La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/06/2014 | CJUE | N°C-531/12

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Commune de Millau et Société d'économie mixte d'équipement de l'Aveyron (SEMEA) contre Commission européenne., 19/06/2014, C-531/12


ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

19 juin 2014 ( *1 )

«Pourvoi — Clause compromissoire — Contrat de subvention portant sur une action de développement local — Remboursement d’une partie des avances versées — Reprise de dette — Compétence du Tribunal — Prescription — Responsabilité de la Commission»

Dans l’affaire C‑531/12 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 19 novembre 2012,

Commune de Millau,

Société d’Ã

©conomie mixte d’équipement de l’Aveyron (SEMEA), établie à Millau (France),

représentées par Mes L. Hincker et F. Bleykas...

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

19 juin 2014 ( *1 )

«Pourvoi — Clause compromissoire — Contrat de subvention portant sur une action de développement local — Remboursement d’une partie des avances versées — Reprise de dette — Compétence du Tribunal — Prescription — Responsabilité de la Commission»

Dans l’affaire C‑531/12 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 19 novembre 2012,

Commune de Millau,

Société d’économie mixte d’équipement de l’Aveyron (SEMEA), établie à Millau (France),

représentées par Mes L. Hincker et F. Bleykasten, avocats,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par Mmes S. Lejeune et D. Calciu, en qualité d’agents, assistées de Me E. Bouttier, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie demanderesse en première instance,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, M. E. Levits, Mme M. Berger, MM. S. Rodin et F. Biltgen (rapporteur), juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 27 février 2014,

rend le présent

Arrêt

1 Par leur pourvoi, la commune de Millau et la Société d’économie mixte d’équipement de l’Aveyron (SEMEA) demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne Commission/SEMEA et commune de Millau (T‑168/10 et T‑572/10, EU:T:2012:435, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a condamné solidairement la SEMEA et la commune de Millau à payer à la Commission européenne la somme principale de 41012 euros versée par cette dernière au titre de la garantie consentie par elle dans le
cadre de financements accordés à la SEMEA, augmentée des intérêts moratoires ainsi que des intérêts produits par la capitalisation de ces derniers aux échéances fixées.

Les antécédents du litige

2 Les antécédents du litige ont été exposés aux points 1 à 31 de l’arrêt attaqué de la manière suivante:

«1 Le 6 juillet 1990, la Communauté économique européenne, représentée par la Commission des Communautés européennes, a conclu un contrat de subvention avec la [SEMEA], dont la commune de Millau (France) détenait 50 % du capital.

2 Ce contrat portait sur une action de développement local consistant en l’exécution de travaux de préparation et de lancement d’un Centre européen d’entreprise locale à Millau [ci‑après le ‘contrat’].

3 L’article 2 du contrat stipulait:

‘Les travaux devront être accomplis pendant une période de 18 mois à dater de la signature du présent contrat.’

4 En vertu de l’article 4 du contrat, la SEMEA s’engageait à réaliser différentes prestations et à en rendre compte à la Commission par la remise de rapports périodiques, la Commission s’engageant pour sa part à contribuer financièrement à l’exécution des travaux à hauteur d’une somme maximale de 135000 écus, dans la limite de 50 % du coût justifié des travaux.

5 L’article 6 du contrat prévoyait:

‘Le présent contrat est soumis à la loi française.’

6 L’article 10 du contrat était formulé comme suit:

‘En cas de non-disponibilité de crédits ou de disponibilité insuffisante pour exécuter le présent contrat, la Commission se réserve le droit de résilier le présent contrat sans aucune procédure judiciaire ou d’adapter le contrat à la nouvelle disponibilité budgétaire.’

7 L’article 9, paragraphe 1, des conditions générales du contrat stipulait:

‘En cas d’inexécution par le contractant d’une des obligations découlant du contrat et indépendamment des conséquences prévues par la loi applicable au contrat, ce dernier peut être, de plein droit, résolu ou résilié par la Commission sans qu’il soit besoin de procéder à aucune formalité judiciaire, après une mise en demeure notifiée au contractant par lettre recommandée, non suivie d’exécution dans un délai d’un mois.’

8 L’article 10 des conditions générales du contrat prévoyait:

‘À défaut d’un règlement amiable, la Cour de justice des Communautés européennes est seule compétente pour statuer sur tout litige concernant le contrat et survenant entre les parties contractantes.’

9 Par courrier du 16 mai 1991, la SEMEA sollicitait de la Commission que le contrat puisse être exécuté par une autre structure, le Centre européen d’entreprise et d’innovation (ci-après l’‘association CE1 12’), ce que la Commission a accepté par courrier du 2 juillet 1991 en précisant que cet accord ne déchargeait pas la SEMEA de ses obligations. Par courrier du 22 octobre 1991, la SEMEA confirmait qu’elle se portait garante de la bonne exécution des prestations prévues au contrat.

10 Au cours des mois de juin et juillet 1992, les services de la Commission ont procédé à un contrôle portant sur l’état d’avancement des travaux, à la suite duquel il a été constaté que le total des dépenses éligibles s’élevait à la somme de 187977 écus et que la contribution de la Commission devait donc être fixée à 50 % de ce montant, soit la somme de 93988 écus.

11 La SEMEA ayant d’ores et déjà perçu 135000 écus au titre du contrat, la Commission lui a réclamé le remboursement de 41012 écus [ci-après la ‘créance litigieuse’] par courrier du 27 avril 1993. La SEMEA n’a pas donné suite à cette demande.

12 Le 17 février 1997, l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires de la SEMEA a décidé la dissolution anticipée amiable de la SEMEA à partir du 31 mars 1997 et la désignation d’un liquidateur amiable.

13 Par courrier recommandé avec avis de réception du 18 novembre 2005, la Commission a sollicité une nouvelle fois auprès de la SEMEA le paiement de la créance litigieuse.

14 Le 11 janvier 2006, la Commission a adressé une note de débit d’un montant de 41012 euros à la SEMEA.

15 Par courrier en réponse daté du 31 janvier 2006, le liquidateur amiable de la SEMEA indiquait que ses comptes ne permettaient pas de faire face au paiement d’une telle somme, qu’il se voyait dans l’obligation de déposer le bilan et que la créance litigieuse devait être considérée comme prescrite selon le droit français, puisque celui-ci ne permettait pas le recouvrement de sommes non réclamées depuis plus de quatre ans et que la dernière réclamation de la Commission datait du 27 avril 1993,
soit de plus de douze ans.

