonstances dans lesquelles elles se sont retirées de la procédure de transaction et donc l’articulation entre cette procédure et la procédure administrative ordinaire et, en second lieu, sur la portée de certains moyens du pourvoi. Dans ce contexte, les requérantes estiment, notamment, que, à la différence de ce qu’a constaté M. l’avocat général aux
points 51 et 52 de ses conclusions, elles n’ont nullement été inspirées d’une quelconque intention de détourner à leur profit la procédure de transaction et que, contrairement à ce qu’a soutenu M. l’avocat général dans lesdites conclusions, les moyens du pourvoi intègrent bien une dénaturation des faits et des preuves.

46 En outre, elles considèrent que certains arguments juridiques relatifs au calcul de l’amende et, notamment, la question afférente aux réductions pour coopération n’ont pas été débattus.

47 À cet égard, il convient de rappeler que la Cour peut, à tout moment, l’avocat général entendu, ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure, conformément à l’article 83 de son règlement de procédure, notamment si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée ou encore lorsque l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu entre les parties ou les intéressés visés à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne (arrêt du
9 juillet 2015, InnoLux/Commission, C‑231/14 P, EU:C:2015:451, point 29 et jurisprudence citée).

48 En l’occurrence, la Cour considère, l’avocat général entendu, qu’elle est suffisamment éclairée pour statuer et que la présente affaire ne nécessite pas d’être tranchée sur la base d’arguments qui n’auraient pas été débattus entre les parties.

49 Par conséquent, il convient de rejeter la demande de réouverture de la phase orale de la procédure.

Sur le pourvoi

Sur le premier moyen, tiré d’une méconnaissance des règles en matière de charge de la preuve et d’une violation des droits de la défense

Argumentation des parties

50 Par leur premier moyen, les requérantes reprochent au Tribunal une méconnaissance de la charge de la preuve et une violation des droits de la défense, dans la mesure où il a considéré, aux points 114 et 117 de l’arrêt attaqué, qu’il leur appartenait de prouver, au cours de la procédure de transaction, leur non-participation à l’entente avant l’année 1993.

51 En faisant valoir, au point 114 de l’arrêt attaqué, que « la Commission a légitimement pu croire que les requérantes étaient impliquées dans l’infraction unique et continue dès 1978 », alors que cette notion serait une qualification juridique que les requérantes n’avaient pas à établir, ni à infirmer, dans le cadre de la procédure de transaction, le Tribunal n’aurait pas vérifié le standard de preuve requis.

52 À cet égard, elles constatent que le standard de preuve pesant sur la Commission ne peut être différent selon que l’on se trouve dans le cadre de la procédure de transaction ou de la procédure ordinaire. Or, dans la mesure où il valide le raisonnement de la Commission reposant sur un standard de preuve inférieur à celui qui est exigé, l’arrêt attaqué devrait être annulé.

53 Selon la Commission, ce premier moyen devrait être rejeté, à titre principal, comme étant inopérant ou, à titre subsidiaire, comme étant irrecevable et, en tout état de cause, comme étant non fondé.

54 Ce moyen serait, tout d’abord, inopérant, étant donné que la décision litigieuse, dont la légalité a été confirmée par le Tribunal, a été prise dans le cadre de la procédure ordinaire, après le retrait de Timab de la transaction. Or, ce premier moyen porte sur la période allant de l’année 1978 à l’année 1993, non retenue à l’encontre de Timab. Ainsi, même si ce moyen était fondé, il n’aurait aucune incidence sur l’issue du litige, qui concerne l’amende infligée à Timab par la Commission à l’issue
d’une procédure administrative ordinaire pour la période allant de l’année 1993 à l’année 2004.

55 Ensuite, la Commission constate que le Tribunal n’a, à aucun moment, considéré qu’il appartenait aux requérantes de prouver leur non-participation à l’entente entre les années 1978 et 1993 et que, en tout état de cause, les constatations formulées par ce Tribunal aux points 114 et 117 de l’arrêt attaqué constituent une appréciation souveraine des faits, qui échappent au contrôle de la Cour.

56 Enfin, la Commission relève qu’il n’est pas contesté que la charge de la preuve lui incombe tant dans la procédure ordinaire que dans la procédure de transaction. Selon la Commission, dès lors que les requérantes n’émettent aucune critique à l’encontre d’une première appréciation portée par la Commission eu égard aux éléments dont elle dispose, cette institution serait fondée à conclure que son analyse est acceptée, a fortiori lorsque ces éléments émanent des propres déclarations des entreprises
dans leur demande de clémence et de leurs réponses aux demandes de renseignements. C’est en application de ces principes de base que le Tribunal a considéré que la Commission pouvait légitimement penser que Timab avait participé à l’infraction unique et continue depuis l’année 1978.

57 Dans ce contexte, la Commission ajoute que le Tribunal a aussi rappelé que, à la suite des arguments développés par les requérantes dans leur réponse à la communication des griefs, elle avait procédé à une nouvelle évaluation des éléments en sa possession et était arrivée à la conclusion que ces éléments ne permettaient pas de prouver la participation des requérantes à l’entente avant l’année 1993. Partant, ce serait à bon droit que le Tribunal a constaté que la Commission avait respecté les
règles applicables en matière de standard de preuve en prenant en compte, à chaque étape de la procédure, tous les éléments dont elle disposait.

Appréciation de la Cour

58 Il convient de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, la méconnaissance alléguée des règles applicables en matière de preuve constitue une question de droit qui est recevable au stade du pourvoi (voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 44 et jurisprudence citée, ainsi que du 30 mai 2013, Quinn Barlo e.a./Commission, C‑70/12 P, non publié, EU:C:2013:351, point 25 et jurisprudence citée).

59 Ainsi, il incombe à la Cour de vérifier si, lors de l’appréciation que le Tribunal a faite des éléments de preuve qui lui ont été soumis, ce dernier a commis une erreur de droit en violant les principes généraux de droit, tels que la présomption d’innocence, et les règles applicables en matière de preuve, telles que celles relatives à la charge de la preuve (voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C‑199/92 P, EU:C:1999:358, point 65 et jurisprudence citée, ainsi que du 30 mai
2013, Quinn Barlo e.a./Commission, C‑70/12 P, non publié, EU:C:2013:351, point 36 et jurisprudence citée).

60 En conséquence, contrairement à ce que soutient la Commission, le présent moyen est recevable.

61 Sur le fond, il convient de rappeler, ainsi qu’il ressort, notamment, du point 48 de l’arrêt attaqué, que, dans la requête déposée devant le Tribunal, les requérantes ont invoqué une erreur de droit et d’appréciation manifeste des faits de la part de la Commission dans la mesure où celle-ci a initialement considéré qu’elles avaient participé à une infraction unique et continue à partir de l’année 1978. Selon les requérantes, au regard des documents à sa disposition, la Commission aurait dû
conclure à l’absence de leur participation à l’entente globale avant l’année 1993. Cette erreur de qualification résulterait d’une analyse insuffisante du dossier et témoignerait ainsi d’une méconnaissance, par la Commission, de son devoir d’examiner avec soin et impartialité les cas qui lui sont soumis.

62 En réponse à ce grief, le Tribunal a analysé, aux points 108 à 118 de l’arrêt attaqué, la question de savoir si la Commission avait initialement examiné à suffisance le dossier des requérantes au regard de l’infraction reprochée ou si elle avait mal interprété les informations communiquées par elles.

63 À cet égard, après avoir examiné, aux points 109 à 112 de l’arrêt attaqué, la demande des requérantes tendant à bénéficier de la communication sur la clémence et leurs réponses aux demandes de renseignements, puis, constaté, au point 113 de l’arrêt attaqué, qu’il est constant que, dans leur réponse à la communication des griefs, les requérantes avaient indiqué que Timab n’avait pas participé à une infraction unique et continue entre les années 1978 et 1993, le Tribunal a conclu, au point 114 de
l’arrêt attaqué, que, au regard des documents à sa dispositions, la « Commission a[vait] pu légitimement croire que les requérantes étaient impliquées dans l’infraction unique et continue dès 1978 ».

