ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
15 octobre 2015 ( *1 )
«Manquement d’État — Directive 2011/92/UE — Évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement — Article 11 — Directive 2010/75/UE — Émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution) — Article 25 — Accès à la justice — Réglementation procédurale nationale non conforme»
Dans l’affaire C‑137/14,
ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 21 mars 2014,
Commission européenne, représentée par MM. C. Hermes et G. Wilms, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
contre
République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. T. Henze et J. Möller, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
soutenue par
République d’Autriche, représentée par Mme C. Pesendorfer, en qualité d’agent,
partie intervenante,
LA COUR (deuxième chambre),
composée de Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur), président de la première chambre, faisant fonction de président de la deuxième chambre, MM. J. L. da Cruz Vilaça, A. Arabadjiev, C. Lycourgos et J.‑C. Bonichot, juges,
avocat général: M. M. Wathelet,
greffier: M. V. Tourrès, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 mars 2015,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 21 mai 2015,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en limitant:
— l’annulation de décisions administratives relevant de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO 2012, L 26, p. 1), et de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution) (JO L 334, p. 17), aux seuls cas où une violation d’un droit
subjectif est établie [article 113, paragraphe 1, de la loi sur l’organisation des juridictions administratives (Verwaltungsgerichtsordnung, ci‑après la «loi sur l’organisation des juridictions administratives»)];
— l’annulation des décisions pour vice de procédure à l’absence de l’évaluation ou de l’examen préalable des incidences sur l’environnement [article 4, paragraphe 1, de la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement prévus par la directive 2003/35/CE (Umwelt‑Rechtsbehelfsgesetz), du 7 décembre 2006 (BGBl. 2006 I, p. 2816), telle que modifiée par la loi du 21 janvier 2013 (ci‑après la «loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière
d’environnement, telle que modifiée»)] et aux cas dans lesquels le requérant établit que le vice de procédure présente un lien de causalité avec le résultat de la décision et qu’une position juridique du requérant s’en trouve affectée [article 46 de la loi relative à la procédure administrative (Verwaltungsverfahrensgesetz, ci‑après la «loi relative à la procédure administrative»), lu en combinaison avec l’article 113, paragraphe 1, de la loi sur l’organisation des juridictions administratives];
— la qualité pour agir et l’étendue du contrôle juridictionnel aux objections qui ont déjà été produites dans le délai imparti au cours de la procédure administrative qui a conduit à l’adoption de la décision (article 2, paragraphe 3, de la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement, telle que modifiée, et article 73, paragraphe 4, de la loi relative à la procédure administrative);
— dans les procédures qui ont été engagées après le 25 juin 2005 et clôturées avant le 12 mai 2011, la qualité pour agir des associations environnementales aux dispositions du droit qui confèrent des droits aux particuliers (article 2, paragraphe 1, de la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement, telle que modifiée, lu en combinaison avec l’article 5, paragraphe 1, de cette loi);
— dans les procédures qui ont été engagées après le 25 juin 2005 et clôturées avant le 12 mai 2011, l’étendue du contrôle juridictionnel des recours d’associations environnementales aux dispositions du droit qui confèrent des droits aux particuliers (article 2, paragraphe 1, de la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement, telle que modifiée, lu en combinaison avec l’article 5, paragraphe 1, de cette loi), et
— en excluant en général du domaine d’application de la législation nationale les procédures administratives qui ont été engagées avant le 25 juin 2005 (article 5, paragraphes 1 et 4, de la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement, telle que modifiée),
la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 11 de la directive 2011/92 et de l’article 25 de la directive 2010/75.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
2 L’article 11 de la directive 2011/92 prévoit:
«1. Les États membres veillent, conformément à leur cadre juridique en la matière, à ce que les membres du public concerné:
a) ayant un intérêt suffisant pour agir, ou sinon
b) faisant valoir une atteinte à un droit, lorsque le droit administratif procédural d’un État membre impose une telle condition,
puissent former un recours devant une instance juridictionnelle ou un autre organe indépendant et impartial établi par la loi pour contester la légalité, quant au fond ou à la procédure, des décisions, des actes ou omissions relevant des dispositions de la présente directive relatives à la participation du public.
2. Les États membres déterminent à quel stade les décisions, actes ou omissions peuvent être contestés.
3. Les États membres déterminent ce qui constitue un intérêt suffisant pour agir ou une atteinte à un droit, en conformité avec l’objectif visant à donner au public concerné un large accès à la justice.
[...]
4. Le présent article n’exclut pas la possibilité d’un recours préalable devant une autorité administrative et n’affecte en rien l’obligation d’épuiser toutes les voies de recours administratif avant d’engager des procédures de recours juridictionnel dès lors que la législation nationale prévoit une telle obligation.
Ces procédures doivent être régulières, équitables, rapides et d’un coût non prohibitif.
5. Afin d’accroître l’efficacité des dispositions du présent article, les États membres veillent à ce qu’une information pratique soit mise à la disposition du public concernant l’accès aux voies de recours administratif et juridictionnel.»
3 L’article 25 de la directive 2010/75 dispose:
«1. Les États membres veillent, conformément à leur législation nationale pertinente, à ce que les membres du public concerné puissent former un recours devant une instance juridictionnelle ou un autre organe indépendant et impartial établi par la loi pour contester la légalité, quant au fond ou à la procédure, des décisions, des actes ou omissions relevant de l’article 24 dès lors qu’une des conditions suivantes est remplie:
a) ils ont un intérêt suffisant pour agir;
b) ils font valoir une atteinte à un droit, lorsque les dispositions de procédure administrative d’un État membre imposent une telle condition.
2. Les États membres déterminent à quel stade les décisions, actes ou omissions peuvent être contestés.
3. Les États membres déterminent ce qui constitue un intérêt suffisant pour agir ou une atteinte à un droit, en conformité avec l’objectif visant à donner au public concerné un large accès à la justice.
[...]
4. Les paragraphes 1, 2 et 3 n’excluent pas la possibilité d’un recours préalable devant une autorité administrative et n’affectent en rien l’obligation d’épuiser toutes les voies de recours administratif avant d’engager des procédures de recours juridictionnel dès lors que la législation nationale prévoit une telle obligation.
Ces procédures doivent être régulières, équitables, rapides et d’un coût non prohibitif.
5. Les États membres veillent à ce qu’une information pratique concernant l’accès aux voies de recours administratif et juridictionnel soit mise à la disposition du public.»
Le droit allemand
La loi sur l’organisation des juridictions administratives
4 Aux termes de l’article 42 de la loi sur l’organisation des juridictions administratives:
«1. Un recours peut être formé en vue d’obtenir l’annulation d’un acte administratif ou la condamnation de l’administration à prendre un acte qu’elle a refusé ou s’est abstenue de prendre.
2. Sous réserve que la loi en dispose autrement, le recours n’est recevable que si le requérant fait valoir qu’il est lésé dans ses droits par l’acte administratif en cause, ou par le refus ou l’abstention de prendre ledit acte.»
5 L’article 113, paragraphe 1, de la loi sur l’organisation des juridictions administratives est libellé comme suit:
«Dans la mesure où l’acte administratif est illégal et où le requérant est, de ce fait, lésé dans ses droits, le tribunal annule l’acte administratif et, le cas échéant, la décision faisant suite à un recours. [...]»
La loi relative à la procédure administrative
6 Selon l’article 24 de la loi relative à la procédure administrative:
«1. L’autorité enquête d’office sur les faits. Elle détermine la nature et l’étendue des investigations; elle n’est pas liée par les arguments et les demandes de preuve des intéressés.
2. L’autorité doit tenir compte de toutes les circonstances pertinentes pour le cas particulier, y compris celles qui sont favorables pour les intéressés.
3. L’autorité ne peut pas refuser de recevoir des déclarations ou des demandes relevant de son domaine de compétence au motif qu’elle considère la déclaration ou la demande comme matériellement irrecevable ou infondée.»
7 L’article 44 de la loi relative à la procédure administrative prévoit:
«1. Un acte administratif est nul dans la mesure où il est entaché d’une erreur particulièrement grave et que celle‑ci apparaît comme manifeste dans le cadre d’une appréciation raisonnable de toutes les circonstances entrant en ligne de compte.
