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07/07/2016 | CJUE | N°C-476/14

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Citroën Commerce GmbH contre Zentralvereinigung des Kraffahrzeuggewerbes zur Aufrechterhaltung lauteren Wettbewerbs eV (ZLW)., 07/07/2016, C-476/14


ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

7 juillet 2016 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Directives 98/6/CE et 2005/29/CE — Protection des consommateurs — Publicité avec indication du prix — Notions d’“offre” et de “prix toutes taxes comprises” — Obligation d’inclure dans le prix de vente d’un véhicule automobile les coûts supplémentaires obligatoires liés au transfert de ce véhicule»

Dans l’affaire C‑476/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bu

ndesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), par décision du 18 septembre 2014, parvenue à la Cour le 27 octo...

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

7 juillet 2016 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Directives 98/6/CE et 2005/29/CE — Protection des consommateurs — Publicité avec indication du prix — Notions d’“offre” et de “prix toutes taxes comprises” — Obligation d’inclure dans le prix de vente d’un véhicule automobile les coûts supplémentaires obligatoires liés au transfert de ce véhicule»

Dans l’affaire C‑476/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), par décision du 18 septembre 2014, parvenue à la Cour le 27 octobre 2014, dans la procédure

Citroën Commerce GmbH

contre

Zentralvereinigung des Kraftfahrzeuggewerbes zur Aufrechterhaltung lauteren Wettbewerbs eV (ZLW),

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, président de la troisième chambre, faisant fonction de président de la quatrième chambre, MM. J. Malenovský, M. Safjan (rapporteur), Mmes A. Prechal et K. Jürimäe, juges,

avocat général : M. P. Mengozzi,

greffier : M. V. Tourrès, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 30 septembre 2015,

considérant les observations présentées :

— pour Citroën Commerce GmbH, par Mes L. Pechan et J. Croll, Rechtsanwälte,

— pour la Zentralvereinigung des Kraffahrzeuggewerbes zur Aufrechterhaltung lauteren Wettbewerbs eV (ZLW), par Me B. Ackermann, Rechtsanwältin,

— pour le gouvernement hongrois, par MM. M. Fehér, G. Szima et M. Bóra, en qualité d’agents,

— pour le gouvernement autrichien, par M. G. Eberhard, en qualité d’agent,

— pour la Commission européenne, par MM. M. van Beek et M. Kellerbauer, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 16 décembre 2015,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er et de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 98/6/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998, relative à la protection des consommateurs en matière d’indication des prix des produits offerts aux consommateurs (JO 1998, L 80, p. 27), ainsi que de l’article 7, paragraphe 4, sous c), de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales
déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (« directive sur les pratiques commerciales déloyales ») (JO 2005, L 149, p. 22).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Citroën Commerce GmbH à la Zentralvereinigung des Kraftfahrzeuggewerbes zur Aufrechterhaltung lauteren Wettbewerbs eV (ZLW) (groupement pour la défense de la concurrence loyale dans le secteur automobile) au sujet d’une publicité pour des véhicules automobiles faite par Citroën Commerce.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 98/6

3 Aux termes des considérants 6 et 12 de la directive 98/6 :

« (6) […] l’obligation d’indiquer le prix de vente […] contribue de façon notable à l’amélioration de l’information des consommateurs, étant donné qu’il s’agit de la manière la plus simple de donner aux consommateurs les possibilités optimales pour évaluer et comparer le prix des produits et donc de leur permettre d’opérer des choix éclairés sur la base de comparaisons simples ;

[…]

(12) […] une réglementation au niveau communautaire permet d’assurer une information homogène et transparente au profit de l’ensemble des consommateurs dans le cadre du marché intérieur […] »

4 L’article 1er de cette directive énonce :

« La présente directive a pour objet de prévoir l’indication du prix de vente et du prix à l’unité de mesure des produits offerts par des professionnels aux consommateurs, afin d’améliorer l’information des consommateurs et de faciliter la comparaison des prix. »