64 Même s’il était fondé de considérer que, en entérinant une simple croyance de la Commission, le Tribunal a fait peser sur les requérantes la charge, qui ne leur incombait pas, de prouver qu’elles n’avaient pas rejoint le cartel avant l’année 1993, ce premier moyen ne permettrait pas d’aboutir à l’annulation de l’arrêt attaqué, voire de la décision litigieuse.

65 En effet, ainsi qu’il est rappelé, en particulier, au point 1 de l’arrêt attaqué, les requérantes ont été sanctionnées pour avoir participé à une infraction unique et continue allant de l’année 1993 à l’année 2004. Or, le grief invoqué par les requérantes devant le Tribunal, tel que rappelé au point 61 du présent arrêt, visait à démontrer que la Commission aurait dû, au regard des éléments de preuve à sa disposition, conclure à l’absence de leur participation à l’entente avant l’année 1993.
Ainsi, ledit grief ne pouvait, en tout état de cause, avoir une quelconque influence sur le litige au principal étant donné qu’il porte sur une période pour laquelle les requérantes n’ont pas été sanctionnées. Partant, le Tribunal aurait dû écarter ce grief comme étant inopérant.

66 Il s’ensuit que la décision du Tribunal figurant au point 118 de l’arrêt attaqué et écartant le grief tiré du fait que la Commission aurait mal instruit le dossier apparaît fondée, aux termes du point 65 du présent arrêt, pour d’autres motifs de droit. Dès lors, il y a lieu de procéder à une substitution de ces motifs.

67 Par conséquent, le premier moyen ne saurait prospérer.

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du droit de ne pas s’auto-incriminer et des droits de la défense ainsi que d’une méconnaissance du pouvoir de pleine juridiction reconnu au Tribunal

Argumentation des parties

68 Le deuxième moyen, dirigé contre les points 94 et 190 de l’arrêt attaqué, se subdivise en trois branches.

69 Par la première branche du deuxième moyen, les requérantes estiment que le Tribunal a violé leur droits de la défense en ce qu’il a méconnu leur droit de ne pas s’auto-incriminer.

70 Au soutien de cette première branche, les requérantes relèvent, tout d’abord, que les informations communiquées, aussi bien dans le cadre de la procédure de transaction que dans celui de la demande de clémence, ne peuvent être qualifiées d’« aveux ». Elles constatent, ensuite, qu’il ne peut être mécaniquement déduit d’une demande de clémence une reconnaissance de participation à une infraction étant donné que son auteur peut toujours contester les faits et leur qualification par la Commission.
Enfin, selon les requérantes, la reconnaissance de la responsabilité dans une infraction dans le cadre d’une procédure de transaction n’intervient qu’à travers une proposition formelle de transaction, ce qu’elles n’ont pas voulu faire. Ainsi, le Tribunal, en assimilant de manière automatique à des « aveux » les déclarations formulées dans leur demande de clémence et dans le cadre de la procédure de transaction aurait violé leurs droits de la défense dans la mesure où il aurait méconnu leur droit
de ne pas s’auto-incriminer.

71 Par la deuxième branche du deuxième moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a méconnu son pouvoir de pleine juridiction en ne contrôlant pas l’obligation probatoire de la Commission en ce qui concerne la qualification d’« aveux », alors qu’une telle qualification ne ressortait à aucun moment des pièces dont disposait cette institution. Or, cette qualification aurait eu un impact considérable sur la détermination de la durée de leur participation à l’infraction et, par conséquent, sur
l’appréciation du montant de l’amende et des réductions correspondantes.

72 À cet égard, les requérantes allèguent, d’une part, qu’une analyse des éléments communiqués par elles à la Commission ainsi que des pièces versées au dossier par d’autres entreprises a permis de déterminer que leur participation à des réunions n’était que sporadique et que, d’autre part, l’existence de ces prétendus « aveux » était contredite par de très nombreux documents du dossier.

73 Par la troisième branche du deuxième moyen, les requérantes invoquent une violation des droits de la défense par le Tribunal.

74 Dans le cadre de cette troisième branche, les requérantes constatent que le Tribunal s’est fondé sur des notes internes de comptes rendus de trois réunions bilatérales ayant eu lieu au cours de l’année 2009 entre elles et la Commission. En particulier, le Tribunal se serait fondé sur la deuxième note interne suivant laquelle elles auraient fait des « aveux » sur leur participation supposée à l’infraction pour la période allant de l’année 1978 à l’année 1992. L’une de ces notes internes n’aurait
été communiquée qu’après la clôture de la procédure écrite et en violation du principe du contradictoire. Or, il serait de jurisprudence constante que l’absence de communication d’un document au cours de la procédure administrative constitue une violation des droits de la défense dès lors que la Commission s’est fondée sur ce document pour étayer son grief relatif à l’existence d’une infraction et que ce grief ne pourrait être prouvé que par référence audit document, ce qui serait le cas en
l’espèce. Selon les requérantes, même si la Commission pouvait se fonder sur ces notes internes, le Tribunal, dans la mesure où il n’a pas vérifié le respect du standard de preuve, aurait alors violé les droits de la défense.

75 Dans leur mémoire en réplique, les requérantes ajoutent que l’arrêt attaqué doit être censuré dès lors que le Tribunal, en violation de son pouvoir de pleine juridiction, s’est satisfait de la « croyance légitime » qu’a pu entretenir la Commission sur la culpabilité de Timab alors même que cette culpabilité ne reposait que sur des « aveux » prétendument non contestés.

76 La Commission, à titre liminaire et sur la base des arguments déjà invoqués dans le cadre du premier moyen, tels qu’énoncés au point 54 du présent arrêt, estime que le deuxième moyen est inopérant. À cet égard, elle souligne que les requérantes partent de la prémisse selon laquelle les « aveux » contestés ont « eu une influence déterminante sur le montant de l’amende ». Or, ce constat serait erroné dans la mesure où ces aveux portent sur une période antérieure à celle qui a été sanctionnée.

77 À titre subsidiaire, la Commission constate que le deuxième moyen doit être rejeté en ses trois branches comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé.

78 Concernant la première branche du deuxième moyen, la Commission affirme que les demandes de clémence concernent, par définition, les entreprises qui ont participé à une entente et qui le reconnaissent. Dès lors, et sauf changement de position de l’entreprise, qui demeure possible à tout instant, la Commission serait fondée à considérer qu’une demande de clémence implique, de la part de l’entreprise concernée, la reconnaissance de sa participation à l’infraction dénoncée, que cette reconnaissance
soit qualifiée d’« aveux » ou d’un autre vocable. Un tel constat ne constituerait pas une violation du droit à ne pas s’auto-incriminer, étant donné que les déclarations auto-incriminantes sont, en l’espèce, volontaires.

79 Dans ce contexte, la Commission considère que l’argument des requérantes, invoqué dans le cadre de cette première branche, procède d’une confusion entre la procédure de transaction et celle relative à une demande de clémence. En effet, les éléments sur lesquels elle s’est basée pour considérer que Timab avait participé à l’infraction avant l’année 1993 n’avaient pas pour fondement une prétendue reconnaissance au titre de la transaction, mais provenaient des déclarations faites dans le cadre de la
demande de clémence. Ainsi, c’est sur ce fondement que, en l’absence de contradiction, la Commission a mené les discussions aux fins d’une transaction. Partant, ce serait sans violer les droits de la défense que la Commission, au cours de la procédure de transaction, puis le Tribunal, au point 94 de l’arrêt attaqué, ont pu qualifier d’« aveux » les déclarations de Timab pour la période comprise entre les années 1978 et 1993, dans la mesure où ces déclarations n’avaient pas fait l’objet d’un autre
éclairage.

80 La Commission ajoute que, dès que Timab a changé de position, elle a tenu compte des nouveaux éléments apportés, de telle sorte que les « aveux » reçus au titre de la demande de clémence n’ont pas eu de valeur intangible. Ainsi, les droits de la défense auraient toujours été respectés et aucune violation du droit de ne pas s’auto-incriminer ne pourrait être retenue.

