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19/12/2012 | CJUE | N°C‑363/11

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Epitropos tou Elegktikou Synedriou sto Ypourgeio Politismou kai Tourismou contre Ypourgeio Politismou kai Tourismou – Ypiresia Dimosionomikou Elenchou., 19/12/2012, C‑363/11


ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

19 décembre 2012 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Notion de ‘juridiction d’un des États membres’ au sens de l’article 267 TFUE — Procédure destinée à aboutir à une décision de caractère juridictionnel — Cour des comptes nationale statuant sur une autorisation préalable à une dépense publique — Irrecevabilité»

Dans l’affaire C‑363/11,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Elegktiko Synedrio (Grèce), par décisi

on du 1er juillet 2011, parvenue à la Cour le 7 juillet 2011, dans la procédure

Epitropos tou Elegktikou Synedriou s...

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

19 décembre 2012 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Notion de ‘juridiction d’un des États membres’ au sens de l’article 267 TFUE — Procédure destinée à aboutir à une décision de caractère juridictionnel — Cour des comptes nationale statuant sur une autorisation préalable à une dépense publique — Irrecevabilité»

Dans l’affaire C‑363/11,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Elegktiko Synedrio (Grèce), par décision du 1er juillet 2011, parvenue à la Cour le 7 juillet 2011, dans la procédure

Epitropos tou Elegktikou Synedriou sto Ypourgeio Politismou kai Tourismou

contre

Ypourgeio Politismou kai Tourismou – Ypiresia Dimosionomikou Elenchou,

en présence de:

Konstantinos Antonopoulos,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, faisant fonction de président de la troisième chambre, MM. E. Juhász, G. Arestis, J. Malenovský (rapporteur) et T. von Danwitz, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: Mme K. Sztranc-Sławiczek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 juin 2012,

considérant les observations présentées:

— pour M. Antonopoulos, par Mes D. Perpataris et K. E. Proiskos, dikigoroi,

— pour le gouvernement hellénique, par Mmes E.-M. Mamouna, A. Samoni-Rantou et S. Vodina, en qualité d’agents,

— pour la Commission européenne, par Mme M. Patakia et M. M. van Beek, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 20 septembre 2012,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation:

— des articles 12, 20, 21 et 28 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne;

— de l’article 153, paragraphes 1, sous b), et 5, TFUE, ainsi que

— des clauses 3, point 2, et 4, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999 (ci-après l’«accord-cadre»), qui figure en annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO L 175, p. 43).

2 Cette demande a été présentée par l’Elegktiko Synedrio (Cour des comptes, Grèce) dans le cadre d’un différend opposant l’Epitropos tou Elegktikou Synedriou sto Ypourgeio Politismou kai Tourismou (le commissaire de l’Elegktiko Synedrio près le ministère de la Culture et du Tourisme, ci-après le «commissaire de l’Elegktiko Synedrio») à l’Ypourgeio Politismou kai Tourismou – Ypiresia Dimosionomikou Elenchou (service de contrôle comptable du ministère de la Culture et du Tourisme, ci-après le «service
comptable»), au sujet du refus dudit commissaire de viser l’ordre de paiement émis par ce service, afférent à la rémunération d’un agent dudit ministère, M. Konstantinos Antonopoulos.

Le cadre juridique

La réglementation hellénique

3 L’article 98 de la Constitution dispose:

«1.   De la compétence de l’Elegktiko Synedrio relèvent notamment:

a) le contrôle des dépenses de l’État, ainsi que des collectivités locales ou des autres personnes morales qui sont soumises à ce contrôle par une disposition légale spéciale;

b) le contrôle des contrats d’une grande valeur économique auxquels sont parties contractantes l’État ou une autre personne morale assimilée à l’État de ce point de vue, ainsi qu’il est prévu par la loi;

c) le contrôle des comptes des comptables publics et des collectivités locales ou autres personnes morales soumises au contrôle visé sous a);

d) la formulation d’un avis sur les projets de loi concernant les pensions ou la reconnaissance d’un service comme donnant droit à une pension, conformément à l’article 73, paragraphe 2, ainsi que sur tout autre sujet déterminé par la loi;

e) la rédaction et la présentation d’un rapport à la Chambre des députés sur la loi de règlement et le bilan de l’État, conformément à l’article 79, paragraphe 7;

f) le jugement des litiges relatifs à l’octroi de pensions et au contrôle des comptes visé sous c) ci-dessus;

g) le jugement des affaires relatives à la responsabilité des fonctionnaires publics, civils ou militaires, ainsi qu’à celle des agents des collectivités locales, des autres personnes morales de droit public, pour tout dommage causé intentionnellement ou par négligence à l’État, aux collectivités locales ou aux autres personnes morales de droit public.

