CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M ME JULIANE KOKOTT
présentées le 6 juin 2013 ( 1 )
Affaire C‑276/12
Jiří Sabou
contre
Finanční ředitelství pro hlavní město Prahu
[demande de décision préjudicielle formée par le Nejvyšší správní soud (République tchèque)]
«Droit fiscal — Procédure — Assistance administrative entre les États membres dans le domaine des impôts directs — Directive 77/799/CEE — Échange sur demande — Droits procéduraux du contribuable»
I – Introduction
1. De nos jours, il est difficile d’échapper au monde du football. Le football intéresse pratiquement tout le monde, même l’administration fiscale.
2. La présente demande de décision à titre préjudiciel concerne l’intérêt porté aux revenus d’un joueur de football professionnel, M. Sabou, par l’administration fiscale tchèque. Lors d’un contrôle, elle a trouvé des alliés intéressés dans les administrations fiscales d’autres États membres, qui ont procédé à une enquête auprès des clubs de football professionnels et d’une agence. Les informations des administrations fiscales alliées étaient à ce point désavantageuses pour le joueur de football
professionnel que ce dernier a attaqué les résultats des recherches, notamment parce qu’il estimait que ces recherches avaient violé ses droits procéduraux.
3. Il appartient désormais à la Cour d’examiner la portée de ces droits procéduraux d’un assujetti dans le cadre de la coopération transfrontalière des administrations fiscales des États membres. Cela exige de prendre en considération non seulement le droit secondaire applicable, mais également les droits fondamentaux d’un joueur de football professionnel. De même, les constatations de la Cour relatives aux droits procéduraux auront une importance non seulement pour les personnes intéressées par le
football, mais aussi notamment pour l’ensemble du droit fiscal et du droit de la concurrence.
II – Le cadre juridique
A – Le droit de l’Union
1. La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne
4. L’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée à Nice le 7 décembre 2000 (JO C 364, p. 1), dans sa version révisée du 12 décembre 2007 (ci-après la «Charte»), prévoit, sous l’intitulé «Droit à une bonne administration», un droit d’être entendu:
«1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l’Union.
2. Ce droit comporte notamment:
a) le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre;
[...]»
2. La directive 77/799/CEE
5. La directive 77/799/CEE ( 2 ) réglait jusqu’au 31 décembre 2012 ( 3 ) notamment l’assistance des États membres dans le domaine des impôts directs. En vertu de son article 1er, paragraphe 1, les autorités compétentes des États membres s’échangent «toutes les informations susceptibles de leur permettre l’établissement correct des impôts sur le revenu».
6. L’article 2 de la directive assistance 77/799 règle l’«[é]change sur demande»:
«1. L’autorité compétente d’un État membre peut demander à l’autorité compétente d’un autre État membre de lui communiquer les informations visées à l’article 1er, paragraphe 1, en ce qui concerne un cas précis. [...]
2. En vue de la communication des informations visées au paragraphe 1, l’autorité compétente de l’État membre requis fait effectuer, s’il y a lieu, les recherches nécessaires pour obtenir ces informations.
Pour se procurer les informations demandées, l’autorité requise, ou l’autorité administrative saisie par cette dernière, procède comme si elle agissait pour son propre compte ou à la demande d’une autre autorité de son propre État membre.»
B – Le droit tchèque
7. La directive assistance 77/799 a été transposée en droit tchèque par la loi no 253/2000 ( 4 ).
8. Selon le droit procédural tchèque, en cas de mesure d’instruction ordonnée par des autorités fiscales tchèques, un contribuable a le droit de participer à l’audition d’un témoin et de poser des questions.
III – La procédure au principal et la procédure devant la Cour
9. Dans la procédure au principal, M. Sabou conteste un avis d’imposition concernant ses revenus pour l’exercice 2004 en République tchèque. Au cours de cette année, M. Sabou a travaillé en tant que footballeur professionnel.
10. L’avis attaqué a été adopté le 28 mai 2009 après un contrôle fiscal et a majoré de 221904 couronnes tchèques (CZK) (environ 8600 euros) le montant de l’impôt par rapport à l’avis initial. La majoration résulte de la non-reconnaissance de dépenses qu’avait fait valoir M. Sabou au titre de services fournis par Solomon Group Kft., ayant son siège à Budapest (Hongrie), et qui correspondaient prétendument, entre autres, à des négociations relatives à son éventuel transfert vers des clubs de football
étrangers.
11. Aux fins de vérifier les données fournies par M. Sabou, l’administration fiscale tchèque avait demandé des renseignements à des autorités fiscales d’autres États membres avant l’adoption de la décision, entre autres sur le fondement de la directive assistance 77/799. Ainsi, les autorités fiscales espagnoles, françaises et britanniques ont dû préciser si les clubs de football cités par M. Sabou pouvaient confirmer des négociations avec ce dernier ou avec Solomon Group Kft. Selon les informations
de ces autorités fiscales, cela n’était toutefois pas le cas: ces clubs de foot n’auraient même pas eu connaissance de M. Sabou.
12. Par ailleurs, l’administration fiscale tchèque avait demandé aux autorités fiscales hongroises de vérifier la fourniture effective des services par Solomon Group Kft. À cet effet, la gérante de la société a été entendue à titre de témoin en Hongrie. Celle-ci aurait déclaré, entre autres, que sa société n’avait été qu’une intermédiaire des services qui avaient été effectivement fournis par Solomon International Ltd établie aux Bahamas. Les autorités fiscales hongroises auraient par conséquent
communiqué à l’administration fiscale tchèque que seul un contrôle de Solomon International Ltd pourrait confirmer la fourniture effective des services.
13. M. Sabou a attaqué l’avis d’imposition modifié auprès du Finanční ředitelství pro hlavní město Prahu (direction des finances pour la capitale de Prague), au motif que l’administration fiscale tchèque aurait obtenu illégalement les informations des autorités fiscales d’autres États membres. Premièrement, il aurait dû être informé au préalable de la demande d’informations pour pouvoir formuler ses propres questions. Deuxièmement, il aurait bénéficié du droit de participer à l’audition des témoins
organisée par les autorités fiscales étrangères. En effet, il aurait bénéficié du même droit en cas d’audition organisée par les autorités fiscales tchèques. Troisièmement, les informations fournies par les autorités fiscales espagnoles, françaises et britanniques ne font pas apparaître clairement comment ces autorités fiscales sont parvenues à leurs conclusions.