81 En ce qui concerne la deuxième branche du deuxième moyen, la Commission soutient, en substance, que les considérations émises par les requérantes pour étayer l’affirmation selon laquelle elle aurait dû conclure que Timab n’avait pas participé à l’entente de manière continue depuis l’année 1978 constituent des éléments de fait et ne relèvent donc pas de la compétence de la Cour. En outre, le Tribunal aurait, selon la Commission, parfaitement contrôlé la qualification d’« aveux » et en aurait tiré
toutes les conséquences.

82 S’agissant de la troisième branche du deuxième moyen, la Commission constate que l’argument invoqué par les requérantes concernant ses notes internes, qui auraient servi comme base pour la qualification d’« aveux », serait sans pertinence. En effet, en premier lieu, ces documents prétendument « non communiqués » n’ont pas servi de base à la décision dans la mesure où cette dernière ne retient précisément pas la période ayant fait l’objet des « aveux » en question. En second lieu, lesdits
« aveux » découleraient non pas des pourparlers propres à la transaction, mais des déclarations faites à l’appui de la demande de clémence, procédure qui implique nécessairement une reconnaissance de participation à l’infraction pour les faits en cause.

Appréciation de la Cour

83 Concernant la première branche du deuxième moyen, il convient de rappeler, comme le fait le Tribunal au point 120 de l’arrêt attaqué, que, selon une jurisprudence constante, la Commission est en droit d’obliger une entreprise à lui fournir tous les renseignements nécessaires portant sur les faits dont elle peut avoir connaissance, mais qu’elle ne saurait imposer à cette entreprise l’obligation d’apporter des réponses par lesquelles celle-ci serait amenée à admettre l’existence de l’infraction
dont il appartient à la Commission de rapporter la preuve (voir arrêt du 14 juillet 2005, ThyssenKrupp/Commission, C‑65/02 P et C‑73/02 P, EU:C:2005:454, point 49 et jurisprudence citée).

84 Toutefois, comme le rappelle également le Tribunal audit point 120 de l’arrêt attaqué, si la Commission ne peut contraindre une entreprise à avouer sa participation à une infraction, elle n’est pas pour autant empêchée de tenir compte, dans la fixation du montant de l’amende, de l’aide que cette entreprise, de son propre gré, lui a fournie afin d’établir l’existence de l’infraction (voir arrêt du 14 juillet 2005, ThyssenKrupp/Commission, C‑65/02 P et C‑73/02 P, EU:C:2005:454, point 50).

85 La Cour a déjà également eu l’occasion de préciser que la Commission peut tenir compte, aux fins de la fixation du montant d’une amende, de l’aide qui lui a été apportée par l’entreprise concernée pour constater l’existence de l’infraction avec moins de difficulté et, en particulier, de la circonstance qu’une entreprise a reconnu sa participation à l’infraction (voir arrêt du 14 juillet 2005, ThyssenKrupp/Commission, C‑65/02 P et C‑73/02 P, EU:C:2005:454, point 51 et jurisprudence citée).

86 Il en résulte que, pour être en présence d’une violation du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination, il est nécessaire que l’entreprise concernée ait été effectivement contrainte à fournir des informations ou des éléments susceptibles de prouver l’infraction (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 275).

87 En l’occurrence, il ressort des points 94 et 190 de l’arrêt attaqué que les déclarations faites par les requérantes, dans le cadre de la procédure de transaction, au titre de la communication de la clémence, revêtent un caractère purement volontaire de leur part. En outre, le Tribunal a relevé, au point 120 de l’arrêt attaqué, qu’il ne résulte aucunement du dossier déposé devant lui que la Commission a tenté d’influencer les choix des requérantes.

88 Partant, le Tribunal n’a pas méconnu les droits de la défense des requérantes. Par conséquent, il convient de rejeter la première branche du deuxième moyen comme étant non fondée.

89 S’agissant de la deuxième branche du deuxième moyen, il suffit de rappeler que, conformément à l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, et à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est, en conséquence, seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que les éléments de preuve qui lui sont soumis. L’appréciation de ces faits et de ces éléments de preuve ne constitue
donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (voir, notamment, ordonnance du 11 juin 2015,Faci/Commission, C‑291/14 P, non publiée, EU:C:2015:398, point 31 et jurisprudence citée, ainsi que, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, point 46 et jurisprudence citée). Une telle dénaturation doit apparaître de manière manifeste des pièces du
dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (voir, notamment, ordonnance du 11 juin 2015, Faci/Commission, C‑291/14 P, non publiée, EU:C:2015:398, point 32 et jurisprudence citée).

90 En l’espèce, sous couvert d’une prétendue méconnaissance du pouvoir de pleine juridiction reconnu au Tribunal, le pourvoi vise en réalité à ce que la Cour procède à un nouvel examen des éléments du dossier, communiqués à la Commission par les requérantes et les autres membres de l’entente au cours de la procédure administrative, sans relever une quelconque dénaturation de ces éléments. Partant, cette deuxième branche du deuxième moyen doit être rejetée comme étant irrecevable.

91 S’agissant de la troisième branche du deuxième moyen, les requérantes soutiennent, en substance, que, en accordant, au point 94 de l’arrêt attaqué, une valeur probante décisive aux notes internes des réunions bilatérales tenues dans la cadre de la procédure de transaction, notamment, à la deuxième de ces notes, aux termes de laquelle les requérantes auraient fait des aveux sur leur participation à l’infraction pour la période allant de l’année 1978 à l’année 1992, et en constatant, au point 114
dudit arrêt attaqué, que la Commission « pouvait légitimement croire que les requérantes étaient impliquées dans l’infraction unique et continue dès 1978 », sans vérifier le respect du standard de preuve, le Tribunal a violé leurs droits de la défense et méconnu son pouvoir de pleine juridiction.

92 Ainsi, par cette troisième branche du deuxième moyen, les requérantes invoquent, à l’instar de ce qu’elles ont fait dans le cadre du premier moyen, une méconnaissance des règles en matière de charge de la preuve et une violation des droits de la défense.

93 Or, même s’il était fondé de considérer que, en accordant une valeur décisive aux notes internes de comptes rendus des trois réunions bilatérales qui ont eu lieu dans le cadre de la procédure de transaction et en entérinant une simple croyance de la Commission relative à la participation des requérantes à l’infraction dès l’année 1978, le Tribunal n’a pas vérifié le standard de preuve requis et a ainsi méconnu les droits de la défense, cette troisième branche du deuxième moyen ne saurait
prospérer.

94 En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 65 du présent arrêt, les requérantes ont été sanctionnées pour avoir participé à une infraction unique et continue de l’année 1993 à l’année 2004. Or, le grief invoqué par elles devant le Tribunal, tel que rappelé au point 61 du présent arrêt, visait à démontrer que la Commission aurait dû, au regard des éléments de preuve à sa disposition, conclure à l’absence de participation de leur part à l’entente avant l’année 1993. Ainsi, ledit grief ne pouvait,
en tout état de cause, prospérer étant donné qu’il porte sur une période pour laquelle les requérantes n’ont pas été sanctionnées. Partant, le Tribunal aurait dû écarter ce grief comme étant inopérant.

95 Ainsi qu’il a été constaté au point 66 du présent arrêt, il s’ensuit que la décision du Tribunal, au point 118 de l’arrêt attaqué, d’écarter le grief tiré du fait que la Commission aurait mal instruit le dossier, apparaît comme étant fondée pour d’autres motifs de droit. Dès lors, il y a lieu de procéder à une substitution de ces motifs.

96 Par conséquent, il convient de rejeter cette troisième branche du troisième moyen comme étant non fondée.

Sur le troisième moyen ainsi que sur la seconde partie des première et seconde branches du quatrième moyen, tirés du fait que le Tribunal a méconnu son pouvoir de pleine juridiction et entaché son arrêt de contradiction de motifs

Sur la méconnaissance du pouvoir de pleine juridiction reconnu au Tribunal

– Argumentation des parties

97 Par le troisième moyen ainsi que par la seconde partie des première et seconde branches du quatrième moyen, qui visent principalement les points 78 ainsi que 90 à 96 de l’arrêt attaqué et qu’il convient d’examiner ensemble, les requérantes soutiennent, en substance, que, en confirmant la décision litigieuse et en n’opérant pas ainsi une vérification suffisante de tous les éléments de l’amende leur ayant été infligée par la décision litigieuse, le Tribunal a méconnu l’étendue de son pouvoir de
pleine juridiction et entaché, dans ce contexte, son arrêt de contradictions de motifs.

