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26/09/2013 | CJUE | N°C‑179/12 P

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, The Dow Chemical Company contre Commission européenne., 26/09/2013, C‑179/12 P


ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

26 septembre 2013 (*)

«Pourvoi – Concurrence – Ententes – Marché du caoutchouc chloroprène – Fixation des prix et répartition du marché – Infraction à l’article 81 CE – Imputabilité du comportement infractionnel d’une filiale à sa société mère – Contrôle conjoint par deux sociétés mères – Influence déterminante – Droits de la défense – Majoration de l’amende – Effet dissuasif»

Dans l’affaire C‑179/12 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut

de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 16 avril 2012,

The Dow Chemical Company, établie à Midland (Éta...

ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

26 septembre 2013 (*)

«Pourvoi – Concurrence – Ententes – Marché du caoutchouc chloroprène – Fixation des prix et répartition du marché – Infraction à l’article 81 CE – Imputabilité du comportement infractionnel d’une filiale à sa société mère – Contrôle conjoint par deux sociétés mères – Influence déterminante – Droits de la défense – Majoration de l’amende – Effet dissuasif»

Dans l’affaire C‑179/12 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 16 avril 2012,

The Dow Chemical Company, établie à Midland (États-Unis), représentée par M^e D. Schroeder, Rechtsanwalt,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par MM. P. Van Nuffel, V. Bottka et L. Malferrari, en qualité d’agents, ayant élu domicile au Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. J. Malenovský, président de chambre, MM. U. Lõhmus (rapporteur) et M. Safjan, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par son pourvoi, The Dow Chemical Company (ci-après «Dow») demande l’annulation, d’une part, de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 2 février 2012, Dow Chemical/Commission (T‑77/08, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision C(2007) 5910 final de la Commission, du 5 décembre 2007, relative à une procédure d’application de l’article [81 CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/F/38.629 – Caoutchouc
chloroprène) (ci-après la «décision du 5 décembre 2007»), telle que modifiée par la décision C(2008) 2974 final de la Commission, du 23 juin 2008 (ci-après la «décision litigieuse»), et, d’autre part, de cette décision, en tant qu’elle la concerne, ainsi que la réduction de l’amende qui lui a été infligée par ladite décision.

Les antécédents du litige et la décision litigieuse

2 Les faits ayant donné lieu au présent litige, tels qu’ils sont exposés aux points 2 à 27 de l’arrêt attaqué, peuvent être résumés comme suit.

3 Le 1^er avril 1996, Dow a acquis 50 % des parts de DuPont Dow Elastomers LLC (ci-après «DDE»), une entreprise commune détenue désormais à parts égales avec EI du Pont de Nemours and Company (ci-après «EI DuPont») et qui était active sur le marché du caoutchouc chloroprène (ci-après le «CR»). Dow a détenu sa participation dans DDE jusqu’au 30 juin 2005, date à laquelle cette dernière est devenue DuPont Performance Elastomers LLC (ci-après «DPE LLC»), une filiale à 100 % d’EI DuPont. Le
bureau régional de DDE pour l’Europe, DuPont Dow Elastomers SA, est devenu DuPont Performance Elastomers SA (ci-après «DPE SA»), une filiale à 100 % de DPE LLC.

4 Le 27 mars 2003, la Commission des Communautés européennes a procédé à des vérifications dans les installations, notamment, de Dow Deutschland Inc. Le 21 novembre 2003, DDE a introduit une demande de clémence conformément à la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3).

5 Le 13 mars 2007, la Commission a engagé la procédure à l’origine du présent litige et a adopté une communication des griefs qu’elle a adressée à douze entreprises, au nombre desquelles figurait Dow. Puis, la Commission a adopté la décision du 5 décembre 2007, dans laquelle elle a considéré que, entre l’année 1993 et l’année 2002, plusieurs producteurs de CR avaient participé à une infraction unique et continue à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen,
du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après l’«accord EEE»), étendue à l’ensemble du territoire de l’Espace économique européen (EEE), consistant en des accords et des pratiques concertées visant à s’entendre sur l’attribution et la stabilisation des marchés, des parts de marché et des quotas de vente pour le CR, à coordonner et à faire appliquer plusieurs augmentations de prix, à convenir de prix minimaux, à répartir la clientèle et à échanger des informations sensibles sur le plan de la
concurrence. Ces producteurs se réunissaient de façon régulière, plusieurs fois par an, dans des réunions bilatérales, trilatérales ou multilatérales.

6 Dans ladite décision, la Commission a imputé la responsabilité de l’entente, notamment, à Dow, à DPE SA, à DPE LLC ainsi qu’à EI DuPont, et a ordonné à ces entreprises de mettre immédiatement fin à cette infraction dans la mesure où elles ne l’auraient pas déjà fait ainsi que de s’abstenir désormais de toute pratique restrictive ayant un objet ou un effet identique ou similaire.

7 Pour fixer le montant de base des amendes, la Commission s’est fondée sur les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) n° 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les «lignes directrices pour le calcul des amendes»). Elle a pris en compte une proportion de la valeur des ventes de CR réalisées par chaque entreprise au sein de l’EEE durant l’année 2001, qui est la dernière année complète de participation à
l’infraction, proportion qui a été multipliée par le nombre d’années d’infraction.

