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14/11/2013 | CJUE | N°C‑514/11 P

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Liga para a Protecção da Natureza (LPN) et République de Finlande contre Commission européenne., 14/11/2013, C‑514/11 P


ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

14 novembre 2013 ( *1 )

«Pourvoi — Accès aux documents des institutions — Règlement (CE) no 1049/2001 — Article 4, paragraphe 2, troisième tiret — Exception relative à la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit — Informations environnementales — Règlement (CE) no 1367/2006 — Article 6, paragraphe 1 — Documents afférents à une procédure en manquement au stade la phase précontentieuse — Refus d’accès — Obligation de procéder à un examen concret et indivi

duel du contenu des documents visés
dans la demande d’accès — Intérêt public supérieur»

Dans les affaires...

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

14 novembre 2013 ( *1 )

«Pourvoi — Accès aux documents des institutions — Règlement (CE) no 1049/2001 — Article 4, paragraphe 2, troisième tiret — Exception relative à la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit — Informations environnementales — Règlement (CE) no 1367/2006 — Article 6, paragraphe 1 — Documents afférents à une procédure en manquement au stade la phase précontentieuse — Refus d’accès — Obligation de procéder à un examen concret et individuel du contenu des documents visés
dans la demande d’accès — Intérêt public supérieur»

Dans les affaires jointes C‑514/11 P et C‑605/11 P,

ayant pour objet deux pourvois au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduits le 25 novembre 2011,

Liga para a Protecção da Natureza (LPN), établie à Lisbonne (Portugal), représentée par Mmes P. Vinagre e Silva et L. Rossi, advogadas,

République de Finlande, représentée par M. J. Heliskoski, Mme M. Pere et M. J. Leppo, en qualité d’agents,

parties requérantes,

soutenues par:

République d’Estonie, représentée par Mme M. Linntam, en qualité d’agent,

partie intervenante au pourvoi,

les autres parties à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par Mmes P. Costa de Oliveira et D. Recchia, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

soutenue par:

République fédérale d’Allemagne, représentée par M. T. Henze et Mme A. Wiedmann, en qualité d’agents,

partie intervenante au pourvoi,

Royaume de Danemark, représenté par Mme V. Pasternak Jørgensen et M. C. Thorning, en qualité d’agents,

Royaume de Suède, représenté par Mmes A. Falk et C. Meyer-Seitz, en qualité d’agents,

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. T. von Danwitz (rapporteur), président de chambre, MM. A. Rosas, E. Juhász, D. Šváby et C. Vajda, juges,

avocat général: M. M. Wathelet,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 29 mai 2013,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 5 septembre 2013,

rend le présent

Arrêt

1 Par leurs pourvois, la Liga para a Protecção da Natureza (ci-après la «LPN») (C‑514/11 P) et la République de Finlande (C‑605/11 P) demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 9 septembre 2011, LPN/Commission (T-29/08, Rec. p. II-6021, ci-après «l’arrêt attaqué»), en tant que par cet arrêt celui-ci a rejeté le recours de la LPN tendant à l’annulation de la décision de la Commission du 22 novembre 2007 confirmant le refus d’accès à des documents contenus dans le dossier
d’une procédure en manquement ouverte contre la République portugaise (ci-après la «décision litigieuse»).

Le cadre juridique

2 Le règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), définit les principes, les conditions et les limites du droit d’accès aux documents de ces institutions prévu à l’article 255 CE.

3 L’article 4 de ce règlement, intitulé «Exceptions», dispose:

«1.   Les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où la divulgation porterait atteinte à la protection:

a) de l’intérêt public, en ce qui concerne:

— la sécurité publique,

— la défense et les affaires militaires,

— les relations internationales,

— la politique financière, monétaire ou économique de la Communauté ou d’un État membre;

b) de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, notamment en conformité avec la législation communautaire relative à la protection des données à caractère personnel.

2.   Les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection:

— des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle,

— des procédures juridictionnelles et des avis juridiques,

— des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit,

à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

3.   L’accès à un document établi par une institution pour son usage interne ou reçu par une institution et qui a trait à une question sur laquelle celle-ci n’a pas encore pris de décision est refusé dans le cas où sa divulgation porterait gravement atteinte au processus décisionnel de cette institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

L’accès à un document contenant des avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires au sein de l’institution concernée est refusé même après que la décision a été prise, dans le cas où la divulgation du document porterait gravement atteinte au processus décisionnel de l’institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

[...]

5.   Un État membre peut demander à une institution de ne pas divulguer un document émanant de cet État sans l’accord préalable de celui-ci.

6.   Si une partie seulement du document demandé est concernée par une ou plusieurs des exceptions susvisées, les autres parties du document sont divulguées.

7.   Les exceptions visées aux paragraphes 1, 2 et 3 s’appliquent uniquement au cours de la période durant laquelle la protection se justifie eu égard au contenu du document. [...]»

4 Le considérant 15 du règlement (CE) no 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 6 septembre 2006, concernant l’application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (JO L 264, p. 13), énonce:

«Lorsque le règlement [no 1049/2001] prévoit des exceptions, celles-ci devraient s’appliquer sous réserve des dispositions plus spécifiques du présent règlement relatives aux demandes d’accès aux informations environnementales. Les motifs de refus en ce qui concerne l’accès aux informations environnementales devraient être interprétés de manière restrictive, en tenant compte de l’intérêt que la divulgation des informations demandées présente pour le public et du fait que les informations demandées
ont ou non trait à des émissions dans l’environnement [...]»

5 L’article 3, premier alinéa, du règlement no 1367/2006, figurant au titre II de ce règlement, intitulé «Accès aux informations environnementales», dispose:

«Le règlement [no 1049/2001] s’applique à toute demande d’accès à des informations environnementales détenues par des institutions ou organes communautaires, sans discrimination fondée sur la citoyenneté, la nationalité ou le domicile et, dans le cas d’une personne morale, sans discrimination concernant le lieu où elle a son siège officiel ou un véritable centre d’activités.»

6 L’article 6 du règlement no 1367/2006, intitulé «Application des exceptions relatives aux demandes d’accès à des informations environnementales», prévoit à son paragraphe 1:

«En ce qui concerne les dispositions de l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement [no 1049/2001], à l’exception des enquêtes, notamment celles relatives à de possibles manquements au droit communautaire, la divulgation est réputée présenter un intérêt public supérieur lorsque les informations demandées ont trait à des émissions dans l’environnement. Pour ce qui est des autres exceptions prévues à l’article 4 du règlement [no 1049/2001], les motifs de refus doivent être
interprétés de manière stricte, compte tenu de l’intérêt public que présente la divulgation et du fait de savoir si les informations demandées ont trait à des émissions dans l’environnement.»

