ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)
17 septembre 2013 ( *1 )
«Recours en annulation — Adoption définitive du budget général de l’Union pour l’exercice 2011 — Acte du président du Parlement constatant cette adoption définitive — Article 314, paragraphe 9, TFUE — Établissement par le Parlement et le Conseil du budget annuel de l’Union — Article 314, premier alinéa, TFUE — Principe de l’équilibre institutionnel — Principe d’attribution des pouvoirs — Devoir de coopération loyale — Respect des formes substantielles»
Dans l’affaire C‑77/11,
ayant pour objet un recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE, introduit le 14 février 2011,
Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. G. Maganza et M. Vitsentzatos, en qualité d’agents,
partie requérante,
soutenu par:
Royaume d’Espagne, représenté par Mme N. Díaz Abad, en qualité d’agent,
partie intervenante,
contre
Parlement européen, représenté par MM. C. Pennera et R. Passos ainsi que par Mme D. Gauci et M. R. Crowe, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LA COUR (grande chambre),
composée de M. V. Skouris, président, M. K. Lenaerts, vice-président, MM. M. Ilešič, L. Bay Larsen, T. von Danwitz, A. Rosas et Mme M. Berger, présidents de chambre, MM. E. Levits, A. Ó Caoimh, J.‑C. Bonichot, A. Arabadjiev, Mme C. Toader, MM. J.‑J. Kasel (rapporteur), M. Safjan et D. Šváby, juges,
avocat général: M. Y. Bot,
greffier: M. V. Tourrès, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 mai 2013,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 28 mai 2013,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours, le Conseil de l’Union européenne demande l’annulation de l’acte 2011/125/UE, Euratom du président du Parlement européen, du 15 décembre 2010, par lequel ce dernier constate que la procédure budgétaire engagée en application de l’article 314 TFUE est achevée et que, partant, le budget général de l’Union européenne pour l’exercice 2011 est définitivement adopté (JO 2011, L 68, p. 1, ci-après l’«acte attaqué»).
Le cadre juridique
2 Aux termes de l’article 14, paragraphe 1, TUE, «[l]e Parlement européen exerce, conjointement avec le Conseil, les fonctions législative et budgétaire [...]». De façon symétrique, l’article 16, paragraphe 1, TUE prévoit que «[l]e Conseil exerce, conjointement avec le Parlement européen, les fonctions législative et budgétaire [...]».
3 L’article 314 TFUE définit les étapes et les échéances à respecter au cours de la procédure budgétaire. Le Parlement dispose désormais des mêmes pouvoirs que le Conseil sur l’ensemble des crédits budgétaires. De surcroît, ce dernier ne peut pas imposer un budget en l’absence de l’accord du Parlement. En revanche, ainsi qu’il résulte de l’article 314, paragraphe 7, TFUE, le Parlement dispose de la possibilité, dans certaines circonstances, c’est-à-dire avec des contraintes de vote significatives,
d’avoir le dernier mot et de clore la procédure budgétaire sans l’accord du Conseil.
4 Les dispositions de l’article 314 TFUE qui sont plus particulièrement en cause dans le cadre du présent recours sont le premier alinéa et le paragraphe 9 de cet article.
5 Aux termes de l’article 314, premier alinéa, TFUE, «[l]e Parlement [...] et le Conseil, statuant conformément à une procédure législative spéciale, établissent le budget annuel de l’Union [...]».
6 Quant à l’article 314, paragraphe 9, TFUE, il dispose que, «[l]orsque la procédure prévue au présent article est achevée, le président du Parlement […] constate que le budget est définitivement adopté».
Les antécédents du litige et l’acte attaqué
7 Le 15 décembre 2009, le Conseil avait rappelé au Parlement sa prérogative sur le fondement du traité FUE en tant que coauteur de l’acte législatif établissant le budget en proposant de signer conjointement avec le président du Parlement l’acte établissant ce budget.
8 Le président du Parlement, nonobstant la demande du Conseil, a procédé seul, le 17 décembre 2009, à l’adoption et à la signature du budget annuel de l’Union pour l’exercice 2010.
