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16/06/2016 | CJUE | N°C-159/15

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Franz Lesar contre Beim Vorstand der Telekom Austria AG eingerichtetes Personalamt., 16/06/2016, C-159/15


ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

16 juin 2016 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Politique sociale — Directive 2000/78/CE — Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail — Article 2, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 2, sous a) — Article 6, paragraphe 2 — Discrimination fondée sur l’âge — Détermination des droits à pension des anciens fonctionnaires — Périodes d’apprentissage et de travail — Absence de prise en compte de telles périodes accomplies avant l’âge de 18 ans»

Dans l’affaire C‑159/15,


ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267TFUE, introduite par le Verwaltungsgeri...

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

16 juin 2016 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Politique sociale — Directive 2000/78/CE — Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail — Article 2, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 2, sous a) — Article 6, paragraphe 2 — Discrimination fondée sur l’âge — Détermination des droits à pension des anciens fonctionnaires — Périodes d’apprentissage et de travail — Absence de prise en compte de telles périodes accomplies avant l’âge de 18 ans»

Dans l’affaire C‑159/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267TFUE, introduite par le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative, Autriche), par décision du 25 mars 2015, parvenue à la Cour le 7 avril 2015, dans la procédure

Franz Lesar

contre

Beim Vorstand der Telekom Austria AG eingerichtetes Personalamt,

LA COUR (première chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. A. Arabadjiev (rapporteur), J.‑C. Bonichot, C. G. Fernlund et E. Regan, juges,

avocat général : M. Y. Bot,

greffier : Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 janvier 2016,

considérant les observations présentées :

— pour M. Lesar, par Me R. Tögl, Rechtsanwalt,

— pour le gouvernement autrichien, par Mmes C. Pesendorfer et J. Schmoll, en qualité d’agents,

— pour la Commission européenne, par MM. B.‑R. Killmann et D. Martin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 25 février 2016,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, paragraphe 1, de l’article 2, paragraphe 2, sous a), ainsi que de l’article 6, paragraphes 1 et 2, de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO 2000, L 303, p. 16).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Franz Lesar au Beim Vorstand der Telekom Austria AG eingerichtetes Personalamt (service du personnel de la direction de Telekom Austria AG, ci-après le « service du personnel ») au sujet du refus de cette dernière de prendre en compte, pour le calcul des points de retraite, les périodes d’apprentissage et de travail précédant l’entrée en service que celui-ci avait accomplies avant d’avoir atteint l’âge de 18 ans.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 Aux termes de son article 1er, la directive 2000/78 « a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, [le] handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement ».

4 L’article 2 de cette directive énonce :

« 1.   Aux fins de la présente directive, on entend par “principe de l’égalité de traitement” l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l’article 1er.

2.   Aux fins du paragraphe 1 :

a) une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er ;

[...] »

5 L’article 6 de cette même directive est ainsi libellé :

« 1.   Nonobstant l’article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.

Ces différences de traitement peuvent notamment comprendre :

a) la mise en place de conditions spéciales d’accès à l’emploi et à la formation professionnelle, d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération, pour les jeunes, les travailleurs âgés et ceux ayant des personnes à charge, en vue de favoriser leur insertion professionnelle ou d’assurer leur protection ;

b) la fixation de conditions minimales d’âge, d’expérience professionnelle ou d’ancienneté dans l’emploi, pour l’accès à l’emploi ou à certains avantages liés à l’emploi ;

[...]

2.   Nonobstant l’article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que ne constitue pas une discrimination fondée sur l’âge la fixation, pour les régimes professionnels de sécurité sociale, d’âges d’adhésion ou d’admissibilité aux prestations de retraite ou d’invalidité, y compris la fixation, pour ces régimes, d’âges différents pour des travailleurs ou des groupes ou catégories de travailleurs et l’utilisation, dans le cadre de ces régimes, de critères d’âge dans les calculs actuariels,
à condition que cela ne se traduise pas par des discriminations fondées sur le sexe. »

Le droit autrichien

6 L’article 53 du Bundesgesetz über die Pensionsansprüche der Bundesbeamten, ihrer Hinterbliebenen und Angehörigen (Pensionsgesetz 1965) [loi fédérale relative aux droits à pension des fonctionnaires fédéraux, de leurs survivants et des membres de leur famille (loi relative aux pensions de 1965)], du 18 novembre 1965 (BGBl. 340/1965), dans sa version en vigueur à l’époque des faits en cause au principal (ci-après le « PG 1965 »), intitulé « Périodes antérieures à l’entrée en service à prendre en
considération pour le calcul des points de retraite », était libellé comme suit :

« (1)   Les périodes assimilables sont celles qui sont énumérées aux paragraphes 2 à 4 dans la mesure où elles sont antérieures à la date à partir de laquelle commence à courir le temps de service fédéral susceptible d’être pris en considération aux fins de la retraite. Ces périodes sont comptabilisées par voie d’imputation.

