ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
10 octobre 2013 ( *1 )
«Sixième directive TVA — Articles 13, C, et 20 — Livraison d’un bien immeuble — Droit d’option pour la taxation — Droit à déduction — Régularisation des déductions — Recouvrement des sommes dues à la suite de la régularisation d’une déduction de la TVA — Assujetti redevable — Assujetti autre que celui ayant initialement opéré cette déduction et étranger à l’opération taxée ayant donné lieu à ladite déduction»
Dans l’affaire C‑622/11,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas), par décision du 28 octobre 2011, parvenue à la Cour le 5 décembre 2011, dans la procédure
Staatssecretaris van Financiën
contre
Pactor Vastgoed BV,
LA COUR (deuxième chambre),
composée de Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur), président de chambre, MM. J. L. da Cruz Vilaça, G. Arestis, J.-C. Bonichot et A. Arabadjiev, juges,
avocat général: M. M. Wathelet,
greffier: M. M. Aleksejev, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 18 avril 2013,
considérant les observations présentées:
— pour Pactor Vastgoed BV, par M. M. van de Leur, belastingadviseur,
— pour le gouvernement néerlandais, par M. J. Langer ainsi que par Mmes C. Wissels et M. Bulterman, en qualité d’agents,
— pour l’Irlande, par Mme E. Creedon, en qualité d’agent, assistée de M. C. Toland, BL,
— pour le gouvernement finlandais, par Mme M. Pere, en qualité d’agent,
— pour la Commission européenne, par M. G. Wils et Mme L. Lozano Palacios, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 30 mai 2013,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 20 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), telle que modifiée par la directive 95/7/CE du Conseil, du 10 avril 1995 (JO L 102, p. 18, ci-après la «sixième directive»).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Staatssecretaris van Financiën (secrétaire d’État aux finances) à Pactor Vastgoed BV (ci-après «Pactor Vastgoed») au sujet d’un redressement de la taxe sur le chiffre d’affaires (ci-après la «TVA») auquel cette société a été soumise.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 L’article 4, paragraphe 3, de la sixième directive énonce:
«Les États membres ont la faculté de considérer également comme assujetti quiconque effectue, à titre occasionnel, une opération relevant des activités visées au paragraphe 2 et notamment une seule des opérations suivantes:
a) la livraison d’un bâtiment ou d’une fraction de bâtiment et du sol y attenant, effectuée avant sa première occupation; les États membres peuvent définir les modalités d’application de ce critère aux transformations d’immeubles, ainsi que la notion de sol y attenant.
Les États membres ont la faculté d’appliquer d’autres critères que celui de la première occupation, tels que celui du délai écoulé entre la date d’achèvement de l’immeuble et celle de la première livraison, ou celui du délai écoulé entre la date de la première occupation et celle de la livraison ultérieure, pour autant que ces délais ne dépassent pas respectivement cinq et deux ans.
Est considérée comme bâtiment toute construction incorporée au sol;
[...]»
4 L’article 13, B, de cette directive est libellé comme suit:
«Sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels:
[...]
g) les livraisons de bâtiments ou d’une fraction de bâtiment et du sol y attenant autres que ceux visés à l’article 4 paragraphe 3 sous a);
h) les livraisons de biens immeubles non bâtis autres que celles des terrains à bâtir visés à l’article 4 paragraphe 3 sous b).»
5 Aux termes de l’article 13, C, de ladite directive:
«Les États membres peuvent accorder à leurs assujettis le droit d’opter pour la taxation:
[...]
b) des opérations visées sous B sous d), g) et h).
Les États membres peuvent restreindre la portée du droit d’option; ils déterminent les modalités de son exercice.»
6 L’article 17, paragraphe 2, sous a), de la même directive, dans sa rédaction résultant de l’article 28 septies de celle-ci, énonce:
«Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:
a) la [TVA] due ou acquittée à l’intérieur du pays pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti».
7 L’article 20 de la sixième directive prévoit:
«1. La déduction initialement opérée est régularisée suivant les modalités fixées par les États membres, notamment:
a) lorsque la déduction est supérieure ou inférieure à celle que l’assujetti était en droit d’opérer;
b) lorsque des modifications des éléments pris en considération pour la détermination du montant des déductions sont intervenues postérieurement à la déclaration, notamment en cas d’achats annulés ou en cas de rabais obtenus; toutefois, il n’y a pas lieu à régularisation en cas d’opérations totalement ou partiellement impayées, en cas de destruction, de perte ou de vol dûment prouvés ou justifiés et en cas de prélèvements effectués pour donner des cadeaux de faible valeur et des échantillons visés
à l’article 5 paragraphe 6. Toutefois, les États membres ont la faculté d’exiger la régularisation pour les opérations totalement ou partiellement impayées et en cas de vol.