16 Par courrier recommandé avec avis de réception du 16 février 2006, la Commission sollicitait formellement de sa part la prise en compte de la créance litigieuse dans les opérations de liquidation ainsi que son admission au passif.

17 Par courrier du 20 septembre 2006, la SEMEA informait la Commission que l’assemblée générale extraordinaire de la société avait décidé de surseoir au dépôt de bilan et faisait état d’un procès-verbal de l’association CE1 12 indiquant que la Commission avait finalement renoncé à rechercher le paiement de la créance litigieuse.

18 Par lettre du 29 novembre 2006, la Commission fait parvenir, par la voie de son avocat, une mise en demeure à la SEMEA de rembourser la créance litigieuse. Dans cette lettre, la Commission précisait qu’elle n’avait jamais entendu renoncer à cette créance.

19 Par courrier du 30 janvier 2007, l’avocat de la Commission adressait une nouvelle mise en demeure de régler la créance litigieuse et déduisait de l’inaction de la SEMEA l’état de cessation des paiements de cette dernière.

20 Par lettre du 5 février 2007, la SEMEA indiquait ne pas être en état de cessation des paiements.

21 Par courrier du 12 février 2007, la SEMEA envoyait la copie de la délibération de l’association CE1 12 constatant que la Commission avait renoncé à solliciter le paiement de la créance litigieuse.

22 Le 26 octobre 2007, la Commission adressait, par voie d’huissier, une sommation de payer au domicile du liquidateur amiable de la SEMEA.

23 Le 10 décembre 2007, la Commission adressait une sommation de payer au siège de la liquidation amiable de la société, par voie d’huissier.

24 Par lettre du 14 décembre 2007, adressée à l’huissier ayant délivré la sommation de payer, le liquidateur amiable de la SEMEA réitérait sa demande d’information sur la décision de la Commission d’abandonner le paiement de la créance litigieuse. Dans sa lettre, il prétendait que les nouveaux actionnaires et le liquidateur n’étaient pas informés des engagements liant la SEMEA à l’association CE1 12.

25 Par lettre du 7 janvier 2008, l’avocat de la Commission contestait les allégations du liquidateur amiable de la SEMEA, le mettait de nouveau en demeure de régler la créance litigieuse et adressait copie de ce courrier au procureur de la République afin que puisse être apprécié, notamment au regard du délit d’escroquerie, le comportement du liquidateur amiable de la SEMEA.

26 En réponse à cette dernière mise en demeure, le liquidateur amiable de la SEMEA avançait que la créance litigieuse pourrait être prescrite. Dans cette lettre, il rappelait qu’il s’était engagé au début de l’année 2007, au cours d’un entretien avec l’avocat de la Commission, à rembourser la créance litigieuse dès qu’il aurait été répondu aux questions relatives à la recevabilité de celle-ci.

27 Par courrier du 21 février 2008, l’avocat de la Commission faisait parvenir une ultime mise en demeure à la SEMEA de payer la créance litigieuse.

28 Le 21 novembre 2008, l’assemblée générale extraordinaire de la SEMEA a pris acte de la décision de la commune de Millau, son actionnaire principal, de reprendre son actif et son passif et a décidé de verser une somme de 82719,76 euros, représentant la trésorerie disponible de la SEMEA, à la commune de Millau. Selon le rapport de liquidation présenté par le liquidateur amiable, qui faisait état de la créance litigieuse, toutes les opérations en mandat étaient considérées comme liquidées.

29 Le 9 décembre 2008, le liquidateur amiable de la SEMEA a clôturé les opérations de liquidation et a fait radier la SEMEA du registre du commerce et des sociétés.

30 Le 18 décembre 2008, le conseil municipal de la commune de Millau a acté la reprise du patrimoine de la SEMEA. Au passif de celle-ci figurait explicitement le litige l’opposant à la Commission européenne.

31 À la suite de la demande de la Commission, le tribunal de commerce de Rodez a désigné, le 12 février 2010, un mandataire ad hoc afin de représenter la SEMEA.»

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

3 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 avril 2010, la Commission a introduit un recours tendant, notamment, à la condamnation de la SEMEA au paiement d’une somme de 41012 euros au titre d’un remboursement de garantie, assortie des intérêts capitalisés, ainsi que d’une somme de 5000 euros au titre du préjudice prétendument subi.

4 La commune de Millau ayant repris l’ensemble de l’actif et du passif de la SEMEA, la Commission a, par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 décembre 2010, également formé un recours contre cette commune, en présentant, en substance, les mêmes conclusions.

5 En raison de leur connexité, les deux affaires ont été jointes.

6 Dans la première partie de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné le recours introduit par la Commission à l’encontre de la SEMEA.

7 S’agissant de la recevabilité de ce recours, le Tribunal s’est, aux points 47 à 49 de l’arrêt attaqué, déclaré compétent pour statuer sur la demande de la Commission, en application des articles 272 TFUE et 256, paragraphe 1, premier alinéa, TFUE, lus en combinaison avec l’article 10 des conditions générales du contrat. Il a rejeté l’exception d’irrecevabilité soulevée par la SEMEA et tirée du fait que, en raison de sa radiation du registre du commerce et des sociétés, cette société ne disposait,
à la date d’introduction de la requête, ni de la capacité juridique ni de celle d’ester en justice.

8 En ce qui concerne le bien-fondé du recours, le Tribunal a, tout d’abord, qualifié, aux points 61 à 68 de l’arrêt attaqué, le contrat en cause comme étant de nature administrative.

9 Ensuite, le Tribunal a jugé, aux points 69 à 74 dudit arrêt, que la SEMEA était obligée, sur le fondement de la répétition de l’indu du droit français, de rembourser à l’Union européenne la somme indûment perçue de 41012 euros.