5 L’article 2 de ladite directive prévoit :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

a) “prix de vente” : le prix définitif valable pour une unité du produit ou une quantité donnée du produit, c’est-à-dire comprenant la [taxe sur la valeur ajoutée] et toutes les taxes accessoires ;

b) “prix à l’unité de mesure” : le prix définitif, c’est-à-dire comprenant la [taxe sur la valeur ajoutée] et toutes les taxes accessoires, valable pour un kilogramme, un litre, un mètre, un mètre carré ou un mètre cube du produit ou une autre quantité unique lorsqu’elle est utilisée de façon généralisée et habituelle dans l’État membre concerné pour la commercialisation de produits spécifiques ;

[…]

d) “professionnel” : toute personne physique ou morale qui vend ou offre à la vente des produits relevant de son activité commerciale ou professionnelle ;

e) “consommateur” : toute personne physique qui achète un produit à des fins qui ne sont pas du domaine de son activité commerciale ou professionnelle. »

6 L’article 3 de cette même directive dispose :

« 1.   Le prix de vente et le prix à l’unité de mesure doivent être indiqués pour tous les produits visés à l’article 1er, l’indication du prix à l’unité de mesure relevant de l’article 5. Le prix à l’unité de mesure ne doit pas être indiqué s’il est identique au prix de vente.

[…]

4.   Toute publicité qui mentionne le prix de vente des produits visés à l’article 1er doit également indiquer le prix à l’unité de mesure, sous réserve de l’article 5. »

7 L’article 4, paragraphe 1, de la directive 98/6 est libellé comme suit :

« Le prix de vente et le prix à l’unité de mesure doivent être non équivoques, facilement identifiables et aisément lisibles. […] »

8 Aux termes de l’article 5, paragraphe 1, de cette directive :

« Les États membres peuvent exempter de l’obligation d’indiquer le prix à l’unité de mesure les produits pour lesquels une telle indication ne serait pas utile en raison de leur nature ou destination ou serait de nature à créer la confusion. »

9 L’article 10 de ladite directive prévoit :

« La présente directive n’empêche pas les États membres d’adopter ou de maintenir des dispositions plus favorables en ce qui concerne l’information des consommateurs et la comparaison des prix, sans préjudice de leurs obligations au titre du traité. »

La directive 2005/29

10 Les considérants 6 et 10 de la directive 2005/29 énoncent :

« (6) La présente directive a […] pour objet de rapprocher les législations des États membres relatives aux pratiques commerciales déloyales, y compris la publicité déloyale, portant atteinte directement aux intérêts économiques des consommateurs et, par conséquent, indirectement aux intérêts économiques des concurrents légitimes. […]

[…]

(10) […] La présente directive ne s’applique […] que lorsqu’il n’existe pas de dispositions communautaires spécifiques régissant des aspects particuliers des pratiques commerciales déloyales, telles que des prescriptions en matière d’information ou des règles régissant la présentation des informations au consommateur. Elle apporte une protection aux consommateurs lorsqu’il n’existe aucune législation sectorielle spécifique à l’échelon communautaire et interdit aux professionnels de donner une
fausse impression de la nature des produits. […] »

11 Conformément à l’article 2 de cette directive :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

a) “consommateur” : toute personne physique qui, pour les pratiques commerciales relevant de la présente directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ;

b) “professionnel” : toute personne physique ou morale qui, pour les pratiques commerciales relevant de la présente directive, agit à des fins qui entrent dans le cadre de son activité, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, et toute personne agissant au nom ou pour le compte d’un professionnel ;

[…]

d) “pratiques commerciales des entreprises vis-à-vis des consommateurs” (ci-après également dénommées “pratiques commerciales”) : toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d’un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit aux consommateurs ;

e) “altération substantielle du comportement économique des consommateurs” : l’utilisation d’une pratique commerciale compromettant sensiblement l’aptitude du consommateur à prendre une décision en connaissance de cause et l’amenant par conséquent à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement ;

