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21/09/2016 | CJUE | N°C-140/15

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Commission européenne contre Royaume d'Espagne., 21/09/2016, C-140/15


ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

21 septembre 2016 ( *1 )

«Pourvoi — Fonds de cohésion — Réduction du concours financier — Procédure d’adoption de la décision par la Commission européenne — Existence d’un délai — Non‑respect du délai imparti — Conséquences»

Dans l’affaire C‑140/15 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 24 mars 2015,

Commission européenne, représentée par Mmes S. Pardo Quintillán et D. Recchia,

en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Roy...

ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

21 septembre 2016 ( *1 )

«Pourvoi — Fonds de cohésion — Réduction du concours financier — Procédure d’adoption de la décision par la Commission européenne — Existence d’un délai — Non‑respect du délai imparti — Conséquences»

Dans l’affaire C‑140/15 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 24 mars 2015,

Commission européenne, représentée par Mmes S. Pardo Quintillán et D. Recchia, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Royaume d’Espagne, représenté par M. A. Rubio González, en qualité d’agent,

partie demanderesse en première instance,

soutenu par :

Royaume des Pays-Bas, représenté par Mmes B. Koopman et M. Bulterman, en qualité d’agents,

partie intervenante au pourvoi,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. F. Biltgen (rapporteur), président de chambre, M. A. Borg Barthet et Mme M. Berger, juges,

avocat général : M. M. Wathelet,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par son pourvoi, la Commission européenne demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 20 janvier 2015, Espagne/Commission (T‑111/12, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2015:28), par lequel celui-ci a annulé la décision C(2011) 9990 de la Commission, du 22 décembre 2011, relative à la réduction de l’aide accordée au titre du Fonds de cohésion aux projets « Gestion de déchets solides dans la Communauté autonome d’Estrémadure – 2001 » (CCI 2001.ES.16.C.PE.043),
« Approvisionnement en eau et réseaux d’assainissement dans le bassin hydrographique du Duero – 2001 » (CCI 2000.ES.16.C.PE.070), « Gestion de déchets solides dans la Communauté autonome de Valence – 2001 – Groupe II » (CCI 2001.ES.16.C.PE.026) et « Système d’assainissement et traitement des eaux usées du Bierzo Bajo » (CCI 2000.ES.16.C.PE.036) (ci‑après la « décision litigieuse »).

I – Le cadre juridique

2 Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1164/94 du Conseil, du 16 mai 1994, instituant le Fonds de cohésion (JO 1994, L 130, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 1264/1999 du Conseil, du 21 juin 1999 (JO 1999, L 161, p. 57), et par le règlement (CE) no 1265/1999 du Conseil, du 21 juin 1999 (JO 1999, L 161, p. 62) (ci-après le « règlement no 1164/94 modifié ») :

« Le Fonds fournit une contribution financière à des projets qui contribuent à la réalisation des objectifs fixés par le traité sur l’Union européenne, dans le domaine de l’environnement et dans celui des réseaux transeuropéens d’infrastructures de transport dans les États membres dont le produit national brut par habitant est inférieur à 90 % de la moyenne communautaire, mesurée sur la base des parités du pouvoir d’achat, et qui ont mis en place un programme visant à satisfaire aux conditions de
convergence économique visées à l’article [126 TFUE]. »

3 L’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1164/94 modifié prévoit :

« Les projets financés par le Fonds doivent être conformes aux dispositions des traités, aux actes adoptés en vertu de ceux-ci et aux politiques communautaires, y compris celles qui concernent la protection de l’environnement, les transports, les réseaux transeuropéens, la concurrence et la passation de marchés publics. »

4 L’article 12 du règlement no 1164/94 modifié est libellé comme suit :

« 1.   Sans préjudice de la responsabilité de la Commission dans l’exécution du budget général des Communautés européennes, les États membres assument en premier ressort la responsabilité du contrôle financier des projets. À cette fin, les États membres prennent notamment les mesures suivantes :

[...]

c) ils s’assurent que les projets sont gérés conformément à l’ensemble de la réglementation communautaire applicable et que les fonds mis à leur disposition sont utilisés conformément aux principes de la bonne gestion financière ;

[...] »

5 L’annexe II du règlement no 1164/94 modifié, relative aux « [d]ispositions de mise en application », comporte un article H, intitulé « Corrections financières », qui dispose :

« 1.   Si, après avoir effectué les vérifications nécessaires, la Commission conclut :

a) que la mise en œuvre d’un projet ne justifie ni une partie ni la totalité du concours octroyé, y compris en cas de non-respect d’une des conditions fixées dans la décision d’octroi du concours, et notamment de modification importante affectant la nature ou les conditions de mise en œuvre du projet pour laquelle l’approbation de la Commission n’a pas été demandée ou

b) qu’il existe une irrégularité en ce qui concerne le concours du Fonds et que l’État membre concerné n’a pas pris les mesures correctives nécessaires,

la Commission suspend le concours alloué au projet concerné et demande, en indiquant ses motifs, que l’État membre présente ses observations dans un délai déterminé.

Si l’État membre conteste les observations formulées par la Commission, l’État membre est invité à une audition par la Commission, au cours de laquelle les deux parties s’efforcent de parvenir à un accord sur les observations et les conclusions qu’il convient d’en tirer.

2.   À l’expiration d’un délai fixé par la Commission, dans le respect de la procédure applicable, en l’absence d’accord et compte tenu des observations éventuelles de l’État membre, la Commission décide, dans un délai de trois mois :

[...]

b) de procéder aux corrections financières requises, c’est-à-dire supprimer totalement ou partiellement le concours octroyé au projet.

Ces décisions doivent respecter le principe de proportionnalité. La Commission, en établissant le montant de la correction, tient compte de la nature de l’irrégularité ou de la modification et de l’étendue de l’impact financier potentiel des défaillances éventuelles des systèmes de gestion ou de contrôle. Toute réduction ou suppression de concours donne lieu à répétition de l’indu.

[...]

4.   La Commission arrête les modalités détaillées de mise en œuvre des paragraphes 1, 2 et 3 et les communique pour information aux États membres et au Parlement européen. »

6 L’article 18 du règlement (CE) no 1386/2002 de la Commission, du 29 juillet 2002, fixant les modalités d’application du règlement no 1164/94 en ce qui concerne les systèmes de gestion et de contrôle et la procédure de mise en œuvre des corrections financières relatifs au concours du Fonds de cohésion (JO 2002, L 201, p. 5), est libellé comme suit :

« 1.   Le délai imparti à l’État membre concerné pour réagir à une demande au titre de l’article H, paragraphe 1, premier alinéa, de l’annexe II du règlement (CE) no 1164/94 de présenter ses observations est fixé à deux mois, à l’exception de cas dûment justifiés où une période plus longue peut être accordée par la Commission.

2.   Lorsque la Commission propose une correction financière sur la base d’une extrapolation ou sur une base forfaitaire, l’État membre a la possibilité de démontrer, par un examen des dossiers concernés, que l’étendue réelle de l’irrégularité est inférieure à celle estimée par la Commission. En accord avec la Commission, l’État membre peut limiter la portée de son examen à une partie ou un échantillon approprié des dossiers concernés.

À l’exception de cas dûment justifiés, le délai supplémentaire imparti pour cet examen ne dépasse pas deux mois suivant la période de deux mois visée au paragraphe 1. Les résultats de cet examen sont analysés selon la procédure prévue à l’article H, paragraphe 1, deuxième alinéa, de l’annexe II du règlement (CE) no 1164/94. La Commission tient compte de tout élément de preuve fourni par l’État membre dans les délais.

3.   Chaque fois que l’État membre conteste les observations de la Commission et qu’une audition a lieu en application de l’article H, paragraphe 1, deuxième alinéa, de l’annexe II du règlement (CE) no 1164/94, le délai de trois mois au cours duquel la Commission peut prendre une décision au titre de l’article H, paragraphe 2, de l’annexe II dudit règlement commence à courir à partir de la date de l’audition. »

7 Le libellé de l’article H, paragraphe 2, de l’annexe II du règlement no 1164/94 modifié diverge en fonction des versions linguistiques de cette disposition. En effet, il ressort de la version en langue française de celle-ci, en vertu de laquelle, en l’absence d’accord entre les parties, la Commission décide « dans un délai de trois mois », que ce délai de trois mois se rapporte à l’adoption de la décision de correction financière. En revanche, dans les autres versions linguistiques de la même
disposition, ledit délai de trois mois se rattache à l’absence d’accord entre les parties.

