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09/07/2015 | CJUE | N°C-177/14

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, María José Regojo Dans contre Consejo de Estado., 09/07/2015, C-177/14


ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

9 juillet 2015 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Politique sociale — Directive 1999/70/CE — Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée — Clauses 3 et 4 — Principe de non-discrimination — Personnel ‘eventual’ — Refus d’accorder une prime triennale d’ancienneté — Raisons objectives»

Dans l’affaire C‑177/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunal Supremo (Espagne), par décision du 3

1 janvier 2014, parvenue à la Cour le 10 avril 2014, dans la procédure

María José Regojo Dans

contre

Consej...

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

9 juillet 2015 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Politique sociale — Directive 1999/70/CE — Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée — Clauses 3 et 4 — Principe de non-discrimination — Personnel ‘eventual’ — Refus d’accorder une prime triennale d’ancienneté — Raisons objectives»

Dans l’affaire C‑177/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunal Supremo (Espagne), par décision du 31 janvier 2014, parvenue à la Cour le 10 avril 2014, dans la procédure

María José Regojo Dans

contre

Consejo de Estado,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. M. Ilešič, président de chambre, M. A. Ó Caoimh (rapporteur), Mme C. Toader, MM. E. Jarašiūnas et C. G. Fernlund, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

— pour Mme Regojo Dans, par Mes J. Pérez de Sevilla y Gitard et A. Regojo Dans, abogados,

— pour le gouvernement espagnol, par M. L. Banciella Rodríguez-Miñón, en qualité d’agent,

— pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. S. Varone, avvocato dello Stato,

— pour la Commission européenne, par MM. R. Vidal Puig et J. Enegren, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 20 mai 2015,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des clauses 3, point 1, et 4, point 4, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999 (ci-après l’«accord-cadre»), qui figure à l’annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO L 175, p. 43).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Regojo Dans au Consejo de Estado (Conseil d’État), son employeur, au sujet du refus opposé par ce dernier de lui accorder des primes triennales d’ancienneté, en raison de sa qualité particulière de personnel «eventual», au sens du droit espagnol (ci-après le «personnel auxiliaire»).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 Aux termes de l’article 1er de la directive 1999/70, celle-ci vise «à mettre en œuvre l’accord-cadre […], figurant en annexe, conclu […] entre les organisations interprofessionnelles à vocation générale (CES, UNICE, CEEP)».

4 La clause 1 de l’accord-cadre prévoit que celui-ci a pour objet:

«a) d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non-discrimination;

b) d’établir un cadre pour prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs.»

5 La clause 2, point 1, de l’accord-cadre est libellée comme suit:

«Le présent accord s’applique aux travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre.»

6 Le «travailleur à durée déterminée» est défini à la clause 3, point 1, de l’accord-cadre comme «une personne ayant un contrat ou une relation de travail à durée déterminée conclu directement entre l’employeur et le travailleur où la fin du contrat ou de la relation de travail est déterminée par des conditions objectives telles que l’atteinte d’une date précise, l’achèvement d’une tâche déterminée ou la survenance d’un évènement déterminé».

7 Un «travailleur à durée indéterminée comparable» est défini à la clause 3, point 2, de l’accord-cadre comme «un travailleur ayant un contrat ou une relation de travail à durée indéterminée dans le même établissement, et ayant un travail/emploi identique ou similaire, en tenant compte des qualifications/compétences. Lorsqu’il n’existe aucun travailleur à durée indéterminée comparable dans le même établissement, la comparaison s’effectue par référence à la convention collective applicable ou, en
l’absence de convention collective applicable, conformément à la législation, aux conventions collectives ou aux pratiques nationales».

8 La clause 4 de cet accord-cadre, intitulée «Principe de non-discrimination», prévoit, à ses points 1, 3 et 4:

«1. Pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent soit justifié par des raisons objectives.

[…]

3. Les modalités d’application de la présente clause sont définies par les États membres, après consultation des partenaires sociaux, et/ou par les partenaires sociaux, compte tenu de la législation communautaire et la législation, des conventions collectives et pratiques nationales.

4. Les critères de périodes d’ancienneté relatifs à des conditions particulières d’emploi sont les mêmes pour les travailleurs à durée déterminée que pour les travailleurs à durée indéterminée, sauf lorsque des critères de périodes d’ancienneté différents sont justifié[s] par des raisons objectives.»

9 La clause 5 dudit accord-cadre, intitulée «Mesures visant à prévenir l’utilisation abusive», dispose:

«1. Afin de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, les États membres, après consultation des partenaires sociaux, conformément à la législation, aux conventions collectives et pratiques nationales, et/ou les partenaires sociaux, quand il n’existe pas des mesures légales équivalentes visant à prévenir les abus, introduisent d’une manière qui tienne compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de
travailleurs, l’une ou plusieurs des mesures suivantes:

a) des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail;

b) la durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs;

c) le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail.