(2)   Sont comptabilisées les périodes suivantes :

a) le temps accompli dans une relation de service, de formation ou autre relation de travail auprès d’un employeur de droit public national ;

[...]

k) le temps accompli dans le cadre d’une relation de formation professionnelle dans la mesure où cette formation constituait une condition préalable au recrutement du fonctionnaire ou lorsqu’elle a été effectuée auprès d’un employeur de droit public national,

l) la période d’un emploi fondant une obligation à des cotisations à l’assurance pension aux termes des dispositions applicables au 31 décembre 2004 de l’[Allgemeines Sozialversicherungsgesetz (code général des assurances sociales) (ASVG)],

[...] »

7 L’article 54 du PG 1965, intitulé « Exclusion de la prise en compte et renonciation », disposait, à son paragraphe 2 :

« Ne sont pas prises en compte les périodes assimilables suivantes :

a) les périodes que le fonctionnaire a accomplies avant d’avoir atteint l’âge de 18 ans ; cette restriction ne s’applique pas aux périodes qui doivent être prises en compte conformément à l’article 53, paragraphe 2, points a), d), k) et l), lorsqu’un montant dit de transfert doit être versé pour celles-ci en application des règles du droit de la sécurité sociale ;

[...] »

Le litige au principal et la question préjudicielle

8 M. Lesar est né le 3 juin 1949. Durant la période du 9 septembre 1963 au 8 mars 1967, alors qu’il était âgé de moins de 18 ans, il a travaillé pour la Post- und Telegraphenverwaltung des Bundes (administration des postes et des télégraphes de l’État fédéral, Autriche) dans le cadre d’un contrat d’apprentissage. À partir du 9 mars 1967, il a été engagé par cette administration en qualité d’agent contractuel. En marge de cette activité professionnelle, il a poursuivi des études, du 14 septembre 1967
au 17 février 1972, au sein d’un lycée fédéral pour étudiants exerçant une activité professionnelle. Le 1er juillet 1972, il a été engagé par l’État fédéral dans une relation de service de droit public.

9 Avant son recrutement en qualité de fonctionnaire, M. Lesar a versé des cotisations de pension à l’organisme assureur pendant la période de son contrat d’apprentissage et de sa relation de travail, y compris lorsqu’il était âgé de moins de 18 ans.

10 Par décision du 23 août 1973, la Post- und Telegraphendirektion für Steiermark (direction de l’administration des postes et télégraphes de Styrie, Autriche) a considéré que la période de cinq années et quinze jours, comprise entre la date à laquelle M. Lesar avait atteint l’âge de 18 ans et la date de son recrutement en qualité de fonctionnaire, devait lui être inconditionnellement reconnue au titre des périodes antérieures à l’entrée en service à prendre en considération pour le calcul des
droits à pension, au sens de l’article 53 du PG 1965 (ci-après les « périodes assimilées »). Ces périodes se répartissent comme suit :

— du 3 juin 1967 au 13 septembre 1967, au titre de l’activité en qualité d’agent contractuel,

— du 14 septembre 1967 au 17 février 1972, au titre des études au lycée fédéral pour étudiants exerçant une activité professionnelle, et

— du 1er mars 1972 au 30 juin 1972, au titre de l’activité en qualité d’agent contractuel.

11 Par décision du 22 mai 1974, le Pensionsversicherungsanstalt der Angestellten (office des pensions des employés, Autriche) a décidé, en sa qualité d’organisme assureur, d’accorder et de verser à l’État fédéral un montant dit « de transfert » au titre des périodes assimilées. Ce montant s’élevait à 4785 schillings autrichiens (ATS) (environ 350 euros).

12 Par décisions du 28 mars 1974 et du 22 mai 1974, une somme de 33160,05 ATS (environ 2400 euros) a été accordée au requérant à titre de remboursement, notamment, des cotisations de pension qu’il avait versées pendant les périodes d’apprentissage et de travail accomplies avant l’âge de 18 ans.

