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30/06/2016 | CJUE | N°C-416/15

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Selena România SRL contre Direcția Generală Regională a Finanțelor Publice (DGRFP) București., 30/06/2016, C-416/15


ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

30 juin 2016 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Politique commerciale — Règlement (CE) no 1225/2009 — Article 13 — Contournement — Règlement d’exécution (UE) no 791/2011 — Tissus de fibre de verre à maille ouverte originaires de la République populaire de Chine — Droits antidumping — Règlement d’exécution (UE) no 437/2012 — Expédition de Taïwan — Ouverture d’une enquête — Règlement d’exécution (UE) no 21/2013 — Extension du droit antidumping — Champ d’application temporel — Principe d

e non-rétroactivité — Code des douanes
communautaires — Recouvrement a posteriori des droits à l’importation»

Dan...

ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

30 juin 2016 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Politique commerciale — Règlement (CE) no 1225/2009 — Article 13 — Contournement — Règlement d’exécution (UE) no 791/2011 — Tissus de fibre de verre à maille ouverte originaires de la République populaire de Chine — Droits antidumping — Règlement d’exécution (UE) no 437/2012 — Expédition de Taïwan — Ouverture d’une enquête — Règlement d’exécution (UE) no 21/2013 — Extension du droit antidumping — Champ d’application temporel — Principe de non-rétroactivité — Code des douanes
communautaires — Recouvrement a posteriori des droits à l’importation»

Dans l’affaire C‑416/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Curtea de Apel Bucureşti (cour d’appel de Bucarest, Roumanie), par décision du 20 avril 2015, parvenue à la Cour le 29 juillet 2015, dans la procédure

Selena România SRL

contre

Direcția Generală Regională a Finanțelor Publice (DGRFP) București,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. C. Lycourgos, président de chambre, M. C. Vajda et Mme K. Jürimäe (rapporteur), juges,

avocat général: M. M. Szpunar,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

— pour le gouvernement roumain, par M. R.‑H. Radu et Mme M. Bejenar, en qualité d’agents,

— pour la Commission européenne, par MM. M. França et G.‑D. Balan, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement d’exécution (UE) no 21/2013 du Conseil, du 10 janvier 2013, portant extension du droit antidumping définitif institué par le règlement d’exécution (UE) no 791/2011 sur les importations de certains tissus de fibre de verre à maille ouverte originaires de la République populaire de Chine aux importations de ces mêmes produits expédiés de Taïwan et de la Thaïlande, qu’ils aient ou non été
déclarés originaires de ces pays (JO 2013, L 11, p. 1, ci-après le « règlement d’extension »), adopté à la suite d’une enquête au titre de l’article 13 du règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2009, L 343, p. 51, et rectificatif JO 2010, L 7, p. 22, ci-après le « règlement de base »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Selena România SRL à la Direcția Generală Regională a Finanțelor Publice București (DGRFP) (direction générale régionale des finances publiques de Bucarest, Roumanie) au sujet d’une décision de régularisation émise par cette dernière imposant à Selena România le paiement de droits antidumping.

Le cadre juridique

Le règlement (CEE) no 2913/92

3 L’article 26 du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 1186/2009 du Conseil, du 16 novembre 2009 (JO 2009, L 324, p. 23) (ci‑après le « code des douanes ») dispose :

« 1.   La réglementation douanière ou d’autres réglementations [de l’Union] spécifiques peuvent prévoir que l’origine des marchandises doit être justifiée par la production d’un document.

2.   Nonobstant la production de ce document, les autorités douanières peuvent, en cas de doute sérieux, exiger toutes justifications complémentaires en vue de s’assurer que l’indication d’origine [est] bien [conforme] aux règles établies par la réglementation [de l’Union] en la matière. »

4 Le chapitre 3 du titre VII du code des douanes est intitulé « Recouvrement du montant de la dette douanière ». Il contient notamment les articles 217 à 221 de ce code.