[...]
3. En cas de livraison pendant la période de régularisation, le bien d’investissement est considéré comme s’il était resté affecté à une activité économique de l’assujetti jusqu’à l’expiration de la période de régularisation. Cette activité économique est présumée être entièrement taxée pour le cas où la livraison dudit bien est taxée; elle est présumée être entièrement exonérée pour le cas où la livraison est exonérée. La régularisation se fait en une seule fois pour tout le temps de la période
de régularisation restant à courir.
Toutefois, les États membres peuvent, dans ce dernier cas, ne pas exiger une régularisation dans la mesure où l’acquéreur est un assujetti qui utilise le bien d’investissement en question uniquement pour des opérations pour lesquelles la [TVA] est déductible.
4. Pour l’application des paragraphes 2 et 3, les États membres peuvent:
[...]
— prendre toutes dispositions utiles en vue d’éviter que les régularisations ne procurent aucun avantage injustifié,
— autoriser des simplifications administratives.
[...]»
8 L’article 21 de la sixième directive, intitulé «Redevables de la taxe envers le Trésor», dispose:
«La [TVA] est due:
1. en régime intérieur:
a) par l’assujetti effectuant une opération imposable [...] Les États membres peuvent également prévoir qu’une personne, autre que l’assujetti, est solidairement tenue d’acquitter la taxe;
[...]»
9 L’article 27, paragraphe 1, de cette directive est rédigé comme suit:
«Le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission, peut autoriser tout État membre à introduire des mesures particulières dérogatoires à la présente directive, afin de simplifier la perception de la taxe ou d’éviter certaines fraudes ou évasions fiscales. Les mesures destinées à simplifier la perception de la taxe ne peuvent influer, sauf de façon négligeable, sur le montant de la taxe due au stade de la consommation finale.»
10 L’article 1er de la décision 88/498/CEE du Conseil, du 19 juillet 1988, autorisant le royaume des Pays-Bas à appliquer une mesure dérogatoire à l’article 21 paragraphe 1 point a) de la sixième directive 77/388 (JO L 269, p. 54), adoptée sur le fondement de l’article 27, paragraphe 1, de cette directive, prévoit que, s’agissant des opérations visées à l’article 13, B, sous g) et h), de ladite directive, le Royaume des Pays-Bas est, par dérogation à l’article 21, paragraphe 1, sous a), de la même
directive, autorisé à appliquer, dans le cadre du régime d’option pour la taxation prévu audit article 13, C, sous b), une disposition destinée à rendre l’acheteur redevable de la TVA.
11 La décision 88/498 a été abrogée, avec effet au 1er janvier 2008, par la directive 2006/69/CE du Conseil, du 24 juillet 2006, modifiant la directive 77/388 en ce qui concerne certaines mesures visant à simplifier la perception de la taxe sur la valeur ajoutée et à lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, et abrogeant certaines décisions accordant des dérogations (JO L 221, p. 9).
Le droit néerlandais
12 L’article 11 de la loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires (Wet op de omzetbelasting), du 28 juin 1968 (Staatsblad 1968, no 329), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la «loi de 1968»), dispose:
«1. Dans les conditions fixées par mesure générale d’administration, sont exonérés de la taxe:
a) la livraison de biens immobiliers et de droits auxquels ces biens sont soumis, à l’exception de:
1) la livraison d’un bâtiment ou d’une fraction d’un bâtiment et du sol y attenant, effectuée avant ou, au maximum, deux ans après sa première occupation ainsi que la livraison d’un terrain à bâtir;
2) les livraisons, autres que la livraison visée au point 1, à des personnes qui utilisent le bien immobilier à des fins ouvrant un droit total ou quasi total à déduction de la taxe en vertu de l’article 15, à condition que l’entrepreneur qui effectue la livraison et celui à qui elle est faite aient conjointement adressé une demande à cet effet à l’inspecteur et que, par ailleurs, ils respectent les conditions fixées par arrêté ministériel;
[...]»
13 L’article 12a de cette loi énonce:
«S’il est fait un usage abusif de l’exception prévue à l’article 11, paragraphe 1, sous a), point 2, en ce que celui auquel la livraison a été faite n’utilise pas le bien immeuble aux fins pour lesquelles il existe un droit à déduction complet ou quasi complet en vertu de l’article 15, la taxe afférente à cette livraison, déduite, en vertu de l’article 15, par celui qui a effectué la livraison, fait l’objet d’un redressement imposé à celui à qui la livraison a été effectuée.»