14. Dans ce contexte, le Nejvyšší správní soud (Cour administrative suprême, République tchèque), désormais saisi du litige, a saisi la Cour, en application de l’article 267 TFUE, des questions préjudicielles suivantes, par l’intermédiaire desquelles, selon la motivation de sa décision de renvoi, il demande, entre autres, l’interprétation de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte:
«1) Le droit de l’Union confère-t-il à un contribuable le droit d’être informé de la décision de l’administration fiscale de présenter une demande d’informations en vertu de la directive [assistance 77/799]? Un contribuable a-t-il le droit de participer à la formulation de la demande adressée à l’État membre requis? Au cas où le droit communautaire ne conférerait pas des droits de cette nature au contribuable, ce dernier peut-il se voir reconnaître des droits similaires par le droit national?
2) Un contribuable a-t-il le droit de participer à l’audition des témoins dans l’État membre requis au cours du traitement d’une demande d’informations en application de la directive [assistance 77/799]? L’État membre requis est-il tenu d’informer préalablement le contribuable de la date de l’audition si cela lui était demandé par l’État membre plaignant?
3) Lorsqu’elle communique des informations en application de la directive [assistance 77/799], l’administration fiscale de l’État membre requis est-elle tenue de respecter un contenu minimal pour les réponses de manière à ce qu’il soit clairement établi à partir de quelles sources et selon quelles modalités elle a pu fournir les informations communiquées? Le contribuable peut-il contester l’exactitude des informations ainsi fournies en invoquant par exemple des vices dont serait entachée la
procédure qui a précédé, dans l’État requis, la transmission des informations? Ou bien le principe de confiance mutuelle et de coopération, en vertu duquel on ne peut pas remettre en cause les informations communiquées par l’administration fiscale requise, s’applique-t-il?»
15. Dans le cadre de la procédure devant la Cour, la République tchèque, la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la République française, la République de Pologne, la République de Finlande et la Commission européenne ont présenté des observations écrites.
IV – Appréciation en droit
A – La compétence de la Cour
16. Il convient, en outre, de vérifier la compétence de la Cour, qui est partiellement remise en cause par la Commission.
17. De l’avis de la Commission, l’établissement de l’impôt sur le revenu d’un État membre, qui est l’objet de la procédure au principal, n’est réglé ni par la directive assistance 77/799 ni par d’autres dispositions du droit de l’Union. Dans la mesure où les questions préjudicielles concernent l’établissement de l’impôt, il n’existerait par conséquent aucun lien avec le droit de l’Union. De plus, en vertu de son article 51, paragraphe 1, la Charte est applicable uniquement si les États membres
mettent en œuvre le droit de l’Union. Cette condition ne serait toutefois pas remplie lorsqu’un État membre adresse à un autre État membre une demande d’informations. De l’avis de la Commission, la Cour ne serait par conséquent pas compétente pour répondre à certaines parties de la première et de la troisième question préjudicielle.
18. En vertu de l’article 267, paragraphe 1, sous a), TFUE, la Cour est compétente pour l’interprétation du droit de l’Union. Les questions préjudicielles visent à préciser quelle incidence le droit de l’Union a sur une collecte transfrontalière d’informations et sur l’utilisation d’informations dans une procédure nationale en matière d’impôts sur les revenus. La question de savoir si tel est le cas, et dans quelle mesure ça l’est, ne peut être déterminée que par une interprétation du droit de
l’Union. En ce qui concerne spécifiquement l’interprétation de la Charte, qui est souhaitée par la juridiction de renvoi, il convient en outre de souligner que la clarification de l’applicabilité d’une disposition du droit de l’Union est également une interprétation du droit de l’Union. Par conséquent, les questions préjudicielles visent, dans leur ensemble, l’interprétation du droit de l’Union, de sorte que la Cour est en principe compétente pour y répondre, en application de l’article 267,
paragraphe 1, sous a), TFUE.
19. Certes, selon une jurisprudence constante, la Cour se déclare incompétente également lorsqu’il est manifeste que la disposition du droit de l’Union soumise à l’interprétation de la Cour ne peut trouver à s’appliquer ( 5 ). Dans la présente procédure, on ne saurait toutefois constater cela. Alors que la directive assistance 77/799 doit sans aucun doute être respectée dans la procédure au principal, on ne saurait pas non plus exclure manifestement une influence des droits fondamentaux de l’Union,
notamment parce que l’administration fiscale nationale, en appliquant la directive assistance 77/799, a recouru à une procédure du droit de l’Union pour obtenir des informations.
20. Par conséquent, la Cour est pleinement compétente pour répondre aux questions préjudicielles.
B – Sur la deuxième partie de la troisième question préjudicielle: effets des informations
21. Nous débuterons notre examen par la troisième question préjudicielle, dans la mesure où la réponse à celle-ci a une incidence sur l’appréciation des autres questions préjudicielles. En effet, la deuxième partie de la troisième question préjudicielle vise les effets que des informations communiquées conformément à l’article 2 de la directive assistance 77/799 déploient dans une procédure fiscale nationale. À cet égard, la juridiction de renvoi demande si un contribuable peut encore remettre en
cause le résultat d’un tel échange ou si l’État membre requis a établi définitivement les faits. Dans la procédure au principal, il est avant tout question de savoir si, sur le fondement des informations de l’État membre requis, il est établi, pour la procédure administrative et la procédure judiciaire tchèque, que M. Sabou n’a pas mené de négociations avec les clubs de football interrogés.
22. À cet égard, la République hellénique défend l’opinion selon laquelle des informations obtenues en application de la directive assistance 77/799 ne sauraient plus être remises en cause par les contribuables. En effet, cela irait à l’encontre du principe de confiance réciproque. Par ailleurs, la finalité de la procédure prévue par la directive assistance 77/799 serait remise en question si les renseignements communiqués n’avaient aucune valeur probante.
23. Nous ne partageons pas ce point de vue.
24. Dans l’arrêt Twoh International, la Cour a déjà clairement indiqué que l’information fournie par un État membre en application de la directive assistance 77/799 en ce qui concerne un fait déterminé ne constitue pas une preuve déterminante pour un fait à établir ( 6 ).