9 Le 12 novembre 2010, dans le cadre de la procédure budgétaire relative à l’exercice 2011, le président du Conseil a adressé au président du Parlement une lettre dans laquelle il a exposé que, à la suite de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le président du Conseil et le président du Parlement devaient cosigner l’acte établissant le budget annuel de l’Union dans la mesure où ces deux institutions sont coauteurs de cet acte. Ledit acte devrait être distingué de l’acte du président du
Parlement constatant, conformément à l’article 314, paragraphe 9, TFUE, que le budget est définitivement adopté.
10 Le 10 décembre 2010, le Conseil a adopté sa position concernant le projet de budget pour l’exercice 2011. Il a annexé à cette position un projet de décision du Parlement et du Conseil établissant le budget général de l’Union pour l’exercice 2011.
11 Par lettre du 14 décembre 2010, reçue par le Conseil le 17 décembre 2010, le président du Parlement a confirmé qu’il ne pouvait pas partager l’opinion du Conseil selon laquelle l’acte établissant le budget de l’Union devrait être signé par les présidents de ces deux institutions.
12 Le 15 décembre 2010, à la suite du vote du budget pour l’exercice 2011 par le Parlement en session plénière, le président du Conseil a fait la déclaration selon laquelle «le Parlement vient [...] d’approuver la position du Conseil sur le projet 2011 sans amendements. Je ne peux évidemment, au nom du Conseil, que me féliciter de notre accord commun sur le budget 2011».
13 Le même jour, le président du Conseil a adressé au président du Parlement une lettre dans laquelle il s’est félicité du vote positif du Parlement sur le projet de budget pour l’exercice 2011 et a rappelé que le traité FUE dispose que le budget est établi par le Parlement et par le Conseil. Il a joint en annexe de cette lettre un projet de décision du Parlement et du Conseil établissant le budget général de l’Union pour l’exercice 2011, signé par lui-même et destiné à être aussi signé par le
président du Parlement.
14 Le 15 décembre 2010 également, l’acte attaqué a été adopté. L’article unique de cet acte, signé par le seul président du Parlement, dispose que «[l]a procédure engagée en application de l’article 314 TFUE est achevée, et le budget général de l’Union [...] pour l’exercice 2011 est définitivement adopté».
Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour
15 Le Conseil demande à la Cour:
— d’annuler l’acte attaqué;
— de considérer les effets du budget de l’Union pour l’exercice 2011 comme définitifs jusqu’à ce que ce budget soit établi par un acte législatif conforme aux traités, et
— de condamner le Parlement aux dépens.
16 Le Parlement demande à la Cour:
— de rejeter le recours du Conseil, et
— de condamner le Conseil aux dépens.
17 Par ordonnance du président de la Cour du 29 juin 2011, le Royaume d’Espagne a été admis à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.
Sur le recours
Argumentation des parties
18 Au soutien de son recours, le Conseil fait valoir que le traité de Lisbonne a considérablement modifié la procédure budgétaire, faisant du Parlement et du Conseil des partenaires égaux notamment par la suppression de la distinction entre dépenses obligatoires et dépenses non obligatoires et en limitant à une seule lecture le projet de budget par les deux institutions concernées.
19 Aux yeux du Conseil, le principal changement intervenu tient à l’article 314, premier alinéa, TFUE. Cette disposition, lue avec d’autres dispositions des traités, requerrait désormais, en fin de procédure, l’adoption conjointe d’un acte législatif portant la signature des présidents des deux institutions concernées.
20 De ce fait, la pratique en vigueur sous le traité instituant la Communauté européenne selon laquelle le président du Parlement constate seul la fin de la procédure budgétaire, n’aurait plus cours.
21 Le Conseil articule sa requête autour de quatre moyens. Le premier moyen est tiré de l’absence d’un acte législatif établissant le budget annuel de l’Union cosigné par les présidents des deux institutions concernées en violation des articles 288 TFUE, 289 TFUE, 296 TFUE et 314 TFUE. Le deuxième moyen est tiré du non-respect du principe de l’équilibre institutionnel établi par l’article 314 TFUE. Le troisième moyen est tiré de la violation du principe d’attribution des pouvoirs et du devoir de
coopération loyale inscrit à l’article 13, paragraphe 2, TUE. Le quatrième moyen, présenté à titre subsidiaire, est tiré de la violation des formes substantielles.
