ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)
22 octobre 2013 ( *1 )
«Recours en annulation — Décision 2011/853/UE du Conseil — Convention européenne sur la protection juridique des services à accès conditionnel et des services d’accès conditionnel — Directive 98/84/CE — Base juridique — Article 207 TFUE — Politique commerciale commune — Article 114 TFUE — Marché intérieur»
Dans l’affaire C‑137/12,
ayant pour objet un recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE, introduit le 12 mars 2012,
Commission européenne, représentée par Mme E. Cujo ainsi que par MM. I. Rogalski, R. Vidal Puig et D. Stefanov, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
soutenue par:
Parlement européen, représenté par MM. D. Warin et J. Rodrigues, en qualité d’agents,
partie intervenante,
contre
Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. H. Legal et J.-P. Hix ainsi que par Mme R. Liudvinaviciute-Cordeiro, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
soutenu par:
République française, représentée par MM. G. de Bergues et D. Colas ainsi que par Mme N. Rouam, en qualité d’agents,
Royaume des Pays-Bas, représenté par Mmes C. Wissels, M. Bulterman et M. de Ree, en qualité d’agents,
République de Pologne, représentée par MM. M. Szpunar et B. Majczyna, en qualité d’agents,
Royaume de Suède, représenté par Mmes A. Falk et C. Stege, en qualité d’agents,
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté par M. A. Robinson, en qualité d’agent, assisté de M. G. Facenna, barrister,
parties intervenantes,
LA COUR (grande chambre),
composée de M. V. Skouris, président, M. K. Lenaerts (rapporteur), vice-président, MM. A. Tizzano, L. Bay Larsen, T. von Danwitz, E. Juhász, A. Borg Barthet, C. G. Fernlund et J. L. da Cruz Vilaça, présidents de chambre, MM. A. Rosas, G. Arestis, A. Arabadjiev, Mme C. Toader, MM. E. Jarašiūnas et C. Vajda, juges,
avocat général: Mme J. Kokott,
greffier: M. V. Tourrès, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 30 avril 2013,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 27 juin 2013,
rend le présent
Arrêt
1 Par sa requête, la Commission européenne demande l’annulation de la décision 2011/853/UE du Conseil, du 29 novembre 2011, relative à la signature, au nom de l’Union, de la convention européenne sur la protection juridique des services à accès conditionnel et des services d’accès conditionnel (JO L 336, p. 1, ci-après la «décision attaquée»).
Le cadre juridique
La directive 98/84/CE
2 Le 20 novembre 1998, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont adopté la directive 98/84/CE concernant la protection juridique des services à accès conditionnel et des services d’accès conditionnel (JO L 320, p. 54).
3 Aux termes de son article 1er, intitulé «Champ d’application», la directive 98/84 a pour objectif de rapprocher les dispositions des États membres concernant les mesures de lutte contre les dispositifs illicites qui permettent un accès non autorisé à un service protégé.
4 L’article 2 de ladite directive, intitulé «Définitions», dispose:
«Aux fins de la présente directive, on entend par:
a) ‘service protégé’: l’un des services suivants, pour autant qu’il soit fourni moyennant paiement et sur la base d’un accès conditionnel:
— radiodiffusion télévisuelle, telle que définie à l’article 1er, point a), de la directive 89/552/CEE [du Conseil, du 3 octobre 1989, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l’exercice d’activités de radiodiffusion télévisuelle (JO L 298, p. 23)],
— radiodiffusion sonore, à savoir la transmission avec ou sans fil, y compris par satellite, de programmes de radio destinés au public,
— les services de la société de l’information au sens de l’article 1er, point 2, de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information [(JO L 204, p. 37)]
ou la fourniture d’un accès conditionnel aux services susmentionnés, considérée comme un service à part entière;
b) ‘accès conditionnel’: toute mesure et/ou tout dispositif techniques subordonnant l’accès au service protégé sous une forme intelligible à une autorisation individuelle préalable;
c) ‘dispositif d’accès conditionnel’: tout équipement ou logiciel conçu ou adapté pour permettre l’accès à un service protégé sous une forme intelligible;
[...]
e) ‘dispositif illicite’: tout équipement ou logiciel conçu ou adapté pour permettre l’accès à un service protégé sous une forme intelligible sans l’autorisation du prestataire de services;
[...]»
5 L’article 3 de la même directive, intitulé «Principes relatifs au marché intérieur», prévoit à son paragraphe 1:
«Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour interdire sur son territoire les activités énumérées à l’article 4 et pour prévoir les sanctions et les voies de droit énoncées à l’article 5.»
6 L’article 4 de la directive 98/84, relatif aux activités illicites, énonce:
«Les États membres interdisent sur leur territoire chacune des activités suivantes:
a) la fabrication, l’importation, la distribution, la vente, la location ou la détention à des fins commerciales de dispositifs illicites;
b) l’installation, l’entretien ou le remplacement à des fins commerciales d’un dispositif illicite;
c) le recours aux communications commerciales pour promouvoir les dispositifs illicites.»