8 En vue de déterminer la proportion de la valeur des ventes à prendre en compte, la Commission a relevé que les accords horizontaux de partage de marché et de fixation de prix comptaient, par leur nature même, parmi les restrictions de la concurrence les plus graves. À cet égard, la Commission a également estimé que la part de marché combinée des entreprises participant à l’infraction s’élevait à 100 % au sein de l’EEE, que l’étendue géographique de l’infraction était mondiale et que
l’infraction avait été mise en œuvre systématiquement. Par conséquent, la Commission a fixé la proportion de la valeur des ventes de chaque entreprise impliquée à 21 %.

9 En raison, notamment, de la participation à l’infraction d’EI DuPont pendant une durée de neuf ans, ainsi que de DPE LLC, DPE SA et Dow pendant une durée de six ans et un mois, la Commission a, en application du point 24 des lignes directrices pour le calcul des amendes, multiplié par neuf les montants de départ des amendes déterminés en fonction de la valeur des ventes, notamment, d’EI DuPont, et par six et demi les montants de départ des amendes déterminés en fonction de la valeur des
ventes de DPE LLC, de DPE SA et de Dow.

10 Afin de dissuader les entreprises de participer à un accord relatif à un partage du marché ou à des accords horizontaux de fixation de prix tels que ceux en cause en l’espèce et en prenant en compte en particulier les éléments mentionnés aux deux points précédents, la Commission a, en application du point 25 desdites lignes directrices, inclus dans le montant de base des amendes un montant additionnel de 20 % de la valeur des ventes.

11 Par ailleurs, la Commission a estimé qu’EI DuPont et Dow, en tant que sociétés mères de l’entreprise commune DDE, devaient être tenues pour solidairement responsables du comportement de cette dernière pendant la période allant du 1^er avril 1996 au 13 mai 2002. En outre, elle a considéré que, en tant que successeurs de DDE, DPE LLC et DPE SA devaient également être tenues pour solidairement responsables du comportement de DDE au titre de la même période, étant donné que, après qu’il a été
mis fin à l’infraction, elles ont repris les activités de celle-ci sur le marché du CR.

12 Au vu de ces éléments, le montant de base de l’amende à infliger à EI DuPont a été fixé à 79 millions d’euros, dont 59 millions d’euros à payer solidairement avec DPE LLC, DPE SA et Dow.

13 S’agissant des ajustements des montants de base des amendes, au titre des circonstances aggravantes, aucune majoration n’a été appliquée à l’amende à infliger à Dow dans la mesure où aucune circonstance aggravante n’a été retenue à son encontre.

14 La Commission a en outre appliqué à l’amende de certains destinataires de la décision du 5 décembre 2007 une augmentation spécifique afin de garantir un effet suffisamment dissuasif aux amendes, en tenant compte du niveau du chiffre d’affaires de ces entreprises au-delà des biens et des services auxquels l’infraction se réfère. Ainsi, le montant de base de l’amende à infliger à Dow a été multiplié par 1,1. Partant, le montant à payer solidairement avec EI DuPont a été porté à 64,9 millions
d’euros.

15 S’agissant de l’application de la communication de la Commission visée au point 4 du présent arrêt, cette dernière a accordé une réduction du montant de base de l’amende de 25 % à EI DuPont, à DPE LLC, à DPE SA et à Dow.

16 Le montant de l’amende infligée à EI DuPont a ainsi été fixé à 59,25 millions d’euros dont 44,25 millions d’euros solidairement avec DPE LLC et DPE SA et 48,675 millions d’euros solidairement avec Dow.

17 Enfin, la Commission a adopté la décision modificative du 23 juin 2008, adressée à EI DuPont, à DPE LLC, à DPE SA et à Dow. En vertu de cette décision, Dow est seule responsable du paiement d’une amende de 4,425 millions d’euros, le montant de l’amende au paiement de laquelle EI DuPont et Dow sont tenues pour solidairement responsables étant ramené à 44,25 millions d’euros. Dans cette décision, la Commission a également corrigé une erreur factuelle dans le calcul du montant de l’amende à
payer par EI DuPont, dans la mesure où ce montant était le résultat de l’application du coefficient multiplicateur de dissuasion de 10 % à la seule amende infligée à Dow.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

18 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 février 2008, Dow a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision du 5 décembre 2007, pour autant qu’elle la concerne et, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l’amende infligée à celle‑ci par cette décision. À cet égard, il convient d’observer que Dow a, dans son mémoire en réplique, reformulé ses conclusions, moyens et arguments à la lumière des modifications apportées par la Commission à la décision du 5 décembre
2007 par sa décision modificative du 23 juin 2008. Dès lors, ledit recours a été considéré comme dirigé contre la décision du 5 décembre 2007 telle que modifiée, à savoir la décision litigieuse.

19 À l’appui de son recours, Dow a soulevé deux moyens, tirés respectivement d’erreurs manifestes d’appréciation des faits et d’erreurs de droit que la Commission aurait commises en jugeant que Dow avait participé à l’infraction commise par DDE ou en la tenant pour responsable de cette infraction ainsi que dans la détermination du montant de l’amende qui lui a été infligée.