25. La directive assistance 77/799 ne contient pas non plus de dispositions prévoyant une reconnaissance des informations par l’État membre requérant ou indiquant la valeur probante des informations. Par conséquent, la République tchèque et la République française ont souligné à juste titre que l’appréciation de la preuve dans le cadre d’une procédure fiscale nationale, c’est-à-dire les modalités d’exploitation des informations, doit être déterminée selon le droit procédural national.
26. Par conséquent, il appartient à la juridiction nationale de préciser quelle est la valeur probante, dans un cas particulier, des informations fournies par un État membre en application de la directive assistance 77/799 ( 7 ). Dans cette mesure, la juridiction nationale peut déterminer de façon autonome si les informations exigent que le contribuable apporte la preuve contraire ou si elles ne sont pas exploitables à défaut de données relatives aux sources ou pour d’autres motifs. Dans la mesure
où l’affaire porte sur une activité du contribuable protégée par une des libertés fondamentales, la juridiction nationale doit cependant veiller en outre au respect du principe d’équivalence et du principe d’effectivité ( 8 ).
27. Par conséquent, il y a lieu de constater que le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce qu’un contribuable remette en cause, dans une procédure fiscale nationale, l’exactitude des informations fournies par d’autres États membres en application de l’article 2 de la directive assistance 77/799.
C – Sur la première question préjudicielle: droits procéduraux du contribuable dans l’État membre requérant
28. Pour répondre à la première question préjudicielle, il convient à présent d’examiner dans quelle mesure le droit de l’Union contient des déclarations relatives aux droits procéduraux d’un contribuable à l’égard de son administration fiscale compétente, lorsque cette dernière demande à un autre État membre des informations en application de l’article 2 de la directive assistance 77/799. À cet égard, il s’agit à la fois de la question de savoir si le droit de l’Union prévoit lui-même des droits
procéduraux déterminés (à ce sujet, voir titre 1 ci-après), ainsi que de la question de savoir si le droit de l’Union interdit d’éventuels droits procéduraux nationaux (à ce sujet, voir titre 2 ci-après).
1. Le droit de l’Union octroie-t-il des droits procéduraux?
29. La juridiction de renvoi cherche à savoir si, en vertu du droit de l’Union, un contribuable doit être informé au préalable par son administration fiscale compétente d’une demande d’informations et si le contribuable a le droit de participer à la formulation de cette demande.
a) La directive assistance 77/799
30. Il convient de constater que la directive assistance 77/799 ne prévoit pas de droit de ce type pour le contribuable. Ladite directive ne contient aucun droit pour les contribuables ( 9 ), mais règle uniquement les droits et les obligations des autorités fiscales des États membres ( 10 ).
b) La Charte
31. La juridiction de renvoi soulève toutefois la question de savoir si un contribuable ne tire pas de tels droits procéduraux de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte. Selon cette disposition, toute personne a le droit d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre.
32. On pourrait objecter à l’application de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte dans la présente affaire en outre que, d’après son libellé, cette disposition — ainsi que l’a également fait observer la Commission — ne vise absolument pas les autorités des États membres ( 11 ). Selon celui-ci, sont en effet liés uniquement les organes, les institutions et les autres organismes de l’Union.
33. Il n’est pas nécessaire d’apprécier ici la question de savoir si le récent arrêt M. doit être interprété en ce sens que l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte lie toutefois également les autorités des États membres ( 12 ).
34. En effet, indépendamment de la question de l’applicabilité de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte aux autorités des États membres, l’applicabilité de cette disposition est également limitée dans le temps: la Charte n’est devenue juridiquement contraignante que par l’adoption de l’article 6, paragraphe 1, TUE, dans sa version du traité de Lisbonne, qui est lui-même entré en vigueur le 1er décembre 2009. Les demandes d’informations dont il est question en l’espèce avaient toutefois
été formulées et examinées avant cette date, puisque l’avis d’imposition attaqué dans la procédure au principal avait déjà été adopté le 28 mai 2009.
35. Par conséquent, le contribuable ne saurait tirer aucun droit procédural de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte pour la procédure au principal.
c) Le principe général du respect des droits de la défense
36. Toutefois, le droit de l’Union applicable à la procédure au principal contient également le principe général du respect des droits de la défense ( 13 ). Un élément constitutif de ce principe est le droit d’être entendu ( 14 ). Il pourrait en découler, pour un contribuable, les droits procéduraux litigieux dans la procédure au principal.
i) Applicabilité du principe général
37. Cela suppose tout d’abord que l’administration fiscale d’un État membre soit liée par le principe général du respect des droits de la défense dans une situation où elle adresse à un autre État membre une demande d’informations en application de l’article 2 de la directive assistance 77/799.
38. Les administrations des États membres doivent respecter ce principe, comme tous les droits fondamentaux de l’Union, uniquement lorsqu’elles adoptent des décisions qui relèvent du champ d’application du droit de l’Union ( 15 ). Dans l’arrêt Åkerberg Fransson, précité, la Cour a brièvement constaté que la jurisprudence constante relative à l’applicabilité des principes généraux est désormais confirmée par l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, qui définit le champ d’application de celle-ci ( 16
). En d’autres termes, l’article 51, paragraphe 1, de la Charte n’est qu’une codification des conditions qui s’appliquent depuis toujours à l’application des principes généraux du droit de l’Union. Ce faisant, la Cour a unifié les conditions d’application de la Charte et des principes généraux.
39. C’est pourquoi nous jugeons opportun, aux fins de clarifier l’applicabilité du principe général de respect des droits de la défense, de se référer également en l’espèce — ainsi que l’a également proposé la Commission — à l’article 51, paragraphe 1, de la Charte. Selon cette disposition, la Charte s’applique aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union.
40. De l’avis de la Commission, les États membres ne mettent pas en œuvre le droit de l’Union lorsqu’ils s’adressent à un autre État membre pour obtenir des informations en application de l’article 2 de la directive assistance 77/799. En effet, la directive assistance 77/799 ne prévoirait aucune obligation à charge des États membres d’adresser une telle demande d’informations. Il s’agirait plutôt uniquement d’une étape facultative de la procédure dans le cadre de l’établissement de l’impôt, qui,
quant à lui, se fonde uniquement sur le droit national.
