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03/03/2016 | CJUE | N°C-12/14

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Commission européenne contre République de Malte., 03/03/2016, C-12/14


ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

3 mars 2016 ( *1 )

«Manquement d’État — Sécurité sociale — Règlement (CEE) no 1408/71 — Article 46 ter — Règlement (CE) no 883/2004 — Article 54 — Pensions de vieillesse — Règles anti-cumul — Personnes bénéficiant d’une pension de vieillesse sous le régime national et d’une pension de fonctionnaire sous le régime d’un autre État membre — Réduction du montant de la pension de vieillesse»

Dans l’affaire C‑12/14,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de lâ

€™article 258 TFUE, introduit le 10 janvier 2014,

Commission européenne, représentée par MM. K. Mifsud-Bonnici et D. Marti...

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

3 mars 2016 ( *1 )

«Manquement d’État — Sécurité sociale — Règlement (CEE) no 1408/71 — Article 46 ter — Règlement (CE) no 883/2004 — Article 54 — Pensions de vieillesse — Règles anti-cumul — Personnes bénéficiant d’une pension de vieillesse sous le régime national et d’une pension de fonctionnaire sous le régime d’un autre État membre — Réduction du montant de la pension de vieillesse»

Dans l’affaire C‑12/14,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 10 janvier 2014,

Commission européenne, représentée par MM. K. Mifsud-Bonnici et D. Martin, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République de Malte, représentée par Mme A. Buhagiar et M. P. Grech, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par:

République d’Autriche, représentée par Mme C. Pesendorfer et M. G. Hesse, en qualité d’agents,

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté par Mmes J. Beeko, S. Behzadi-Spencer et V. Kaye, en qualité d’agents, assistées de M. T. de la Mare, QC,

parties intervenantes,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, président de la troisième chambre, faisant fonction de président de la quatrième chambre, MM. J. Malenovský, M. Safjan, Mmes A. Prechal (rapporteur) et K. Jürimäe, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: Mme V. Giacobbo-Peyronnel, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 juillet 2015,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 novembre 2015,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en déduisant des pensions de vieillesse maltaises le montant de pensions de la fonction publique d’autres États membres, la République de Malte a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 46 ter du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se
déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) no 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 592/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008 (JO L 177, p. 1, ci-après le «règlement no 1408/71»), ainsi que de l’article 54 du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale
(JO L 166, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) no 465/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012 (JO L 149, p. 4, ci-après le « règlement no 883/2004 »).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement no 1408/71

2 L’article 1er, sous j), du règlement no 1408/71, intitulé «Définitions», prévoit:

«Aux fins de l’application du présent règlement:

[...]

j) terme ‘législation’ désigne, pour chaque État membre, les lois, les règlements, les dispositions statutaires et toutes les autres mesures d’application, existants ou futurs, qui concernent les branches et les régimes de sécurité sociale visés à l’article 4 [paragraphe 1].

[...]»

3 L’article 4, paragraphe 1, sous c), de ce règlement, intitulé «Champ d’application matériel», dispose:

«Le présent règlement s’applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent:

[...]

c) les prestations de vieillesse;

[...]»

4 L’article 5 dudit règlement prévoit l’obligation pour les États membres de faire des déclarations relatives au champ d’application de celui-ci. Il est libellé comme suit:

«Les États membres mentionnent les législations et régimes visés à l’article 4 [paragraphe 1] dans les déclarations notifiées et publiées conformément à l’article 97.»

5 Aux termes de l’article 46 ter du même règlement, intitulé «Dispositions particulières applicables en cas de cumul de prestations de même nature dues en vertu de la législation de deux ou plusieurs États membres»:

«1.   Les clauses de réduction, de suspension ou de suppression prévues par la législation d’un État membre ne sont pas applicables à une prestation calculée conformément à l’article 46 paragraphe 2.

2.   Les clauses de réduction, de suspension ou de suppression prévues par la législation d’un État membre s’appliquent à une prestation calculée conformément à l’article [46] paragraphe 1 point a) i) uniquement à la condition qu’il s’agisse:

a) d’une prestation dont le montant est indépendant de la durée des périodes d’assurance ou de résidence accomplies et qui se trouve visée à l’annexe IV partie D

ou

b) d’une prestation dont le montant est déterminé en fonction d’une période fictive censée être accomplie entre la date de réalisation du risque et une date ultérieure. Dans ce dernier cas, lesdites clauses s’appliquent en cas de cumul d’une telle prestation:

i) soit avec une prestation du même type, sauf si un accord a été conclu entre deux ou plusieurs États membres visant à éviter de prendre en considération deux ou plusieurs fois la même période fictive;

ii) soit avec une prestation du type visé au point a).