7 Aux termes de l’article 5 de ladite directive, intitulé «Sanctions et voies de droit»:
«1. Les sanctions sont effectives, dissuasives et proportionnées à l’incidence potentielle de l’activité illicite.
2. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que les prestataires de services protégés dont les intérêts sont affectés par une activité illicite spécifiée à l’article 4, qui est exercée sur leur territoire, aient accès aux voies de droit appropriées, et notamment qu’ils puissent intenter une action en dommages-intérêts et obtenir une injonction ou une autre mesure préventive, ainsi que, le cas échéant, demander que les dispositifs illicites soient éliminés des circuits
commerciaux.»
La convention européenne sur la protection juridique des services à accès conditionnel et des services d’accès conditionnel
8 En 1999, le Conseil de l’Europe a entrepris la rédaction d’une convention relative à la protection juridique des services à accès conditionnel et des services d’accès conditionnel. Le 16 juillet 1999, le Conseil de l’Union européenne a autorisé la Commission à participer, au nom de la Communauté européenne, aux négociations concernant cette convention. Les directives pour la négociation adoptées par le Conseil à cette même date prévoyaient que la Commission négocierait avec l’objectif de s’assurer
que cette convention soit compatible avec la directive 98/84, en particulier en matière de sanctions.
9 La convention européenne sur la protection juridique des services à accès conditionnel et des services d’accès conditionnel (JO 2011, L 336, p. 2, ci-après la «convention») a été adoptée par le Conseil de l’Europe le 24 janvier 2001 et elle est entrée en vigueur le 1er juillet 2003.
10 Le rapport explicatif de la convention comporte les indications suivantes à ses points 10, 11 et 13:
«10. En dehors de l’Union, l’approche législative du problème de la réception illicite de services cryptés varie selon les pays: dans certains pays, une législation destinée à contrer spécifiquement ce problème est déjà en place. Dans d’autres, les dispositions sont incomplètes et ne protègent que certains services (à savoir ceux de la radiodiffusion) ou ne sanctionnent que certaines activités et enfin, dans d’autres pays encore, il n’existe aucune protection juridique contre la piraterie des
services à accès conditionnel.
11. Compte tenu de ce qui précède et afin d’assurer un même niveau minimum de protection des services à accès conditionnel dans toute l’Europe, l’élaboration par le Conseil de l’Europe d’un instrument juridique contraignant sur cette question est apparue souhaitable et a été décidée. En outre, une [c]onvention au niveau européen élargi sur la protection juridique des services à accès conditionnel et des services d’accès conditionnel compléterait utilement la [directive 98/84].
[...]
Préambule
13. Le préambule expose brièvement les raisons principales qui ont conduit les États membres du Conseil de l’Europe à élaborer une [c]onvention sur cette question [...]. Il souligne que les prestataires de services à accès conditionnel de radio, de télévision et de la société de l’information offerts moyennant rémunération sont menacés par l’existence d’une ‘industrie’ parallèle qui fabrique, commercialise et distribue des dispositifs permettant l’accès illégal à ces services, et il fait donc
valoir la nécessité de poursuivre une politique commune en Europe pour protéger ces services. Il souligne également l’utilité des sanctions pénales et administratives contre les activités illicites, en particulier à des fins préventives.»
11 Dans la section I de la convention, consacrée aux dispositions générales, l’article 1er de celle-ci, intitulé «Objet et but», énonce:
«La présente convention concerne les services de la société d’information et les services de radiodiffusion fournis moyennant paiement et fondés sur, ou consistant en, un accès conditionnel. Le but de la présente convention est de rendre illicite, sur le territoire des parties, un certain nombre d’activités qui permettent un accès non autorisé à des services protégés et de rapprocher les législations des parties dans ce domaine.»
12 Dans la même section, l’article 2 de la convention, intitulé «Définitions», dispose:
«Aux fins de la présente convention:
a) ‘service protégé’ désigne l’un quelconque des services suivants, pour autant qu’il soit fourni moyennant paiement et sur la base d’un accès conditionnel:
— les services de programmes de télévision, tels que définis à l’article 2 de la convention européenne sur la télévision transfrontière amendée,
— les services de radiodiffusion sonore, à savoir les programmes de radio destinés au public qui sont transmis avec ou sans fil, y compris par satellite,
— les services de la société de l’information, entendus comme des services fournis par la voie électronique, à distance et sur demande individuelle du destinataire des services,
ou la fourniture d’un accès conditionnel aux services susmentionnés, considérée comme un service à part entière;
b) ‘accès conditionnel’ désigne toute mesure et/ou tout dispositif techniques subordonnant l’accès sous une forme intelligible, et soumis à une autorisation individuelle préalable, à l’un des services mentionnés au point a) du présent article;
c) ‘dispositif d’accès conditionnel’ désigne tout équipement, logiciel et/ou dispositif conçu ou adapté pour permettre l’accès sous une forme intelligible à l’un des services mentionnés au point a) du présent article;
d) ‘dispositif illicite’ désigne tout équipement, logiciel et/ou dispositif conçu ou adapté pour permettre l’accès, sous une forme intelligible, à l’un des services mentionnés au point a) du présent article, sans l’autorisation du prestataire de services.»
