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07/11/2013 | CJUE | N°C‑225/12

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, C. Demir contre Staatssecretaris van Justitie., 07/11/2013, C‑225/12


ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

7 novembre 2013 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Accord d’association CEE-Turquie — Article 13 de la décision no 1/80 du conseil d’association — Clauses de ‘standstill’ — Notion de ‘situation régulière en ce qui concerne le séjour’»

Dans l’affaire C‑225/12,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Raad van State (Pays-Bas), par décision du 9 mai 2012, parvenue à la Cour le 14 mai 2012, dans la procédure

C. Demir

contre

Staatssecretaris van Justitie,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapue...

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

7 novembre 2013 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Accord d’association CEE-Turquie — Article 13 de la décision no 1/80 du conseil d’association — Clauses de ‘standstill’ — Notion de ‘situation régulière en ce qui concerne le séjour’»

Dans l’affaire C‑225/12,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Raad van State (Pays-Bas), par décision du 9 mai 2012, parvenue à la Cour le 14 mai 2012, dans la procédure

C. Demir

contre

Staatssecretaris van Justitie,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur), président de chambre, MM. J. L. da Cruz Vilaça, G. Arestis, J.‑C. Bonichot et A. Arabadjiev, juges,

avocat général: M. N. Wahl,

greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 avril 2013,

considérant les observations présentées:

— pour M. Demir, par Me J. P. Sanchez Montoto, advocaat,

— pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. Noort, B. Koopman et C. Wissels, en qualité d’agents,

— pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze et J. Möller ainsi que par Mme A. Wiedmann, en qualité d’agents,

— pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. F. Urbani Neri, avvocato dello Stato,

— pour la Commission européenne, par MM. V. Kreuschitz et M. van Beek, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 11 juillet 2013,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 13 de la décision no 1/80 du conseil d’association, du 19 septembre 1980, relative au développement de l’association (ci-après la «décision no 1/80»). Le conseil d’association a été institué par l’accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie, signé, le 12 septembre 1963, à Ankara par la République de Turquie, d’une part, ainsi que par les États membres de la CEE et la Communauté,
d’autre part, et conclu, approuvé et confirmé au nom de cette dernière par la décision 64/732/CEE du Conseil, du 23 décembre 1963 (JO 1964, 217, p. 3685, ci-après l’«accord d’association»).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Demir au Staatssecretaris van Justitie (secrétaire d’État à la Justice, ci-après le «Staatssecretaris») au sujet du rejet d’une demande de titre de séjour.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

L’accord d’association

3 Conformément à son article 2, paragraphe 1, l’accord d’association a pour objet de promouvoir le renforcement continu et équilibré des relations commerciales et économiques entre les parties contractantes, en tenant pleinement compte de la nécessité d’assurer le développement accéléré de l’économie de la Turquie et le relèvement du niveau de l’emploi et des conditions de vie du peuple turc.

4 Aux termes de l’article 12 de cet accord, «les Parties contractantes conviennent de s’inspirer des articles [39 CE], [40 CE] et [41 CE] pour réaliser graduellement la libre circulation des travailleurs entre elles».

5 L’article 22, paragraphe 1, dudit accord est rédigé comme suit:

«Pour la réalisation des objets fixés par l’accord et dans les cas prévus par celui-ci, le Conseil d’association dispose d’un pouvoir de décision. Chacune des deux parties est tenue de prendre les mesures que comporte l’exécution des décisions prises […]»

La décision no 1/80

6 Sous l’intitulé «Questions relatives à l’emploi et à la libre circulation des travailleurs», la section I du chapitre II de la décision no 1/80 comprend les articles 6 à 16.

7 L’article 6 de cette décision énonce:

«1.   Sous réserve des dispositions de l’article 7 relatif au libre accès à l’emploi des membres de sa famille, le travailleur turc, appartenant au marché régulier de l’emploi d’un État membre:

— a droit, dans cet État membre, après un an d’emploi régulier, au renouvellement de son permis de travail auprès du même employeur, s’il dispose d’un emploi;

— a le droit, dans cet État membre, après trois ans d’emploi régulier et sous réserve de la priorité à accorder aux travailleurs des États membres de la Communauté, de répondre dans la même profession auprès d’un employeur de son choix à une autre offre, faite à des conditions normales, enregistrée auprès des services de l’emploi de cet État membre;

— bénéficie, dans cet État membre, après quatre ans d’emploi régulier, du libre accès à toute activité salariée de son choix.