13 Le requérant au principal a été admis au bénéfice de la retraite à compter du 1er septembre 2004. Dans ce contexte, le service du personnel a déterminé le montant de sa pension en tenant uniquement compte des périodes assimilées, telles que reconnues par la décision du 23 août 1973.

14 Le 19 août 2011, M. Lesar a demandé à son employeur que les périodes d’apprentissage et de travail qu’il avait accomplies avant l’âge de 18 ans viennent s’ajouter, aux fins du calcul de sa pension, aux périodes assimilées. Le service du personnel ayant rejeté cette demande par décision du 23 août 2012, M. Lesar a introduit un recours devant le Verfassungsgerichtshof (Cour constitutionnelle, Autriche), lequel s’est déclaré incompétent pour en connaître et a alors renvoyé cette même réclamation à
la juridiction de renvoi.

15 Cette dernière juridiction considère que le refus de prendre en considération, aux fins de la retraite, les périodes d’apprentissage et de travail antérieures à l’entrée en service accomplies avant l’âge de 18 ans constitue une différence de traitement fondée sur l’âge et se demande si celle-ci pourrait être justifiée.

16 Dans ces conditions, le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative, Autriche) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 2, paragraphe 1, l’article 2, paragraphe 2, sous a), et l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils font obstacle à une réglementation telle que la réglementation nationale en cause au principal conformément à laquelle les périodes d’apprentissage et les périodes de travail accomplies par un agent contractuel au service de l’État fédéral avant son admission dans la fonction publique en cette qualité, périodes pour lesquelles des
cotisations à l’assurance pension obligatoire ont dû être versées,

— sont prises en considération pour le calcul des droits à une pension de fonctionnaire lorsque l’intéressé les a accomplies après avoir atteint l’âge de 18 ans, auquel cas l’organisme assureur verse à l’État fédéral un montant dit de transfert pour la prise en considération de ces périodes en application des règles du droit des assurances sociales, mais, en revanche

— ne sont pas prises en considération pour le calcul des droits à une pension de fonctionnaire lorsque l’intéressé les a accomplies avant d’avoir atteint l’âge de 18 ans, auquel cas l’organisme assureur n’a pas à verser de montant de transfert à l’État fédéral et rembourse à l’assuré les cotisations qu’il a versées, eu égard au fait, en particulier, que, si la prise en considération de ces périodes est obtenue a posteriori en application des règles du droit de l’Union, l’organisme assureur
pourrait exiger du fonctionnaire qu’il lui reverse les cotisations qui lui avaient été remboursées et pourrait également se voir dans l’obligation de verser a posteriori un montant de transfert à l’État fédéral ? »

Sur la question préjudicielle

17 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, paragraphe 1, l’article 2, paragraphe 2, sous a), et l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui exclut la prise en compte des périodes d’apprentissage et de travail accomplies par un fonctionnaire avant l’âge de 18 ans aux fins de l’octroi du droit à pension et du calcul du montant de sa pension de retraite, alors que ces
périodes sont prises en compte lorsqu’elles sont accomplies après qu’il a atteint cet âge.

18 À titre liminaire, il convient de relever qu’il est constant que, en excluant, aux fins du calcul d’une telle pension de retraite, une partie des fonctionnaires du bénéfice de la prise en compte des périodes d’apprentissage et de travail accomplies avant l’âge de 18 ans, l’article 54, paragraphe 2, sous a), du PG 1965 affecte les conditions de rémunération de ces fonctionnaires, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/78 (arrêt du 21 janvier 2015, Felber, C‑529/13,
EU:C:2015:20, point 24). Dès lors, cette dernière s’applique à une situation telle que celle en cause au principal.

19 S’agissant de la question de savoir si la réglementation nationale en cause au principal emporte une différence de traitement en fonction de l’âge en ce qui concerne l’emploi et le travail, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2000/78, le « principe de l’égalité de traitement » doit être entendu comme étant l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur l’un des motifs visés à l’article 1er de cette directive, parmi lesquels
figure l’âge. L’article 2, paragraphe 2, sous a), de celle-ci précise que, pour les besoins de l’application du paragraphe 1 de cet article, une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er de ladite directive.

20 Conformément à l’article 53, paragraphe 2, sous a), du PG 1965, doit être pris en considération pour le calcul des points de retraite le temps accompli dans une relation de service, de formation ou une autre relation de travail auprès d’un employeur de droit public national. L’article 54, paragraphe 2, sous a), du PG 1965 limite toutefois cette prise en compte aux périodes que le fonctionnaire a accomplies après avoir atteint l’âge de 18 ans.