[...]»

4 Le statut de l’Elegktiko Synedrio a été codifié par le décret présidentiel 774/1980 (ci-après le «décret présidentiel»).

5 L’article 17, paragraphe 1, du décret présidentiel concerne la compétence de l’Elegktiko Synedrio pour vérifier qu’une dépense publique est correctement autorisée et est conforme à toutes les dispositions légales pertinentes.

6 L’article 19, paragraphe 1, du décret présidentiel prévoit que le contrôle préalable des ordres de paiement pour les dépenses des ministères est effectué, selon le cas, par des assesseurs ou des commissaires de l’Elegktiko Synedrio, siégeant dans les locaux du ministère en question.

7 Conformément à l’article 21, paragraphe 1, du décret présidentiel, l’assesseur ou le commissaire compétent doit refuser d’autoriser une dépense qui ne satisfait pas aux conditions énoncées à l’article 17, paragraphe 1, du décret présidentiel. Si la dépense lui est alors de nouveau soumise et qu’il considère qu’elle ne satisfait toujours pas à ces conditions, il doit soumettre la question à la chambre compétente de l’Elegktiko Synedrio, qui adopte la décision finale.

L’affaire au principal et les questions préjudicielles

8 Le service de contrôle comptable du ministère de la Culture et du Tourisme a soumis, pour visa, au commissaire de l’Elegktiko Synedrio près ce même ministère un ordre de paiement concernant la rémunération de M. Antonopoulos, employé de droit privé, à durée déterminée, dudit ministère, affecté à la direction des antiquités préhistoriques et classiques, et membre du comité exécutif d’une organisation syndicale, pour la période allant des mois de novembre 2008 à mai 2009.

9 Le commissaire de l’Elegktiko Synedrio a refusé de viser cet ordre de paiement, au motif que, au cours de la période susmentionnée, l’intéressé avait été absent de son poste de travail pendant 34 jours en raison d’un congé syndical, sans que sa rémunération ait été réduite proportionnellement à la durée de ce congé.

10 À cet égard, le commissaire de l’Elegktiko Synedrio a considéré qu’il résultait des dispositions du droit hellénique applicables que les travailleurs employés par l’État dans le cadre d’une relation de travail de droit privé à durée déterminée ont droit à des congés syndicaux non rémunérés, à la différence des travailleurs employés par l’État dans le cadre d’une relation de travail de droit privé à durée indéterminée et occupant des emplois organiques, qui bénéficient de congés syndicaux
rémunérés.

11 Toutefois, le service comptable a, à nouveau, soumis, pour visa, audit commissaire l’ordre de paiement en cause, en faisant valoir, plus particulièrement, que le bénéficiaire présumé, ayant une relation de travail de salarié de droit privé à durée déterminée, avait droit à sa rémunération pour les jours durant lesquels il avait été absent en raison d’un congé syndical, et ce en vertu de l’article 4 du décret 164/2004 du président de la République transposant la directive 1999/70 qui a consacré le
principe interdisant les discriminations entre les travailleurs titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée et les travailleurs comparables titulaires d’un contrat de travail à durée indéterminée.

12 Cependant, le refus persistant du commissaire de l’Elegktiko Synedrio de viser l’ordre de paiement concerné a donné lieu à un différend pour la solution duquel, au moyen du «rapport négatif» de ce commissaire en date du 3 novembre 2009, a été saisie, conformément à la loi, la première chambre de l’Elegktiko Synedrio.