22 En premier lieu, le Conseil considère que le budget annuel de l’Union ainsi que les budgets rectificatifs doivent désormais, en application de la réforme résultant du traité de Lisbonne, être établis par un acte législatif commun. Ce faisant, le Conseil considère comme étant obsolète la jurisprudence résultant de l’arrêt du 3 juillet 1986, Conseil/Parlement (34/86, Rec. p. 2155), et en particulier le point 8 de cet arrêt où la Cour a jugé que c’est le président du Parlement qui constate
formellement que la procédure budgétaire a été menée à son terme par l’adoption définitive du budget et qui confère ainsi force obligatoire au budget à l’égard tant des institutions que des États membres.
23 Pour le Conseil, il ressort clairement de l’article 314 TFUE que le Parlement et le Conseil, en établissant le budget, statuent désormais «conformément à une procédure législative spéciale». Cette dernière devrait déboucher, selon l’article 289, paragraphe 3, TFUE, sur l’adoption d’un acte législatif. Cet acte devrait prendre la forme d’un règlement, d’une directive voire d’une décision, conformément aux articles 288 TFUE et 289, paragraphe 2, TFUE.
24 De surcroît, le Conseil déduit de l’égalité des pouvoirs attribués aux deux institutions qu’il s’agit en l’espèce d’une procédure législative spéciale particulière dans la mesure où elle comporte deux acteurs principaux.
25 Le Conseil rappelle que, à l’instar de la procédure législative ordinaire figurant à l’article 294 TFUE, l’article 314 TFUE prévoit explicitement pour le budget annuel de l’Union l’accord des deux institutions sur un texte commun établi au sein du comité de conciliation.
26 En application de l’article 297, paragraphe 1, deuxième alinéa, TFUE, les actes arrêtés conformément à une procédure législative spéciale seraient, en principe, signés par le président de l’institution qui les a adoptés. S’agissant, pour ce qui est du budget annuel de l’Union, d’une œuvre commune, l’acte conclusif devrait donc forcément porter la signature des présidents des deux institutions concernées.
27 Il en résulterait que l’acte du président du Parlement constatant l’adoption définitive du budget annuel de l’Union ne saurait constituer un acte législatif sous l’égide du traité FUE.
28 En deuxième lieu, le Conseil considère que le président du Parlement, en signant seul le budget pour l’exercice 2011, a violé l’équilibre institutionnel nouveau créé par l’article 314 TFUE. En d’autres termes, le président du Parlement aurait agi ultra vires.
29 En troisième lieu, le Conseil rappelle les efforts déployés par lui pour trouver une solution mutuellement acceptable. Le président du Parlement, en ignorant ces efforts, aurait manqué à son devoir de coopération loyale qui doit présider aux rapports entre institutions conformément à l’article 13, paragraphe 2, TUE.
30 En quatrième lieu, le Conseil considère que l’acte attaqué doit être annulé pour violation des formes substantielles. En effet, le Conseil fait valoir que cet acte est intervenu en l’absence d’un accord sur le type d’acte devant constater l’adoption définitive du budget annuel de l’Union.
31 En toute hypothèse, et en attendant qu’il soit mis fin à l’illégalité constatée, le Conseil demande à la Cour de maintenir les effets du budget annuel de l’Union relatif à l’exercice 2011 pour l’année en cours conformément à l’article 264, second alinéa, TFUE.
32 Le Royaume d’Espagne appuie sans réserve les arguments du Conseil.
33 Le Parlement reconnaît que la procédure budgétaire voit le Parlement et le Conseil œuvrer ensemble dans le souci de parvenir à un accord. Tel aurait été le cas pour le budget annuel de l’Union portant sur l’exercice 2011. Cette coopération ne se traduirait toutefois pas in fine, à l’instar d’une procédure législative ordinaire, par un acte autonome sous la forme d’un règlement, d’une directive ou d’une décision.
34 Le Parlement rappelle que le Conseil admet lui-même que l’accord sur le projet de budget entre les deux institutions concernées n’est pas susceptible de produire à lui seul des effets juridiques.
35 Ainsi, pour permettre au budget de déployer des effets juridiques qui s’imposent tant aux institutions qu’aux États membres, il faudrait l’intervention du président du Parlement, ainsi qu’il résulte de l’article 314, paragraphe 9, TFUE. Cette intervention constituerait un acte supplémentaire, comme l’a rappelé l’avocat général Mancini dans ses conclusions dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Conseil/Parlement, précité.
