ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
10 décembre 2015 ( *1 )
«Renvoi préjudiciel — Code des douanes communautaire — Contrôle a posteriori des déclarations — Principe de protection de la confiance légitime — Limitation, dans le droit national, du réexamen des résultats d’un contrôle a posteriori — Possibilité — Décision relative au contrôle a posteriori initial — Données inexactes ou incomplètes inconnues à la date de la décision»
Dans l’affaire C‑427/14,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Augstākās tiesas Administratīvo lietu departaments (département des affaires administratives de la Cour suprême, Lettonie), par décision du 11 septembre 2014, parvenue à la Cour le 18 septembre 2014, dans la procédure
Valsts ieņēmumu dienests
contre
«Veloserviss» SIA,
LA COUR (première chambre),
composée de M. A. Tizzano, vice‑président de la Cour, faisant fonction de président de la première chambre, MM. A. Borg Barthet, E. Levits, Mme M. Berger et M. S. Rodin (rapporteur), juges,
avocat général: M. P. Mengozzi,
greffier: M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées:
— pour le gouvernement letton, par MM. I. Kalniņš et K. Freimanis, en qualité d’agents,
— pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,
— pour le gouvernement grec, par Mmes A. Dimitrakopoulou et K. Nasopoulou, en qualité d’agents,
— pour le gouvernement espagnol, par Mme A. Gavela Llopis, en qualité d’agent,
— pour la Commission européenne, par M. A. Sauka et Mme L. Grønfeldt, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 78, paragraphe 3, du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 2700/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 16 novembre 2000 (JO L 311, p. 17, ci‑après le «code des douanes»).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Valsts ieņēmumu dienests (administration fiscale lettone, ci‑après l’«administration fiscale») à «Veloserviss» SIA (ci‑après «Veloserviss») au sujet du prélèvement de droits à l’importation et de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), majorés des intérêts de retard, lors d’un contrôle a posteriori d’une déclaration en douane.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 L’article 78 du code des douanes, intitulé «Contrôle a posteriori des déclarations», dispose:
«1. Les autorités douanières peuvent d’office ou à la demande du déclarant, après octroi de la mainlevée des marchandises, procéder à la révision de la déclaration.
2. Les autorités douanières peuvent, après avoir donné mainlevée des marchandises et afin de s’assurer de l’exactitude des énonciations de la déclaration, procéder au contrôle des documents et données commerciaux relatifs aux opérations d’importation ou d’exportation des marchandises dont il s’agit ainsi qu’aux opérations commerciales ultérieures relatives aux mêmes marchandises. Ces contrôles peuvent s’exercer auprès du déclarant, de toute personne directement ou indirectement intéressée de
façon professionnelle auxdites opérations ainsi que de toute autre personne possédant en tant que professionnel lesdits documents et données. Ces autorités peuvent également procéder à l’examen des marchandises, lorsqu’elles peuvent encore être présentées.
3. Lorsqu’il résulte de la révision de la déclaration ou des contrôles a posteriori que les dispositions qui régissent le régime douanier concerné ont été appliquées sur la base d’éléments inexacts ou incomplets, les autorités douanières prennent dans le respect des dispositions éventuellement fixées les mesures nécessaires pour rétablir la situation en tenant compte des nouveaux éléments dont elles disposent.»
4 Aux termes de l’article 221, paragraphes 1, 3 et 4, de ce code:
«1. Le montant des droits doit être communiqué au débiteur selon des modalités appropriées dès qu’il a été pris en compte.
[...]
3. La communication au débiteur ne peut plus être effectuée après l’expiration d’un délai de trois ans à compter de la date de la naissance de la dette douanière. [...]
4. Lorsque la dette douanière résulte d’un acte qui était, au moment où il a été commis, passible de poursuites judiciaires répressives, la communication au débiteur peut, dans les conditions prévues par les dispositions en vigueur, être effectuée après l’expiration du délai de trois ans prévu au paragraphe 3.»