14 L’article 12, paragraphe 5, de ladite loi prévoit:
«Dans des cas qui doivent être définis par une mesure générale d’administration et conformément à des règles qui doivent être fixées par ou en vertu de cette mesure, la taxe est, afin d’en garantir davantage le recouvrement, perçue auprès de celui à qui la livraison est effectuée ou le service fourni.»
15 Aux termes de l’article 24ba, paragraphe 1, sous a), de l’arrêté d’exécution relatif à la taxe sur le chiffre d’affaires de 1968 (Uitvoeringsbesluit omzetbelasting 1968):
«1. Sont désignés comme cas tels que visés à l’article 12, paragraphe 5, de la [loi de 1968], les cas où:
a) un bien immeuble ou un droit auquel celui-ci est soumis est livré en application de l’article 11, paragraphe 1, sous a), point 2, de la [loi de 1968]».
Le litige au principal et la question préjudicielle
16 Le 5 janvier 2000, une entreprise (ci-après le «fournisseur») a livré un bien immobilier à Pactor Vastgoed, qui, en accord avec le fournisseur, a, sur le fondement de l’article 11, paragraphe 1, sous a), point 2, de la loi de 1968, opté pour la taxation de cette livraison.
17 Ledit fournisseur avait acquis ce bien quelques années auparavant en optant également pour la taxation de cette acquisition. Il avait alors déduit la TVA qui lui avait été imposée.
18 À partir du mois d’avril 2000, Pactor Vastgoed a loué ledit bien. Cette opération a été exonérée de la TVA.
19 Pactor Vastgoed a ensuite vendu ce même bien et l’a livré, au début du mois de juillet 2000. Cette livraison a été exonérée de la TVA.
20 Considérant que la livraison effectuée à Pactor Vastgoed ne satisfaisait pas aux conditions énoncées à l’article 11, paragraphe 1, sous a), point 2, de la loi de 1968 et que, par conséquent, cette livraison aurait dû être exonérée de la TVA, les autorités fiscales néerlandaises ont, en vertu de l’article 12a de cette loi, imposé à cette société un redressement au titre de la TVA pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2000, d’un montant correspondant à la somme due à la suite de la
régularisation de la déduction de la TVA effectuée par le fournisseur à l’occasion de son acquisition du bien immobilier ultérieurement livré à Pactor Vastgoed.
21 Pactor Vastgoed a présenté une réclamation à l’encontre de ce redressement.
22 Cette réclamation ayant été rejetée, Pactor Vastgoed a introduit un recours à l’encontre de cette décision de rejet devant le Rechtbank te ’s-Gravenhage.
23 Ce recours ayant été rejeté également, Pactor Vastgoed a fait appel du jugement du Rechtbank te ’s-Gravenhage devant le Gerechtshof te ’s-Gravenhage, qui a annulé ce jugement ainsi que le redressement imposé à cette société.
24 Le Staatssecretaris van Financiën a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt du Gerechtshof te ’s-Gravenhage devant la juridiction de renvoi.
25 C’est dans ce contexte que le Hoge Raad der Nederlanden a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«La sixième directive permet-elle que, dans le cas où la déduction de la TVA opérée initialement est régularisée conformément à l’article 20 de cette directive, de sorte que le montant de la déduction doit être remboursé totalement ou partiellement, ce montant soit perçu auprès d’une personne autre que l’assujetti qui a opéré la déduction dans le passé, en particulier – comme lorsqu’il est fait application de l’article 12a de la loi [de 1968] – auprès de celui auquel un bien a été livré par
l’assujetti?»
Sur la question préjudicielle
26 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la sixième directive doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce que le recouvrement des sommes dues à la suite de la régularisation d’une déduction de la TVA s’effectue auprès d’un assujetti autre que celui ayant opéré cette déduction.
27 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le Royaume des Pays-Bas a, d’une part, fait usage de la faculté, prévue à l’article 13, C, premier alinéa, sous b), de la sixième directive, permettant aux États membres d’accorder à leurs assujettis le droit d’opter pour la taxation des opérations visées à l’article 13, B, sous g), de cette directive, et, d’autre part, obtenu, sur le fondement de l’article 27 de ladite directive, une autorisation du Conseil pour appliquer, par dérogation à
l’article 21, paragraphe 1, sous a), de cette même directive, une disposition destinée à rendre l’acheteur redevable de la TVA dans le cadre du régime d’option pour la taxation prévu audit article 13, C, premier alinéa, sous b).
