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26/10/2016 | CJUE | N°C-482/15

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Westermann Lernspielverlage GmbH contre Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO)., 26/10/2016, C-482/15


ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

26 octobre 2016 ( *1 )

«Pourvoi — Demande de marque de l’Union européenne — Marque figurative comportant les éléments verbaux “bambino” et “lük” — Procédure d’opposition — Marque figurative antérieure de l’Union européenne comportant l’élément verbal “bambino” — Refus partiel d’enregistrement — Déchéance de la marque antérieure fondant l’opposition — Lettre de la requérante informant le Tribunal de cette déchéance — Refus du Tribunal de verser la lettre au dossier de l’affaire

Défaut de motivation»

Dans l’affaire C‑482/15 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut ...

ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

26 octobre 2016 ( *1 )

«Pourvoi — Demande de marque de l’Union européenne — Marque figurative comportant les éléments verbaux “bambino” et “lük” — Procédure d’opposition — Marque figurative antérieure de l’Union européenne comportant l’élément verbal “bambino” — Refus partiel d’enregistrement — Déchéance de la marque antérieure fondant l’opposition — Lettre de la requérante informant le Tribunal de cette déchéance — Refus du Tribunal de verser la lettre au dossier de l’affaire — Défaut de motivation»

Dans l’affaire C‑482/15 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 9 septembre 2015,

Westermann Lernspielverlage GmbH, anciennement Westermann Lernspielverlag GmbH, établie à Braunschweig (Allemagne), représentée par Mes A. Nordemann et M. Maier, Rechtsanwälte,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (dixième chambre),

composée de Mme M. Berger, président de chambre, MM. A. Borg Barthet et, F. Biltgen (rapporteur), juges,

avocat général : M. Y. Bot,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par son pourvoi, Westermann Lernspielverlage GmbH, anciennement Westermann Lernspielverlag GmbH (ci-après « Westermann »), demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 15 juillet 2015, Westermann Lernspielverlag/OHMI – Diset (bambinoLÜK) (T‑333/13, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2015:490), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété
intellectuelle (EUIPO), du 3 avril 2013 (affaire R 1323/2012‑2), relative à une procédure d’opposition entre Diset SA et Westermann (ci‑après la « décision litigieuse »).

Le cadre juridique

2 Le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), dans sa version applicable en l’espèce, énonce, à son article 8, paragraphe 1, sous b) :

« Sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement :

[…]

b) lorsqu’en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée ; le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. »

3 L’article 65 du même règlement, intitulé « Recours devant la Cour de justice », prévoit, à ses paragraphes 1 à 3 :

« 1.   Les décisions des chambres de recours statuant sur un recours sont susceptibles d’un recours devant la Cour de justice.

2.   Le recours est ouvert pour incompétence, violation des formes substantielles, violation du traité, du présent règlement ou de toute règle de droit relative à leur application, ou détournement de pouvoir.

3.   La Cour de justice a compétence aussi bien pour annuler que pour réformer la décision attaquée. »

4 Aux termes de l’article 69, sous c) et d), du règlement de procédure du Tribunal, une procédure pendante peut être suspendue :

« […]

c) à la demande d’une partie principale avec l’accord de l’autre partie principale ;

d) dans d’autres cas particuliers, lorsque la bonne administration de la justice l’exige. »

5 L’article 77 du règlement de procédure du Tribunal, intitulé « Informations relatives à la signification », énonce :

« 1.   Aux fins de la procédure, la requête indique si le mode de signification auquel le représentant du requérant consent est celui visé à l’article 57, paragraphe 4, ou le télécopieur.

2.   Si la requête n’est pas conforme aux conditions visées au paragraphe 1, toutes les significations aux fins de la procédure à la partie concernée, tant que ce défaut n’a pas été régularisé, sont faites par envoi postal recommandé adressé au représentant de la partie. La signification régulière est alors réputée avoir lieu par le dépôt de l’envoi recommandé à la poste du lieu où le Tribunal a son siège. »

Les faits à l’origine du litige

6 Le 5 mai 2010, Westermann a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’EUIPO en vertu du règlement no 207/2009.