10 Le Tribunal a écarté, aux points 75 à 88 de l’arrêt attaqué, les objections de la SEMEA, tirées, premièrement, de la renonciation de la part de la Commission à réclamer le remboursement de la somme due, deuxièmement, du fait que la SEMEA aurait été libérée de sa dette lors de la reprise de celle-ci par la commune de Millau, troisièmement, de la prescription de la créance litigieuse ainsi que, quatrièmement, de l’extinction de cette créance.

11 En outre, le Tribunal a condamné la SEMEA au paiement des intérêts moratoires au taux légal appliqué en France à partir du 27 avril 1993, lesdits intérêts capitalisés produisant eux-mêmes des intérêts à partir du 15 avril 2010 ainsi qu’à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

12 Enfin, le Tribunal a rejeté la demande de paiement d’une somme indemnitaire formulée par la Commission.

13 En ce qui concerne la demande reconventionnelle formée par la SEMEA, le Tribunal l’a rejetée, après avoir constaté, aux points 108 et 109 de l’arrêt attaqué, l’absence de lien direct de causalité entre le comportement de la Commission et le préjudice allégué par les requérantes.

14 Dans la seconde partie de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné le recours de la Commission contre la commune de Millau. Selon cette dernière, ce recours devrait être rejeté dans la mesure où il était porté devant une juridiction incompétente pour en connaître.

15 S’agissant de la question de savoir si la compétence du Tribunal pouvait être fondée sur la clause compromissoire conclue par la SEMEA, le Tribunal a rappelé, aux points 114 à 119 de l’arrêt attaqué, que l’article 272 TFUE devait être interprété restrictivement et que sa compétence pour connaître d’un litige concernant un contrat en vertu d’une clause compromissoire contenue dans ce dernier s’appréciait, en principe, au regard des seules dispositions de l’article 272 TFUE ainsi que des
stipulations de la clause compromissoire elle-même.

16 Après avoir écarté la thèse de la Commission selon laquelle la clause compromissoire conclue par la SEMEA aurait été transférée à la commune de Millau comme élément accessoire de la créance litigieuse, le Tribunal a recherché, aux points 132 à 149 de cet arrêt, si la commune de Millau pouvait être soumise à la clause compromissoire au moyen d’une stipulation pour autrui intervenue avec la SEMEA.

17 À cet égard, le Tribunal a, tout d’abord, retenu, au point 134 dudit arrêt, que l’existence d’une clause compromissoire s’examinait en prenant en compte les principes généraux du droit des contrats émanant des ordres juridiques des États membres. Il a ainsi précisé que, «même si un de ces principes énonce qu’un contrat ne lie que ses parties, ce principe ne s’oppose pas à ce que ces deux parties puissent, par le truchement d’une stipulation pour autrui, conférer un droit à un tiers».

18 Ensuite, le Tribunal a jugé, au point 135 de l’arrêt attaqué, que la clause compromissoire prévue à l’article 10 des conditions générales du contrat pouvait résulter du contrat conclu entre la SEMEA et la commune de Millau. En effet, d’une part, l’article 272 TFUE énonce qu’une clause compromissoire doit être contenue dans un contrat passé par l’Union ou pour son compte. Or, la commune de Millau et la Commission n’ont pas conclu de contrat ni, par conséquent, de clause compromissoire. Afin de
conclure que la Commission pouvait se prévaloir de cette clause compromissoire à l’encontre de la commune de Millau, le Tribunal a estimé que la stipulation pour autrui entre la SEMEA et la commune de Millau pouvait être considérée comme une stipulation pour le compte de l’Union. D’autre part, il a jugé que la compétence du Tribunal pour juger des litiges concernant un contrat ne pouvait être fondée contre la volonté de l’Union, ce qui ne serait toutefois pas le cas d’une clause compromissoire
stipulée uniquement en faveur de l’Union.

19 Enfin, le Tribunal a ajouté, au point 136 de l’arrêt attaqué, que la nature procédurale d’une clause compromissoire ne s’opposait pas à ce qu’une telle clause soit stipulée pour autrui.

20 Après avoir précisé, au point 138 de cet arrêt, que la stipulation pour autrui pouvait résulter d’une convention expresse entre le stipulant et le promettant visant à conférer un droit à un tiers, mais qu’elle pouvait également s’induire du but du contrat ou des circonstances de l’espèce, le Tribunal a jugé, aux points 139 à 141 dudit arrêt, notamment eu égard aux éléments de fait et de droit établis par le procès-verbal du conseil municipal de la commune de Millau du 18 décembre 2010, que les
requérantes voulaient faire naître une créance de l’Union à l’égard de la commune de Millau et que cette dernière avait la volonté de se soumettre à la clause compromissoire prévue à l’article 10 des conditions générales du contrat.

21 Ce faisant, le Tribunal a rejeté, au point 142 de l’arrêt attaqué, l’argument soulevé par les requérantes, selon lequel le transfert de la dette de la SEMEA à la commune de Millau aurait eu un effet libératoire pour la SEMEA, alors qu’un tel transfert de dette aurait nécessairement requis le consentement de l’Union, qui fait défaut en l’espèce.

22 En outre, au point 148 de cet arrêt, le Tribunal a précisé que, s’il existait un conflit entre les dispositions du droit français, à savoir les articles 2060 du code civil ainsi que 48 du code de procédure civile, et l’article 272 TFUE, ce dernier devait avoir la priorité sur toutes les dispositions nationales contraires.

23 Le Tribunal en a conclu, au point 149 dudit arrêt, qu’il était compétent, en vertu de la clause compromissoire, pour statuer sur la requête de la Commission contre la commune de Millau.

24 S’agissant du bien-fondé du recours, le Tribunal a déclaré fondées à l’égard de la commune de Millau tant la demande en remboursement de la somme de 41012 euros que la demande de paiement d’intérêts, portant eux-mêmes intérêts à partir du 15 avril 2010, date de la première échéance annuelle.

25 Étant donné que la Commission n’a droit qu’à un seul paiement, le Tribunal a condamné solidairement et conjointement la SEMEA et la commune de Millau.

26 En revanche, il a rejeté la demande de paiement d’une somme indemnitaire formulée par la Commission ainsi que la demande reconventionnelle de la commune de Millau.