13 Dans la section II de la convention, intitulée «Activités illicites», l’article 4 de celle-ci prévoit sous le titre «Infractions»:
«Les activités suivantes sont considérées comme illicites sur le territoire d’une partie:
a) la fabrication ou la production à des fins commerciales de dispositifs illicites;
b) l’importation à des fins commerciales de dispositifs illicites;
c) la distribution à des fins commerciales de dispositifs illicites;
d) la vente ou la location à des fins commerciales de dispositifs illicites;
e) la détention à des fins commerciales de dispositifs illicites;
f) l’installation, l’entretien ou le remplacement à des fins commerciales de dispositifs illicites;
g) la promotion commerciale, le marketing ou la publicité en faveur de dispositifs illicites.
Chaque partie peut, à tout moment, dans une déclaration adressée au secrétaire général du Conseil de l’Europe, déclarer qu’elle rendra également illégales d’autres activités que celles mentionnées au premier paragraphe de cet article.»
14 La section III de la convention, intitulée «Sanctions et voies de droit», comporte les articles 5 à 7 de celle-ci.
15 Aux termes de l’article 5 de la convention, intitulé «Sanctions réprimant les activités illicites»:
«Les parties adoptent des mesures pour rendre les activités illicites visées à l’article 4 ci-dessus passibles de sanctions pénales, administratives ou autres. Ces mesures sont effectives, dissuasives et proportionnées à l’incidence potentielle de l’activité illicite.»
16 Sous le titre «Mesures de confiscation», l’article 6 de la convention est libellé comme suit:
«Les parties adoptent les mesures appropriées qui pourraient être nécessaires afin de permettre la saisie et la confiscation des dispositifs illicites ou du matériel de promotion, de marketing ou de publicité utilisé pour commettre un délit, ainsi que la confiscation de tous les bénéfices et gains financiers résultant de l’activité illicite.»
17 L’article 7 de la convention, intitulé «Procédures civiles», énonce:
«Les parties adoptent les mesures nécessaires pour garantir que les prestataires de services protégés dont les intérêts sont affectés par une activité illicite spécifiée à l’article 4 ci-dessus aient accès aux voies de droit appropriées, et notamment qu’ils puissent intenter une action en dommages-intérêts et obtenir une injonction ou une autre mesure préventive, ainsi que, le cas échéant, demander que les dispositifs illicites soient éliminés des circuits commerciaux.»
18 L’article 8 de la convention, intitulé «Coopération internationale», dispose:
«Les parties s’engagent à s’accorder mutuellement assistance pour la mise en œuvre de la présente convention. Les parties s’accordent mutuellement, conformément aux dispositions des instruments internationaux pertinents en matière de coopération internationale dans le domaine pénal ou administratif et à leur droit interne, les mesures les plus larges de coopération dans les enquêtes et les procédures judiciaires relatives aux infractions pénales ou administratives établies conformément à la
présente convention.»
19 Sous le titre «Relations avec les autres conventions ou accords», l’article 11 de la convention prévoit à son paragraphe 4:
«Dans leurs relations mutuelles, les parties qui sont membres de la Communauté européenne appliquent les règles de la Communauté et n’appliquent donc les règles découlant de la présente convention que dans la mesure où il n’existe aucune règle communautaire régissant le sujet particulier concerné.»
20 Sept États membres de l’Union européenne, à savoir la République de Bulgarie, la République française, la République de Croatie, la République de Chypre, le Royaume des Pays-Bas, la Roumanie et la République de Finlande, sont parties à la convention.
Les antécédents du litige
Le second rapport sur la directive 98/84
21 Le 30 septembre 2008, la Commission a adopté son second rapport sur la mise en œuvre de la directive 98/84 [COM(2008) 593 final, ci-après le «second rapport sur la directive 98/84»].
22 Le second rapport sur la directive 98/84 comporte les indications suivantes:
«[...]
2.4. La dimension internationale
Les élargissements de l’Union européenne ont modifié la géographie du piratage, antérieurement actif dans certains pays d’Europe de l’Est. Ces pays sont maintenant membres de l’Union et la transposition de la directive [98/84] organise la répression du piratage.
De plus, les pays candidats à l’accession [...], en négociation d’adhésion [...], les candidats potentiels [...], rapprochent tous leur législation sur la base de l’acquis communautaire. [...]
Hors élargissement de l’Union européenne, la décision du Comité mixte de l’Espace [é]conomique [e]uropéen no 17/2001 du 28 février 2001 a intégré la [directive 98/84] dans l’accord EEE [...].
Au-delà, l’action de la Commission trouve ses limites. Cependant, la [convention] met en place une protection similaire à celle de la [directive 98/84] et a vocation à être ratifiée par les 47 États membres [du Conseil de l’Europe], ainsi que la Biélorussie et le Saint-Siège.
Actuellement, 11 États l’ont signée [...] et 8 l’ont ratifiée. La ratification de la [c]onvention est ouverte à la Communauté européenne. Cette action pourrait permettre de redonner un élan à sa ratification par d’autres États et d’étendre ainsi la protection des prestataires de services concernés au-delà du territoire de l’Union.