Le règlement de base

5 Aux termes du considérant 22 du règlement de base :

« [...] [I]l est nécessaire que la réglementation [de l’Union] contienne des dispositions afin de contrecarrer des pratiques, notamment le simple assemblage dans [l’Union européenne] ou dans un pays tiers, dont l’objectif essentiel est de permettre le contournement des mesures antidumping. »

6 L’article 10, paragraphe 1, de ce règlement prévoit :

« Des mesures provisoires et des droits antidumping définitifs ne sont appliqués qu’à des produits mis en libre pratique après la date à laquelle la décision prise conformément à l’article 7, paragraphe 1, ou à l’article 9, paragraphe 4, respectivement, est entrée en vigueur, sous réserve des exceptions énoncées dans le présent règlement. »

7 L’article 13 dudit règlement, intitulé « Contournement », est libellé comme suit :

« 1.   Les droits antidumping institués en vertu du présent règlement peuvent être étendus aux importations en provenance de pays tiers de produits similaires, légèrement modifiés ou non, ainsi qu’aux importations de produits similaires légèrement modifiés en provenance du pays soumis aux mesures ou de parties de ces produits, lorsque les mesures en vigueur sont contournées. En cas de contournement des mesures en vigueur, des droits antidumping n’excédant pas le droit résiduel institué
conformément à l’article 9, paragraphe 5, peuvent être étendus aux importations en provenance de sociétés bénéficiant d’un droit individuel dans les pays soumis aux mesures. Le contournement se définit comme une modification de la configuration des échanges entre les pays tiers et [l’Union] ou entre des sociétés du pays soumis aux mesures et [l’Union], découlant de pratiques, d’opérations ou d’ouvraisons pour lesquelles il n’existe pas de motivation suffisante ou de justification économique autre
que l’imposition du droit, en présence d’éléments attestant qu’il y a préjudice ou que les effets correctifs du droit sont compromis en termes de prix et/ou de quantités de produits similaires et d’éléments de preuve, si nécessaire fondés sur les dispositions de l’article 2, de l’existence d’un dumping en liaison avec les valeurs normales précédemment établies pour les produits similaires.

Les pratiques, opérations ou ouvraisons visées à l’alinéa qui précède englobent, entre autres, les légères modifications apportées au produit concerné afin qu’il relève de codes douaniers qui ne sont normalement pas soumis aux mesures, pour autant que ces modifications ne changent rien à ses caractéristiques essentielles; l’expédition du produit soumis aux mesures via des pays tiers; la réorganisation, par des exportateurs ou des producteurs, de leurs schémas et circuits de vente dans le pays
soumis aux mesures de telle manière que leurs produits sont en fin de compte exportés vers [l’Union] par l’intermédiaire de producteurs bénéficiant d’un taux de droit individuel inférieur au taux applicable aux produits des fabricants, et, dans les circonstances visées au paragraphe 2, les opérations d’assemblage dans [l’Union] ou dans un pays tiers.

[...]

3.   Une enquête est ouverte, en vertu du présent article, à l’initiative de la Commission [européenne] ou à la demande d’un État membre ou de toute partie intéressée, sur la base d’éléments de preuve suffisants relatifs aux facteurs énumérés au paragraphe 1. L’enquête est ouverte, après consultation du comité consultatif, par un règlement de la Commission qui peut également enjoindre aux autorités douanières de rendre l’enregistrement des importations obligatoire conformément à l’article 14,
paragraphe 5, ou d’exiger des garanties. L’enquête est effectuée par la Commission avec l’aide éventuelle des autorités douanières et doit être conclue dans les neuf mois. Lorsque les faits définitivement établis justifient l’extension des mesures, celle-ci est décidée par le Conseil [de l’Union européenne], statuant sur proposition de la Commission, après consultation du comité consultatif. La proposition est adoptée par le Conseil à moins qu’il ne décide, en statuant à la majorité simple, de la
rejeter dans un délai d’un mois à partir de sa présentation par la Commission. L’extension prend effet à compter de la date à laquelle l’enregistrement a été rendu obligatoire conformément à l’article 14, paragraphe 5, ou à laquelle les garanties ont été exigées. Les dispositions de procédure correspondantes du présent règlement concernant l’ouverture et la conduite des enquêtes s’appliquent dans le cadre du présent article.