La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

27 Par leur pourvoi, les requérantes demandent à la Cour:

— d’annuler l’arrêt attaqué;

— de déclarer le Tribunal incompétent pour statuer sur le recours dirigé à l’encontre de la commune de Millau et de déclarer irrecevable le recours dirigé contre la SEMEA;

— à titre subsidiaire, de rejeter la demande de la Commission;

— de condamner la Commission à verser à la commune de Millau et à la SEMEA la somme de 41012 euros, assortie des intérêts, et

— de condamner la Commission aux dépens.

28 La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner les requérantes aux dépens.

Sur le pourvoi

Sur la régularité formelle du pourvoi

29 Le présent pourvoi pose, ainsi que l’a soulevé Mme l’avocat général au point 32 de ses conclusions, la question de savoir s’il a été valablement formé au nom de la SEMEA.

30 Il ressort des documents contenus dans le dossier soumis à la Cour que, à la date de l’introduction du pourvoi, à savoir le 19 novembre 2012, les avocats représentant la commune de Millau n’avaient pas déposé, contrairement à ce qui est prévu aux articles 119, paragraphe 2, et 168, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, la preuve de leur mandat régulièrement établi par un représentant qualifié de la SEMEA.

31 En effet, si, dans un courrier du 12 novembre 2012 adressé à Me F. Bleykasten, M. Blanc, en sa qualité de mandataire ad hoc de la SEMEA, avait estimé opportun que cette société se joigne au pourvoi formé par la commune de Millau, il a précisé toutefois que sa mission de mandataire ad hoc de la SEMEA avait pris fin le 12 août 2012.

32 Conformément aux articles 119, paragraphe 4, et 168, paragraphe 4, du règlement de procédure, le greffe de la Cour a demandé, au cours du mois d’octobre 2013, aux avocats de la SEMEA de produire le mandat indiquant qu’ils étaient autorisés à agir pour le compte de la SEMEA. Par courrier du25 novembre 2013, ces derniers ont déposé au greffe de la Cour une ordonnance du tribunal de commerce compétent du 5 novembre 2013 portant nomination, en vue de la procédure de pourvoi pendante devant la Cour,
de M. Blanc en sa qualité de mandataire ad hoc de cette société.

33 Ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé aux points 40 à 44 de ses conclusions, il y a lieu d’interpréter les articles 119, paragraphe 4, et 168, paragraphe 4, du règlement de procédure en ce sens qu’il est possible de remédier à un défaut de mandat au moment de l’introduction du pourvoi par la production ultérieure de tout document confirmant l’existence de ce mandat.

34 Par conséquent, même si les avocats de la SEMEA ne disposaient pas, à la date d’introduction du présent pourvoi, de mandat de la part de cette société, il n’en demeure pas moins que, à la suite de la nomination du mandataire ad hoc en la personne de M. Blanc, ce dernier a pu confirmer valablement son intention de joindre la SEMEA au pourvoi formé par la commune de Millau (voir, en ce sens, arrêt Maurissen et Union syndicale/Cour des comptes, 193/87 et 194/87, EU:C:1989:185, point 33).

35 Il résulte de ce qui précède que le pourvoi a été régulièrement introduit pour le compte de la SEMEA.

Sur le fond

36 À l’appui de leur pourvoi, les requérantes soulèvent quatre moyens.

Sur le premier moyen

– Argumentation des parties

37 Par leur premier moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal, en se déclarant compétent pour connaître de la requête dirigée à l’encontre de la commune de Millau, a commis une erreur de droit. Le Tribunal aurait, à tort, estimé que, par la stipulation pour autrui entre la SEMEA et la commune de Millau, cette dernière s’est soumise à la clause compromissoire prévue à l’article 10 des conditions générales du contrat conclu entre la SEMEA et la Commission.

38 Les requérantes font valoir, en premier lieu, que le droit national applicable, en l’occurrence l’article 2060 du code civil, interdit aux personnes morales de droit public de soumettre un litige à un tribunal arbitral. Les requérantes estiment qu’une personne morale de droit public qui ne peut conclure de clause compromissoire ne saurait, a fortiori, stipuler une telle clause au profit d’un tiers, cela d’autant plus que l’article 272 TFUE ne prévoit pas la possibilité d’une telle stipulation.

39 À cet égard, les requérantes ajoutent que la référence faite par le Tribunal, au point 136 de l’arrêt attaqué, à l’arrêt Gerling Konzern Speziale Kreditversicherung e.a. (201/82, EU:C:1983:217, points 10 à 20) n’est pas pertinente pour le cas d’espèce, cet arrêt ayant été rendu dans le contexte particulier d’un contrat d’assurance. En outre, en se fondant sur le principe de l’autonomie de la volonté, les requérantes affirment que, dans la mesure où la Commission n’a jamais expressément consenti
au transfert de la créance qu’elle détient à l’égard de la SEMEA vers le patrimoine de la commune de Millau, il n’existe ni transfert de cette créance, ni transfert de la clause compromissoire.

40 En deuxième lieu, les requérantes critiquent plus particulièrement les points 137 à 140 de l’arrêt attaqué dans lesquels le Tribunal a retenu que l’obligation de paiement à la charge de la commune de Millau se fonde sur la convention que cette dernière a conclue avec la SEMEA, une stipulation pour autrui, à savoir pour le compte de l’Union, pouvant être déduite de cette convention. Or, les requérantes contestent qu’une telle convention a été conclue au sujet de la dette alléguée à l’égard de la
Commission, la décision de la commune de Millau relative au comblement du passif de la SEMEA constituant une décision unilatérale de cette commune.

41 En troisième lieu, les requérantes estiment que le Tribunal, au point 140 de l’arrêt attaqué, a procédé à une lecture inexacte de la délibération du 18 décembre 2010, en considérant que la commune de Millau avait eu la volonté de reprendre «en toute connaissance de cause» une dette dont le régime et le contenu correspondaient à ceux de la dette de la SEMEA. Or, la décision du conseil municipal de la commune de Millau relative à la reprise de l’actif et du passif de la SEMEA «tel que décrit
ci-dessus» contiendrait une description détaillée qui ne ferait aucune référence à l’existence d’une clause compromissoire.