2. Les États membres, après consultation des partenaires sociaux et/ou les partenaires sociaux, lorsque c’est approprié, déterminent sous quelles conditions les contrats ou relations de travail à durée déterminée:

a) sont considérés comme ‘successifs’;

b) sont réputés conclus pour une durée indéterminée.»

Le droit espagnol

10 L’article 149, paragraphe 1, point 18, de la Constitution espagnole confère à l’État la compétence exclusive en ce qui concerne la fixation du régime juridique des administrations publiques et du régime statutaire de leurs fonctionnaires.

11 En vertu de cette compétence, l’État a adopté la loi 7/2007, portant statut de base des agents publics (Ley 7/2007 del Estatuto básico del empleado público), du 12 avril 2007 (BOE no 89, du 13 avril 2007, p. 16270, ci-après la «loi 7/2007»).

12 L’article 8 de la loi 7/2007, intitulé «Notion et types d’agents publics», dispose:

«1.   Sont des agents publics les personnes exerçant des fonctions rémunérées dans les administrations publiques au service de l’intérêt général.

2.   Les agents publics sont classés en:

a) Fonctionnaires statutaires.

b) Fonctionnaires intérimaires.

c) Agents contractuels, qu’il s’agisse de personnel permanent, à durée indéterminée, ou déterminée.

d) Personnel auxiliaire.»

13 L’article 9 de la loi 7/2007 définit les fonctionnaires statutaires dans les termes suivants:

«1.   Sont fonctionnaires statutaires les personnes désignées par la loi qui relèvent d’une administration publique en vertu d’une relation statutaire régie par le droit administratif, en vue d’accomplir des services professionnels rémunérés à caractère permanent.

2.   En tout état de cause, l’exercice de fonctions impliquant la participation directe ou indirecte à l’exercice de la puissance publique ou à la sauvegarde des intérêts généraux de l’État et des administrations publiques incombe exclusivement aux fonctionnaires, dans les conditions établies par la loi d’application de chaque administration publique.»

14 L’article 12 de la loi 7/2007 définit ainsi le personnel auxiliaire:

«1.   Constituent du personnel auxiliaire les personnes qui, en vertu de leur nomination et de manière non permanente, réalisent seulement des missions expressément qualifiées de missions de confiance ou de conseil spécial et sont rémunérées sur des crédits budgétaires alloués à cette fin.

2.   Les lois relatives à la fonction publique qui sont adoptées en application du présent statut déterminent les organes directeurs des administrations publiques qui peuvent disposer de ce type de personnel. Leur nombre maximal est établi par les organes directeurs respectifs. Ce nombre ainsi que les conditions de rémunération sont rendus publics.

3.   La nomination et la révocation sont libres. En tout état de cause, la révocation intervient en même temps que celle de l’autorité auprès de laquelle la mission de confiance ou de conseil est exercée.

4.   La qualité de personnel auxiliaire ne peut être prise en compte au titre du mérite aux fins de l’accès à la fonction publique ou de la promotion interne. […]

5.   Le régime général des fonctionnaires statutaires est applicable au personnel auxiliaire dans la mesure où il est approprié à la nature de la situation de ces agents.»

15 Aux termes de l’article 22 de la loi 7/2007, qui figure sous le chapitre III de ladite loi concernant le régime de rémunération des agents de la fonction publique, les rémunérations des fonctionnaires statutaires comprennent des rémunérations de base et des rémunérations complémentaires.

16 L’article 23 de la loi 7/2007 dispose:

«Les rémunérations de base, qui sont établies par la loi de finances de l’État, sont composées uniquement et exclusivement des éléments suivants:

a) le traitement prévu pour chaque point-groupe de classement professionnel, ou, en l’absence de point-groupe, chaque groupe de classement professionnel;

b) les primes triennales, qui consistent en un montant fixe, propre à chaque point-groupe de classement professionnel, ou, en l’absence de point-groupe, chaque groupe de classement professionnel, pour chaque période de trois années de service.»

17 L’article 25 de la loi 7/2007 prévoit la rémunération des fonctionnaires intérimaires comme suit:

«1.   Les fonctionnaires intérimaires perçoivent les rémunérations de base et les primes au titre des treizième et quatorzième mois correspondant au point-groupe de classement professionnel, ou, en l’absence de point-groupe, au groupe de classement professionnel. Ils perçoivent également les rémunérations complémentaires visées à l’article 24, sous b), c) et d), ainsi que celles correspondant au niveau d’entrée dans la catégorie ou l’échelon auxquels ils sont nommés.