21 Ainsi, une réglementation nationale telle que celle en cause au principal réserve un traitement moins favorable aux personnes dont l’expérience professionnelle a été, ne serait-ce qu’en partie, acquise avant l’âge de 18 ans par rapport à celles qui ont obtenu, après avoir atteint cet âge, une expérience de même nature et d’une durée comparable. Une réglementation de cette nature instaure une différence de traitement entre les personnes en fonction de l’âge auquel elles ont acquis leur expérience
professionnelle. Ce critère peut aller jusqu’à conduire à une différence de traitement entre deux personnes qui ont suivi les mêmes études et ont acquis la même expérience professionnelle, et ce exclusivement en fonction de l’âge respectif de ces personnes. Une telle disposition instaure donc une différence de traitement directement fondée sur le critère de l’âge au sens de l’article 2, paragraphe 1, et de l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2000/78 (voir, en ce sens, arrêts du
18 juin 2009, Hütter, C‑88/08, EU:C:2009:381, point 38, et du 21 janvier 2015, Felber, C‑529/13, EU:C:2015:20, point 27).

22 Il convient néanmoins d’examiner si cette différence de traitement est susceptible d’être justifiée au regard de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 2000/78. Il y a lieu à cet égard de relever que, même si, sur le plan formel, la juridiction de renvoi a limité sa question à l’interprétation de l’article 2, paragraphe 1, de l’article 2, paragraphe 2, sous a), et de l’article 6, paragraphe 1, de cette directive, une telle circonstance ne fait pas obstacle à ce que la Cour lui fournisse tous
les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, que cette juridiction y ait fait ou non référence dans l’énoncé de cette question (arrêts du 26 septembre 2013, HK Danmark, C‑476/11, EU:C:2013:590, point 56, et du 29 octobre 2015, Nagy, C‑583/14, EU:C:2015:737, point 20).

23 Il ressort notamment de l’article 6, paragraphe 2, de ladite directive que les États membres peuvent prévoir que ne constitue pas une discrimination fondée sur l’âge la fixation, pour les régimes professionnels de sécurité sociale, d’âges d’adhésion ou d’admissibilité aux prestations de retraite ou d’invalidité.

24 Dès lors que ladite disposition permet aux États membres de prévoir une exception au principe de non-discrimination fondée sur l’âge, elle doit faire l’objet d’une interprétation restrictive (arrêt du 26 septembre 2013, HK Danmark, C‑476/11, EU:C:2013:590, point 46 et jurisprudence citée).

25 La Cour a, en ce sens, jugé que l’article 6, paragraphe 2, de la directive 2000/78 n’a vocation à s’appliquer qu’aux régimes professionnels de sécurité sociale qui couvrent les risques de vieillesse et d’invalidité (arrêt du 26 septembre 2013, HK Danmark, C‑476/11, EU:C:2013:590, point 48 et jurisprudence citée). De même, ont vocation à relever du champ d’application de cette disposition non pas l’ensemble des éléments caractérisant un régime professionnel de sécurité sociale couvrant de tels
risques, mais uniquement ceux qui y sont expressément mentionnés (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2013, HK Danmark, C‑476/11, EU:C:2013:590, point 52).

26 En l’occurrence, il convient donc d’examiner si la réglementation nationale en cause au principal s’inscrit dans le cadre d’un régime professionnel de sécurité sociale qui couvre le risque de vieillesse ou d’invalidité et, dans l’affirmative, de rechercher si cette réglementation relève des hypothèses visées à ladite disposition, à savoir la « fixation [...] d’âges d’adhésion ou d’admissibilité aux prestations de retraite ou d’invalidité ».

27 D’une part, il y a lieu de constater que la directive 2000/78 ne définit pas ce qu’il convient d’entendre par « régime professionnel de sécurité sociale ». Une définition de cette notion figure, en revanche, à l’article 2, paragraphe 1, sous f), de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2006, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail (JO 2006, L 204,
p. 23), aux termes duquel les régimes professionnels de sécurité sociale sont « les régimes non régis par la directive 79/7/CEE du Conseil du 19 décembre 1978 relative à la mise en œuvre progressive du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale [(JO 1979, L 6, p. 24)] qui ont pour objet de fournir aux travailleurs, salariés ou indépendants, groupés dans le cadre d’une entreprise ou d’un groupement d’entreprises, d’une branche économique ou d’un
secteur professionnel ou interprofessionnel, des prestations destinées à compléter les prestations des régimes légaux de sécurité sociale ou à s’y substituer, que l’affiliation à ces régimes soit obligatoire ou facultative ».