42 La Commission fait valoir, tout d’abord, que l’article 10 des conditions générales du contrat doit être qualifié, au sens du droit français, de clause attributive de compétence et non pas de clause compromissoire. Or, seule la clause compromissoire serait visée par l’interdiction prévue à l’article 2060 du code civil.

43 Ensuite, la Commission estime que le Tribunal a, à juste titre, considéré que, en l’espèce, les éléments caractérisant une stipulation pour autrui étaient réunis. La Commission ajoute que la portée de l’arrêt Gerling Konzern Speziale Kreditversicherung e.a. (EU:C:1983:217) ne se limite pas aux seuls contrats d’assurance.

44 La Commission considère, enfin, que l’argument relatif à la délibération du 18 décembre 2010 doit être rejeté comme étant irrecevable en ce qu’il porte sur une question de pur fait.

– Appréciation de la Cour

45 S’agissant de la première branche du premier moyen, les requérantes entendent critiquer le fait même qu’une clause compromissoire, au sens de l’article 272 TFUE, puisse faire l’objet d’une stipulation pour autrui. À cet égard, elles rappellent leurs arguments avancés en première instance et tirés de l’interdiction faite aux personnes morales de droit public français de conclure une clause compromissoire, en soutenant que cette interdiction doit valoir, a fortiori, pour la stipulation d’une telle
clause en faveur d’un tiers.

46 Il ressort de ce qui précède que les requérantes se limitent à développer une argumentation déjà invoquée devant le Tribunal, sans toutefois prendre position sur la motivation retenue par ce dernier pour l’écarter.

47 Or, il découle des articles 256 TFUE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (voir, notamment, arrêts Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, EU:C:2000:361, point 34;
Interporc/Commission, C‑41/00 P, EU:C:2003:125, point 15, ainsi que Reynolds Tobacco e.a./Commission, C‑131/03 P, EU:C:2006:541, point 49).

48 Ainsi, ne répond pas aux exigences de motivation résultant de ces dispositions un pourvoi qui se limite à répéter ou à reproduire textuellement les moyens et les arguments qui ont été présentés devant le Tribunal, y compris ceux qui étaient fondés sur des faits expressément rejetés par cette juridiction (voir, notamment, arrêt Interporc/Commission, EU:C:2003:125, point 16). En effet, un tel pourvoi constitue en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant
le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour (voir, notamment, arrêt Reynolds Tobacco e.a./Commission, EU:C:2006:541, point 50).

49 Partant, cet argument doit être écarté comme étant irrecevable.

50 Pour ce qui est de la référence faite à l’arrêt Gerling Konzern Speziale Kreditversicherung e.a. (EU:C:1983:217), au point 136 de l’arrêt attaqué, il importe de relever que le Tribunal a cité cet arrêt pour souligner que «la nature procédurale d’une clause attributive de juridiction ne s’oppose pas à ce qu’une telle clause soit stipulée pour autrui».

51 Or, il suffit de constater que le point 136 de l’arrêt attaqué contient un motif surabondant qui vient au soutien de la conclusion à laquelle le Tribunal est parvenu aux points 134 et 135 de ce même arrêt, à savoir qu’une clause attributive de juridiction peut faire l’objet d’une stipulation pour autrui.

52 Dans la mesure où l’argumentation des requérantes relative à l’arrêt Gerling Konzern Speziale Kreditversicherung e.a. (EU:C:1983:217) n’est donc pas susceptible de remettre en cause cette conclusion du Tribunal, il convient de la rejeter comme étant inopérante.

53 L’argument tiré du principe de l’autonomie de la volonté et consistant à affirmer que, à défaut de consentement explicite de la Commission, il n’y aurait eu transfert ni de la créance litigieuse, ni de la clause compromissoire y relative doit également être écarté. En effet, les requérantes ne font que reproduire leur argumentation développée en première instance, sans préciser en quoi le raisonnement du Tribunal est critiquable en ce qu’il a jugé, aux points 142 et 143 de l’arrêt attaqué, que le
consentement explicite de la Commission n’était pas nécessaire dans la mesure où la clause compromissoire a été stipulée en faveur de l’Union.

54 S’agissant de la deuxième branche du premier moyen, il suffit de constater que les requérantes, tout en rappelant certains éléments factuels, critiquent en substance l’appréciation effectuée par le Tribunal, aux points 137 à 140 de l’arrêt attaqué, des circonstances de l’espèce afin de déterminer si l’existence d’une stipulation pour autrui est susceptible d’être déduite de l’objectif du contrat en cause.

55 Or, conformément aux articles 256 TFUE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour, le pourvoi est limité aux questions de droit et doit être fondé sur des moyens tirés de l’incompétence du Tribunal, d’irrégularités de la procédure devant le Tribunal portant atteinte aux intérêts de la partie requérante ou de la violation du droit de l’Union par le Tribunal (voir, en ce sens, arrêt Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C‑136/92 P, EU:C:1994:211, point 47).

56 Dès lors, le Tribunal est seul compétent pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, ainsi que pour apprécier les éléments de preuve retenus. La constatation de ces faits et l’appréciation de ces éléments ne constituent donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (voir en ce sens, notamment, arrêts BEI/Hautem,
C‑449/99 P, EU:C:2001:502, point 44, ainsi que Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, C‑105/04 P, EU:C:2006:592, points 69 et 70).

57 L’appréciation des faits effectuée par le Tribunal et conduisant à la conclusion qu’une obligation de paiement existait à la charge de la commune de Millau ne constitue donc pas une question de droit soumise au contrôle de la Cour, sous réserve du cas de leur dénaturation, laquelle n’est toutefois pas alléguée par les requérantes.

58 Partant, cette deuxième branche du premier moyen doit être déclarée irrecevable.

59 S’agissant de la troisième branche du premier moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a effectué, au point 141 de l’arrêt attaqué, une lecture erronée de la délibération du 18 décembre 2010 pour déterminer la portée de la reprise, par la commune de Millau, de la dette de la SEMEA envers la Commission.

60 Or, il y a lieu de constater que les requérantes se limitent à critiquer l’appréciation, en tant que telle, portée par le Tribunal sur l’étendue du passif de la SEMEA repris par la commune de Millau. Ainsi, leur allégation ne porte ni sur une inexactitude matérielle des constatations faites par le Tribunal ni sur une dénaturation des éléments de preuve qui lui ont été soumis.