2.   Sont reconnus les triennats d’ancienneté correspondant aux services effectués avant l’entrée en vigueur du présent statut, qui ne produiront des effets sur les rémunérations qu’à partir de l’entrée en vigueur de celui-ci.»

18 L’article 26 de la loi 2/2012, portant dispositions de finances pour l’année 2012 (Ley 2/2012 de Presupuestos Generales del Estado para el año 2012), du 29 juin 2012 (BOE no 156, du 30 juin 2012, p. 46432), prévoit, à son paragraphe 4:

«Le personnel auxiliaire perçoit les rémunérations au titre du traitement et des treizième et quatorzième mois correspondant au groupe ou au point-groupe de classement auquel le ministère des Finances et des Administrations publiques assimile leurs fonctions ainsi que les rémunérations complémentaires correspondant au poste de travail réservé à du personnel auxiliaire qu’ils occupent […]

Les fonctionnaires statutaires qui, en situation de service actif ou de détachement, occupent des postes de travail réservés à du personnel auxiliaire perçoivent les rémunérations de base correspondant à leur groupe ou point-groupe de classement, y compris les primes triennales d’ancienneté, le cas échéant, ainsi que les rémunérations complémentaires correspondant au poste de travail occupé.»

19 La loi 30/1984, sur les mesures adoptées pour la réforme de la fonction publique (Ley 30/1984 de Medidas para la Reforma de la Función Pública), du 2 août 1984 (BOE no 185, du 3 août 1984, p. 22629, ci-après la «loi 30/1984»), comporte un article 20, intitulé «Procédure pour pourvoir des postes de travail». Cet article dispose, à ses paragraphes 2 et 3:

«2.   Le gouvernement et, dans le cadre de leurs compétences, les conseils de gouvernement des communautés autonomes et l’assemblée plénière des collectivités locales déterminent le nombre de postes réservés au personnel auxiliaire, ainsi que leurs caractéristiques et leur rémunération, toujours dans la limite des crédits budgétaires alloués à cette fin.

Le personnel auxiliaire exerce seulement des missions expressément qualifiées de missions de confiance ou de conseil spécial; la nomination et la révocation sont libres et relèvent exclusivement des ministres et des secrétaires d’État et, le cas échéant, des conseillers gouvernementaux des communautés autonomes et des présidents des collectivités locales. Le personnel auxiliaire est automatiquement révoqué lorsque l’autorité auprès de laquelle la mission de confiance ou de conseil est exercée est
révoquée.

3.   Le fait d’occuper un poste de travail réservé à du personnel auxiliaire ne peut en aucun cas être pris en compte au titre du mérite aux fins de l’accès à la fonction publique ou de la promotion interne.»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

20 La requérante au principal est employée, depuis le 1er mars 1996, par le Consejo de Estado en qualité de personnel auxiliaire et y exerce la fonction de chef du secrétariat d’un conseiller permanent.

21 Durant la période allant du 4 juillet 1980 au 1er mars 1996, elle a également été employée en qualité de personnel auxiliaire par le Tribunal Constitucional (Cour constitutionnelle) et le Consejo Económico y Social (Conseil économique et social).

22 Le 25 janvier 2012, la requérante au principal a présenté au Consejo de Estado une demande tendant, d’une part, à ce que lui soit reconnu le droit de percevoir les primes triennales d’ancienneté pour les services rendus aux différentes administrations depuis 1980 et, d’autre part, au versement du montant correspondant à celles-ci pour les quatre dernières années.

23 Par décision du 24 juillet 2012, le président du Consejo de Estado a rejeté cette demande.

24 La requérante au principal a alors formé, devant la juridiction de renvoi, un recours tendant à l’annulation de cette décision, au motif qu’elle n’était pas conforme au droit de l’Union et, notamment, à la clause 4 de l’accord-cadre.

25 Cette juridiction indique que la loi 7/2007 ne prévoit pas l’attribution de telles primes d’ancienneté au profit du personnel auxiliaire, contrairement à ce qui est prévu pour les fonctionnaires statutaires ou intérimaires. En vertu de la loi 2/2012, un fonctionnaire statutaire en situation de détachement, affecté à un poste réservé au personnel auxiliaire, percevrait les rémunérations correspondantes à son groupe statutaire d’origine, y compris les primes triennales d’ancienneté.