28 C’est dans ce contexte que les livraisons du bien immobilier en cause au principal ont été imposées et que la TVA relative à ces livraisons a été payée par le fournisseur, puis par Pactor Vastgoed.
29 Le litige au principal porte sur la question de savoir si les autorités fiscales néerlandaises peuvent exiger que les sommes dues au titre de la régularisation de la déduction de la TVA à laquelle a procédé le fournisseur à l’occasion de son acquisition dudit bien immobilier, livré, par la suite, à Pactor Vastgoed, soient réclamées à cette dernière.
30 À cet égard, il y a lieu de relever que la sixième directive ne contient aucune indication expresse concernant l’assujetti redevable des créances fiscales résultant de la régularisation d’une déduction de la TVA.
31 Cela étant, il ne saurait en être déduit que les États membres sont, dans le cadre des modalités qu’ils fixent au titre des articles 13, C, second alinéa, et 20, paragraphe 1, de cette directive, libres de décider par quel assujetti la TVA doit être acquittée dans un tel contexte.
32 En effet, la désignation du redevable des sommes dues à la suite de la régularisation d’une déduction de la TVA constitue non pas une «modalité» au sens de ces dispositions, mais, ainsi qu’il ressort de l’article 21 de ladite directive, une règle de fond du système commun de la TVA instauré par la même directive.
33 À cet égard, il convient de rappeler que le mécanisme de régularisation prévu par la sixième directive fait partie intégrante du régime de déduction de la TVA établi par celle-ci (voir arrêts du 18 octobre 2012, TETS Haskovo, C‑234/11, point 30, et du 29 novembre 2012, Gran Via Moineşti, C‑257/11, point 39).
34 En effet, selon la jurisprudence de la Cour, les règles prévues par cette directive en matière de régularisation des déductions visent à accroître la précision des déductions de manière à assurer la neutralité de la TVA, de sorte que les opérations effectuées au stade antérieur continuent à donner lieu au droit à déduction dans la seule mesure où elles servent à fournir des prestations soumises à une telle taxe. Par ces règles, ladite directive a ainsi pour objectif d’établir une relation étroite
et directe entre le droit à déduction de la TVA payée en amont et l’utilisation des biens ou des services concernés pour des opérations taxées en aval (voir arrêt du 15 décembre 2005, Centralan Property, C-63/04, Rec. p. I-11087, point 57; TETS Haskovo, précité, point 31, et Gran Via Moineşti, précité, point 38).
35 Conformément à l’article 20, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive, la déduction initialement opérée est régularisée lorsqu’elle est supérieure ou inférieure à celle que l’assujetti était en droit d’opérer.
36 Cette disposition doit être interprétée en ce sens que, en cas de régularisation d’une déduction de la TVA opérée par un assujetti, les sommes dues à ce titre doivent être acquittées par cet assujetti.
37 Une interprétation contraire, selon laquelle la régularisation d’une déduction de la TVA relative à une livraison de biens ou à une prestation de services pourrait peser sur un assujetti autre que celui ayant bénéficié de cette livraison ou de cette prestation serait incompatible avec les objectifs, rappelés au point 34 du présent arrêt, poursuivis en la matière par la sixième directive.
38 Dans ce contexte, il y a lieu de relever que l’article 21, paragraphe 1, sous a), de cette directive prévoit que l’assujetti redevable de la TVA en régime intérieur est celui qui effectue une opération imposable (voir ordonnance du 3 mars 2004, Transport Service, C-395/02, Rec. p. I-1991, point 23). En outre, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 66 et 68 de ses conclusions, cet article énumère de manière exhaustive les cas dans lesquels une personne autre que cet assujetti peut
être tenue d’acquitter cette taxe.
39 Or, la situation en cause au principal ne correspond à aucun de ces cas. À cet égard, il convient de constater que, contrairement à ce qui a été soutenu par le gouvernement néerlandais, la faculté de prévoir qu’une personne, autre que l’assujetti, soit solidairement tenue d’acquitter la taxe, reconnue aux États membres par ladite disposition, ne saurait être interprétée comme permettant d’imposer une obligation fiscale autonome à la charge de cette personne.
40 Par ailleurs, en cas de livraisons successives d’un bien immobilier, telles que celles en cause au principal, la circonstance que l’un des assujettis concernés ne se soit pas, à l’occasion de la livraison à laquelle il a pris part, conformé aux modalités d’exercice du droit d’option visées à l’article 13, C, second alinéa, de la sixième directive ne saurait avoir pour conséquence d’obliger cet assujetti à s’acquitter de la créance fiscale due à la suite de la régularisation d’une déduction de la
TVA opérée par un autre assujetti en relation avec l’une desdites livraisons à laquelle ce premier assujetti est étranger.