61 Conformément à la jurisprudence citée aux points 55 et 56 du présent arrêt, il convient de rejeter également cette troisième branche du premier moyen comme étant irrecevable.

62 Il résulte de tout ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté comme étant partiellement inopérant et partiellement irrecevable.

Sur le deuxième moyen

– Argumentation des parties

63 Par leur deuxième moyen, les requérantes font valoir que le Tribunal, en jugeant que le recours introduit par la Commission à l’encontre de la SEMEA était recevable, a commis une erreur de droit. Le Tribunal aurait considéré, à tort, que, d’une part, les droits et les obligations à caractère social de la SEMEA n’étaient pas liquidés et, d’autre part, la SEMEA n’était pas libérée de ses dettes envers la Commission à la suite du transfert de son patrimoine à la commune de Millau, la Commission
n’ayant pas consenti à la reprise de la créance litigieuse par cette collectivité.

64 Selon les requérantes, dès lors que la commune de Millau s’est entièrement substituée à la SEMEA, cette dernière pouvait clôturer ses opérations de liquidation. La SEMEA aurait été valablement libérée de ses obligations envers la Commission, dont l’accord n’était pas nécessaire, étant donné que la substitution d’une personne morale solvable lui était favorable.

65 La Commission soutient que le moyen est irrecevable en ce qu’il manque de clarté. À titre subsidiaire, la Commission considère que le moyen doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.

– Appréciation de la Cour

66 Il importe de relever que, par leur deuxième moyen, les requérantes font valoir que la commune de Millau s’est substituée à la SEMEA. Ce faisant, elles approuvent, en réalité, les motifs du Tribunal figurant aux points 138 à 140 de l’arrêt attaqué, selon lesquels il ressort des circonstances de l’espèce que, au moyen d’une stipulation pour autrui, les créanciers réels ou potentiels de la SEMEA, parmi lesquels figure notamment la Commission, se sont vu substituer un nouveau débiteur en la personne
de la commune de Millau.

67 Or, il convient de retenir que les griefs formulés par les requérantes à l’égard de l’arrêt attaqué se limitent à l’appréciation factuelle effectuée par le Tribunal, sans indiquer de façon précise ni les erreurs de droit prétendument commises par le Tribunal à cet égard, ni les arguments juridiques invoqués au soutien de ce deuxième moyen. En application de la jurisprudence citée aux points 47 et 48 du présent arrêt, ce deuxième moyen doit être déclaré comme étant irrecevable.

68 Au surplus, force est de constater que ce deuxième moyen reprend, en substance, les développements des requérantes dans le cadre de leur premier moyen, lequel aboutissait pourtant à nier l’existence de toute convention intervenue entre la SEMEA et la commune de Millau au sujet de la dette alléguée à l’égard de la Commission.

69 Partant, et dans la mesure où les requérantes contredisent ainsi leur propre argumentation juridique, ce deuxième moyen ne peut qu’être rejeté comme étant irrecevable (voir, en ce sens, ordonnance Nijs/Cour des comptes, C‑495/06 P, EU:C:2007:644, points 52 à 56).

Sur le troisième moyen

– Argumentation des parties

70 Par leur troisième moyen, les requérantes font grief au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en jugeant que la prescription trentenaire du droit commun était applicable et que la créance litigieuse n’était donc pas prescrite.

71 Les requérantes rappellent, d’une part, que la commune de Millau, ayant repris le patrimoine de la SEMEA, est fondée à invoquer à l’encontre de la Commission les mêmes arguments juridiques que ceux que la SEMEA aurait pu faire valoir, y compris celui relatif à la prescription décennale des obligations résultant du code de commerce dans sa version en vigueur au moment du litige (ci-après le «code de commerce»). D’autre part, la SEMEA ayant été une société d’économie mixte à caractère commercial,
la créance litigieuse serait née dans le cadre d’un rapport commercial entre la SEMEA, commerçante, et la Commission, non-commerçante.

72 En premier lieu, les requérantes font valoir que la prescription des obligations ne dépend pas du caractère administratif du contrat. En effet, à défaut de règles particulières de droit administratif, il conviendrait d’appliquer les règles de prescription du droit commun. La prescription décennale prévue par le code de commerce constituant une loi spéciale qui l’emporte sur les règles du droit civil, il y aurait lieu de l’appliquer au rapport commercial en cause en l’espèce.

73 S’agissant de l’arrêt du Conseil d’État du 31 juillet 1992 (no 69661), les requérantes relèvent que le juge administratif n’a pas écarté l’application de la prescription décennale prévue par le code de commerce au motif non pas qu’elle ne s’applique pas entre une personne de droit public et un commerçant, mais que les obligations litigieuses n’étaient pas nées à l’occasion du commerce entre les personnes concernées. Par conséquent, la nature du contrat en cause ne serait pas en mesure de faire
obstacle à l’application de la prescription décennale prévue par le code de commerce.

74 En second lieu, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir apprécié de manière inexacte les dispositions du contrat et les circonstances de l’espèce, en jugeant que la créance litigieuse ne pouvait pas être considérée comme étant née à l’occasion du rapport commercial entre la SEMEA et la Commission.

75 À cet égard, elles soulignent que l’arrêt du Conseil d’État du 31 juillet 1992 a été rendu dans le contexte totalement différent des restitutions agricoles mises en place dans le cadre de la politique agricole commune et ne serait pas transposable au cas d’espèce. En effet, au regard des stipulations contractuelles, la Commission serait directement impliquée dans le projet en cause et disposerait d’une maîtrise sur l’œuvre, de sorte qu’il y aurait lieu de conclure à l’existence d’un rapport
commercial entre la SEMEA et la Commission.

76 La Commission fait valoir que la première branche du troisième moyen doit être rejetée comme étant irrecevable ou, à tout le moins, comme étant non fondée, dans la mesure où elle résulte d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué. Le Tribunal n’aurait aucunement fondé son raisonnement relatif à la prescription de la créance litigieuse sur le caractère administratif du contrat en cause.