41. Il est certes vrai que la directive assistance 77/799 ne contient aucune obligation à charge des États membres d’adresser une demande d’informations à un autre État membre ( 17 ). De même, la Cour, précisément dans l’arrêt Åkerberg Fransson, précité, a présumé la mise en œuvre du droit de l’Union sur le fondement d’obligations existantes au titre du droit de l’Union pour les États membres ( 18 ).
42. Il n’est toutefois pas convainquant de supposer une mise en œuvre du droit de l’Union au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte uniquement lorsque les États membres satisfont à une obligation qui leur incombe en vertu du droit de l’Union. Les États membres mettent également en œuvre le droit de l’Union lorsqu’ils se prévalent d’un droit prévu par le droit de l’Union, comme cela s’est produit dans le cadre de la directive assistance 77/799. Par la demande d’informations en application
de son article 2, cette directive offre aux États membres une procédure relevant du droit de l’Union grâce à laquelle ces derniers peuvent obtenir auprès d’un autre État membre des informations pertinentes au regard de l’impôt. Si un État membre recourt à cette procédure du droit de l’Union, il met ainsi également en œuvre le droit de l’Union.
43. Un autre point de vue signifierait une différenciation dans l’applicabilité des principes généraux ainsi que de la Charte selon que le droit de l’Union impose des obligations ou reconnaît des droits à un État membre. Cependant, ce qui est déterminant, c’est de savoir si un État membre a posé un acte sur le fondement du droit de l’Union ou pas. Si un État membre agit sur le fondement du droit de l’Union, il met ce faisant également en œuvre le droit de l’Union, même si ce dernier ne fait naître
aucune obligation dans son chef.
44. Étant donné que l’administration fiscale tchèque a recouru en l’espèce à la directive assistance 77/799, on peut laisser de côté la question de savoir si l’on doit supposer une mise en œuvre du droit de l’Union au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte déjà pour d’autres motifs. Dans cette mesure, l’opinion de la Commission, selon laquelle l’établissement de l’impôt sur les revenus ne met en aucun cas en œuvre le droit de l’Union, n’est pas dénuée de tout doute. En effet, dans la
mesure où, dans le cadre de la déclaration fiscale relative à ses dépenses afférentes à la recherche d’un emploi auprès de clubs de football d’autres États membres, M. Sabou bénéficiait de la protection découlant de la libre circulation des travailleurs au sens de l’article 39 CE ou de la libre prestation des services au sens de l’article 49 CE, l’administration fiscale tchèque aurait pu également dans cette mesure avoir appliqué le droit de l’Union.
45. Si la Cour devait considérer que le recours à la directive assistance 77/799 par l’État membre requérant n’était pas une mise en œuvre du droit de l’Union, elle devrait examiner ensuite si les modalités de la perception de l’impôt dans des affaires transfrontalières, comme celle de M. Sabou, représente une restriction à une liberté fondamentale et si, dans un tel cas, un État membre met en œuvre le droit de l’Union parce qu’il doit, à cet égard, respecter des obligations imposées par le droit de
l’Union ( 19 ).
46. En conclusion, on retiendra que les administrations fiscales des États membres sont tenues de respecter le principe général des droits de la défense lorsqu’elles adressent à un autre État membre une demande d’informations en application de l’article 2 de la directive assistance 77/799.
ii) Conditions d’un droit d’être entendu
47. Si, ce faisant, l’administration fiscale tchèque devait, en l’espèce, garantir en principe les droits de la défense reconnus par le droit de l’Union à M. Sabou, se pose toutefois encore la question de savoir si un contribuable, précisément en ce qui concerne la décision des autorités d’un État membre d’adresser une demande d’informations à un autre État membre, dispose d’un droit d’être entendu.
48. En effet, ce droit d’être entendu garantit uniquement aux destinataires de certaines décisions administratives la possibilité de faire connaître leur point de vue quant aux éléments sur lesquels l’administration entend fonder sa décision ( 20 ).
49. En premier lieu, ce n’est pas du tout le contribuable qui est le destinataire de la décision d’adresser une demande d’informations à un autre État membre. La demande d’informations sert certes à la préparation d’une décision qui doit être adressée au contribuable, à savoir à l’établissement de l’impôt sur le revenu. Toutefois, la demande en elle-même n’est adressée qu’à l’État membre requis.
50. Cependant, dans certains cas, un droit d’être entendu peut également exister pour des personnes qui ne sont pas destinataires d’une décision. À cet égard, le droit de l’Union en fournit un exemple à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, en prévoyant que toutes les personnes potentiellement concernées d’une décision en matière d’aides d’État doivent être entendues par la Commission bien que seuls les États membres concernés soient destinataires de cette décision ( 21 ). Cela est justifié par le fait
que la décision en matière d’aides d’État peut affecter également les intérêts d’autres personnes que les destinataires, par exemple ceux du bénéficiaire de l’aide. Par conséquent, selon la jurisprudence, l’existence d’un droit d’être entendu dépend également en définitive des effets qu’une décision produit pour la personne concernée ( 22 ).
51. Cette prise en compte des effets d’une décision correspond à l’autre condition fixée par la jurisprudence, à savoir qu’un droit d’être entendu existe non pas pour toutes les décisions d’une autorité, mais uniquement pour celles qui imposent une charge pour un particulier ( 23 ). À cet égard, la Cour parle soit d’actes «faisant grief» ( 24 ), soit de décisions qui «affectent de manière sensible les intérêts» d’une personne ( 25 ).
52. La juridiction de renvoi fait observer à juste titre que, en l’espèce, se pose la question de savoir si une demande d’informations en application de l’article 2 de la directive assistance 77/799 est une telle décision. En effet, cette décision n’a d’effets juridiques directs que pour l’État membre requis, qui est tenu de répondre ( 26 ). Le droit de l’Union ne prévoit pas, ainsi que nous l’avons déjà exposé ( 27 ), que l’administration fiscale nationale soit liée par les informations
communiquées, de sorte que, également de ce point de vue, aucun effet juridique direct n’en résulte pour le contribuable.