26 Il ressort du dossier soumis à la Cour que, selon la jurisprudence du Tribunal Supremo (Cour suprême) relative au personnel auxiliaire, les postes de cette nature sont exceptionnels et circonscrits aux missions «de confiance et de conseil spécial». Par conséquent, cette même juridiction considère que ce personnel ne peut exercer des fonctions relevant des missions normales de l’administration, qu’il s’agisse de la fourniture de prestations de services à l’administration ou de l’adoption d’actes
liés à la seule organisation administrative. Ces fonctions, du fait de leur lien direct avec les principes constitutionnels d’objectivité et d’efficacité administratives, devraient être dévolues aux seuls agents publics sélectionnés selon les principes d’égalité, de mérite et de capacité.

27 Compte tenu de cette jurisprudence, mais également de la relation particulière qui unit l’administration au personnel auxiliaire, fondée sur le conseil spécial et la confiance, la juridiction de renvoi se demande, d’une part, si ce personnel peut être comparé aux travailleurs à durée indéterminée au sens de la clause 3 de l’accord-cadre. D’autre part, elle s’interroge sur le point de savoir s’il ne conviendrait pas de limiter le recours au personnel auxiliaire aux hypothèses où le besoin en ce
type de personnel est manifestement justifié, afin d’éviter tout abus et d’établir des rémunérations qui respectent un équilibre avec celles qui sont prévues pour les autres agents du secteur public dont les fonctions ont un contenu professionnel similaire.

28 Dans ces conditions, le Tribunal Supremo a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Le personnel auxiliaire actuellement régi par l’article 12 de la [loi 7/2007] et précédemment régi par l’article 20, paragraphe 2, de la [loi 30/1984] relève-t‑il de la définition de ‘travailleur à durée déterminée’ énoncée à la clause 3, point 1, de l’accord-cadre […]?

2) Le principe de non-discrimination énoncé à la clause 4, point 4, dudit accord-cadre […] est-il applicable à ce personnel auxiliaire, aux fins de lui reconnaître et de lui accorder les rémunérations qui sont versées au titre de l’ancienneté aux fonctionnaires statutaires, aux agents contractuels à durée indéterminée, aux fonctionnaires intérimaires et aux agents contractuels à durée déterminée?

3) Le régime de nomination et de révocation libres, fondé sur des raisons tenant à la confiance, qui s’applique à ce personnel auxiliaire en vertu des deux lois précitées, relève-t-il des raisons objectives invoquées par ladite clause 4 pour justifier un traitement différent?»

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

29 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la notion de «travailleur à durée déterminée», au sens de la clause 3, point 1, de l’accord-cadre, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’applique à un travailleur tel que la requérante au principal.

30 Ainsi qu’il ressort du libellé même de la clause 2, point 1, de l’accord-cadre, le champ d’application personnel de celui-ci est conçu de manière large, dès lors qu’il vise de façon générale les «travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre» (voir arrêts Adeneler e.a., C‑212/04, EU:C:2006:443, point 56, ainsi que Fiamingo e.a., C‑362/13, C‑363/13 et C‑407/13,
EU:C:2014:2044, point 28 et jurisprudence citée).

31 En outre, la définition de la notion de «travailleurs à durée déterminée» au sens de l’accord-cadre, énoncée à la clause 3, point 1, de celui-ci, englobe l’ensemble des travailleurs, sans opérer de distinction selon la qualité publique ou privée de l’employeur auquel ils sont liés et quelle que soit la qualification de leur contrat en droit interne (arrêt Fiamingo e.a., C‑362/13, C‑363/13 et C‑407/13, EU:C:2014:2044, point 29 ainsi que jurisprudence citée).

32 Eu égard à l’importance des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination, qui font partie des principes généraux du droit de l’Union, les dispositions prévues par la directive 1999/70 et l’accord-cadre aux fins de garantir aux travailleurs à durée déterminée le bénéfice des mêmes avantages que ceux réservés aux travailleurs à durée indéterminée comparables, sauf si un traitement différencié se justifie par des raisons objectives, doivent se voir reconnaître une portée générale, dès
lors qu’elles constituent des règles du droit social de l’Union revêtant une importance particulière dont doit bénéficier chaque travailleur en tant que prescriptions protectrices minimales (arrêt Del Cerro Alonso, C‑307/05, EU:C:2007:509, point 27).

33 En conséquence, la directive 1999/70 et l’accord-cadre trouvent à s’appliquer à l’ensemble des travailleurs fournissant des prestations rémunérées dans le cadre d’une relation d’emploi à durée déterminée les liant à leur employeur (arrêts Del Cerro Alonso, C‑307/05, EU:C:2007:509, point 28, ainsi que Fiamingo e.a., C‑362/13, C‑363/13 et C‑407/13, EU:C:2014:2044, point 30 et jurisprudence citée).