2.   Les congés annuels et les absences pour cause de maternité, d’accident de travail ou de maladie de courte durée sont assimilés aux périodes d’emploi régulier. Les périodes de chômage involontaire, dûment constatées par les autorités compétentes, et les absences pour cause de maladie de longue durée, sans être assimilées à des périodes d’emploi régulier, ne portent pas atteinte aux droits acquis en vertu de la période d’emploi antérieure.

3.   Les modalités d’application des paragraphes 1 et 2 sont fixées par les réglementations nationales.»

8 L’article 13 de ladite décision est ainsi rédigé:

«Les États membres de la Communauté et la Turquie ne peuvent introduire de nouvelles restrictions concernant les conditions d’accès à l’emploi des travailleurs et des membres de leur famille qui se trouvent sur leur territoire respectif en situation régulière en ce qui concerne le séjour et l’emploi.»

9 L’article 14 de la même décision dispose:

«1.   Les dispositions de la présente section sont appliquées sous réserve des limitations justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité et de santé publiques.

2.   Elles ne portent pas atteinte aux droits et obligations découlant des législations nationales ou des accords bilatéraux existant entre la Turquie et les États membres de la Communauté, dans la mesure où ils prévoient, en faveur de leurs ressortissants, un régime plus favorable.»

10 Conformément à l’article 16, paragraphe 1, de la décision no 1/80, les dispositions de la section I du chapitre II de celle-ci sont applicables à partir du 1er décembre 1980.

Le droit néerlandais

11 À la date du 1er décembre 1980, l’accès et le séjour des étrangers aux Pays-Bas étaient régis par la loi relative aux étrangers (Vreemdelingenwet, Stb. 1965, no 40) et par l’arrêté d’exécution de cette loi (Vreemdelingenbesluit, Stb. 1966, no 387).

12 Selon l’article 41, paragraphe 1, sous c), de cet arrêté, les étrangers désireux de séjourner aux Pays-Bas pendant plus de trois mois ne pouvaient entrer sur le territoire néerlandais que s’ils étaient en possession d’un passeport en cours de validité muni d’une autorisation de séjour provisoire valable. L’exigence d’une telle autorisation avait notamment comme objectif la prévention de l’entrée et du séjour irréguliers.

13 À la suite d’un arrêt du Raad van State (Conseil d’État) rendu sous l’empire des dispositions nationales susmentionnées, l’absence d’autorisation de séjour provisoire ne pouvait pas motiver un refus de la demande de titre de séjour si, au moment de cette demande, toutes les autres conditions étaient remplies. Toutefois, en l’absence de cette autorisation, l’entrée et le séjour sur le territoire néerlandais étaient considérés comme étant irréguliers.

14 Le 1er avril 2001, la loi procédant à une révision générale de la loi relative aux étrangers (Wet tot algehele herziening van de Vreemdelingenwet), du 23 novembre 2000 (Stb. 2000, no 495, ci-après la «loi de 2000»), et l’arrêté relatif aux étrangers (Vreemdelingenbesluit, Stb. 2000, no 497, ci-après l’«arrêté de 2000») sont entrés en vigueur.

15 L’article 1er, sous h), de la loi de 2000 dispose:

«Au sens de la présente loi et des dispositions adoptées sur son fondement, on entend par:

[…]

h) ‘autorisation de séjour provisoire’, un visa pour un séjour de plus de trois mois demandé en personne par un étranger auprès d’une représentation diplomatique ou consulaire des Pays-Bas dans le pays de provenance ou de résidence permanente ou, à défaut, le pays le plus proche dans lequel est établie une représentation ou bien auprès du cabinet du Gouverneur des Antilles néerlandaises ou du cabinet du Gouverneur d’Aruba et délivré par ladite représentation ou par lesdits cabinets en vertu d’une
autorisation préalable accordée par le ministre des Affaires étrangères.»

16 L’article 8, sous a) et f), de cette loi prévoit:

«Un étranger ne peut séjourner légalement aux Pays-Bas que:

a) s’il dispose d’un titre de séjour à durée déterminée tel que visé à l’article 14 de cette loi.