Les prestations visées aux points a) et b) et les accords sont mentionnés à l’annexe IV partie D.»

6 L’article 97 du règlement no 1408/71, intitulé «Notifications concernant certaines dispositions», dispose:

«1.   Les notifications visées [...] à l’article 5 [...] sont adressées au président du Conseil [de l’Union européenne]. Elles indiquent la date d’entrée en vigueur des lois et régimes en question [...].

2.   Les notifications reçues conformément aux dispositions du paragraphe 1 sont publiées au Journal officiel des Communautés européennes.»

Le règlement no 883/2004

7 Le règlement no 1408/71 a été remplacé par le règlement no 883/2004, qui, conformément à l’article 91 de ce dernier et à l’article 97 du règlement (CE) no 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement no 883/2004 (JO L 284, p. 1), est devenu applicable le 1er mai 2010, date à partir de laquelle le règlement no 1408/71 a été abrogé.

8 L’article 1er du règlement no 883/2004 définit le terme «législation» de la manière suivante:

«Aux fins du présent règlement:

[...]

l) le terme ‘législation’ désigne, pour chaque État membre, les lois, règlements et autres dispositions légales et toutes autres mesures d’application qui concernent les branches de sécurité sociale visées à l’article 3, paragraphe 1.

[...]»

9 L’article 3 de ce règlement, intitulé «Champ d’application matériel», dispose, à son paragraphe 1, sous d):

«Le présent règlement s’applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent:

[...]

d) les prestations de vieillesse;

[...]»

10 L’article 9 dudit règlement, intitulé «Déclarations des États membres concernant le champ d’application du présent règlement», est libellé comme suit:

«1.   Les États membres notifient par écrit à la Commission [...] les législations et les régimes visés à l’article 3 [...]. Ces notifications comportent la date à partir de laquelle le présent règlement est applicable aux régimes précisés par les États membres dans leurs déclarations.

2.   Lesdites notifications sont adressées chaque année à la Commission [...] et font l’objet de la publicité nécessaire.»

11 Aux termes de l’article 54 du même règlement, intitulé «Cumul de prestations de même nature»:

«1.   Lorsque des prestations de même nature dues en vertu de la législation de deux ou plusieurs États membres se cumulent, les clauses anticumul prévues par la législation d’un État membre ne sont pas applicables à une prestation au prorata.

2.   Les clauses anticumul s’appliquent à une prestation autonome uniquement à la condition qu’il s’agisse:

a) d’une prestation dont le montant est indépendant de la durée des périodes d’assurance ou de résidence,

ou

b) d’une prestation dont le montant est déterminé en fonction d’une période fictive censée être accomplie entre la date de réalisation du risque et une date ultérieure, lorsqu’il y a cumul d’une telle prestation:

i) soit avec une prestation du même type, sauf si un accord a été conclu entre deux ou plusieurs États membres pour éviter de prendre en considération la même période fictive plus d’une fois;

ii) soit avec une prestation du type visé au point a).

Les prestations et accords visés aux points a) et b) sont énumérés à l’annexe IX.»

La directive 98/49/CE

12 L’article 1er de la directive 98/49/CE du Conseil, du 29 juin 1998, relative à la sauvegarde des droits à pension complémentaire des travailleurs salariés et non salariés qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté (JO L 209, p. 46), est libellé comme suit:

«L’objectif de la présente directive est de sauvegarder les droits des affiliés à des régimes complémentaires de pension qui se déplacent d’un État membre à l’autre, et de contribuer ainsi à la suppression des obstacles à la libre circulation des travailleurs salariés et non salariés dans la Communauté. Cette protection concerne les droits à pension au titre des régimes complémentaires tant volontaires qu’obligatoires, à l’exception des régimes couverts par le règlement [...] no 1408/71.»

Le droit national

Le droit maltais

13 L’article 56 de la loi maltaise relative à la sécurité sociale (Maltese Social Security Act) prévoit:

«Lorsqu’une personne a droit à une pension d’ancienneté autre qu’une pension d’ancienneté ayant, à tout moment, été totalement commutée, toute pension acquise conformément aux dispositions des articles 53 à 55 de la présente partie est réduite du montant de cette pension d’ancienneté.»