Les antécédents du litige et les actes litigieux

7 La LPN est une organisation non gouvernementale ayant pour objectif la protection de l’environnement. Au cours du mois d’avril 2003, elle a déposé auprès de la Commission européenne une plainte dans laquelle elle soutenait que le projet de construction d’un barrage sur la rivière Sabor, au Portugal, violait la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO L 206, p. 7). À la suite de cette plainte,
la Commission a ouvert une procédure en manquement contre la République portugaise et a contacté les autorités portugaises afin de vérifier dans quelle mesure ce projet était susceptible d’enfreindre la directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO L 103, p. 1), ainsi que la directive 92/43.

8 Au cours du mois de mars 2007, la LPN a demandé à la Commission à accéder à des informations relatives au traitement de sa plainte et à consulter des documents élaborés par le «groupe de travail de la Commission» ainsi que ceux échangés entre la Commission et les autorités portugaises. La Commission a, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001, rejeté cette demande par une lettre du 22 mai 2007.

9 Après que la LPN eut réitéré sa demande par une lettre du 14 juin 2007, la Commission a, par la décision litigieuse, confirmé son refus d’accès aux documents en cause, en considérant que les documents demandés étaient tous couverts par l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001, relative à la protection des activités d’inspection, d’enquête et d’audit. Le contenu de cette décision est résumé dans l’arrêt attaqué comme suit:

«20 En particulier, la Commission a indiqué que, dans le cadre d’une procédure en manquement, devait régner un climat de confiance mutuelle entre la Commission et l’État membre concerné pour leur permettre d’entamer un processus de négociation et de compromis dans le but d’un règlement amiable du différend sans qu’il faille engager un contentieux devant la Cour. Elle a également observé que, d’une part, le processus de négociation entre la Commission et les autorités portugaises était toujours en
cours et, d’autre part, plusieurs échanges de vues et réunions avaient eu lieu ou devaient encore avoir lieu aux fins de l’appréciation de l’impact du projet de barrage. Elle en a déduit que la divulgation des documents demandés porterait atteinte à la capacité de la Commission à traiter la prétendue infraction, étant donné qu’elle était susceptible de remettre en cause un règlement amiable du différend avec les autorités portugaises avant que l’affaire ne soit portée devant la Cour. En outre,
elle a considéré qu’un ‘accès partiel’, au sens de l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001, n’était pas possible pour lesdits documents, dès lors que l’exception invoquée s’appliquait à la totalité de ces documents.

21 Par ailleurs, en ce qui concerne un éventuel ‘intérêt public supérieur’ au sens de l’article 4, paragraphe 2, dernière phrase, du règlement no 1049/2001, la Commission a considéré qu’il faisait défaut. Selon elle, l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006, selon lequel la divulgation est réputée présenter un intérêt public supérieur lorsque les informations demandées ont trait à des émissions dans l’environnement, ne s’appliquait pas à des enquêtes relatives à de possibles
manquements au droit communautaire, comme en l’espèce. Elle a précisé que le risque de l’existence d’une violation grave de la directive [92/43] ne constituait pas non plus un tel intérêt, dès lors que la Cour était seule compétente pour établir que l’État membre concerné avait manqué à ses obligations en vertu du traité CE. Selon elle, la divulgation des documents demandés n’apporterait pas de clarification à cet égard tant que la Cour n’aurait pas définitivement tranché cette question.»

10 Le 18 janvier 2008, à savoir le jour de l’introduction du recours dirigé contre la décision litigieuse, la direction générale «Environnement» de la Commission a fait part à la LPN de son intention de proposer à la Commission de classer sa plainte dans la procédure en manquement relative au projet de barrage en cause.

11 Au cours du mois de février 2008, la LPN a réitéré sa demande d’accès aux documents contenus dans le dossier de ladite procédure en manquement.

12 Par une lettre du 3 avril 2008, la Commission a fait savoir à la LPN qu’elle avait décidé, lors de sa réunion du 28 février 2008, de classer la plainte relative audit projet de barrage. En ce qui concerne la demande d’accès aux documents, l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001 cessait d’être applicable, de sorte que les documents demandés pouvaient désormais lui être remis, à condition qu’ils ne fussent pas couverts par une autre exception, au
sens de ce règlement.

13 Par la suite, la LPN a pu consulter les dossiers de la Commission et avoir accès au contenu d’un certain nombre de documents. En outre, par une lettre du 24 octobre 2008 (ci-après la «décision du 24 octobre 2008»), la Commission a accordé un accès intégral ou partiel au contenu d’autres documents concernés, tout en maintenant le refus d’accès à certains documents, en invoquant les exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement no 1049/2001 concernant la protection du
processus décisionnel et à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, de ce règlement relatif à la protection des procédures juridictionnelles.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

14 Par requête déposée le 18 janvier 2008, la LPN a demandé au Tribunal d’annuler la décision litigieuse. Le Royaume de Danemark, la République de Finlande et le Royaume de Suède ont été admis à intervenir au soutien des conclusions de la LPN.

15 La Commission a demandé au Tribunal de constater que le recours était devenu sans objet, dès lors que l’accès à une partie des documents en cause avait été accordé et que le refus de divulguer les autres documents n’était plus fondé sur le même motif.

16 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a, d’une part, constaté, au point 57 de cet arrêt, que, dans la mesure où la LPN s’était vu accorder, en cours d’instance, un accès aux documents en cause, le litige avait perdu son objet et que, partant, il n’y avait plus lieu de statuer. D’autre part, s’agissant des documents non encore ou seulement partiellement divulgués, le Tribunal a rejeté le recours au motif que les deux moyens soulevés par la LPN et tirés de la violation, respectivement, du règlement
no 1367/2006, en particulier de son article 6, et de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001 n’étaient pas fondés.

17 Dans le cadre de l’examen conjoint de ces moyens, le Tribunal est parti, aux points 110 à 112 de l’arrêt attaqué, du principe selon lequel, d’une part, la Commission est tenue d’examiner concrètement et individuellement chaque document sollicité afin d’apprécier si sa divulgation est effectivement susceptible de porter atteinte à un intérêt protégé et, d’autre part, cet examen doit ressortir des motifs de la décision de l’institution concernée.