2. Sans égard à la réunion des conditions énoncées au paragraphe 1, il convient de considérer comme nul un acte administratif
— qui a été adopté de manière écrite ou électronique sans que l’autorité qui l’a adopté n’y soit désignée de manière reconnaissable;
— qui, conformément à une disposition légale, ne peut être adopté que par le biais de la remise d’un document mais qui ne satisfait pas à cette exigence formelle;
— qu’une autorité a adopté en outrepassant sa compétence telle que définie par l’article 3, paragraphe 1, point 1, et sans être habilitée à cet effet;
— que, pour des raisons matérielles, personne n’est en mesure d’exécuter;
— qui exige la commission d’un acte illégal constitutif d’un délit ou d’une amende;
— qui est contraire aux bonnes mœurs. [...]»
8 L’article 46 de la loi relative à la procédure administrative dispose:
«L’annulation d’un acte administratif qui n’est pas nul et non avenu en vertu de l’article 44 ne peut être exigée au seul motif qu’il a été élaboré en violation des règles de procédure, de forme ou de compétence [territoriale], lorsqu’il est manifeste que la violation n’a pas eu d’incidence sur la décision au fond.»
9 L’article 73 de la loi relative à la procédure administrative est rédigé dans ces termes:
«1. Le responsable du projet doit remettre le plan à l’autorité chargée de l’enquête en vue de la mise en œuvre de la procédure d’enquête publique. Le plan est constitué des dessins et des explications qui montrent le projet, les raisons de sa conception ainsi que les terrains et installations concernés par le projet.
2. Au cours du mois suivant réception du plan complet, l’autorité chargée de l’enquête demande aux autorités administratives dont le secteur d’attributions est concerné par le projet de présenter leurs observations et prend des dispositions pour que le plan soit publié dans les communes sur lesquelles le projet est susceptible d’avoir des répercussions.
3. Dans un délai de trois semaines suivant réception, les communes visées au paragraphe 2 doivent mettre le plan à la disposition du public pendant une durée d’un mois. [...]
3bis. Les autorités administratives visées au paragraphe 2 doivent présenter leurs observations dans un délai fixé par l’autorité chargée de l’enquête, lequel ne doit pas excéder trois mois. Les observations présentées après l’expiration du délai mentionné dans la première phrase doivent être prises en compte si l’autorité d’approbation du plan a, ou aurait dû avoir connaissance des questions évoquées ou si elles sont importantes pour la légalité de la décision. Pour le surplus, ces observations
peuvent être prises en compte.
4. Toute personne dont le projet affecte les intérêts peut, dans un délai de deux semaines après l’expiration du délai de publication, émettre des objections contre le plan, par écrit ou par un procès‑verbal, auprès de la commune ou de l’autorité chargée de l’enquête. [...] Après l’expiration du délai de présentation des objections, toute objection ne reposant pas sur des titres particuliers de droit privé est exclue. Il en sera fait mention dans l’avis de publication ou lors de la communication
du délai de présentation des objections. Les associations qui, en vertu d’une reconnaissance découlant d’autres dispositions légales, sont habilitées à introduire des recours au titre de la loi sur l’organisation des juridictions administratives (Verwaltungsgerichtsordnung) contre la décision visée à l’article 74, peuvent présenter des observations dans le délai mentionné dans la première phrase. [...]
5. Les communes dans lesquelles le plan doit être publié doivent préalablement le diffuser conformément aux usages locaux. Cette communication doit indiquer:
1) où et pour combien de temps le plan peut être consulté;
2) que les éventuelles objections ou observations des associations visées au paragraphe 4, cinquième phrase, doivent être présentées auprès des services désignés dans la communication dans le délai imparti;
3) que les débats peuvent avoir lieu même en l’absence d’une partie intéressée;
4) que:
a) les personnes ayant émis des objections ou les associations ayant présenté des observations peuvent être avisées de la date des débats par une communication officielle,
b) la signification de la décision rendue sur les objections peut être remplacée par une communication officielle,
[...]
6. Après l’expiration du délai de présentation des objections, l’autorité chargée de l’enquête doit discuter des objections émises en temps utile contre le plan et des observations présentées en temps utile par les associations visées au paragraphe 4, cinquième phrase, ainsi que des observations des autorités administratives concernant le plan, avec le responsable du projet, les autorités administratives, les personnes concernées ainsi que celles ayant émis des objections ou présenté des
observations. La date des débats doit être communiquée au moins une semaine à l’avance selon les modalités conformes aux usages locaux. Les autorités administratives, le responsable du projet et les personnes ayant émis des objections ou présenté des observations doivent être informés de la date des débats. Si plus de cinquante notifications, outre celles adressées aux autorités administratives et au responsable du projet, doivent être envoyées, celles‑ci peuvent être remplacées par une
communication officielle. La communication officielle est effectuée, par dérogation à la deuxième phrase, par voie de publication de la date des débats dans le bulletin officiel de l’autorité chargée de l’enquête ainsi que dans les quotidiens locaux diffusés dans le secteur sur lequel le projet est susceptible d’avoir des répercussions. La communication au bulletin officiel est à prendre en compte pour le calcul du délai visé dans la deuxième phrase. [...]
[...]
9. L’autorité chargée de l’enquête fait connaître sa position sur le résultat de la procédure d’enquête publique et la transmet à l’autorité d’approbation du plan dans un délai d’un mois suivant la clôture des débats, accompagnée du plan, des observations des autorités administratives et des associations visées au paragraphe 4, cinquième phrase, ainsi que des objections laissées en suspens.»
La loi sur l’évaluation des incidences sur l’environnement
10 L’article 2, paragraphe 1, première phrase, de la loi sur l’évaluation des incidences sur l’environnement (Gesetz über die Umweltverträglichkeitsprüfung, ci‑après la «loi sur l’évaluation des incidences sur l’environnement») prévoit:
«L’évaluation environnementale est partie intégrante des procédures décisionnelles administratives qui contribuent à la prise de la décision sur la licéité de projets.»
11 Aux termes de l’article 2, paragraphe 3, de la loi sur l’évaluation des incidences sur l’environnement, «[est une décision], au sens du paragraphe 1, première phrase, [...] la décision d’approbation du plan».
La loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement, telle que modifiée
12 L’article 1er, paragraphe 1, première phrase, de la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement, telle que modifiée, prévoit que cette loi est applicable aux recours formés contre les décisions, au sens de l’article 2, paragraphe 3, de la loi sur l’évaluation des incidences sur l’environnement, relatives à la licéité de projets pour lesquels il peut exister, en vertu de cette dernière loi, une obligation de réaliser une évaluation environnementale.
13 L’article 2 de la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement, telle que modifiée, est libellé comme suit:
«1. Une association nationale ou étrangère agréée [...] peut former, sans être tenue de faire valoir une atteinte à ses droits propres, des recours au titre de la loi sur l’organisation des juridictions administratives contre une décision visée à l’article 1er, paragraphe 1, première phrase, ou contre le défaut de décision, si ladite association
— fait valoir qu’une décision visée à l’article 1er, paragraphe 1, première phrase, ou le défaut de décision, est contraire à des dispositions juridiques qui visent à la protection de l’environnement et peuvent être pertinentes aux fins de la décision,
— fait valoir qu’elle est affectée par la décision visée à l’article 1er, paragraphe 1, première phrase, ou le défaut de décision, dans son champ d’activité statutaire de promotion des objectifs de la protection environnementale, et
— était habilitée à participer à une procédure visée à l’article 1er, paragraphe 1, première phrase, et qu’elle s’y est exprimée sur le fond conformément aux dispositions en vigueur, ou que l’occasion de s’y exprimer ne lui a pas été donnée, contrairement aux dispositions en vigueur.
2. Une association qui n’est pas agréée [...] ne peut former un recours au titre du paragraphe 1 que si
— elle remplit les conditions pour l’agrément au moment du dépôt du recours,
— elle a présenté une demande d’agrément,
— une décision n’a pas encore été prise au sujet de son agrément, pour des motifs ne relevant pas de sa responsabilité.
[...]