Le droit du Royaume-Uni

14 Les trois régimes de pension en vigueur au Royaume-Uni et applicables à la présente affaire sont le régime de pension du service national de santé (National Health Service Pension Scheme), le régime principal de pension de la fonction publique (Principal Civil Service Pension Scheme) et le régime de pension des forces armées de 1975 (Armed Forces Pension Scheme 1975), dans la mesure où ce dernier concerne les membres du personnel de la Force aérienne royale (Royal Air Force) entrés en service
avant le 6 avril 2005 (ci-après, ensemble, les «régimes de pension en cause»). Le régime principal de pension de la fonction publique et le régime de pension du service national de santé ont été adoptés sur la base de la loi relative aux retraites de 1972 (Superannuation Act 1972). Les dispositions concernant le régime de pension applicable aux membres de la Force aérienne royale figurant dans le régime de pension des forces armées de 1975 ont été adoptées sur la base des compétences conférées en
vertu de la loi de 1917 sur la force aérienne (constitution) [Air Force (Constitution) Act 1917].

La procédure précontentieuse

15 Le 25 novembre 2010, à la suite de trois pétitions présentées par des citoyens maltais au Parlement européen qui se sont plaints de ce que le montant de la retraite qu’ils touchaient au titre des régimes de pension en cause était déduit de leur pension de vieillesse légale maltaise, conformément à l’article 56 de la loi maltaise relative à la sécurité sociale, la Commission a adressé une lettre de mise en demeure à la République de Malte dans laquelle elle a attiré l’attention de cet État membre
sur la possible incompatibilité de cette disposition nationale avec l’article 46 ter du règlement no 1408/71 et l’article 54 du règlement no 883/2004.

16 La République de Malte a répondu à cette mise en demeure par lettres des 27 janvier et 28 décembre 2011.

17 Par courrier du 28 février 2012, la Commission a adressé à la République de Malte un avis motivé, dans lequel elle a réitéré sa position et a invité ledit État membre à se conformer à cet avis motivé dans un délai de deux mois à compter de sa notification. La République de Malte a maintenu sa position dans une lettre du 25 juillet 2012.

18 N’étant pas satisfaite de la réponse apportée par la République de Malte, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

19 Par décisions du président de la Cour du 4 août 2014, la République d’Autriche ainsi que le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ont été admis à intervenir dans le cadre du présent recours au soutien des conclusions de la République de Malte.

Sur le recours

Sur la recevabilité

Argumentation des parties

20 La République de Malte conteste la recevabilité du présent recours au motif que la Commission aurait dû diriger le recours non pas contre elle, mais contre le Royaume-Uni.

21 La République de Malte fait valoir que les régimes de pension en cause n’ont pas été mentionnés dans les déclarations faites par le Royaume-Uni en application de l’article 5 du règlement no 1408/71 et de l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 883/2004, au motif que le Royaume-Uni estime que ces pensions ne relèvent pas du champ d’application matériel de ces règlements. Selon la République de Malte, si la Commission s’oppose à une déclaration faite par un État membre quant aux prestations
relevant du champ d’application d’un règlement relatif à la sécurité sociale, elle est tenue de poursuivre l’examen de ce dossier directement avec l’État membre concerné. En l’espèce, le seul État membre en mesure d’apporter des arguments et des éléments de preuve serait le Royaume-Uni. Ainsi, une action contre la République de Malte constituerait une atteinte au droit à un procès équitable.

22 Le Royaume-Uni, qui soutient la République de Malte dans son argumentation, fait valoir que la Commission commet un détournement de pouvoir en faisant usage de la procédure prévue à l’article 258 TFUE pour mettre en cause les mesures d’un autre État membre. Selon le Royaume-Uni, l’État membre qui fait l’objet de cette mise en cause est privé de la protection conférée par la procédure d’infraction et, même s’il est admis à y intervenir, il ne dispose dans ce contexte que de droits procéduraux plus
limités.