18 Or, aux points 126 et suivants de l’arrêt attaqué, le Tribunal a admis, compte tenu de l’arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil (C-39/05 P et C-52/05 P, Rec. p. I-4723, point 50), et par analogie avec la procédure de contrôle des aides d’État (arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C-139/07 P, Rec. p. I-5885, points 54 à 62), l’existence d’une présomption générale selon laquelle la divulgation des documents du dossier administratif afférent à une procédure en
manquement porte, en principe, atteinte à la protection des objectifs des activités d’enquête. Selon le Tribunal, la procédure en manquement en cause étant au stade de la phase précontentieuse au moment de l’adoption de la décision litigieuse, la Commission pouvait partir du principe que cette présomption générale s’appliquait à l’intégralité des documents concernés.

19 Le Tribunal s’est fondé, à cet égard, sur le fait que le contrôle que la Commission est appelée à exercer dans le cadre d’une procédure en manquement relève d’une fonction administrative, dans le cadre de laquelle elle dispose d’un large pouvoir discrétionnaire et engage un dialogue bilatéral avec l’État membre concerné. Il a considéré que la personne ayant saisi la Commission d’une plainte n’a pas la possibilité de saisir le juge de l’Union d’un recours contre une éventuelle décision de classer
cette plainte et ne bénéficie pas de droits procéduraux lui permettant d’exiger que la Commission l’informe et l’entende.

20 Ladite présomption n’exclut pas, selon le Tribunal, le droit pour les intéressés de démontrer qu’un document donné n’est pas couvert par celle-ci ou qu’il existe un intérêt public supérieur, au sens de l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement no 1049/2001, justifiant la divulgation du document. Toutefois, le Tribunal a relevé que ni la LPN ni les États membres intervenants n’avaient avancé d’éléments susceptibles de remettre en cause le bien-fondé de l’appréciation selon
laquelle l’ensemble des documents concernés était couvert par l’exception prévue au troisième tiret de cet article 4, paragraphe 2.

21 Le Tribunal a également considéré, aux points 116, 117 et 122 de l’arrêt attaqué, que le règlement no 1367/2006 n’a pas d’incidence sur la possibilité, pour la Commission, de renoncer à un examen concret et individuel des documents demandés.

22 Aux points 132 à 139 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que la Commission n’avait commis aucune erreur de droit ou de fait en considérant que, en l’espèce, il n’y avait pas d’intérêt public supérieur, au sens de l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement no 1049/2001, justifiant la divulgation des documents concernés.

23 À cet égard, le Tribunal a relevé qu’il n’était pas nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si ces documents contenaient des informations ayant effectivement trait à des «émissions» dans l’environnement, la présomption prévue à l’article 6, paragraphe 1, première phrase, du règlement no 1367/2006 n’étant pas applicable en l’espèce. Pour cette même raison, il a considéré qu’il n’était pas possible de déduire de cette disposition l’existence d’un intérêt public supérieur, au sens dudit
article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase.

24 Selon le Tribunal, la LPN ne pouvait pas non plus se prévaloir de la seconde phrase dudit article 6, paragraphe 1. Il a considéré, en effet, que cette phrase ne vise que l’obligation d’interprétation restrictive des exceptions autres que celles prévues à l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement no 1049/2001. Il a ajouté que l’article 6, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement no 1367/2006 ne se réfère pas à un intérêt public «supérieur», au sens de l’article 4,
paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement no 1049/2001.

25 Enfin, le Tribunal a constaté que, lors de l’audience, en réponse à ses questions, la LPN et les États membres intervenants n’ont été en mesure ni d’identifier un éventuel intérêt public supérieur autre que celui qui résulterait d’une prétendue transparence accrue en matière environnementale ni d’expliquer si et dans quelle mesure les informations demandées avaient trait à des émissions dans l’environnement, au sens de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006.

La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

26 Par ordonnance du président de la Cour du 27 février 2012, les deux pourvois ont été joints aux fins des procédures écrite et orale ainsi que de l’arrêt.

27 Par ordonnance du président de la Cour du 27 avril 2012, la République fédérale d’Allemagne a été admise à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du président de la Cour du 10 juillet 2012, la République d’Estonie a été admise à intervenir au soutien des conclusions de la République de Finlande et à présenter ses observations lors de la procédure orale.

28 Par son pourvoi, la LPN demande à la Cour:

— d’annuler partiellement l’arrêt attaqué en ce que par celui-ci le Tribunal a rejeté ses conclusions tendant à l’annulation de la décision litigieuse et l’a condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission;

— d’annuler la décision litigieuse en tant qu’elle porte sur les documents et les extraits de documents pour lesquels le refus d’accès a été maintenu par la Commission dans la décision du 24 octobre 2008, et

— de condamner la Commission à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la LPN en première instance et dans le cadre du pourvoi.

29 Par son pourvoi, la République de Finlande demande à la Cour:

— d’annuler l’arrêt attaqué en tant que par celui-ci le Tribunal a rejeté le recours de la LPN;

— d’annuler la décision litigieuse, et

— de condamner la Commission à lui rembourser les dépens occasionnés par l’examen du présent pourvoi.

30 Le Royaume de Danemark, la République d’Estonie et le Royaume de Suède soutiennent les conclusions des requérantes. Le Royaume de Suède demande, en outre, la condamnation de la Commission à lui rembourser ses dépens.

31 La Commission demande à la Cour de rejeter les pourvois et de condamner les requérantes aux dépens.

32 La République fédérale d’Allemagne soutient les conclusions de la Commission.

Sur les pourvois

33 À l’appui de leurs pourvois, la LPN et la République de Finlande soulèvent trois moyens principaux. Ces moyens sont tirés d’une violation, respectivement, de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001, de l’article 6, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement no 1367/2006 et de l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement no 1049/2001.

34 En outre, la LPN invoque un quatrième moyen, selon lequel le Tribunal a commis plusieurs erreurs de droit en la condamnant aux dépens. En outre, la LPN demande à la Cour de corriger le dispositif de l’arrêt attaqué, qui n’identifierait pas de manière correcte la décision litigieuse.

Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001

Argumentation des parties

35 Le premier moyen de la LPN et de la République de Finlande est tiré d’une erreur de droit qu’aurait commise le Tribunal en interprétant l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001 en ce sens que la Commission est en droit de refuser la divulgation de tous les documents relatifs à une procédure en manquement ouverte au titre de l’article 226 CE, sans examiner concrètement et individuellement ces documents. Il ne serait pas justifié de présumer qu’aucun document ou
qu’aucune partie de document afférents à une telle procédure ne pourraient être communiqués sans mettre en péril l’objectif visé par cette procédure et consistant à amener l’État membre concerné à se conformer au droit de l’Union.