20 Le premier moyen était divisé en deux branches, tirées, la première, d’une erreur manifeste d’appréciation des faits et d’une erreur de droit ainsi que d’une violation des droits de la défense en ce qui concerne la connaissance que Dow avait de l’existence de l’entente et, la seconde, d’une erreur manifeste d’appréciation des faits et d’une erreur de droit en ce qui concerne l’imputation de l’infraction à Dow du fait de son implication dans le comité des membres chargé de superviser les
affaires de DDE et d’approuver certaines questions se rapportant à la direction stratégique de cette entreprise.

21 S’agissant de la seconde branche dudit moyen, Dow a notamment fait valoir que la Commission ne disposait d’aucun fondement juridique de principe pour lui adresser la décision litigieuse en la tenant pour solidairement responsable avec DDE ou EI DuPont au seul motif qu’elle était impliquée dans ledit comité des membres.

22 Dans un premier temps, le Tribunal a examiné, aux points 85 à 88 de l’arrêt attaqué, les critères utilisés dans la décision litigieuse afin de démontrer l’exercice effectif d’une influence déterminante par les sociétés mères de DDE sur le comportement de cette dernière sur le marché du CR.

23 Au point 89 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que, eu égard à l’ensemble des liens économiques, juridiques et organisationnels unissant Dow et DDE, la Commission n’a pas commis d’erreur en constatant que Dow, en tant qu’elle était l’une des deux sociétés mères de DDE, avait exercé une influence déterminante sur le comportement de celle-ci sur le marché du CR. Partant, la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que Dow et DDE faisaient partie d’une même entreprise au sens de
l’article 81 CE et en tenant Dow pour solidairement responsable du comportement de DDE pendant la période allant du 1^er avril 1996 au 13 mai 2002.

24 Aux points 91 à 103 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté les arguments invoqués par Dow pour remettre en cause cette conclusion. Il a en conséquence rejeté comme non fondée la seconde branche du premier moyen.

25 Par la première branche du premier moyen, Dow soutenait que l’hypothèse de la Commission selon laquelle elle aurait connu l’existence de l’entente est l’un des trois éléments sur lesquels s’est fondée cette institution pour conclure que DDE ne jouissait pas d’une position autonome sur le marché et que Dow ainsi que EI DuPont avaient exercé sur elle une influence déterminante. Cette hypothèse serait elle-même fondée sur la supposition selon laquelle le comité des membres, en discutant de la
fermeture de l’usine de production de DDE en Irlande du Nord, se serait référé à l’entente. Toutefois, Dow a affirmé n’avoir aucunement eu connaissance de l’existence de l’entente avant l’année 2003.

26 Au point 108 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté cet argument comme inopérant. Il a rappelé qu’il découle de l’analyse de la seconde branche du premier moyen que Dow, en tant qu’elle était l’une des deux sociétés mères de DDE, a exercé sur celle-ci une influence déterminante suffisante pour pouvoir orienter son comportement dans une mesure telle que ces deux sociétés ont pu être considérées comme des éléments d’une même unité sur le plan économique. Selon le Tribunal, il en ressort
également que c’est à bon droit que la Commission a imputé notamment à Dow l’infraction commise par DDE pendant la période du 1^er avril 1996 au 13 mai 2002.

27 Dow a fait valoir en outre que la Commission, en se référant à des éléments concernant sa connaissance de l’existence de l’entente qui ne figuraient pas dans la communication des griefs, a violé son droit à être entendue, la privant ainsi de la possibilité d’expliquer quel avait été l’objet des discussions au sein du comité des membres et de fournir le procès-verbal de la réunion en cause.

28 Ces arguments ont été rejetés comme non fondés aux points 109 à 112 de l’arrêt attaqué. Le Tribunal a notamment relevé que la Commission n’avait pas opposé à Dow, dans la décision litigieuse, des éléments concernant sa connaissance de l’existence de l’entente dont elle n’aurait pas été informée et que cette dernière a pu faire valoir utilement ses arguments à cet égard dans le cadre de la procédure administrative. Dans ces circonstances, le Tribunal a considéré que la violation alléguée des
droits de la défense n’était pas établie.

29 Par son second moyen, Dow a soutenu notamment que, en augmentant de 10 % le montant de l’amende qui lui a été infligée, la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation des faits et avait violé le principe d’égalité de traitement.

30 Pour rejeter ces arguments, le Tribunal, au point 153 de l’arrêt attaqué, a relevé, notamment, que le point 30 des lignes directrices pour le calcul des amendes prévoit que «[l]a Commission portera une attention particulière au besoin d’assurer que les amendes présentent un effet suffisamment dissuasif; à cette fin, elle peut augmenter l’amende à imposer aux entreprises dont le chiffre d’affaires, au-delà des biens et services auxquelles l’infraction se réfère, est particulièrement
important».