23 La Commission conclut au rejet de l’exception d’irrecevabilité soulevée par la République de Malte et le Royaume-Uni.

Appréciation de la Cour

24 Il résulte de la jurisprudence constante de la Cour qu’il incombe à la Commission, lorsqu’elle considère qu’un État membre a manqué à ses obligations, d’apprécier l’opportunité d’agir contre cet État, de déterminer les dispositions qu’il a violées et de choisir le moment où elle initiera la procédure en manquement à son encontre, les considérations qui déterminent ce choix ne pouvant affecter la recevabilité de son recours (arrêt Commission/Pologne, C‑311/09, EU:C:2010:257, point 19 et
jurisprudence citée).

25 Compte tenu de cette marge d’appréciation, l’absence de recours en manquement à l’encontre d’un État membre n’est pas pertinente pour apprécier la recevabilité d’un recours en manquement introduit à l’encontre d’un autre État membre. La recevabilité du présent recours ne saurait donc être mise en cause par le fait que la Commission n’a pas introduit un recours en manquement contre le Royaume-Uni.

26 S’agissant du moyen tiré d’un prétendu détournement de pouvoir, il suffit de rappeler que, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, la Commission n’a pas à démontrer l’existence d’un intérêt à agir ni à indiquer les motifs qui l’ont amenée à introduire un recours en manquement. Or, en l’espèce, dès lors que l’objet du recours décrit dans la requête introductive d’instance correspond à l’objet du litige tel que défini dans la lettre de mise en demeure et dans l’avis motivé, il ne
saurait être valablement soutenu que la Commission aurait commis un détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêt Commission/Espagne, C‑562/07, EU:C:2009:614, point 25 et jurisprudence citée).

27 Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 40 de ses conclusions, la recevabilité d’un recours en manquement contre un État membre ne saurait non plus être remise en cause du fait que la Cour serait amenée, dans le cadre de ce recours, à préciser la qualification, au regard du droit de l’Union, d’un régime d’un autre État membre. Une telle précision n’est pas non plus de nature à entraîner une violation des droits procéduraux de ce dernier État membre, qui est partie intervenante à la
procédure.

28 Il résulte des considérations qui précèdent que le présent recours est recevable.

Sur le fond

Argumentation des parties

29 Dans sa requête, la Commission fait valoir, en premier lieu, que les régimes de pension en cause relèvent du champ d’application des règlements nos 1408/71 et 883/2004.

30 Selon cette institution, les régimes de retraite de la fonction publique du Royaume-Uni, d’une part, prévoient des prestations de vieillesse, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous c), du règlement no 1408/71 et de l’article 3, paragraphe 1, sous d), du règlement no 883/2004 et, d’autre part, sont fondés sur la «législation», au sens de l’article 1er, sous j), premier alinéa, et de l’article 1er, sous l), premier alinéa, desdits règlements.

31 En second lieu, la Commission soutient que l’article 46 ter du règlement no 1408/71 et l’article 54 du règlement no 883/2004 s’opposent à une disposition de droit national telle que l’article 56 de la loi maltaise relative à la sécurité sociale, dans la mesure où elle prévoit la réduction du montant de la pension de vieillesse versée au titre de la législation maltaise à concurrence du montant de la pension de la fonction publique du Royaume-Uni.

32 Dans son mémoire en réponse, la République de Malte, soutenue sur ce point par la République d’Autriche et le Royaume-Uni, fait valoir, en particulier, qu’elle est tenue par le fait que les régimes britanniques n’ont jamais été mentionnés dans les déclarations faites par le Royaume-Uni conformément à l’article 5 du règlement no 1408/71 et à l’article 9 du règlement no 883/2004. Les États membres ne sauraient être tenus d’évaluer de manière indépendante la nature des prestations accordées par
d’autres États membres, en négligeant ainsi les déclarations faites par ceux-ci aux termes de ces dispositions. Une telle allégation porterait atteinte à la valeur juridique et au statut de ces déclarations de l’État membre concerné, compromettrait l’intégralité du système de coordination de la sécurité sociale mis en place par ces règlements et entraînerait des difficultés d’ordre pratique et administratif.

33 La République de Malte, soutenue sur ce point par le Royaume-Uni, fait également valoir que les régimes de pension de la fonction publique du Royaume-Uni peuvent être considérés comme des régimes complémentaires de pension relevant du champ d’application de la directive 98/49. Lorsqu’un État membre n’a pas fait une déclaration au titre du règlement no 1408/71 ou du règlement no 883/2004 et lorsqu’il semble que cet État membre considère les régimes de pension comme relevant du champ d’application
de la directive 98/49, ces pensions devraient être considérées comme exclues du champ d’application des règlements nos 1408/71 et 883/2004.