36 Le raisonnement admettant le recours à une présomption générale en ce qui concerne le refus d’accès aux documents relatifs à des procédures de contrôle des aides d’État, suivi dans l’arrêt Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, précité (points 56 à 59), ne pourrait être transposé aux documents relatifs à une procédure en manquement. En particulier, s’agissant de cette dernière procédure, il n’existerait pas de réglementation spécifique concernant la confidentialité et l’accès aux informations.
La LPN ajoute qu’elle défend non pas ses intérêts personnels, mais des intérêts publics. En outre, les documents afférents à une procédure en manquement ne constitueraient pas une catégorie de documents homogène.

37 Le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède appuient cette argumentation en soulignant, notamment, que les raisons ayant amené la Cour, dans de précédentes affaires (arrêts Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, précité, ainsi que du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C-514/07 P, C-528/07 P et C-532/07 P, Rec. p. I-8533), à reconnaître l’existence d’une présomption générale ne sont pas, en l’espèce, applicables par analogie, eu égard, en particulier, au fait que les procédures
en manquement sont de natures diverses en ce qui concerne tant le contenu matériel, l’étendue et la sensibilité de l’affaire que l’intérêt légitime à en prendre connaissance. Le Royaume de Suède allègue, à titre subsidiaire, que la Commission aurait dû, en tout état de cause, vérifier si ladite présomption s’appliquait réellement au cas d’espèce.

38 En revanche, la Commission et la République fédérale d’Allemagne considèrent que le premier moyen n’est pas fondé. En particulier, elles font valoir que la procédure de contrôle des aides d’État n’est qu’une variante de la procédure en manquement et que cette dernière procédure prévoit l’établissement d’un dialogue entre la Commission et l’État membre concerné, dans lequel les particuliers ne jouissent pas de droits procéduraux. En outre, la procédure en manquement aurait pour but de mettre fin
rapidement et de manière effective aux infractions éventuelles au droit de l’Union, en particulier en parvenant à un règlement à l’amiable du litige au cours de la procédure administrative. Or, si les échanges entre la Commission et l’État membre concerné étaient divulgués, la volonté, en particulier des États membres, de coopérer dans un climat de confiance serait compromise.

Appréciation de la Cour

39 Par le premier moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir admis que la Commission a la faculté de rejeter une demande visant l’accès à un ensemble de documents, désignés de manière globale, du dossier administratif relatif à une procédure en manquement au titre de l’article 226 CE, au cours de la phase précontentieuse de celle-ci, sans procéder à un examen concret et individuel de chaque document, en se fondant sur une présomption générale selon laquelle la divulgation des documents
concernés porterait atteinte à la protection des objectifs des activités d’enquête, au sens de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001.

40 À titre liminaire, il importe de rappeler que, aux termes de l’article 255, paragraphes 1 et 2, CE, tout citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre a un droit d’accès aux documents des institutions de l’Union sous réserve des principes et des conditions qui sont fixés conformément à la procédure visée à l’article 251 CE. Le règlement no 1049/2001 vise, comme l’indiquent le considérant 4 et l’article 1er de celui-ci, à conférer au public
un droit d’accès aux documents des institutions qui soit le plus large possible. Il ressort également de ce règlement, notamment du considérant 11 et de l’article 4 de celui-ci qui prévoit un régime d’exceptions à cet égard, que ce droit d’accès n’en est pas moins soumis à certaines limites fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé (voir arrêts Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, précité, point 51; Suède e.a./API et Commission, précité, points 69 et 70, ainsi que du 28 juin 2012,
Commission/Éditions Odile Jacob, C‑404/10 P, point 111, et Commission/Agrofert Holding, C‑477/10 P, point 53).

41 En vertu de l’exception invoquée par la Commission, à savoir celle figurant à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001, les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

42 Il en découle que le régime des exceptions prévu à cet article 4, et notamment au paragraphe 2 de celui-ci, est fondé sur une mise en balance des intérêts qui s’opposent dans une situation donnée, à savoir, d’une part, les intérêts qui seraient favorisés par la divulgation des documents concernés et, d’autre part, ceux qui seraient menacés par cette divulgation. La décision prise sur une demande d’accès à des documents dépend de la question de savoir quel est l’intérêt qui doit prévaloir dans le
cas d’espèce.

43 Dans la présente affaire, il est constant que les documents visés par la demande de la LPN relèvent effectivement d’une activité «d’enquête», au sens de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001.

44 Or, selon une jurisprudence bien établie, pour justifier le refus d’accès à un document dont la divulgation a été demandée, il ne suffit pas, en principe, que ce document relève d’une activité mentionnée à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001. L’institution concernée doit également fournir des explications quant à la question de savoir comment l’accès audit document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par une exception prévue à cet article
(voir arrêts précités Suède et Turco/Conseil, point 49; Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, point 53; Suède e.a./API et Commission, point 72; Commission/Éditions Odile Jacob, point 116, ainsi que Commission/Agrofert Holding, point 57).

45 Toutefois, la Cour a reconnu qu’il est loisible à l’institution concernée de se fonder, à cet égard, sur des présomptions générales s’appliquant à certaines catégories de documents, des considérations d’ordre général similaires étant susceptibles de s’appliquer à des demandes de divulgation portant sur des documents de même nature (voir arrêts précités Suède et Turco/Conseil, point 50; Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, point 54; Suède e.a./API et Commission, point 74; Commission/Éditions
Odile Jacob, point 116, ainsi que Commission/Agrofert Holding, point 57).

46 Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 57 à 62 de ses conclusions, la Cour a déjà reconnu l’existence de telles présomptions générales dans trois cas d’espèce, à savoir en ce qui concerne les documents du dossier administratif afférent à une procédure de contrôle des aides d’État (voir arrêt Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, précité, point 61), les documents échangés entre la Commission et les parties notifiantes ou des tiers dans le cadre d’une procédure de contrôle des
opérations de concentration entre entreprises (voir arrêts précités Commission/Éditions Odile Jacob, point 123, et Commission/Agrofert Holding, point 64), ainsi que les mémoires déposés par une institution dans le cadre d’une procédure juridictionnelle (voir arrêt Suède e.a./API et Commission, précité, point 94).

47 Toutes ces affaires étaient caractérisées par le fait que la demande d’accès en cause visait non pas un seul document, mais un ensemble de documents (voir arrêts précités Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, point 50; Suède e.a./API et Commission, point 9; Commission/Éditions Odile Jacob, point 10, reprenant les points 1 et 2 de l’arrêt du Tribunal attaqué dans le cadre du pourvoi ayant donné lieu à cet arrêt de la Cour, ainsi que Commission/Agrofert Holding, point 7, reprenant le point 2 de
l’arrêt du Tribunal attaqué dans le cadre du pourvoi à l’origine de ce dernier arrêt de la Cour).