31 S’agissant de l’argument de Dow selon lequel elle aurait été victime d’une violation du principe d’égalité de traitement en raison du fait qu’elle a été traitée différemment d’une autre entreprise visée dans une décision antérieure de la Commission et d’une erreur manifeste d’appréciation de cette dernière à cet égard, le Tribunal, au point 156 de l’arrêt attaqué, a rappelé que, dans le cadre du calcul du montant des amendes infligées au titre de l’article 23, paragraphes 2 et 3, du
règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [81 CE] et [82 CE] (JO 2003, L 1, p. 1), le juge de l’Union a reconnu que, afin d’atteindre l’objectif de dissuasion, un certain traitement différencié entre les entreprises visées par une décision de la Commission est inhérent à l’application de la méthode choisie par lesdites lignes directrices. Considérant en outre le large pouvoir d’appréciation dont la Commission
dispose dans la fixation du montant des amendes, le Tribunal a estimé que l’erreur manifeste d’appréciation alléguée n’est pas non plus établie.

32 Aucun des deux moyens invoqués par Dow devant le Tribunal au soutien de son recours n’étant susceptible de prospérer, celui-ci a été rejeté.

Les conclusions des parties

33 Dow demande à la Cour:

– à titre principal, d’annuler l’arrêt attaqué ainsi que la décision litigieuse en ce qu’ils la concernent;

– à titre subsidiaire, d’annuler l’arrêt attaqué en ce qu’il rejette la demande de réduction de l’amende qui lui a été infligée ainsi que, par voie de conséquence, de réduire le montant de celle-ci, et

– de condamner la Commission aux dépens.

34 La Commission demande à la Cour:

– de rejeter le pourvoi ainsi que la demande d’annulation de la décision litigieuse et

– de condamner Dow aux dépens tant de la présente instance que de la procédure devant le Tribunal.

Sur le pourvoi

35 À l’appui de son pourvoi, Dow soulève deux moyens. Par le premier moyen, elle considère que le Tribunal a commis une erreur de droit en lui imputant l’infraction commise par DDE. Par le second moyen, elle invoque une erreur de droit relative à l’augmentation de 10 % du montant de l’amende qui lui a été infligée.

Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit en ce qui concerne l’imputation de l’infraction à Dow

Argumentation des parties

36 Par la première branche du premier moyen, Dow reproche au Tribunal d’avoir confirmé, au point 89 de l’arrêt attaqué, que, «en tant qu’une des sociétés mères de DDE», elle avait exercé une influence déterminante sur le comportement de celle-ci sur le marché du CR. Ce faisant, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en interprétant de manière erronée les notions de «même unité économique», d’«une seule entreprise» et de «l’existence d’une influence déterminante».

37 En premier lieu, Dow souligne que le fait de considérer que, lorsque deux sociétés mères exercent conjointement une influence sur une entreprise commune, elles constituent avec cette dernière une seule unité économique et une seule entreprise est incompatible avec les notions de «même unité économique» et de «seule entreprise» visées au point 59 de l’arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission (C‑97/08 P, Rec. p. I‑8237). Cela conduirait, selon Dow, au paradoxe fondamental selon
lequel elle ferait simultanément partie de plusieurs entreprises, qui comprendraient toutes des entreprises communes et leurs sociétés mères.

38 À cet égard, Dow fait valoir que le Tribunal a affirmé à tort, aux points 98 et 99 de l’arrêt attaqué, qu’elle formait «une seule unité économique du point de vue de l’objet de l’accord en cause» avec EI DuPont et DDE. Dow soutient que le Tribunal a développé une approche déjà adoptée, notamment, dans son arrêt du 27 septembre 2006, Avebe/Commission (T‑314/01, Rec. p. II‑3085, points 136 à 141), selon laquelle les deux sociétés mères, qui participaient respectivement à concurrence de 50 %
dans leur filiale, et leur entreprise commune formaient une seule unité économique du point de vue de l’objet de l’accord en cause, dans le cadre duquel le comportement infractionnel de la filiale est imputable à ses sociétés mères qui en sont responsables du fait du contrôle effectif de la politique commerciale de cette dernière. Selon elle, la question de savoir si une entreprise commune et ses sociétés mères forment «une seule unité économique» ne relève pas, contrairement à ce que fait valoir le
Tribunal, du pouvoir d’appréciation ou d’un examen des faits que la Commission peut modifier au cas par cas.

39 En deuxième lieu, Dow considère qu’il est impossible pour les sociétés mères d’une entreprise commune d’exercer une «influence déterminante» dès lors que leur contrôle conjoint ne leur donne que le pouvoir négatif de rejeter les décisions stratégiques proposées par les actionnaires de l’entreprise détenue en commun. En effet, la condition établie par la jurisprudence de la Cour, selon laquelle le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant
une personnalité juridique distincte, «cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère», ne serait pas remplie dans le cas où seul un contrôle négatif est exercé sur une entreprise commune.

40 Par ailleurs, Dow reproche au Tribunal d’avoir jugé, au point 101 de l’arrêt attaqué, que le pouvoir de contrôle détenu par la société mère entraîne la responsabilité de s’assurer que sa filiale se conforme aux règles du droit de la concurrence dans l’Union (ci-après le «droit de la concurrence»). À cet égard, elle affirme qu’il n’existe aucune présomption selon laquelle un actionnaire qui n’exercerait qu’un contrôle en commun aurait le pouvoir d’imposer une politique de conformité à ce
droit.