3. Si l’association a eu l’occasion de s’exprimer lors de la procédure visée à l’article 1er, paragraphe 1, première phrase, il lui est interdit de produire, lors de la procédure de recours, toute objection qu’elle n’a pas fait valoir, ou n’a pas fait valoir en temps utile selon les dispositions en vigueur, mais qu’elle aurait pu faire valoir lors de la procédure visée à l’article 1er, paragraphe 1, première phrase.
4. Si une décision visée à l’article 1er, paragraphe 1, première phrase, n’a pas été rendue publique ou n’a pas été notifiée à l’association, conformément aux dispositions en vigueur, l’opposition ou le recours sont formés dans un délai d’un an à compter du moment où l’association a pris connaissance de la décision ou aurait pu en prendre connaissance. [...]
5. Les recours visés au paragraphe 1 sont fondés
— dans la mesure où la décision visée à l’article 1er, paragraphe 1, première phrase, ou le défaut de décision, enfreint les dispositions qui visent à la protection de l’environnement et sont pertinentes aux fins de la décision,
— en cas de recours relatifs à des plans de construction, dans la mesure où les constatations du plan de construction motivant la licéité d’un projet soumis à l’obligation [d’une évaluation des incidences sur l’environnement] enfreignent les dispositions qui visent à la protection de l’environnement,
et lorsque l’infraction touche à des intérêts de la protection de l’environnement inscrits parmi les objectifs promus par l’association en vertu de ses statuts. Pour les décisions visées à l’article 1er, paragraphe 1, première phrase, il doit en outre exister une obligation de réaliser une évaluation des incidences sur l’environnement.»
14 L’article 4 de la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement, telle que modifiée, dispose:
«1. L’annulation d’une décision relative à la licéité d’un projet, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, première phrase, point 1, peut être demandée lorsque la réalisation:
— d’une évaluation des incidences sur l’environnement ou
— d’un examen préalable au cas par cas de la nécessité de réaliser une évaluation des incidences sur l’environnement,
requise en application des dispositions de [la loi sur l’évaluation des incidences sur l’environnement], [...] a été omise et qu’il n’a pas été ensuite porté remède à cette omission.
[...]
3. Les paragraphes 1 et 2 ci‑dessus sont applicables par analogie au recours de parties au sens de l’article 61, points 1 et 2, de la [loi sur l’organisation des juridictions administratives].»
15 Aux termes de l’article 5 de la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement, telle que modifiée:
«1. La présente loi s’applique aux procédures au sens de l’article 1er, paragraphe 1, première phrase, qui ont été engagées ou auraient dû être engagées après le 25 juin 2005; la première partie de la phrase ne s’applique pas aux décisions visées à l’article 1er, paragraphe 1, première phrase, qui sont devenues exécutoires avant le 15 décembre 2006.
[...]
3. Les procédures d’agrément déjà engagées au titre de la présente loi sont menées à leur terme par l’Agence fédérale de l’environnement suivant les dispositions en vigueur jusqu’au 28 février 2010.
4. Les procédures de décision visées à l’article 1er, paragraphe 1, première phrase, point 1, les procédures d’autorisation visées à l’article 1er, paragraphe 1, première phrase, point 2, ou les procédures de recours visées à l’article 2 qui étaient en cours à la date du 12 mai 2011 ou qui ont été engagées après cette date et n’ont pas encore été clôturées avec force exécutoire à la date du 29 janvier 2013, sont menées à leur terme conformément aux dispositions de la présente loi dans sa
version en vigueur à compter du 29 janvier 2013. Par dérogation à la première phrase, l’article 4 bis, paragraphe 1, ne s’applique qu’aux procédures de recours juridictionnel qui ont été engagées à partir du 29 janvier 2013.»
La procédure précontentieuse et la procédure devant la Cour
16 Le 18 décembre 2006, la Commission a été saisie d’une plainte faisant grief à la République fédérale d’Allemagne d’avoir procédé à une transposition erronée, par la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement, de l’article 10 bis de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO L 175, p. 40), et de l’article 15 bis de la directive 96/61/CE du Conseil,
du 24 septembre 1996, relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution (JO L 257, p. 26). À la suite de cette plainte, le 1er octobre 2012, la Commission a adressé une lettre de mise en demeure à la République fédérale d’Allemagne pour violation des obligations lui incombant en vertu de l’article 11 de la directive 2011/92 et de l’article 25 de la directive 2010/75, ces deux dernières directives ayant entre‑temps remplacé, respectivement, les directives 85/337 et 96/61.
17 La République fédérale d’Allemagne a répondu à cette lettre de mise en demeure le 30 novembre 2012. Le 6 février 2013, elle a demandé à la Commission de clôturer la procédure au motif que, depuis l’adoption de la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement, telle que modifiée, la législation allemande serait conforme à l’arrêt Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland, Landesverband Nordrhein‑Westfalen (C‑115/09, EU:C:2011:289).
18 Le 26 avril 2013, la Commission a adressé un avis motivé à la République fédérale d’Allemagne. Cette dernière y a répondu le 10 juillet 2013. N’étant pas satisfaite des réponses de cet État membre, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.
19 Par requête déposée au greffe de la Cour le 9 juillet 2014, la République d’Autriche a demandé d’être autorisée à intervenir dans la présente affaire au soutien de la République fédérale d’Allemagne. Par décision du 11 août 2014, le président de la Cour a fait droit à cette demande.
Sur la demande de réouverture de la procédure orale
20 À la suite du prononcé des conclusions de M. l’avocat général, par mémoire du 30 juin 2015, la République fédérale d’Allemagne a demandé à la Cour la réouverture de la phase orale de la procédure, conformément à l’article 83 de son règlement de procédure, au motif que les conclusions de M. l’avocat général «proposent d’intégrer un nouveau moyen dans l’objet de la procédure sur lequel la République fédérale d’Allemagne n’a pas pu s’exprimer, que ce soit par écrit ou oralement».
21 Il convient de rappeler que, conformément à l’article 83 du règlement de procédure, la Cour peut, à tout moment, l’avocat général entendu, ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure, notamment si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée, ou lorsqu’une partie a soumis, après la clôture de cette phase, un fait nouveau de nature à exercer une influence décisive sur la décision de la Cour, ou encore lorsque l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas
été débattu entre les parties ou les intéressés visés à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.
22 En l’occurrence, tel n’est pas le cas. En effet, la République fédérale d’Allemagne visant la dernière des hypothèses énoncées audit article du règlement de procédure, il importe d’observer que les considérations développées par M. l’avocat général et mises en cause par cet État membre ne constituent aucunement un argument sur la base duquel la présente affaire doit être tranchée.
23 Eu égard aux considérations qui précèdent, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu d’ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure.
Sur le recours
Sur le premier grief, relatif à la limitation du contrôle de légalité des décisions administratives relevant des directives 2011/92 et 2010/75 au seul regard des dispositions de droit national qui confèrent des droits à des particuliers
Argumentation des parties
24 La Commission estime que l’article 113, paragraphe 1, de la loi sur l’organisation des juridictions administratives limite illégalement le contrôle de légalité des décisions administratives au seul regard des dispositions de droit national qui confèrent des droits à des particuliers. Ainsi, la protection juridictionnelle, en cas de vice de procédure, ne serait garantie, en Allemagne, que si la règle procédurale en cause fait naître un droit subjectif au profit d’un particulier. Or, conformément à
l’article 11 de la directive 2011/92 et à l’article 25 de la directive 2010/75, la légalité des décisions relevant de ces directives devrait pouvoir être contrôlée tant du point de vue du fond que quant au respect des règles de procédure.
25 La République fédérale d’Allemagne fait valoir que les États membres disposent d’une marge d’organisation en matière juridictionnelle. L’étendue du contrôle devant être effectué par les juridictions nationales ne serait pas régie par ces dispositions du droit de l’Union, car ces dernières ne prescriraient pas les critères d’examen devant être utilisés par lesdites juridictions. En effet, l’article 11 de la directive 2011/92 de même que l’article 25 de la directive 2010/75 n’emporteraient pas
d’exigences relatives à l’étendue du contrôle juridictionnel, mais établiraient uniquement l’obligation, pour les États membres, de prévoir un mécanisme de recours permettant de contester la légalité, quant au fond ou à la procédure, de toute décision ou de toute omission de nature administrative.