48 Dans ce type de situation, la reconnaissance d’une présomption générale selon laquelle la divulgation de documents d’une certaine nature porterait, en principe, atteinte à la protection de l’un des intérêts énumérés à l’article 4 du règlement no 1049/2001 permet à l’institution concernée de traiter une demande globale et de répondre à celle-ci de la manière correspondante.

49 C’est une situation de ce type qui se présente en l’espèce. En effet, à l’instar de la demande présentée par l’intéressée dans l’affaire Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, précitée, qui portait sur l’ensemble du dossier administratif relatif aux procédures de contrôle des aides d’État qui lui avaient été octroyées, la LPN a demandé à avoir accès à un ensemble de documents, désignés de manière globale, figurant dans le dossier relatif à la procédure en manquement ouverte contre la République
portugaise, au sujet d’un projet de construction de barrage.

50 En outre, il importe de rappeler que cette demande a été présentée alors que ladite procédure en manquement était encore au stade de la phase précontentieuse et que la même procédure n’avait été ni classée par la Commission ni portée devant la Cour au moment de l’adoption de la décision litigieuse.

51 Il y a donc lieu d’examiner la question de savoir s’il convient de reconnaître l’existence d’une présomption générale selon laquelle, dans de telles circonstances, la divulgation des documents afférents à la procédure en manquement au stade de la phase précontentieuse porterait atteinte à la protection des objectifs d’une activité d’enquête.

52 À cet égard, il importe, tout d’abord, de prendre en considération l’article 6, paragraphe 1, première phrase, du règlement no 1367/2006.

53 Si, selon l’article 3 de ce règlement, le règlement no 1049/2001, et notamment l’article 4 de ce dernier, s’applique, en principe, à toutes les demandes d’accès à des informations environnementales détenues par des institutions ou des organes communautaires, l’article 6 du règlement no 1367/2006 ajoute des règles plus spécifiques concernant de telles demandes d’accès, qui, en partie, favorisent et, en partie, restreignent l’accès aux documents.

54 Or, le paragraphe 1, première phrase, de cet article 6, qui consacre une règle visant à faciliter l’accès aux documents contenant des informations environnementales, dispose que cette règle ne s’applique pas aux «enquêtes, notamment celles relatives à de possibles manquements au droit communautaire».

55 Il en résulte que la procédure en manquement est considérée, par cette législation de l’Union, comme un type de procédure qui, en tant que tel, présente des caractéristiques s’opposant à ce qu’une pleine transparence soit accordée dans ce domaine et qui occupe, par conséquent, une position particulière au sein du régime relatif à l’accès aux documents.

56 En outre, la procédure en manquement présente des caractéristiques qui sont comparables à celles d’une procédure de contrôle des aides d’État, lesquelles ont conduit la Cour à reconnaître l’existence d’une présomption générale à cet égard dans l’arrêt Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, précité.

57 En effet, dans les deux cas, il s’agit d’une procédure ouverte à l’encontre de l’État membre responsable soit de l’octroi de l’aide litigieuse (voir arrêt Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, précité, point 57), soit du manquement allégué au droit de l’Union.

58 La Cour s’est également fondée sur le fait que les intéressés, à l’exception de l’État membre responsable de l’octroi de l’aide concernée, ne disposent pas, dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État, du droit de consulter les documents du dossier administratif de la Commission et que, si ces intéressés étaient en mesure d’obtenir l’accès, sur le fondement du règlement no 1049/2001, à ces documents, le régime de contrôle des aides d’État serait mis en cause (voir arrêt
Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, précité, points 58 et 61).

59 S’agissant des procédures en manquement, le droit de l’Union, notamment l’article 226 CE, ne prévoit pas non plus le droit, pour un particulier, de consulter le dossier, même si la procédure a été déclenchée par la plainte de celui-ci. La Commission a seulement concédé, dans ses règles internes de procédure portant sur les mesures administratives en faveur du plaignant, d’informer ce dernier des décisions adoptées et de la proposition de classer le dossier sans suite (voir la communication de la
Commission au Parlement européen et au Médiateur européen, du 20 mars 2002, concernant les relations avec le plaignant en matière d’infractions au droit communautaire [COM(2002) 141 final, JO C 244, p. 5, points 7, 9 et 10]).

60 Par ailleurs, selon une jurisprudence bien établie, un plaignant dans le cadre d’une procédure en manquement ne dispose pas du droit d’exiger de la Commission qu’elle prenne une position dans un sens déterminé ou d’attaquer un refus de la Commission d’engager une procédure en manquement à l’encontre d’un État membre (voir en ce sens, notamment, arrêts du 14 février 1989, Star Fruit/Commission, 247/87, Rec. p. 291, point 11, et du 17 mai 1990, Sonito e.a./Commission, C-87/89, Rec. p. I-1981,
point 6, ainsi que ordonnance du 14 juillet 2011, Ruipérez Aguirre et ATC Petition/Commission, C‑111/11 P, points 11 et 12). À cet égard, est dénué de pertinence le fait que le plaignant agisse pour défendre un intérêt personnel ou un intérêt public.

61 Il incombe, en effet, à la Commission, lorsqu’elle considère qu’un État membre a manqué à ses obligations, d’apprécier l’opportunité d’agir contre cet État, de déterminer les dispositions qu’il aurait violées et de choisir le moment où elle initiera la procédure en manquement à son encontre (voir, notamment, arrêts du 8 décembre 2005, Commission/Luxembourg, C-33/04, Rec. p. I-10629, point 66 et jurisprudence citée, ainsi que du 7 octobre 2010, Commission/Portugal, C‑154/09, point 51). L’objet
d’un recours en manquement est par ailleurs fixé par l’avis motivé de la Commission (voir arrêt du 8 juillet 2010, Commission/Portugal, C-171/08, Rec. p. I-6817, point 25 et jurisprudence citée).

62 Il résulte, de plus, d’une jurisprudence constante que la procédure précontentieuse a pour but de donner à l’État membre concerné l’occasion, d’une part, de se conformer à ses obligations découlant du droit de l’Union et, d’autre part, de faire utilement valoir ses moyens de défense à l’encontre des griefs formulés par la Commission (voir, notamment, arrêts du 7 juillet 2005, Commission/Autriche, C-147/03, Rec. p. I-5969, point 22, et du 14 avril 2011, Commission/Roumanie, C-522/09, Rec.
p. I-2963, point 15).

63 Une divulgation des documents afférents à une procédure en manquement pendant la phase précontentieuse de celle-ci serait, en outre, susceptible de modifier la nature et le déroulement d’une telle procédure, étant donné que, dans ces circonstances, il pourrait s’avérer encore plus difficile d’entamer un processus de négociation et de parvenir à un accord entre la Commission et l’État membre concerné mettant fin au manquement reproché, afin de permettre que le droit de l’Union soit respecté et
d’éviter un recours juridictionnel.