7 La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

Image

8 Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 9, 16 et 28, au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié (ci-après l’« arrangement de Nice »), et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

— classe 9 : « Supports d’images, de sons, d’images sonores et de données en tout genre (compris dans la classe 9), en particulier vidéocassettes, disques phonographiques, cassettes musicales, CD, vidéodisques, DVD, CD-ROM, CDI, disquettes, en particulier en tant que produits de l’édition électroniques et destinés à l’instruction et à l’enseignement ainsi que jeux vidéo et jeux d’ordinateurs conçus pour être utilisés seulement avec un récepteur de télévision, en particulier à des fins
d’instruction et d’enseignement ; logiciels, en particulier destinés à l’instruction et à l’enseignement ; équipements pour le traitement de l’information, ordinateurs et autre matériel informatique ainsi que leurs pièces et accessoires (compris dans la classe 9), tous les produits n’étant pas en rapport avec des véhicules ou pièces de véhicules en tout genre » ;

— classe 16 : « Produits de l’imprimerie et de l’édition en tout genre (compris dans la classe 16), notamment livres, livrets, classeurs, revues, journaux, calendriers, posters, feuilles, transparents, films, images, fiches, cartes géographiques et cartes murales, en particulier destinés à l’instruction et l’enseignement ; matériel d’instruction et d’enseignement (à l’exception des appareils), en particulier sous forme de produits de l’imprimerie, jeux, globes, tableaux noirs et appareils pour
dessiner sur les tableaux noirs ; photographies (tirages et originaux) ; affiches ; papeterie et instruments à écrire, en particulier porte-plumes à réservoir, stylos à bille, crayons et pastels ; articles de bureau (excepté les meubles), en particulier cachets, tampons encreurs, encre pour cachets, ouvre-lettres, coupe-papier, corbeilles à courrier, classeurs de documents, sous-mains, perforatrices, agrafeuses, cahiers, agrafes et trombones ; décalcomanies, images à gratter, autocollants en
papier et en matières plastiques » ;

— classe 28 : « Jeux, en particulier jeux de table, jeux de dominos, jeux de société, jeux de carte, jeux pédagogiques et jeux de stratégie, sous forme traditionnelle et également électronique (excepté comme appareils périphériques pour téléviseurs) ; jouets ; jeux vidéo et informatiques électroniques, autres que ceux conçus pour être utilisés avec récepteur de télévision, en particulier destinés à l’instruction et à l’enseignement ».

9 La demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 2010/122, du 6 juillet 2010.

10 Le 14 septembre 2010, Diset a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009, à l’enregistrement de la marque en cause, pour les produits visés au point 8 du présent arrêt.

11 L’opposition était fondée, notamment, sur la marque figurative de l’Union européenne antérieure, enregistrée le 6 juillet 2004 sous le numéro 3915121 pour des produits et des services relevant des classes 16, 28 et 41, au sens de l’arrangement de Nice, représentée ci‑après :

Image

12 Les produits et les services couverts par la marque antérieure relevaient des classes 16, 28 et 41, au sens de l’arrangement de Nice, et correspondaient, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

— classe 16 : « Publications, magazines, livres et contes pour enfants » ;

— classe 28 : « Blocs de construction et jeux et jouets éducatifs pour les tout‑petits, à l’exception des poupées et figurines » ;

— classe 41 : « Services d’éducation ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles ».

13 Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

14 Le 25 mai 2012, la division d’opposition de l’EUIPO a partiellement fait droit à l’opposition. Elle a estimé qu’il existait un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, entre les signes en conflit, sauf en ce qui concernait les produits relevant de la classe 16, au sens de l’arrangement de Nice, visés par la demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne, correspondant à la description suivante, à savoir « Papeterie et instruments à
écrire, en particulier porte-plumes à réservoir, stylos à bille, crayons et pastels ; articles de bureau (excepté les meubles), en particulier cachets, tampons encreurs, encre pour cachets, ouvre-lettres, coupe-papier, corbeilles à courrier, classeurs de documents, sous-mains, perforatrices, agrafeuses, cahiers, agrafes et trombones ; décalcomanies, images à gratter, autocollants en papier et en matières plastiques ».

15 Le 18 juillet 2012, Westermann a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009, contre la décision de la division d’opposition de cet office.