34 Il convient de relever que la seule circonstance qu’un travailleur soit qualifié d’auxiliaire en vertu du droit national ou que son contrat de travail présente certains aspects particuliers, tels que, dans l’affaire au principal, un caractère temporaire, une libre nomination ou révocation ou encore le fait que ce travailleur est censé exercer une mission de confiance et de conseil spécial, est dépourvue de pertinence à cet égard, sous peine de remettre en cause l’effet utile de la directive
1999/70 et celui de l’accord-cadre ainsi que l’application uniforme de ceux-ci dans les États membres, en réservant à ces derniers la possibilité d’écarter à leur gré certaines catégories de personnes du bénéfice de la protection voulue par ces instruments de l’Union (voir, par analogie, arrêt Del Cerro Alonso, C‑307/05, EU:C:2007:509, point 29).

35 Il ressort des termes de la clause 3, point 1, de l’accord-cadre qu’un contrat ou une relation de travail à durée déterminée se caractérise par le fait que la fin dudit contrat ou de ladite relation de travail «est déterminée par des conditions objectives telles que l’atteinte d’une date précise, l’achèvement d’une tâche déterminée ou la survenance d’un évènement déterminé». Ainsi, un contrat ou une relation de travail, tel que celui en cause au principal, qui prend automatiquement fin lorsque
l’autorité auprès de laquelle la mission de ce travailleur est exercée est révoquée, doit être considéré comme étant affecté d’un terme dont l’échéance est déterminée par la «survenance d’un évènement déterminé», au sens de ladite clause 3, point 1.

36 Partant, un travailleur se trouvant dans une telle situation relève de la clause 3, point 1, de l’accord-cadre.

37 Il convient, dès lors, de répondre à la première question que la notion de «travailleur à durée déterminée», au sens de la clause 3, point 1, de l’accord-cadre, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’applique à un travailleur tel que la requérante au principal.

Sur les deuxième et troisième questions

38 Par ses deuxième et troisième questions, qu’il convient de traiter ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la clause 4, point 1, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui exclut, en dehors de toute justification pour des raisons objectives, le personnel auxiliaire du droit de percevoir les primes triennales d’ancienneté accordées, notamment, aux fonctionnaires statutaires.

39 Ainsi qu’il ressort de leur libellé même, ces questions ne visent pas l’interprétation de la clause 5 de l’accord-cadre, laquelle tend spécifiquement à prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs (arrêt Deutsche Lufthansa, C‑109/09, EU:C:2011:129, point 32).

40 Aux termes de la clause 1, sous a), de l’accord-cadre, l’un des objets de celui-ci est d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non-discrimination. De même, à son troisième alinéa, le préambule de l’accord-cadre précise que celui-ci «illustre la volonté des partenaires sociaux d’établir un cadre général pour assurer l’égalité de traitement pour les travailleurs à durée déterminée en les protégeant contre la discrimination». Le considérant 14 de la
directive 1999/70 indique à cet effet que l’objectif de cet accord-cadre consiste, notamment, à améliorer la qualité du travail à durée déterminée en fixant des prescriptions minimales de nature à garantir l’application du principe de non-discrimination (voir arrêts Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres, C‑444/09 et C‑456/09, EU:C:2010:819, point 47, et Nierodzik, C‑38/13, EU:C:2014:152, point 22, ainsi que ordonnances Montoya Medina, C‑273/10, EU:C:2011:167, point 29, et Lorenzo Martínez,
C‑556/11, EU:C:2012:67, point 34).

41 L’accord-cadre, en particulier sa clause 4, vise à faire application dudit principe aux travailleurs à durée déterminée en vue d’empêcher qu’une relation d’emploi de cette nature soit utilisée par un employeur pour priver ces travailleurs de droits qui sont reconnus aux travailleurs à durée indéterminée (arrêts Del Cerro Alonso, C‑307/05, EU:C:2007:509, point 37; Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres, C‑444/09 et C‑456/09, EU:C:2010:819, point 48, et Nierodzik, C‑38/13, EU:C:2014:152, point 23,
ainsi que ordonnances Montoya Medina, C‑273/10, EU:C:2011:167, point 30, et Lorenzo Martínez, C‑556/11, EU:C:2012:67, point 35).

42 Eu égard aux objectifs poursuivis par l’accord-cadre, tels que rappelés aux deux points précédents du présent arrêt, la clause 4 de celui-ci doit être comprise comme exprimant un principe de droit social de l’Union qui ne saurait être interprété de manière restrictive (voir arrêts Del Cerro Alonso, C‑307/05, EU:C:2007:509, point 38; Impact, C‑268/06, EU:C:2008:223, point 114; Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres, C‑444/09 et C‑456/09, EU:C:2010:819, point 49, et Nierodzik, C‑38/13, EU:C:2014:152,
point 24, ainsi que ordonnances Montoya Medina, C‑273/10, EU:C:2011:167, point 31, et Lorenzo Martínez, C‑556/11, EU:C:2012:67, point 36).