53. Toutefois, les recherches menées par l’État membre requis peuvent faire apparaître des preuves qui influencent de facto l’établissement de l’impôt national sur le revenu, en ce qu’elles confirment ou infirment les données du contribuable. En ce sens, la décision sur une demande d’informations en application de l’article 2 de la directive assistance 77/799 peut déployer des effets juridiques indirects pour le contribuable et, ainsi, imposer une charge. De plus, elle peut également lui faire
effectivement grief, si, par exemple, en raison des recherches, sa réputation en pâtit auprès des personnes interrogées.
54. Les sources de référence juridique ordinaires des principes généraux du droit de l’Union ne sont d’aucun secours pour déterminer si de tels effets suffisent pour justifier un droit d’être entendu dans le chef du contribuable. Ainsi, la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, ne prévoit, à son article 6, un droit d’être entendu que dans le cadre d’une procédure juridictionnelle ou quasi juridictionnelle, mais non
pas dans une procédure administrative ( 28 ). De même, les traditions constitutionnelles communes des États membres contiennent un droit d’être entendu dans le cadre de la procédure administrative uniquement de manière isolée et seulement depuis peu ( 29 ).
55. Par conséquent, il convient de se référer aux objectifs reconnus du droit d’être entendu. Ainsi que l’avocat général Bot l’a exposé dernièrement, le droit d’être entendu poursuit deux objectifs, à savoir la préparation d’une décision en connaissance de cause et la protection de l’intéressé ( 30 ).
56. En second lieu, il convient de souligner que la décision relative à une demande d’informations en application de l’article 2 de la directive assistance 77/799 ne saurait être envisagée de manière isolée. En effet, cette décision représente une mesure d’enquête dans le cadre d’une procédure administrative qui aboutit à un avis d’imposition. Ce faisant, elle sert à préparer une décision qui déploie des effets juridiques décisifs à l’égard du contribuable. La jurisprudence reconnaît en principe
que, en ce qui concerne le droit d’être entendu, il convient d’opérer une distinction entre de telles mesures d’enquête et les décisions qui clôturent une procédure ( 31 ).
57. Le sens d’une telle distinction est évident. Si l’intéressé, avant chaque mesure d’enquête particulière d’une autorité, disposait d’un droit d’être entendu, la charge qui en résulterait entraverait d’autant la préparation d’une décision en connaissance de cause, sans que la protection de l’intéressé n’en soit sensiblement augmentée. Cette protection est en général garantie à suffisance par le fait que l’intéressé est entendu avant l’adoption de la décision qui clôture la procédure
administrative.
58. Bien que nous ne voulions pas exclure l’existence de mesures d’enquête qui en soi imposent une telle charge que la protection de l’intéressé exige également à cet égard un droit d’être entendu, cela ne s’applique pas en l’espèce.
59. Ainsi que nous l’avons déjà exposé en d’autres occasions, les demandes d’informations de la directive assistance 77/799 visent essentiellement à vérifier les indications et les preuves fournies par le contribuable ( 32 ). En l’espèce également, l’administration fiscale tchèque voulait vérifier les données que le contribuable avait lui-même fournies auparavant dans le cadre de la procédure administrative. Dans de tels cas, la protection de l’intéressé n’exige pas d’entendre l’intéressé sur une
mesure d’enquête. D’une part, ce dernier a déjà exposé son point de vue par l’intermédiaire de ses propres données, d’autre part, des conséquences factuelles négatives des recherches seraient imputables, tout d’abord, à ses propres données erronées. De plus, le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce qu’un contribuable — ainsi que nous l’avons vu ( 33 ) — remette en question les informations communiquées dans le cadre de la procédure fiscale nationale; dans cette mesure, il disposera généralement
d’une nouvelle possibilité pour exposer son point de vue.
60. Par conséquent, si un droit d’être entendu n’existe pas dans le cas de telles demandes d’informations, il convient toutefois de souligner que les États membres sont en toute hypothèse liés par les autres principes généraux du droit de l’Union, étant donné que, ce faisant, ils mettent en œuvre le droit de l’Union. Dans le cas d’une décision prévoyant d’adresser une demande d’informations à un autre État membre en application de l’article 2 de la directive assistance 77/799, les autorités fiscales
nationales doivent par conséquent également respecter le principe de proportionnalité ainsi que les autres droits fondamentaux du contribuable.
61. Dans l’hypothèse où la Cour, en dépit de nos considérations, devait reconnaître un droit d’être entendu également en l’espèce, il faut se référer à la mise en balance encore nécessaire dans un cas particulier. Ainsi, l’avocat général Warner a déjà admis une exception au droit d’être entendu pour le cas où «le but de la décision serait ou pourrait être mis en échec si le droit était accordé» ( 34 ). La Cour a reconnu cette limitation au droit d’être entendu ( 35 ). À cet égard, la République
française a fait observer à juste titre que l’information préalable du contribuable quant à une demande d’informations envisagée pouvait également remettre en cause la valeur d’une information, par exemple parce que des témoins auraient pu être influencés ( 36 ). Étant donné que la demande d’informations doit vérifier les indications du contribuable, il faudrait vérifier, dans chaque cas particulier, si une information préalable du contribuable pourrait mettre en échec cet objectif.
d) Conclusion intermédiaire
62. En conclusion, nous constatons toutefois de manière générale que, en ce qui concerne la décision de l’administration fiscale compétente d’un contribuable d’adresser, en application de l’article 2 de la directive assistance 77/799, une demande d’informations à un autre État membre, le droit de l’Union ne reconnaît pas au contribuable un droit d’être entendu, du moins lorsque la demande ne vise qu’à vérifier les propres indications du contribuable. En conséquence, le droit de l’Union n’exige pas
dans ce cas qu’un contribuable soit informé au préalable par son administration fiscale compétente d’une telle demande d’informations et qu’il puisse participer à sa formulation.
2. Le droit de l’Union interdit-il des droits procéduraux?
63. Ce faisant, sur le fondement de la deuxième partie de la première question préjudicielle, il reste encore uniquement à clarifier s’il est compatible avec le droit de l’Union que le droit national reconnaisse au contribuable de tels droits procéduraux en ce qui concerne une demande d’informations en application de l’article 2 de la directive assistance 77/799.
64. De ce point de vue, on ne distingue pas une interdiction prévue par le droit de l’Union. Les droits procéduraux du contribuable peuvent plutôt en principe — ainsi que l’ont fait également observer la République de Pologne et la République de Finlande — être déterminés par le droit national à défaut de dispositions dans la directive assistance 77/799.
