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03/09/2015 | CJUE | N°C-125/14

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Iron & Smith kft contre Unilever NV., 03/09/2015, C-125/14


ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

3 septembre 2015 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Marques — Enregistrement d’une marque nationale identique ou similaire à une marque communautaire antérieure — Marque communautaire jouissant d’une renommée dans l’Union européenne — Étendue géographique de la renommée»

Dans l’affaire C‑125/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Fővárosi Törvényszék (Cour de Budapest, Hongrie), par décision du 10 mars 2014, par

venue à la Cour le 18 mars 2014, dans la procédure

Iron & Smith kft

contre

Unilever NV,

LA COUR...

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

3 septembre 2015 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Marques — Enregistrement d’une marque nationale identique ou similaire à une marque communautaire antérieure — Marque communautaire jouissant d’une renommée dans l’Union européenne — Étendue géographique de la renommée»

Dans l’affaire C‑125/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Fővárosi Törvényszék (Cour de Budapest, Hongrie), par décision du 10 mars 2014, parvenue à la Cour le 18 mars 2014, dans la procédure

Iron & Smith kft

contre

Unilever NV,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen (rapporteur), président de chambre, Mme K. Jürimäe, MM. J. Malenovský, M. Safjan, et Mme A. Prechal, juges,

avocat général: M. N. Wahl,

greffier: M. I. Illéssy, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 4 février 2015,

considérant les observations présentées:

— pour Iron & Smith kft, par Mes A. Krajnyák et N. Kovács, ügyvédek,

— pour Unilever NV, par Mes P. Lukácsi et B. Bozóki, ügyvédek,

— pour le gouvernement hongrois, par MM. M. Fehér et M. Ficsor, en qualité d’agents,

— pour le gouvernement danois, par M. C. Thorning, Mme M. Wolff et M. M. Lyshøj, en qualité d’agents,

— pour le gouvernement français, par MM. D. Colas, F‑X. Bréchot et D. Segoin, en qualité d’agents,

— pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. S. Fiorentino, avvocato dello Stato,

— pour le gouvernement du Royaume‑Uni, par Mme J. Beeko, en qualité d’agent, assistée de M. N. Saunders, barrister,

— pour la Commission européenne, par MM. B. Béres et F.W. Bulst, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 24 mars 2015,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO L 299, p. 25).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Iron & Smith kft (ci‑après «Iron & Smith») à Unilever NV (ci‑après «Unilever») au sujet de la réformation de la décision du Szellemi Tulajdon Nemzeti Hivatala (Office de la propriété intellectuelle, ci‑après l’«Office») par laquelle ce dernier a rejeté la demande d’enregistrement d’une marque introduite par Iron & Smith.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 L’article 1er du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1) dispose:

«1.   Les marques de produits ou de services enregistrées dans les conditions et selon les modalités prévues par le présent règlement sont ci‑après dénommées ‘marques communautaires’.

2.   La marque communautaire a un caractère unitaire. Elle produit les mêmes effets dans l’ensemble de la Communauté: elle ne peut être enregistrée, transférée, faire l’objet d’une renonciation, d’une décision de déchéance des droits du titulaire ou de nullité, et son usage ne peut être interdit, que pour l’ensemble de la Communauté. Ce principe s’applique sauf disposition contraire du présent règlement.»

4 Aux termes de l’article 9, paragraphe 1, sous c), de ce règlement:

«1.   La marque communautaire confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires:

[...]

c) d’un signe identique ou similaire à la marque communautaire pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque communautaire est enregistrée, lorsque celle‑ci jouit d’une renommée dans la Communauté et que l’usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque communautaire ou leur porte préjudice.»

5 Aux termes de l’article 15, paragraphe 1, dudit règlement:

«[s]i, dans un délai de cinq ans à compter de l’enregistrement, la marque communautaire n’a pas fait l’objet par le titulaire d’un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, ou si un tel usage a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans, la marque communautaire est soumise aux sanctions prévues au présent règlement, sauf juste motif pour le non‑usage».