[...]
4.2.4. Ratification de la [convention]
La [c]onvention [...] offre un potentiel important d’élargissement international de la protection des services d’accès conditionnel au-delà du territoire de l’Union européenne. Cette ratification de la [c]onvention par la Communauté européenne permettrait de relancer une action internationale dans le cadre des 47 membres du Conseil de l’Europe.
La Commission proposera dès lors prochainement au Conseil de ratifier la [c]onvention au nom de la Communauté européenne.»
La proposition de décision du Conseil
23 Le 15 décembre 2010, la Commission a communiqué au Conseil, notamment, une proposition de décision du Conseil fondée sur l’article 207, paragraphe 4, TFUE en liaison avec l’article 218, paragraphe 5, TFUE, concernant la signature de la convention européenne sur la protection juridique des services à accès conditionnel et des services d’accès conditionnel [COM(2010) 753 final, ci-après la «proposition de décision»].
24 Aux termes de l’exposé des motifs de cette proposition de décision:
«[...]
9. Une protection étendue et effective des services à accès conditionnel et des services d’accès conditionnel est apparue particulièrement nécessaire. En effet, de nombreux États européens, non membres de l’Union européenne, peuvent constituer des havres pour la mise au point et [...] la diffusion de dispositifs de piratage de services à accès conditionnel, dès lors que leur système juridique ne prévoit pas de sanction pour cette activité de piratage très spécifique. Il était donc souhaitable
d’étendre les dispositions de la [directive 98/84] et de créer un cadre commun et efficace au niveau européen pour la protection de ces services.
[...]
14. Quelques différences textuelles minimes apparaissent entre les deux textes. Ainsi, la [c]onvention n’incrimine pas uniquement la fabrication de dispositifs illicites, mais également leur production. De même, les sanctions prévues à l’égard des activités définies comme illicites sont ici plus clairement définies puisque la [c]onvention prévoit qu’elles sont pénales, administratives ou autres. Cependant, de manière similaire à la [directive 98/84], les sanctions doivent être proportionnées,
dissuasives et effectives. En conclusion, ces variations de texte dans la [c]onvention [...] ne modifient en rien le contenu et la portée de la [directive 98/84].
[...]
16. Dans le cadre de son second rapport [sur la directive 98/84], la Commission a indiqué que la signature de la [c]onvention par l’Union européenne devrait inciter à une plus large ratification de la part des États membres du Conseil de l’Europe et permettre ainsi d’étendre au-delà des frontières de l’[Union] la protection juridique des services à accès conditionnel.
[...]»
La décision attaquée
25 La décision attaquée a pour base juridique, outre l’article 218, paragraphe 5, TFUE, l’article 114 TFUE et non pas, comme la Commission l’avait proposé, l’article 207, paragraphe 4, TFUE.
26 Aux termes des considérants 3 et 5 de ladite décision:
«(3) La convention met en place un cadre réglementaire qui est quasiment identique à celui fixé dans la [directive 98/84].
[...]
(5) La signature de la convention contribuerait à étendre l’application de dispositions similaires à celles de la [directive 98/84] au-delà des frontières de l’Union et à mettre en place un droit des services à accès conditionnel qui serait applicable sur l’ensemble du continent européen.»
27 À la différence de la proposition de décision, la décision attaquée comporte un considérant 6 libellé en ces termes:
«En adoptant la [directive 98/84], l’Union a exercé sa compétence interne dans les domaines couverts par la convention, sauf en ce qui concerne ses articles 6 et 8, dans la mesure où l’article 8 concerne les mesures visées à l’article 6. La convention devrait donc être signée tant par l’Union que par ses États membres.»
28 L’article 1er de la décision attaquée dispose:
«La signature de la convention [...] est autorisée au nom de l’Union, sous réserve de la conclusion de cette convention.
Le texte de la convention est joint à la présente décision.»
29 Aux termes de l’article 2 de cette même décision:
«Le président du Conseil est autorisé à désigner la ou les personnes habilitées à signer, au nom de l’Union, la convention.»
30 Conformément à son article 3, ladite décision est entrée en vigueur le jour de son adoption.
31 En raison des différences entre sa proposition de décision et la décision attaquée telles que relevées aux points 25 et 27 du présent arrêt, la Commission a réservé sa position au moyen d’une déclaration annexée aux minutes de la réunion du Conseil au cours de laquelle cette décision a été adoptée.
Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour
32 La Commission demande à la Cour d’annuler la décision attaquée et de condamner le Conseil aux dépens.
33 Le Conseil conclut au rejet du recours comme non fondé et à la condamnation de la Commission aux dépens.
34 Par ordonnance du président de la Cour du 6 août 2012, la République française, le Royaume des Pays-Bas, la République de Pologne, le Royaume de Suède et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ont été admis à intervenir au soutien des conclusions du Conseil, tandis que le Parlement a été admis à intervenir à l’appui des conclusions de la Commission.