[…]

i) “invitation à l’achat” : une communication commerciale indiquant les caractéristiques du produit et son prix de façon appropriée en fonction du moyen utilisé pour cette communication commerciale et permettant ainsi au consommateur de faire un achat ;

[…]

k) “décision commerciale” : toute décision prise par un consommateur concernant l’opportunité, les modalités et les conditions relatives au fait d’acheter, de faire un paiement intégral ou partiel pour un produit, de conserver ou de se défaire d’un produit ou d’exercer un droit contractuel en rapport avec le produit ; une telle décision peut amener le consommateur, soit à agir, soit à s’abstenir d’agir ;

[…] »

12 L’article 3 de ladite directive dispose :

« 1.   La présente directive s’applique aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs, telles que définies à l’article 5, avant, pendant et après une transaction commerciale portant sur un produit.

[…]

4.   En cas de conflit entre les dispositions de la présente directive et d’autres règles communautaires régissant des aspects spécifiques des pratiques commerciales déloyales, ces autres règles priment et s’appliquent à ces aspects spécifiques.

[…] »

13 Aux termes de l’article 5 de cette même directive, intitulé « Interdiction des pratiques commerciales déloyales » :

« 1.   Les pratiques commerciales déloyales sont interdites.

2.   Une pratique commerciale est déloyale si :

a) elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle,

et

b) elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu’elle touche ou auquel elle s’adresse, ou du membre moyen du groupe lorsqu’une pratique commerciale est ciblée vers un groupe particulier de consommateurs.

[…]

4.   En particulier, sont déloyales les pratiques commerciales qui sont:

a) trompeuses au sens des articles 6 et 7,

[…] »

14 L’article 7 de la directive 2005/29 prévoit :

« 1.   Une pratique commerciale est réputée trompeuse si, dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances ainsi que des limites propres au moyen de communication utilisé, elle omet une information substantielle dont le consommateur moyen a besoin, compte tenu du contexte, pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause et, par conséquent, l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise
autrement.

[…]

4.   Lors d’une invitation à l’achat, sont considérées comme substantielles, dès lors qu’elles ne ressortent pas déjà du contexte, les informations suivantes :

[…]

c) le prix toutes taxes comprises, ou, lorsque la nature du produit signifie que le prix ne peut raisonnablement pas être calculé à l’avance, la manière dont le prix est calculé, ainsi que, le cas échéant, tous les coûts supplémentaires de transport, de livraison et postaux, ou, lorsque ces coûts ne peuvent raisonnablement pas être calculés à l’avance, la mention que ces coûts peuvent être à la charge du consommateur ;

[…] »

Le droit allemand

15 Le Gesetz gegen den unlauteren Wettbewerb (loi contre la concurrence déloyale), du 3 juillet 2004 (BGBl. 2004 I, p. 1414, ci-après l’« UWG »), a transposé en droit allemand la directive 2005/29.

16 Conformément à l’article 1er, paragraphe 1, première phrase, second cas de figure, de la Preisangabenverordnung (règlement relatif aux indications de prix, BGBl. 1985 I, p. 580, ci-après la « PAngV »), celui qui, en tant que vendeur de produits, fait de la publicité auprès de consommateurs en indiquant le prix doit indiquer le prix définitif à payer en incluant la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et les autres composants du prix.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

17 Citroën Commerce a fait publier dans l’édition du journal Nürnberger Nachrichten du 30 mars 2011 une publicité portant sur un véhicule automobile de marque Citroën, qui contenait les mentions suivantes : « par exemple Citroën C4 VTI 120 Exclusive : 21800 [euros]1 » et « réduction de prix maximum 6170 [euros]1 ». L’exposant « 1 » renvoyait aux indications suivantes, situées au bas de cette publicité : « prix plus 790 [euros] de frais de transfert. Offre destinée aux particuliers valable pour
toutes les Citroën C 4 […] commandées jusqu’au 10 avril 2011 […] ». Le prix total, incluant ces frais de transfert du véhicule du fabricant au vendeur (Überführungskosten), dont le client devait s’acquitter pour l’acquisition d’un tel véhicule, n’était pas indiqué dans ladite publicité.