77 S’agissant de la seconde branche de ce moyen, la Commission soutient que c’est à juste titre que le Tribunal s’est référé à l’arrêt du Conseil d’État du 31 juillet 1992 pour illustrer le principe selon lequel un contrat tendant au versement d’une aide financière publique dans le cadre de l’exécution d’un service public, sans profit ni contrepartie, ne peut être regardé comme un acte de commerce et ne peut, dès lors, se voir appliquer la prescription décennale prévue à l’article 110‑4 du code de
commerce.

– Appréciation de la Cour

78 En ce qui concerne, en premier lieu, l’argument avancé par les requérantes selon lequel le caractère administratif du contrat est sans incidence pour déterminer la prescription applicable à la créance litigieuse, il y a lieu de relever que le Tribunal a analysé, aux points 61 à 68 de l’arrêt attaqué, le régime juridique applicable audit contrat et a conclu au caractère administratif de ce dernier.

79 Or, le Tribunal, dans le cadre de son examen de la prescription applicable à la créance litigieuse, aux points 82 à 88 de l’arrêt attaqué, n’a fait aucune référence au caractère administratif du contrat en cause.

80 Dans la mesure où le caractère administratif de ce contrat a été sans incidence sur la détermination de la prescription applicable à la créance litigieuse, l’argument y relatif doit être rejeté comme étant inopérant.

81 En second lieu, s’agissant de la critique selon laquelle le Tribunal aurait effectué une appréciation inexacte des dispositions dudit contrat et des circonstances de l’espèce, il importe de constater que le Tribunal a rappelé, au point 83 de l’arrêt attaqué, que le contrat en cause tendait au versement d’une subvention par la Commission aux fins de l’exécution d’un contrat souscrit au titre de la politique régionale de l’Union.

82 Il en a déduit, en se fondant sur l’arrêt du Conseil d’État du 31 juillet 1992, que «les obligations qui en résultent, parmi lesquelles figure la créance litigieuse, ne peuvent pas être regardées comme étant nées entre la Commission et la SEMEA à l’occasion de leur commerce».

83 Il découle de ce qui précède que le Tribunal s’est fondé, pour écarter l’application de la prescription prévue par le code de commerce, non pas sur le fait que le contrat liait une personne de droit public à un commerçant, contrairement à ce qui est soutenu par les requérantes, mais sur celui que le contrat en cause tendait au versement d’une subvention par la Commission aux fins de l’exécution d’un contrat souscrit au titre de la politique régionale de l’Union.

84 En outre, l’argument des requérantes consistant à affirmer que le contexte du cas d’espèce était totalement différent de celui en cause dans l’arrêt du Conseil d’État du 31 juillet 1992 ne saurait prospérer. En effet, la demande de remboursement litigieuse portait sur des sommes que la Commission avait versées dans le cadre d’une politique régionale et qui ne pouvaient être considérées comme résultant d’obligations nées entre les requérantes et la Commission à l’occasion de leur commerce.

85 Il résulte de ce qui précède que le troisième moyen doit être écarté comme étant partiellement inopérant et partiellement non fondé.

Sur le quatrième moyen

– Argumentation des parties

86 Par leur quatrième moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir rejeté leur demande reconventionnelle en jugeant qu’il n’existe pas de lien direct de causalité entre le comportement de la Commission et le préjudice qu’elles allèguent.

87 Elles rappellent que, entre le 27 avril 1993 et le 18 novembre 2005, la Commission n’a rien entrepris pour recouvrer les sommes qu’elle estimait dues. Or, si la Commission s’était manifestée plus tôt auprès de la SEMEA, cette dernière aurait pu procéder à des vérifications et réserver, le cas échéant, une suite utile à la demande de remboursement.

88 Elles font valoir que l’inaction de la Commission pendant douze ans aurait conduit la SEMEA à considérer que la Commission avait renoncé au remboursement des sommes versées.

89 Selon les requérantes, une telle inaction de la Commission constitue une violation de son devoir de bonne administration au sens de l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui aurait dû être sanctionnée par le Tribunal.

90 La Commission fait valoir que le quatrième moyen est irrecevable, dans la mesure où il vise à remettre en cause l’appréciation des faits telle qu’opérée par le Tribunal.

– Appréciation de la Cour

91 S’agissant de l’argument avancé par les requérantes et relatif à la prétendue renonciation de la Commission au remboursement des sommes versées, il convient de rappeler que le Tribunal a jugé, au point 77 de l’arrêt attaqué, que les éléments du dossier ne permettent pas de constater l’existence d’une telle renonciation.

92 Dès lors, par cet argument, les requérantes critiquent en réalité l’appréciation faite par le Tribunal des éléments du dossier. Aussi, conformément à la jurisprudence citée aux points 55 et 56 du présent arrêt, convient-il de le rejeter comme étant irrecevable.

93 En ce que les requérantes reprochent à la Commission une violation de son devoir de bonne administration, il n’est pas contesté que, si la Commission a réclamé le remboursement de la créance litigieuse par courrier du 27 avril 1993, demande à laquelle la SEMEA n’a donné aucune suite, cette institution ne s’est manifestée une nouvelle fois auprès de la SEMEA que par courrier recommandée du 18 novembre 2005, l’envoi de la note de débit n’ayant eu lieu que par courrier du 11 janvier 2006.

94 Cette circonstance n’est toutefois pas de nature à remettre en cause les appréciations portées aux points 108 et 109 de l’arrêt attaqué, selon lesquelles il n’existait pas de lien direct de causalité entre le comportement de la Commission et le préjudice allégué par les requérantes s’agissant du montant de 41012 euros.

95 C’est ainsi à juste titre que le Tribunal a jugé que la demande en paiement de la créance de 41012 euros visait à la répétition de l’indu et que, cette créance n’étant pas prescrite, la SEMEA restait, en tout état de cause, tenue à son paiement. En effet, dans la mesure où les deux actions reposent sur des fondements juridiques distincts, le montant de la créance litigieuse était dû, même en supposant que la responsabilité non contractuelle de la Commission soit engagée du fait de la violation de
son devoir de bonne administration.