Sur le recours
35 La Commission invoque deux moyens à l’appui de son recours. Par son premier moyen, elle soutient que le choix de la base juridique pour l’adoption de la décision attaquée est erroné. Le second moyen est tiré d’une violation de la compétence externe exclusive de l’Union prévue aux articles 2, paragraphe 1, TFUE et 3 TFUE.
Argumentation des parties
36 Dans le cadre de son premier moyen, la Commission, soutenue par le Parlement, fait valoir que la décision attaquée relève de la politique commerciale commune et aurait donc dû être adoptée sur le fondement de l’article 207, paragraphe 4, TFUE.
37 En premier lieu, la convention viserait principalement, du point de vue de l’Union, à assurer sur les marchés des parties contractantes non membres de celle-ci une protection adéquate des services concernés, afin de faciliter et de promouvoir, sur ces marchés, la fourniture de ces services par des prestataires de l’Union dans des conditions économiques viables.
38 Dans ce contexte, le rapprochement des législations, mentionné à l’article 1er, seconde phrase, de la convention, ainsi que l’interdiction des activités visées à l’article 4 de cette dernière seraient non pas des buts en tant que tels, mais des moyens pour atteindre les objectifs poursuivis par cette convention.
39 Par ailleurs, le fait que le but ultime de certaines mesures prévues par la convention, telles que l’interdiction des exportations vers l’Union de dispositifs illicites et de services relatifs à ceux-ci, soit de protéger le marché intérieur et les prestataires de services établis dans l’Union ne contreviendrait pas au rattachement de la convention à la politique commerciale commune.
40 Selon la Commission, l’article 11, paragraphe 4, de la convention confirme que le but principal recherché par les parties contractantes est non pas l’amélioration du fonctionnement du marché intérieur de l’Union, mais la promotion et la facilitation des échanges entre ces parties.
41 Quant aux articles 6 et 8 de la convention, ils revêtiraient une portée accessoire et ne justifieraient donc pas le recours à l’article 114 TFUE en tant que base juridique de la décision attaquée.
42 En deuxième lieu, la convention porterait principalement sur la fourniture de services à accès conditionnel entre l’Union et d’autres États européens. Son objectif serait de compléter la directive 98/84 en élargissant la protection contre les actes de piratage instituée par celle-ci aux territoires de ces autres États.
43 En troisième lieu, la convention aurait un effet direct et immédiat tant sur la capacité des prestataires à fournir des services à accès conditionnel que sur les échanges de dispositifs illicites et de services relatifs à ces dispositifs. Elle viserait directement à éliminer les obstacles aux échanges de services protégés en interdisant toutes les activités commerciales qui rendent possible le piratage électronique ou informatique. Elle apporterait ainsi une contribution directe et immédiate à la
facilitation et à la promotion de la fourniture de services protégés entre l’Union et les autres États européens dans lesquels aucune protection adéquate n’est actuellement en place.
44 Le Conseil, soutenu par la République française, le Royaume des Pays-Bas, la République de Pologne, le Royaume de Suède et le Royaume-Uni, fait valoir que la base juridique appropriée de la décision attaquée est l’article 114 TFUE.
45 Ces parties au litige soutiennent, en premier lieu, que la convention a pour objet de rapprocher les législations des parties contractantes à cette dernière, y compris celles des États membres, en vue de lutter plus efficacement contre l’accès illégal aux services concernés, qui menace la viabilité économique des prestataires de ceux-ci et, partant, la diversité des programmes et des services offerts au public, en imposant l’adoption de définitions communes des activités illicites et en prévoyant
un système commun de sanctions et de voies de droit.
46 L’objectif principal de la convention serait, à l’instar de celui de la directive 98/84 qu’elle complète, d’éliminer ou de prévenir les obstacles aux échanges des services concernés, provenant des divergences entre les réglementations nationales, en vue de protéger le fonctionnement correct des marchés et d’améliorer le fonctionnement du marché intérieur. Plus précisément, la convention viserait à éliminer le risque que des États tiers soient utilisés comme base pour l’exportation de dispositifs
illicites ou la fourniture de services relatifs à ces dispositifs à destination de l’Union, ce qui mettrait en péril le fonctionnement du marché intérieur et l’effet utile de la protection qui y est instituée par la même directive.
47 Dans ce contexte, le rapprochement des législations des parties contractantes ainsi que l’interdiction des activités énumérées à l’article 4 de la convention constitueraient non pas de simples moyens ou méthodes pour atteindre les objectifs de cette dernière, mais les buts mêmes poursuivis par celle-ci.
48 La République française souligne également que, à la différence de la directive 98/84, la convention comporte, à ses articles 6 et 8, des dispositions relatives aux mesures de saisie et de confiscation ainsi qu’à la coopération internationale. La République de Pologne et le Royaume de Suède soutiennent, quant à eux, que l’Union n’est, en tout état de cause, pas compétente pour conclure, sur le fondement de l’article 207 TFUE, un accord international qui concerne des mesures de saisie et de
confiscation qui ont une nature pénale.