18 La ZLW a saisi le Landgericht Köln (tribunal régional de Cologne, Allemagne) d’une demande de cessation par Citroën Commerce de ladite publicité au motif qu’elle ne contenait pas le prix définitif comprenant les frais de transfert.

19 Par jugement du 11 janvier 2012, le Landgericht Köln (tribunal régional de Cologne) a accueilli cette demande.

20 Citroën Commerce a interjeté appel de ce jugement devant l’Oberlandesgericht Köln (tribunal régional supérieur de Cologne, Allemagne). Par arrêt du 21 septembre 2012, cette dernière juridiction a rejeté l’appel.

21 Tant le Landgericht Köln (tribunal régional de Cologne) que l’Oberlandesgericht Köln (tribunal régional supérieur de Cologne) ont considéré que la publicité en cause était, à défaut d’indication du prix définitif, contraire aux dispositions de l’UWG et de la PAngV.

22 Citroën Commerce a introduit une demande en Revision de l’arrêt rendu par l’Oberlandesgericht Köln (tribunal régional supérieur de Cologne) devant le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne).

23 La juridiction de renvoi relève que le public perçoit les frais de transfert du véhicule du fabricant au vendeur non pas comme un coût supplémentaire de transport, mais comme une partie intégrante du prix définitif du véhicule. L’indication séparée de ces frais serait justifiée uniquement lorsque le client a le choix entre la récupération personnelle du véhicule chez le fabricant et son transfert vers le vendeur ou lorsque la détermination des frais en cause ne serait pas possible, ces derniers
pouvant varier au cas par cas. Or, ces conditions ne seraient pas réunies dans l’affaire au principal.

24 Dans ces conditions, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Faire de la publicité pour un produit en indiquant le prix à payer pour celui-ci revient-il à offrir ce produit au sens de l’article 1er de la directive 98/6 ?

S’il convient de répondre par l’affirmative à la première question :

2) Le prix de vente, qu’il faut indiquer conformément à l’article 1er et à l’article 3, paragraphe 1, première phrase, de la directive 98/6 lors d’une offre au sens de l’article 1er, doit-il inclure aussi les frais, obligatoires, de transfert d’un véhicule automobile du fabricant au vendeur ?

S’il convient de répondre par la négative à la première ou à la deuxième question :

3) Le “prix toutes taxes comprises”, qu’il faut indiquer conformément à l’article 7, paragraphe 4, sous c), premier cas de figure, de la directive 2005/29 lors d’une invitation à l’achat au sens de l’article 2, sous i), de cette même directive, doit-il inclure aussi les frais, obligatoires, de transfert d’un véhicule automobile du fabricant au vendeur ? »

Sur les questions préjudicielles

25 Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande à la Cour, en substance, si l’article 1er et l’article 3, paragraphe 1, de la directive 98/6 ainsi que l’article 7, paragraphe 4, sous c), de la directive 2005/29 doivent être interprétés en ce sens que les frais de transfert d’un véhicule automobile du fabricant au vendeur, qui sont à la charge du consommateur, doivent être inclus dans le prix de vente de ce véhicule indiqué dans une publicité faite par un
professionnel.

26 À titre liminaire, il convient de relever que, aux termes de son article 1er, la directive 98/6 a pour objet de prévoir l’indication du prix de vente et du prix à l’unité de mesure des produits offerts par des professionnels aux consommateurs, afin d’améliorer l’information des consommateurs et de faciliter la comparaison des prix.

27 À cet égard, ainsi que l’énonce le considérant 12 de cette directive, celle-ci vise à assurer une information homogène et transparente au profit de l’ensemble des consommateurs dans le cadre du marché intérieur.

28 Afin d’assurer cette homogénéité et cette transparence de l’information sur les prix, l’article 3, paragraphe 1, de ladite directive exige d’indiquer le prix de vente pour tous les produits offerts par des professionnels aux consommateurs, celui-ci étant défini, conformément à l’article 2, sous a), de cette même directive, comme le prix définitif valable pour une unité du produit ou une quantité donnée du produit, c’est-à-dire comprenant la TVA et toutes les taxes accessoires.