65. Par conséquent, il convient de répondre à la deuxième partie de la première question préjudicielle que le fait que le droit national de l’État membre requérant reconnaisse à un contribuable les droits procéduraux contestés dans la procédure au principal est compatible avec le droit de l’Union.
D – Sur la deuxième question préjudicielle: les droits procéduraux du contribuable dans l’État membre requis
66. La deuxième question préjudicielle vise les droits procéduraux dont bénéficie un contribuable dans l’État membre requis. En particulier, la juridiction de renvoi cherche à savoir si l’État membre requis — sur demande de l’État membre requérant — doit informer le contribuable d’une audition de témoin prévue et lui permettre également de participer à l’audition, ainsi que cela est prévu dans le droit procédural tchèque.
67. On ne saurait déduire directement de la directive assistance 77/799 une telle obligation pour l’État membre requis.
68. La Commission objecte que l’État membre requis doit également s’assurer que la directive assistance 77/799 puisse atteindre son objectif. Par conséquent, une information devrait également être utilisable dans l’État membre requérant. Sur demande de l’État membre requérant, l’État membre requis devrait par conséquent informer un contribuable d’une audition de témoins dans la mesure où le droit procédural de l’État membre requis ne s’y oppose pas. La République tchèque s’est exprimée de manière
similaire, en déduisant du principe de coopération loyale au sens de l’article 4, paragraphe 3, TUE une obligation de coopération dans le chef de l’État membre requis, pour respecter les exigences procédurales dans l’État membre requérant.
69. Il convient de se ranger à cette opinion dans la mesure où l’État membre requis a l’obligation, en vertu de la directive assistance 77/799, de fournir dans la mesure du possible des informations utiles. Conformément à l’article 1er, paragraphe 1, de cette directive, les États membres s’échangent toutes les informations «susceptibles» de leur permettre l’établissement correct des impôts sur le revenu. Jusqu’à ce jour, la Cour a interprété cette disposition uniquement du point de vue de l’État
membre requérant, en rapport avec la question de savoir quelles informations pouvaient être demandées ( 37 ). Toutefois, il convient de déduire de cette disposition, également ce qui concerne l’État membre requis, que les informations doivent être susceptibles de permettre l’établissement d’un impôt sur le revenu. En effet, il s’agit là de l’objectif qui doit être rempli par une information, conformément aux articles 1er, paragraphe 1, et 2, paragraphe 1, première phrase, de la directive
assistance 77/799. Ainsi, pour que les informations soient susceptibles de permettre l’établissement d’un impôt sur le revenu, elles doivent également être utilisables dans l’État membre requérant.
70. Toutefois, cette obligation découlant de la directive assistance 77/799 consistant pour l’État membre requis à communiquer des informations adéquates ne doit être remplie que dans les limites des autres dispositions de cette directive. En ce sens, il convient de tenir compte particulièrement des articles 2, paragraphe 2, deuxième alinéa, et 8, paragraphe 1, de ladite directive pour ce qui est de la procédure à respecter par l’État membre requis.
71. En vertu de l’article 8, paragraphe 1, de la directive assistance 77/799, l’État membre requis n’est en effet pas tenu de faire effectuer des recherches lorsque sa législation ou sa pratique administrative s’y oppose. Il s’ensuit non seulement que l’État membre requis ne doit pas agir à l’encontre de son propre droit procédural. Cependant, on n’exige pas non plus de lui de s’écarter de sa pratique administrative. Étant donné que cette pratique devrait se référer au droit procédural applicable
dans l’État membre requis, une obligation de prendre en considération un droit procédural de l’État membre requérant s’en écartant serait contraire à l’article 8, paragraphe 1, de la directive assistance 77/799.
72. En outre, la République française a fait observer à juste titre qu’une obligation de prendre en considération le droit procédural de l’État membre requérant serait en contradiction avec l’article 2, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive assistance 77/799. Selon cette disposition, pour se procurer les informations demandées, l’autorité requise procède comme si elle agissait pour son propre compte ou à la demande d’une autre autorité de son propre État membre. Ainsi que l’indique
également le considérant 2 de la directive 2004/56/CE, qui a introduit cette disposition dans la directive assistance 77/799 ( 38 ), cela doit permettre que la collecte des informations ne sera régie que par un seul ensemble de dispositions. Par conséquent, pour les recherches effectuées par l’État membre requis, seul le droit procédural national de ce dernier trouve à s’appliquer, dont découlent les droits et les obligations des participants.
73. La reconnaissance d’une obligation dans le chef de l’État membre requis de tenir compte le mieux possible également du droit procédural de l’État membre requérant pourrait par ailleurs compromettre l’objectif de la directive assistance 77/799. Ainsi que l’a constaté la Cour des comptes européenne en ce qui concerne le règlement (CE) no 1798/2003 ( 39 ), la coopération des administrations fiscales des États membres en matière de taxe sur la valeur ajoutée souffre d’importants retards dans la
transmission d’informations ( 40 ). De tels retards pourraient avant tout être justifiés par le fait que les autorités requises n’enquêtent pas dans leurs propres affaires, une situation de départ qui vaut également pour la directive assistance 77/799. Or, si la Cour devait supposer, pour cette directive, une obligation incombant à l’État membre requis de tenir compte également du droit procédural de l’État membre requérant, cela rendrait encore plus difficile la communication d’informations.
74. Enfin, le principe général du respect des droits de la défense n’implique pas non plus une obligation pour l’État membre requis de permettre au contribuable de participer à une audition de témoins. Certes, l’État membre requis doit respecter ce principe dans le cadre de ses recherches menées sur le fondement d’une demande d’informations en application de l’article 2 de la directive assistance 77/799, puisqu’il met en œuvre ce faisant le droit de l’Union. Cependant, ce principe n’exige pas en
l’espèce qu’un contribuable soit informé d’une audition de témoins prévue et que lui soit fournie la possibilité de participer à l’audition.
75. Cela vaut notamment en ce qui concerne le droit d’être entendu mentionné par la juridiction de renvoi. D’une part, un droit existant d’être entendu n’implique aucun droit de participer à une audition de témoins. Ce droit ne sert pas à contrôler les actes d’enquête de l’administration, mais vise à permettre à la personne intéressée de présenter son propre point de vue. D’autre part, un contribuable ne bénéficie d’aucun droit d’être entendu en ce qui concerne les informations fournies par l’État
membre requis. À cet égard, nous renvoyons aux considérations relatives à la demande d’informations ( 41 ), qui valent a fortiori également pour la communication des informations elle-même.