36 L’acte de son président se fonde, selon le Parlement, sur un pouvoir qui est propre au président de cette institution. Il reposerait sur une appréciation de la régularité de la procédure budgétaire qui s’achève. Il s’agirait d’un acte autonome qui n’est pas l’expression d’une majorité parlementaire. Il serait assimilable à une vérification par le président du Parlement de la conformité de la procédure budgétaire avec le traité FUE.
37 Au vu de ce qui précède, le Parlement réfute l’argument du Conseil selon lequel l’article 314 TFUE impliquerait un acte législatif commun en fin de procédure dans le souci de donner au budget annuel de l’Union sa force obligatoire.
38 Si les auteurs du traité de Lisbonne avaient voulu modifier les pouvoirs du président du Parlement en fin de procédure, ils n’auraient pas maintenu à l’article 314, paragraphe 9, TFUE une disposition identique à celle de l’article 272, paragraphe 7, CE.
39 Selon le Parlement, la spécificité du budget tient à sa nature purement comptable, qui ne contient que des prévisions des recettes et des crédits qui, pour devenir des autorisations de dépenses, exigent, le moment venu, l’adoption d’un acte de base. Compte tenu de cette spécificité, le Parlement estime que le budget annuel de l’Union est adopté selon une procédure sui generis qui tient compte de la nécessité de formaliser l’adoption de celui-ci avant la fin de l’année pour éviter le «régime des
douzièmes provisoires».
40 Sur cette base, le traité FUE ne prévoirait pas que l’acte adoptant le budget comporte la signature des présidents des deux institutions concernées.
41 En rappelant la spécificité de la procédure budgétaire par rapport à une procédure législative ordinaire, le Parlement réfute la thèse selon laquelle aucune institution n’a le dernier mot sur l’autre, dans la mesure où le projet à adopter doit faire l’objet d’une codécision.
42 À ce sujet, le Parlement rappelle les termes de l’article 314, paragraphe 7, TFUE qui prévoit le cas de figure où le président du Parlement est amené à constater que le budget annuel de l’Union est adopté alors que le Conseil a rejeté le projet commun convenu à l’issue des négociations au sein du comité de conciliation.
43 Convaincu qu’il a agi conformément à la lettre et à l’esprit du traité FUE, le Parlement considère qu’il n’a en rien violé le principe d’attribution des pouvoirs. Tel aurait été en revanche le cas s’il avait acquiescé à la volonté du Conseil de conclure la procédure budgétaire par l’adoption d’un acte législatif autonome propre à la procédure législative ordinaire.
44 Enfin, le Parlement récuse l’affirmation selon laquelle il n’aurait pas respecté le devoir de coopération loyale inscrit à l’article 13, paragraphe 2, TUE compte tenu du fait que le président de cette institution avait, le 14 décembre 2010, veille du vote du budget pour l’exercice 2011 au Parlement, informé le Conseil de sa position.
45 De même, le Parlement, convaincu qu’il a respecté, à partir de l’établissement du projet commun, les termes de l’article 314, paragraphe 9, TFUE réfute le reproche qui lui est adressé par le Conseil d’une prétendue violation des formes substantielles.
Appréciation de la Cour
46 Il doit être rappelé, d’abord, que la procédure visant à l’établissement du budget de l’Union est régie par les dispositions de l’article 314 TFUE. L’article 314, premier alinéa, TFUE précise que le budget est adopté conformément à une procédure législative spéciale.
47 L’argumentation du Conseil sous-tendant ses trois premiers moyens, qui assimile la procédure budgétaire à une procédure législative ordinaire, prévue à l’article 294 TFUE, doit d’ores et déjà être rejetée. En effet, les différentes dispositions de l’article 314 TFUE établissent une procédure législative spéciale pour l’adoption du budget de l’Union, adaptée à la spécificité de ce dernier, qui se clôture par l’acte visé au paragraphe 9 de cet article. En vertu de cette dernière disposition,
«[l]orsque la procédure [visant à l’établissement du budget de l’Union] est achevée, le président du Parlement européen constate que le budget est définitivement adopté».
48 Il doit être constaté, ensuite, que l’acte attaqué est fondé sur l’article 314 TFUE et, notamment, sur le paragraphe 9 de cet article.