26 La République fédérale d’Allemagne indique que, conformément à l’article 42, paragraphe 2, de la loi sur l’organisation des juridictions administratives, la recevabilité d’un recours en annulation ou en injonction portant sur un acte administratif suppose que le requérant individuel fasse valoir qu’il est lésé dans ses droits par cet acte ou par le refus de l’adopter. L’article 113, paragraphe 1, de ladite loi, quant à lui, ferait dépendre le bien‑fondé du recours et l’éventuelle annulation d’une
décision administrative de la violation d’un droit subjectif du requérant. Ainsi, des contradictions dans l’appréciation de la recevabilité et du bien‑fondé d’un même recours seraient évitées, seuls les recours recevables au titre de l’article 42, paragraphe 2, de ladite loi étant susceptibles de déboucher sur une annulation sur la base de l’article 113, paragraphe 1, de la même loi.
27 La République d’Autriche soutient que l’aménagement des critères concernant l’intérêt nécessaire pour l’introduction d’un recours devant une instance juridictionnelle et l’atteinte à un droit relèvent du seul droit national. En effet, les États membres disposeraient d’un large pouvoir d’appréciation permettant, en tout état de cause, une limitation du droit de recours des particuliers en cas d’atteinte à des droits subjectifs publics.
Appréciation de la Cour
28 Afin d’apprécier le bien‑fondé du premier grief soulevé par la Commission, il y a lieu d’observer que celui‑ci vise non pas les conditions de recevabilité des recours prévues à l’article 11 de la directive 2011/92 et à l’article 25 de la directive 2010/75, ces derniers étant régis par l’article 42, paragraphe 2, de la loi sur l’organisation des juridictions administratives, mais l’étendue du contrôle juridictionnel relatif auxdits recours, en ce sens que, conformément à ces dispositions, les
«membres du public concerné» doivent pouvoir former un recours juridictionnel «pour contester la légalité, quant au fond ou à la procédure des décisions, des actes ou omissions» relevant de ces directives.
29 En effet, l’article 113, paragraphe 1, de la loi sur l’organisation des juridictions administratives prévoit, en substance, que la juridiction compétente n’annule un acte administratif illégal que dans la mesure où, «de ce fait», le requérant est «lésé dans ses droits». L’annulation d’un acte administratif exige donc que l’illégalité constatée par le juge implique également la violation d’un droit subjectif du requérant.
30 À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2011/92 et à l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2010/75, les États membres veillent à ce que les membres du public concerné faisant valoir une atteinte à un droit, lorsque le droit administratif procédural national impose une telle condition, puissent former un recours devant une instance juridictionnelle ou un autre organe indépendant et impartial établi par la loi pour contester la
légalité, quant au fond ou à la procédure, des décisions, des actes ou omissions relevant des dispositions desdites directives.
31 En outre, le paragraphe 3 desdits articles prévoit que les États membres déterminent, entre autres, ce qui constitue une telle atteinte à un droit.
32 Dans ces conditions et s’agissant du présent grief, il importe de souligner que, si l’État membre en cause peut, en vertu des dispositions susvisées des directives 2011/92 et 2010/75, subordonner la recevabilité des recours formés par des particuliers contre les décisions, les actes ou les omissions qui tombent dans le champ d’application de ces dernières à des conditions, telles que l’exigence d’une atteinte à un droit subjectif, cet État membre est également habilité à prévoir que l’annulation
d’une décision administrative par la juridiction compétente requiert la violation d’un droit subjectif dans le chef du requérant.
33 La Cour a en effet déjà jugé, au point 45 de son arrêt Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland, Landesverband Nordrhein‑Westfalen (C‑115/09, EU:C:2011:289), qu’il est loisible au législateur national de limiter les droits dont la violation peut être invoquée par un particulier dans le cadre d’un recours juridictionnel contre l’une des décisions, l’un des actes ou l’une des omissions visés à l’article 10 bis de la directive 85/337, devenu l’article 11 de la directive 2011/92, aux seuls droits
subjectifs, mais qu’une telle limitation ne peut s’appliquer telle quelle aux associations de défense de l’environnement sauf à méconnaître les objectifs de l’article 10 bis, troisième alinéa, dernière phrase, de la directive 85/337.
34 Il s’ensuit que l’article 113, paragraphe 1, de la loi sur l’organisation des juridictions administratives ne saurait être considéré comme étant incompatible avec l’article 11 de la directive 2011/92 et avec l’article 25 de la directive 2010/75.
35 Par conséquent, le premier grief avancé par la Commission à l’appui de son recours doit être rejeté.
Sur le deuxième grief, relatif à la limitation des situations dans lesquelles peut être demandée l’annulation, pour vice de procédure, d’une décision administrative relevant des directives 2011/92 et 2010/75
Argumentation des parties
36 Aux termes de la première branche de ce grief, la Commission fait valoir que, conformément à l’article 4, paragraphe 1, de la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement, une autorisation administrative ne peut être annulée que si celle‑ci n’a pas été octroyée sur la base d’une évaluation ou d’un examen préalable des incidences sur l’environnement et réguliers en la forme. En revanche, si une telle évaluation ou un tel examen préalable a eu lieu, mais au
terme d’une procédure n’ayant pas répondu aux exigences de l’article 11 de la directive 2011/92, il ne serait pas possible de les contester devant une autorité juridictionnelle allemande.
37 Une telle limitation du contrôle juridictionnel des décisions administratives en question serait, dès lors, incompatible avec cette disposition du droit de l’Union.
38 La République fédérale d’Allemagne reconnaît que l’article 4, paragraphe 1, de la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement vise les seuls cas dans lesquels une évaluation des incidences sur l’environnement fait défaut. Dans l’hypothèse où une telle évaluation a été réalisée mais est affectée d’un vice de procédure, un recours juridictionnel serait toutefois possible, dans les conditions prévues à l’article 113, paragraphe 1, de la loi sur l’organisation
des juridictions administratives et à l’article 46 de la loi relative à la procédure administrative.
39 Cet État membre précise que, conformément à cette dernière disposition de droit national, le caractère irrégulier d’une évaluation peut toujours être invoqué par le requérant, dans la mesure où le vice de procédure allégué n’est manifestement pas dénué de pertinence pour le résultat de la décision quant au fond.
40 Par la seconde branche de son grief, la Commission soutient que, conformément à l’article 46 de la loi relative à la procédure administrative, la contestation, par un particulier, de la légalité, pour vice de procédure, d’une décision administrative relative à une évaluation des incidences sur l’environnement ne peut entraîner l’annulation de ladite décision que s’il existe une possibilité que celle‑ci eût été différente sans le vice de procédure allégué et si, en même temps, une «position
juridique matérielle» du requérant s’en trouve affectée. Il incomberait, partant, à ce dernier d’établir, d’une part, ce lien de causalité et, d’autre part, l’incidence de ce vice sur les droits du requérant.
41 La Commission soutient que l’article 11 de la directive 2011/92 ne permet pas de mettre à charge du requérant l’obligation de prouver un tel lien de causalité.
42 Cette institution fait remarquer que la seconde condition posée par l’article 46 de la loi relative à la procédure administrative, selon laquelle un tel vice doit affecter une «position juridique matérielle» du requérant, est également incompatible avec l’article 11 de la directive 2011/92. En effet, lorsqu’un recours est recevable, les États membres ne sauraient soumettre à des restrictions les moyens susceptibles d’être invoqués à l’appui dudit recours. Par conséquent, si une décision
administrative affecte un droit subjectif d’un particulier et que celui‑ci jouit, par conséquent, de la qualité pour agir, la juridiction nationale compétente devrait exercer un contrôle de pleine juridiction à l’égard de la légalité cette décision. Ce faisant, elle ne saurait ignorer les vices de procédure, même si ceux‑ci n’ont pas eu pour effet de violer les droits de la défense du requérant.
43 La République fédérale d’Allemagne souligne que l’exigence d’un lien de causalité prévue à l’article 46 de la loi relative à la procédure administrative n’affecte pas, en principe, la réalisation des objectifs de l’article 11 de la directive 2011/92.