13 Lors de l’examen, le 1er juillet 2010, dudit «rapport négatif», ont été soulevées des questions touchant à l’interprétation du droit de l’Union. Dans ces conditions, la première chambre de l’Elegktiko Synedrio a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Le paiement ou non d’une rémunération au travailleur pour la période où il est absent de son travail en raison d’un congé syndical constitue-t-il une condition de travail ou une condition d’emploi au regard du droit de l’Union? Plus particulièrement, les dispositions des lois qui prévoient l’octroi d’un congé syndical non rémunéré aux travailleurs employés par l’État dans le cadre d’une relation de travail salarié à durée déterminée qui n’occupent pas un emploi organique et ont la qualité de
membres de l’administration d’une organisation syndicale introduisent-elles une ‘condition de travail’ au sens de l’article 137, paragraphe 1, sous b), CE et une ‘condition d’emploi’ conformément à la clause 4, point 1, de l’accord-cadre ou bien cette question concerne-t-elle les matières exclues par le droit de l’Union, à savoir les rémunérations et le droit d’association?

2) En cas de réponse affirmative à la question précédente, un travailleur employé dans un service public dans le cadre d’une relation de travail salarié de droit privé à durée indéterminée qui occupe un emploi organique et est affecté à la même tâche qu’un travailleur ayant une relation de travail de droit privé à durée déterminée qui n’occupe pas un emploi organique peut-il constituer un travailleur ‘comparable’ à ce dernier, au sens des clauses 3, point 2, et 4, point 1, de l’accord-cadre, ou
bien le fait que la Constitution nationale (article 103) et les lois assurant l’exécution de celle-ci prévoient pour celui-ci un statut spécifique (conditions de recrutement et garanties plus spéciales visées à l’article 103, paragraphe 3, de la Constitution) suffit-il à le rendre non ‘comparable’ à un travailleur ayant une relation de travail de droit privé à durée déterminée qui n’occupe pas un emploi organique?

3) En cas de réponse affirmative aux deux questions précédentes:

a) au cas où il résulte de la combinaison des dispositions législatives nationales que les travailleurs employés dans un service public dans le cadre d’une relation de travail à durée indéterminée qui occupent un emploi organique et sont membres de l’administration d’une organisation syndicale de deuxième degré bénéficient d’un congé syndical rémunéré (allant jusqu’à neuf jours par mois), tandis que les travailleurs employés dans le même service dans le cadre d’une relation de travail à durée
déterminée qui n’occupent pas un emploi organique et ont la même qualité syndicale bénéficient d’un congé syndical de même durée non rémunéré, cette distinction constitue-t-elle un traitement moins favorable de cette seconde catégorie de travailleurs, au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre, et

b) la durée limitée de la relation de travail de la seconde catégorie de travailleurs et les différences que présente, d’une manière générale, son statut (conditions de recrutement, évolution et rupture de la relation de travail) constituent-t-elles des raisons objectives susceptibles de justifier cette distinction?

4) La distinction litigieuse opérée entre les cadres syndicaux qui travaillent à durée indéterminée dans un service public où ils occupent un emploi organique et les personnes qui, ayant la même qualité syndicale que ces derniers, travaillent à durée déterminée dans le même service et n’occupent pas un emploi organique constitue-t-elle une violation du principe de non-discrimination quant à l’exercice des droits syndicaux, au regard des articles 12, 20, 21 et 28 de la charte des droits
fondamentaux de l’Union européenne, ou bien cette distinction peut-elle être justifiée par les différences existant entre les statuts des deux catégories de travailleurs?»

Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

14 Selon l’article 267 TFUE, la Cour est compétente pour statuer, à titre préjudiciel, sur l’interprétation des traités ainsi que sur la validité et l’interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l’Union européenne.

15 Lorsqu’une telle question est soulevée devant une juridiction d’un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu’une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question. Il résulte également de l’article 267 TFUE que, lorsqu’une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction
est tenue de saisir la Cour.

16 Il en résulte que, pour être habilité à saisir la Cour dans le cadre de la procédure préjudicielle, l’organisme de renvoi en cause doit être qualifiable de «juridiction» au sens de cette disposition.

17 Dès lors, il convient de vérifier si, dans le contexte ayant donné lieu à la présente demande de décision préjudicielle, l’Elegktiko Synedrio constitue une juridiction au sens de l’article 267 TFUE et si, par conséquent, il est habilité à adresser une demande de décision préjudicielle à la Cour.