[...] »

8 Selon l’article 14, paragraphe 5, du même règlement :

« La Commission peut, après avoir consulté le comité consultatif, enjoindre aux autorités douanières de prendre les mesures appropriées pour enregistrer les importations de telle sorte que des mesures puissent par la suite être appliquées à l’encontre de ces importations à partir de la date de leur enregistrement. Les importations peuvent être soumises à enregistrement sur demande dûment motivée de l’industrie [de l’Union]. L’enregistrement est instauré par un règlement qui précise l’objet de la
mesure et, le cas échéant, le montant estimatif des droits qui pourraient devoir être acquittés à l’avenir. La durée d’enregistrement obligatoire des importations ne doit pas excéder neuf mois. »

Les règlements antidumping relatifs aux tissus de fibre de verre à maille ouverte

9 À la suite d’une plainte dont la Commission avait été saisie par des producteurs européens de tissus de fibre de verre à maille ouverte, le règlement d’exécution (UE) no 791/2011 du Conseil, du 3 août 2011, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certains tissus de fibre de verre à maille ouverte originaires de la République populaire de Chine (JO 2011, L 204, p. 1, ci-après le « règlement initial »), a été
adopté.

10 Aux termes de l’article 1er du règlement initial, un droit antidumping définitif est institué sur les importations de tissus de fibre de verre à maille ouverte dont la cellule mesure plus de 1,8 mm tant en longueur qu’en largeur et dont le poids est supérieur à 35 g/m2, relevant des codes ex 7019 51 00 et ex 7019 59 00 de la nomenclature combinée figurant à l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif
douanier commun (JO 1987, L 256, p. 1) (codes TARIC 7019 51 00 10 et 7019 59 00 10) et originaires de la République populaire de Chine.

11 En vertu de son article 4, le règlement initial est entré en vigueur le 10 août 2011, c’est-à-dire le jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.

12 À la suite d’une demande déposée par quatre producteurs de l’Union de certains tissus de fibre de verre à maille ouverte, conformément à l’article 13, paragraphe 3, et à l’article 14, paragraphe 5, du règlement de base, la Commission a adopté le règlement (UE) no 437/2012, du 23 mai 2012, portant ouverture d’une enquête sur le contournement éventuel des mesures antidumping instituées par le règlement d’exécution no 791/2011 du Conseil, et soumettant ces importations à enregistrement (JO 2012
L 134, p. 12, ci-après le « règlement d’ouverture »).

13 Aux termes de l’article 1er du règlement d’ouverture, l’enquête ouverte par ledit règlement porte sur les importations dans l’Union de tissus de fibre de verre à maille ouverte dont la cellule mesure plus de 1,8 mm tant en longueur qu’en largeur et dont le poids est supérieur à 35 g/m2, à l’exclusion des disques en fibre de verre, expédiés de Taïwan et de Thaïlande, qu’ils aient ou non été déclarés originaires de ces pays, relevant actuellement des codes ex 7019 51 00 et ex 7019 59 00 de la NC
(codes TARIC 7019510012, 7019510013, 7019590012 et 7019590013).

14 L’article 2, premier alinéa, du règlement d’ouverture prévoit que, conformément à l’article 13, paragraphe 3, et à l’article 14, paragraphe 5, du règlement de base, les autorités douanières sont invitées à prendre les mesures requises pour enregistrer les importations dans l’Union visées à l’article 1er du règlement d’ouverture.

15 Conformément à son article 4, le règlement d’ouverture est entré en vigueur le 25 mai 2012, c’est-à-dire le jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.

16 À l’issue de l’enquête visée par le règlement d’ouverture, le Conseil a adopté le règlement d’extension.

17 L’article 1er, paragraphe 1, du règlement d’extension prévoit l’extension du droit antidumping définitif institué par l’article 1er, paragraphe 2, du règlement initial sur les importations de tissus de fibre de verre à maille ouverte dont la cellule mesure plus de 1,8 mm tant en longueur qu’en largeur et dont le poids est supérieur à 35 g/m2 originaires de la République populaire de Chine aux importations de ces mêmes produits expédiés de Taïwan et de la Thaïlande, qu’ils aient ou non été
déclarés originaires de ces pays.

18 Aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement d’extension, le droit étendu en vertu du paragraphe 1 de cet article est perçu sur les importations de tissus de fibre de verre à maille ouverte expédiés de Taïwan et de la Thaïlande, qu’ils aient ou non été déclarés originaires de ces pays, enregistrées conformément à l’article 2 du règlement d’ouverture, ainsi qu’à l’article 13, paragraphe 3, et à l’article 14, paragraphe 5, du règlement de base.