44 Cet État membre estime également qu’il n’est pas exact, au regard du droit allemand, d’affirmer qu’il incombe au requérant d’apporter la preuve d’une atteinte à un droit subjectif.
45 Il fait valoir que l’article 46 de la loi relative à la procédure administrative est une norme particulière qui permet à l’autorité publique de se défendre contre une demande d’annulation d’une décision administrative. L’autorité administrative serait en effet fondée à faire valoir, pour sa défense, le fait que sa décision n’est pas annulable bien qu’elle soit effectivement entachée du vice de procédure invoqué par le requérant si cette autorité démontre que ce vice n’a manifestement pas eu
d’incidence sur le fond de la décision, ce qu’il incomberait à l’autorité juridictionnelle de vérifier, conformément à l’article 46 de ladite loi. Concrètement, cela signifierait que cette dernière annule la décision concernée tant qu’il ne saurait être exclu que le vice de procédure en question a eu une incidence sur le résultat de ladite décision.
46 La République fédérale d’Allemagne indique cependant que, dans le cadre de la révision de la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement, l’adoption d’une disposition apportant une clarification en ce qui concerne la transposition de l’article 11 de la directive 2011/92 est envisagée.
Appréciation de la Cour
– Quant à la première branche du deuxième grief
47 La première branche du deuxième grief visant la limitation du contrôle juridictionnel des décisions administratives aux seuls cas dans lesquels une évaluation ou un examen préalable des incidences sur l’environnement font entièrement défaut, il y a lieu de souligner que la Cour a rappelé, au point 36 de l’arrêt Gemeinde Altrip e.a. (C‑72/12, EU:C:2013:712), qu’elle avait déjà jugé, au point 37 de son arrêt Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland, Landesverband Nordrhein‑Westfalen (C‑115/09,
EU:C:2011:289), que l’article 11 de la directive 2011/92 n’a aucunement limité les moyens qui peuvent être invoqués à l’appui d’un recours juridictionnel visé par ladite disposition.
48 La Cour a, par ailleurs, au point 37 de cet arrêt, décidé que les dispositions nationales de transposition de l’article 11 de la directive 2011/92 ne sauraient, dès lors, limiter leur applicabilité au seul cas où la contestation de la légalité reposerait sur le moyen tiré de l’omission d’une mesure d’évaluation de l’incidence sur l’environnement. Exclure cette applicabilité dans le cas où, ayant été réalisée, une telle mesure serait entachée de vices, même graves, priverait les dispositions de la
directive 2011/92 de l’essentiel de leur effet utile. Une telle exclusion serait, partant, également contraire à l’objectif visant à garantir un large accès aux instances juridictionnelles, tel que visé à l’article 11 de cette directive.
49 Il ressort du point 38 dudit arrêt que cette dernière disposition s’oppose à ce que les États membres limitent l’applicabilité des dispositions de transposition dudit article au cas où la légalité d’une décision est contestée en raison de ce que l’évaluation environnementale a été omise, sans l’étendre à celui où une telle évaluation a été réalisée mais au terme d’une procédure viciée.
50 Par conséquent, l’article 4, paragraphe 1, de la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement doit être considéré comme étant incompatible avec l’article 11 de la directive 2011/92.
51 S’agissant de l’argument de la République fédérale d’Allemagne relatif à l’article 46 de la loi relative à la procédure administrative, selon lequel, dans l’hypothèse où une évaluation ou un examen préalable des incidences sur l’environnement ont été réalisés mais sont entachés d’un vice de procédure, un recours juridictionnel serait possible dans les conditions prévues à cet article, il convient de rappeler, d’une part, que les dispositions d’une directive doivent être mises en œuvre avec une
force contraignante incontestable, avec la spécificité, la précision et la clarté requises, afin que soit satisfaite l’exigence de la sécurité juridique (arrêts Dillenkofer e.a., C‑178/94, C‑179/94 et C‑188/94 à C‑190/94, EU:C:1996:375, point 48, ainsi que Commission/Portugal, C‑277/13, EU:C:2014:2208, point 43), ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
52 D’autre part, il est constant que ladite disposition du droit national impose elle‑même des limitations à l’exercice des recours visés à l’article 11 de la directive 2011/92, dont l’analyse fait partie de la seconde branche du deuxième grief.
53 Par conséquent, la première branche du deuxième grief est fondée.
– Quant à la seconde branche du deuxième grief
54 Aux termes du premier argument à l’appui de la seconde branche du deuxième grief, la Commission reproche à la République fédérale d’Allemagne de subordonner l’annulation, par la juridiction compétente, d’une décision administrative qui entre dans le champ d’application de l’article 11 de la directive 2011/92 à l’existence d’un lien de causalité entre le vice de procédure allégué et le résultat de la décision administrative en cause.
55 La Cour a déjà jugé, à cet égard, en substance, que le législateur de l’Union européenne n’a pas entendu lier la possibilité d’invoquer un vice de procédure à la condition que celui‑ci ait eu une incidence sur le sens de la décision finale contestée. Au demeurant, dès lors que la directive 2011/92 a notamment pour objet de fixer des garanties procédurales permettant, en particulier, une meilleure information et une participation du public dans le cadre de l’évaluation des incidences sur
l’environnement des projets publics et privés susceptibles d’avoir un impact important sur cet environnement, le contrôle du respect des règles de procédure dans ce domaine revêt une importance particulière. Ainsi et conformément à l’objectif visant à lui donner un large accès à la justice, le public concerné doit pouvoir, par principe, invoquer tout vice de procédure à l’appui d’un recours en contestation de la légalité des décisions visées par ladite directive (voir, en ce sens, arrêt Gemeinde
Altrip e.a., C‑72/12, EU:C:2013:712, points 47 et 48).
56 Dans le cadre du présent recours, il y a lieu de constater que, dans la mesure où l’article 46 de la loi relative à la procédure administrative exige, dans tous les cas, quand bien même il s’agirait de vices de procédure relatifs à l’information et à la participation du public dans le domaine considéré, un lien de causalité entre le vice de procédure invoqué et le résultat de la décision administrative attaquée pour que la juridiction compétente puisse prononcer l’annulation de ladite décision,
une telle condition rend excessivement difficile l’exercice du droit de recours visé à l’article 11 de la directive 2011/92 et porte atteinte à l’objectif de cette directive visant à offrir aux «membres du public concerné» un large accès à la justice.
57 En effet, refuser l’annulation d’une décision administrative adoptée en violation d’une règle de procédure au seul motif que le requérant demeure en défaut d’établir l’incidence de ce vice sur le bien‑fondé de ladite décision prive cette disposition du droit de l’Union de tout effet utile.
58 Or, ainsi qu’il ressort du point 47 du présent arrêt, la Cour a déjà décidé que le législateur de l’Union n’a entendu ni limiter les moyens qui peuvent être invoqués à l’appui d’un recours au titre d’une disposition de droit national ayant transposé l’article 11 de la directive 2011/92 ni lier la possibilité d’invoquer un vice de procédure à la condition qu’il ait exercé une incidence sur le sens de la décision finale contestée.
59 D’ailleurs, la Cour a également jugé que, s’agissant de l’interprétation de la notion d’«atteinte à un droit», au sens de l’article 11 de la directive 2011/92, et plus concrètement de l’exigence, prévue par le droit national, selon laquelle une telle atteinte ne saurait exister que si la décision attaquée aurait été différente sans le vice de procédure allégué, la dévolution au requérant, conformément au droit national, de la charge de la preuve de ce lien de causalité est de nature à rendre
excessivement difficile l’exercice des droits qui lui sont conférés par ladite directive, compte tenu notamment de la complexité des procédures en cause ou de la technicité des évaluations des incidences sur l’environnement (voir, en ce sens, arrêt Gemeinde Altrip e.a., C‑72/12, EU:C:2013:712, point 52).
60 Il en résulte que l’atteinte à un droit, au sens de l’article 11 de la directive 2011/92, ne peut être écartée que si l’instance juridictionnelle ou l’organe visé à cette disposition sont en mesure de considérer, sans faire peser aucunement sur le demandeur la charge de la preuve du lien de causalité visé au point précédent du présent arrêt, mais au vu, le cas échéant, des éléments de preuve fournis par le maître de l’ouvrage ou par les autorités compétentes et, plus généralement, de l’ensemble
des pièces du dossier qui leur est soumis, que la décision contestée n’aurait pas été différente sans le vice de procédure invoqué par ce demandeur (voir, en ce sens, arrêt Gemeinde Altrip e.a., C‑72/12, EU:C:2013:712, point 53).