64 Enfin, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, les documents afférents à la phase précontentieuse d’une procédure en manquement constituent, aux fins de l’application de la présomption générale susmentionnée, une catégorie unique de documents. En effet, d’une part, l’exception édictée, en ce qui concerne les enquêtes relatives à de possibles manquements au droit communautaire, à l’article 6, paragraphe 1, première phrase, du règlement no 1367/2006 ne prévoit aucune distinction en
fonction du type de document faisant partie du dossier relatif à de telles enquêtes ou de l’auteur des documents concernés. D’autre part, s’agissant des documents afférents aux procédures de contrôle des aides d’État, la Cour a jugé que l’ensemble des documents du dossier administratif relatif à une telle procédure forme une catégorie unique à laquelle s’applique une présomption générale selon laquelle la divulgation de ces documents porterait, en principe, atteinte à la protection des objectifs
des activités d’enquête (voir arrêt Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, précité, point 61).

65 Il résulte des considérations qui précèdent qu’il peut être présumé que la divulgation des documents afférents à une procédure en manquement, au cours de la phase précontentieuse de celle-ci, risque d’altérer le caractère de cette procédure ainsi que d’en modifier le déroulement, et que, partant, cette divulgation porterait, en principe, atteinte à la protection des objectifs des activités d’enquête, au sens de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001.

66 Cette présomption générale n’exclut pas la possibilité de démontrer qu’un document donné, dont la divulgation est demandée, n’est pas couvert par ladite présomption ou qu’il existe, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement no 1049/2001, un intérêt public supérieur justifiant la divulgation du document visé (voir, en ce sens, arrêts précités Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, point 62; Suède e.a./API et Commission, point 103; Commission/Éditions Odile
Jacob, point 126, ainsi que Commission/Agrofert Holding, point 68).

67 En outre, la Commission n’est pas tenue de fonder sa décision sur ladite présomption générale. Elle peut toujours procéder à un examen concret des documents visés par la demande d’accès et fournir une telle motivation. De plus, lorsqu’elle constate que la procédure en manquement visée par une demande d’accès donnée présente des caractéristiques qui permettent la divulgation entière ou partielle des documents du dossier, elle est obligée de procéder à cette divulgation.

68 En revanche, l’exigence de vérifier si la présomption générale en question s’applique réellement ne saurait être interprétée en ce sens que la Commission devrait examiner individuellement tous les documents demandés en l’espèce. Une telle exigence priverait cette présomption générale de son effet utile, à savoir permettre à la Commission de répondre à une demande d’accès globale d’une manière également globale.

69 Par ailleurs, le Tribunal a, au point 121 de l’arrêt attaqué, constaté qu’il n’est pas concevable que la Commission ait pu accorder l’accès à un seul des documents concernés ou à une partie de leur contenu, sans remettre en cause les négociations en cours avec les autorités portugaises. Ce constat n’a pas été remis en cause par les requérantes, qui n’ont au demeurant invoqué aucune dénaturation des faits par le Tribunal.

70 Eu égard aux considérations qui précèdent, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en reconnaissant à la Commission la faculté de se fonder sur la présomption générale selon laquelle l’accès, même partiel, du public aux documents afférents à une procédure en manquement, au cours de la phase précontentieuse de celle-ci, mettrait en péril la réalisation des objectifs de cette procédure, afin de refuser l’accès à ces documents sur la base de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du
règlement no 1049/2001.

71 Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme non fondé.

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 6, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement no 1367/2006

Argumentation des parties

72 La LPN et la République de Finlande, soutenues par le Royaume de Suède, font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, notamment au point 136 de l’arrêt attaqué, que l’article 6, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement no 1367/2006 n’est pas applicable à l’exception relative à la protection des activités d’enquête. En effet, cette disposition viserait toutes les exceptions prévues à l’article 4 du règlement no 1049/2001 qui ne sont pas couvertes par la présomption
légale énoncée à la première phrase dudit article 6, paragraphe 1, ainsi qu’il résulterait de la finalité du règlement no 1367/2006, du considérant 15 de celui-ci et de l’article 4, paragraphe 4, de la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 et approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 2005/370/CE du Conseil, du 17 février 2005 (JO L 124,
p. 1), prévoyant également une obligation d’interprétation restrictive des motifs de rejet des demandes d’informations sur l’environnement.

73 Selon la LPN, l’article 6, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement no 1367/2006 est incompatible avec la reconnaissance d’une présomption générale de préjudice en cas de divulgation de documents, en raison de l’exigence d’interprétation stricte consacrée par ladite disposition et dès lors que cette dernière rend nécessaire de vérifier, in concreto, si les informations contenues dans les documents dont la divulgation est demandée sont liés ou non à des émissions dans l’environnement.

74 Enfin, la LPN soutient que l’affirmation figurant au point 138 de l’arrêt attaqué, selon laquelle elle n’a pas été capable d’expliquer si et dans quelle mesure les informations demandées avaient trait à des émissions dans l’environnement, au sens dudit article 6, paragraphe 1, est erronée. En effet, il lui aurait été impossible de donner une telle explication, étant donné qu’elle ne connaissait pas le contenu des documents non encore divulgués.

75 La Commission fait valoir que, en excluant de la présomption légale prévue à l’article 6, paragraphe 1, première phrase, du règlement no 1367/2006 les enquêtes relatives à de possibles manquements au droit communautaire, le législateur de l’Union avait manifestement le souci de tenir compte du caractère particulier de celles-ci. Dès lors, l’existence éventuelle d’un intérêt public supérieur justifiant la divulgation de documents devrait être examinée au regard du règlement no 1049/2001 et il ne
saurait être déduit du règlement no 1367/2006 que les procédures en manquement en matière d’environnement devraient être traitées différemment de telles procédures dans d’autres domaines, en ce qui concerne la présomption selon laquelle la divulgation des documents porterait atteinte à l’objectif des activités d’enquête.

76 La République fédérale d’Allemagne considère que l’article 6, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement no 1367/2006 n’a pas d’incidence sur l’appréciation du refus d’accès aux documents concernant l’environnement et relatifs à une procédure en manquement au cours de la phase précontentieuse de celle-ci, laquelle appréciation serait régie par le règlement no 1049/2001. En effet, cette disposition réitérerait seulement l’exigence, dégagée par la Cour, d’une interprétation stricte des motifs de
refus et énoncerait simplement l’exigence d’une prise en considération des intérêts environnementaux lors de la mise en balance d’intérêts opposés.

