ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
10 novembre 2016 ( *1 )
«Pourvoi — Marque de l’Union européenne — Marque tridimensionnelle en forme de cube avec des faces ayant une structure en grille — Demande en nullité — Rejet de la demande en nullité»
Dans l’affaire C‑30/15 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 26 janvier 2015,
Simba Toys GmbH & Co. KG, établie à Fürth (Allemagne), représentée par Me O. Ruhl, Rechtsanwalt,
partie requérante,
les autres parties à la procédure étant :
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. D. Botis et A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance,
Seven Towns Ltd, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée par Mes K. Szamosi et M. Borbás, ügyvédek,
partie intervenante en première instance,
LA COUR (première chambre),
composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. E. Regan, J.‑C. Bonichot, A. Arabadjiev et S. Rodin (rapporteur), juges,
avocat général : M. M. Szpunar,
greffier : Mme V. Giacobbo-Peyronnel, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 2 mars 2016,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 25 mai 2016,
rend le présent
Arrêt
1 Par son pourvoi, Simba Toys GmbH & Co. KG demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 25 novembre 2014, Simba Toys/OHMI – Seven Towns (Forme d’un cube avec des faces ayant une structure en grille) (T‑450/09, EU:T:2014:983, ci-après l’« arrêt attaqué »), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) (ci-après la « chambre de
recours ») du 1er septembre 2009 (affaire R 1526/2008-2), relative à une procédure de nullité entre la requérante et Seven Towns Ltd (ci-après la « décision litigieuse »).
Le cadre juridique
2 Le règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), a été abrogé et remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), qui est entré en vigueur le 13 avril 2009.
3 Néanmoins, compte tenu de la date des faits, le présent litige demeure régi par le règlement no 40/94, à tout le moins en ce qui concerne les dispositions à caractère non strictement procédural.
4 L’article 7 du règlement no 40/94, intitulé « Motifs absolus de refus », dispose :
« 1. Sont refusés à l’enregistrement :
[...]
b) les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ;
c) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ;
[...]
e) les signes constitués exclusivement :
i) par la forme imposée par la nature même du produit
ou
ii) par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique
ou
iii) par la forme qui donne une valeur substantielle au produit ;
[...] »
5 Conformément à l’article 74, paragraphe 1, du règlement no 40/94 :
« Au cours de la procédure, l’Office procède à l’examen d’office des faits ; toutefois, dans une procédure concernant des motifs relatifs de refus d’enregistrement, l’examen est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties. »
Les antécédents du litige
6 Les antécédents du litige, tels qu’exposés aux points 1 à 12 de l’arrêt attaqué, peuvent être résumés comme suit.
7 Le 1er avril 1996, Seven Towns a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’EUIPO portant sur le signe tridimensionnel reproduit ci-après :
Image
8 Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 28 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Puzzles en trois dimensions ».
9 Le 6 avril 1999, la marque en cause a été enregistrée en tant que marque communautaire, sous le numéro 162784. Elle a été renouvelée le 10 novembre 2006.
10 Le 15 novembre 2006, Simba Toys a présenté une demande en nullité de cette marque au titre de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 40/94, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous a) à c) et e), de ce règlement.
11 Par décision du 14 octobre 2008, la division d’annulation de l’EUIPO a rejeté cette demande dans son intégralité.
12 Le 23 octobre 2008, la requérante a formé un recours contre cette décision auprès de l’EUIPO au titre des articles 57 à 62 du règlement no 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement no 207/2009). Au soutien de son recours, elle invoquait une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous a) à c) et e), du règlement no 40/94.
13 Par la décision litigieuse, la chambre de recours a confirmé la décision de la division d’annulation du 14 octobre 2008 et a rejeté le recours.
La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
14 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 novembre 2009, Simba Toys a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.
15 À l’appui de son recours, elle a soulevé huit moyens, tirés de la violation de l’article 75, première phrase, et de l’article 76, paragraphe 1, première phrase, du règlement no 207/2009, ainsi que de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de l’article 7, paragraphe 1, sous c), de l’article 7, paragraphe 1, sous e), i) à iii), et de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 40/94.
16 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté ce recours comme étant non fondé.
Les conclusions des parties
17 Simba Toys demande à la Cour :
— d’annuler l’arrêt attaqué ;
— d’annuler la décision litigieuse, et
— de condamner Seven Towns et l’EUIPO aux dépens.