61 S’il est vrai que ces considérations portent sur l’une des conditions de recevabilité du recours juridictionnel, celles‑ci demeurent pertinentes s’agissant d’une condition énoncée par le législateur national ayant pour effet de limiter le contrôle juridictionnel quant au fond.
62 Il résulte des considérations qui précèdent que l’exigence posée par l’article 46 de la loi relative à la procédure administrative, en ce que cette disposition fait peser sur le requérant «membre du public concerné» la charge de la preuve de l’existence d’un lien de causalité entre le vice de procédure qu’il allègue et le résultat de la décision administrative, constitue une violation de l’article 11 de la directive 2011/92, de sorte que le premier argument soulevé par la Commission à l’appui de
la seconde branche du deuxième grief est fondé.
63 En ce qui concerne le second argument soulevé par la Commission à l’appui de cette branche, il est constant que, en application de l’article 113, paragraphe 1, de la loi sur l’organisation des juridictions administratives, lu en combinaison avec l’article 46 de la loi relative à la procédure administrative, lorsqu’une mesure d’évaluation des incidences sur l’environnement est affectée d’un vice de procédure, la décision adoptée au terme d’une telle procédure ne saurait être annulée par la
juridiction nationale saisie que si ce vice de procédure viole un droit subjectif du requérant.
64 Or, il résulte des points 30 à 34 du présent arrêt que la condition prévue à l’article 113, paragraphe 1, de la loi sur l’organisation des juridictions administratives, imposant à la juridiction nationale le constat d’une telle violation avant de pouvoir prononcer, éventuellement, l’annulation de la décision administrative en cause, n’est pas contraire à l’article 11 de la directive 2011/92 ni à l’article 25 de la directive 2010/75.
65 La même conclusion s’impose pour ce qui est de l’obligation pesant sur le juge national aux termes de l’article 46 de la loi relative à la procédure administrative, lu en combinaison avec l’article 113, paragraphe 1, de la loi sur l’organisation des juridictions administratives.
66 Dès lors, le second argument de la Commission invoqué à l’appui de la seconde branche du présent grief doit être écarté.
67 Il découle des considérations qui précèdent que le deuxième grief soulevé par la Commission est fondé, à l’exception de l’argument tiré de l’exigence de la violation d’un droit subjectif du requérant, conformément à l’article 46 de la loi relative à la procédure administrative, lu en combinaison avec l’article 113, paragraphe 1, de la loi sur l’organisation des juridictions administratives.
Sur le troisième grief, relatif à la limitation de la qualité pour agir et de l’étendue du contrôle juridictionnel aux objections ayant été produites au cours de la procédure administrative
Argumentation des parties
68 La Commission estime que la limitation, conformément à l’article 2, paragraphe 3, de la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement et à l’article 73, paragraphe 4, de la loi relative à la procédure administrative, des objections pouvant être soulevées dans le cadre des recours juridictionnels à celles qui ont été préalablement formulées durant la procédure administrative est contraire à l’article 11 de la directive 2011/92 et à l’article 25 de la
directive 2010/75.
69 Cette institution soutient qu’une telle limitation constitue une entrave excessive au droit du public concerné de contester la légalité des décisions administratives dans les domaines couverts par ces directives. La réglementation nationale prévoyant cette limitation serait dès lors contraire au principe d’accès à la justice et limiterait la protection juridictionnelle effective dudit public. En effet, l’ordre juridique de l’Union ne permettrait pas de subordonner la recevabilité des moyens
produits lors d’une procédure juridictionnelle au fait que ceux‑ci ont été préalablement invoqués dans le cadre de la procédure administrative.
70 La Commission considère que la procédure juridictionnelle revêt une nature autonome, au cours de laquelle un examen complet de la légalité d’une décision administrative doit être possible. La recevabilité des moyens de recours ne saurait être limitée à ceux qui ont été produits dans le bref délai imparti pour la formulation d’objections durant la procédure administrative.
71 La République fédérale d’Allemagne observe que l’article 11 de la directive 2011/92 et l’article 25 de la directive 2010/75 permettent aux États membres de conserver les instruments de leur système juridictionnel dans le domaine considéré. Les dispositions mises en cause par la Commission viseraient à garantir la sécurité juridique ainsi que l’efficacité des procédures administratives et juridictionnelles. Des dispositions interdisant de produire en justice des objections non formulées durant la
phase administrative feraient partie intégrante d’un tel système.
72 Cet État membre justifie cette limitation au motif que, à défaut, des objections connues au moment de la procédure administrative pourraient, pour des raisons de tactique procédurale, être retenues et réservées à la procédure devant les juridictions compétentes. Ainsi, la procédure administrative ne pourrait plus remplir sa fonction particulière de conciliation des intérêts. Une telle limitation serait d’ailleurs conforme aux principes d’équivalence et d’effectivité.
73 La République fédérale d’Allemagne considère également que cette restriction ne rend pas le contrôle juridictionnel plus difficile ni même, a fortiori, impossible, mais garantit au contraire que ne soient soumis à ce contrôle que des faits pertinents, détaillés de la manière la plus complète et circonstanciée possible. Ainsi, seules les circonstances que le requérant aurait volontairement omis d’invoquer dans le cadre de la procédure administrative, en vue de nuire à la bonne fin de celle‑ci,
seraient concernées par ladite restriction.
74 La République d’Autriche fait valoir que les dispositions du droit de l’Union sur lesquelles est fondé le présent recours non seulement ne comportent aucune référence à des règles de forclusion, mais renvoient, au contraire, au droit national régissant la procédure administrative. Ainsi, les États membres jouiraient d’une importante marge d’appréciation pour déterminer les modalités du droit à un recours juridictionnel ainsi que l’organisation de la procédure administrative. En outre, la
limitation visée à l’article 2, paragraphe 3, de la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement et à l’article 73, paragraphe 4, de la loi relative à la procédure administrative serait un instrument de nature à garantir un processus décisionnel rapide et efficace.
Appréciation de la Cour
75 L’article 2, paragraphe 3, de la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement ainsi que l’article 73, paragraphe 4, de la loi relative à la procédure administrative limitent les moyens susceptibles d’être invoqués par un requérant à l’appui d’un recours juridictionnel contre une décision administrative relevant de l’article 11 de la directive 2011/92 et de l’article 25 de la directive 2010/75 aux objections formulées durant la procédure administrative.
76 À cet égard, si, certes, ni l’article 11, paragraphe 4, de la directive 2011/92 ni l’article 25, paragraphe 4, de la directive 2010/75 n’excluent qu’un recours devant une autorité administrative précède le recours juridictionnel et n’empêchent le droit national de prévoir l’obligation, pour le requérant, d’épuiser toutes les voies de recours administratif avant d’être autorisé à introduire un recours juridictionnel, ces dispositions du droit de l’Union ne permettent cependant pas de limiter les
moyens qui peuvent être invoqués par ce requérant à l’appui d’un recours juridictionnel.
77 La Cour a déjà jugé que l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2011/92, selon lequel des décisions, des actes ou des omissions visés audit article doivent pouvoir faire l’objet d’un recours juridictionnel pour en «contester la légalité, quant au fond ou à la procédure», ne limite aucunement les moyens qui peuvent être invoqués à l’appui d’un tel recours (voir, en ce sens, arrêt Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland, Landesverband Nordrhein‑Westfalen, C‑115/09, EU:C:2011:289, point 37).
Cette considération répond en effet à l’objectif poursuivi par cette disposition de garantir un large accès à la justice dans le domaine de la protection de l’environnement.
78 Or, l’article 2, paragraphe 3, de la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement ainsi que l’article 73, paragraphe 4 de la loi relative à la procédure administrative établissent des conditions particulières qui limitent le contrôle juridictionnel et qui ne sont prévues ni à l’article 11 de la directive 2011/92 ni à l’article 25 de la directive 2010/75.