41 En outre, Dow soutient que c’est à tort que le Tribunal a considéré, au même point 101, que, étant donné que les gains éventuels résultant des activités illégales bénéficient aux actionnaires, il ne paraît pas inéquitable de faire porter à ceux qui disposent du pouvoir de contrôle la responsabilité des activités commerciales illégales de leurs filiales. Dow précise à cet égard que les gains générés par une entreprise commune impliquée dans une entente bénéficient non pas aux actionnaires,
mais à cette dernière. De même, les pertes résultant d’une entente affecteraient l’entreprise commune. Le fait de rendre les actionnaires solidairement responsables pour le paiement des amendes les exposerait à une perte ne correspondant pas à ces bénéfices. En outre, la participation indirecte des sociétés mères auxdits bénéfices ne saurait constituer le fondement juridique de la responsabilité en l’absence d’une influence déterminante.

42 En troisième lieu, Dow conteste la constatation du Tribunal, au point 93 de l’arrêt attaqué, selon laquelle le fait que DDE a été créée en tant qu’unité économique autonome au sens de l’article 3, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises («le règlement CE sur les concentrations») (JO L 24, p. 1), n’implique pas qu’elle ne peut pas être sous l’influence déterminante de ses sociétés mères aux fins de
l’application de l’article 81 CE. Dow souligne que, étant donné, d’une part, que l’influence déterminante peut être étendue à la gestion quotidienne d’une filiale et, d’autre part, qu’une entreprise commune de plein exercice jouit d’une autonomie en ce qui concerne sa gestion quotidienne, il est moins probable qu’une société mère de cette entreprise commune exerce une influence déterminante.

43 À cet égard, Dow soutient que le fait qu’une entreprise commune et ses sociétés mères sont réputées former une seule unité économique est en contradiction avec le cadre juridique établi par le règlement CE sur les concentrations, selon lequel le passage d’un contrôle conjoint à un contrôle exclusif doit être considéré comme une concentration devant faire l’objet d’une notification et indique explicitement que l’éventuelle dimension de coopération entre les sociétés mères d’une entreprise
commune doit être examinée à la lumière de l’article 81 CE.

44 En quatrième lieu, Dow prétend que le Tribunal lui a imputé la responsabilité du comportement de DDE sans vérifier si elle avait effectivement exercé sur celle-ci une influence déterminante. Elle estime que, aux points 77, 87, 107 et 155 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a pas fait de distinction entre la capacité d’exercer une influence déterminante et l’exercice effectif de celle-ci, erreur qui aurait compromis l’appréciation des faits par le Tribunal.

45 D’une part, Dow reproche au Tribunal de ne pas avoir examiné les arguments selon lesquels les trois anciens hauts dirigeants nommés au sein de DDE n’occupaient pas de postes à un niveau élevé de responsabilité, qu’ils n’étaient pas tenus de lui faire un rapport, que, à la suite de la création de DDE, ces hauts dirigeants ne faisaient plus partie du personnel de Dow et qu’ils n’ont jamais repris leurs anciens postes au sein de cette entreprise lors de la dissolution de DDE.

46 D’autre part, elle considère que, contrairement à ce que fait valoir le Tribunal aux points 86 à 88 de l’arrêt attaqué, la décision de fermeture de l’usine de Maydown, la mise en œuvre de l’accord instituant une société à responsabilité limitée, conclu entre Dow, EI DuPont Wenben Inc. et DuPont Elastomers Inc. et l’instruction relative à l’organisation d’une enquête interne ne constituent pas des indices permettant d’établir que les sociétés mères ont exercé une influence déterminante sur le
comportement de DDE sur le marché du CR.

47 La Commission considère que la première branche de ce moyen est en partie irrecevable et doit, en tout état de cause, être rejetée comme non fondée.

48 Par la seconde branche de son premier moyen, Dow invoque une violation des droits de la défense en ce que le Tribunal a conclu, au point 112 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’a pas violé ces droits en considérant qu’elle avait connaissance de l’existence de l’entente sans qu’elle ait été informée de ce soupçon pour qu’elle puisse y répondre avant l’adoption de la décision litigieuse.

49 La Commission conclut au rejet de ce moyen.

Appréciation de la Cour

50 S’agissant de la première branche du premier moyen, relative à l’imputation de l’infraction à Dow, celle-ci considère, en substance, que, en confirmant, au point 89 de l’arrêt attaqué, qu’elle avait exercé une influence déterminante sur le comportement de DDE sur le marché du CR, le Tribunal a méconnu les notions de «même unité économique», de «seule entreprise» et de l’«existence d’une influence déterminante».

51 À cet égard, il résulte des points 89, 98 et 99 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a considéré que Dow formait une même unité économique avec DDE en raison de l’influence déterminante qu’elle a exercée sur le comportement de cette dernière sur ledit marché.

52 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces
deux entités juridiques (arrêts Akzo Nobel e.a./Commission, précité, points 58 et 72, ainsi que du 19 juillet 2012, Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission et Commission/Alliance One International e.a., C‑628/10 P et C‑14/11 P, non encore publié au Recueil, point 43).