96 En revanche, s’agissant des intérêts moratoires, il y a lieu de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union et la mise en œuvre du droit à la réparation du préjudice subi, en vertu de l’article 340 TFUE, dépendent de la réunion d’un ensemble de conditions afférentes à l’illégalité du comportement reproché aux institutions, à la réalité du dommage et à l’existence d’un lien de causalité entre ce comportement et le
préjudice invoqué (voir, notamment, arrêts Oleifici Mediterranei/CEE, 26/81, EU:C:1982:318, point 16; Birra Wührer e.a./Conseil et Commission, 256/80, 257/80, 265/80, 267/80, 5/81, 51/81 et 282/82, EU:C:1984:341, point 9, ainsi que Inalca et Cremonini/Commission, C‑460/09 P, EU:C:2013:111, point 46).

97 S’agissant du comportement illégal reproché à l’institution en cause, il convient de rappeler que, conformément au principe général de bonne administration, qui figure parmi les garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives et qui se trouve actuellement consacré à l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, il incombe aux institutions de l’Union de mener avec diligence les procédures de recouvrement et d’agir
de façon à ce que chaque acte de poursuite intervienne dans un délai raisonnable par rapport à l’acte précédent.

98 Or, il est constant que, après avoir réclamé, par courrier du 27 avril 1993, le remboursement de la créance litigieuse, la Commission est restée inactive pendant plus de douze ans, ne se manifestant que par lettre recommandée du 18 novembre 2005.

99 Au surplus, une telle inaction ne saurait être justifiée ni par la complexité du litige ni par une autre circonstance particulière susceptible de justifier le retard constaté.

100 Dans ces conditions, c’est à tort que le Tribunal a jugé, au point 108 de l’arrêt attaqué, qu’il n’existe pas de lien direct de causalité entre le comportement de la Commission et le préjudice allégué.

101 S’agissant de l’existence du dommage, il est vrai que les intérêts ont commencé à courir en raison du fait que la SEMEA n’a pas immédiatement donné suite à la demande de remboursement de la Commission du 27 avril 1993.

102 Or, l’inaction de la Commission pendant plus de douze ans a eu pour conséquence, ainsi que cela ressort du point 89 des conclusions de Mme l’avocat général, que les intérêts moratoires réclamés excèdent désormais le montant de la créance litigieuse.

103 Conformément au point 90 de ces mêmes conclusions, il convient de constater que le montant des intérêts moratoires échus pendant la période d’inaction de la Commission de plus de douze ans est directement imputable au comportement de cette institution.

104 Il découle de ce qui précède que l’arrêt attaqué doit être annulé en ce qu’il a retenu, dans le cadre de l’analyse de la demande reconventionnelle introduite par les requérantes, qu’il n’existait pas de lien de causalité direct entre le comportement de la Commission et le dommage prétendument subi du fait de la condamnation au paiement des intérêts moratoires.

Sur le recours devant le Tribunal

105 Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour, cette dernière peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, statuer définitivement sur le litige lorsque celui-ci est en état d’être jugé. Tel est le cas en l’espèce.

106 En l’occurrence, au regard des caractéristiques spécifiques du cas d’espèce, il convient de statuer sur la demande reconventionnelle formée par les requérantes au titre de la condamnation au paiement des intérêts moratoires.

107 Il ressort des points 97 à 104 du présent arrêt que le préjudice constitué par les intérêts moratoires échus au cours de la période d’inaction de la Commission de plus de douze ans est directement imputable au comportement fautif de cette institution.

108 Cela étant, il convient néanmoins de considérer que la créance de 41012 euros que la SEMEA aurait dû restituer à la Commission n’était pas prescrite le 18 novembre 2005, à savoir à la date à laquelle cette institution en a demandé le remboursement.

109 Partant, il convient d’accueillir partiellement la demande reconventionnelle des requérantes et de condamner la Commission à supporter les trois quarts du montant correspondant aux intérêts moratoires au taux légal annuel appliqué en France échus entre la date du 27 avril 1993 et celle du 18 novembre 2005.

Sur les dépens

110 Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

111 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’article 138, paragraphe 3, dudit règlement précise que, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Toutefois, aux termes de la même disposition, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de
l’espèce, la Cour peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.

112 En l’occurrence, la Cour considère qu’il y a lieu de condamner la Commission à supporter, outre ses propres dépens dans les deux instances, un quart des dépens de la commune de Millau et de la SEMEA dans lesdites instances. Ces dernières supportent les trois quarts de leurs propres dépens afférents aux deux instances.

  Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:

  1) L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne Commission/SEMEA et commune de Millau (T‑168/10 et T‑572/10) est annulé en ce qu’il a retenu, au titre de la demande reconventionnelle de la commune de Millau et de la Société d’économie mixte d’équipement de l’Aveyron (SEMEA), qu’il n’existe pas de lien de causalité direct entre le comportement de la Commission européenne et le dommage prétendument subi par la condamnation au paiement des intérêts moratoires.

  2) La demande reconventionnelle de la commune de Millau et de la Société d’économie mixte d’équipement de l’Aveyron (SEMEA) est accueillie partiellement et la Commission européenne est condamnée à supporter les trois quarts du montant correspondant aux intérêts moratoires au taux légal annuel appliqué en France échus entre la date du 27 avril 1993 et celle du 18 novembre 2005.

  3) Le pourvoi est rejeté pour le surplus.

  4) La Commission européenne est condamnée à supporter, outre ses propres dépens relatifs tant à la procédure de première instance qu’au pourvoi, un quart des dépens exposés par la commune de Millau et par la Société d’économie mixte d’équipement de l’Aveyron (SEMEA) dans ces deux instances.

  5) La commune de Millau et la Société d’économie mixte d’équipement de l’Aveyron (SEMEA) supportent les trois quarts de leurs propres dépens afférents à la procédure de première instance et au pourvoi.

  Signatures

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

( *1 ) Langue de procédure: le français.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C-531/12
Date de la décision : 19/06/2014
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé, Pourvoi - fondé
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi – Clause compromissoire – Contrat de subvention portant sur une action de développement local – Remboursement d’une partie des avances versées – Reprise de dette – Compétence du Tribunal – Prescription – Responsabilité de la Commission.

Cohésion économique, sociale et territoriale


Parties
Demandeurs : Commune de Millau et Société d'économie mixte d'équipement de l'Aveyron (SEMEA)
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Kokott
Rapporteur ?: Biltgen

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2014:2008

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award