79 Une telle limitation imposée au requérant quant à la nature des moyens qu’il lui est permis de soulever devant la juridiction chargée de l’examen de la légalité de la décision administrative le concernant ne saurait être justifiée par des considérations tirées du respect du principe de sécurité juridique. Il n’est en effet aucunement établi qu’un contrôle juridictionnel complet relatif au bien‑fondé de ladite décision serait de nature à porter atteinte à ce principe.
80 S’agissant de l’argument tiré de l’efficacité des procédures administratives, s’il est vrai que le fait de soulever un moyen pour la première fois dans le cadre d’un recours juridictionnel peut entraver, dans certains cas, le bon déroulement de cette procédure, il suffit de rappeler que l’objectif même poursuivi par l’article 11 de la directive 2011/92 et par l’article 25 de la directive 2010/75 consiste non seulement à garantir au justiciable un accès le plus large possible au contrôle
juridictionnel, mais également à permettre que ce contrôle porte sur la légalité de la décision attaquée, quant au fond ou à la procédure, dans sa totalité.
81 Il est néanmoins loisible, pour le législateur national, de prévoir des règles procédurales spécifiques, telles que l’irrecevabilité d’un argument présenté de manière abusive ou de mauvaise foi, lesquelles constituent des mécanismes appropriés afin de garantir l’efficacité de la procédure juridictionnelle.
82 Il s’ensuit que le troisième grief soulevé par la Commission à l’appui de son recours est fondé.
Sur les quatrième et cinquième griefs, relatifs à une limitation, dans le temps, de la qualité pour agir des associations de défense de l’environnement et de l’étendue du contrôle de légalité aux seuls recours fondés sur la violation de dispositions de droit national qui confèrent des droits aux particuliers
Argumentation des parties
83 La Commission rappelle que, dans sa lettre de mise en demeure du 1er octobre 2012, elle reprochait à la République fédérale d’Allemagne le fait que la version initiale de l’article 2, paragraphe 1, de la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement n’était pas compatible avec l’article 11 de la directive 2011/92 et l’article 25 de la directive 2010/75, cette version limitant la qualité pour agir des associations de défense de l’environnement aux recours
fondés sur des dispositions juridiques conférant des droits aux particuliers. Compte tenu du «parallélisme» entre la recevabilité et le bien‑fondé des recours introduits par ces associations, la limitation dans le temps en question restreindrait également l’étendue du contrôle juridictionnel quant au fond.
84 La Commission indique que, aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement, telle que modifiée, entré en vigueur le 29 janvier 2013, à la suite du prononcé de l’arrêt Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland, Landesverband Nordrhein‑Westfalen (C‑115/09, EU:C:2011:289), les termes «confèrent des droits aux particuliers» ont été supprimés de la version initiale de cette disposition. Il en découlerait que,
contrairement à la situation qui prévalait jusqu’alors, les recours des associations de défense de l’environnement ne seraient désormais plus limités aux situations mettant en cause des droits subjectifs.
85 La Commission souligne cependant que l’applicabilité de la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement, telle que modifiée, est soumise à des limites temporelles. En effet, seules les procédures qui étaient encore pendantes le 12 mai 2011, date du prononcé de l’arrêt Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland, Landesverband Nordrhein‑Westfalen (C‑115/09, EU:C:2011:289), ou qui ont été entamées après cette date mais auxquelles aucune force exécutoire n’a
été reconnue à la date du 29 janvier 2013, date d’entrée en vigueur de la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement, telle que modifiée, doivent être menées à leur terme conformément aux dispositions de ladite loi, telle que modifiée.
86 Ainsi, de l’avis de la Commission, en ce qui concerne les procédures engagées après le 25 juin 2005 et clôturées avant le 12 mai 2011, la qualité pour agir des associations de défense de l’environnement est demeurée limitée aux recours fondés sur des dispositions juridiques qui confèrent des droits aux particuliers.
87 La République fédérale d’Allemagne estime que la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement, telle que modifiée, est conforme au principe de l’autorité de la chose jugée, en ce que cette loi ne s’applique pas aux décisions issues de procédures relatives à l’approbation de projets susceptibles d’être soumis à l’obligation de réaliser une évaluation environnementale, si ces décisions sont devenues exécutoires avant le 15 décembre 2006, date d’entrée en
vigueur de ladite loi, dans sa version initiale.
88 La République fédérale d’Allemagne soutient que les dispositions de droit national visées par les quatrième et cinquième griefs sont compatibles avec les exigences du droit de l’Union, leur teneur étant de nature purement déclaratoire et leur finalité consistant à faciliter l’application de la loi sur le plan administratif.
89 Cet État membre considère que, en vue de garantir tant la stabilité du droit et des relations juridiques qu’une bonne administration de la justice, les décisions juridictionnelles devenues définitives après épuisement des voies de recours disponibles ou après expiration des délais prévus pour ces recours ne devraient plus pouvoir être remises en cause. Un État membre ne serait par conséquent pas tenu de prévoir un mécanisme de réexamen pour de telles décisions coulées en force de chose jugée.
Cela vaudrait également s’agissant des procédures administratives clôturées, ayant abouti à des décisions qui n’ont même pas fait l’objet d’un recours juridictionnel et qui sont, de ce fait, devenues exécutoires.
Appréciation de la Cour
90 Il y a lieu de rappeler que, en application de l’article 11, paragraphe 3, de la directive 2011/92 et de l’article 25, paragraphe 3, de la directive 2010/75, les associations de défense de l’environnement sont réputées avoir soit un intérêt suffisant, soit des droits auxquels il peut être porté atteinte, selon que la législation nationale fasse appel à l’une ou à l’autre de ces conditions de recevabilité des recours (voir, en ce sens, arrêt Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland,
Landesverband Nordrhein‑Westfalen, C‑115/09, EU:C:2011:289, point 40).
91 S’il est loisible au législateur national de limiter aux seuls droits subjectifs les droits dont la violation peut être invoquée par un particulier dans le cadre d’un recours juridictionnel contre l’une des décisions, l’un des actes ou l’une des omissions visés à l’article 11 de la directive 2011/92, une telle limitation ne peut s’appliquer telle quelle aux associations de défense de l’environnement, sauf à méconnaître les objectifs de cette disposition (voir, en ce sens, arrêt Bund für Umwelt
und Naturschutz Deutschland, Landesverband Nordrhein‑Westfalen, C‑115/09, EU:C:2011:289, point 45).
92 Par conséquent, lesdites associations doivent nécessairement pouvoir faire valoir en justice les règles du droit national qui mettent en œuvre la législation de l’Union en matière d’environnement ainsi que les règles du droit de l’Union de l’environnement qui ont un effet direct (voir, en ce sens, arrêt Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland, Landesverband Nordrhein‑Westfalen, C‑115/09, EU:C:2011:289, point 48).
93 En ce qui concerne les quatrième et cinquième griefs, il convient d’observer que, afin de remédier à la situation juridique ayant donné lieu à l’arrêt Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland, Landesverband Nordrhein‑Westfalen (C‑115/09, EU:C:2011:289), la République fédérale d’Allemagne a adapté sa législation et a adopté la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement, telle que modifiée. Cette dernière, entrée en vigueur le 29 janvier 2013, est
toutefois limitée quant à son application ratione temporis. En effet, cette nouvelle législation ne trouve à s’appliquer qu’aux procédures administratives, aux procédures d’autorisation et aux procédures de recours qui étaient en cours à la date du 12 mai 2011 ou qui ont été engagées après cette date mais qui n’ont pas été clôturées avec force exécutoire à la date du 29 janvier 2013.
94 Il s’ensuit que toute autre procédure relève toujours de l’ancienne version de la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement. En effet, l’article 5, paragraphe 1, de cette loi exclut du champ d’application de ladite loi les procédures qui sont engagées avant le 15 décembre 2006, date d’entrée en vigueur de celle‑ci.
95 Il résulte cependant de la jurisprudence de la Cour que l’article 11 de la directive 2011/92 doit être interprété en ce sens que les dispositions adoptées par le législateur aux fins de sa transposition en droit interne doivent également s’appliquer aux procédures administratives d’autorisation engagées avant le 25 juin 2005 lorsqu’elles ont abouti à la délivrance d’une autorisation après cette date (voir, en ce sens, arrêt Gemeinde Altrip e.a., C‑72/12, EU:C:2013:712, point 31).