8 L’article 18, paragraphe 3, du règlement no 1386/2002, qui se réfère explicitement à l’article H, paragraphe 2, de l’annexe II du règlement no 1164/94 modifié, énonce que la Commission dispose, en vertu de cet article H, paragraphe 2, d’un délai de trois mois pour prendre une décision de correction financière et que ce délai commence à courir à partir de la date de l’audition. Il ressort de l’ensemble des versions linguistiques de cet article 18, paragraphe 3, qu’elles ne présentent aucune
disparité dans la formulation de cette disposition.

9 Le règlement no 1164/94 modifié était applicable au cours de la période allant de l’année 2000 à l’année 2006. Quant au règlement no 1386/2002, il s’appliquait, en vertu de son article 1er, aux actions approuvées pour la première fois après le 1er janvier 2000.

10 Conformément à l’article 16, paragraphe 1, du règlement no 1164/94 modifié, ce règlement devait être réexaminé au plus tard le 31 décembre 2006.

11 Ainsi, le règlement no 1164/94 modifié a été abrogé par le règlement (CE) no 1084/2006 du Conseil, du 11 juillet 2006, instituant le Fonds de cohésion et abrogeant le règlement no 1164/94 (JO 2006, L 210, p. 79).

12 Aux termes de l’article 5 du règlement no 1084/2006, « [l]e présent règlement n’affecte pas la poursuite ni la modification, y compris l’annulation totale ou partielle, des projets ou autres formes d’intervention approuvés par la Commission sur la base du règlement (CE) no 1164/94 qui s’applique dès lors, à partir de cette date, à cette intervention ou à ces projets jusqu’à leur clôture ».

13 Conformément à l’article 6 du règlement no 1084/2006, le règlement no 1164/94 modifié est abrogé « [s]ans préjudice des dispositions de l’article 105, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1083/2006 [du Conseil, du 11 juillet 2006, portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, et abrogeant le règlement (CE) no 1260/1999 (JO 2006, L 210, p. 25)] et de l’article 5 du présent règlement ».

14 Aux termes de l’article 100 du règlement no 1083/2006, intitulé « Procédure » :

« 1.   Avant de statuer sur une correction financière, la Commission ouvre la procédure en informant l’État membre de ses conclusions provisoires et en l’invitant à faire part de ses observations dans un délai de deux mois.

Lorsque la Commission propose une correction financière sur la base d’une extrapolation ou à un taux forfaitaire, l’État membre a la possibilité de démontrer, par un examen des documents concernés, que l’étendue réelle de l’irrégularité est inférieure à l’évaluation faite par la Commission. En accord avec celle-ci, l’État membre peut limiter la portée de cet examen à une partie ou un échantillon approprié des documents concernés. Sauf dans les cas dûment justifiés, le délai imparti pour cet
examen ne dépasse pas deux mois après la période de deux mois visée au premier alinéa.

2.   La Commission tient compte de tout élément fourni par l’État membre dans les délais visés au paragraphe 1.

3.   Si l’État membre n’accepte pas les conclusions provisoires de la Commission, celle-ci l’invite à une audition au cours de laquelle les deux parties s’efforcent, dans un esprit de coopération fondée sur le partenariat, de parvenir à un accord sur les observations et les conclusions à en tirer.

4.   En cas d’accord, l’État membre peut réutiliser les fonds communautaires concernés conformément à l’article 98, paragraphe 2, deuxième alinéa.

5.   En l’absence d’accord, la Commission statue sur la correction financière dans les six mois suivant la date de l’audition en tenant compte de toutes les informations et observations présentées au cours de la procédure. S’il n’y a pas d’audition, la période de six mois débute deux mois après la date de l’envoi de la lettre d’invitation par la Commission. »

15 L’article 105 du règlement no 1083/2006, intitulé « Dispositions transitoires », est ainsi libellé :

« 1.   Le présent règlement n’affecte pas la poursuite ni la modification, y compris la suppression totale ou partielle, d’une intervention cofinancée par les Fonds structurels ou d’un projet cofinancé par le Fonds de cohésion, approuvé par la Commission sur la base des règlements (CEE) no 2052/88 [...], (CEE) no 4253/88 [...], [...] no 1164/94 [...] et (CE) no 1260/1999, ou de toute autre législation applicable à cette intervention au 31 décembre 2006, qui s’applique dès lors, à partir de cette
date, à cette intervention ou à ce projet jusqu’à sa clôture.

2.   Pour statuer sur les programmes opérationnels, la Commission tient compte des interventions cofinancées par les Fonds structurels ou des projets cofinancés par le Fonds de cohésion approuvés par le Conseil ou par la Commission avant l’entrée en vigueur du présent règlement et ayant une incidence financière au cours de la période couverte par les programmes opérationnels.

3.   Par dérogation à l’article 31, paragraphe 2, à l’article 32, paragraphe 4, et à l’article 37, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1260/1999, les parties des sommes engagées pour les interventions cofinancées par le [Fonds européen de développement régional (FEDER)] ou le [Fonds social européen (FSE)] approuvées par la Commission entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2006, et pour lesquelles l’état certifié des dépenses effectivement supportées, le rapport final d’exécution et la
déclaration visée à l’article 38, paragraphe 1, point f), dudit règlement n’ont pas été transmis à la Commission dans les quinze mois suivant la date ultime d’éligibilité des dépenses visée dans la décision d’octroi d’une contribution des Fonds, sont dégagées d’office par la Commission au plus tard six mois après l’échéance et donnent lieu au remboursement des sommes indues.

Sont exclus du calcul du montant du dégagement d’office les montants correspondant à des opérations ou programmes qui font l’objet d’une suspension pour raison judiciaire ou d’un recours administratif ayant un effet suspensif. »

16 L’article 108 du règlement no 1083/2006, intitulé « Entrée en vigueur », dispose, à ses premier et deuxième alinéas :

« Le présent règlement entre en vigueur le jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.

Les dispositions des articles 1er à 16, 25 à 28, 32 à 40, 47 à 49, 52 à 54, 56, 58 à 62, 69 à 74, 103 à 105 et 108 sont applicables à compter de la date d’entrée en vigueur du présent règlement, uniquement pour les programmes de la période 2007-2013. Les autres dispositions sont applicables à partir du 1er janvier 2007. »

17 Le règlement no 1083/2006 a été abrogé par le règlement (UE) no 1303/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant dispositions communes relatives au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen, au Fonds de cohésion, au Fonds européen agricole pour le développement rural et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, portant dispositions générales applicables au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen, au
Fonds de cohésion et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, et abrogeant le règlement no 1083/2006 (JO 2013, L 347, p. 320, et rectificatif JO 2016, L 200, p. 140).

18 L’article 145 du règlement no 1303/2013 dispose :

« 1.   Avant de statuer sur une correction financière, la Commission ouvre la procédure en informant l’État membre des conclusions provisoires de son examen et en l’invitant à faire part de ses observations dans un délai de deux mois.

2.   Lorsque la Commission propose une correction financière sur la base d’une extrapolation ou à un taux forfaitaire, l’État membre se voit offrir la possibilité de démontrer, par un examen des documents concernés, que l’étendue réelle de l’irrégularité est inférieure à l’évaluation faite par la Commission. En accord avec celle-ci, l’État membre peut limiter la portée de cet examen à une partie ou un échantillon approprié des documents concernés. Sauf dans les cas dûment justifiés, le délai
imparti pour cet examen ne dépasse pas deux mois après la période de deux mois visée au paragraphe 1.

3.   La Commission tient compte de tout élément fourni par l’État membre dans les délais visés aux paragraphes 1 et 2.

4.   Si l’État membre n’accepte pas les conclusions provisoires de la Commission, celle-ci l’invite à une audition afin de s’assurer de la disponibilité de toutes les informations et observations pertinentes devant former la base des conclusions de la Commission sur la demande de correction financière.

5.   En cas d’accord et sans préjudice des dispositions du paragraphe 7 du présent article, l’État membre peut réutiliser les Fonds concernés ou le [Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP)] conformément à l’article 143, paragraphe 3.