49 Or, il ressort des termes mêmes de l’article 314, paragraphe 9, TFUE que l’acte fondé sur cette disposition clôture la procédure d’établissement du budget de l’Union et est signé par le seul président du Parlement.
50 Il s’ensuit que, contrairement à ce que prétendent le Conseil et le Royaume d’Espagne, la procédure budgétaire prévue à l’article 314 TFUE ne se clôture pas par un acte signé conjointement par les présidents du Parlement et du Conseil. C’est l’acte fondé sur l’article 314, paragraphe 9, TFUE, par lequel le président du Parlement constate, après vérification de la régularité de la procédure, que le budget est définitivement adopté, qui constitue la phase ultime de la procédure d’adoption du budget
de l’Union et qui confère force obligatoire à celui-ci.
51 La Cour a ainsi jugé que l’acte fondé sur l’article 203, paragraphe 7, du traité CEE dont les termes correspondent à ceux de l’article 314, paragraphe 9, TFUE, d’une part, est pris par le président du Parlement en tant qu’organe de cette institution et doit donc être attribué à cette dernière et, d’autre part, confère force obligatoire au budget, à l’égard tant des institutions que des États membres (voir arrêt Conseil/Parlement, précité, point 8).
52 Le Conseil et le Royaume d’Espagne soutiennent toutefois que l’insertion, par le traité de Lisbonne, de la disposition figurant à l’article 314, premier alinéa, TFUE, selon laquelle «[l]e Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à une procédure législative spéciale, établissent le budget annuel de l’Union», affecte les effets juridiques que l’arrêt Conseil/Parlement, précité, a reconnus à l’acte du président du Parlement constatant que le budget est définitivement adopté. En effet,
en vertu de ladite disposition, le budget devrait être adopté définitivement par un acte du Parlement et du Conseil, cosigné par les présidents desdites institutions. L’acte adopté sur la base de l’article 314, paragraphe 9, TFUE ne serait qu’un acte déclaratoire adopté par le président du Parlement.
53 Une telle argumentation ne peut être accueillie.
54 La disposition de l’article 314, premier alinéa, TFUE, en affirmant que le Parlement et le Conseil établissent le budget de l’Union, rappelle que, conformément aux articles 14, paragraphe 1, TUE et 16, paragraphe 1, TUE, les fonctions budgétaires sont exercées conjointement par ces deux institutions.
55 Cependant, l’article 314, premier alinéa, TFUE précise que le budget est établi «conformément aux dispositions ci-après». Or, aucune disposition de l’article 314 TFUE ne prévoit l’adoption, à la fin de la procédure budgétaire, d’un acte qui serait cosigné par les présidents du Parlement et du Conseil.
56 Ainsi, c’est le président du Parlement, en sa qualité d’organe de cette institution, qui, par l’adoption de l’acte fondé sur l’article 314, paragraphe 9, TFUE, confère force obligatoire au budget de l’Union au terme d’une procédure caractérisée par l’action conjointe du Parlement et du Conseil (voir arrêt Conseil/Parlement, précité, point 8).
57 Le Conseil et le Royaume d’Espagne font en outre valoir que l’acte attaqué, qui a été adopté conformément à une procédure législative spéciale, est illégal dès lors qu’il ne prend pas, contrairement à ce que prévoient les articles 288 TFUE et 289, paragraphe 2, TFUE, la forme d’un règlement, d’une directive ou d’une décision.
58 Cet argument doit aussi être rejeté.
59 En effet, il doit être rappelé que l’article 314 TFUE prévoit une procédure législative spéciale adaptée à la nature du budget, qui constitue un document essentiellement comptable comportant les prévisions pour l’Union de toutes les recettes et dépenses à effectuer pendant une certaine période. Ce document est joint, après vérification par le président du Parlement de la conformité de la procédure avec les dispositions du traité FUE, à l’acte par lequel ce dernier constate, sur le fondement de
l’article 314, paragraphe 9, TFUE, que le budget est définitivement adopté.
60 Même si l’acte fondé sur l’article 314, paragraphe 9, TFUE résulte d’une procédure législative spéciale, celui-ci ne prend pas, en raison de la nature du budget, la forme d’un acte législatif proprement dit, au sens des articles 288 TFUE et 289, paragraphe 2, TFUE, mais constitue, en tout état de cause, un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE, dans la mesure où il confère force obligatoire au budget de l’Union.