18 Seven Towns et l’EUIPO demandent à la Cour :
— de rejeter le pourvoi et
— de condamner Simba Toys aux dépens.
Sur la demande tendant à la réouverture de la phase orale de la procédure
19 Par une lettre du 7 juillet 2016, Seven Towns a demandé à ce que soit ordonnée la réouverture de la phase orale de la procédure.
20 Cette société fait valoir, en substance, que M. l’avocat général a, dans ses conclusions, invoqué des éléments factuels et soulevé des arguments qui n’avaient été débattus entre les parties ni devant le Tribunal ni devant la Cour, en ce qui concerne, notamment, la définition de la fonction des produits en cause, l’identification des caractéristiques essentielles du signe ainsi que l’appréciation de la fonctionnalité de la forme d’un cube.
21 À cet égard, il convient de rappeler que la Cour peut, à tout moment, l’avocat général entendu, ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure, conformément à l’article 83 de son règlement de procédure, notamment si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée ou encore lorsque l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu entre les intéressés (voir, en ce sens, arrêt du 7 avril 2016, Marchon Germany,C‑315/14, EU:C:2016:211, point 19).
22 Tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, la Cour, l’avocat général entendu, considère qu’elle dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer et que l’affaire ne doit pas être examinée au regard d’un fait nouveau de nature à exercer une influence décisive sur sa décision ou d’un argument qui n’a pas été débattu devant elle.
23 Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’accueillir la demande de Seven Towns tendant à la réouverture de la phase orale de la procédure.
Sur le pourvoi
Argumentation des parties
24 À l’appui de son pourvoi, Simba Toys invoque six moyens. Par son premier moyen, Simba Toys soutient que le Tribunal a, aux points 50 à 77 de l’arrêt attaqué, violé l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 40/94, selon lequel sont refusés à l’enregistrement les signes constitués exclusivement par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique.
25 À cet égard, Simba Toys fait valoir, en premier lieu, que le Tribunal a, au point 72 de l’arrêt attaqué, subordonné à tort l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 40/94 à la condition qu’un résultat technique puisse à tout le moins être « déduit de manière suffisamment certaine » de la représentation de la marque concernée. Une telle « exigence de compréhension précise » ne découlerait ni du libellé de cette disposition ni de la jurisprudence et contreviendrait,
de surcroît, à l’objectif de celle-ci.
26 Le Tribunal aurait, en deuxième lieu, interprété de façon trop étroite la notion de « fonction technique » lorsqu’il a considéré, au point 60 de l’arrêt attaqué, que la structure en grille sur les faces du cube ne remplit pas une telle fonction. Le Tribunal aurait ignoré que ladite structure et la forme générale du cube ne sont pas arbitraires et sont, dès lors, nécessairement techniques.
27 En troisième lieu, la requérante excipe d’une erreur de droit que le Tribunal aurait commise en subordonnant, au point 53 de l’arrêt attaqué, le refus de l’enregistrement d’un signe pour le motif visé à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 40/94 à la condition que les caractéristiques essentielles de la marque en cause remplissent elles-mêmes la fonction technique du produit qu’elle couvre, et non qu’elles en soient le résultat.
28 En quatrième lieu, la requérante critique le Tribunal pour avoir rejeté le grief tiré de l’absence de formes alternatives à la représentation de ladite marque susceptibles de remplir la même fonction technique que celle-ci. En tout état de cause, la disponibilité de formes alternatives n’écarterait pas l’application dudit article 7, paragraphe 1, sous e), ii). S’agissant plus particulièrement des lignes noires quadrillant les faces du cube, quand bien même il serait possible de fabriquer un cube
magique ne comportant pas ces éléments, un tel cube demeurerait protégé, en raison de son degré de similitude, par la marque contestée. Dans ces conditions, le Tribunal aurait méconnu l’intérêt public qui sous-tend cette disposition, lequel consiste à empêcher l’instauration d’un monopole permanent sur des solutions techniques.
29 En cinquième lieu, le Tribunal aurait, dans l’appréciation de la technicité des caractéristiques essentielles du produit en cause, omis de tenir compte de l’existence de produits déjà commercialisés avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque en cause, et notamment du « Rubik’s Cube » fabriqué par l’intervenante, lesquels présentent les caractéristiques essentielles de la marque contestée, dont une capacité de rotation bien connue des consommateurs.