[…]

f) si, dans l’attente d’une décision sur une demande de titre de séjour telle que visée aux articles 14 et 28, une disposition adoptée en vertu de celle-ci ou une décision de justice prévoit qu’il n’y a pas lieu d’expulser l’étranger tant qu’il n’aura pas été statué sur la demande.»

17 L’article 16, paragraphe 1, sous a), de ladite loi énonce:

«Une demande de titre de séjour ordinaire à durée déterminée peut être rejetée si:

a) l’étranger ne dispose pas d’une autorisation de séjour provisoire valable dont la délivrance a été motivée par un but correspondant à celui de la demande de titre de séjour.»

18 Selon l’article 3.1, paragraphe 1, de l’arrêté de 2000, il n’est pas procédé à l’expulsion de l’étranger qui a introduit une demande de délivrance de titre de séjour, à moins qu’elle ne constitue, selon le ministre, une répétition d’une même demande.

19 L’article 3.71 de cet arrêté dispose:

«1.   La demande de titre de séjour à durée déterminée, visée à l’article 14 de la loi de 2000, est rejetée si l’étranger ne dispose pas d’une autorisation de séjour provisoire valable.

[…]

4.   Notre ministre peut ne pas appliquer le paragraphe 1 s’il considère que l’application de celui-ci conduit à des situations manifestes d’injustice grave.»

20 En l’absence d’une autorisation de séjour provisoire, l’entrée et le séjour sur le territoire néerlandais sont considérés comme étant irréguliers. Conformément à la circulaire de 2000 relative aux étrangers (Vreemdelingencirculaire 2000), l’obligation de demander une autorisation de séjour provisoire avant l’arrivée aux Pays-Bas permet aux autorités de vérifier que l’étranger demandeur remplit toutes les conditions de la délivrance de cette autorisation préalablement à son entrée sur le
territoire national.

21 Selon la loi sur le travail des travailleurs étrangers (Wet arbeid buitenlandse werknemers), en vigueur jusqu’au 1er septembre 1995, il était interdit à tout employeur de donner un emploi à un étranger sans autorisation du ministre compétent et un permis d’embauche devait être demandé par l’employeur et l’étranger. N’était pas considérée comme étrangère, aux fins de l’application de cette loi ou des dispositions prises en vertu de celle-ci, une personne qui séjournait légalement aux Pays-Bas et
qui était porteuse d’une déclaration émise par le ministre compétent en raison, notamment, de son admission, conformément à la loi relative aux étrangers, à séjourner sur le territoire des Pays-Bas chez un citoyen néerlandais résidant sur ledit territoire.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

22 M. Demir est né le 25 septembre 1973 et a la nationalité turque. Il est arrivé pour la première fois aux Pays-Bas le 1er octobre 1990. Après avoir été expulsé, il est retourné dans cet État membre et a introduit, le 4 novembre 1992, une demande de séjour pour pouvoir habiter aux Pays-Bas avec une personne de nationalité néerlandaise.

23 Malgré le rejet de sa demande et du recours exercé par la suite, M. Demir a, le 19 avril 1993, introduit une nouvelle demande visant à obtenir un titre de séjour pour pouvoir habiter aux Pays-Bas avec son conjoint de nationalité néerlandaise. Cette demande a été accueillie et un titre de séjour lui a été accordé pour la période du 7 mai au 19 septembre 1993, prolongée, par la suite, au 18 juillet 1995.

24 Au cours de cette période, M. Demir a travaillé chez plusieurs employeurs pendant une durée totale de plus de dix mois sans être salarié chez un même employeur pendant une année au moins.

25 Après la séparation des époux, M. Demir a introduit entre l’année 1995 et l’année 2002, plusieurs demandes de titre de séjour en invoquant différents motifs. Aucune de ces demandes n’a été accueillie ni aucun des recours intentés à l’encontre des décisions de rejet n’a prospéré.

26 Le 1er février 2007, M. Demir a conclu un contrat de travail d’une durée de trois ans avec une entreprise néerlandaise. En vue de cet emploi, le Centrum voor Werk en Inkomen (Centre Emploi et Revenu) a, par décision du 2 janvier 2008, délivré à cet employeur un permis d’embauche valable du 7 janvier au 7 décembre 2008. La durée de validité de ce permis n’a pas été ultérieurement prorogée.