43 En ce qui concerne les primes triennales d’ancienneté, la Cour a déjà jugé que de telles primes, dont le bénéfice était réservé par le droit espagnol au personnel statutaire fixe des services de santé travaillant à durée indéterminée, à l’exclusion du personnel intérimaire, ainsi qu’à des professeurs employés en tant fonctionnaires statutaires d’une communauté autonome, à l’exclusion des professeurs employés en tant que fonctionnaires intérimaires, et à des maîtres de conférence à durée
indéterminée d’une communauté autonome, à l’exclusion des maîtres de conférence à durée déterminée, relèvent de la notion de «conditions d’emploi» visée à la clause 4, point 1, de l’accord-cadre (voir, en ce sens, arrêts Del Cerro Alonso, C‑307/05, EU:C:2007:509, points 47 et 48, ainsi que Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres, C‑444/09 et C‑456/09, EU:C:2010:819, points 50 à 58, ainsi que ordonnances Montoya Medina, C‑273/10, EU:C:2011:167, points 32 à 34, et Lorenzo Martínez, C‑556/11,
EU:C:2012:67, point 37).

44 Or, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, s’agissant des primes triennales d’ancienneté, telles que celles en cause au principal, qui constituent des conditions d’emploi au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre, les travailleurs à durée déterminée ne doivent pas être traités moins favorablement que les travailleurs à durée indéterminée se trouvant dans une situation comparable, en dehors de toute justification objective (voir, en ce sens, arrêts Del Cerro Alonso, C‑307/05,
EU:C:2007:509, points 42 et 47; Impact, C‑268/06, EU:C:2008:223, point 126, ainsi que Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres, C‑444/09 et C‑456/09, EU:C:2010:819, point 53).

45 Il convient de rappeler, à cet égard, que le «travailleur à durée indéterminée comparable» est défini à la clause 3, point 2, de l’accord-cadre comme «un travailleur ayant un contrat ou une relation de travail à durée indéterminée dans le même établissement, et ayant un travail/emploi identique ou similaire, en tenant compte des qualifications/compétences».

46 Pour apprécier si des travailleurs exercent un travail identique ou similaire, au sens de l’accord cadre, il convient, conformément aux clauses 3, point 2, et 4, point 1, de ce dernier, de tenir compte d’un ensemble de facteurs, tels que la nature de leur travail, leurs qualifications et compétences, les conditions de formation et les conditions de travail (voir, en ce sens, arrêt Rosado Santana, C‑177/10, EU:C:2011:557, point 66, ainsi que ordonnances Montoya Medina, C‑273/10, EU:C:2011:167,
point 37, et Lorenzo Martínez, C‑556/11, EU:C:2012:67, point 43).

47 En l’occurrence, le gouvernement espagnol fait observer que le personnel auxiliaire constitue une catégorie professionnelle distincte des autres catégories des agents publics prévues en droit espagnol, à l’égard tant de leurs liens d’emploi, des fonctions ou des missions qu’ils exercent que des critères de recrutement ou encore de leur régime de rémunération. Ainsi, selon ce gouvernement, les différences de traitement entre le personnel auxiliaire et les autres agents publics nationaux ne se
réduisent pas à la seule prime d’ancienneté en cause au principal.

48 Par ailleurs, ledit gouvernement souligne que, à la différence des fonctionnaires statutaires qui sont sélectionnés, conformément au droit national, selon des procédures garantissant le respect des principes constitutionnels d’égalité, de mérite et de capacité, le personnel auxiliaire est nommé librement pour l’accomplissement d’une mission spécifique non permanente de confiance et de conseil spécial. La révocation est également libre et intervient automatiquement lorsque l’autorité auprès de
laquelle ladite mission est exercée est révoquée. Selon ce même gouvernement, ce système de nomination et de révocation est justifié par la particularité de la fonction dévolue au personnel auxiliaire, qui repose sur la confiance dans le cadre d’un poste de nature politique ou similaire.

49 Toutefois, ainsi qu’il semble ressortir de la décision de renvoi, la fonction exercée par la requérante au principal ne consiste pas dans l’exercice d’une mission spécifique liée à l’autorité publique, mais porterait davantage sur l’accomplissement de tâches de collaboration concernant des activités de nature administrative.