96 S’agissant du principe de l’autorité de la chose jugée dont la République fédérale d’Allemagne fait état, il est vrai que la Cour a reconnu l’importance que revêt un tel principe dans les ordres juridiques tant de l’Union que nationaux. En effet, en vue de garantir aussi bien la stabilité du droit et des relations juridiques qu’une bonne administration de la justice, il importe que les décisions juridictionnelles devenues définitives après épuisement des voies de recours disponibles ou après
expiration des délais prévus pour ces recours ne puissent plus être remises en cause (voir arrêt Fallimento Olimpiclub, C‑2/08, EU:C:2009:506, point 22 et jurisprudence citée).
97 Il importe, toutefois, de relever à cet égard que la République fédérale d’Allemagne ne saurait invoquer le respect du principe de l’autorité de la chose jugée lorsque les limites d’applicabilité temporelle, prévues par la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement, telle que modifiée, concernent des décisions administratives devenues exécutoires.
98 Par ailleurs, le fait que, à la suite de la transposition tardive en droit allemand de la directive 2003/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 mai 2003 (JO L 156, p. 17), ayant modifié la directive 85/337 en ce qui concerne la participation du public et l’accès à la justice, elle‑même codifiée par la directive 2011/92, la République fédérale d’Allemagne a limité le champ d’application temporel des dispositions nationales mettant en œuvre cette dernière directive, reviendrait à lui
permettre de s’octroyer une nouvelle période de transposition (voir, par analogie, arrêt Commission/Portugal, C‑277/13, EU:C:2014:2208, point 45).
99 Partant, l’argument de la République fédérale d’Allemagne selon lequel les limitations temporelles de l’application de la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement étaient nécessaires afin de respecter le principe de l’autorité de la chose jugée concernant les procédures administratives devenues exécutoires doit être rejeté.
100 Les quatrième et cinquième griefs avancés par la Commission à l’appui de son recours sont, partant, fondés.
Sur le sixième grief, relatif à une exclusion générale du champ d’application de la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement, telle que modifiée, des procédures engagées avant le 25 juin 2005
Argumentation des parties
101 La Commission fait valoir que les dispositions transitoires de l’article 5, paragraphes 1 et 4, de la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement, telle que modifiée, sont incompatibles avec l’article 11 de la directive 2011/92 et avec l’article 25 de la directive 2010/75. Ces dispositions de ladite loi, telle que modifiée, excluraient en effet de leur champ d’application les procédures qui ont été entamées avant le 25 juin 2005 et qui n’étaient plus
pendantes au 12 mai 2011, même si les autorisations visées par ces procédures avaient été octroyées après le 25 juin 2005. Il ressortirait en effet des points 30 et 31 de l’arrêt Gemeinde Altrip e.a. (C‑72/12, EU:C:2013:712) que les États membres ne sauraient réserver l’application desdites dispositions du droit de l’Union aux seules procédures engagées après le 25 juin 2005.
102 La République fédérale d’Allemagne reconnaît que les procédures visées par le sixième grief de la Commission ne sauraient être exclues du champ d’application de la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement, telle que modifiée. Par conséquent, une nouvelle modification de ladite loi serait en cours d’élaboration. Toutefois, cette modification législative n’aurait probablement que peu d’importance dans la mesure où, pour les procédures encore pendantes,
les juridictions nationales compétentes tiendraient compte de l’enseignement de l’arrêt Gemeinde Altrip e.a. (C‑72/12, EU:C:2013:712).
Appréciation de la Cour
103 La République fédérale d’Allemagne ayant reconnu le bien‑fondé du sixième grief de la Commission, il y a lieu de constater que celui‑ci est fondé.
104 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que, en limitant:
— en application de l’article 46 de la loi relative à la procédure administrative, l’annulation de décisions pour vice de procédure à l’absence de l’évaluation ou de l’examen préalable des incidences sur l’environnement et aux cas dans lesquels le requérant établit que le vice de procédure présente un lien de causalité avec le résultat de la décision;
— conformément à l’article 2, paragraphe 3, de la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement, telle que modifiée, et à l’article 73, paragraphe 4, de la loi relative à la procédure administrative, la qualité pour agir et l’étendue du contrôle juridictionnel aux objections qui ont déjà été produites dans le délai imparti au cours de la procédure administrative qui a conduit à l’adoption de la décision;
— en application de l’article 2, paragraphe 1, lu en combinaison avec l’article 5, paragraphe 1, de la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement, telle que modifiée, dans les procédures qui ont été engagées après le 25 juin 2005 et clôturées avant le 12 mai 2011, la qualité pour agir des associations environnementales aux dispositions du droit qui confèrent des droits aux particuliers;
— conformément à l’article 2, paragraphe 1, lu en combinaison avec l’article 5, paragraphe1, de la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement, telle que modifiée, dans les procédures qui ont été engagées après le 25 juin 2005 et clôturées avant le 12 mai 2011, l’étendue du contrôle juridictionnel des recours d’associations environnementales aux dispositions du droit qui confèrent des droits aux particuliers, et
— en excluant, conformément à l’article 5, paragraphes 1 et 4, de la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement, telle que modifiée, du domaine d’application de la législation nationale les procédures administratives qui ont été engagées avant le 25 juin 2005,
la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 11 de la directive 2011/92 et de l’article 25 de la directive 2010/75.
Sur les dépens
105 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission n’ayant pas formulé de conclusions relatives aux dépens, chaque partie supportera ses propres dépens, y compris la République d’Autriche, conformément à l’article 140, paragraphe 1, dudit règlement.
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:
1) En limitant:
— en application de l’article 46 de la loi relative à la procédure administrative (Verwaltungsverfahrensgesetz), l’annulation de décisions pour vice de procédure à l’absence de l’évaluation ou de l’examen préalable des incidences sur l’environnement et aux cas dans lesquels le requérant établit que le vice de procédure présente un lien de causalité avec le résultat de la décision;
— conformément à l’article 2, paragraphe 3, de la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement prévus par la directive 2003/35/CE (Umwelt‑Rechtsbehelfsgesetz), du 7 décembre 2006, telle que modifiée par la loi du 21 janvier 2013, et à l’article 73, paragraphe 4, de la loi relative à la procédure administrative (Verwaltungsverfahrensgesetz), la qualité pour agir et l’étendue du contrôle juridictionnel aux objections qui ont déjà été produites dans le délai
imparti au cours de la procédure administrative qui a conduit à l’adoption de la décision;
— en application de l’article 2, paragraphe 1, lu en combinaison avec l’article 5, paragraphe 1, de la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement prévus par la directive 2003/35/CE (Umwelt‑Rechtsbehelfsgesetz), du 7 décembre 2006, telle que modifiée par la loi du 21 janvier 2013, dans les procédures qui ont été engagées après le 25 juin 2005 et clôturées avant le 12 mai 2011, la qualité pour agir des associations environnementales aux dispositions du
droit qui confèrent des droits aux particuliers;
— conformément à l’article 2, paragraphe 1, lu en combinaison avec l’article 5, paragraphe 1, de la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement prévus par la directive 2003/35/CE (Umwelt‑Rechtsbehelfsgesetz), du 7 décembre 2006, telle que modifiée par la loi du 21 janvier 2013, dans les procédures qui ont été engagées après le 25 juin 2005 et clôturées avant le 12 mai 2011, l’étendue du contrôle juridictionnel des recours d’associations environnementales
aux dispositions du droit qui confèrent des droits aux particuliers, et
— en excluant, conformément à l’article 5, paragraphes 1 et 4, de la loi portant dispositions complémentaires sur les recours en matière d’environnement prévus par la directive 2003/35/CE (Umwelt‑Rechtsbehelfsgesetz), du 7 décembre 2006, telle que modifiée par la loi du 21 janvier 2013, du domaine d’application de la législation nationale les procédures administratives qui ont été engagées avant le 25 juin 2005,
— la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 11 de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, et de l’article 25 de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution).
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) La Commission européenne, la République fédérale d’Allemagne et la République d’Autriche supportent leurs propres dépens.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.