19 En vertu de son article 4, le règlement d’extension est entré en vigueur le 17 janvier 2013, c’est-à-dire le jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

20 Entre le 12 mars et le 18 mai 2012, Selena România, une société établie en Roumanie, a mis en libre pratique, dans l’Union, des tissus de fibre de verre à maille ouverte, dont la cellule mesure plus de 1,8 mm tant en longueur qu’en largeur et dont le poids est supérieur à 35 g/m2, importés auprès d’un fournisseur établi à Taïwan (ci-après les « importations en cause »).

21 Par une décision de régularisation du 5 février 2014, la DGRFP a réclamé à Selena România le paiement de la somme de 1151748 lei roumains (RON) (environ 257970 euros), correspondant aux droits antidumping et à la taxe sur la valeur ajoutée non acquittés par cette dernière au titre de cette mise en libre pratique, assortis d’intérêts et de pénalités de retard, au motif qu’il aurait été constaté, à la suite d’un contrôle a posteriori effectué auprès de Selena România et d’une enquête de l’Office
européen pour la lutte antifraude (OLAF), que les importations en cause étaient en réalité originaires de la République populaire de Chine et que, par conséquent, il étaient soumis au droit antidumping prévu par les règlements initial et d’extension. La DGRFP a considéré que le rapport d’enquête de l’OLAF avait établi que les lots de tissus de fibre de verre ayant fait l’objet des importations en cause avaient été expédiés depuis la République populaire de Chine vers Taïwan, sans y subir de
transformation ni de traitement, avant d’être exportés vers l’Union, de telle sorte que l’origine non-préférentielle chinoise devait être maintenue à l’égard de ces lots.

22 Selena România a formé un recours administratif contre cette décision de régularisation auprès de la Direcția Generală Regională a Finanțelor Publice Galați (direction générale régionale des finances publiques de Galați, Roumanie), laquelle a confirmé ladite décision.

23 Le 22 juillet 2014, Selena România a saisi la juridiction de renvoi d’un recours en annulation contre la décision de régularisation. Elle invoque à l’appui de son recours, notamment, un moyen tiré de l’application rétroactive erronée par la DGRFP des règlements d’ouverture et d’extension. En effet, à la date à laquelle les importations en cause ont été réalisées, aucun de ces règlements n’aurait été en vigueur.

24 La juridiction de renvoi s’interroge sur le champ d’application temporel du règlement d’extension. En particulier, elle se demande si le droit antidumping définitif, institué par l’article 1er du règlement d’extension est applicable à des importations dans l’Union en provenance de Taïwan, telles que les importations en cause, effectuées avant l’entrée en vigueur de ce règlement, mais après celle du règlement initial.

25 Cette juridiction relève, à cet égard, que le principe de non-rétroactivité des actes de l’Union a été consacré par la jurisprudence de la Cour et notamment celle initiée par les arrêts du 9 juin 1964, Capitaine/Commission (69/63, EU:C:1964:38), et du 9 décembre 1965, Singer (44/65, EU:C:1965:122), mais que certaines exceptions à ce principe auraient été admises.

26 C’est dans ces conditions que la Curtea de Apel Bucureşti (Cour d’appel de Bucarest, Roumanie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Le règlement d’extension doit-il être interprété en ce sens qu’il s’applique également aux importations de Taïwan effectuées par des résidents de l’Union européenne avant le 17 janvier 2013, à savoir au cours de l’année 2012, mais après l’adoption du règlement initial ?

2) Le droit antidumping définitif, tel que prévu à l’article 1er du règlement d’extension, est-il également applicable aux importations de Taïwan effectuées par des résidents de l’Union européenne avant le 17 janvier 2013, et avant l’adoption du règlement d’ouverture, mais après l’adoption du règlement initial ? »

Sur les questions préjudicielles

27 Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 1, du règlement d’extension doit être interprété en ce sens que le droit antidumping définitif étendu par cette disposition est applicable rétroactivement à des produits expédiés de Taïwan, mis en libre pratique dans l’Union après la date d’entrée en vigueur du règlement initial, mais avant celle du règlement d’ouverture.