98 Dans le cadre du troisième moyen, les requérantes affirment, plus précisément, que le Tribunal n’a pas fait un exercice approprié de son pouvoir de pleine juridiction dans la mesure où il a considéré que de prétendus « éléments nouveaux » ayant permis à la Commission d’infliger une amende considérablement majorée pour une infraction d’une durée très significativement réduite étaient constitués par leur rétractation de leurs prétendus « aveux » après leur retrait de la procédure de transaction,
sans avoir vérifié la matérialité de ces « éléments nouveaux ». Selon les requérantes, aucun élément de fait nouveau n’a été versé au dossier après ledit retrait. Le seul élément nouveau, si tant est qu’il en existe un, serait constitué par un examen plus minutieux des faits par la Commission, lequel l’aurait conduite à reconnaître que les requérantes n’avaient pas participé à l’infraction en cause dès l’année 1978, alors qu’elle aurait dû arriver à ce constat dès la phase de transaction.

99 La Commission fait valoir, à titre principal, que ce moyen doit être rejeté comme étant inopérant au motif qu’il est fondé sur une comparaison sans pertinence entre la situation existant lors de la procédure de transaction et celle ayant présidé à l’adoption de la décision litigieuse, alors que, comme l’a correctement exposé le Tribunal, une fois la transaction abandonnée, la décision prise à l’issue de la procédure ordinaire aurait dû être appréciée uniquement au regard des mérites propres de
celle-ci. Elle ajoute que les requérantes déforment les dires du Tribunal dans l’exposé qu’elles font de l’arrêt attaqué. En effet, selon cette institution, l’élément nouveau, mentionné par le Tribunal au point 90 de l’arrêt attaqué, est non pas la nouvelle analyse de la situation à laquelle elle a procédé de sa propre initiative, mais l’éclairage différent apporté par Timab, pour la première fois en réponse à la communication des griefs, cette dernière ayant justement pour raison d’être de
donner la possibilité aux entreprises d’exposer leur point de vue afin d’assurer le respect du principe du contradictoire dans le cadre de la procédure ordinaire.

100 À titre subsidiaire, la Commission soulève l’irrecevabilité du moyen en question au motif que le Tribunal a contrôlé la légalité de la décision litigieuse en vérifiant tous les éléments pris en compte pour le calcul de l’amende, ce qui relève de sa compétence de pleine juridiction et d’une appréciation en faits qui ne saurait faire l’objet d’un pourvoi.

101 Dans le cadre de la seconde partie de la première branche du quatrième moyen, les requérantes font valoir que le Tribunal a également méconnu son pouvoir de pleine juridiction en s’étant abstenu d’infirmer des erreurs, des contradictions ou des incohérences qui auraient été présentes dans l’appréciation de l’infraction faite par la Commission. Elles reprochent au Tribunal d’avoir ainsi validé, à tort, la suppression presque intégrale des réductions d’amende accordées au titre du programme de
clémence ou de celles pouvant être accordées sur le fondement du point 29 des lignes directrices de 2006.

102 La Commission estime que les griefs invoqués par les requérantes doivent être rejetés, au motif que le Tribunal a exercé un contrôle approfondi du calcul de l’amende effectué par la Commission et, notamment, des réductions accordées au titre de leur coopération. En outre, les prétendues contradictions ou incohérences, soulevées dans ce contexte, ne seraient pas fondées.

103 Au soutien de la seconde partie de la deuxième branche du quatrième moyen, les requérantes affirment que la Commission aurait dû indiquer, dès la phase de transaction, ce qu’elle a qualifié d’« éléments nouveaux », à savoir l’impossibilité d’établir une infraction unique et continue à compter de l’année 1978. Ainsi, le Tribunal, en s’abstenant de tenir compte des erreurs commises par la Commission dans son appréciation de l’infraction au stade de la procédure de transaction, et en avalisant, par
conséquent, la suppression quasi intégrale des réductions d’amende, aurait méconnu son pouvoir de pleine juridiction.

– Appréciation de la Cour

104 Il résulte d’une jurisprudence constante que, en ce qui concerne le contrôle juridictionnel des décisions par lesquelles la Commission décide d’infliger une amende ou une astreinte pour violation des règles de concurrence, outre le contrôle de légalité prévu à l’article 263 TFUE, le juge de l’Union dispose d’une compétence de pleine juridiction qui lui est reconnue à l’article 31 du règlement no 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE, et qui l’habilite à substituer son appréciation à celle de
la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer l’amende ou l’astreinte infligée (voir, notamment, arrêt du 9 juin 2016, Repsol Lubricantes y Especialidades e.a./Commission, C‑617/13 P, EU:C:2016:416, point 84 ainsi que jurisprudence citée).

105 Il convient également de rappeler qu’il n’appartient pas à la Cour, lorsqu’elle se prononce sur des questions de droit dans le cadre d’un pourvoi, de substituer, pour des motifs d’équité, son appréciation à celle du Tribunal statuant, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, sur le montant des amendes infligées à des entreprises en raison de la violation, par celles-ci, du droit de l’Union (voir, notamment, arrêt du 9 juin 2016, Repsol Lubricantes y Especialidades e.a./Commission,
C‑617/13 P, EU:C:2016:416, point 81 ainsi que jurisprudence citée).

106 Ce n’est que dans la mesure où la Cour estimerait que le niveau de la sanction est non seulement inapproprié, mais également excessif, au point d’être disproportionné, qu’il y aurait lieu de constater une erreur de droit commise par le Tribunal, en raison du caractère inapproprié du montant d’une amende (arrêt du 9 juin 2016, Repsol Lubricantes y Especialidades e.a./Commission, C‑617/13 P, EU:C:2016:416, point 82 ainsi que jurisprudence citée).

107 En l’occurrence, ainsi que M. l’avocat général l’a rappelé au point 23 de ses conclusions, la question posée devant le Tribunal n’était pas tant de savoir s’il était justifié d’infliger une amende plus élevée pour une infraction d’une durée plus courte, comme l’invoquent en substance les requérantes, mais si la Commission avait correctement motivé le calcul de l’amende imposée par la décision litigieuse et avait bien pris en compte, à cette fin, tous les éléments qui étaient en sa possession
lorsqu’elle a rendu sa décision.

108 À cet égard, il convient de relever que, si le Tribunal, aux points 75 à 107 de l’arrêt attaqué, a, certes, veillé à répondre à tous les arguments par lesquels les requérantes avaient reproché à la Commission d’avoir appliqué à une entreprise qui s’était retirée de la procédure de transaction une amende plus élevée que le maximum de la fourchette envisagée lors des discussions aux fins de la transaction, et ce pour une durée d’infraction considérablement réduite, une telle analyse relève du
respect des principes de la bonne administration de la justice et de transparence. Partant, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir effectué un examen aussi exhaustif dans le cadre d’un litige qui, pour la première fois, l’amenait à statuer sur une situation dans laquelle une entreprise, après s’être engagée dans une procédure de transaction, s’en était finalement retirée.

109 Cela étant, dans la présente affaire, il importe de constater que le Tribunal a parfaitement exercé sa compétence de pleine juridiction en procédant à un contrôle approfondi à la fois de la légalité de la décision litigieuse et du caractère approprié du montant de l’amende retenu dans celle-ci.

110 Ainsi, comme M. l’avocat général l’a constaté au point 24 de ses conclusions, le Tribunal a dûment vérifié le bien-fondé de l’analyse effectuée par la Commission au regard de l’ensemble des circonstances qui étaient présentes lors de l’adoption de la décision litigieuse et, notamment, aux points 90 à 107 de l’arrêt attaqué, en considération de l’étendue de la coopération des requérantes après son retrait de la procédure de transaction, donc au cours de la procédure ordinaire.