Appréciation de la Cour

77 Par le deuxième moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit en estimant que l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006 n’exclut pas le recours de la Commission à la présomption générale selon laquelle la divulgation des documents afférents à une procédure en manquement, au cours de la phase précontentieuse de celle-ci, porterait atteinte à la protection des objectifs de l’activité d’enquête, au sens de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du
règlement no 1049/2001.

78 Afin de statuer sur le bien-fondé de ce moyen, il convient d’examiner la question de savoir si et, le cas échéant, dans quelle mesure cet article 6, paragraphe 1, modifie, en ce qui concerne les procédures ayant trait à l’environnement, l’examen que doit effectuer la Commission en vertu de l’article 4 du règlement no 1049/2001.

79 L’article 6 du règlement no 1367/2006 ajoute au règlement no 1049/2001 des règles spécifiques concernant des demandes d’accès à des informations environnementales.

80 La première phrase du paragraphe 1 de cet article 6 se réfère aux dispositions de l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement no 1049/2001 et prévoit que la divulgation est réputée présenter un intérêt public supérieur lorsque les informations demandées ont trait à des émissions dans l’environnement. Cette présomption légale se rapporte au dernier membre de phrase de cet article 4, paragraphe 2, excluant le refus d’accès à un document si un intérêt public supérieur aux
intérêts protégés justifie la divulgation du document visé. Or, ladite présomption légale ne s’applique pas aux «enquêtes, notamment celles relatives à de possibles manquements au droit communautaire».

81 L’article 6, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement no 1367/2006 dispose que, «[p]our ce qui est des autres exceptions prévues à l’article 4 du [règlement no 1049/2001], les motifs de refus doivent être interprétés de manière stricte, compte tenu de l’intérêt public que présente la divulgation et du fait de savoir si les informations demandées ont trait à des émissions dans l’environnement».

82 Or, il ressort du libellé et de l’économie de cet article 6, paragraphe 1, que les «autres exceptions», au sens de la seconde phrase de ce paragraphe, ne comprennent pas la protection des procédures en manquement.

83 En effet, la première phrase dudit paragraphe 1 établit une règle concernant les exceptions figurant à l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement no 1049/2001. La seconde phrase du même paragraphe 1 mentionne non pas simplement les «autres exceptions», mais les «autres exceptions prévues à l’article 4 du règlement [no 1049/2001]». Sont donc visées par cette disposition les exceptions figurant à cet article 4, paragraphes 1, 2, deuxième tiret, 3 et 5. Étant donné que les
procédures en manquement relèvent d’une activité d’enquête, au sens de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001, laquelle est visée par la première phrase de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006, une telle activité n’est pas comprise dans la notion d’«autres exceptions» figurant dans la seconde phrase de cet article 6, paragraphe 1.

84 Cette rédaction des deux phrases de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006 et l’économie de celles-ci mettent en évidence l’intention du législateur d’exclure les procédures en manquement du champ d’application de cette disposition dans son ensemble.

85 Dès lors, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en considérant que l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006 n’a pas d’incidence sur l’examen que doit effectuer la Commission en vertu du règlement no 1049/2001 lorsqu’une demande d’accès a pour objet les documents afférents à une procédure en manquement se trouvant encore au stade de la phase précontentieuse.

86 Il s’ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté comme non fondé.

Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement no 1049/2001

Argumentation des parties

87 La République de Finlande, dont l’argumentation est appuyée par le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède, fait valoir que, indépendamment de l’applicabilité de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006, le Tribunal a interprété de manière erronée l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement no 1049/2001, en ce qu’il n’a pas apprécié le point de savoir si la Commission avait vérifié si un intérêt public supérieur justifiait la divulgation des documents en
cause. Conformément à l’arrêt Suède et Turco/Conseil, précité (points 44, 45 et 49), le Tribunal aurait dû exiger que la Commission compare l’intérêt lié à la protection des activités d’enquête avec l’intérêt public à pouvoir prendre connaissance des documents en cause, compte tenu des intérêts que présente une transparence plus large. Lorsqu’une demande d’accès porte sur un document entrant dans le champ d’application du règlement no 1367/2006, l’obtention d’informations environnementales et
l’importance que la disponibilité de telles informations présente pour la protection de l’environnement et la santé humaine pourraient constituer un intérêt public supérieur, au sens de l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement no 1049/2001.

88 Le Royaume de Suède ajoute que le Tribunal a commis une erreur de droit aux points 138 et 139 de l’arrêt attaqué, en imposant à la personne qui demande à accéder à des documents la charge d’invoquer et de démontrer l’existence d’un intérêt public supérieur, compte tenu, en particulier, du fait que l’institution concernée est seule à connaître le contenu des documents dont la divulgation est demandée.

89 La Commission soutient que c’est à bon droit que le Tribunal a rejeté, au point 139 de l’arrêt attaqué, l’argument tiré de l’absence d’une mise en balance correcte des intérêts divergents, au sens de l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement no 1049/2001.

Appréciation de la Cour

90 Par le troisième moyen, le République de Finlande reproche, en substance, au Tribunal d’avoir omis d’apprécier le point de savoir si la Commission avait vérifié, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement no 1049/2001, si un intérêt public supérieur justifiait la divulgation des documents en cause.

91 Le Tribunal a constaté, aux points 132 et 133 de l’arrêt attaqué, que, aux termes de la décision litigieuse, un intérêt public supérieur, au sens de cette disposition, faisait défaut en l’espèce et que cette appréciation de l’absence d’un intérêt public supérieur n’était entachée d’aucune erreur de droit ou de fait. Or, la LPN et la République de Finlande invoquent non pas un intérêt concret justifiant, en l’espèce, la divulgation des documents en cause, mais seulement l’importance que la
disponibilité d’informations environnementales présente de manière générale pour la protection de l’environnement et la santé humaine.

92 Certes, l’intérêt public supérieur susceptible de justifier la divulgation d’un document ne doit pas nécessairement être distinct des principes qui sous-tendent le règlement no 1049/2001 (voir, en ce sens, arrêt Suède et Turco/Conseil, précité, points 74 et 75).

93 Toutefois, des considérations aussi générales que celles invoquées en l’espèce ne sauraient être de nature à établir que le principe de transparence présentait, en l’espèce, une acuité particulière qui aurait pu primer les raisons justifiant le refus de divulgation des documents en question (voir, par analogie, arrêt Suède e.a./API et Commission, précité, point 158).

94 L’exigence imposant au demandeur d’invoquer de manière concrète des circonstances fondant un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents concernés est conforme à la jurisprudence de la Cour (voir, en ce sens, arrêts précités Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, point 62; Suède e.a./API et Commission, point 103; Commission/Éditions Odile Jacob, point 126, ainsi que Commission/Agrofert Holding, point 68).