18 Selon une jurisprudence constante, pour apprécier si l’organisme de renvoi possède le caractère d’une «juridiction» au sens de l’article 267 TFUE, question qui relève uniquement du droit de l’Union, la Cour tient compte d’un ensemble d’éléments, tels que l’origine légale de l’organisme, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de la procédure, l’application, par l’organisme, des règles de droit ainsi que son indépendance (voir, notamment, arrêts du
17 septembre 1997, Dorsch Consult, C-54/96, Rec. p. I-4961, point 23; du 31 mai 2005, Syfait e.a., C-53/03, Rec. p. I-4609, point 29, et du 14 juin 2007, Häupl, C-246/05, Rec. p. I-4673, point 16, ainsi que ordonnance du 14 mai 2008, Pilato, C-109/07, Rec. p. I-3503, point 22).

19 En outre, les juridictions nationales ne sont habilitées à saisir la Cour que si un litige est pendant devant elles et si elles sont appelées à statuer dans le cadre d’une procédure destinée à aboutir à une décision de caractère juridictionnel (voir, notamment, arrêts du 12 novembre 1998, Victoria Film, C-134/97, Rec. p. I-7023, point 14; du 30 novembre 2000, Österreichischer Gewerkschaftsbund, C-195/98, Rec. p. I-10497, point 25, et Syfait e.a., précité, point 35).

20 Par ailleurs, conformément à une jurisprudence constante, la notion d’indépendance, qui est inhérente à la mission de juger, implique avant tout que l’instance concernée ait la qualité de tiers par rapport à l’autorité qui a adopté la décision faisant l’objet du recours (arrêts du 30 mars 1993, Corbiau, C-24/92, Rec. p. I-1277, point 15, et du 19 septembre 2006, Wilson, C-506/04, Rec. p. I-8613, point 49).

21 Enfin, il convient de déterminer l’habilitation d’un organisme à saisir la Cour, en vertu de l’article 267 TFUE, selon des critères tant structurels que fonctionnels. À cet égard, un organisme national peut être qualifié de «juridiction» au sens dudit article lorsqu’il exerce des fonctions juridictionnelles, tandis que, dans l’exercice d’autres fonctions, notamment de nature administrative, cette qualification ne peut lui être reconnue (voir, en ce qui concerne la Cour des comptes italienne,
ordonnances du 26 novembre 1999, ANAS, C-192/98, Rec. p. I-8583, point 22, et RAI, C-440/98, Rec. p. I-8597, point 13). L’autorité devant laquelle est introduit un recours contre une décision prise par les services d’une administration ne peut être considérée comme un tiers par rapport à ces services et, partant, comme une juridiction au sens de l’article 267 TFUE, lorsqu’elle présente un lien organique avec ladite administration (voir, en ce sens, arrêts Corbiau, précité, point 16, et du 30 mai
2002, Schmid, C-516/99, Rec. p. I-4573, point 37).

22 En l’occurrence, tout d’abord, il ressort de la décision de renvoi que l’Elegktiko Synedrio a été saisi pour résoudre un différend, né dans le cadre du contrôle préalable des dépenses publiques, opposant le commissaire de l’Elegktiko Synedrio placé près le ministère de la Culture et du Tourisme, d’une part, au service comptable de ce même ministère, d’autre part.

23 À cet égard, il ressort du dossier que le commissaire de l’Elegktiko Synedrio est un membre de l’Elegktiko Synedrio placé, ainsi qu’il résulte de l’article 19, paragraphe 1, du décret présidentiel, auprès de chaque ministère pour exercer un contrôle préalable des ordres de dépenses effectués par le ministère concerné. Le différend en question résulte du refus du commissaire de l’Elegktiko Synedrio près le ministère de la Culture et du Tourisme d’approuver la dépense correspondant à la
rémunération d’un travailleur sous contrat à durée déterminée pour les heures consacrées à un congé syndical. Ledit refus a été opposé à l’autorité qui avait établi la demande initiale de paiement, laquelle est, en l’espèce, le service de contrôle comptable de ce même ministère. Toutefois, ce service a soumis une nouvelle demande de paiement, au même titre que la précédente. C’est dans ces circonstances que, en application de l’article 21, paragraphe 1, du décret présidentiel, ledit commissaire,
persistant dans son refus, a transmis son «rapport négatif» à l’Elegktiko Synedrio, provoquant ainsi la saisine de celui-ci aux fins de statuer sur ce rapport.