111 Le Tribunal a également procédé, aux points 142 à 220 de l’arrêt attaqué, à la vérification systématique des éléments retenus par la Commission pour calculer le montant de l’amende infligée dans la décision litigieuse. En particulier, il a opéré un contrôle détaillé de la manière dont la Commission a tenu compte des facteurs permettant d’octroyer ou non des réductions de cette amende, au titre de la communication sur la clémence, aux points 170 à 195 de cet arrêt, ou, au titre de la coopération,
en application du point 29 des lignes directrices de 2006, aux points 95, 188 et 189 dudit arrêt.

112 En outre, ainsi que M. l’avocat général l’a également relevé au point 26 de ses conclusions, force est de constater que les requérantes n’ont pas démontré en quoi le montant de l’amende qui leur a été infligée serait excessif, au point d’être disproportionné, au sens de la jurisprudence visée aux points 105 et 106 du présent arrêt.

113 Il résulte des éléments qui précèdent que le Tribunal n’a pas méconnu l’étendue de son pouvoir de pleine juridiction. Partant, le troisième moyen, la seconde partie des première et seconde branches du quatrième moyen, en ce qu’ils visent la méconnaissance du pouvoir de pleine juridiction reconnu au Tribunal, doivent être rejetés comme étant non fondés.

Sur les contradictions de motifs invoquées par les requérantes

– Argumentation des parties

114 Dans le cadre tant du troisième moyen que de la seconde partie de la première branche du quatrième moyen, les requérantes soutiennent, en substance, que le Tribunal a entaché son arrêt de diverses contradictions de motifs, qui emporteraient une violation de leurs droits fondamentaux, à savoir celui de pouvoir librement discuter avec la Commission dans le cadre de la procédure de transaction et de quitter tout aussi librement cette procédure, ainsi que celui de se défendre dans le cadre d’une
procédure ordinaire sans être liées par une « position » prétendument adoptée antérieurement.

115 En premier lieu, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir considéré que leur retrait de la procédure de transaction conduisait à une situation de « tabula rasa » en rupture avec le passé et, dans le même temps, d’avoir néanmoins estimé qu’elles avaient « changé de position » dans le cadre de la réponse qu’elles avaient donnée à la communication des griefs durant la procédure ordinaire. Ainsi, le Tribunal n’aurait pas dû accepter l’argument de la Commission selon lequel un « élément
nouveau » serait apparu au stade de ladite réponse et aurait justifié une révision du montant de l’amende.

116 En deuxième lieu, les requérantes soutiennent que l’arrêt attaqué est entaché de contradiction de motifs dans la mesure où le Tribunal a considéré, au point 96 de l’arrêt attaqué, d’une part, que la Commission n’était pas liée par la fourchette d’amendes communiquée lors des discussions tenues dans le cadre de la procédure de transaction, laquelle serait donc devenue sans pertinence après leur retrait de ladite procédure, alors que, d’autre part, il a évoqué, au point 91 de l’arrêt attaqué, un
simple « réajustement du mode de calcul de l’amende » sur la base de cette même fourchette.

117 Enfin, le Tribunal ne pouvait, d’un côté, confirmer que, en vertu de la communication sur la transaction, la Commission ne négocie pas la question de l’existence de l’infraction et, d’un autre côté, accorder aux discussions informelles la valeur de négociations caractérisées par un prétendu acquiescement des requérantes sur leur participation à l’infraction avant l’année 1993.

118 Selon la Commission, les contradictions de motifs résulteraient, notamment, d’une déformation des propos du Tribunal ou encore d’une lecture erronée des pièces produites lors de la procédure devant ce dernier et ne sauraient, par conséquent, être accueillies.

– Appréciation de la Cour

119 En ce qui concerne les deux premières prétendues contradictions de motifs, qui visent, en substance, l’articulation entre la procédure de transaction et la procédure ordinaire dans la situation particulière du cas d’espèce, dans laquelle les requérantes ont décidé d’interrompre les discussions en vue de la transaction, force est de constater que c’est à bon droit que le Tribunal a dissocié, aux points 90 à 96 ainsi qu’aux points 104 et 105 de l’arrêt attaqué, le déroulement de cette procédure de
transaction, qui, en l’espèce n’est pas arrivée à son terme, et celui de la procédure ordinaire, qui a abouti à la décision litigieuse.

120 À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes du point 19 de la communication sur la transaction, si les entreprises concernées ne présentent pas de proposition de transaction, la procédure conduisant à la décision finale dans leur cas respectera les dispositions générales, et notamment l’article 10, paragraphe 2, l’article 12, paragraphe 1, et l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 773/2004, au lieu de celles qui régissent la procédure de transaction.

121 En outre, comme M. l’avocat général l’a relevé au point 25 de ses conclusions, c’est précisément en raison de ce changement de situation procédurale que les requérantes ont pu avoir un plein accès au dossier, recevoir une communication complète des griefs, répondre à celle-ci et bénéficier d’une audition, phase de réponse durant laquelle elles ont pour la première fois formellement contesté leur participation à l’infraction reprochée pour la période antérieure à l’année 1993. Partant, les
requérantes n’ont donc nullement été juridiquement lésées par cette approche consistant à tenir compte des éléments, qualifiés de « nouveaux », qui existaient alors.

122 Concernant, plus précisément, la deuxième prétendue contradiction de motifs invoquée par les requérantes, selon laquelle le Tribunal aurait considéré que la Commission n’était pas liée par la fourchette d’amendes communiquée lors des discussions ayant eu lieu dans le cadre de la procédure de transaction alors qu’il aurait également évoqué un simple « réajustement du mode de calcul de l’amende » à partir de cette même fourchette, les requérantes font une présentation déformée des déclarations du
Tribunal, en isolant, à tort, de son contexte l’expression « réajustement du mode de calcul de l’amende », figurant au point 91 de l’arrêt attaqué.

123 En effet, comme M. l’avocat général l’a relevé au point 37 de ses conclusions, une lecture globale du point 91 de l’arrêt attaqué et des points de cet arrêt l’entourant révèle que le Tribunal a retenu que, ayant pris en compte le changement de position des requérantes concernant la durée de leur participation à l’infraction, la Commission a procédé à un « réexamen » du montant de l’amende fixé sur la base des règles contenues dans la communication sur la clémence et dans les lignes directrices
de 2006, tout en suivant ainsi la même méthodologie que celle utilisée pour la fourchette d’amendes indiquée auxdites requérantes.

124 Au regard des éléments qui précèdent, les deux premiers arguments relatifs à des contradictions de motifs doivent être rejetés comme étant non fondés.

125 Quant à la troisième prétendue contradiction de motifs invoquée par les requérantes, selon laquelle le Tribunal ne pouvait, d’un côté, confirmer que, en vertu de la communication sur la transaction, la Commission ne négocie pas la question de l’existence de l’infraction et, d’un autre côté, accorder aux discussions informelles la valeur de négociations caractérisées par leur prétendu acquiescement concernant leur participation à l’infraction avant l’année 1993, il convient de rappeler que,
conformément à l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, les moyens et les arguments de droit invoqués doivent identifier avec précision les points de motifs de la décision du Tribunal qui sont contestés.

126 Or, cette dernière prétendue contradiction de motifs, invoquée par les requérantes pour la première fois dans la réplique et rattachée, par ces dernières, au troisième moyen du pourvoi, ne vise pas les points de motifs de l’arrêt attaqué. Partant, cet argument est irrecevable.

127 Il résulte de ce qui précède que le troisième moyen et la seconde partie de la première branche du quatrième moyen, tirés du fait que l’arrêt attaqué serait entaché de contradictions de motifs, doivent être rejetés comme étant pour partie irrecevables et pour partie non fondés.