50 En tout état de cause, il appartient, dans de telles circonstances, à la juridiction de renvoi d’établir si, en ce qui concerne la perception des primes triennales d’ancienneté en cause au principal, les fonctionnaires statutaires et le personnel auxiliaire, à l’égard duquel une différence de traitement relative aux conditions d’emploi est alléguée, se trouvent dans une situation comparable (voir, en ce sens, arrêt Rosado Santana, C‑177/10, EU:C:2011:557, point 67, ainsi que ordonnances Montoya
Medina, C‑273/10, EU:C:2011:167, point 39, et Lorenzo Martínez, C‑556/11, EU:C:2012:67, point 44).

51 Si ladite juridiction constate que les fonctions exercées par la requérante au principal en qualité de personnel auxiliaire du Consejo de Estado ne sont pas identiques ou analogues à celles exercées par un fonctionnaire statutaire au sein de cette administration ou d’autres établissements publics où elle a travaillé auparavant en cette même qualité, il s’ensuivrait que la requérante au principal ne se trouve pas dans une situation comparable à celle d’un fonctionnaire statutaire.

52 Si, en revanche, cette juridiction estime que la requérante au principal a exercé, en qualité de personnel auxiliaire, une fonction identique ou analogue à celle exercée par un fonctionnaire statutaire du Consejo de Estado ou d’une autre institution similaire, le seul élément qui serait susceptible de différencier sa situation de celle d’un fonctionnaire statutaire semblerait être la nature temporaire de la relation de travail qui la liait à son employeur lors de l’accomplissement des périodes de
service en tant que personnel auxiliaire.

53 Dans une telle hypothèse, cette requérante se trouverait dans une situation comparable à celle dudit fonctionnaire statutaire et il conviendrait de vérifier s’il existe une raison objective justifiant la différence de traitement entre ces deux travailleurs, celle-ci résultant en l’occurrence du refus d’octroi de primes triennales d’ancienneté pour ladite période de service de la requérante au principal.

54 Selon une jurisprudence constante de la Cour, la notion de «raisons objectives», figurant à la clause 4, point 1, de l’accord-cadre, doit être comprise comme ne permettant pas de justifier une différence de traitement entre les travailleurs à durée déterminée et les travailleurs à durée indéterminée par le fait que cette différence est prévue par une norme nationale générale et abstraite, telle qu’une loi ou une convention collective (arrêts Del Cerro Alonso, C‑307/05, EU:C:2007:509, point 57,
ainsi que Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres, C‑444/09 et C‑456/09, EU:C:2010:819, point 54, ainsi que ordonnances Montoya Medina, C‑273/10, EU:C:2011:167, point 40, et Lorenzo Martínez, C‑556/11, EU:C:2012:67, point 47).

55 Ladite notion requiert que l’inégalité de traitement constatée soit justifiée par l’existence d’éléments précis et concrets, caractérisant la condition d’emploi dont il s’agit, dans le contexte particulier dans lequel elle s’insère et sur le fondement de critères objectifs et transparents, afin de vérifier si cette inégalité répond à un besoin véritable, est apte à atteindre l’objectif poursuivi et est nécessaire à cet effet. Lesdits éléments peuvent résulter, notamment, de la nature particulière
des tâches pour l’accomplissement desquelles des contrats à durée déterminée ont été conclus et des caractéristiques inhérentes à celles-ci ou, le cas échéant, de la poursuite d’un objectif légitime de politique sociale d’un État membre (voir arrêts Del Cerro Alonso, C‑307/05, EU:C:2007:509, points 53 et 58, et Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres, C‑444/09 et C‑456/09, EU:C:2010:819, point 55, ainsi que ordonnances Montoya Medina, C‑273/10, EU:C:2011:167, point 41, et Lorenzo Martínez, C‑556/11,
EU:C:2012:67, point 48).

56 En revanche, le recours à la seule nature temporaire du travail du personnel de l’administration publique n’est pas conforme à ces exigences et n’est donc pas susceptible de constituer une raison objective au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre (arrêt Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres, C‑444/09 et C‑456/09, EU:C:2010:819, point 56, ainsi que ordonnances Montoya Medina, C‑273/10, EU:C:2011:167, point 42, et Lorenzo Martínez, C‑556/11, EU:C:2012:67, point 49).

57 En effet, une différence de traitement en ce qui concerne les conditions d’emploi entre les travailleurs à durée déterminée et les travailleurs à durée indéterminée ne saurait être justifiée par un critère qui, de manière générale et abstraite, se réfère à la durée même de l’emploi. Admettre que la seule nature temporaire d’une relation d’emploi suffit pour justifier une telle différence viderait de leur substance les objectifs de la directive 1999/70 et de l’accord-cadre. Au lieu d’améliorer la
qualité du travail à durée déterminée et de promouvoir l’égalité de traitement recherchée tant par la directive 1999/70 que par l’accord-cadre, le recours à un tel critère reviendrait à pérenniser le maintien d’une situation défavorable aux travailleurs à durée déterminée (voir arrêts Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres, C‑444/09 et C‑456/09, EU:C:2010:819, point 57, et Nierodzik, C‑38/13, EU:C:2014:152, point 38, ainsi que ordonnances Montoya Medina, C‑273/10, EU:C:2011:167, point 43, et
Lorenzo Martínez, C‑556/11, EU:C:2012:67, point 50).