29 L’applicabilité de la directive 98/6 à l’égard de certains aspects de la publicité mentionnant le prix de vente des produits ressort de l’article 3, paragraphe 4, de cette directive.

30 À cet égard, il y a lieu de relever que, si cette dernière disposition ne prévoit pas une obligation générale de mentionner le prix de vente, cependant, une publicité, telle que celle en cause au principal, mentionnant tant les spécificités du produit promu qu’un prix s’apparentant, aux yeux d’un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, au prix de vente de ce produit, ainsi qu’une date jusqu’à laquelle l’« offre » formulée à l’égard des particuliers demeure valable,
est susceptible d’être considérée, par un tel consommateur, comme faisant état d’une offre du professionnel de vendre ledit produit aux conditions mentionnées dans cette publicité. Dans un tel cas, le prix ainsi indiqué doit respecter les exigences de la directive 98/6.

31 En particulier, ce prix doit être le prix de vente du produit concerné, c’est-à-dire son prix définitif, au sens de l’article 2, sous a), de la directive 98/6. Le prix définitif permet au consommateur d’évaluer et de comparer le prix indiqué dans une publicité à celui d’autres produits similaires, et donc d’opérer un choix éclairé sur la base de comparaisons simples, conformément au considérant 6 de cette directive.

32 Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si tous les éléments visés au point 30 du présent arrêt sont réunis.

33 Certes, dans l’arrêt du 10 juillet 2014, Commission/Belgique (C‑421/12, EU:C:2014:2064, point 59), la Cour a rappelé que l’objet de la directive 98/6 est la protection des consommateurs non pas en matière d’indication des prix, en général, ou quant à la réalité économique des annonces de réduction de prix, mais en matière d’indication des prix des produits par référence à différents types d’unités de mesure.

34 Cependant, la Cour n’a procédé à un tel rappel qu’en réponse à l’argument du Royaume de Belgique tendant à démontrer que relève du champ d’application de la directive 98/6 la législation belge selon laquelle les annonces de réduction du prix doivent respecter certaines exigences temporelles.

35 Or, une telle question est manifestement différente de celle faisant l’objet de la présente affaire, laquelle porte sur la détermination des éléments qui doivent être inclus dans l’indication du prix de vente, au sens de l’article 2, sous a), de la directive 98/6.

36 S’agissant de ces éléments, il convient de relever que, outre le fait que ce prix de vente doit comprendre la TVA et toutes les taxes accessoires, il doit, d’une façon générale, constituer le prix définitif valable pour une unité du produit ou une quantité donnée du produit.

37 En tant que prix définitif, le prix de vente doit nécessairement inclure les éléments inévitables et prévisibles du prix, éléments qui sont obligatoirement à la charge du consommateur et qui constituent la contrepartie pécuniaire de l’acquisition du produit concerné (voir, par analogie, arrêt du 18 septembre 2014, Vueling Airlines, C‑487/12, EU:C:2014:2232, point 36).

38 Par conséquent, dans le cas où le professionnel qui vend le produit exige que le consommateur supporte les frais de transfert de ce produit du fabricant à ce professionnel-vendeur, avec la conséquence que ces frais, au demeurant invariables, sont obligatoirement à la charge du consommateur, lesdits frais constituent un élément du prix de vente, au sens de l’article 2, sous a), de la directive 98/6.

39 Tel est notamment le cas lorsque le consommateur se rend dans un établissement commercial du professionnel pour prendre possession d’un véhicule automobile acheté auprès de ce dernier et fabriqué dans un autre établissement. Dans une telle situation, les frais de transfert de ce véhicule du fabricant au professionnel-vendeur sont habituellement à la charge de ce consommateur.

40 Ces frais de transfert obligatoires pour le consommateur doivent être distingués du coût supplémentaire de transport ou de livraison du produit acheté à l’endroit choisi par ce consommateur, ce coût supplémentaire ne pouvant pas être qualifié d’élément inévitable et prévisible du prix.