6 L’article 51 du même règlement dispose, à son paragraphe 1, sous a):

«Le titulaire de la marque communautaire est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’Office [de l’harmonisation dans le marché intérieur (marque, dessins et modèles) (OHMI)] ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon:

a) si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, et qu’il n’existe pas de justes motifs pour le non‑usage; [...]»

7 L’article 4 de la directive 2008/95 est libellé comme suit:

«1.   Une marque est refusée à l’enregistrement ou, si elle est enregistrée, est susceptible d’être déclarée nulle:

[...]

b) lorsqu’en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

2.   Aux fins du paragraphe 1, on entend par ‘marques antérieures’:

a) les marques dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque, compte tenu, le cas échéant, du droit de priorité invoqué à l’appui de ces marques, et qui appartiennent aux catégories suivantes:

i) les marques communautaires,

[...]

3.   Une marque est également refusée à l’enregistrement ou, si elle est enregistrée, est susceptible d’être déclarée nulle si elle est identique ou analogue à une marque communautaire antérieure au sens du paragraphe 2 et si elle est destinée à être enregistrée ou a été enregistrée pour des produits ou des services qui ne sont pas comparables à ceux pour lesquels la marque communautaire antérieure est enregistrée, lorsque la marque communautaire antérieure jouit d’une renommée dans la Communauté
et que l’usage de la marque postérieure sans juste motif tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque communautaire antérieure ou qu’il leur porterait préjudice.

[...]»

Le droit hongrois

8 Il résulte de l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la loi no XI de 1997, relative à la protection des marques et des indications géographiques (a védjegyek és a földrajzi árujelzők oltalmáról szóló 1997. évi XI. törvény, ci‑après la «Vt»), qu’une marque est refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à une marque antérieure renommée sur le territoire national et si elle est destinée à être enregistrée pour des produits ou des services différents de ceux pour lesquels la marque
antérieure est enregistrée, lorsque son usage tirerait indûment profit du caractère distinctif de cette marque ou de sa renommée ou leur porterait préjudice.

9 Aux termes de l’article 76/C, paragraphe 2, de ladite loi, il convient, lors de l’application de l’article 4, paragraphe 1, sous c), de celle‑ci, de tenir compte d’une marque communautaire antérieure jouissant d’une «renommée» dans l’Union européenne au sens de l’article 9, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

10 Par une demande introduite le 13 avril 2012, Iron & Smith a sollicité auprès de l’Office l’enregistrement en tant que marque nationale du signe figuratif en couleur «be impulsive». Unilever a fait opposition à cette demande. À cet égard, elle invoquait, en se prévalant notamment de l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la Vt, ses marques verbales antérieures, communautaire et internationales, Impulse.

11 Unilever n’ayant pas prouvé que ces marques étaient largement connues en Hongrie, leur renommée en tant que marques internationales n’a pas pu être établie. S’agissant, toutefois, de la marque communautaire invoquée à l’appui de l’opposition, l’Office a constaté que, étant donné qu’Unilever avait fait la promotion et avait vendu de grandes quantités de produits protégés par la marque en question au Royaume‑Uni et en Italie, la renommée de la marque communautaire était prouvée pour une partie
substantielle de l’Union. Compte tenu des circonstances de l’affaire, l’Office a constaté qu’il y avait un risque que l’usage sans juste motif de cette marque permette de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque communautaire. Le signe figuratif dont est demandé l’enregistrement en tant que marque pourrait en effet évoquer la marque d’Unilever dans l’esprit des consommateurs normalement informés.

12 Iron & Smith a alors introduit une demande visant à la réformation de la décision de refus d’enregistrement, dans laquelle elle reprochait principalement à l’Office de s’être contenté du fait que les produits d’Unilever représentaient une part de marché de 5 % au Royaume‑Uni et de 0,2 % en Italie pour considérer que la renommée de la marque communautaire était prouvée.

13 En examinant les articles 4, paragraphe 1, sous c), et 76/C, paragraphe 2, de la Vt, ainsi que l’article 9, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 et l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2008/95, la juridiction de renvoi est parvenue à la conclusion que ces dispositions n’offrent pas d’indication sur le point de savoir quel est le territoire géographique pertinent, au sein de l’Union, pour considérer qu’une marque communautaire jouit d’une renommée. Par ailleurs, se poserait la
question de savoir si, même en présence d’une telle renommée, il peut être envisagé que, lorsqu’une telle marque est inconnue dans l’État membre concerné, l’usage de la marque postérieure sans juste motif ne permettrait pas de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque communautaire antérieure ou ne leur porterait pas préjudice.