6.   Pour appliquer des corrections financières, la Commission statue, par voie d’actes d’exécution, dans les six mois suivant la date de l’audition ou la date de réception des informations complémentaires lorsque l’État membre accepte d’en fournir à la suite de l’audition. La Commission tient compte de toutes les informations et observations présentées au cours de la procédure. En l’absence d’audition, la période de six mois débute deux mois après la date de l’envoi de la lettre d’invitation à
l’audition par la Commission.

7.   Lorsque la Commission, dans l’exercice des responsabilités qui lui incombent en vertu de l’article 75, ou la Cour des comptes européenne décèle des irrégularités traduisant une insuffisance grave dans le bon fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle, la correction financière qui en résulte réduit le soutien accordé par les Fonds ou le FEAMP au programme opérationnel.

Le premier alinéa ne s’applique pas dans le cas d’une insuffisance grave dans le bon fonctionnement du système de gestion et de contrôle qui, avant la date où elle a été décelée par la Commission ou par la Cour des comptes européenne :

a) a été répertoriée dans la déclaration de gestion, dans le rapport de contrôle annuel ou dans l’avis d’audit communiqués à la Commission conformément à l’article 59, paragraphe 5, du règlement financier, ou dans d’autres rapports d’audit présentés à la Commission par l’autorité d’audit, et a fait l’objet de mesures appropriées ; ou

b) a fait l’objet de mesures correctives appropriées [adoptées] par l’État membre.

L’évaluation des insuffisances graves dans le bon fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle est fondée sur le droit applicable lorsque les déclarations de gestion, les rapports de contrôle annuels et les avis d’audit concernés ont été communiqués.

Lorsqu’elle statue sur une correction financière, la Commission :

a) respecte le principe de proportionnalité en tenant compte de la nature et de la gravité de l’insuffisance dans le bon fonctionnement du système de gestion et de contrôle et de ses incidences financières sur le budget de l’Union ;

b) aux fins de l’application d’une correction forfaitaire ou extrapolée, exclut les dépenses irrégulières précédemment décelées par l’État membre qui ont fait l’objet d’un ajustement dans les comptes conformément à l’article 139, paragraphe 10, et les dépenses dont la légalité et la régularité font l’objet d’une évaluation en vertu de l’article 137, paragraphe 2 ;

c) tient compte des corrections forfaitaires ou extrapolées appliquées aux dépenses par l’État membre pour d’autres insuffisances graves qu’il a décelées lors de l’évaluation du risque résiduel pour le budget de l’Union.

8.   Les règles spécifiques des Fonds applicables au FEAMP peuvent établir des règles complémentaires relatives aux corrections financières visées à l’article 144, paragraphe 7. »

19 En vertu de l’article 154, deuxième alinéa, du règlement no 1303/2013, l’article 145 de celui-ci est applicable avec effet au 1er janvier 2014.

II – Les antécédents du litige et la décision litigieuse

20 Les antécédents du litige figurent aux points 1 à 9 de l’arrêt attaqué et peuvent être résumés comme suit.

21 Par décisions C(2000) 4331, du 29 décembre 2000, C(2001) 3609 et C(2001) 4047, du 18 décembre 2001, et C(2002) 759, du 19 avril 2002, la Commission a accordé une aide financière au titre du Fonds de cohésion à quatre projets mis en œuvre par le Royaume d’Espagne.

22 Il s’agit des projets suivants :

— « [g]estion de déchets solides dans la Communauté autonome d’Estrémadure – 2001 » (CCI 2001.ES.16.C.PE.043) (ci-après le « premier projet ») ;

— « [a]pprovisionnement en eau et réseaux d’assainissement dans le bassin hydrographique du Duero – 2001 » (CCI 2000.ES.16.C.PE.070) (ci‑après le « deuxième projet ») ;

— « [g]estion de déchets solides dans la Communauté autonome de Valence – 2001 – Groupe II » (CCI 2001.ES.16.C.PE.026) (ci‑après le « troisième projet »), et

— « [s]ystème d’assainissement et traitement des eaux usées du Bierzo Bajo » (CCI 2000.ES.16.C.PE.036) (ci-après le « quatrième projet »).

23 Après avoir reçu de la part des autorités espagnoles une déclaration relative à la clôture de chacun de ces projets, la Commission leur a adressé, par courriers des 9 mars 2009 ainsi que 26 mars, 12 mai et 30 juin 2010, des propositions de clôture incluant dans chaque cas une correction financière motivée par l’existence d’irrégularités.

24 Les autorités espagnoles lui ayant fait part de leur désaccord avec ces propositions de clôture et lui ayant transmis des informations additionnelles à ce sujet, la Commission les a invitées à une audition qui s’est tenue les 22 et 23 novembre 2010.

25 Cette audition n’ayant pas permis aux parties de parvenir à un accord sur l’ensemble des questions évoquées, les autorités espagnoles ont transmis de nouvelles informations à la Commission par courriers des 23 décembre 2010 et 25 mars 2011.

26 Le 22 décembre 2011, la Commission a adopté la décision litigieuse.

27 Dans cette décision, la Commission indique, à titre introductif, avoir décelé l’existence d’irrégularités au regard de la réglementation de l’Union et de la réglementation nationale en matière de marchés publics, d’une part, ainsi que de la réglementation relative à l’éligibilité des dépenses dans le cadre des actions cofinancées par le Fonds de cohésion, d’autre part.

28 La Commission présente ensuite les irrégularités identifiées. Celles-ci ont trait :

— dans le cas des contrats relevant du premier projet, au fait d’avoir recouru à des critères d’adjudication incompatibles avec une disposition du droit interne espagnol relative à la passation des marchés publics ;

— dans le cas des contrats relevant du deuxième projet, au fait d’avoir certifié une dépense au titre de la taxe à la valeur ajoutée, alors que cette dépense était récupérable et, par voie de conséquence, non éligible en vertu de l’article 11 du règlement (CE) no 16/2003 de la Commission, du 6 janvier 2003, portant modalités particulières d’exécution du règlement no 1164/94 en ce qui concerne l’éligibilité des dépenses dans le cadre des actions cofinancées par le Fonds de cohésion (JO 2003, L 2,
p. 7) ;

— dans le cas des contrats relevant du troisième projet, au fait d’avoir recouru à la procédure négociée sans publicité en violation, d’une part, de l’article 7, paragraphe 3, sous d), de la directive 93/37/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (JO 1993, L 199, p. 54), et, d’autre part, de l’article 11, paragraphe 3, sous e), de la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de
passation des marchés publics de services (JO 1992, L 209, p. 1), et

— dans le cas des contrats relevant du quatrième projet, au fait d’avoir recouru à la procédure négociée sans publicité en violation, d’une part, de l’article 7, paragraphe 3, sous d), de la directive 93/37 et, d’autre part, de l’article 11, paragraphe 3, sous e), de la directive 92/50.

29 Compte tenu de ces irrégularités, la décision litigieuse a réduit les aides financières accordées au titre du Fonds de cohésion dans les proportions suivantes :

— 209049,71 euros pour le premier projet ;

— 218882,98 euros pour le deuxième projet ;

— 7757675,20 euros pour le troisième projet, et

— 1005053,93 euros pour le quatrième projet.

III – Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

30 Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 7 mars 2012, le Royaume d’Espagne a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

31 À l’appui de ce recours, il a soulevé quatre moyens, tirés, respectivement, de la violation de l’article 18, paragraphe 3, du règlement no 1386/2002, de la violation de l’article H de l’annexe II du règlement no 1164/94 modifié, de la méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime ainsi que d’un défaut de motivation entachant l’application du principe de proportionnalité énoncé par l’article H de l’annexe II du règlement no 1164/94 modifié.

32 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a annulé la décision litigieuse.

33 À cet égard, le Tribunal a rappelé, en premier lieu, au point 22 de l’arrêt attaqué, que la Cour a déjà jugé qu’il découlait d’une interprétation systématique de la réglementation pertinente que l’adoption, par la Commission, d’une décision de correction financière au titre du Fonds de cohésion était subordonnée, à compter de l’année 2000, au respect d’un certain délai, dont la durée variait en fonction des dispositions applicables (voir, en ce sens, arrêts du 4 septembre 2014,
Espagne/Commission, C‑192/13 P, EU:C:2014:2156, points 76, 82, 83, 93 et 94, ainsi que du 4 septembre 2014, Espagne/Commission, C‑197/13 P, EU:C:2014:2157, points 76, 82, 83, 93 et 94).