95 Pour autant que la LPN a demandé l’accès auxdits documents afin d’être en mesure de compléter les informations dont dispose la Commission au sujet du projet de construction d’un barrage faisant l’objet de la procédure en manquement en cause et, par conséquent, de participer activement à cette procédure, cette circonstance ne démontre pas l’existence d’un «intérêt public supérieur», au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 (voir, en ce sens, arrêts précités
Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, point 70; Commission/Éditions Odile Jacob, points 145 et 146, ainsi que Commission/Agrofert Holding, points 85 et 86), même si la LPN, en tant qu’organisation non gouvernementale, agit conformément à son objet statutaire, lequel consiste en la protection de l’environnement.

96 Si, selon le considérant 2 du règlement no 1367/2006, ce dernier s’inscrit dans le cadre d’un programme d’action communautaire pour l’environnement qui insiste sur la nécessité de fournir des informations environnementales appropriées et d’offrir au public de véritables possibilités de participation au processus décisionnel en matière d’environnement, il n’en demeure pas moins que cette participation ne saurait être invoquée pour justifier l’accès aux documents afférents à une procédure en
manquement. En effet, selon l’article 9 de ce règlement, ce dernier prévoit une participation du public uniquement lorsque les institutions ou les organes communautaires élaborent, modifient ou réexaminent des plans et des programmes relatifs à l’environnement. En revanche, les procédures en manquement ne sont pas visées par cet article.

97 Eu égard aux considérations qui précèdent, il apparaît que le Tribunal n’a pas omis d’apprécier le point de savoir si la Commission avait vérifié, conformément à l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement no 1049/2001, si un intérêt public supérieur justifiait la divulgation des documents en cause.

98 Dès lors, le troisième moyen doit également être écarté comme non fondé.

Sur le quatrième moyen, relatif à la condamnation de la LPN aux dépens

99 La LPN fait valoir que la décision du Tribunal, motivée aux points 141 à 143 de l’arrêt attaqué, de condamner la LPN aux dépens est entachée de plusieurs erreurs de droit.

100 À cet égard, il suffit de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que, dans l’hypothèse où tous les autres moyens d’un pourvoi ont été rejetés, les conclusions concernant la prétendue irrégularité de la décision du Tribunal sur les dépens doivent être rejetées comme irrecevables, en application de l’article 58, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, aux termes duquel un pourvoi ne peut porter uniquement sur la charge et le montant des dépens (voir, notamment,
arrêts du 30 septembre 2003, Freistaat Sachsen e.a./Commission, C-57/00 P et C-61/00 P, Rec. p. I-9975, point 124; du 26 mai 2005, Tralli/BCE, C-301/02 P, Rec. p. I-4071, point 88, ainsi que du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C-263/09 P, Rec. p. I-5853, point 78).

101 Tous les autres moyens du pourvoi formé par la LPN étant rejetés, le dernier moyen, relatif à la répartition des dépens, doit, dès lors, être déclaré irrecevable.

Sur la demande complémentaire de la LPN tendant à ce que le point 1 du dispositif de l’arrêt attaqué soit corrigé

102 Dans son pourvoi, la LPN demande à la Cour de corriger le point 1 du dispositif de l’arrêt attaqué. Selon elle, le Tribunal n’a pas identifié de manière correcte la décision litigieuse, qui était non pas la décision du 24 octobre 2008, mais celle du 22 novembre 2007. La LPN propose qu’il soit précisé explicitement, audit point 1, que le recours était introduit «contre la décision de la Commission du 22 novembre 2007» et que, par la décision du 24 octobre 2008, l’accès aux documents en cause a
«continué à être refusé».

103 La Commission considère que cette demande est irrecevable.

104 Aux termes de l’article 113, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, dans sa version en vigueur à la date de l’introduction du présent pourvoi, les conclusions d’un pourvoi doivent tendre à l’annulation, totale ou partielle, de la décision du Tribunal.

105 Or, la demande complémentaire de la LPN tend à obtenir non pas l’annulation, fût-elle partielle, de l’arrêt attaqué, à savoir de son dispositif (voir arrêt du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, point 44 et jurisprudence citée), mais seulement une modification de la rédaction de ce dispositif qui n’aurait pas d’incidence sur le contenu de celui-ci non plus que sur la solution du litige en première instance. En effet, il ressort clairement de l’arrêt
attaqué, notamment de ses points 18, 38 et 59, que le recours rejeté au point 1 du dispositif de cet arrêt visait la décision du 22 novembre 2007.

106 Par ailleurs, pour autant qu’un arrêt du Tribunal contient des erreurs de plume ou des inexactitudes évidentes, il appartient au seul Tribunal de les rectifier, conformément à l’article 84 de son règlement de procédure.

107 Il s’ensuit que la demande complémentaire de la LPN doit être rejetée comme irrecevable.

108 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que les pourvois de la LPN et de la République de Finlande doivent être rejetés dans leur intégralité.

Sur les dépens

109 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

110 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Conformément à l’article 138, paragraphe 2, dudit règlement, la Cour décide du partage des dépens si plusieurs parties succombent. L’article 140, paragraphe 1, du même règlement prévoit que les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres
dépens.

111 La LPN et la République de Finlande ayant succombé en leurs moyens et la Commission ayant conclu à leur condamnation aux dépens, il y a lieu de les condamner à parts égales aux dépens.

112 Le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne, la République d’Estonie et le Royaume de Suède, en tant que parties intervenantes, supporteront leurs propres dépens.

  Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête:

  1) Les pourvois sont rejetés.

  2) La Liga para a Protecção da Natureza et la République de Finlande sont condamnées à parts égales aux dépens.

  3) Le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne, la République d’Estonie et le Royaume de Suède supportent leurs propres dépens.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure: le portugais.


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : C‑514/11 P
Date de la décision : 14/11/2013
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé, Pourvoi - irrecevable
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi – Accès aux documents des institutions – Règlement (CE) nº 1049/2001 – Article 4, paragraphe 2, troisième tiret – Exception relative à la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit – Informations environnementales – Règlement (CE) nº 1367/2006 – Article 6, paragraphe 1 – Documents afférents à une procédure en manquement au stade la phase précontentieuse – Refus d’accès – Obligation de procéder à un examen concret et individuel du contenu des documents visés dans la demande d’accès – Intérêt public supérieur.

Dispositions institutionnelles

Accès aux documents


Parties
Demandeurs : Liga para a Protecção da Natureza (LPN) et République de Finlande
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Wathelet
Rapporteur ?: von Danwitz

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2013:738

Source

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