16 Par la décision litigieuse, la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a accueilli partiellement le recours, en autorisant l’enregistrement de la marque en cause pour les « logiciels, en particulier destinés à l’instruction et à l’enseignement (tous les produits n’étant pas en rapport avec des véhicules ou pièces de véhicules en tout genre) » ainsi que les « équipements pour le traitement de l’information, ordinateurs et autre matériel informatique ainsi que leurs pièces et accessoires (compris
dans la classe 9) (tous les produits n’étant pas en rapport avec des véhicules ou pièces de véhicules en tout genre) », tous relevant de la classe 9, au sens de l’arrangement de Nice, et a rejeté le recours pour les autres produits relevant des classes 9, 16 et 28, au sens de cet arrangement.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

17 Au soutien de son recours en première instance, Westermann a soulevé un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

18 Le Tribunal a écarté ce moyen comme étant non fondé et a, partant, rejeté le recours introduit par Westermann.

Les conclusions des parties devant la Cour

19 Westermann demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué, de renvoyer l’affaire au Tribunal et de condamner l’EUIPO aux dépens.

20 L’EUIPO demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner Westermann aux dépens.

Sur le pourvoi

21 Westermann invoque deux moyens à l’appui de son pourvoi, tirés, respectivement, de la violation du droit à être entendue et du droit à un procès équitable ainsi que de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

Sur le second moyen

Argumentation des parties

22 Par son second moyen, qu’il convient d’examiner en premier lieu, Westermann fait valoir que, en prenant en considération, lors de l’examen du bien-fondé de l’appréciation du risque de confusion entre les marques en conflit effectuée par la deuxième chambre de recours de l’EUIPO dans la décision litigieuse, la marque antérieure fondant l’opposition à l’enregistrement de la marque demandé par Westermann, alors que cette marque antérieure était déchue et n’avait donc plus d’effets à la date de
l’introduction de son recours en première instance, le Tribunal a commis une erreur de droit ainsi qu’une dénaturation des faits.

23 En effet, il ressortirait de la jurisprudence de la Cour et, notamment, de l’arrêt du 11 novembre 1997, SABEL (C‑251/95, EU:C:1997:528, point 22), que le risque de confusion entre des marques en conflit doit être apprécié globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce et, notamment, de l’impression d’ensemble donnée par lesdites marques.

24 Westermann considère que, dès lors, le Tribunal aurait dû renvoyer l’affaire à la deuxième chambre de recours de l’EUIPO afin que l’opposition soit appréciée sur la base des marques de Diset autres que ladite marque antérieure.

25 En outre, Westermann estime que le Tribunal a commis une erreur de droit lorsqu’il a considéré, d’une part, l’élément « bambino » comme dominant dans les marques en conflit et l’élément « lük » comme étant négligeable du fait de sa position secondaire dans la marque complexe et, d’autre part, l’élément figuratif d’un enfant stylisé comme étant moins distinctif que le terme « bambino » et donc comme négligeable dans la marque complexe, ainsi que lorsqu’il est parvenu à la conclusion qu’un élément
faiblement distinctif peut constituer un élément dominant dans une marque complexe, peut amener à négliger d’autres éléments de la marque et conduire à une similitude des signes et donc à un risque de confusion.

26 L’EUIPO considère que le second moyen doit être rejeté.

Appréciation de la Cour

27 Il importe, d’emblée, de rappeler que, selon la jurisprudence constante de la Cour, aux termes de l’article 65, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, le Tribunal ne peut annuler ou réformer la décision d’une chambre de recours de l’EUIPO que « pour incompétence, violation des formes substantielles, violation du traité, [dudit] règlement ou de toute règle de droit relative à leur application, ou détournement de pouvoir ». Il s’ensuit que le Tribunal ne peut annuler ou réformer la décision objet
du recours que si, à la date à laquelle celle-ci a été prise, elle était entachée de l’un de ces motifs d’annulation ou de réformation. En revanche, le Tribunal ne saurait annuler ou réformer ladite décision pour des motifs qui apparaîtraient postérieurement à son prononcé (voir arrêts du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, EU:C:2006:310, points 54 et 55 ; du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, EU:C:2007:162, points 52 et 53, ainsi que ordonnance du 30 juin 2010, Royal Appliance
International/OHMI, C‑448/09 P, non publiée, EU:C:2010:384, points 43 et 44).

28 Aussi la Cour a-t-elle considéré que la décision à intervenir de la part d’une juridiction nationale relative à la déchéance de la marque antérieure fondant l’opposition ne peut être prise en compte par le Tribunal lors de son contrôle de la légalité de la décision de la chambre de recours de l’EUIPO (voir, en ce sens, arrêts du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, EU:C:2006:310, point 55 ; du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, EU:C:2007:162, point 53, ainsi que ordonnance du 30 juin 2010,
Royal Appliance International/OHMI, C‑448/09 P, non publiée, EU:C:2010:384, point 45).