34 Le Tribunal a poursuivi, aux points 23 à 25 de l’arrêt attaqué, que, ainsi, en application des dispositions combinées de l’article H, paragraphe 2, de l’annexe II du règlement no 1164/94 modifié et de l’article 18, paragraphe 3, du règlement no 1386/2002, le délai au terme duquel la Commission doit adopter une décision de correction financière était de trois mois à compter de la date de l’audition (arrêts du 4 septembre 2014, Espagne/Commission, C‑192/13 P, EU:C:2014:2156, point 95, et du
4 septembre 2014, Espagne/Commission, C‑197/13 P, EU:C:2014:2157, point 95). Il a considéré que, conformément à l’article 100, paragraphe 5, du règlement no 1083/2006, la Commission statue sur la correction financière dans les six mois suivant la date de l’audition et, s’il n’y a pas eu d’audition, la période de six mois débute deux mois après la date de l’envoi, à l’État membre concerné, de la lettre d’invitation à l’audition par la Commission (arrêts du 4 septembre 2014, Espagne/Commission,
C‑192/13 P, EU:C:2014:2156, point 96, et du 4 septembre 2014, Espagne/Commission, C‑197/13 P, EU:C:2014:2157, point 96). Il a également rappelé que, en vertu de l’article 145, paragraphe 6, du règlement no 1303/2013, la Commission statue dans les six mois suivant la date de l’audition ou la date de réception des informations complémentaires, lorsque l’État membre accepte de fournir ces informations à la suite de l’audition, étant entendu que, en l’absence d’audition, la période de six mois débute
deux mois après la date de l’envoi, à l’État membre concerné, de la lettre d’invitation à l’audition par la Commission (arrêts du 4 septembre 2014, Espagne/Commission, C‑192/13 P, EU:C:2014:2156, point 97, et du 4 septembre 2014, Espagne/Commission, C‑197/13 P, EU:C:2014:2157, point 97).

35 Dans ce contexte, le Tribunal a précisé, aux points 26 et 27 de l’arrêt attaqué, que, si le règlement no 1265/1999, qui a modifié le règlement no 1164/94, est entré en vigueur le 1er janvier 2000, il résulte cependant de l’article 108, second alinéa, du règlement no 1083/2006 que l’article 100 de celui-ci est devenu applicable à partir du 1er janvier 2007, y compris aux programmes antérieurs à la période 2007-2013. Il a relevé que cela est d’ailleurs conforme au principe selon lequel les règles
de procédure trouvent à s’appliquer immédiatement après leur entrée en vigueur (arrêts du 4 septembre 2014,Espagne/Commission, C‑192/13 P, EU:C:2014:2156, point 98, et du 4 septembre 2014, Espagne/Commission, C‑197/13 P, EU:C:2014:2157, point 98). Le Tribunal a ajouté que, quant à l’article 145 du règlement no 1303/2013, il s’applique, aux termes de l’article 154, deuxième alinéa, de celui-ci, avec effet au 1er janvier 2014 (arrêts du 4 septembre 2014, Espagne/Commission, C‑192/13 P,
EU:C:2014:2156, point 99, et du 4 septembre 2014, Espagne/Commission, C‑197/13 P, EU:C:2014:2157, point 99).

36 Le Tribunal a rappelé, en second lieu, au point 28 de l’arrêt attaqué, que la Cour a jugé que le non-respect de ces délais par la Commission constituait une violation des formes substantielles devant être relevée d’office par le juge de l’Union (voir arrêts du 4 septembre 2014, Espagne/Commission, C‑192/13 P, EU:C:2014:2156, point 103 et jurisprudence citée, ainsi que du 4 septembre 2014, Espagne/Commission, C‑197/13 P, EU:C:2014:2157, point 103 et jurisprudence citée).

37 Au point 29 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que, en l’espèce, l’audition s’est tenue les 22 et 23 novembre 2010 et la Commission a adopté la décision litigieuse le 22 décembre 2011, de telle sorte que cette institution n’a pas respecté le délai de six mois imparti par l’article 100, paragraphe 5, du règlement no 1083/2006.

38 Le Tribunal a ajouté, aux points 30 et 31 de l’arrêt attaqué, que la conclusion qui précède n’est pas remise en cause par les observations présentées par la Commission en réponse à une question qu’il lui a posée, relative aux conséquences à tirer, dans le cadre de la présente affaire, des arrêts de la Cour du 4 septembre 2014, Espagne/Commission (C‑192/13 P, EU:C:2014:2156), et du 4 septembre 2014, Espagne/Commission (C‑197/13 P, EU:C:2014:2157), rendus au cours de la procédure devant le
Tribunal. Dans lesdites observations, la Commission avait fait valoir que ces arrêts de la Cour « énoncent le principe général de l’existence d’un délai qui court à partir du jour où l’audition a lieu, sans toutefois examiner la ratio et le but poursuivi par la disposition qui fixe le dies a quo au moment de la célébration de l’audition, ni l’hypothèse d’une possible interruption du délai ». Elle a soutenu à cet égard que le raisonnement de la Cour, rappelé par le Tribunal aux points 22 à 27 de
l’arrêt attaqué, ne trouve à s’appliquer que dans l’hypothèse « normale » où la position de l’État membre concerné est définitivement arrêtée à la date de l’audition organisée par la Commission, hypothèse dans laquelle la Commission dispose donc de l’ensemble des arguments et des éléments de fait que l’État membre concerné avance pour soutenir sa position et dans laquelle elle est, dès lors, en mesure de se prononcer. Il serait cependant fréquent que la Commission accepte de poursuivre le
dialogue au-delà de l’audition, à la demande et dans l’intérêt de l’État membre concerné et, en pareil cas, il conviendrait de considérer que la poursuite du dialogue entre les parties interrompt le délai imparti à la Commission pour adopter sa décision et que ce dernier ne commence à courir qu’une fois ledit dialogue achevé.

39 Le Tribunal a rejeté cette argumentation pour les motifs suivants, figurant aux points 32 à 36 de l’arrêt attaqué.

40 Premièrement, la Commission admettrait elle-même l’applicabilité ratione temporis de l’article 100, paragraphe 5, du règlement no 1083/2006 au cas d’espèce.

41 Deuxièmement, et ainsi que cela résulte des arrêts du 4 septembre 2014, Espagne/Commission (C‑192/13 P, EU:C:2014:2156), et du 4 septembre 2014, Espagne/Commission (C‑197/13 P, EU:C:2014:2157), cette disposition lui imposerait, de manière générale, d’adopter une décision de correction financière dans un délai de six mois à compter de l’audition organisée avec l’État membre concerné. Elle ne prévoirait qu’une seule exception à cette règle, qui serait celle dans laquelle il n’y a pas eu d’audition.
En revanche, elle n’envisagerait pas de dérogation applicable dans le cas où la Commission et l’État membre concerné souhaiteraient poursuivre leur dialogue au-delà de l’audition. Elle différerait ainsi de l’article 145, paragraphe 6, du règlement no 1303/2013, qui réserve expressément l’hypothèse envisagée par la Commission, mais qui n’est applicable que depuis le 1er janvier 2014.

42 Troisièmement, il résulterait clairement de l’interprétation systématique des dispositions en cause retenue par la Cour que, bien que le délai imparti à la Commission pour se prononcer ait été modifié à plusieurs reprises par la réglementation applicable, le législateur de l’Union a, à chaque fois, entendu lui imposer un délai précis, en considérant qu’il était dans l’intérêt tant de l’Union que de ses États membres que le terme de la procédure de correction financière soit prévisible, ce qui
supposerait d’enfermer la fixation d’une décision finale dans un délai préétabli, tout en laissant suffisamment de temps à la Commission pour adopter cette dernière (voir, en ce sens, arrêts du 4 septembre 2014, Espagne/Commission, C‑192/13 P, EU:C:2014:2156, points 84 à 86 et 88, ainsi que du 4 septembre 2014, Espagne/Commission, C‑197/13 P, EU:C:2014:2157, points 84 à 86 et 88).