Le droit letton
5 L’article 23, paragraphe 1, de la loi relative aux impôts et aux taxes dispose:
«À la suite d’un contrôle fiscal, l’administration fiscale détermine ou précise les montants à indiquer dans les parties des déclarations fiscale et informative, les revenus imposables (les pertes), les calculs des impôts (taxes) effectués conformément à la réglementation fiscale, elle applique une amende dans les trois ans à compter du délai de paiement fixé par ladite réglementation. Si un contrôle fiscal est effectué à l’égard d’une taxe déterminée, d’une section de la déclaration fiscale,
d’une taxe ou de tout autre paiement prévu par la loi pour la période d’imposition concernée, l’avis de celui‑ci est définitif et ne peut être révisé que si des poursuites pénales sont engagées pour fraude, falsification de documents, fraude à l’impôt et aux autres taxes assimilées ou pour d’autres infractions qui peuvent influer sur la détermination du montant de l’impôt.»
Le litige au principal et les questions préjudicielles
6 Le 17 mai 2007, Veloserviss a importé dans l’Union européenne des vélos en provenance du Cambodge en vue de leur mise en libre pratique. Se fondant sur le certificat d’origine délivré le 16 février 2007 par le gouvernement cambodgien, Veloserviss n’a payé aucun droit de douane ni de TVA.
7 L’administration fiscale a, au cours de l’année 2008, effectué un premier contrôle douanier a posteriori pour la période au cours de laquelle les vélos litigieux ont été importés. Aucune irrégularité n’ayant été constatée à leur égard, Veloserviss a exécuté la décision adoptée à la suite de ce contrôle.
8 Au cours de l’année 2010, l’administration fiscale a reçu des informations de la part de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), selon lesquelles le certificat d’origine délivré par le gouvernement cambodgien relatif aux marchandises concernées n’était pas conforme aux exigences des dispositions du droit de l’Union.
9 Sur la base de ces informations, l’administration fiscale a effectué un second contrôle a posteriori, relatif au document administratif unique présenté par Veloserviss, et a constaté que des exemptions de droits de douane avaient été indûment appliquées auxdites marchandises.
10 Par conséquent, par décision du 23 juillet 2010, l’administration fiscale a imposé à Veloserviss le paiement de droits de douane et de la TVA, majorés des intérêts de retard.
11 Par la suite, Veloserviss a formé un recours en annulation de cette décision.
12 Après examen de l’affaire en instance d’appel, l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale) a, par un arrêt rendu le 27 mars 2014, confirmé l’annulation de la décision du 23 juillet 2010, en considérant, notamment, que, en vertu de l’article 23, paragraphe 1, de la loi relative aux impôts et aux taxes, l’administration fiscale n’était pas habilitée à effectuer à nouveau un contrôle a posteriori de la marchandise déclarée en cause, dès lors que le premier contrôle avait fait
naître une confiance légitime dans le chef de Veloserviss et que celle‑ci avait rempli toutes les conditions prévues concernant la présentation de la déclaration douanière, dans la mesure où elle ne pouvait objectivement pas savoir que l’autorité compétente cambodgienne avait émis un certificat erroné. En conséquence, Veloserviss avait agi de bonne foi.
13 L’administration fiscale s’est pourvue en cassation devant la juridiction de renvoi.
14 Dans ce contexte, ladite administration souligne, selon l’Augstākās tiesas Administratīvo lietu departaments (département des affaires administratives de la Cour suprême), d’abord que l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale) n’a pas tenu compte du fait que, lorsque cette même administration a effectué pour la première fois un contrôle de la déclaration en douane de Veloserviss, elle ne disposait pas du rapport de l’OLAF, de telle sorte qu’elle n’a pu établir que les
certificats d’origine présentés étaient incorrects. Ensuite, l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale) n’aurait pas tenu compte du fait que l’article 78, paragraphe 3, du code des douanes constitue une règle spéciale par rapport à l’article 23, paragraphe 1, de la loi relative aux impôts et aux taxes. Enfin, la Cour aurait, toujours selon l’administration fiscale, indiqué au point 40 de l’arrêt Greencarrier Freight Services Latvia (C‑571/12, EU:C:2014:102) que les autorités
douanières pouvaient procéder à la communication d’une nouvelle dette douanière pendant un délai de trois ans à compter de la date de la naissance de cette dette, de telle sorte que l’administration fiscale pouvait effectuer des ajouts à la décision de contrôle initiale.