29 En outre, la Cour a déjà jugé que la caducité de la marque antérieure, survenue après l’introduction du recours devant le Tribunal, n’a pas privé de son objet ni de ses effets la décision de la chambre de recours de l’EUIPO. L’appréciation contenue dans cette décision, selon laquelle il existe un risque de confusion entre les marques en conflit, continuait donc de produire ses effets au moment où le Tribunal a prononcé son arrêt (ordonnance du 8 mai 2013, Cadila Healthcare/OHMI, C‑268/12 P, non
publiée, EU:C:2013:296, points 31 à 34).

30 Compte tenu de ces considérations, et dans la mesure où, en l’occurrence, la date effective de la déchéance de la marque antérieure fondant l’opposition à l’enregistrement de la marque demandé par Westermann, à savoir le 13 juin 2013, est postérieure à la décision litigieuse, qui date du 3 avril 2013, il y a lieu de constater que le Tribunal n’était pas tenu, lors de son contrôle de la légalité de la décision litigieuse, de prendre en compte la décision de l’EUIPO déclarant cette déchéance.

31 Il convient d’ajouter que, conformément à l’article 55, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, en cas de déchéance, la marque de l’Union européenne est réputée n’avoir pas eu, à compter de la date de la demande en déchéance, les effets prévus par ce règlement.

32 Or, s’il devait être considéré que le Tribunal est tenu de prendre en compte une décision de l’EUIPO déclarant la déchéance de la marque antérieure fondant l’opposition, alors même que celle-ci survient à une date postérieure à la date d’adoption de la décision de la chambre de recours de l’EUIPO jugeant l’opposition fondée, cela serait contraire à la jurisprudence constante de la Cour, citée au point 27 du présent arrêt, selon laquelle le Tribunal ne saurait annuler ou réformer une telle
décision pour des motifs qui apparaîtraient postérieurement à son prononcé.

33 Au regard de ce qui précède, il y a lieu de constater que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit dans l’examen du bien-fondé de l’appréciation réalisée par la deuxième chambre de recours de l’EUIPO, dans la décision litigieuse, du risque de confusion entre les marques en conflit, puisque, à la date à laquelle cette décision a été adoptée, la marque antérieure fondant l’opposition à l’enregistrement de la marque demandé par Westermann produisait les effets prévus par le règlement
no 207/2009.

34 Il convient, dès lors, d’écarter l’argument soulevé par Westermann à cet égard comme non fondé.

35 Pour le surplus, il importe de rappeler que, conformément à l’article 256, paragraphe 1, TFUE et à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation des faits et des éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit
soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (voir arrêt du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, EU:C:2006:310, point 49 et jurisprudence citée, ainsi que ordonnance du 4 juin 2015, Junited Autoglas Deutschland/OHMI, C‑579/14 P, non publiée, EU:C:2015:374, point 25 et jurisprudence citée).

36 Par ailleurs, une telle dénaturation doit ressortir de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (voir, en ce sens, arrêt du 2 septembre 2010, Calvin Klein Trademark Trust/OHMI, C‑254/09 P, EU:C:2010:488, point 50 et jurisprudence citée).

37 Dans ces conditions, il y a lieu de relever que l’argumentation de Westermann relative à l’appréciation, par le Tribunal, de la similitude entre les signes en conflits, et, notamment, entre les éléments « bambino », « lük » et l’élément figuratif d’un enfant stylisé, est irrecevable puisque, sous couvert d’une prétendue erreur de droit, cette argumentation tend, en réalité, à contester, sans invoquer une quelconque dénaturation, l’appréciation même, par le Tribunal, de ces éléments de fait, ce
qui échappe au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

38 Par conséquent, le second moyen doit être rejeté comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé.

Sur le premier moyen

Argumentation des parties

39 Dans le cadre de son premier moyen, Westermann reproche au Tribunal d’avoir refusé de verser au dossier de l’affaire en cause une lettre du 12 juin 2015, par laquelle elle informait ce dernier de l’existence de la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 22 mai 2015 (affaire R 2209/2014‑2), déclarant, avec effet rétroactif au 13 juin 2013, la déchéance de la marque antérieure fondant l’opposition, au motif que ce document n’était pas prévu par le règlement de procédure du
Tribunal.