14 Dans ces conditions, la Fövárosi Törvényszék a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Peut‑il suffire, aux fins de la preuve de la renommée d’une marque communautaire au sens de l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2008/95, que ladite marque jouisse d’une renommée dans un seul État membre, y compris dans le cas où la demande d’enregistrement de marque nationale faisant l’objet de l’opposition formée sur ce fondement a été déposée dans un autre pays que l’État membre en question?

2) Dans le cadre des critères territoriaux utilisés lors de l’examen de la renommée d’une marque communautaire, peut‑on utiliser les principes qui ont été fixés par la Cour concernant l’usage sérieux de la marque communautaire?

3) Dès lors que le titulaire de la marque communautaire antérieure a prouvé la renommée de sa marque dans des pays – couvrant une partie substantielle du territoire de l’Union – autres que l’État membre dans lequel la demande d’enregistrement de marque nationale a été déposée, est‑il possible de lui imposer, indépendamment de cela, d’apporter une preuve concluante également au regard de cet État membre?

4) Si la réponse à la question qui précède est négative, peut‑il arriver, compte tenu bien entendu des spécificités du marché intérieur, qu’une marque ayant fait l’objet d’un usage intensif dans une partie substantielle de l’Union soit inconnue du public national pertinent et que, de ce fait, la seconde condition requise pour invoquer le motif de refus d’enregistrement prévu à l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2008/95 ne soit pas remplie, c’est‑à‑dire qu’il n’y ait pas de risque que la
marque nationale tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de cette marque antérieure ou leur porte préjudice; et si oui, quels sont les éléments dont le titulaire de la marque communautaire doit apporter la preuve pour que la condition précitée soit remplie?»

Sur les questions préjudicielles

Sur les trois premières questions

15 Par ses trois premières questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, quelles sont les conditions, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, pour qu’une marque communautaire puisse être, en vertu de l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2008/95, considérée comme jouissant d’une renommée dans l’Union.

16 Il importe de relever que l’expression «jouit d’une renommée dans la Communauté», figurant à l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2008/95, a le même sens que l’expression identique figurant à l’article 9, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, lequel est identique à l’article 9, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1).

17 À cet égard, s’agissant de l’article 9, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94, la Cour a jugé que la notion de «renommée» suppose, au sein du public pertinent, un certain degré de connaissance qui doit être considéré comme atteint lorsque la marque communautaire est connue d’une partie significative du public concerné par les produits ou services couverts par cette marque (voir arrêt PAGO International, C‑301/07, EU:C:2009:611, points 21 et 24).

18 Dans l’examen de cette condition, le juge national doit prendre en considération tous les éléments pertinents de la cause, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage, ainsi que l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir (arrêt PAGO International, C‑301/07, EU:C:2009:611, point 25).

19 Sur le plan territorial, la condition relative à la renommée doit être considérée comme remplie lorsque la marque communautaire jouit d’une renommée dans une partie substantielle du territoire de l’Union, une telle partie pouvant, le cas échéant, correspondre, notamment, au territoire d’un seul État membre (voir, en ce sens, arrêt PAGO International, C‑301/07, EU:C:2009:611, points 27 et 29).

20 Ainsi, dès lors que la renommée d’une marque communautaire antérieure est établie sur une partie substantielle du territoire de l’Union, pouvant, le cas échéant, coïncider avec le territoire d’un seul État membre, il y a lieu de considérer que cette marque jouit d’une «renommée dans [l’Union]», au sens de l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2008/95, et il ne saurait être exigé du titulaire de cette marque qu’il apporte la preuve de cette renommée sur le territoire de l’État membre où la
demande d’enregistrement de la marque nationale postérieure, faisant l’objet d’une opposition, a été déposée.