43 Il se déduirait de ces considérations que, même si la Commission et l’État membre concerné conviennent de poursuivre leur dialogue au-delà de l’audition, une décision finale de correction financière devrait intervenir dans un délai de six mois à compter de celle-ci dans tous les cas où l’article 100, paragraphe 5, du règlement no 1083/2006 est applicable ratione temporis, à la différence de ceux relevant de l’article 145, paragraphe 6, du règlement no 1303/2013.

44 Quatrièmement, il ressortirait des arrêts du 4 septembre 2014, Espagne/Commission (C‑192/13 P, EU:C:2014:2156, points 10 à 12), et du 4 septembre 2014, Espagne/Commission (C‑197/13 P, EU:C:2014:2157, points 10 à 12), que le dialogue entre les parties s’était poursuivi au-delà de l’audition dans les deux affaires en cause et que la Commission avait adopté la décision attaquée dans ces affaires moins de six mois après la fin de ce dialogue dans l’une d’entre elles, éléments dont la Cour aurait à
l’évidence tenu compte si elle avait entendu limiter la portée de l’interprétation retenue dans ces arrêts.

45 Au point 37 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que, au regard de l’ensemble des développements qui précèdent, la décision litigieuse n’avait pas été valablement adoptée et devait, partant, être annulée.

IV – Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

46 La Commission demande à la Cour :

— d’annuler l’arrêt attaqué ;

— de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue, et

— de condamner le Royaume d’Espagne aux dépens.

47 Le Royaume d’Espagne demande à la Cour :

— de rejeter le pourvoi et

— de condamner la Commission aux dépens.

48 Par décision du président de la dixième chambre en date du 27 janvier 2016, le Royaume des Pays-Bas a été admis à intervenir au soutien des conclusions du Royaume d’Espagne.

V – Sur le pourvoi

49 À l’appui de son pourvoi, la Commission soulève deux moyens, tirés de l’erreur de droit commise par le Tribunal en ce qui concerne, à titre principal, la fixation d’un délai pour l’adoption de la décision de correction financière et, à titre subsidiaire, la détermination de la nature de ce délai ainsi que des effets découlant du non-respect de celui-ci.

A – Sur le premier moyen

1. Argumentation des parties

50 Par son premier moyen, la Commission considère que le Tribunal a erronément jugé que cette institution est tenue d’adopter la décision de correction financière dans un certain délai dont la durée est déterminée par la réglementation en vigueur à la date à laquelle a eu lieu l’audition entre la Commission et l’État membre concerné.

51 Ce moyen se subdivise en deux branches, la Commission soutenant que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que l’article 100 du règlement no 1083/2006 était applicable dans la présente affaire en ce qui concerne la procédure à suivre – et plus particulièrement le délai à respecter – pour statuer sur une correction financière, alors que, premièrement, la disposition applicable en l’espèce aurait été l’article H, paragraphe 2, de l’annexe II du règlement no 1164/94 modifié et que,
deuxièmement, la réglementation pertinente de l’Union ne prévoirait aucun délai pour l’adoption d’une décision de correction financière par la Commission.

52 Par la première branche de son premier moyen, la Commission reproche au Tribunal d’avoir mal interprété et appliqué les dispositions transitoires des différents règlements en cause. Ainsi, d’une part, le Tribunal aurait méconnu la portée de l’article 105, paragraphe 1, du règlement no 1083/2006, disposition dont il ressortirait que les projets cofinancés dans le cadre d’un régime antérieur à l’adoption d’un nouveau règlement de base en 2006 restent intégralement soumis audit régime jusqu’à leur
clôture, qu’il s’agisse de leur poursuite ou de leur modification, y compris de leur suppression totale ou partielle. D’autre part, le Tribunal aurait effectué une interprétation erronée de l’article 108, second alinéa, du règlement no 1083/2006.

53 Selon la Commission, l’article 105 du règlement no 1083/2006, sous l’intitulé « Dispositions transitoires », prévoit la succession dans le temps des actes législatifs relatifs au Fonds de cohésion. Il résulterait de l’article 108 de ce règlement, relatif à l’entrée en vigueur de ce dernier, que seuls les projets cofinancés approuvés conformément aux nouvelles règles applicables pendant la période 2007-2013 relèvent dudit règlement. L’objectif de cet article 108 serait de reporter l’application de
certaines dispositions du nouveau règlement de base à une date ultérieure, à savoir le 1er janvier 2007, à leur entrée en vigueur fixée au 1er août 2006, pour les programmes de la période 2007-2013. Ainsi, les dispositions du règlement no 1083/2006 qui seraient applicables à partir de l’entrée en vigueur de ce règlement concerneraient essentiellement la programmation, tandis que celles qui ne peuvent être appliquées qu’à compter du 1er janvier 2007 viseraient principalement la gestion financière
et budgétaire.

54 Ces dispositions transitoires spécifiques s’expliqueraient par le fait que les actes de base relatifs au Fonds de cohésion se réfèrent de façon différenciée aux périodes de programmation successives (2000-2006, 2007-2013, 2014-2020), lesquelles sont rattachées aux cadres financiers de l’Union. Aussi, ces actes de base comporteraient-ils des règles de fond et de procédure concernant la programmation, l’exécution et le contrôle des contributions financières versées par l’Union dans le cadre de la
politique de cohésion et ces règles formeraient, pour chaque période de programmation, un ensemble normatif indissociable.

55 Dans ces conditions, ce serait à tort que le Tribunal a jugé, au point 26 de l’arrêt attaqué, que, en vertu de l’article 108, second alinéa, du règlement no 1083/2006, l’article 100 de celui-ci est « applicable à partir du 1er janvier 2007, y compris aux programmes antérieurs à la période 2007-2013 ». En effet, conformément à l’article 105 du règlement no 1083/2006, la disposition procédurale applicable ratione temporis à la correction d’un projet approuvé, comme en l’occurrence, dans le cadre de
la période de programmation 2000-2006 serait non pas l’article 100, paragraphe 5, dudit règlement, mais l’article H, paragraphe 2, de l’annexe II du règlement no 1164/94 modifié.

56 Par la seconde branche de son premier moyen, la Commission souligne que le libellé de l’article 100 du règlement no 1083/2006 diffère de celui de l’article H de l’annexe II du règlement no 1164/94 modifié.

57 Ainsi, aux termes du paragraphe 5 de cet article 100, à défaut d’accord entre la Commission et l’État membre, « la Commission statue sur la correction financière dans les six mois suivant la date de l’audition ».

58 En revanche, conformément à l’article H, paragraphe 2, de l’annexe II du règlement no 1164/94 modifié dans sa version en langue espagnole, « [à] l’expiration d’un délai fixé par la Commission, [...], en l’absence d’accord dans un délai de trois mois, la Commission décide ».

59 Cette dernière disposition ne prévoirait donc aucun délai dans lequel la Commission doit prendre sa décision, mais fixerait uniquement un délai dans lequel la Commission et l’État membre concerné doivent s’efforcer de parvenir à un accord. L’inexistence d’un délai aux fins de l’adoption d’une décision finale de correction financière serait corroborée par plusieurs décisions de la Cour en ce qui concerne le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA).

60 Par conséquent, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en considérant, au point 22 de l’arrêt attaqué, que la Commission était tenue d’adopter la décision de correction financière dans un délai déterminé.

61 Le Royaume d’Espagne est d’avis que la seconde branche du premier moyen est irrecevable, étant donné que la Commission n’exposerait aucun argument juridique de nature à établir que les points 22 à 27 de l’arrêt attaqué comporteraient une erreur de droit, mais se bornerait à alléguer qu’elle n’était pas tenue d’adopter la décision litigieuse dans un certain délai.

62 Selon cet État membre, ladite branche serait en tout état de cause non fondée.

63 Quant à la première branche de ce moyen, elle serait inopérante, puisque le dispositif de l’arrêt attaqué serait justifié à suffisance de droit, peu importe que le délai applicable en l’espèce était celui de trois mois prévu à l’article H, paragraphe 2, de l’annexe II du règlement no 1164/94 modifié ou celui de six mois au titre de l’article 100, paragraphe 5, du règlement no 1083/2006. Ladite branche serait également mal fondée.