40 Selon Westermann, en refusant de prendre en considération cette lettre et de mentionner, dans l’arrêt attaqué, le fait que la marque antérieure fondant l’opposition n’existait plus lorsque ledit arrêt a été rendu, le Tribunal l’a empêchée de fournir des preuves pertinentes et, partant, a violé son droit à être entendue ainsi que son droit à un procès équitable.

41 Dans son mémoire en réplique, Westermann ajoute que la décision litigieuse et l’arrêt attaqué ont violé son droit fondamental de propriété dans la mesure où ils ont rejeté sa demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne.

42 En outre, Westermann fait valoir que, en refusant, sans motivation, de faire droit aux demandes de suspension de la procédure qu’elle avait introduites en première instance, le Tribunal a violé son droit à un procès équitable ainsi que l’article 69, sous c) et d), et l’article 77 du règlement de procédure du Tribunal.

43 Selon Westermann, dans la mesure où ces demandes étaient dûment motivées, ainsi que nécessaires pour garantir la bonne administration de la justice, et que l’EUIPO ne s’y était pas opposé, le Tribunal aurait dû y faire droit.

44 L’EUIPO considère que le premier moyen doit être rejeté.

Appréciation de la Cour

45 Il importe de rappeler, d’emblée, qu’il ressort des points 30 et 33 du présent arrêt que, d’une part, le Tribunal n’était pas tenu, lors de son contrôle de la légalité de la décision litigieuse, de prendre en compte la décision de l’EUIPO déclarant la déchéance de la marque antérieure fondant l’opposition à l’enregistrement de la marque demandé par Westermann et que, d’autre part, à la date à laquelle la décision litigieuse a été adoptée, ladite marque antérieure produisait les effets prévus par
le règlement no 207/2009.

46 Dans ces conditions, tant l’argument tiré de ce que, en refusant, sans motivation, de verser au dossier de la présente affaire la lettre du 12 juin 2015 par laquelle Westermann l’informait de l’existence de la décision de l’EUIPO déclarant la déchéance de la marque antérieure et en omettant de mentionner cette information dans l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait violé le droit à être entendu et le droit à un procès équitable de Westermann que l’argument selon lequel le Tribunal aurait rejeté, à
tort et sans motivation, les demandes de suspension de la procédure formulées par cette dernière doivent être considérés comme étant inopérants.

47 En effet, force est de constater que ces arguments ne sont pas de nature à remettre en cause la conclusion à laquelle le Tribunal est parvenu dans l’arrêt attaqué, selon laquelle c’est à bon droit que la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a constaté l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit.

48 Quant à l’argument tiré de ce que la décision litigieuse et l’arrêt attaqué auraient violé le droit fondamental de propriété de Westermann, celui-ci doit être écarté comme irrecevable, dès lors qu’il a été soulevé pour la première fois au stade du mémoire en réplique.

49 Par conséquent, il convient de rejeter le premier moyen comme étant en partie irrecevable et en partie inopérant.

50 Aucun des moyens soulevés par Westermann n’étant susceptible de prospérer, il y a lieu de rejeter le pourvoi dans son intégralité.

Sur les dépens

51 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’EUIPO ayant conclu à la condamnation de Westermann et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens de la présente procédure.

  Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) déclare et arrête :

  1) Le pourvoi est rejeté.

  2) Westermann Lernspielverlage GmbH est condamnée aux dépens.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure: l’anglais.


Synthèse
Formation : Dixième chambre
Numéro d'arrêt : C-482/15
Date de la décision : 26/10/2016
Type d'affaire : Pourvoi - irrecevable, Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi – Demande de marque de l’Union européenne – Marque figurative comportant les éléments verbaux “bambino” et “lük” – Procédure d’opposition – Marque figurative antérieure de l’Union européenne comportant l’élément verbal “bambino” – Refus partiel d’enregistrement – Déchéance de la marque antérieure fondant l’opposition – Lettre de la requérante informant le Tribunal de cette déchéance – Refus du Tribunal de verser la lettre au dossier de l’affaire – Défaut de motivation.

Marques

Propriété intellectuelle, industrielle et commerciale


Parties
Demandeurs : Westermann Lernspielverlage GmbH
Défendeurs : Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO).

Composition du Tribunal
Avocat général : Bot
Rapporteur ?: Biltgen

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2016:805

Source

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