15 À cet égard, la juridiction de renvoi fait observer que, tandis que le droit letton restreint la possibilité de procéder à des vérifications fiscales répétées, l’article 78, paragraphe 3, du code des douanes prévoit, d’une manière générale, le droit des autorités douanières de procéder à des contrôles a posteriori et de prévenir le non‑respect du paiement des droits de douane, sans que cette disposition limite la possibilité de répéter de tels contrôles. L’utilisation de ce droit devrait
cependant être guidée par les principes généraux de la procédure administrative, y compris les principes et les dispositions de droit national. Il existerait, dès lors, des doutes sur l’interprétation de l’article 78, paragraphe 3, de ce code, cette disposition étant déterminante pour la solution du présent litige.
16 Dans ces conditions, l’Augstākās tiesas Administratīvo lietu departaments (département des affaires administratives de la Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) Convient‑il d’interpréter l’article 78, paragraphe 3, du code des douanes en ce sens que le principe de la confiance légitime limite la possibilité de réitérer un contrôle a posteriori et de réviser les résultats d’un contrôle a posteriori initial?
2) Le droit national d’un État membre peut‑il établir une procédure pour l’exécution des contrôles a posteriori prévus à l’article 78, paragraphe 3, du code des douanes et des restrictions à la révision des résultats des contrôles?
3) Convient‑il d’interpréter l’article 78, paragraphe 3, du code des douanes en ce sens que le droit national peut contenir des restrictions à la révision des résultats d’un contrôle a posteriori initial, si une information est reçue selon laquelle la réglementation douanière a été appliquée sur la base de données inexactes ou incomplètes, information qui n’était pas connue au moment de l’adoption de la décision relative au contrôle a posteriori initial?»
Sur les questions préjudicielles
17 Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si et dans quelle mesure l’article 78, paragraphe 3, du code des douanes doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui restreint la possibilité pour les autorités douanières de réitérer un contrôle a posteriori et d’en tirer les conséquences en fixant une nouvelle dette douanière, lorsque, d’une part, l’administration
fiscale compétente reçoit une information qui révèle que la réglementation douanière a été appliquée sur la base de données inexactes ou incomplètes,et, d’autre part, cette information n’était pas connue à la date de l’adoption de la décision relative au contrôle a posteriori initial.
18 Afin de répondre à cette question, il y a lieu de relever, à titre liminaire, que l’article 78, paragraphe 3, du code des douanes énonce que les autorités douanières prennent les mesures qui y sont visées «dans le respect des dispositions éventuellement fixées».
19 De plus, il ressort tant de l’article 1er dudit code, selon lequel la réglementation douanière de l’Union est aussi constituée de dispositions prises pour son application au niveau national, que de la jurisprudence de la Cour que, si les États membres restent habilités à prévoir des règles procédurales dans le champ d’application du code des douanes, ils doivent toutefois s’assurer que celles‑ci sont conformes à ce code ainsi que, plus généralement, aux exigences et aux principes pertinents du
droit de l’Union (voir par analogie, notamment, arrêt CIVAD, C‑533/10, EU:C:2012:347, point 23; ordonnance Saupiquet/Commission, C‑37/12 P, EU:C:2013:96, point 39, ainsi que arrêt Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C‑129/13 et C‑130/13, EU:C:2014:2041, point 77).
20 Sous cette réserve, les États membres conservent donc, en principe, la compétence d’adopter des règles régissant les contrôles a posteriori prévus à l’article 78, paragraphe 3, du code des douanes.
21 Afin de déterminer, plus particulièrement, si ou dans quelle mesure un État membre peut prévoir des restrictions à cet égard, il convient de rappeler, tout d’abord, que l’article 78 du code des douanes institue une procédure permettant aux autorités douanières de procéder, le cas échéant, d’office, à une révision a posteriori d’une déclaration en douane, c’est‑à‑dire après l’octroi de la mainlevée des marchandises visées par une telle déclaration (voir, en ce sens, arrêts Overland Footwear,
C‑468/03, EU:C:2005:624, points 62, 64 et 66, ainsi que Greencarrier Freight Services Latvia, C‑571/12, EU:C:2014:102, point 28).
22 À cet effet, lesdites autorités peuvent, d’une part, en vertu de l’article 78, paragraphe 1, du code des douanes, procéder à la révision de la déclaration en douane, à savoir à son réexamen (arrêt Overland Footwear, C‑468/03, EU:C:2005:624, point 45).