49 Le Conseil, soutenu par la République française et le Royaume-Uni, fait valoir, en deuxième lieu, que la circonstance que la convention couvre également la prestation de services à accès conditionnel entre l’Union et des États tiers ne signifie aucunement qu’elle a vocation à s’appliquer davantage à ces services qu’à ceux fournis au sein de l’Union.
50 Ces mêmes parties, ainsi que le Royaume des Pays-Bas et le Royaume de Suède, font valoir, en troisième lieu, que les effets que la convention pourrait avoir, le cas échéant, sur les échanges de services entre l’Union et les autres parties contractantes ne seraient qu’indirects et secondaires.
Appréciation de la Cour
51 Il y a lieu de relever, à titre liminaire, que les parties au litige conviennent que la décision attaquée est, à bon droit, fondée sur l’article 218, paragraphe 5, TFUE. En revanche, elles sont en désaccord sur le point de savoir si l’autre base juridique est appropriée pour l’adoption de cette décision.
52 Selon une jurisprudence constante de la Cour, le choix de la base juridique d’un acte de l’Union doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de faire l’objet d’un contrôle juridictionnel, parmi lesquels figurent la finalité et le contenu de cet acte (arrêts du 8 septembre 2009, Commission/Parlement et Conseil, C-411/06, Rec. p. I-7585, point 45 et jurisprudence citée, ainsi que du 19 juillet 2012, Parlement/Conseil, C‑130/10, point 42 et jurisprudence citée).
53 Si l’examen de l’acte concerné démontre que celui-ci poursuit une double finalité ou qu’il a une double composante et si l’une de celles-ci est identifiable comme principale ou prépondérante, tandis que l’autre n’est qu’accessoire, cet acte doit être fondé sur une seule base juridique, à savoir celle exigée par la finalité ou la composante principale ou prépondérante (voir, en ce sens, arrêts Commission/Parlement et Conseil, précité, point 46 et jurisprudence citée, ainsi que du 6 septembre 2012,
Parlement/Conseil, C‑490/10, point 45 et jurisprudence citée).
54 En l’espèce, la décision attaquée ayant pour objet d’autoriser la signature de la convention au nom de l’Union, il convient d’examiner cette décision lue en combinaison avec la convention.
55 La Commission, soutenue par le Parlement, fait valoir en substance que, eu égard à l’objectif et au contenu de la convention, la décision attaquée relève principalement de la politique commerciale commune et accessoirement de la politique du marché intérieur. Le Conseil ainsi que les États membres intervenus au soutien de ce dernier prétendent au contraire que la convention, en raison tant de son objectif que de son contenu, et, partant, la décision attaquée se rattachent essentiellement à cette
dernière politique et, accessoirement, à la politique commerciale commune.
56 À cet égard, ainsi qu’il résulte de l’article 207, paragraphe 1, TFUE, et en particulier de la seconde phrase de cette disposition, aux termes de laquelle la politique commerciale commune s’inscrit dans «l’action extérieure de l’Union», une telle politique est relative aux échanges commerciaux avec les États tiers et non aux échanges sur le marché intérieur (arrêt du 18 juillet 2013, Daiichi Sankyo et Sanofi-Aventis Deutschland, C‑414/11, point 50).
57 Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que la seule circonstance qu’un acte de l’Union est susceptible d’avoir certaines implications sur les échanges internationaux ne suffit pas pour conclure que cet acte doit être rangé dans la catégorie de ceux qui relèvent de la politique commerciale commune. En revanche, un acte de l’Union relève de cette politique s’il porte spécifiquement sur les échanges internationaux en ce qu’il est essentiellement destiné à promouvoir, à faciliter ou à régir
ces échanges et a des effets directs et immédiats sur ceux-ci (voir, notamment, arrêt Daiichi Sankyo et Sanofi-Aventis Deutschland, précité, point 51 et jurisprudence citée).
58 Il s’ensuit que seuls les actes de l’Union présentant un lien spécifique avec les échanges commerciaux internationaux sont susceptibles de relever du domaine de la politique commerciale commune (voir, en ce sens, arrêt Daiichi Sankyo et Sanofi-Aventis Deutschland, précité, point 52).
59 En l’occurrence, ainsi que le précise le considérant 3 de la décision attaquée, la convention, dont cette décision vise à autoriser la signature au nom de l’Union, a instauré un cadre réglementaire quasiment identique à celui de la directive 98/84. Une telle identité est attestée, notamment, par la similarité des définitions du «service protégé», de l’«accès conditionnel», du «dispositif d’accès conditionnel» et du «dispositif illicite» contenues, respectivement, aux articles 2 de la convention
et de cette directive, d’une part, et de la liste des «activités illicites» interdites figurant, respectivement, aux articles 4 de ces mêmes actes, d’autre part.
60 Aux termes du point 11 du rapport explicatif de la convention, l’objectif de celle-ci est d’assurer un même niveau minimal de protection des services en cause dans toute l’Europe et de compléter ainsi utilement ladite directive.