21 S’agissant des dispositions portant sur l’exigence de l’usage sérieux de la marque communautaire dans l’Union, telles que les articles 15, paragraphe 1, et 51 du règlement no 207/2009, elles poursuivent un objectif différent des dispositions relatives à la protection élargie conférée aux marques jouissant d’une renommée dans l’Union, telles que, notamment, l’article 9, paragraphe 1, sous c), de ce règlement (voir, en ce sens, arrêt Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, point 53). Tandis que cette
dernière disposition a trait aux conditions régissant la protection étendue au‑delà des catégories de produits et de services pour lesquelles une marque communautaire a été enregistrée, la notion d’«usage sérieux», figurant aux articles 15, paragraphe 1, et 51 du règlement no 207/2009, exprime la condition minimale d’utilisation à laquelle toutes les marques doivent satisfaire afin d’être protégées.

22 Par ailleurs, il importe de relever qu’il est impossible de déterminer a priori, de façon abstraite, quelle étendue territoriale devrait être retenue pour déterminer si l’usage de la marque communautaire concernée a ou non un caractère sérieux (voir arrêt Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, point 55).

23 Il s’ensuit que les dispositions portant sur l’exigence de l’usage sérieux de la marque communautaire et, notamment, les critères dégagés par la jurisprudence, aux fins de l’établissement de cet usage sérieux, se distinguent des dispositions et des critères relatifs à la renommée d’une telle marque dans l’Union.

24 En conséquence, les critères qui ont été dégagés par la jurisprudence concernant l’usage sérieux de la marque communautaire ne sont pas, en tant que tels, pertinents pour établir l’existence d’une «renommée» au sens de l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2008/95.

25 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux trois premières questions que l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2008/95 doit être interprété en ce sens que, dès lors que la renommée d’une marque communautaire antérieure est établie sur une partie substantielle du territoire de l’Union, pouvant, le cas échéant, coïncider avec le territoire d’un seul État membre qui ne doit pas nécessairement être celui où une demande d’enregistrement de marque nationale
postérieure a été déposée, il y a lieu de considérer que cette marque jouit d’une renommée dans l’Union. Les critères qui ont été dégagés par la jurisprudence concernant l’usage sérieux de la marque communautaire ne sont pas, en tant que tels, pertinents pour établir l’existence d’une «renommée» au sens de l’article 4, paragraphe 3, de cette directive.

Sur la quatrième question

26 Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, dans quelles conditions l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2008/95 est applicable, dès lors que la marque communautaire antérieure a déjà acquis une renommée sur une partie substantielle du territoire de l’Union, mais pas auprès du public pertinent de l’État membre dans lequel l’enregistrement de la marque nationale postérieure concernée par l’opposition a été demandé.

27 En vertu de l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2008/95, lorsque la marque communautaire antérieure jouit d’une «renommée dans la Communauté» et que l’usage, sans juste motif, de la marque postérieure analogue à la marque communautaire et destinée à être enregistrée pour des produits ou des services qui ne sont pas comparables à ceux couverts par la marque communautaire tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque communautaire antérieure ou leur
porterait préjudice, cette marque postérieure est refusée à l’enregistrement.

28 Lorsque le public concerné n’effectue pas de rapprochement entre la marque communautaire antérieure et la marque nationale postérieure, c’est‑à‑dire n’établit pas un lien entre celles‑ci, l’usage de la marque postérieure ne permet pas, au regard de l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2008/95, de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, ou de leur porter préjudice (voir, par analogie, arrêt Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, points 30
et 31).

29 Aussi, à supposer que la marque communautaire antérieure soit inconnue du public pertinent de l’État membre dans lequel l’enregistrement de la marque nationale postérieure a été demandé, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, l’usage de cette marque nationale ne permet pas, en principe, de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, ou de leur porter préjudice.

30 En revanche, même si la marque communautaire antérieure n’est pas connue d’une partie significative du public pertinent de l’État membre dans lequel l’enregistrement de la marque nationale postérieure a été demandé, il ne saurait néanmoins être exclu qu’une partie commercialement non négligeable de ce dernier connaisse ladite marque et établisse un lien entre celle‑ci et la marque nationale postérieure.