27 Le 13 février 2007, M. Demir a introduit une demande de titre de séjour ordinaire à durée déterminée en vue de l’exercice d’une activité professionnelle salariée. Par décision du 26 avril 2007, le Staatsecretaris a rejeté la demande, puis, le 10 septembre 2007, a confirmé ce rejet.

28 Ces décisions du Staatsecretaris étaient motivées par le fait que M. Demir ne disposait pas d’une autorisation de séjour provisoire valable, n’appartenait pas à une catégorie d’étrangers exonérés de l’obligation de disposer d’une autorisation de séjour et ne remplissait pas la condition posée par l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la décision no 1/80 d’avoir travaillé en tant que salarié auprès du même employeur pendant une année.

29 Par jugement du 16 juin 2008, le Rechtbank ’s-Gravenhage (tribunal d’arrondissement de la Haie) a confirmé la décision du Staatsecretaris et rejeté le recours introduit par M. Demir. Cette juridiction a, notamment, considéré que ce dernier, ne disposant pas d’une autorisation de séjour provisoire, se trouvait en situation irrégulière, de sorte qu’il ne pouvait pas se prévaloir du bénéfice de l’article 13 de la décision no 1/80.

30 M. Demir a interjeté appel du jugement devant la juridiction de renvoi.

31 Dans ces conditions, le Raad van State a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Faut-il interpréter l’article 13 de la décision no 1/80 en ce sens que cette disposition est applicable à une condition de fond et/ou de procédure en matière de première admission sur le territoire d’un État membre, même lorsqu’une telle condition, [comme] en l’occurrence une autorisation de séjour provisoire, a également pour objectif de prévenir, avant l’introduction d’une demande de titre de séjour, l’entrée et le séjour irréguliers et peut, dès lors, être considérée comme une mesure qui
peut être renforcée, selon les termes du point 85 de l’arrêt du 21 octobre 2003, Abatay e.a. (C-317/01 et C-369/01, Rec. p. I-12301)?

2) a) Quelle signification faut-il reconnaître, à cet égard, à l’exigence d’une situation régulière en ce qui concerne le séjour, telle que prévue à l’article 13 de la décision no 1/80?

b) Importe-t-il, dans le cadre de cette appréciation, de prendre en considération le fait que l’introduction même d’une demande fait naître, en droit national, un séjour en situation régulière tant que la demande n’a pas été rejetée ou, tout simplement, le fait que le séjour antérieur à l’introduction d’une demande est considéré selon le droit national comme illégal?»

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

32 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 13 de la décision no 1/80 doit être interprété en ce sens que la clause de «standstill» énoncée à cette disposition vise des conditions de fond et/ou de procédure en matière de première admission sur le territoire d’un État membre, y compris lorsque ces conditions ont également pour objectif de prévenir, avant l’introduction d’une demande de titre de séjour, l’entrée et le séjour irréguliers.

33 À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que la clause de «standstill» énoncée audit article prohibe de manière générale l’introduction de toute nouvelle mesure interne qui aurait pour objet ou pour effet de soumettre l’exercice par un ressortissant turc de la libre circulation des travailleurs sur le territoire national à des conditions plus restrictives que celles qui lui étaient applicables à la date d’entrée en vigueur de la décision no 1/80 à l’égard de
l’État membre concerné (voir arrêt du 17 septembre 2009, Sahin, C-242/06, Rec. p. I-8465, point 63 et jurisprudence citée).

34 Il a été également reconnu que cette disposition s’oppose à l’introduction dans la réglementation des États membres, à compter de la date d’entrée en vigueur dans l’État membre concerné de la décision no 1/80, de toutes nouvelles restrictions à l’exercice de la libre circulation des travailleurs, y compris celles portant sur les conditions de fond et/ou de procédure en matière de première admission sur le territoire de cet État membre des ressortissants turcs se proposant d’y faire usage de cette
liberté (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2010, Commission/Pays-Bas, C-92/07, Rec. p. I-3683, point 49).