41 Partant, lorsque la situation visée au point 30 du présent arrêt est avérée, le prix d’un produit offert à la vente par un professionnel à des consommateurs doit, dans la publicité relative à ce produit, comprendre les frais de transfert de ce produit du fabricant à ce professionnel lorsque ceux-ci sont obligatoirement à la charge du consommateur.

42 S’agissant de l’applicabilité de la directive 2005/29, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 3, paragraphe 4, de cette directive, en cas de conflit entre les dispositions de cette dernière et les autres règles de l’Union régissant des aspects spécifiques des pratiques commerciales déloyales, ces autres règles priment et s’appliquent à ces aspects spécifiques.

43 Certes, la directive 2005/29 s’applique, conformément à son article 3, paragraphe 1, aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs, telles que définies à l’article 5 de celle-ci, avant, pendant et après une transaction commerciale portant sur un produit. L’article 2, sous d), de ladite directive définit les pratiques commerciales comme étant « toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la
part d’un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit aux consommateurs » (voir arrêt du 16 juillet 2015, Abcur, C‑544/13 et C‑545/13, EU:C:2015:481, point 73).

44 Cependant, il importe de relever que la directive 98/6 régit des aspects spécifiques, au sens de l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2005/29, des pratiques commerciales susceptibles d’être qualifiées de déloyales dans les relations entre les professionnels et les consommateurs, à savoir notamment ceux qui se rattachent à l’indication, dans les offres de vente et dans la publicité, du prix de vente des produits.

45 Dans ces conditions, dès lors que l’aspect relatif au prix de vente mentionné dans une publicité telle que celle en cause au principal est régi par la directive 98/6, la directive 2005/29 ne saurait s’appliquer en ce qui concerne cet aspect.

46 Partant, il n’y a pas lieu d’interpréter l’article 7, paragraphe 4, sous c), de la directive 2005/29.

47 Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions que l’article 3 de la directive 98/6, lu en combinaison avec l’article 1er et l’article 2, sous a), de celle-ci, doit être interprété en ce sens que les frais de transfert d’un véhicule automobile du fabricant au vendeur, qui sont à la charge du consommateur, doivent être inclus dans le prix de vente de ce véhicule indiqué dans une publicité faite par un professionnel lorsque, compte tenu de toutes
les caractéristiques de cette publicité, elle fait état, aux yeux du consommateur, d’une offre portant sur ledit véhicule. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si tous ces éléments sont réunis.

Sur les dépens

48 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

  L’article 3 de la directive 98/6/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998, relative à la protection des consommateurs en matière d’indication des prix des produits offerts aux consommateurs, lu en combinaison avec l’article 1er et l’article 2, sous a), de celle-ci, doit être interprété en ce sens que les frais de transfert d’un véhicule automobile du fabricant au vendeur, qui sont à la charge du consommateur, doivent être inclus dans le prix de vente de ce véhicule indiqué dans
une publicité faite par un professionnel lorsque, compte tenu de toutes les caractéristiques de cette publicité, elle fait état, aux yeux du consommateur, d’une offre portant sur ledit véhicule. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si tous ces éléments sont réunis.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : C-476/14
Date de la décision : 07/07/2016
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesgerichtshof.

Renvoi préjudiciel – Directives 98/6/CE et 2005/29/CE – Protection des consommateurs – Publicité avec indication du prix – Notions d’“offre” et de “prix toutes taxes comprises” – Obligation d’inclure dans le prix de vente d’un véhicule automobile les coûts supplémentaires obligatoires liés au transfert de ce véhicule.

Rapprochement des législations

Protection des consommateurs


Parties
Demandeurs : Citroën Commerce GmbH
Défendeurs : Zentralvereinigung des Kraffahrzeuggewerbes zur Aufrechterhaltung lauteren Wettbewerbs eV (ZLW).

Composition du Tribunal
Avocat général : Mengozzi
Rapporteur ?: Safjan

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2016:527

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