61 Le Conseil allègue encore que l’acte attaqué viole les prérogatives que l’article 296, premier alinéa, TFUE lui confère. Cette disposition stipule que, «[l]orsque les traités ne prévoient pas le type d’actes à adopter, les institutions le choisissent au cas par cas, dans le respect des procédures applicables et du principe de proportionnalité». Il fait valoir à cet égard que, en l’absence de précisions à l’article 314 TFUE concernant le type d’acte par lequel le budget de l’Union est adopté, le
Parlement aurait dû se concerter à ce propos avec le Conseil. Les paramètres établis par l’article 296, premier alinéa, TFUE mèneraient à la conclusion que l’acte établissant le budget devrait être un acte cosigné par les présidents des deux institutions concernées.
62 Cet argument ne peut pas non plus être accueilli.
63 En effet, l’article 296, premier alinéa, TFUE n’est pas applicable dans le cadre de la procédure budgétaire prévue à l’article 314 TFUE dès lors que ce dernier article, et notamment son paragraphe 9, prévoit expressément que ladite procédure se clôture par l’adoption d’un acte du Parlement, signé par le président de cette institution.
64 Par ailleurs, le Conseil soutient que le président du Parlement, en adoptant l’acte attaqué, a manqué au devoir de coopération loyale qui doit régir les rapports entre les institutions. Il reproche, en particulier, au président du Parlement de ne pas avoir pris part à ses démarches visant à rechercher une solution conforme aux traités, mutuellement acceptable et respectueuse à la fois des pouvoirs des institutions et des prérogatives du président du Parlement. Il reproche aussi au président du
Parlement de ne pas avoir informé le président du Conseil, le jour du vote du budget en séance plénière, à savoir le 15 décembre 2010, alors que celui‑ci était présent lors de ce vote, de la teneur de sa lettre du 14 décembre 2010.
65 Cette argumentation ne peut pas non plus prospérer.
66 Il résulte, en effet, clairement des pièces du dossier, et notamment de la déclaration reproduite au point 12 du présent arrêt, que, le 15 décembre 2010, un accord est intervenu entre le Parlement et le Conseil sur le contenu du budget pour l’exercice 2011. La circonstance que ces deux institutions entretenaient un différend sur la formalisation de cet accord n’empêchait pas le président du Parlement de constater, le 15 décembre 2010, que la procédure engagée en application de l’article 314 TFUE
était achevée et que le budget général de l’Union pour l’exercice 2011 était définitivement adopté.
67 Dans la mesure où, conformément à l’article 314, paragraphe 9, TFUE, seul le président du Parlement est habilité à signer l’acte attaqué, la question d’une violation du devoir de coopération loyale par le président du Parlement ne se pose pas.
68 Il résulte de tout ce qui précède que les trois premiers moyens doivent être rejetés.
69 Enfin, le Conseil et le Royaume d’Espagne soutiennent, à titre subsidiaire, que l’acte attaqué doit être annulé pour violation des formes substantielles, au motif que, à partir du moment où le président du Parlement était conscient du désaccord entre le Parlement et le Conseil sur le type d’acte régissant l’adoption du budget, ledit président ne pouvait pas constater que la procédure budgétaire pour l’exercice 2011 était achevée.
70 Toutefois, dès lors que, le 15 décembre 2010, un accord était intervenu entre le Parlement et le Conseil sur le contenu du budget pour l’exercice 2011, le président du Parlement pouvait, en pleine conformité avec les dispositions de l’article 314 TFUE, adopter, ce même jour, l’acte attaqué.
71 Ce dernier moyen ne peut donc pas non plus être accueilli.
72 Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté.
Sur les dépens
73 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Parlement ayant conclu à la condamnation du Conseil et celui-ci ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de le condamner aux dépens. En application de l’article 140, paragraphe 1, du même règlement, le Royaume d’Espagne, qui est intervenu au litige, supportera ses propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête:
1) Le recours est rejeté.
2) Le Conseil de l’Union européenne est condamné aux dépens.
3) Le Royaume d’Espagne supporte ses propres dépens.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure: le français.