41 En effet, dans une telle situation, l’exactitude des déductions et la neutralité de la TVA, que les règles relatives à la régularisation des déductions visent à assurer, seraient compromises.
42 Concernant la situation qualifiée d’injuste par le gouvernement néerlandais, résultant de ce qu’un assujetti, ayant livré un bien immeuble, serait tenu d’acquitter des sommes dues au titre de la régularisation de la déduction de la TVA qu’il a opérée lors de l’acquisition de ce bien alors même que la personne à laquelle il a livré ledit bien a déclaré qu’elle utiliserait celui-ci pour les besoins de ses opérations taxées, il convient de constater que, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au
point 89 de ses conclusions, si, conformément à l’article 13, C, second alinéa, de la sixième directive, les États membres ont la faculté de restreindre la portée du droit d’option et déterminent les modalités de son exercice, ils ne peuvent pas, dans l’exercice de cette faculté, imposer à un assujetti des obligations qui vont au-delà de ce qui est permis par le droit de l’Union en matière de TVA.
43 Or, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 84 de ses conclusions, dans l’affaire au principal, cette situation dans laquelle se trouve le fournisseur résulte des dispositions du droit néerlandais imposant à l’acquéreur d’un bien immobilier ayant opté pour la taxation d’utiliser ce bien pour les besoins de ses opérations taxées.
44 De même, s’agissant de l’argument du gouvernement néerlandais selon lequel l’article 12a de la loi de 1968 vise, conformément à l’article 20, paragraphe 4, de la sixième directive, à éviter que les régularisations ne procurent aucun avantage injustifié, il y a lieu de relever que, dans la mesure où, d’une part, ainsi qu’il ressort du dossier transmis à la Cour, la livraison du bien immeuble en cause au principal, intervenue entre le fournisseur et Pactor Vastgoed, a été exonérée de la TVA avec
effet rétroactif au 5 janvier 2000 et où, d’autre part, la TVA relative à cette livraison, acquittée et déduite par Pactor Vastgoed, a été annulée, cette société n’a pas bénéficié d’un «avantage injustifié» au sens dudit article 20, paragraphe 4. Dès lors, ladite société ne saurait, sur le fondement de cette disposition, être tenue de payer la TVA due à la suite de la régularisation d’une déduction opérée par le fournisseur à l’occasion d’une autre transaction à laquelle elle est étrangère, à
savoir l’acquisition initiale dudit bien immeuble par celui-ci.
45 Enfin, force est de constater que la décision 88/498, par laquelle le Royaume des Pays-Bas a été autorisé à appliquer, par dérogation à l’article 21, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive, une disposition destinée à rendre l’acheteur redevable de la TVA dans le cadre du régime d’option pour la taxation, prévu à l’article 13, C, premier alinéa, sous b), de cette directive, vise non pas à ce que les sommes exigibles dues à la suite de la régularisation d’une déduction de la TVA soient
acquittées par un assujetti autre que celui ayant opéré cette déduction, mais à ce que, dans le cadre d’une livraison d’un bien immeuble, telle que celle en cause au principal, la TVA relative à cette dernière soit acquittée et déduite par un seul et même assujetti, à savoir l’acquéreur du bien concerné.
46 Par conséquent, si, s’agissant de l’affaire au principal, la décision 88/498 a permis que le fournisseur et, par la suite, Pactor Vastgoed soient, en tant qu’acquéreurs du bien immeuble concerné, redevables de la TVA relative aux opérations d’acquisition en cause, elle n’est pas de nature, en revanche, à justifier que Pactor Vastgoed supporte le paiement des sommes dues à la suite de la régularisation de la déduction de la TVA opérée par le fournisseur dans le cadre d’une transaction à laquelle
elle était étrangère, à savoir l’acquisition initiale de ce bien immeuble par le fournisseur.
47 Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la question préjudicielle que la sixième directive doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce que le recouvrement des sommes dues à la suite de la régularisation d’une déduction de la TVA s’effectue auprès d’un assujetti autre que celui ayant opéré cette déduction.
Sur les dépens
48 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:
La sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 95/7/CE du Conseil, du 10 avril 1995, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce que le recouvrement des sommes dues à la suite de la régularisation d’une déduction de la taxe sur la valeur ajoutée s’effectue auprès
d’un assujetti autre que celui ayant opéré cette déduction.
Signatures
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
( *1 ) Langue de procédure: le néerlandais.