61 Selon les indications figurant aux points 10 et 13 dudit rapport explicatif ainsi qu’au point 9 de l’exposé des motifs de la proposition de décision, la nécessité d’étendre, par la convention, la protection juridique instituée par la directive 98/84 au-delà du territoire de l’Union s’explique par le fait que de nombreux États européens, qui ne sont pas membres de l’Union, peuvent constituer des bases pour la fabrication, la commercialisation et la distribution, par une industrie parallèle, de
dispositifs permettant l’accès illégal à des services à accès conditionnel, dès lors que la protection juridique contre ces actes de piratage y est inexistante ou inefficace.
62 Dans ce contexte, la signature de la convention au nom de l’Union, que la décision attaquée entend autoriser, vise à inciter à une plus large ratification de cette convention par les États membres du Conseil de l’Europe, ainsi que le soulignent tant les points 2.4 et 4.2.4 du second rapport sur la directive 98/84 que le point 16 de l’exposé des motifs de la proposition de décision.
63 Ladite signature est ainsi censée contribuer à étendre l’application de dispositions analogues à celles de la directive 98/84 au-delà des frontières de l’Union et à mettre en place un droit des services à accès conditionnel applicable sur l’ensemble du continent européen, ainsi que l’énonce le considérant 5 de la décision attaquée.
64 Tandis que ladite directive a pour objet d’assurer une protection juridique adéquate des services concernés au niveau de l’Union afin de promouvoir les échanges portant sur ceux-ci au sein du marché intérieur, la décision attaquée, en autorisant la signature de la convention au nom de l’Union, vise, quant à elle, à l’institution d’une protection similaire sur le territoire des États européens qui ne sont pas membres de l’Union, et ce afin de promouvoir dans ces derniers la fourniture desdits
services par des prestataires de l’Union.
65 L’objectif ainsi poursuivi, qui apparaît, à la lumière des considérants de la décision attaquée lus en combinaison avec la convention, comme le but principal de cette décision, présente donc un lien spécifique avec les échanges commerciaux internationaux portant sur lesdits services, lequel est propre à justifier le rattachement de celle-ci à la politique commerciale commune (voir, par analogie, arrêt Daiichi Sankyo et Sanofi-Aventis Deutschland, précité, points 58 et 60).
66 L’analyse qui précède n’est pas infirmée par l’argumentation du Conseil et des États membres intervenants selon laquelle l’objectif de rapprochement des législations des parties contractantes, mentionné à l’article 1er, seconde phrase, de la convention, montre que la décision attaquée se rattache à la politique du marché intérieur.
67 En effet, il découle de l’article 11, paragraphe 4, de la convention que, dans leurs relations mutuelles, les États membres de l’Union appliquent les règles de cette dernière et, par conséquent, ils n’appliquent les règles établies par cette convention qu’en l’absence de règles de l’Union régissant le sujet particulier concerné. Cette disposition confirme que, le rapprochement des législations des États membres dans le domaine concerné étant déjà largement réalisé par la directive 98/84,
l’objectif principal de la convention consiste non pas à améliorer le fonctionnement du marché intérieur, mais à étendre la protection juridique des services concernés au-delà du territoire de l’Union et à promouvoir ainsi les échanges commerciaux internationaux portant sur ces services. Le rapprochement des législations des parties contractantes, mentionné à l’article 1er de la convention, apparaît, dès lors, davantage comme un moyen pour réaliser les objectifs de la convention que comme un but
en soi assigné à celle-ci.
68 S’agissant de l’argumentation du Conseil et des États membres intervenants selon laquelle la convention viserait, en particulier, à interdire les exportations de dispositifs illicites vers l’Union au départ d’États européens qui ne sont pas membres de celle-ci dans le but d’assurer le fonctionnement correct du marché intérieur, il convient de souligner que cette finalité particulière, à laquelle contribue déjà l’interdiction, énoncée à l’article 4, premier alinéa, sous a), de la directive 98/84,
frappant les importations à des fins commerciales de dispositifs illicites dans l’Union en provenance d’États tiers, y compris d’États européens non membres de cette dernière, n’est pas de nature à infirmer l’existence d’un lien spécifique entre la décision attaquée et la politique commerciale commune.
69 Au contraire, une mesure d’interdiction des exportations de dispositifs illicites vers l’Union vise à la défense de l’intérêt global de cette dernière et relève, par sa substance même, de la politique commerciale commune (voir, en ce sens, avis 1/75, du 11 novembre 1975, Rec. p. 1355, 1364; avis 1/94, du 15 novembre 1994, Rec. p. I-5267, points 55, 63 et 71, ainsi que arrêt du 10 janvier 2006, Commission/Conseil, C-94/03, Rec. p. I-1, points 46, 47 et 49).
70 S’agissant de l’argumentation de la République française, de la République de Pologne et du Royaume de Suède selon laquelle, à la différence de la directive 98/84, la convention comporte, à ses articles 6 et 8, des dispositions relatives aux mesures de saisie et de confiscation ainsi qu’à la coopération internationale entre les parties contractantes, il y a lieu de relever que ces dispositions visent, d’une manière générale, à garantir l’efficacité de la protection juridique des services à accès
conditionnel sur le territoire de l’ensemble desdites parties. Elles contribuent, par conséquent, à l’objectif principal de la décision attaquée lue en combinaison avec la convention, tel qu’il est explicité aux points 62 à 64 du présent arrêt.