28 Le règlement d’extension ayant été adopté sur le fondement de l’article 13 du règlement de base, il convient de relever que, conformément au paragraphe 1 de cette disposition, les droits antidumping institués en vertu de ce règlement peuvent être étendus aux importations en provenance d’États tiers de produits similaires ou de parties de ces produits lorsque les mesures en vigueur sont contournées. Selon le paragraphe 3 dudit article 13, l’enquête est ouverte par un règlement de la Commission qui
peut enjoindre aux autorités douanières de rendre l’enregistrement des importations concernées obligatoire conformément à l’article 14, paragraphe 5, du règlement de base.

29 Plus particulièrement, il résulte de l’article 13, paragraphe 3, du règlement de base que, dans le cas de l’existence d’un contournement, l’extension des mesures définitives déjà instituées prend effet à compter de la date à laquelle l’enregistrement a été rendu obligatoire conformément à l’article 14, paragraphe 5, du règlement de base (arrêt du 6 juin 2013, Paltrade, C‑667/11, EU:C:2013:368, point 26).

30 En effet, si l’article 10, paragraphe 1, du règlement de base consacre le principe de non-rétroactivité des mesures antidumping, celles-ci ne pouvant en principe être appliquées qu’à des produits mis en libre pratique après la date à laquelle le règlement les instituant est entré en vigueur, plusieurs dispositions du règlement de base dérogent à ce principe. Ces dispositions autorisent en effet l’application de mesures antidumping à des produits mis en libre pratique avant l’entrée en vigueur du
règlement les instituant, à condition que les importations concernées aient été enregistrées conformément à l’article 14, paragraphe 5, du règlement de base (arrêt du 17 décembre 2015, APEX, C‑371/14, EU:C:2015:828, point 48).

31 S’agissant du règlement d’extension, il est expressément indiqué à l’article 1er, paragraphe 2, de ce règlement que le droit étendu en vertu du paragraphe 1 de cet article est perçu sur les importations de tissus de fibre de verre à maille ouverte, tels que visés à cette disposition, expédiés de Taïwan, qu’ils aient ou non été déclarés originaires de ces pays, enregistrés conformément à l’article 2 du règlement d’ouverture, ainsi qu’à l’article 13, paragraphe 3, et à l’article 14, paragraphe 5,
du règlement de base.

32 Or, en l’occurrence, il est constant que les importations en cause ont été effectuées avant la date d’entrée en vigueur du règlement d’ouverture, à savoir le 25 mai 2012, c’est-à-dire avant que celles-ci aient pu être enregistrées conformément à l’article 2 de ce règlement.

33 Par conséquent, il résulte des considérations qui précèdent que le droit antidumping étendu en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement d’extension n’est pas applicable rétroactivement à des importations, telles que les importations en cause, qui ont été effectuées avant la date d’entrée en vigueur du règlement d’ouverture.

34 Aux fins d’apporter une réponse utile à la juridiction de renvoi, il y a lieu, toutefois, de préciser que, ainsi que l’ont fait valoir le gouvernement roumain et la Commission dans leurs observations écrites, cette interprétation ne fait pas obstacle à ce que le droit antidumping définitif institué par l’article 1er, paragraphe 1, du règlement initial soit appliqué à de telles importations s’il est établi, après contrôle a posteriori, que lesdites importations sont en réalité originaires de la
République populaire de Chine.

35 En effet, il y a lieu de relever que, aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement initial, il est institué un droit antidumping définitif sur les importations de tissus de fibre de verre à maille ouverte décrits à cette disposition et qui sont originaires de la République populaire de Chine.

36 Ainsi qu’il ressort de l’article 26 du code des douanes, si la réglementation de l’Union prévoit que l’origine des marchandises doit être justifiée par la production d’un document, la production de ce document ne fait pas obstacle à ce que, en cas de doute sérieux, les autorités douanières exigent toutes justifications complémentaires en vue de s’assurer que l’indication d’origine soit bien conforme aux règles établies par la réglementation de l’Union en la matière. À cet égard, la Cour a déjà
jugé que la finalité du contrôle a posteriori est de vérifier l’exactitude de l’origine indiquée dans le certificat d’origine (voir, par analogie, arrêt du 8 novembre 2012, Lagura Vermögensverwaltung, C‑438/11, EU:C:2012:703, point 17 et jurisprudence citée).