Sur la première partie des première et seconde branches du quatrième moyen, tirée du fait que le Tribunal a violé les principes de confiance légitime et d’égalité de traitement et commis une erreur de droit dans son appréciation de l’effet du retrait de la procédure de transaction

Sur la première partie de la première branche du quatrième moyen, tirée du fait que le Tribunal a violé les principes de confiance légitime et d’égalité de traitement

– Argumentation des parties

128 Concernant, en premier lieu, l’argument tiré d’une violation du principe de confiance légitime, les requérantes relèvent que, contrairement à ce que soutient le Tribunal, elles ne pouvaient raisonnablement anticiper le fait que, en décidant de se retirer de la procédure de transaction, les réductions pour coopération qui leur seraient accordées passeraient de 52 %, dans le cadre de la procédure de transaction, à 5 % dans la décision litigieuse. Selon elles, la Commission a opéré un
« revirement » ayant eu pour effet « paradoxal » d’augmenter le montant de l’amende de manière considérable alors que, dans le même temps, la durée de l’infraction avait été réduite de manière significative.

129 Les requérantes affirment qu’une telle décision n’était pas justifiée dès lors que, premièrement, un même standard de preuve et les mêmes règles de calcul de l’amende s’appliquaient tant dans la procédure ordinaire que dans la procédure de transaction, deuxièmement, aucun élément nouveau n’a été versé au dossier à la suite de leur retrait de la procédure de transaction, et, troisièmement, les effets de la procédure de clémence perduraient en dépit de ce retrait. Ainsi, dans ces circonstances,
elles n’auraient pas été en mesure de décider « en connaissance de cause » de transiger ou non.

130 La Commission soutient que les allégations des requérantes sont inopérantes étant donné qu’elles se fondent sur une comparaison entre les indications qu’elles ont données lors de la procédure de transaction et la décision prise à l’issue de la procédure ordinaire. Ainsi, selon cette institution, les requérantes tenteraient d’entretenir une confusion entre leur retrait de la procédure de transaction et la défense qu’elles ont développée en réponse à la communication des griefs.

131 À cet égard, la Commission affirme que le fait générateur du nouveau montant de l’amende ayant été adopté dans la décision litigieuse résiderait non pas dans la décision des requérantes de se retirer de la procédure de transaction, mais uniquement dans la défense que celles-ci ont développée lors de leur réponse à cette communication des griefs, défense ayant désormais consisté à nier leur participation à l’entente avant l’année 1993. En outre, selon la Commission, la réévaluation de cette
amende aurait pu être anticipée par les requérantes, étant donné que le montant infligé résultait d’une application stricte des règles de calcul pertinentes au regard des éléments qui existaient à la date à laquelle ladite décision a été prise. Si les intéressées ont mal évalué les conséquences de leurs prises de position, elles ne pourraient en imputer l’erreur qu’à elles-mêmes, et non à un quelconque défaut d’information.

132 Les requérantes estiment, en second lieu, que le Tribunal a méconnu le principe d’égalité de traitement. En effet, n’ayant pu se retirer en connaissance de cause de la procédure de transaction et ayant été confrontées à un résultat pour le moins « paradoxal », elles auraient été traitées moins favorablement que les autres parties qui, en mesure d’anticiper le montant de l’amende qui leur serait infligée, ont accepté de s’engager dans une proposition de transaction.

133 La Commission considère qu’il résulte des indications fournies dans la décision litigieuse, résumées aux points 17 à 26 de l’arrêt attaqué, qu’aucune discrimination n’a été opérée entre les requérantes et les autres parties à l’entente, dès lors que les mêmes critères ont été appliqués pour la fixation de toutes les amendes et que la seule différence réside dans l’abattement de 10 % accordé aux entreprises ayant transigé.

– Appréciation de la Cour

134 Concernant, en premier lieu, l’argument selon lequel le Tribunal aurait méconnu le principe de protection de la confiance légitime, il convient de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence bien établie, le principe de protection de la confiance légitime s’inscrit parmi les principes fondamentaux de l’Union et que la possibilité de s’en prévaloir est ouverte à tout opérateur économique chez lequel une institution, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître des espérances fondées
(arrêt du 24 octobre 2013, Kone e.a./Commission, C‑510/11 P, non publié, EU:C:2013:696, point 76 ainsi que jurisprudence citée).

135 En outre, la Cour a déjà eu l’occasion de préciser que la Commission ne peut fournir aucune assurance précise quant au bénéfice d’une quelconque réduction ou immunité d’amende dans la phase de la procédure antérieure à l’adoption de la décision finale et que les parties à l’entente ne peuvent donc pas nourrir une confiance légitime à cet égard (voir arrêt du 24 octobre 2013, Kone e.a./Commission, C‑510/11 P, non publié, EU:C:2013:696, point 78 ainsi que jurisprudence citée).

136 Il convient également de rappeler, premièrement, ainsi qu’il résulte du point 73 de l’arrêt attaqué, que la procédure de transaction est une procédure administrative alternative à la procédure ordinaire, distincte de celle-ci et présentant certaines particularités, telles que, notamment, une communication d’une fourchette d’amendes probables. Deuxièmement, comme le souligne le Tribunal au point 104 de l’arrêt attaqué, si l’entreprise ne présente pas de proposition de transaction, la procédure
conduisant à la décision finale est régie par des dispositions générales du règlement no 773/2004, au lieu de celles régissant la procédure de transaction. Troisièmement, ainsi que le constate le Tribunal au point 96 de l’arrêt attaqué, en ce qui concerne cette procédure ordinaire, dans le cadre de laquelle les responsabilités doivent encore être établies, la Commission est uniquement liée par la communication des griefs, qui ne fixe pas de fourchette d’amendes, et est tenue de prendre en
considération les éléments nouveaux portés à sa connaissance lors de cette même procédure.

137 En l’occurrence, comme l’a fait valoir le Tribunal, notamment aux points 90 et 124 de l’arrêt attaqué, les requérantes se sont retirées de la procédure de transaction et c’est seulement après ce retrait qu’elles ont fait valoir, dans le cadre de la procédure ordinaire, des éléments tendant à la réduction de la durée de leur participation à l’infraction reprochée.

138 Partant, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 48 de ses conclusions, les requérantes ne pouvaient se prévaloir d’aucune confiance légitime dans le maintien des estimations qui lui avaient été transmises par la Commission au cours de la procédure de transaction, sous la forme de fourchettes d’amendes probables ayant été fixées en fonction des éléments pris en considération à ce stade de la procédure, à savoir pour une période de participation à l’infraction allant de l’année 1978 à
l’année 2004.

139 En outre, force est de constater que, lorsque les requérantes se sont retirées de la procédure de transaction, elles disposaient de tous les éléments leur permettant de prévoir qu’une contestation de leur participation à l’entente pour la période antérieure à l’année 1993 aurait nécessairement un impact sur les réductions pouvant leur être accordées tant dans le cadre de la communication sur la clémence qu’au titre du point 29 des lignes directrices de 2006. Une telle conclusion découle sans
équivoque des points 90 à 95 et 122 de l’arrêt attaqué. Ainsi, aucune méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime ne saurait être reprochée au Tribunal.

140 En ce qui concerne, en second lieu, l’argument selon lequel le Tribunal aurait méconnu le principe d’égalité de traitement, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, il résulte de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, ainsi que de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de celle-ci qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt attaqué ainsi
que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné (voir arrêts du 30 mai 2013, Quinn Barlo e.a./Commission, C‑70/12 P, non publié, EU:C:2013:351, points 47 et 51 ainsi que jurisprudence citée, et du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, point 43 ainsi que jurisprudence citée).

141 Ainsi, ne répond pas à ces exigences et doit être déclaré irrecevable un moyen dont l’argumentation n’est pas suffisamment précise et étayée pour permettre à la Cour d’exercer son contrôle de légalité (arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, point 44 ainsi que jurisprudence citée).

142 Or, l’argument tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement repose sur une affirmation générale, sans que soit fournie la moindre argumentation juridique à cet égard. Partant, il doit être rejeté comme étant irrecevable.

143 Il résulte de l’ensemble des éléments qui précèdent que la première partie de la première branche du quatrième moyen, tirée du fait que le Tribunal a violé les principes de confiance légitime et d’égalité de traitement doit être rejetée comme étant pour partie irrecevable et pour partie non fondée.