53 En effet, dans une telle situation, la société mère et sa filiale faisant partie d’une même unité économique et formant ainsi une seule entreprise au sens de l’article 81 CE, la Commission peut adresser une décision infligeant des amendes à la société mère sans qu’il soit requis d’établir l’implication personnelle de cette dernière dans l’infraction (voir arrêts précités Akzo Nobel e.a./Commission, point 59, ainsi que Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission et
Commission/Alliance One International e.a., point 44).

54 La Cour a précisé qu’il convient de prendre en compte l’ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent cette filiale à la société mère, lesquels peuvent varier selon les cas et ne sauraient donc faire l’objet d’une énumération exhaustive (voir, en ce sens, arrêts Akzo Nobel e.a./Commission, précité, point 74, ainsi que du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, Rec. p. I‑8947, point 58).

55 Le Tribunal a donc rappelé, aux points 73 et 75 de l’arrêt attaqué, la jurisprudence précisant les critères permettant d’imputer à une société mère l’infraction commise en matière de concurrence par sa filiale. Il a considéré à bon droit que, afin de pouvoir imputer le comportement d’une filiale à la société mère, la Commission ne saurait se contenter de constater que la société mère est en mesure d’exercer une influence déterminante sur le comportement de sa filiale, mais doit également
vérifier si cette influence a effectivement été exercée (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 1983, AEG-Telefunken/Commission, 107/82, Rec. p. 3151, point 50).

56 Il importe de rappeler à cet égard que le principe selon lequel il convient de vérifier si la société mère a effectivement exercé une influence déterminante sur sa filiale ne s’applique que lorsque cette dernière n’est pas détenue à 100 % par sa société mère. En effet, selon une jurisprudence constante de la Cour, en cas de détention de la totalité du capital de la filiale, il n’y a plus lieu de procéder à une telle vérification puisque, dans ce cas, joue la présomption d’influence
déterminante de la société mère qu’il incombe à cette dernière de renverser (voir arrêt Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission et Commission/Alliance One International e.a., précité, points 46 ainsi que 47 et jurisprudence citée).

57 Plus précisément, quant à l’allégation selon laquelle le Tribunal a méconnu les notions de «même unité économique» et d’«une seule entreprise», force est de constater qu’il a, au point 73 de l’arrêt attaqué, rappelé la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle la notion d’entreprise, placée dans un contexte de droit de la concurrence, doit être comprise comme désignant une unité économique du point du vue de l’objet de l’accord en cause même si, du point de vue juridique, cette unité
économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales (arrêts du 12 juillet 1984, Hydrotherm Gerätebau, 170/83, Rec. p. 2999, point 11; du 14 décembre 2006, Confederación Española de Empresarios de Estaciones de Servicio, C‑217/05, Rec. p. I‑11987, point 40, ainsi que Akzo Nobel e.a./Commission, précité, point 55).

58 Dans le cas où deux sociétés mères détiennent chacune 50 % de l’entreprise commune ayant commis une infraction aux règles du droit de la concurrence, c’est uniquement aux fins de la constatation de la responsabilité pour la participation à l’infraction à ce droit et seulement dans la mesure où la Commission a démontré, sur la base d’un ensemble d’éléments factuels, l’exercice effectif de l’influence déterminante des deux sociétés mères sur l’entreprise commune, que ces trois entités peuvent
être considérées comme faisant partie d’une unité économique formant ainsi une seule entreprise au sens de l’article 81 CE.

59 Il convient donc de constater que, dans le cadre de la vérification de l’appréciation effectuée par la Commission, le Tribunal n’a pas méconnu les notions de «même unité économique», de «seule entreprise» et de l’«existence d’une influence déterminante».

60 Dow invoque également au soutien de la première branche de son premier moyen divers arguments selon lesquels, d’une part, dans la mesure où le contrôle conjoint exercé par des sociétés mères sur leur entreprise commune ne leur donne qu’un pouvoir négatif de bloquer les décisions stratégiques de cette dernière, ce contrôle ne peut pas impliquer l’existence d’une influence déterminante de la société mère sur la filiale et, d’autre part, il n’existe aucune présomption selon laquelle un
actionnaire qui n’exercerait qu’un contrôle en commun aurait le pouvoir d’imposer une politique de conformité aux règles du droit de la concurrence. À cet égard, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort du point précédent, ce n’est pas sur le seul fondement de la possibilité d’un contrôle conjoint des sociétés mères sur leur filiale que le Tribunal a constaté l’existence d’une influence déterminante de Dow sur cette dernière, mais qu’il s’est fondé sur sa propre appréciation des facteurs
économiques, organisationnels et juridiques qui unissaient DDE à ses deux sociétés mères, tels qu’ils ont été constatés par la Commission dans sa décision du 5 décembre 2007.

61 À cet égard, il suffit de rappeler que, dès lors que la Commission a constaté l’existence d’une influence déterminante de Dow sur le comportement de DDE sur la base d’éléments qui, sauf dénaturation, ne sauraient être mis en cause au stade du pourvoi, de tels arguments doivent être considérés comme non fondés.