37 Il en résulte que le fait que des marchandises soient accompagnées de certificats d’origine n’est pas une circonstance susceptible de s’opposer au recouvrement des droits dus pour l’importation de ces marchandises si, postérieurement à cette importation, ces certificats se sont révélés être inexacts (voir, en ce sens, arrêt du 17 juillet 1997, Pascoal & Filhos, C‑97/95, EU:C:1997:370, points 55 à 57 ainsi que jurisprudence citée).

38 S’agissant des importations en cause, il revient à la juridiction de renvoi de déterminer si, pour chacun des lots de tissus de fibre de verre à maille ouverte mis en libre pratique dans l’Union, les autorités douanières disposent des éléments de preuve suffisants pour conclure que, bien qu’expédiés de Taïwan et déclarés comme étant originaires de ce pays, ces lots devaient être considérés comme étant en réalité originaires de la République populaire de Chine, auquel cas le droit antidumping
institué à l’article 1er, paragraphe 1, du règlement initial leur est applicable. Dans ce cas, ainsi que la Commission l’a souligné dans ses observations écrites, le recouvrement a posteriori de ce droit doit avoir lieu conformément aux règles relatives au recouvrement de la dette douanière contenues dans le code des douanes.

39 Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions posées que l’article 1er, paragraphe 1, du règlement d’extension doit être interprété en ce sens que le droit antidumping définitif étendu par cette disposition n’est pas applicable rétroactivement à des produits expédiés de Taïwan, mis en libre pratique dans l’Union après la date d’entrée en vigueur du règlement initial, mais avant celle du règlement d’ouverture. Toutefois, le droit antidumping
institué par l’article 1er, paragraphe 1, du règlement initial est applicable à l’importation de tels produits, s’il est établi que, bien qu’expédiés depuis Taïwan et déclarés comme étant originaires de ce pays, ces produits sont en réalité originaires de la République populaire de Chine.

Sur les dépens

40 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit:

L’article 1er, paragraphe 1, du règlement d’exécution (UE) no 21/2013 du Conseil, du 10 janvier 2013, portant extension du droit antidumping définitif institué par le règlement d’exécution (UE) no 791/2011 sur les importations de certains tissus de fibre de verre à maille ouverte originaires de la République populaire de Chine aux importations de ces mêmes produits expédiés de Taïwan et de la Thaïlande, qu’ils aient ou non été déclarés originaires de ces pays, doit être interprété en ce sens que
  le droit antidumping définitif étendu par cette disposition n’est pas applicable rétroactivement à des produits expédiés de Taïwan, mis en libre pratique dans l’Union après la date d’entrée en vigueur du règlement d’exécution (UE) no 791/2011 du Conseil, du 3 août 2011, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certains tissus de fibre de verre à maille ouverte originaires de la République populaire de Chine,
mais avant celle du règlement (UE) no 437/2012 de la Commission, du 23 mai 2012, portant ouverture d’une enquête sur le contournement éventuel des mesures antidumping instituées par le règlement d’exécution no 791/2011, et soumettant ces importations à enregistrement. Toutefois, le droit antidumping institué par l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 791/2011 est applicable à l’importation de tels produits, s’il est établi que, bien qu’expédiés depuis Taïwan et déclarés comme étant
originaires de ce pays, ces produits sont en réalité originaires de la République populaire de Chine.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure: le roumain.


Synthèse
Formation : Neuvième chambre
Numéro d'arrêt : C-416/15
Date de la décision : 30/06/2016
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par la Curtea de Apel Bucureşti.

Renvoi préjudiciel – Politique commerciale – Règlement (CE) nº1225/2009 – Article 13 – Contournement – Règlement d’exécution (UE) nº791/2011 – Tissus de fibre de verre à maille ouverte originaires de la République populaire de Chine – Droits antidumping – Règlement d’exécution (UE) nº437/2012 – Expédition de Taïwan – Ouverture d’une enquête – Règlement d’exécution (UE) nº21/2013 – Extension du droit antidumping – Champ d’application temporel – Principe de non-rétroactivité – Code des douanes communautaires – Recouvrement a posteriori des droits à l’importation.

Relations extérieures

Dumping

Agriculture et Pêche

Politique commerciale


Parties
Demandeurs : Selena România SRL
Défendeurs : Direcția Generală Regională a Finanțelor Publice (DGRFP) București.

Composition du Tribunal
Avocat général : Szpunar
Rapporteur ?: Jürimäe

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2016:501

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