23 D’autre part, les autorités douanières peuvent, aux termes de l’article 78, paragraphe 2, dudit code, afin de s’assurer de l’exactitude des énonciations de la déclaration, procéder aux contrôles de documents et de données pertinents ainsi que, selon les circonstances, à l’examen des marchandises concernées (voir, en ce sens, arrêt Greencarrier Freight Services Latvia, C‑571/12, EU:C:2014:102, point 29).
24 Si cette révision ou ces contrôles révèlent que les dispositions régissant le régime douanier concerné ont été appliquées sur la base d’éléments inexacts ou incomplets, à savoir que soit des erreurs ou des omissions matérielles, soit des erreurs d’interprétation du droit applicable ont été commises, les autorités douanières doivent, conformément à l’article 78, paragraphe 3, du code des douanes, prendre les mesures nécessaires pour régulariser la situation en tenant compte des nouveaux éléments
dont elles disposent (voir, en ce sens, arrêt Terex Equipment e.a., C‑430/08 et C‑431/08, EU:C:2010:15, point 62).
25 À cet égard, il convient de constater que le libellé de l’article 78 dudit code ne contient de restriction ni en ce qui concerne la possibilité pour les autorités douanières de répéter une révision ou un contrôle a posteriori au sens des paragraphes 1 et 2 de cet article ni par rapport à la prise, par celles‑ci, des mesures nécessaires pour régulariser la situation prévue au paragraphe 3 dudit article.
26 En effet, tant la finalité même du code des douanes, en ce qu’il vise, notamment, conformément au considérant 5 de ce code, à assurer une application correcte des taxes prévues par celui‑ci (voir, en ce sens, arrêt Greencarrier Freight Services Latvia, C‑571/12, EU:C:2014:102, point 32), que la logique spécifique de l’article 78 dudit code, qui consiste à aligner la procédure douanière sur la situation réelle en corrigeant les erreurs ou les omissions matérielles ainsi que les erreurs
d’interprétation du droit applicable (voir arrêts Terex Equipment e.a., C‑430/08 et C‑431/08, EU:C:2010:15, point 56, ainsi que Südzucker e.a., C‑608/10, C‑10/11 et C‑23/11, EU:C:2012:444, point 47) militent contre une interprétation de cet article permettant d’exclure généralement que les autorités douanières procèdent à des révisions ou à d’autres contrôles a posteriori des déclarations en douane afin de régulariser, le cas échéant, la situation.
27 En outre, il découle d’une jurisprudence constante que lesdites autorités disposent, notamment en vue d’une réalisation effective de tels objectifs, d’un large pouvoir d’appréciation pour procéder à des révisions et à des contrôles a posteriori (voir, en ce sens, arrêts Südzucker e.a., C‑608/10, C‑10/11 et C‑23/11, EU:C:2012:444, points 48 et 50, ainsi que Digitalnet e.a., C‑320/11, C‑330/11, C‑382/11 et C‑383/11, EU:C:2012:745, point 66).
28 Il en résulte que l’article 78, paragraphe 3, du code des douanes doit être interprété en ce sens que, dans le cadre des obligations qu’il impose aux autorités douanières, il permet, en règle générale, à ces autorités de réitérer une révision ou un contrôle a posteriori d’une déclaration en douane et d’en tirer les conséquences en fixant une nouvelle dette douanière.
29 Toutefois, la possibilité pour les autorités douanières de procéder à des révisions des déclarations en douane et de prendre les mesures nécessaires afin de régulariser la situation est soumise au respect des exigences pertinentes des principes généraux du droit de l’Union, notamment celles découlant du principe de sécurité juridique et, en tant que corollaire de celui‑ci, du principe de la protection de la confiance légitime.
30 À cet égard, il convient de rappeler, d’emblée, que les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime font partie de l’ordre juridique de l’Union. À ce titre, ils doivent être respectés par les institutions de l’Union, mais également par les États membres dans l’exercice des pouvoirs que leur confèrent les réglementations de l’Union (voir en ce sens, notamment, arrêts Netto Supermarkt, C‑271/06, EU:C:2008:105, point 18, et Plantanol, C‑201/08, EU:C:2009:539, point 43).
31 S’agissant, en premier lieu, du principe de la protection de la sécurité juridique, celle‑ci vise, selon une jurisprudence constante de la Cour, à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques et exige, notamment, que la situation d’un redevable, concernant ses droits et ses obligations à l’égard de l’administration fiscale ou douanière, ne soit pas indéfiniment susceptible d’être remise en cause (voir en ce sens, notamment, arrêts Alstom Power Hydro, C‑472/08,
EU:C:2010:32, point 16, et Elsacom, C‑294/11, EU:C:2012:382, point 29).