2. Appréciation de la Cour

64 Il convient d’examiner, en premier lieu, la seconde branche du premier moyen relative à l’erreur de droit qu’aurait commise le Tribunal en jugeant que, à compter de l’année 2000, la Commission est tenue de se conformer à un certain délai lorsqu’elle adopte une décision de correction financière en matière de Fonds structurels. L’examen de la première branche de ce moyen, relative à la prétendue violation du droit de l’Union par le Tribunal en ce qui concerne les modalités d’application dudit
délai, sera effectué, le cas échéant, en second lieu.

a) Sur la seconde branche du premier moyen

i) Sur la recevabilité

65 S’agissant de la recevabilité de la seconde branche du premier moyen, il y a lieu d’écarter la fin de non-recevoir soulevée à cet égard par le Royaume d’Espagne.

66 Certes, il est de jurisprudence constante qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (voir, notamment, arrêts du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, EU:C:2000:361, point 34 ; du 6 mars 2003, Interporc/Commission, C‑41/00 P, EU:C:2003:125, point 15, ainsi que du 12 septembre 2006, Reynolds Tobacco e.a./Commission,
C‑131/03 P, EU:C:2006:541, point 49).

67 Cependant, en l’occurrence, la Commission ne se limite pas à répéter ou à reproduire textuellement les moyens et les arguments qu’elle avait présentés devant le Tribunal, mais conteste devant la Cour l’interprétation ou l’application du droit de l’Union faite par le Tribunal dans l’arrêt attaqué.

68 En effet, à l’appui de la seconde branche du premier moyen de son pourvoi, la Commission soutient, en substance, que le Tribunal a méconnu le droit de l’Union en considérant que celui-ci prévoit un délai que cette institution est tenue de respecter lorsqu’elle procède à une correction financière et indique, dans sa requête en pourvoi, les arguments juridiques sur lesquels elle s’appuie à cet égard.

69 Il s’ensuit que la seconde branche du premier moyen de la Commission est recevable.

ii) Sur le fond

70 S’agissant du bien-fondé du premier moyen, pris en sa seconde branche, il y a lieu de rappeler que la Cour a itérativement jugé que, si la réglementation de l’Union en vigueur jusqu’à la fin de l’année 1999 ne fixe pas de délai pour l’adoption d’une décision de correction financière par la Commission, en revanche un tel délai légal est prévu par la réglementation de l’Union applicable à compter de l’année 2000 (voir arrêts du 4 septembre 2014, Espagne/Commission, C‑192/13 P, EU:C:2014:2156,
points 75 à 82 ; du 4 septembre 2014, Espagne/Commission, C‑197/13 P, EU:C:2014:2157, points 75 à 82 ; du 22 octobre 2014, Espagne/Commission, C‑429/13 P, EU:C:2014:2310, point 29 ; du 4 décembre 2014, Espagne/Commission, C‑513/13 P, non publié, EU:C:2014:2412, point 36 ; du 24 juin 2015, Allemagne/Commission, C‑549/12 P et C‑54/13 P, EU:C:2015:412, point 81, ainsi que du 24 juin 2015, Espagne/Commission, C‑263/13 P, EU:C:2015:415, point 50).

71 Dans ses arrêts du 24 juin 2015, Allemagne/Commission (C‑549/12 P et C‑54/13 P, EU:C:2015:412, point 96), et du 24 juin 2015, Espagne/Commission (C‑263/13 P, EU:C:2015:415, point 60), la Cour a d’ailleurs qualifié ladite jurisprudence d’« établie ».

72 Partant, en jugeant, au point 22 de l’arrêt attaqué, que l’adoption, par la Commission, d’une décision de correction financière au titre du Fonds de cohésion était subordonnée, à compter de l’année 2000, au respect d’un certain délai, le Tribunal, loin de commettre une erreur de droit, n’a fait qu’une juste application de la jurisprudence de la Cour en la matière.

73 Il importe de préciser dans ce contexte que les arguments avancés par la Commission aux fins de remettre en cause cette jurisprudence ne sauraient être accueillis.

74 En premier lieu, est dépourvue de pertinence aux fins de l’appréciation de la régularité formelle d’une décision telle que celle en cause en l’espèce la thèse de la Commission selon laquelle le constat que, à partir de l’année 2000, l’adoption d’une décision de correction financière en matière de Fonds structurels est soumise au respect d’un délai légal par ladite institution serait contredit par plusieurs décisions de la Cour. Il découlerait ainsi de ces décisions que la Cour a rejeté l’argument
tiré par différents États membres du fait que, lors de l’adoption de la décision contestée par ceux-ci, la Commission avait dépassé le délai prévu à cet effet.

75 En effet, d’une part, les arrêts du 27 janvier 1988Danemark/Commission (349/85, EU:C:1988:34, point 19), du 6 octobre 1993, Italie/Commission (C‑55/91, EU:C:1993:832, point 69), du 4 juillet 1996, Grèce/Commission (C‑50/94, EU:C:1996:266, point 6), et du 22 avril 1999, Pays-Bas/Commission (C‑28/94, EU:C:1999:191, point 51), invoqués à cet égard par la Commission, ont trait à la réglementation de l’Union en matière de FEOGA qui ne comportait alors aucune disposition qui puisse être considérée
comme comparable aux règles du droit de l’Union qui ont amené la Cour à opérer le constat énoncé au point précédent.

76 Au surplus, la réglementation en matière de FEOGA pertinente dans les affaires visées par la Commission était applicable bien avant l’année 2000, de sorte que les arrêts de la Cour rendus dans ces affaires ne sont d’aucune incidence sur la jurisprudence que la Commission entend remettre en cause dans le présent pourvoi.

77 D’autre part, s’agissant de l’ordonnance du 22 janvier 2010, Grèce/Commission (C‑43/09 P, non publiée, EU:C:2010:36), également invoquée par la Commission, il suffit de relever que ni le règlement no 1386/2002 ni le règlement no 1083/2006 ne trouvaient à s’appliquer ratione temporis dans l’affaire ayant fait l’objet de ladite ordonnance.

78 En deuxième lieu, il convient de constater que la thèse de la Commission est fondée sur le libellé de l’article H, paragraphe 2, de l’annexe II du règlement no 1164/94 modifié dans sa version en langue espagnole, selon laquelle le délai de trois mois qui y est prévu se rattache à l’absence d’accord entre les parties.

79 Or, ainsi que la Cour l’a souligné aux points 52 et 53 des arrêts du 4 septembre 2014, Espagne/Commission (C‑192/13 P, EU:C:2014:2156), et du 4 septembre 2014, Espagne/Commission (C‑197/13 P, EU:C:2014:2157), le sens de ladite disposition diverge en fonction des versions linguistiques de cette dernière, puisqu’il ressort de la version en langue française de celle-ci que le délai de trois mois qu’elle prévoit se rapporte à l’adoption de la décision de correction financière.

80 La Cour en a déduit, au point 55 de ces arrêts, que, aux fins d’assurer une interprétation et une application uniformes d’un même texte dont les versions linguistiques diffèrent, la disposition en cause doit être interprétée en fonction non pas d’une version linguistique déterminée, mais du contexte et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément.

81 Aussi, est-ce au terme d’une analyse systématique de la réglementation pertinente de l’Union que la Cour a interprété celle-ci en ce sens que, à partir de l’année 2000, la Commission est tenue de respecter un délai légal pour adopter une décision de correction financière (voir arrêts du 4 septembre 2014, Espagne/Commission, C‑192/13 P, EU:C:2014:2156, points 56 à 82, et du 4 septembre 2014, Espagne/Commission, C‑197/13 P, EU:C:2014:2157, points 56 à 82).

82 En troisième lieu, la thèse défendue par la Commission s’avère contradictoire.

83 En effet, cette institution a elle-même, à plusieurs reprises dans le passé, préconisé une approche diamétralement opposée par rapport à celle qu’elle défend dans le cadre du présent pourvoi.

84 Ainsi que la Cour a déjà eu l’occasion de le relever dans ses arrêts du 4 septembre 2014, Espagne/Commission (C‑192/13 P, EU:C:2014:2156, point 81), et du 4 septembre 2014, Espagne/Commission (C‑197/13 P, EU:C:2014:2157, point 81), l’article 18 du règlement no 1386/2002, conformément auquel la Commission a fixé les modalités d’application du règlement no 1164/94 modifié, ne peut être compris que comme confirmant l’existence d’un délai légal aux fins de l’adoption d’une décision de correction
financière.