35 En ce qui concerne la notion de «situation régulière», au sens de l’article 13 de cette décision, il est de jurisprudence qu’elle signifie que le travailleur turc ou le membre de sa famille doit avoir respecté les règles de l’État membre d’accueil en matière d’entrée, de séjour et, le cas échéant, d’emploi, de sorte qu’il se trouve légalement sur le territoire dudit État. Aussi un ressortissant turc qui serait en situation irrégulière ne bénéficierait pas de cet article (voir, en ce sens, arrêt
Sahin, précité, point 53).

36 Ainsi, il a été considéré que les autorités nationales compétentes sont en droit, même depuis l’entrée en vigueur de ladite décision, de renforcer les mesures susceptibles d’être prises à l’encontre des ressortissants turcs qui seraient en situation irrégulière (arrêt Abatay e.a., précité, point 85).

37 La juridiction de renvoi demande si le seul fait qu’une condition de fond et/ou de procédure en matière de première admission sur le territoire d’un État membre ait notamment pour objectif de prévenir, avant l’introduction d’une demande de titre de séjour, l’entrée et le séjour irréguliers permet d’exclure l’application de la clause de «standstill» énoncée à l’article 13 de la même décision au motif qu’elle constitue une mesure qui peut être renforcée, au sens de la jurisprudence citée au point
précédent.

38 Ainsi qu’il résulte du point 36 du présent arrêt, l’adoption de telles mesures suppose que les ressortissants turcs auxquels elles s’appliquent soient en situation irrégulière, de sorte que, si ces mesures peuvent porter sur les effets d’une telle irrégularité sans ressortir au champ d’application de la clause de «standstill» énoncée à l’article 13 de la décision no 1/80, elles ne doivent pas tendre à définir l’irrégularité elle-même.

39 Ainsi, lorsqu’une mesure d’un État membre d’accueil, postérieure à cette décision, vise à définir les critères de régularité de la situation des ressortissants turcs, en adoptant ou en modifiant les conditions de fond et/ou de procédure en matière d’entrée, de séjour et, le cas échéant, d’emploi de ces ressortissants sur son territoire, et lorsque ces conditions constituent une nouvelle restriction à l’exercice de la libre circulation des travailleurs turcs, au sens de la clause de «standstill»
énoncée audit article 13, le seul fait que la mesure ait pour objectif de prévenir, avant l’introduction d’une demande de titre de séjour, l’entrée et le séjour irréguliers ne permet pas d’exclure l’application de cette clause.

40 Une telle restriction qui aurait pour objet ou pour effet de soumettre l’exercice par un ressortissant turc de la libre circulation des travailleurs sur le territoire national à des conditions plus restrictives que celles applicables à la date d’entrée en vigueur de la décision no 1/80 est prohibée sauf à ce qu’elle relève des limitations visées à l’article 14 de cette décision ou à ce qu’elle soit justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général, soit propre à garantir la réalisation de
l’objectif légitime poursuivi et n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre.

41 À cet égard, si l’objectif de prévenir l’entrée et le séjour irréguliers constitue une raison impérieuse d’intérêt général, il importe également que la mesure en cause soit propre à garantir la réalisation de cet objectif et qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre.

42 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question posée que l’article 13 de la décision no 1/80 doit être interprété en ce sens que, lorsqu’une mesure d’un État membre d’accueil vise à définir les critères de régularité de la situation des ressortissants turcs, en adoptant ou en modifiant les conditions de fond et/ou de procédure en matière d’entrée, de séjour et, le cas échéant, d’emploi de ces ressortissants dans son territoire, et lorsque ces conditions constituent une
nouvelle restriction à l’exercice de la libre circulation des travailleurs turcs, au sens de la clause de «standstill» énoncée à cet article, le seul fait que la mesure ait pour objectif de prévenir, avant l’introduction d’une demande de titre de séjour, l’entrée et le séjour irréguliers ne permet pas d’exclure l’application de cette clause.

Sur la seconde question

43 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 13 de la décision no 1/80 doit être interprété en ce sens que constitue une «situation régulière en ce qui concerne le séjour» la détention d’une autorisation de séjour provisoire qui n’est valable que dans l’attente d’une décision définitive sur le droit de séjour.