28 À cet égard, ainsi que l’a relevé en substance M. l’avocat général au point 45 de ses conclusions, il ressort des éléments du dossier soumis à la Cour que le régime de retraite des fonctionnaires fédéraux en cause au principal constitue un régime qui fournit aux travailleurs d’un secteur professionnel donné des prestations destinées à se substituer aux prestations d’un régime légal de sécurité sociale, au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous f), de la directive 2006/54. En effet, les
fonctionnaires fédéraux sont exclus du régime de l’assurance retraite mis en place par l’ASVG en raison de leur emploi dans la fonction publique de l’État fédéral, dans la mesure où leur relation de travail leur confère un droit à des prestations de retraite équivalentes à celles que prévoit ce régime de l’assurance retraite.

29 D’autre part, le gouvernement autrichien a fait valoir que le régime en cause au principal fixe un âge à partir duquel les affiliés commencent à verser des cotisations au régime de retraite des fonctionnaires fédéraux et acquièrent le droit de percevoir une pension de retraite complète afin, notamment, de garantir à cet égard une égalité de traitement entre les fonctionnaires.

30 Dans ces conditions, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 37 de ses conclusions, une réglementation telle que celle en cause au principal constitue une expression de la liberté dont disposent les États membres, en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 2000/78, de fixer, pour les régimes professionnels de sécurité sociale, un âge d’adhésion à un régime de retraite des fonctionnaires ou d’admissibilité aux prestations de retraite qui sont servies dans le cadre de ce régime.
En effet, le libellé de cette disposition est tel qu’il permet aux États membres non seulement de fixer des âges différents pour des travailleurs ou des groupes ou des catégories de travailleurs, mais également de fixer, au sein d’un régime professionnel de sécurité sociale, un âge d’adhésion ou d’admissibilité aux prestations de retraite.

31 Partant, il y a lieu de considérer qu’une telle réglementation vise à garantir la « fixation [...] d’âges d’adhésion ou d’admissibilité aux prestations de retraite ou d’invalidité », au sens de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 2000/78.

32 Il convient, par conséquent, de répondre à la question posée que l’article 2, paragraphe 1, l’article 2, paragraphe 2, sous a), et l’article 6, paragraphe 2, de la directive 2000/78 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui exclut la prise en compte des périodes d’apprentissage et de travail accomplies par un fonctionnaire avant l’âge de 18 ans aux fins de l’octroi du droit à pension et du calcul du
montant de sa pension de retraite, dans la mesure où cette réglementation vise à garantir la fixation uniforme, au sein d’un régime de retraite des fonctionnaires, d’un âge d’adhésion à ce régime ainsi que d’un âge d’admissibilité aux prestations de retraite qui sont servies dans le cadre dudit régime.

Sur les dépens

33 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

  L’article 2, paragraphe 1, l’article 2, paragraphe 2, sous a), et l’article 6, paragraphe 2, de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui exclut la prise en compte des périodes d’apprentissage et de travail accomplies par un fonctionnaire
avant l’âge de 18 ans aux fins de l’octroi du droit à pension et du calcul du montant de sa pension de retraite, dans la mesure où cette réglementation vise à garantir la fixation uniforme, au sein d’un régime de retraite des fonctionnaires, d’un âge d’adhésion à ce régime ainsi que d’un âge d’admissibilité aux prestations de retraite qui sont servies dans le cadre dudit régime.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C-159/15
Date de la décision : 16/06/2016
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Verwaltungsgerichtshof.

Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Directive 2000/78/CE – Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail – Article 2, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 2, sous a) – Article 6, paragraphe 2 – Discrimination fondée sur l’âge – Détermination des droits à pension des anciens fonctionnaires – Périodes d’apprentissage et de travail – Absence de prise en compte de telles périodes accomplies avant l’âge de 18 ans.

Politique sociale

Principes, objectifs et mission des traités


Parties
Demandeurs : Franz Lesar
Défendeurs : Beim Vorstand der Telekom Austria AG eingerichtetes Personalamt.

Composition du Tribunal
Avocat général : Bot
Rapporteur ?: Arabadjiev

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2016:451

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