71 Lesdites dispositions sont, certes, également censées améliorer les conditions de fonctionnement du marché intérieur en clarifiant la définition des sanctions prévues à l’article 5 de ladite directive, comme l’indique le point 14 de l’exposé des motifs de la proposition de décision. Ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général aux points 56 et 82 de ses conclusions, cet objectif revêt toutefois un caractère accessoire par rapport à l’objectif principal de la décision attaquée.
72 Quant à l’argument de la République de Pologne et du Royaume de Suède tiré de l’incompatibilité de la base juridique constituée par l’article 207 TFUE avec la nature prétendument pénale des mesures de saisie et de confiscation prévues par la convention, il convient de relever, au-delà du fait que les dispositions de la convention consacrées auxdites mesures ne constituent pas l’objet principal de celle-ci et que les articles 5 et 6 de la convention n’exigent pas que les sanctions et les mesures
qui y sont visées soient exclusivement de nature pénale, que cet argument n’explique pas la raison pour laquelle l’article 114 TFUE constituerait la base juridique appropriée en l’espèce.
73 Enfin, contrairement à ce qu’a fait valoir le Conseil lors de l’audience, le protocole (no 21) sur la position du Royaume-Uni et de l’Irlande à l’égard de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, et le protocole (no 22) sur la position du Danemark, annexés aux traités UE et FUE, ne sont pas de nature à avoir une incidence de quelque nature que ce soit sur la question de la base juridique appropriée pour l’adoption de la décision attaquée.
74 En effet, c’est la base juridique d’un acte, dont le caractère approprié s’apprécie, en vertu de la jurisprudence rappelée aux points 52 et 53 du présent arrêt, en fonction d’éléments objectifs tels que sa finalité et son contenu principaux ou prépondérants, qui détermine les protocoles éventuellement applicables, et non l’inverse.
75 En l’espèce, il ressort de l’analyse qui précède que la base juridique appropriée est celle relative à la politique commerciale commune, laquelle n’est pas visée par les protocoles nos 21 et 22.
76 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la décision attaquée poursuit principalement un objectif présentant un lien spécifique avec la politique commerciale commune, qui impose, aux fins de son adoption, le recours à la base juridique constituée par l’article 207, paragraphe 4, TFUE, en liaison avec l’article 218, paragraphe 5, TFUE, et qui signifie, par ailleurs, que la signature de la convention au nom de l’Union relève, en application de l’article 3, paragraphe 1,
sous e), TFUE, de la compétence exclusive de cette dernière. L’amélioration des conditions de fonctionnement du marché intérieur apparaît, en revanche, comme un objectif accessoire de ladite décision, qui ne justifie pas que celle-ci soit fondée sur l’article 114 TFUE.
77 Le premier moyen étant fondé, il y a lieu, par conséquent, d’annuler la décision attaquée sans qu’il soit besoin d’examiner le second moyen invoqué par la Commission au soutien de son recours.
Sur la limitation des effets de l’annulation
78 Aux termes de l’article 264, second alinéa, TFUE, la Cour peut, si elle l’estime nécessaire, indiquer ceux des effets de l’acte annulé qui doivent être considérés comme définitifs.
79 En l’espèce, conformément à son article 3, la décision attaquée est entrée en vigueur le jour de son adoption, intervenue le 29 novembre 2011.
80 L’annulation de la décision attaquée sans que ses effets soient maintenus aurait pour conséquence de remettre en cause la signature de la convention par l’Union, intervenue le 21 décembre 2011, alors même que la compétence de l’Union pour signer ladite convention n’a jamais été mise en doute.
81 Des considérations de sécurité juridique justifient donc que la Cour maintienne les effets de cette décision jusqu’à l’adoption, dans un délai raisonnable qui ne saurait excéder six mois, d’une nouvelle décision fondée sur les bases juridiques appropriées, à savoir l’article 207, paragraphe 4, TFUE en liaison avec l’article 218, paragraphe 5, TFUE.
Sur les dépens
82 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant succombé en ses moyens et la Commission ayant conclu à la condamnation de ce dernier, il y a lieu de le condamner aux dépens. Conformément à l’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure, la République française, le Royaume des Pays-Bas, la République de Pologne, le Royaume de Suède et le Royaume-Uni supporteront leurs
propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête:
1) La décision 2011/853/UE du Conseil, du 29 novembre 2011, relative à la signature, au nom de l’Union, de la convention européenne sur la protection juridique des services à accès conditionnel et des services d’accès conditionnel, est annulée.
2) Les effets de la décision 2011/853 sont maintenus jusqu’à l’entrée en vigueur, dans un délai raisonnable qui ne saurait excéder six mois, d’une nouvelle décision fondée sur les bases juridiques appropriées.
3) Le Conseil de l’Union européenne est condamné aux dépens.
4) La République française, le Royaume des Pays-Bas, la République de Pologne, le Royaume de Suède et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord supportent leurs propres dépens.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure: le français.