44 À cet égard, tel qu’il a été rappelé au point 35 du présent arrêt, la notion de «situation régulière», au sens de l’article 13 de la décision no 1/80, signifie que le travailleur turc ou le membre de sa famille doit avoir respecté les règles de l’État membre d’accueil en matière d’entrée, de séjour et, le cas échéant, d’emploi, de sorte qu’il se trouve légalement sur le territoire dudit État.

45 Cette notion a été explicitée au point 84 de l’arrêt Abatay e.a., précité, par référence à celle voisine d’«emploi régulier» utilisée à l’article 6, paragraphe 1, de la décision no 1/80.

46 La Cour a déjà considéré qu’«un emploi régulier» suppose une situation stable et non précaire sur le marché du travail dudit État membre et implique, à ce titre, un droit de séjour non contesté (arrêt du 8 novembre 2012, Gülbahce, C‑268/11, point 39 et jurisprudence citée).

47 Ainsi, l’exercice d’un emploi par un ressortissant turc sous le couvert d’une autorisation de séjour provisoire qui n’est valable que dans l’attente d’une décision définitive sur son droit de séjour n’est pas susceptible d’être qualifié de «régulier» (voir, en ce sens, arrêt du 29 septembre 2011, Unal, C-187/10, Rec. p. I-9045, point 47).

48 Il s’ensuit que la notion de «situation régulière», au sens de l’article 13 de cette décision, se rapporte à une situation stable et non précaire sur le territoire de l’État membre qui suppose que le droit de séjour de l’intéressé ne soit pas contesté. Ainsi, les périodes de séjour ou, le cas échéant, d’emploi d’un ressortissant turc sous le couvert d’une autorisation de séjour provisoire qui n’est valable que dans l’attente d’une décision définitive sur son droit de séjour ne sauraient être
considérées comme relevant d’une «situation régulière», au sens dudit article.

49 Dès lors, il y a lieu de répondre à la seconde question posée que l’article 13 de la décision no 1/80 doit être interprété en ce sens que ne constitue pas une «situation régulière en ce qui concerne le séjour» la détention d’une autorisation de séjour provisoire qui n’est valable que dans l’attente d’une décision définitive sur le droit de séjour.

Sur les dépens

50 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

  1) L’article 13 de la décision no 1/80, du 19 septembre 1980, relative au développement de l’association, adoptée par le conseil d’association institué par l’accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie, qui a été signé, le 12 septembre 1963, à Ankara par la République de Turquie, d’une part, ainsi que par les États membres de la CEE et la Communauté, d’autre part, et qui a été conclu, approuvé et confirmé au nom de cette dernière par la décision 64/732/CEE
du Conseil, du 23 décembre 1963, doit être interprété en ce sens que, lorsqu’une mesure d’un État membre d’accueil vise à définir les critères de régularité de la situation des ressortissants turcs, en adoptant ou en modifiant les conditions de fond et/ou de procédure en matière d’entrée, de séjour et, le cas échéant, d’emploi de ces ressortissants sur son territoire, et lorsque ces conditions constituent une nouvelle restriction à l’exercice de la libre circulation des travailleurs turcs, au
sens de la clause de «standstill» énoncée à cet article, le seul fait que la mesure ait pour objectif de prévenir, avant l’introduction d’une demande de titre de séjour, l’entrée et le séjour irréguliers ne permet pas d’exclure l’application de cette clause.

  2) L’article 13 de la décision no 1/80 doit être interprété en ce sens que ne constitue pas une «situation régulière en ce qui concerne le séjour» la détention d’une autorisation de séjour provisoire qui n’est valable que dans l’attente d’une décision définitive sur le droit de séjour.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure: le néerlandais.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : C‑225/12
Date de la décision : 07/11/2013
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Raad van State (Pays-Bas).

Renvoi préjudiciel – Accord d’association CEE-Turquie – Article 13 de la décision nº 1/80 du conseil d’association – Clauses de ‘standstill’ – Notion de ‘situation régulière en ce qui concerne le séjour’.

Accord d'association

Libre circulation des travailleurs

Relations extérieures


Parties
Demandeurs : C. Demir
Défendeurs : Staatssecretaris van Justitie.

Composition du Tribunal
Avocat général : Wahl
Rapporteur ?: Silva de Lapuerta

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2013:725

Source

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