76. Au-delà, le principe général du respect des droits de la défense ne permet pas non plus de déduire un droit du contribuable de participer à un interrogatoire de témoins dans une procédure administrative. À cet égard, il est significatif que la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales prévoit, à son article 6, paragraphe 3, sous d), un droit d’interroger des témoins uniquement pour les accusés dans une procédure pénale.
77. Par conséquent, le droit de l’Union ne prévoit pas une obligation pour l’État membre requis d’informer au préalable un contribuable d’une audition de témoin dans le cadre de recherches menées sur le fondement d’une demande d’informations en application de l’article 2 de la directive assistance 77/799 ni d’accorder à un contribuable le droit de participer à une telle audition.
E – Sur la première partie de la troisième question préjudicielle: contenu des informations
78. Dans le cadre de la troisième question, il reste encore à clarifier si l’État membre requis, lors de la communication d’informations, est tenu de fournir la réponse avec un contenu minimal de sorte que l’on voie à partir de quelles sources et de quelle manière l’administration fiscale requise a obtenu les informations communiquées.
79. La directive assistance 77/799 ne contient aucune disposition relative au contenu formel d’une information à communiquer en application de son article 2. Toutefois, l’État membre requis est tenu, en vertu de la directive assistance 77/799, de fournir des informations les plus utiles possibles ( 42 ).
80. Pour qu’une information soit susceptible de permettre l’établissement de l’impôt sur le revenu dans l’État membre requérant, il faut fournir également des données suffisantes concernant les recherches effectuées en application de l’article 2, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive assistance 77/799, qui sont à la base du résultat des informations. La simple communication du résultat ne suffit en principe pas, étant donné que la valeur probante de telles informations est généralement
fortement limitée.
81. Aucune disposition de la directive assistance 77/799 ne s’oppose non plus à une obligation pour l’État membre requis de communiquer ses sources. En particulier, ses articles 2, paragraphe 2, deuxième alinéa, ainsi que 8, paragraphe 1, déjà mentionnés ( 43 ), concernent uniquement la réalisation des recherches ainsi que la possibilité de la communication d’une information, mais non pas son contenu.
82. Par conséquent, il convient de répondre à la première partie de la troisième question préjudicielle qu’il incombe en principe à l’État membre requis, en application des articles 1er, paragraphe 1, et 2 de la directive assistance 77/799, de fournir des informations également sur les recherches qui sont à la base du résultat communiqué.
V – Conclusion
83. Ainsi, nous proposons de répondre comme suit aux questions préjudicielles du Nejvyšší správní soud:
1) Le droit de l’Union ne reconnaît pas au contribuable le droit d’être informé au préalable de la décision de son administration fiscale compétente d’adresser, en application de l’article 2 de la directive 77/799/CEE du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs et des taxes sur les primes d’assurance, telle que modifiée par la directive 2006/98/CE, du 20 novembre 2006, une demande d’informations
à un autre État membre ou le droit de participer à la formulation de la demande d’informations, du moins lorsque la demande ne vise qu’à vérifier les propres indications du contribuable. Le droit de l’Union ne s’oppose toutefois pas à la reconnaissance de tels droits par le droit national.
2) Le droit de l’Union ne prévoit pas une obligation pour l’État membre requis d’informer au préalable un contribuable d’une audition de témoins dans le cadre des recherches menées sur le fondement d’une demande d’informations en application de l’article 2 de la directive 77/799, telle que modifiée par la directive 2006/98, ni d’accorder à un contribuable le droit de participer à une telle audition.
3) Il incombe en principe à l’État membre requis, en application des articles 1er, paragraphe 1, et 2 de la directive 77/799, telle que modifiée par la directive 2006/98, de fournir des informations également sur les recherches qui sont à la base du résultat communiqué.
4) Le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce qu’un contribuable remette en cause, dans une procédure fiscale nationale, l’exactitude des informations fournies par d’autres États membres en application de l’article 2 de la directive 77/799, telle que modifiée par la directive 2006/98.
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( 1 ) Langue originale: l’allemand.
( 2 ) Directive du Conseil du 19 décembre 1977 concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs et des taxes sur les primes d’assurance (JO L 336, p. 15), telle que modifiée par la directive 2006/98/CE, du 20 novembre 2006 (JO L 363, p. 129, ci-après la «directive assistance 77/799»).
( 3 ) Voir article 28 de la directive 2011/16/UE du Conseil, du 15 février 2011, relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799/CEE (JO L 64, p. 1).
( 4 ) Loi du Recueil sur la coopération internationale en matière fiscale, et portant modification de la loi no 531/1990 du Recueil sur les autorités financières territoriales.
( 5 ) Voir arrêt du 21 juin 2012, Susisalo e.a. (C‑84/11, point 17 ainsi que jurisprudence citée).
( 6 ) Voir arrêt du 27 septembre 2007 (C-184/05, Rec. p. I-7897, point 37).
( 7 ) Voir en ce sens, également, arrêt du 6 décembre 2012, Bonik (C‑285/11, point 32), en matière de taxe sur la valeur ajoutée.
( 8 ) Voir, par exemple, arrêt du 30 juin 2011, Meilicke e.a. (C-262/09, Rec. p. I-5669, point 55).
( 9 ) Voir arrêt Twoh International (précité à la note 6, point 31).
( 10 ) Voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2007, A (C-101/05, Rec. p. I-11531, point 61).
( 11 ) Voir, également, arrêt du 21 décembre 2011, Cicala (C-482/10, Rec. p. I-14139, point 28), en ce qui concerne le point c) de cette disposition.
( 12 ) Voir arrêt du 22 novembre 2012 (C‑277/11, points 83 à 89).
( 13 ) Voir, entre autres, arrêts du 12 février 1992, Pays-Bas e.a./Commission (C-48/90 et C-66/90, Rec. p. I-565, point 44); du 24 octobre 1996, Commission/Lisrestal e.a. (C-32/95 P, Rec. p. I-5373, point 21); du 18 décembre 2008, Sopropé (C-349/07, Rec. p. I-10369, point 36); du 25 octobre 2011, Solvay/Commission (C-110/10 P, Rec. p. I-10439, point 47), ainsi que M. (précité à la note 12, point 81).