34 La Commission, selon laquelle la directive 98/49 n’est pas applicable en l’espèce, rétorque que l’absence de mention des régimes de pension en cause dans les déclarations faites par le Royaume-Uni ne saurait être considérée par la République de Malte comme une preuve du fait que ces régimes ne relèvent pas des dispositions en question. Selon la Commission, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour que la République de Malte aurait dû apprécier l’applicabilité des règlements nos 1408/71
et 883/2004 aux régimes de pension britanniques non pas au regard de ce qu’une prestation est ou non qualifiée de «prestation de sécurité sociale» par la législation nationale, mais sur les éléments constitutifs de la prestation concernée.

Appréciation de la Cour

35 Les griefs formulés par la Commission tendent à faire constater, d’abord, que les États membres ont une obligation de vérifier la législation d’un autre État membre afin de s’assurer que cette législation, nonobstant le fait qu’elle n’a pas fait l’objet, par cet autre État membre, d’une déclaration en vertu de l’article 5 du règlement no 1408/71 ou de l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 883/2004, relève du champ d’application matériel de ces règlements, ensuite, qu’une telle vérification,
si elle avait été effectuée par la République de Malte, aurait dû aboutir à la conclusion que les régimes de pension en cause prévoient des prestations de vieillesse et sont fondés sur des législations qui relèvent du champ d’application des règlements nos 1408/71 ainsi que 883/2004 et, enfin, que, par conséquent, l’application de l’article 56 de la loi maltaise relative à la sécurité sociale, en ce qu’il interdit le cumul des prestations découlant des régimes de pension en cause avec la pension
d’ancienneté due en vertu de la législation maltaise, est incompatible avec l’article 46 ter du règlement no 1408/71 et avec l’article 54 du règlement no 883/2004.

36 S’agissant de l’article 5 du règlement no 1408/71 et de l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 883/2004, ceux-ci imposent aux États membres une obligation de déclarer les législations et régimes relatifs à des prestations de sécurité sociale qui relèvent du champ d’application matériel de ces règlements et auxquels ces États membres sont tenus de se conformer, tout en respectant les exigences résultant de l’article 4, paragraphe 3, TUE.

37 En effet, il découle du principe de coopération loyale, énoncé à l’article 4, paragraphe 3, TUE, que tout État membre, aux fins des déclarations visées à l’article 5 du règlement no 1408/71 et à l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 883/2004, doit procéder à un examen diligent de ses propres régimes de sécurité sociale et, s’il y a lieu, au terme de cet examen, les déclarer comme relevant du champ d’application de ces règlements (voir, par analogie, arrêts FTS, C‑202/97, EU:C:2000:75,
point 51, et Herbosch Kiere, C‑2/05, EU:C:2006:69, point 22). Il découle également de ce principe que les autres États membres sont en droit de s’attendre à ce que l’État membre concerné se soit conformé à ces obligations.

38 Ainsi, ces déclarations créent une présomption que les législations nationales déclarées en vertu de l’article 5 du règlement no 1408/71 ou de l’article 9 du règlement no 883/2004 relèvent du champ d’application matériel de ces règlements et lient, en principe, les autres États membres. À l’inverse, dès lors qu’un État membre s’est abstenu de déclarer une législation nationale au titre de ces règlements, les autres États membres peuvent, en principe, en déduire que cette législation ne relève pas
du champ d’application matériel desdits règlements.

39 En outre, aussi longtemps que les déclarations faites par un État membre ne sont pas modifiées ou retirées, les autres États membres doivent en tenir compte. Il incombe à l’État membre qui a fait la déclaration de reconsidérer le bien-fondé de celle-ci et, le cas échéant, de la modifier lorsqu’un autre État membre émet des doutes quant à l’exactitude de ces déclarations (voir, en ce sens, arrêt Banks e.a., C‑178/97, EU:C:2000:169, point 43).

40 Cette conclusion n’implique toutefois pas qu’un État membre est privé de toute possibilité de réagir lorsqu’il a connaissance d’informations qui suscitent des doutes quant à l’exactitude des déclarations faites par un autre État membre.