31 Certes, l’existence d’un tel lien, qui doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (voir arrêt Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, point 41), ne saurait suffire, à elle seule, à conclure à l’existence de l’une des atteintes visées à l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2008/95 (voir, par analogie, arrêt Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, point 32). Afin de bénéficier de la protection instaurée à cette disposition, le
titulaire de la marque communautaire antérieure doit apporter la preuve que l’usage de la marque postérieure «tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porterait préjudice» et, partant, démontrer l’existence soit d’une atteinte effective et actuelle à sa marque au sens de l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2008/95, soit, à défaut, d’un risque sérieux qu’une telle atteinte se produise dans le futur. Dans un tel cas, il appartient au
titulaire de la marque postérieure d’établir que l’usage de cette marque a un juste motif (voir, par analogie, arrêt Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, points 37 et 39).

32 L’existence de l’une des atteintes visées à l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2008/95 ou d’un risque sérieux qu’une telle atteinte se produise dans le futur doit être, à l’instar de l’existence d’un lien entre les marques en conflit, appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (voir, par analogie, arrêt Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, point 68).

33 À cet égard, il peut être rappelé, notamment, que, plus l’évocation de la marque antérieure par la marque postérieure est immédiate et forte, plus est important le risque que l’utilisation actuelle ou future de la marque postérieure tire un profit indu du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, ou leur porte préjudice (voir arrêt Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, point 67).

34 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la quatrième question que, dès lors que la marque communautaire antérieure a déjà acquis une renommée sur une partie substantielle du territoire de l’Union, mais pas auprès du public pertinent de l’État membre dans lequel l’enregistrement de la marque nationale postérieure concernée par l’opposition a été demandé, le titulaire de la marque communautaire peut bénéficier de la protection instaurée à l’article 4,
paragraphe 3, de la directive 2008/95 lorsqu’il s’avère qu’une partie commercialement non négligeable dudit public connaît cette marque, établit un lien entre celle‑ci et la marque nationale postérieure, et qu’il existe, compte tenu de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, soit une atteinte effective et actuelle à la marque communautaire, au sens de cette disposition, soit, à défaut, un risque sérieux qu’une telle atteinte se produise dans le futur.

Sur les dépens

35 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle‑ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

  1) L’article 4, paragraphe 3, de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques, doit être interprété en ce sens que, dès lors que la renommée d’une marque communautaire antérieure est établie sur une partie substantielle du territoire de l’Union européenne, pouvant, le cas échéant, coïncider avec le territoire d’un seul État membre qui ne doit pas nécessairement être celui où une demande
d’enregistrement de marque nationale postérieure a été déposée, il y a lieu de considérer que cette marque jouit d’une renommée dans l’Union européenne. Les critères qui ont été dégagés par la jurisprudence concernant l’usage sérieux de la marque communautaire ne sont pas, en tant que tels, pertinents pour établir l’existence d’une «renommée» au sens de l’article 4, paragraphe 3, de cette directive.

  2) Dès lors que la marque communautaire antérieure a déjà acquis une renommée sur une partie substantielle du territoire de l’Union européenne, mais pas auprès du public pertinent de l’État membre dans lequel l’enregistrement de la marque nationale postérieure concernée par l’opposition a été demandé, le titulaire de la marque communautaire peut bénéficier de la protection instaurée à l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2008/95 lorsqu’il s’avère qu’une partie commercialement non négligeable
dudit public connaît cette marque, établit un lien entre celle‑ci et la marque nationale postérieure, et qu’il existe, compte tenu de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, soit une atteinte effective et actuelle à la marque communautaire, au sens de cette disposition, soit, à défaut, un risque sérieux qu’une telle atteinte se produise dans le futur.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure: le hongrois.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : C-125/14
Date de la décision : 03/09/2015
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par la Fővárosi Törvényszék.

Renvoi préjudiciel – Marques – Enregistrement d’une marque nationale identique ou similaire à une marque communautaire antérieure – Marque communautaire jouissant d’une renommée dans l’Union européenne – Étendue géographique de la renommée.

Propriété intellectuelle, industrielle et commerciale

Brevets


Parties
Demandeurs : Iron & Smith kft
Défendeurs : Unilever NV.

Composition du Tribunal
Avocat général : Wahl
Rapporteur ?: Bay Larsen

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2015:539

Source

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