30 En sixième lieu, Simba Toys reproche au Tribunal d’avoir considéré, au point 55 de l’arrêt attaqué, après avoir conclu que la marque en cause était enregistrée pour les « puzzles en trois dimensions » en général, sans se limiter à ceux ayant une capacité de rotation, que l’enregistrement d’une marque ne peut être refusé que si le motif prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 40/94 s’applique à l’ensemble ou, du moins, à un grand nombre des produits qu’elle couvre.
31 Selon Seven Towns et l’EUIPO, le premier moyen doit être écarté comme étant, du moins en partie, irrecevable en raison du fait que celui-ci vise à remettre en cause des constatations factuelles.
32 En tout état de cause, ce moyen devrait, selon ces parties, être rejeté comme étant non fondé. Elles demandent, en substance, que soient confirmés les motifs de l’arrêt attaqué visés par ce moyen. À cet égard, le Tribunal, loin d’introduire des exigences nouvelles, n’aurait fait qu’appliquer la jurisprudence existante, laquelle impose, notamment, de déterminer la fonction technique éventuelle sur la base de la représentation graphique de la marque concernée. Seven Towns et l’EUIPO soulignent, en
outre, que les produits en cause englobent les puzzles en trois dimensions dans leur ensemble, dont les cubes magiques ne constitueraient pas une sous-catégorie autonome.
Appréciation de la Cour
33 Par son premier moyen, Simba Toys soutient que le Tribunal a erronément appliqué l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 40/94 en s’étant fondé, notamment, aux points 56 à 77 de l’arrêt attaqué, sur une interprétation trop restrictive de cette disposition en ce qui concerne le caractère fonctionnel de la forme en cause. Par conséquent, le Tribunal aurait, à tort, considéré que les caractéristiques essentielles de cette forme ne répondent pas à une fonction technique du produit en
cause.
34 À cet égard, s’il est vrai que l’appréciation de la fonctionnalité des caractéristiques essentielles d’un signe, pour autant qu’elle comporte des constatations de nature factuelle, ne saurait, comme telle, sous réserve du cas d’une dénaturation, faire l’objet d’un contrôle par la Cour dans le cadre d’un pourvoi (voir, en ce sens, arrêts du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI,C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 74, et du 17 mars 2016, Naazneen Investments/OHMI, C‑252/15 P, non publié, EU:C:2016:178,
point 59), il en est autrement des questions de droit que soulève l’examen de la pertinence des critères juridiques appliqués lors de cette appréciation ainsi que, en particulier, des facteurs pris en compte à cet effet (voir, en ce sens, arrêts du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI,C‑48/09 P, EU:C:2010:516, points 84 et 85, ainsi que du 6 mars 2014, Pi‑Design e.a./Yoshida Metal Industry, C‑337/12 P à C‑340/12 P, non publié, EU:C:2014:129, point 61).
35 Le premier moyen est, dès lors, recevable, puisqu’il vise à contester l’application faite par le Tribunal, dans l’arrêt attaqué, des critères et des facteurs, tels qu’ils découlent, notamment, de la jurisprudence de la Cour, pour apprécier le caractère fonctionnel du signe en cause au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 40/94.
36 En ce qui concerne le bien-fondé de ce moyen, il convient de rappeler à titre liminaire que le droit des marques constitue un élément essentiel du système de concurrence dans l’Union. Dans ce système, chaque entreprise doit, afin de s’attacher la clientèle par la qualité de ses produits ou de ses services, être en mesure de faire enregistrer en tant que marques des signes permettant au consommateur de distinguer sans confusion possible ces produits ou ces services de ceux qui ont une autre
provenance (arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI,C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 38 et jurisprudence citée).
37 Par ailleurs, ainsi qu’il résulte de l’article 4 du règlement no 40/94, un signe représentant la forme d’un produit figure parmi les signes susceptibles de constituer une marque à la condition qu’il soit, d’une part, susceptible de représentation graphique et, d’autre part, propre à distinguer le produit ou le service d’une entreprise de ceux d’autres entreprises (voir, en ce sens, arrêts du 29 avril 2004, Henkel/OHMI,C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, points 30 et 31, ainsi que du
14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI,C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 39).
38 Il ressort également de la jurisprudence de la Cour que chacun des motifs de refus d’enregistrement énumérés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 40/94 doit être interprété à la lumière de l’intérêt général qui le sous-tend (arrêts du 29 avril 2004, Henkel/OHMI,C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 45, ainsi que du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI,C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 43).