41 En premier lieu, si la déclaration soulève des interrogations et que les États membres ne parviennent pas à s’accorder notamment en ce qui concerne la qualification des législations ou des régimes dans le cadre du champ d’application des règlements nos 1408/71 et 883/2004, il leur est loisible de s’adresser à la commission administrative, visée aux articles 80 et 81 du règlement no 1408/71 ainsi qu’aux articles 71 et 72 du règlement no 883/2004. En second lieu, si la commission administrative ne
parvient pas à concilier les points de vue des États membres au sujet de la législation applicable en l’espèce, il appartient le cas échéant à l’État membre qui doute de l’exactitude d’une déclaration d’un autre État membre de s’adresser à la Commission ou, en dernier recours, d’engager une procédure sur le fondement de l’article 259 TFUE, aux fins de permettre à la Cour d’examiner, à l’occasion d’un tel recours, la question de la législation applicable (voir, en ce sens, arrêt Banks e.a.,
C‑178/97, EU:C:2000:169, point 44).

42 Eu égard aux arguments présentés par la Commission, il convient d’ajouter que la constatation qu’un État membre doit tenir compte de la déclaration faite par un autre État membre n’est pas non plus en contradiction avec la jurisprudence de la Cour (voir, notamment, arrêts Beerens, 35/77, EU:C:1977:194, point 9, ainsi que Hliddal et Bornand, C‑216/12 et C‑217/12, EU:C:2013:568, point 46), selon laquelle la circonstance qu’un État membre a inclus une loi ou une réglementation nationale dans sa
déclaration au titre de l’article 5 du règlement no 1408/71 ou de l’article 9 du règlement no 883/2004 doit être tenue comme établissant que les prestations accordées sur la base de cette loi sont des prestations de sécurité sociale au sens de ces règlements, tandis que la circonstance qu’une loi ou une réglementation n’a pas fait l’objet d’une telle déclaration ne saurait, par elle-même, établir que cette loi ou cette réglementation ne relève pas du champ d’application desdits règlements.

43 En effet, même en l’absence d’une obligation générale, à charge des États membres, de vérifier si la législation des autres États membres relève du champ d’application matériel des règlements nos 1408/71 et 883/2004, une juridiction nationale, saisie d’un litige relatif à une telle loi ou à une telle réglementation, peut toujours être appelée à se pencher sur la qualification du régime en cause dans l’affaire qui lui est soumise et à saisir, le cas échéant, la Cour d’une question préjudicielle y
relative.

44 En revanche, il ne résulte d’aucun des deux articles en cause que les États membres autres que celui qui a institué ladite loi ou réglementation, mais ne l’a pas déclarée, auraient le devoir de déterminer de leur propre chef si celle-ci doit néanmoins être considérée comme relevant du champ d’application matériel des règlements concernés.

45 Il résulte de ce qui précède que c’est à tort que la Commission a fondé le présent recours en manquement sur l’existence d’une obligation générale à charge des États membres de vérifier si les législations des autres États membres, nonobstant le fait qu’elles n’ont pas fait l’objet d’une déclaration en vertu de l’article 5 du règlement no 1408/71 ou de l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 883/2004, relèvent néanmoins du champ d’application matériel desdits règlements.

46 Par conséquent, le recours doit être rejeté dans son intégralité.

Sur les dépens

47 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République de Malte ayant conclu à la condamnation de la Commission et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens. Conformément à l’article 140 du règlement de procédure, la République d’Autriche ainsi que le Royaume-Uni supporteront leurs propres dépens.

  Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête:

  1) Le recours est rejeté.

  2) La Commission européenne est condamnée aux dépens.

  3) La République d’Autriche ainsi que le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord supportent leurs propres dépens.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure: l’anglais.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : C-12/14
Date de la décision : 03/03/2016
Type de recours : Recours en constatation de manquement - non fondé

Analyses

Manquement d’État – Sécurité sociale – Règlement (CEE) no 1408/71 – Article 46 ter – Règlement (CE) no 883/2004 – Article 54 – Pensions de vieillesse – Règles anti-cumul – Personnes bénéficiant d’une pension de vieillesse sous le régime national et d’une pension de fonctionnaire sous le régime d’un autre État membre – Réduction du montant de la pension de vieillesse.

Sécurité sociale des travailleurs migrants


Parties
Demandeurs : Commission européenne
Défendeurs : République de Malte.

Composition du Tribunal
Avocat général : Bot
Rapporteur ?: Prechal

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2016:135

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