Sur la première partie de la seconde branche du quatrième moyen, tirée d’une erreur de droit commise dans l’appréciation de l’effet du retrait de la procédure de transaction

– Argumentation des parties

144 Les requérantes soutiennent, en substance, que c’est sur la base d’une erreur de droit que le Tribunal a considéré qu’elles avaient été informées par la Commission de l’impact qu’aurait leur retrait de la procédure de transaction, ce qui corroborerait le fait qu’elles n’ont pu exercer leur droit de choisir de transiger ou non « en connaissance de cause », comme l’exige pourtant la communication sur la transaction. En effet, selon elles, le Tribunal aurait exposé d’une façon erronée en droit, au
point 125 de l’arrêt attaqué, la teneur des échanges ayant eu lieu lors de l’audition du 24 février 2010. Lors de cette audition, la Commission aurait ainsi affirmé qu’elle tiendrait compte, non pas dans le cadre de la « coopération » de Timab, comme l’énonce l’arrêt attaqué audit point, mais dans le cadre de la « clémence », du fait que les requérantes n’avaient pas rejoint le cartel avant l’année 1993. Or, selon celles-ci, alors que la notion de « coopération » couvre les périodes visées tant
par la communication sur la clémence que celles non visées par cette communication, la notion de « clémence » vise, en l’espèce, uniquement la réduction de 17 % de l’amende infligée. Ainsi, la Commission n’aurait jamais mentionné explicitement, au cours de la procédure ordinaire, une suppression de la réduction de 35 % de l’amende au titre de la coopération en dehors du champ d’application de la communication sur la clémence.

145 La Commission estime que cet argument est inopérant. Selon elle, il procéderait de la confusion entretenue par les requérantes entre leur retrait de la transaction et le changement de position qu’elles ont opéré dans le cadre de la réponse à la communication des griefs. En effet, eu égard à la nouvelle défense adoptée par les requérantes dans ladite réponse, laquelle était en contradiction avec les positions qu’elles avaient prises dans le cadre de leur demande de clémence, la Commission aurait
attiré leur attention sur les conséquences possibles de cette nouvelle défense.

– Appréciation de la Cour

146 Comme l’indique la Commission dans son mémoire en défense, le grief relatif à une erreur de droit dans l’appréciation de l’effet du retrait des requérantes de la procédure de transaction, procède d’une confusion entre, d’une part, les incidences du retrait de la transaction décidé par les requérantes et, d’autre part, les conséquences possibles du changement de position quant à la durée de leur participation à l’infraction que ces dernières ont adopté dans leur réponse du 2 février 2010 à la
communication des griefs. En effet, au point 125 de l’arrêt attaqué, le Tribunal, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 60 de ses conclusions, évoque simplement la mise en garde qui a été adressée aux requérantes par la Commission, au cours de la procédure ordinaire, en raison dudit changement de position, et non au titre de leur retrait de la procédure de transaction, comme celles-ci le prétendent.

147 Partant, force est de constater que ce grief, qui repose sur une prémisse erronée, ne saurait prospérer. Par conséquent, il convient de rejeter la première partie de la seconde branche du quatrième moyen comme étant irrecevable.

Sur le cinquième moyen, tiré du fait que le Tribunal a méconnu son pouvoir de pleine juridiction et violé les principes d’égalité de traitement et d’individualisation de la peine

Argumentation des parties

148 Par le cinquième moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir, aux points 137, 140 et 168 de l’arrêt attaqué, méconnu son pouvoir de pleine juridiction et violé les principes d’égalité de traitement et d’individualisation de la peine.

149 À cet égard, les requérantes estiment que, en admettant que ne soit pas prise en compte, dans l’appréciation de la gravité de l’infraction, l’absence de preuves d’une participation de Timab aux pratiques relatives aux conditions de vente et aux mécanismes de compensation, le Tribunal aurait méconnu son pouvoir de pleine juridiction. Dès lors que ledit Tribunal nourrissait des doutes sur la réalité de la participation des requérantes à ces deux pratiques pour la période allant de l’année 1993 à
l’année 2004, il aurait dû en tenir compte, en application du principe in dubio pro reo. Faute de l’avoir fait, le Tribunal aurait entaché son arrêt d’atteinte aux principes d’égalité de traitement et d’individualisation de la peine.

150 Dans leur réplique, les requérantes ajoutent que le Tribunal a également refusé de tenir compte, en méconnaissance des principes d’égalité de traitement et d’individualisation de la peine, dans son appréciation de la gravité de l’infraction, d’autres éléments, tels que la pression sur les prix due à la concurrence résultant de produits similaires, l’absence d’effet des pratiques reprochées ainsi que la durée et l’intensité de chaque pratique.

151 En outre, le Tribunal aurait violé ces mêmes principes en n’exerçant de contrôle approfondi ni du taux de gravité appliqué dans le cadre de la fixation du montant de base de l’amende ni du refus de la Commission d’octroyer des circonstances atténuantes à Timab. Ainsi, le Tribunal se serait borné à reprendre la décision litigieuse sans procéder à sa propre appréciation.

152 Selon la Commission, le cinquième moyen est irrecevable, étant donné qu’il vise à obtenir un simple réexamen de la requête déposée devant le Tribunal. En tout état de cause, ce moyen serait dénué de tout fondement.

Appréciation de la Cour

153 Il convient de rappeler, d’une part, que le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits et, en principe, pour examiner les preuves qu’il retient à l’appui de ces faits. En effet, dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit ainsi que les règles de procédure applicables en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux
éléments qui lui ont été soumis. Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (voir, notamment, arrêts du 30 mai 2013, Quinn Barlo e.a./Commission, C‑70/12 P, non publié, EU:C:2013:351, point 25 et jurisprudence citée, ainsi que du 16 juin 2016, Evonik Degussa et AlzChem/Commission, C‑155/14 P, EU:C:2016:446, point 23 et jurisprudence citée). Par ailleurs, une telle
dénaturation doit ressortir de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêt du 16 juin 2016, Evonik Degussa et AlzChem/Commission, C‑155/14 P, EU:C:2016:446, point 23 et jurisprudence citée).

154 D’autre part, il importe de souligner qu’un pourvoi est irrecevable dans la mesure où il se limite à répéter les moyens et les arguments qui ont déjà été présentés devant le Tribunal, y compris ceux qui étaient fondés sur des faits expressément rejetés par cette juridiction. En effet, un tel pourvoi constitue, en réalité, une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du
30 mai 2013, Quinn Barlo e.a./Commission, C‑70/12 P, non publié, EU:C:2013:351, point 26 ainsi que jurisprudence citée).

155 En revanche, dès lors qu’un requérant conteste l’interprétation ou l’application du droit de l’Union faite par le Tribunal, les points de droit examinés en première instance peuvent être de nouveau discutés au cours de la procédure de pourvoi. En effet, si un requérant ne pouvait fonder de la sorte son pourvoi sur des moyens et des arguments déjà utilisés devant le Tribunal, ladite procédure serait privée d’une partie de son sens (arrêt du 30 mai 2013, Quinn Barlo e.a./Commission, C‑70/12 P, non
publié, EU:C:2013:351, point 27 ainsi que jurisprudence citée).

156 S’agissant du cinquième moyen, bien que celui-ci soit qualifié par les requérantes de « moyen portant sur une question de droit », à savoir la méconnaissance, par le Tribunal, des principes d’égalité de traitement et d’individualisation de la peine ainsi que de son pouvoir de pleine juridiction, il y a lieu de constater que ce cinquième moyen revient, en fin de compte, à remettre en cause l’appréciation du Tribunal relative à des faits et à des éléments de preuve qui lui ont été présentés en
première instance dans le cadre des deuxième et troisième moyens.

157 En effet, loin de faire valoir une dénaturation des faits ou des éléments de preuve, les requérantes se bornent à soutenir que le Tribunal n’a pas tenu compte, à tort, dans l’appréciation de la gravité de l’infraction, de différents éléments, notamment l’absence de preuves de leur participation aux pratiques relatives aux conditions de vente et aux mécanismes de compensation. Ainsi, les requérantes se limitent à reproduire des arguments visant à démontrer qu’un taux moindre aurait dû être
appliqué au titre de la gravité de l’infraction, lesquels ont pourtant déjà été présentés devant le Tribunal et rejetés par celui-ci. Partant, le cinquième moyen, en ce qu’il vise une méconnaissance par le Tribunal des principes d’égalité de traitement et d’individualisation de la peine ainsi que de son pouvoir de pleine juridiction, est irrecevable.