39 Dans ce contexte, la Cour a relevé que l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 40/94 vise à empêcher que le droit des marques aboutisse à conférer à une entreprise un monopole sur des solutions techniques ou des caractéristiques utilitaires d’un produit (arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI,C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 43).
40 En outre, il convient, d’abord, de rappeler qu’une application correcte de cette disposition implique que les caractéristiques essentielles du signe tridimensionnel en cause soient dûment identifiées (voir, en ce sens, arrêts du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI,C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 68, ainsi que du 6 mars 2014, Pi-Design e.a./Yoshida Metal Industry, C‑337/12 P à C‑340/12 P, non publié, EU:C:2014:129, point 46).
41 En l’occurrence, le Tribunal a, au point 47 de l’arrêt attaqué, confirmé l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les caractéristiques essentielles du signe en cause consistent en un cube et une structure en grille figurant sur chacune des faces de ce cube. Cette constatation n’est pas remise en cause dans le cadre du présent pourvoi.
42 En ce qui concerne, ensuite, la question de savoir si de telles caractéristiques essentielles répondent à une fonction technique du produit, le Tribunal y a répondu par la négative, en rejetant, notamment aux points 56 à 61 de l’arrêt attaqué, l’argumentation de la requérante selon laquelle les lignes noires et, plus globalement, la structure en grille figurant sur chacune des faces du cube en cause remplissent une fonction technique.
43 À cet égard, le Tribunal a écarté les arguments de la requérante ayant trait à la capacité de rotation des éléments individuels du cube en cause dont lesdites lignes noires seraient l’expression, en faisant observer, en particulier aux points 58 et 59 de l’arrêt attaqué, que ces arguments reposaient essentiellement sur la connaissance de la capacité de rotation des bandes verticales et horizontales du « Rubik’s cube » et que cette capacité ne saurait résulter des caractéristiques de la forme
présentée mais tout au plus d’un mécanisme interne, invisible, du cube. Selon le Tribunal, c’est à juste titre que la chambre de recours n’a pas inclus cet élément invisible dans son analyse de la fonctionnalité des caractéristiques essentielles de la marque contestée. Dans ce contexte, le Tribunal a constaté que le fait de déduire l’existence d’un mécanisme interne de rotation des représentations graphiques de cette marque n’aurait pas été conforme aux exigences selon lesquelles toute déduction
doit être faite le plus objectivement possible à partir de la forme concernée, telle que représentée graphiquement, et doit être suffisamment certaine.
44 Le Tribunal a, dès lors, à l’instar de la chambre de recours, considéré, au point 60 de l’arrêt attaqué, que la structure en grille figurant sur chacune des faces du cube en cause ne remplit aucune fonction technique, puisque le fait que cette structure a pour effet de diviser visuellement chaque face de ce cube en neuf éléments carrés de même dimension ne saurait constituer une telle fonction au sens de la jurisprudence pertinente.
45 Or, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, notamment au point 99 de ses conclusions, ce raisonnement est entaché d’une erreur de droit.
46 En effet, afin d’analyser la fonctionnalité d’un signe au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 40/94, lequel ne concerne que les signes constitués par la forme du produit concret, les caractéristiques essentielles d’une forme doivent être appréciées au regard de la fonction technique du produit concret concerné (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI,C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 72).
47 Ainsi, et dès lors qu’il n’est pas contesté que le signe en cause est constitué par la forme d’un produit concret et non par une forme abstraite, le Tribunal aurait dû définir la fonction technique du produit concret en cause, c’est-à-dire un puzzle en trois dimensions, et en tenir compte dans l’évaluation de la fonctionnalité des caractéristiques essentielles de ce signe.
48 S’il était nécessaire, ainsi que le Tribunal l’a d’ailleurs relevé au point 59 de l’arrêt attaqué, aux fins de cette analyse, de partir de la forme en cause, telle que représentée graphiquement, ladite analyse ne pouvait être effectuée sans que soient pris en considération, le cas échéant, les éléments supplémentaires ayant trait à la fonction du produit concret en cause.
49 En effet, d’une part, il découle de la jurisprudence de la Cour que, dans l’examen des caractéristiques fonctionnelles d’un signe, l’autorité compétente peut effectuer un examen approfondi dans le cadre duquel sont pris en compte, outre la représentation graphique et les éventuelles descriptions déposées lors du dépôt de la demande d’enregistrement, des éléments utiles à l’identification convenable de caractéristiques essentielles dudit signe (arrêt du 6 mars 2014, Pi-Design e.a./Yoshida Metal
Industry,C‑337/12 P à C‑340/12 P, non publié, EU:C:2014:129, point 54).