58 Le gouvernement espagnol fait valoir que la différence de traitement en cause au principal entre les fonctionnaires statutaires et le personnel auxiliaire est justifiée par l’existence de telles raisons objectives. À cet égard, il souligne, premièrement, que le personnel auxiliaire est nommé pour accomplir une mission qui présente un caractère temporaire. La nature particulière des tâches et la spécificité de la fonction du personnel auxiliaire, qui consistent en une mission de confiance ou de
conseil spécial, ne pourraient pas être assimilées à des missions comportant des tâches à caractère permanent dans l’organisation administrative. Il fait valoir, deuxièmement, le fait que la nomination et la révocation de ce personnel sont libres, en ce sens que l’employeur n’est tenu à aucun formalisme en la matière. Troisièmement, les postes du personnel auxiliaire auraient un caractère exceptionnel et les personnes employées en cette qualité ne seraient normalement pas maintenues en service
pour une longue durée. Enfin, quatrièmement, les primes triennales d’ancienneté en cause au principal étant une récompense accordée au personnel qui demeure de manière continue au service de l’administration en y exerçant des fonctions purement administratives, il serait contradictoire de les octroyer au personnel auxiliaire qui ne répond pas à ces caractéristiques.

59 À cet égard, il convient de relever que, d’une part, s’il appartient, en principe, à la juridiction de renvoi d’apprécier si ces arguments constituent des raisons objectives au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre, compte tenu de la jurisprudence rappelée aux points 54 à 57 du présent arrêt, la nature non permanente du personnel auxiliaire ne pourrait en aucun cas être considérée comme une telle raison.

60 D’autre part, si certaines différences relatives à l’engagement des fonctionnaires statutaires, aux qualifications requises et à la nature des tâches dont ils doivent assumer la responsabilité pourraient, en principe, justifier une différence de traitement avec le personnel auxiliaire quant à leurs conditions d’emploi (voir, par analogie, arrêt Rosado Santana, C‑177/10, EU:C:2011:557, point 78), tel ne semble pas être le cas dans l’affaire au principal.

61 En effet, il ressort du libellé même de l’article 26, paragraphe 4, deuxième alinéa, de la loi 2/2012 que les fonctionnaires statutaires en service actif ou en détachement qui occupent un poste réservé au personnel auxiliaire bénéficient des primes triennales d’ancienneté en cause au principal. Le fait que de tels fonctionnaires statutaires puissent bénéficier de ces primes, y compris pendant la période où ils exercent les fonctions dévolues au personnel auxiliaire, contredit l’argument selon
lequel la nature particulière de la mission de confiance ou de conseil spécial dont est chargé le personnel auxiliaire distingue ces deux types de personnel et justifie une différence de traitement entre eux en ce qui concerne l’octroi desdites primes.

62 Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux deuxième et troisième questions posées que la clause 4, point 1, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui exclut, en dehors de toute justification pour des raisons objectives, le personnel auxiliaire du droit de percevoir une prime triennale d’ancienneté accordée, notamment, aux fonctionnaires statutaires,
lorsque, à l’égard de la perception de cette prime, ces deux catégories de travailleurs se trouvent dans des situations comparables, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Sur les dépens

63 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

  1) La notion de «travailleur à durée déterminée», au sens de la clause 3, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999, qui figure à l’annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’applique à un travailleur tel que la requérante au principal.

  2) La clause 4, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui exclut, en dehors de toute justification pour des raisons objectives, le personnel auxiliaire du droit de percevoir une prime triennale d’ancienneté accordée, notamment, aux fonctionnaires statutaires, lorsque, à l’égard de la perception de cette prime, ces deux catégories de travailleurs se
trouvent dans des situations comparables, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure: l’espagnol.


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : C-177/14
Date de la décision : 09/07/2015
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunal Supremo.

Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Directive 1999/70/CE – Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée – Clauses 3 et 4 – Principe de non-discrimination – Personnel ‘eventual’ – Refus d’accorder une prime triennale d’ancienneté – Raisons objectives.

Politique sociale


Parties
Demandeurs : María José Regojo Dans
Défendeurs : Consejo de Estado.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mengozzi
Rapporteur ?: Ó Caoimh

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2015:450

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