158 Concernant, plus particulièrement, l’argument invoqué par les requérantes, selon lequel le Tribunal n’aurait exercé de contrôle approfondi ni du taux de gravité appliqué dans le cadre de la fixation du montant de base de l’amende ni du refus d’octroyer des circonstances atténuantes pour le comportement concurrentiel de Timab, il suffit de constater que le Tribunal a fourni, aux points 149 à 164 de l’arrêt attaqué, un exposé détaillé des facteurs dont il a tenu compte pour évaluer la gravité de
l’infraction. De même, il résulte sans équivoque des points 165 à 168 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a soigneusement examiné la question des circonstances atténuantes. Partant, cet argument doit être considéré comme étant non fondé. Le seul fait que le Tribunal a également entériné, à cet égard, dans l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction, plusieurs éléments de l’appréciation effectuée par la Commission dans la décision litigieuse ne saurait mettre en cause cette conclusion (voir
arrêt du 8 mai 2013, Eni/Commission, C‑508/11 P, EU:C:2013:289, point 99 et jurisprudence citée).

159 Eu égard aux éléments qui précèdent, il convient de rejeter le cinquième moyen comme étant pour partie irrecevable et pour partie non fondé.

Sur les conclusions incidentes, tirées d’une méconnaissance du droit à un procès équitable du fait de la durée déraisonnable de la procédure

Argumentation des parties

160 Par leurs conclusions incidentes, les requérantes soutiennent que le Tribunal a méconnu le droit à un procès équitable, tel que prévu à l’article 47, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), interprété à la lumière de l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, en ne statuant pas dans un délai raisonnable.

161 À cet égard, elles constatent que l’arrêt attaqué a été rendu quatre ans et huit mois et demi après le dépôt de la requête introductive d’instance, le 1er octobre 2010, que l’ouverture de la procédure orale par le Tribunal n’a eu lieu que le 14 mai 2014 et que onze mois se sont écoulés entre la clôture de cette procédure orale, soit après l’audience du 11 juillet 2014, et le prononcé de l’arrêt.

162 Or, selon les requérantes, le degré de complexité de l’affaire ne justifiait pas une telle durée de la procédure, d’autant qu’elles étaient les seules parties requérantes dans cette affaire et que leur comportement n’a pas été dilatoire.

163 La Commission relève, en substance, que, en application, notamment, de l’arrêt du 26 novembre 2013, Gascogne Sack Deutschland/Commission (C‑40/12 P, EU:C:2013:768), seul un recours en indemnité contre l’Union, sur le fondement de l’article 268 et de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, peut être envisagé par une entreprise mettant en cause une durée prétendument excessive de la procédure.

164 Les requérantes n’ayant pas formulé une telle demande indemnitaire, les conclusions incidentes seraient, avant tout, irrecevables.

Appréciation de la Cour

165 Il convient de rappeler que la violation, par une juridiction de l’Union, de son obligation, résultant de l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, de juger les affaires qui lui sont soumises dans un délai raisonnable doit trouver sa sanction dans un recours en indemnité porté devant le Tribunal, un tel recours constituant un remède effectif. Ainsi, une demande visant à obtenir réparation du préjudice causé par le non-respect, par le Tribunal, d’un délai de jugement raisonnable ne peut être
soumise directement à la Cour dans le cadre d’un pourvoi, mais doit être introduite devant le Tribunal lui-même (arrêts du 30 avril 2014, FLSmidth/Commission, C‑238/12 P, EU:C:2014:284, point 116 et jurisprudence citée ; du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, point 55 et jurisprudence citée, ainsi que du 9 juin 2016, Repsol Lubricantes y Especialidades e.a./Commission, C‑617/13 P, EU:C:2016:416, point 98 et jurisprudence citée).

166 Le Tribunal, compétent en vertu de l’article 256, paragraphe 1, TFUE et saisi d’une demande d’indemnité, est tenu de statuer sur une telle demande dans une formation différente de celle ayant eu à connaître du litige qui a donné lieu à la procédure dont la durée est critiquée (arrêts du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, point 56 et jurisprudence citée, ainsi que du 9 juin 2016, Repsol Lubricantes y Especialidades e.a./Commission, C‑617/13 P,
EU:C:2016:416, point 99 et jurisprudence citée).

167 Cela étant, dès lors qu’il est manifeste, sans que soit nécessaire la production par les parties d’éléments supplémentaires à cet égard, que le Tribunal a violé de manière suffisamment caractérisée son obligation de juger l’affaire dans un délai raisonnable, la Cour peut le relever (arrêts du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, point 57 et jurisprudence citée, ainsi que du 9 juin 2016, Repsol Lubricantes y Especialidades e.a./Commission, C‑617/13 P,
EU:C:2016:416, point 100 et jurisprudence citée). Par conséquent, la Cour peut, dans le cadre du pourvoi, constater la méconnaissance du droit à un procès équitable, tel que garanti par l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, du fait de la durée déraisonnable de la procédure devant le Tribunal.

168 En ce qui concerne les critères permettant d’apprécier si le Tribunal a respecté le principe du délai raisonnable, il convient de rappeler que le caractère raisonnable du délai de jugement doit être apprécié en fonction des circonstances propres à chaque affaire, telles que la complexité du litige et le comportement des parties (arrêt du 26 novembre 2013, Groupe Gascogne/Commission, C‑58/12 P, EU:C:2013:770, point 85 et jurisprudence citée).

169 À cet égard, la Cour a précisé que la liste des critères pertinents n’est pas exhaustive et que l’appréciation du caractère raisonnable dudit délai n’exige pas un examen systématique des circonstances de la cause au regard de chacun de ces critères lorsque la durée de la procédure apparaît justifiée au regard d’un seul de ceux-ci. Ainsi, la complexité de l’affaire ou un comportement dilatoire du requérant peut être retenu pour justifier un délai de prime abord trop long (arrêt du 26 novembre
2013, Groupe Gascogne/Commission, C‑58/12 P, EU:C:2013:770, point 86 et jurisprudence citée).

170 En l’occurrence et en l’absence d’éléments supplémentaires soumis par les parties, la Cour considère qu’il n’est pas manifeste que le Tribunal a violé de manière suffisamment caractérisée son obligation de juger l’affaire dans un délai raisonnable.

171 Eu égard à ce qui précède, les conclusions incidentes du pourvoi doivent être rejetées.

172 Aucun des moyens invoqués par les requérantes au soutien de leur pourvoi n’étant susceptible d’être accueilli, celui-ci doit être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

173 Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du même règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. Timab et CFPR ayant succombé en leurs moyens et la Commission ayant conclu à la condamnation de ces sociétés aux
dépens, il y a lieu de condamner ces dernières aux dépens afférents au présent pourvoi.

  Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) déclare et arrête :

  1) Le pourvoi est rejeté.

  2) Timab Industries ainsi que Cie financière et de participations Roullier (CFPR) sont condamnées aux dépens.

Berger

Levits

Biltgen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 janvier 2017.
 
Le greffier

A. Calot Escobar

Le président de la Xème chambre

M. Berger

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( *1 ) Langue de procédure : le français.


Synthèse
Formation : Dixième chambre
Numéro d'arrêt : C-411/15
Date de la décision : 12/01/2017
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé, Pourvoi - irrecevable
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi – Ententes – Marché européen des phosphates pour l’alimentation animale – Attribution de quotas de vente, coordination des prix et des conditions de ventes et échange d’informations commerciales sensibles – Retrait des requérantes de la procédure de transaction – Pouvoir de pleine juridiction – Protection de la confiance légitime et de l’égalité de traitement – Durée raisonnable de la procédure.

Concurrence

Ententes


Parties
Demandeurs : Timab Industries et Cie financière et de participations Roullier (CFPR)
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Saugmandsgaard Øe
Rapporteur ?: Berger

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2017:11

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