50 D’autre part, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 86 et 91 à 93 de ses conclusions, dans chacune des affaires ayant donné lieu aux arrêts de la Cour du 18 juin 2002, Philips (C‑299/99, EU:C:2002:377), du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI (C‑48/09 P, EU:C:2010:516), et du 6 mars 2014, Pi-Design e.a./Yoshida Metal Industry (C‑337/12 P à C‑340/12 P, non publié, EU:C:2014:129), les organes compétents n’auraient pas été en mesure d’analyser la forme concernée uniquement à partir de sa
représentation graphique, sans avoir recours à des informations supplémentaires concernant le produit concret.
51 Il s’ensuit que le Tribunal a procédé à une interprétation trop restrictive des critères d’appréciation de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 40/94, en ce qu’il a considéré, notamment aux points 57 à 59 de l’arrêt attaqué, que, pour examiner la fonctionnalité des caractéristiques essentielles du signe concerné, notamment la structure en grille figurant sur chacune des faces du cube, il y avait lieu de partir de la forme en cause, telle que représentée graphiquement, sans
qu’il soit nécessaire de prendre en considération des éléments supplémentaires qu’un observateur objectif ne serait pas en mesure de « saisir précisément » sur la base des représentations graphiques de la marque contestée, tels que la capacité de rotation d’éléments individuels d’un puzzle à trois dimensions de type « Rubik’s Cube ».
52 En outre, la circonstance, énoncée au point 55 de l’arrêt attaqué, que la marque contestée a été enregistrée pour des « puzzles à trois dimensions » en général, à savoir sans se limiter à ceux ayant une capacité de rotation, et que le titulaire de cette marque n’a pas joint à sa demande d’enregistrement une description dans laquelle il aurait été précisé que la forme en cause comportait une telle capacité, ne saurait faire obstacle à ce que soit prise en compte, aux fins de l’examen de la
fonctionnalité des caractéristiques essentielles du signe en cause, une telle fonction technique du produit concret représenté par ce signe, sauf à permettre au titulaire de ladite marque d’étendre la protection conférée par l’enregistrement de celle-ci à tout type de puzzle de forme similaire, à savoir à tout puzzle tridimensionnel dont les éléments représentent la forme d’un cube, indépendamment de ses modalités de fonctionnement.
53 Or, cette dernière possibilité serait contraire à l’objectif poursuivi par l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 40/94, qui est, ainsi qu’il a été rappelé au point 39 du présent arrêt, d’éviter de conférer à une entreprise un monopole sur des solutions techniques ou des caractéristiques utilitaires d’un produit.
54 Au vu de l’ensemble de ces considérations, il y a lieu d’accueillir le premier moyen du pourvoi et, par conséquent, d’annuler l’arrêt attaqué, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres arguments de ce moyen ni les autres moyens dudit pourvoi.
Sur le litige en première instance
55 Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lorsque la Cour annule la décision du Tribunal, elle peut soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue.
56 En l’espèce, la Cour dispose des éléments nécessaires pour statuer définitivement sur le deuxième moyen du recours en première instance, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 40/94.
57 En effet, il résulte des points 42 à 53 du présent arrêt que ce moyen est fondé.
58 Il convient, en conséquence, d’annuler la décision litigieuse en raison d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 40/94.
Sur les dépens
59 Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé et que celle-ci juge elle-même définitivement sur le litige, elle statue sur les dépens.
60 Selon l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
61 La requérante ayant conclu à la condamnation de l’EUIPO et de Seven Towns aux dépens, et ceux-ci ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens relatifs tant à la procédure de première instance dans l’affaire T‑450/09 qu’à celle de pourvoi.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête :
1) L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 25 novembre 2014, Simba Toys/OHMI – Seven Towns (Forme d’un cube avec des faces ayant une structure en grille) (T‑450/09, EU:T:2014:983), est annulé.
2) La décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 1er septembre 2009 (affaire R 1526/2008-2), relative à une procédure de nullité entre Simba Toys GmbH & Co. KG et Seven Towns Ltd, est annulée.
3) Seven Towns Ltd et l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle sont condamnés à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par Simba Toys GmbH & Co. KG relatifs tant à la procédure de première instance dans l’affaire T‑450/09 qu’à celle de pourvoi.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.