32 À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’imposition d’un délai de prescription raisonnable, que ce soit par le droit national ou par le droit de l’Union, sert l’intérêt de la sécurité juridique qui protège à la fois le justiciable et l’administration concernée et n’empêche pas pour autant l’exercice, par le justiciable, des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (voir, en ce sens, arrêts Barth, C‑542/08, EU:C:2010:193, point 28, et CIVAD, C‑533/10, EU:C:2012:347,
point 23).
33 Dès lors, l’article 78 du code des douanes n’instituant aucun délai de prescription pour le contrôle a posteriori des déclarations en douane, les États membres sont, au regard du principe général de sécurité juridique, habilités à subordonner cette procédure à un délai de prescription raisonnable.
34 Toutefois, même si cet article ne prévoit pas de délai spécifique à cet égard, il y a lieu d’observer que, en vertu de l’article 221, paragraphe 3, du code des douanes, les autorités douanières disposent d’un délai de trois ans pour procéder à la communication d’une nouvelle dette douanière, à compter de la date de la naissance de cette dette (voir arrêt Greencarrier Freight Services Latvia, C‑571/12, EU:C:2014:102, point 40).
35 Passé ce délai, la dette est prescrite et, partant, éteinte au sens de l’article 233 dudit code (voir arrêt Direct Parcel Distribution Belgium, C‑264/08, EU:C:2010:43, point 43).
36 Dans la mesure où, à l’expiration du délai de trois ans à compter de la date de la naissance de la dette douanière, il n’est plus possible de communiquer une nouvelle dette douanière et de tirer, ainsi, les conséquences d’une révision ou des contrôles a posteriori au sens de l’article 78, paragraphe 3, du code des douanes, les États membres ne sauraient être, au regard du principe de sécurité juridique, empêchés de restreindre le recours à la procédure de révision qu’il prévoit après l’écoulement
de trois ans à compter de la date de la naissance de la dette douanière initiale, notamment en subordonnant cette révision à un tel délai de prescription (voir, en ce sens, arrêt Greencarrier Freight Services Latvia, C‑571/12, EU:C:2014:102, points 40 et 41).
37 En revanche, pendant cette période de trois ans, la réglementation nationale d’un État membre doit, ainsi qu’il a été relevé aux points 25 à 28 du présent arrêt, permettre aux autorités douanières de prendre, à nouveau, une mesure pour rétablir la situation en conséquence d’une révision ou d’un contrôle a posteriori conformément à l’article 78, paragraphe 3, du code des douanes, notamment en modifiant la dette douanière. En outre, la prise d’une telle mesure doit être possible même après
l’expiration de ladite période dans une situation dans laquelle une dette douanière résulte, au sens de l’article 221, paragraphe 4, de ce code, d’un acte qui était, à la date où il a été commis, passible de poursuites judiciaires répressives, ce qu’il appartiendrait à la juridiction de renvoi de vérifier.
38 À plus forte raison, et dans des situations autres que cette dernière, doivent être considérés comme étant conformes au principe de la sécurité juridique, à tout le moins durant la période de trois ans à compter de la naissance de la dette douanière, des révisions et des contrôles a posteriori au sens des paragraphes 1 et 2 dudit article, effectués de manière répétée, dès lors qu’une telle révision ou qu’un tel contrôle a posteriori, ainsi que la Commission l’a relevé, n’affecte pas, en tant que
tel, nécessairement la situation juridique du redevable concerné.
39 Pour ce qui est, en deuxième lieu, du principe de la protection de la confiance légitime, il convient de relever qu’il ressort d’une jurisprudence constante que la possibilité de se prévaloir de ce principe est ouverte à tout opérateur économique dans le chef duquel une autorité nationale a fait naître des attentes fondées. Toutefois, lorsqu’un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l’adoption d’une mesure de nature à affecter ses intérêts, il ne saurait invoquer le
bénéfice d’un tel principe lorsque cette mesure est adoptée. De plus, les opérateurs économiques ne sont pas aptes à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une situation existante qui peut être modifiée dans le cadre du pouvoir d’appréciation des autorités nationales (voir, notamment, arrêt Plantanol, C‑201/08, EU:C:2009:539, point 53).