62 En ce qui concerne la critique du point 101 de l’arrêt attaqué, telle que rappelée au point 41 du présent arrêt, relative aux gains éventuels résultant des activités illégales de l’entreprise commune, il suffit de constater que, dans la mesure où la responsabilité de Dow repose sur l’exercice effectif d’une influence déterminante, le développement du Tribunal à ce point 101 constitue un motif surabondant.

63 Or, selon une jurisprudence constante de la Cour, les griefs dirigés contre des motifs surabondants d’une décision du Tribunal ne sauraient entraîner l’annulation de cette décision et sont donc inopérants (voir, notamment, ordonnance du 20 janvier 2009, Mebrom/Commission, C‑374/07 P, point 57, et arrêt du 29 mars 2011, Anheuser-Busch/Budějovický Budvar, C‑96/09 P, Rec. p. I‑2131, point 211).

64 Pour ce qui est de l’argument de Dow, énoncé au point 42 du présent arrêt, selon lequel l’approche du Tribunal est incompatible avec le règlement CE sur les concentrations, il convient de souligner que, d’une part, une influence déterminante d’une ou de plusieurs sociétés mères n’est pas nécessairement liée à la gestion quotidienne d’une filiale et, d’autre part, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 54 du présent arrêt, les preuves d’une telle influence doivent être
appréciées au regard de l’ensemble des liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent la société mère et sa filiale.

65 Or, force est de constater que le Tribunal a, en l’espèce, déduit de l’ensemble des preuves, notamment du contrôle exercé par les deux sociétés mères de DDE sur les décisions commerciales stratégiques de celle-ci, que ces sociétés exerçaient effectivement une influence déterminante. Partant, c’est à bon droit qu’il a relevé, au point 93 de l’arrêt attaqué, que l’autonomie dont jouit une entreprise commune au sens de l’article 3, paragraphe 4, du règlement CE sur les concentrations ne
signifie pas que cette entreprise commune jouit également d’une autonomie en ce qui concerne l’adoption de décisions stratégiques et qu’elle n’est donc pas sous l’influence déterminante de ses sociétés mères au regard de l’article 81 CE.

66 Par conséquent, il y a lieu de relever que, contrairement à ce qu’affirme Dow, la constatation du Tribunal, au point 93 de l’arrêt attaqué, n’est pas incompatible avec le règlement CE sur les concentrations.

67 Quant à l’argument relatif à l’absence de vérification par le Tribunal de l’exercice effectif d’une influence déterminante, il incombe en principe à la Commission, ainsi que ce dernier l’a rappelé au point 76 de l’arrêt attaqué, de démontrer, sur la base d’un ensemble d’éléments factuels, au nombre desquels figure, en particulier, l’éventuel pouvoir de direction de l’une de ces entités à l’égard de l’autre, que la société mère exerce effectivement une influence déterminante sur sa filiale.

68 Or, aux points 86 à 89 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté qu’il ressort de la décision litigieuse que la Commission ne s’est appuyée sur aucune présomption d’influence déterminante pour l’appréciation de l’exercice effectif d’une telle influence par les sociétés mères sur l’entreprise commune. Contrairement à ce que soutient Dow, le Tribunal a examiné attentivement les éléments de preuve sur lesquels la Commission a fondé sa conclusion quant à l’existence du pouvoir décisionnel de
Dow sur la politique commerciale de DDE, plus particulièrement aux points 81, 82 et 85 à 88 de l’arrêt attaqué.

69 Dès lors, le Tribunal a apprécié les circonstances concrètes de l’espèce et a conclu, aux points 95, 98 et 100 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’avait pas commis d’erreur de droit en constatant que Dow, en tant qu’elle était l’une des deux sociétés mères de DDE, avait effectivement exercé une influence déterminante sur le comportement de celle-ci sur le marché du CR.

70 Pour ce qui est des arguments tirés de l’appréciation par le Tribunal, aux points 85 à 88 de l’arrêt attaqué, de la nomination des hauts dirigeants de DDE, de la décision de fermeture de l’usine de Maydown, de la mise en œuvre de l’accord visé au point 46 du présent arrêt et de l’instruction visant à organiser une enquête interne, il suffit de constater qu’ils tendent à obtenir un réexamen par la Cour de l’appréciation opérée par le Tribunal des preuves sur lesquelles s’est appuyée la
Commission.

71 À cet égard, il convient de rappeler qu’il résulte des articles 256 TFUE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le Tribunal est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. Lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est compétente pour exercer, en vertu
de l’article 256 TFUE, un contrôle sur la qualification juridique de ces faits et les conséquences de droit qui en ont été tirées par le Tribunal (arrêts du 6 avril 2006, General Motors/Commission, C‑551/03 P, Rec. p. I‑3173, point 51; du 29 mars 2011, ThyssenKrupp Nirosta/Commission, C‑352/09 P, Rec. p. I‑2359, point 179, ainsi que du 28 juillet 2011, Diputación Foral de Vizcaya e.a./Commission, C‑471/09 P à C‑473/11 P, points 54 et 55).

72 La Cour a également précisé que l’appréciation des faits ne constitue pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (arrêts du 18 mai 2006, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, C‑397/03 P, Rec. p. I‑4429, point 85, ainsi que ThyssenKrupp Nirosta/Commission, précité, point 180).