( 14 ) Arrêt M. (précité à l a note 12, point 82); sur la reconnaissance du droit d’être entendu, voir également arrêts du 4 juillet 1963, Alvis/Conseil (32/62, Rec. p. 109, 123); du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission (85/76, Rec. p. 461, point 9); du 10 juillet 1986, Belgique/Commission (234/84, Rec. p. 2263, point 27), ainsi que Commission/Lisrestal e.a. (précité à la note 13, points 21, 31 et suiv.).
( 15 ) Voir arrêts Sopropé (précité à la note 13, point 38) et du 26 février 2013, Åkerberg Fransson (C‑617/10, point 19 ainsi que jurisprudence citée).
( 16 ) Arrêt Åkerberg Fransson (précité à la note 15, points 17 et suiv.).
( 17 ) Voir, entre autres, arrêts Twoh International (précité à la note 6, point 32); du 27 janvier 2009, Persche (C-318/07, Rec. p. I-359, point 65), et du 15 septembre 2011, Accor (C-310/09, Rec. p. I-8115, point 98).
( 18 ) Voir Åkerberg Fransson (précité à la note 15, points 24 à 27).
( 19 ) Militerait en ce sens le renvoi, effectué dans l’arrêt Åkerberg Fransson (précité à la note 15, point 19), à l’arrêt du 18 juin 1991, ERT (C-260/89, Rec. p. I-2925, point 43); militerait toutefois à l’encontre de cette conclusion l’arrêt du 27 novembre 2012, Pringle (C‑370/12, point 180), qui, en dépit des obligations découlant de l’article 125, paragraphe 1, deuxième phrase, TFUE (voir point 136), n’a pas supposé l’existence d’une mise en œuvre du droit de l’Union.
( 20 ) Voir arrêts Commission/Lisrestal e.a. (précité à la note 13, point 21); du 9 juin 2005, Espagne/Commission (C-287/02, Rec. p. I-5093, point 37); Sopropé (précité à la note 13, point 37), ainsi que M. (précité à la note 12, point 87).
( 21 ) Voir dispositions combinées des articles 6, paragraphe 1, deuxième phrase, et 1er, sous h), du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE (JO L 83, p. 1); voir également, avant l’applicabilité de ce règlement, arrêt du 14 novembre 1984, Intermills/Commission (323/82, Rec. p. 3809, points 16 et suiv.).
( 22 ) En ce sens, voir arrêt Commission/Lisrestal e.a. (précité à la note 13, points 22 et suiv.).
( 23 ) Voir, à ce sujet, page 1090 des conclusions de l’avocat général Warner dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 23 octobre 1974, Transocean Marine Paint Association/Commission, 17/74, Rec. p. 1063).
( 24 ) Voir, entre autres, arrêts Belgique/Commission (précité à la note 14, point 27); Pays-Bas e.a./Commission (précité à la note 13, point 44); du 29 juin 1994, Fiskano/Commission (C-135/92, Rec. p. I-2885, point 39); Commission/Lisrestal e.a. (précité à la note 13, point 21); du 12 décembre 2002, Cipriani (C-395/00, Rec. p. I-11877, point 51), ainsi que Espagne/Commission (précité à la note 20, point 37).
( 25 ) Voir arrêts Commission/Lisrestal e.a. (précité à la note 13, point 21); Espagne/Commission (précité à la note 20, point 37), ainsi que Sopropé (précité à la note 13, point 37); dans le même sens, voir également arrêt Transocean Marine Paint Association/Commission (précité à la note 23, point 15).
( 26 ) Sur l’obligation qui pèse sur l’État membre requis, voir point 83 de nos conclusions dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 26 janvier 2006, Commission/Conseil (C-533/03, Rec. p. I-1025).
( 27 ) Voir points 21 et suiv. ci-dessus.
( 28 ) Voir, également, arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission (C-204/00 P, C-205/00 P, C-211/00 P, C-213/00 P, C-217/00 P et C-219/00 P, Rec. p. I-123, point 70).
( 29 ) Voir Classen, K.-D., Gute Verwaltung im Recht der Europäischen Union, 2008, p. 177 et suiv.
( 30 ) Voir points 35 et suiv. des conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt M. (précité à la note 12).
( 31 ) Voir arrêts du 14 juillet 1972, ACNA/Commission (57/69, Rec. p. 933, points 12 à 14), et du 26 juin 1980, National Panasonic/Commission (136/79, Rec. p. 2033, point 21).
( 32 ) Voir point 23 de nos conclusions dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Twoh International (précité à la note 6).
( 33 ) Voir points 21 et suiv. ci-dessus.
( 34 ) Voir page 2069 des conclusions de l’avocat général Warner dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 26 juin 1980, National Panasonic/Commission (136/79, Rec. p. 2033).
( 35 ) Voir arrêt du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C-402/05 P et C-415/05 P, Rec. p. I-6351, points 338 et suiv.).
( 36 ) Voir à ce sujet, également, l’expression «risquer de nuire à l’obtention du résultat recherché», figurant à l’article 2, paragraphe 1, deuxième phrase, de la directive assistance 77/799.
( 37 ) Voir arrêt Persche (précité à la note 17, point 62).
( 38 ) Directive du Conseil du 21 avril 2004 modifiant la directive 77/799/CEE concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs, de certains droits d’accises et des taxes sur les primes d’assurance (JO L 127, p. 70), voir son article 1er, point 2.
( 39 ) Règlement du Conseil du 7 octobre 2003 concernant la coopération administrative dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée et abrogeant le règlement (CEE) no 218/92 (JO L 264, p. 1).
( 40 ) Rapport spécial no 8/2007 relatif à la coopération administrative dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée, accompagné des réponses de la Commission (présenté en vertu de l’article 248, paragraphe 4, deuxième alinéa, du traité CE) (JO 2008, C 20, p. 1), à la page 5, point V, sous b) et c).
( 41 ) Voir points 56 et suiv. ci-dessus.
( 42 ) Voir point 69 ci-dessus.
( 43 ) Voir points 70 et suiv. ci-dessus.