40 À cet égard, s’agissant de la possibilité pour un redevable de se prévaloir du principe de la confiance légitime en cas de révision ou de contrôles a posteriori et de fixation de la dette douanière y afférente, il découle de la jurisprudence de la Cour que ce redevable ne peut fonder une confiance légitime sur la validité de certificats du fait de leur acceptation initiale par les autorités douanières d’un État membre, étant donné que le rôle de ces services dans le cadre de la première
acceptation des déclarations ne fait nullement obstacle à l’exercice de contrôles ultérieurs ni aux conséquences qui peuvent en résulter (voir, en ce sens, arrêts Van Gend & Loos et Expeditiebedrijf Bosman/Commission, 98/83 et 230/83, EU:C:1984:342, point 20, ainsi que Faroe Seafood e.a., C‑153/94 et C‑204/94, EU:C:1996:198, point 93).
41 En effet, pendant la période de trois ans à compter de la naissance de la dette douanière initiale énoncée au point 34 du présent arrêt, un redevable doit, en tant qu’opérateur économique, accepter le risque, et prendre les dispositions nécessaires pour s’en prémunir, que les autorités douanières reviennent sur la décision concernant la dette douanière en tenant compte des nouveaux éléments dont elles disposent éventuellement à la suite de contrôles (voir, en ce sens, arrêt Lagura
Vermögensverwaltung, C‑438/11, EU:C:2012:703, point 30).
42 Il s’ensuit que, en général, le principe de protection de la confiance légitime ne s’oppose pas à ce que les autorités douanières procèdent à des révisions ou à des contrôles a posteriori ultérieurs et en tirent les conséquences au sens de l’article 78, paragraphe 3, du code des douanes.
43 En troisième lieu, il convient cependant de noter qu’il reste toujours loisible à un redevable de s’opposer à une prise en compte a posteriori des droits de douane dans les conditions spécifiques et cumulatives prévues à l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes, qui a pour objectif de protéger la confiance légitime du redevable quant au bien‑fondé de l’ensemble des éléments intervenant dans la décision de recouvrer ou non les droits de douane (voir arrêt Agrover, C‑173/06,
EU:C:2007:612, points 30 et 31).
44 Or, selon une jurisprudence constante de la Cour, la confiance légitime du redevable n’est digne de la protection prévue à ladite disposition que si ce sont les autorités compétentes «elles‑mêmes» qui ont créé la base sur laquelle reposait cette confiance. Ainsi, seules les erreurs imputables à un comportement actif des autorités compétentes ouvrent droit au non‑recouvrement a posteriori des droits de douane (voir, en ce sens, arrêts Mecanarte, C‑348/89, EU:C:1991:278, points 19 et 23, ainsi que
Agrover, C‑173/06, EU:C:2007:612, point 31).
45 Une telle situation ne paraît néanmoins, sous réserve d’une vérification par la juridiction de renvoi, être en cause dans l’affaire au principal étant donné, notamment, que, selon les faits tels qu’ils ont été décrits par cette juridiction, la procédure de révision a été réitérée à la suite d’une information concernant le certificat d’origine, en l’occurrence ressortant d’un rapport de l’OLAF, qui n’était pas connue des autorités douanières à la date de l’adoption de la décision relative au
contrôle a posteriori initial.
46 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que l’article 78, paragraphe 3, du code des douanes doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui restreint la possibilité pour les autorités douanières de réitérer une révision ou un contrôle a posteriori et d’en tirer les conséquences en fixant une nouvelle dette douanière, pour autant que cette restriction se réfère à
une période de trois ans à compter de la date de la naissance de la dette douanière initiale, ce qu’il incombe à la juridiction nationale de vérifier.
Sur les dépens
47 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle‑ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:
L’article 78, paragraphe 3, du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement (CE) no 2700/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 16 novembre 2000, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui restreint la possibilité pour les autorités douanières de réitérer une révision ou un contrôle a posteriori et d’en tirer les
conséquences en fixant une nouvelle dette douanière, pour autant que cette restriction se réfère à une période de trois ans à compter de la date de la naissance de la dette douanière initiale, ce qu’il incombe à la juridiction nationale de vérifier.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure: le letton.