73 Aucune dénaturation n’ayant été alléguée par Dow en l’occurrence, ledit argument doit par conséquent être considéré comme irrecevable.

74 Il s’ensuit que la première branche du premier moyen doit être considérée comme étant en partie non fondée, en partie inopérante et en partie irrecevable.

75 En ce qui concerne la seconde branche du premier moyen, tirée de la violation des droits de la défense, il suffit de répondre que le Tribunal ayant constaté à bon droit, aux points 105 à 108 de l’arrêt attaqué, que la Commission a établi à suffisance de droit que Dow avait exercé une influence déterminante sur le comportement de DDE, il en résulte que l’argument selon lequel Dow a eu connaissance de l’infraction ne constituait qu’un élément supplémentaire qui, même à supposer recevable, ne
saurait être de nature à infirmer cette constatation. Par conséquent, les considérations développées à cet égard par le Tribunal constituent des motifs surabondants.

76 Or, selon une jurisprudence constante de la Cour rappelée au point 63 du présent arrêt, les griefs dirigés contre des motifs surabondants d’une décision du Tribunal ne sauraient entraîner l’annulation de cette décision et sont donc inopérants.

77 Par conséquent, il y a lieu d’écarter la seconde branche du premier moyen comme inopérante.

78 Il résulte de l’ensemble des éléments qui précèdent que le premier moyen invoqué par Dow au soutien de son pourvoi doit être rejeté comme étant en partie non fondé, en partie irrecevable et en partie inopérant.

Sur le second moyen, tiré d’une erreur de droit s’agissant de la majoration de l’amende de 10 % dans un but dissuasif

Argumentation des parties

79 Dow fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que la Commission n’a pas enfreint le principe d’égalité de traitement en ce qui concerne la majoration de 10 % de l’amende dans un but dissuasif, majoration qui n’a pas été appliquée à EI DuPont ni à DDE. Si, comme l’affirme le Tribunal, ces dernières formaient une seule entreprise avec Dow, le même coefficient multiplicateur aurait dû être appliqué à toutes les entités juridiques qui font partie de cette
entreprise.

80 La Commission estime que, dès lors qu’il n’a pas été soulevé en première instance, ce moyen est irrecevable et serait, en tout état de cause, inopérant.

Appréciation de la Cour

81 Par son argumentation, Dow critique, en substance, la majoration de l’amende de 10 % qui lui a été infligée dans un but dissuasif. Or, devant le Tribunal, elle n’a pas présenté d’arguments tels que celui résumé au point 79 du présent arrêt. En effet, en première instance, elle a contesté la légalité du coefficient multiplicateur qui lui a été appliqué en vertu du point 30 des lignes directrices pour le calcul des amendes. À cette fin, Dow a invoqué plusieurs arguments, dont aucun, toutefois,
n’était lié à une prétendue discrimination fondée sur le fait que le coefficient multiplicateur de l’amende qui lui a été infligée n’est pas le même que celui qui a été appliqué à EI DuPont ni à DDE. Au contraire, Dow a soutenu, devant le Tribunal, qu’elle a été traitée différemment des entreprises visées par une autre décision de la Commission, à savoir la décision C(2007) 5469 final, du 20 novembre 2007, relative à une procédure d’application de l’article [81 CE] et de l’article 53 de l’accord EEE
(Affaire COMP/38.432 − Bandes vidéo professionnelles).

82 Or, ainsi que le relève à bon droit la Commission, permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour un moyen et des arguments qu’elle n’a pas soulevés devant le Tribunal reviendrait à l’autoriser à saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est donc limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens
et aux arguments débattus devant les premiers juges (arrêt Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission et Commission/Alliance One International e.a., précité, point 111 et jurisprudence citée).

83 Il découle de ce qui précède que le second moyen doit être rejeté comme étant irrecevable.

84 Aucun des deux moyens invoqués par Dow au soutien de son pourvoi ne pouvant être accueilli, celui-ci doit être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

85 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu du paragraphe 1 dudit article 184, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de Dow et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux
dépens.

Par ces motifs, la Cour déclare et arrête:

1) Le pourvoi est rejeté.

2) The Dow Chemical Company est condamnée aux dépens.

Signatures

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* Langue de procédure: l’anglais.


Synthèse
Formation : Neuvième chambre
Numéro d'arrêt : C‑179/12 P
Date de la décision : 26/09/2013
Type d'affaire : Pourvoi - irrecevable, Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours contre une sanction, Recours en annulation

Analyses

Pourvoi – Concurrence – Ententes – Marché du caoutchouc chloroprène – Fixation des prix et répartition du marché – Infraction à l’article 81 CE – Imputabilité du comportement infractionnel d’une filiale à sa société mère – Contrôle conjoint par deux sociétés mères – Influence déterminante – Droits de la défense – Majoration de l’amende – Effet dissuasif.

Pratiques concertées

Ententes

Concurrence


Parties
Demandeurs : The Dow Chemical Company
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mengozzi
Rapporteur ?: Lõhmus

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2013:605

Source

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