85 En outre, comme la Cour l’a indiqué au point 83 de ces arrêts, une interprétation identique résulte du libellé utilisé par la Commission elle‑même dans sa communication (2011) C 332/01 au Parlement européen, au Conseil et à la Cour des comptes relative aux comptes annuels de l’Union européenne – Exercice 2010 (JO 2011, C332, p. 1), qui indique, à la page 63, concernant la mise en œuvre des corrections financières au titre de la politique de cohésion, que, lorsque l’État membre n’est pas d’accord
avec la correction requise ou proposée par la Commission, à la suite d’une procédure contradictoire formelle avec l’État membre qui comprend la suspension de paiements en faveur du programme, « la Commission dispose de trois mois à compter de la date d’une audition formelle avec l’État membre (six mois pour les programmes 2007-2013) pour adopter une décision de correction financière formelle et elle émet un ordre de recouvrement afin d’obtenir un remboursement de la part de l’État membre ».

86 Au regard des considérations qui précèdent, le premier moyen, pris en sa seconde branche, doit être rejeté comme étant dépourvu de fondement.

b) Sur la première branche du premier moyen

87 Pour ce qui est de la première branche du premier moyen, elle concerne en substance le point de savoir si, ainsi que l’affirme la Commission, l’article H, paragraphe 2, de l’annexe II du règlement no 1164/94 modifié, en vigueur de l’année 2000 à l’année 2006, régit la procédure applicable ratione temporis à la décision litigieuse, si bien que le Tribunal aurait, à tort, fait application de l’article 100 du règlement no 1083/2006 qui a remplacé le règlement no 1164/94 modifié.

88 À cet égard, l’argumentation avancée par la Commission au soutien de son pourvoi n’est pas fondée.

89 Il y a lieu de rappeler que la Cour a jugé à plusieurs reprises qu’il résulte de l’article 108 du règlement no 1083/2006 que l’article 100 de celui-ci est applicable à partir du 1er janvier 2007, y compris aux programmes approuvés avant cette date, mais encore en cours (voir arrêts du 4 septembre 2014, Espagne/Commission, C‑192/13 P, EU:C:2014:2156, point 98 ; du 4 septembre 2014, Espagne/Commission, C‑197/13 P, EU:C:2014:2157, point 98 ; du 22 octobre 2014, Espagne/Commission, C‑429/13 P,
EU:C:2014:2310, point 31 ; du 4 décembre 2014, Espagne/Commission, C‑513/13 P, non publié, EU:C:2014:2412, point 45 ; du 24 juin 2015, Allemagne/Commission, C‑549/12 P et C‑54/13 P, EU:C:2015:412, point 84, ainsi que du 24 juin 2015, Espagne/Commission, C‑263/13 P, EU:C:2015:415, point 53).

90 Il convient de préciser dans ce contexte que le libellé de l’article 108, second alinéa, dudit règlement ne laisse place à aucun doute quant à son sens et à sa portée. Ainsi, conformément à sa première phrase, les dispositions qui y sont énumérées sont applicables à compter du 1er août 2006« uniquement pour les programmes de la période 2007-2013 ». En revanche, aux termes de sa seconde phrase, « les autres dispositions sont applicables à partir du 1er janvier 2007 », sans autre précision et,
partant, de façon générale.

91 Or, parmi les « autres dispositions », au sens de la seconde phrase de l’article 108, second alinéa, du règlement no 1083/2006, figure l’article 100 de ce règlement, qui trouve ainsi à s’appliquer en tant que tel à compter du 1er janvier 2007.

92 Une telle application dudit article 100, intitulé « Procédure », se justifie d’autant plus qu’elle est conforme au principe selon lequel les règles de procédure sont immédiatement applicables (voir, notamment, arrêts du 4 septembre 2014, Espagne/Commission, C‑192/13 P, EU:C:2014:2156, point 98, et du 4 septembre 2014, Espagne/Commission, C‑197/13 P, EU:C:2014:2157, point 98).

93 D’ailleurs, en l’espèce, il ne ressort d’aucun élément du litige qu’une règle de droit nouvelle a été appliquée à une situation juridique née et définitivement acquise sous l’empire de la loi ancienne. Au contraire, la Commission n’a débuté la procédure de correction financière qu’à une date postérieure à l’entrée en vigueur du règlement no 1083/2006 et l’audition des parties s’est même tenue près de trois années et demie après la date d’applicabilité de l’article 100 dudit règlement.

94 Pour autant que la Commission tire argument de l’article 105, paragraphe 1, du règlement no 1083/2006, il convient de souligner que cette disposition a pour objet de fixer le régime transitoire pour les Fonds structurels qui ont été approuvés sur la base d’une réglementation de l’Union en vigueur jusqu’au 31 décembre 2006, mais qui se poursuivent au‑delà de cette date et dont la clôture se situe à une date ultérieure.

95 Ce faisant, le régime transitoire prévu porte sur les règles de fond applicables à cet égard, ainsi qu’il ressort d’ailleurs de l’utilisation des termes « intervention » et « projet » audit article 105, de même que du contenu des paragraphes 2 et 3 de celui-ci, et non pas sur des règles de nature procédurale, pour lesquelles doit valoir la règle de principe rappelée au point 92 du présent arrêt.

96 En conséquence, ladite disposition transitoire énoncée à l’article 105 du règlement no 1083/2006 ne trouve pas à s’appliquer au délai de procédure que la Commission est tenue de respecter lorsqu’elle adopte une décision de correction financière au titre de ce règlement.

97 Il convient encore d’ajouter que, d’un point de vue tant logique que pratique, il ne ferait aucun sens que l’article 100 du règlement no 1083/2006, qui impose à la Commission l’obligation d’adopter sa décision de correction financière dans les six mois suivant la date de l’audition, trouve à s’appliquer dès le 1er janvier 2007, mais uniquement pour les programmes de la campagne 2007‑2013, comme le prétend la Commission. En effet, pour cette campagne 2007-2013, la question de la correction
financière se pose non pas dès l’année 2007, mais seulement plusieurs années après, lors de la clôture des projets. L’application de cette prescription en matière de délai, telle qu’énoncée à l’article 100 dudit règlement, dès le début de l’année 2007 ne déploie donc son effet utile que pour autant que cette règle vise une campagne déjà en cours à cette date.

98 Dans ces conditions, c’est sans commettre de violation du droit de l’Union que le Tribunal a, au point 29 de l’arrêt attaqué, fait application de l’article 100, paragraphe 5, du règlement no 1083/2006.

99 En tout état de cause, même si, ainsi que le soutient la Commission, auraient été applicables en l’espèce non pas les dispositions de l’article 100, paragraphe 5, du règlement no 1083/2006, mais celles de l’article H, paragraphe 2, de l’annexe II du règlement no 1164/94 modifié, lu en combinaison avec l’article 18, paragraphe 3, du règlement no 1386/2002, il est néanmoins manifeste que ladite institution ne s’est pas davantage conformée aux exigences en matière de délai énoncées aux deux
dernières de ces dispositions lorsqu’elle a adopté la décision litigieuse.

100 En effet, il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’article H, paragraphe 2, de l’annexe II du règlement no 1164/94 modifié, lu en combinaison avec l’article 18, paragraphe 3, du règlement no 1386/2002, prévoit que, pour adopter une décision de correction financière, la Commission est tenue de respecter un délai de trois mois à compter de la date de l’audition (voir arrêts du 4 septembre 2014, Espagne/CommissionC‑192/13 P, EU:C:2014:2156, points 95 et 102, ainsi que du 4 septembre 2014,
Espagne/Commission, C‑197/13 P, EU:C:2014:2157, points 95 et 102).

101 La première branche du premier moyen doit, dès lors, également être rejetée et, partant, le premier moyen est non fondé dans son intégralité.

B – Sur le second moyen

1. Argumentation des parties

102 Par son second moyen, la Commission fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que le délai imposé à cette institution pour adopter la décision de correction financière est impératif et que son non-respect constitue une violation des formes substantielles entraînant l’invalidité d’une décision adoptée en dehors de ce délai.

103 La Commission précise qu’elle ne soulève ce moyen qu’à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la Cour soit rejette son moyen principal, au motif que cette institution doit adopter la décision litigieuse dans le délai fixé à l’article 100, paragraphe 5, du règlement no 1083/2006, soit partage l’interprétation de la Commission, selon laquelle ce règlement n’est pas applicable ratione temporis, mais juge néanmoins que l’article H, paragraphe 2, de l’annexe II du règlement no 1164/94 modifié impose
un délai aux fins de la prise de décision.

104 Dans chacun de ces deux cas de figure, la Commission conteste la motivation de l’arrêt attaqué en ce qui concerne la nature du délai imparti à ladite institution aux fins de l’adoption d’une décision de correction financière.

105 Selon la Commission, les points 28, 30, 31 ainsi que 33 à 36 de l’arrêt attaqué s’écartent de la jurisprudence « traditionnelle » de la Cour que le Tribunal avait précédemment suivie. À cet égard, la Commission fait référence à plusieurs arrêts de la Cour rendus en matière de FEOGA, dont il résulterait qu’il n’existe aucun délai impératif pour l’adoption de décisions de correction financière. Une telle approche serait en cohérence avec la finalité essentielle d’une décision de correction
financière qui consiste à sauvegarder les intérêts financiers de l’Union, la Commission étant tenue de garantir que les dépenses effectuées dans ce contexte sont conformes au droit de l’Union.

106 Le fait qu’aucune sanction n’ait été prévue en cas de non-respect de ce délai devrait être interprété en ce sens que celui-ci est non pas obligatoire, mais simplement indicatif.

107 Partant, le non-respect du délai n’affecterait pas la légalité de la décision de la Commission, sauf si l’État membre démontre que le retard avec lequel cette décision a été prise a porté atteinte à ses intérêts. Or, en règle générale, le retard serait dû à la nécessité de poursuivre le dialogue avec l’État membre concerné et à la communication, par ce dernier, de nouvelles informations après que l’audition a eu lieu, de sorte que les intérêts de l’État membre seraient dûment pris en compte. En
l’espèce, le Royaume d’Espagne n’aurait pas établi en quoi la méconnaissance du délai lui aurait causé préjudice et, en toute hypothèse, le dépassement du délai ne saurait être considéré comme étant déraisonnable.

108 La Commission en conclut que le Tribunal a commis une erreur de droit en annulant la décision litigieuse, au motif que la Commission l’avait adoptée hors délai.

109 Le Royaume d’Espagne rétorque que le second moyen soulevé par la Commission doit être rejeté comme étant non fondé.

2. Appréciation de la Cour

110 Aux fins de statuer sur le bien-fondé de ce moyen, qualifié de subsidiaire par la Commission, il convient de relever que, pour des motifs identiques à ceux figurant aux points 74 à 76 du présent arrêt, l’argumentation que cette institution entend tirer des arrêts du 27 janvier 1988, Danemark/Commission (349/85, EU:C:1988:34, point 19), du 6 octobre 1993, Italie/Commission (C‑55/91, EU:C:1993:832, point 69), du 4 juillet 1996, Grèce/Commission (C‑50/94, EU:C:1996:266, point 6), et du 22 avril
1999, Pays-Bas/Commission (C‑28/94, EU:C:1999:191, point 51), est dépourvue de pertinence.

111 Pour le surplus, il y a lieu de constater que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a fait application des principes à la base de la jurisprudence de la Cour telle qu’elle résulte des arrêts du 4 septembre 2014, Espagne/Commission (C‑192/13 P, EU:C:2014:2156), et du 4 septembre 2014, Espagne/Commission (C‑197/13 P, EU:C:2014:2157).

112 Cette jurisprudence de la Cour repose non seulement sur une analyse du système et de la finalité de l’ensemble de la réglementation de l’Union en matière de Fonds structurels (points 56 à 84 de ces arrêts), mais aussi sur d’autres considérations telles que la gestion rationnelle et diligente des budgets tant de l’Union que des États membres ainsi que le respect des principes de bonne administration et de coopération loyale entre les institutions et les États membres (points 86 à 88 desdits
arrêts). La Cour a également pris soin de souligner que l’interprétation qu’elle y a consacrée n’est pas susceptible d’entraîner un inconvénient quelconque d’ordre pratique, puisqu’elle laisse à la Commission une période de temps suffisante pour valablement adopter sa décision (point 85 des mêmes arrêts).

113 S’agissant plus spécifiquement de la sanction du non-respect par la Commission du délai qui lui est imparti pour adopter une décision de correction financière, la Cour a jugé, au point 102 des arrêts du 4 septembre 2014, Espagne/Commission (C‑192/13 P, EU:C:2014:2156), et du 4 septembre 2014, Espagne/Commission (C‑197/13 P, EU:C:2014:2157), que, contrairement à ce que la Commission avait allégué, la circonstance que la réglementation pertinente de l’Union ne prévoit pas expressément que, en cas
de non-respect du délai imposé pour l’adoption d’une décision de correction financière, la Commission ne peut plus adopter une telle décision est dépourvue de pertinence, étant donné que l’énonciation d’un délai dans le cadre duquel doit être adoptée une décision de cette nature est en elle-même suffisante.

114 La Cour a poursuivi, au point 103 de ces arrêts, en soulignant que le non-respect des règles de procédure relatives à l’adoption d’un acte faisant grief constitue une violation des formes substantielles, qu’il appartient au juge de l’Union de soulever même d’office, et que le fait, pour la Commission, de ne pas avoir adopté la décision litigieuse dans le délai fixé par le législateur de l’Union constitue une violation des formes substantielles.

115 Cette jurisprudence a, depuis lors, été confirmée à plusieurs reprises par la Cour, ainsi que cela ressort notamment des arrêts du 22 octobre 2014, Espagne/Commission (C‑429/13 P, EU:C:2014:2310), du 4 décembre 2014, Espagne/Commission (C‑513/13 P, non publié, EU:C:2014:2412), du 24 juin 2015, Allemagne/Commission (C‑549/12 P et C‑54/13 P, EU:C:2015:412), ainsi que du 24 juin 2015, Espagne/Commission (C‑263/13 P, EU:C:2015:415).

116 Il importe de préciser dans ce contexte que le délai en cause en l’occurrence a été fixé de manière claire et précise par le législateur de l’Union et que, contrairement à ce qui a été prévu par le règlement no 1303/2013, le règlement no 1083/2006 ne tient pas compte à cet égard de la poursuite du dialogue entre les parties à la suite de l’audition.

117 Or, dans une Union de droit, il incombe aux juridictions de celle-ci de veiller au respect d’une telle règle à caractère général, le cas échéant en censurant même d’office toute violation de cette dernière. Les principes de légalité et de sécurité juridique s’opposent en effet à ce qu’un délai prévu par un règlement de l’Union aux fins de l’adoption d’un acte faisant grief soit regardé comme ne revêtant qu’un caractère purement indicatif, la méconnaissance d’un tel délai par l’auteur de l’acte
n’entachant pas la validité de ce dernier.

118 Dans ces conditions, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en se fondant sur la jurisprudence constante de la Cour en la matière pour annuler la décision litigieuse pour violation des formes substantielles, de sorte que le second moyen ne peut qu’être écarté.

119 Aucun des moyens de la Commission n’ayant pu être accueilli, il y a en conséquence lieu de rejeter le pourvoi dans son ensemble.

VI – Sur les dépens

120 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

121 L’article 138 de ce règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, dispose, à son paragraphe 1, que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

122 La Commission ayant succombé en ses moyens et le Royaume d’Espagne ayant conclu à sa condamnation, il y a lieu de la condamner aux dépens de la procédure.

123 L’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, prévoit que les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

124 En conséquence, le Royaume des Pays-Bas supportera ses propres dépens.

  Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) déclare et arrête :

  1) Le pourvoi est rejeté.

  2) La Commission européenne est condamnée aux dépens.

  3) Le Royaume des Pays-Bas supportera ses propres dépens.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l‘espagnol.


Synthèse
Formation : Dixième chambre
Numéro d'arrêt : C-140/15
Date de la décision : 21/09/2016
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi – Fonds de cohésion – Réduction du concours financier – Procédure d’adoption de la décision par la Commission européenne – Existence d’un délai – Non-respect du délai imparti – Conséquences.

Fonds de cohésion

Cohésion économique, sociale et territoriale

Déchets

Environnement


Parties
Demandeurs : Commission européenne
Défendeurs : Royaume d'Espagne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Wathelet
Rapporteur ?: Biltgen

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2016:708

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