24 Il découle de ce qui précède que l’Elegktiko Synedrio entretient avec son commissaire placé près le ministère de la Culture et du Tourisme, dont émane le rapport négatif contesté devant lui, un lien organique et fonctionnel évident, qui s’oppose à ce que lui soit reconnue la qualité de tiers par rapport audit commissaire (voir, par analogie, arrêts précités Corbiau, point 16, et Schmid, point 38).

25 Dès lors, lorsqu’il se prononce sur le «rapport négatif» établi par son commissaire, l’Elegktiko Synedrio n’a pas la qualité de tiers par rapport aux intérêts en présence et, partant, ne possède pas l’impartialité requise vis-à-vis du bénéficiaire de la dépense en cause, en l’occurrence M. Antonopoulos (voir, par analogie, arrêt du 22 décembre 2010, RTL Belgium, C-517/09, Rec. p. I-14093, point 47).

26 Ensuite, force est de constater que, contrairement à ses compétences afférentes au «jugement des litiges» relatifs à l’octroi des pensions telles que décrites à l’article 98, paragraphe 1, sous f), de la Constitution ainsi qu’au «jugement» des affaires relatives à la responsabilité des fonctionnaires publics, civils ou militaires prévues à l’article 98, paragraphe 1, sous g), de cette Constitution, la compétence de l’Elegktiko Synedrio dans le cadre de laquelle s’inscrit la présente demande de
décision préjudicielle est relative au «contrôle» préalable des dépenses de l’État, sur le fondement de l’article 98, paragraphe 1, sous a), de ladite Constitution, et n’est, dès lors, pas censée donner lieu à un tel jugement.

27 En effet, à cet égard, il ressort de la décision de renvoi que, sur le fondement de cette dernière compétence, l’Elegktiko Synedrio est appelé à apprécier la légalité budgétaire des dépenses publiques et à adopter une décision qui n’est pas revêtue de l’autorité de la chose jugée.

28 Ainsi, une telle décision ne s’inscrit pas dans le cadre d’une procédure destinée à aboutir à une décision de caractère juridictionnel, contrairement à l’exigence jurisprudentielle énoncée au point 19 du présent arrêt.

29 Enfin, il a été établi lors de l’audience que l’intéressé, en tant que bénéficiaire de la dépense en cause au principal, n’est pas partie à la procédure devant l’Elegktiko Synedrio, laquelle concerne exclusivement un différend entre le commissaire de l’Elegktiko Synedrio et l’autorité administrative souhaitant effectuer la dépense, au sujet de la légalité de celle-ci et de la procédure suivie.

30 Dans le cadre de ce processus administratif, l’intéressé, en tant que bénéficiaire de la dépense en cause, occupe une position de simple observateur au soutien de la position du service de contrôle comptable du ministère qui entend lui verser sa rémunération.

31 Ce n’est qu’à un stade ultérieur, une fois saisi le juge administratif, qu’un jugement sur le litige opposant l’intéressé à l’administration, au sujet du versement de ladite rémunération, sera rendu. Ainsi, il incombera au juge administratif de statuer sur le droit à rémunération de l’intéressé et, dans ce cadre, le cas échéant, de surseoir à statuer et d’adresser une demande de décision préjudicielle à la Cour (voir, par analogie, arrêt Victoria Film, précité, point 18).

32 Dans ces conditions, l’organisme de renvoi ne saurait, en l’espèce, être regardé comme agissant dans l’exercice d’une fonction juridictionnelle (voir, par analogie, ordonnances du 12 janvier 2010, Amiraike Berlin, C-497/08, Rec. p. I-101, point 21, ainsi que du 24 mars 2011, Bengtsson, C-344/09, Rec. p. I-1999, point 19 et jurisprudence citée).

33 Il résulte des considérations qui précèdent, appréciées globalement, que, dans le contexte ayant donné lieu à la présente demande de décision préjudicielle, l’Elegktiko Synedrio ne constitue pas une juridiction au sens de l’article 267 TFUE et, par conséquent, il n’est pas habilité à adresser une demande de décision préjudicielle à la Cour.

34 Dès lors, la demande de décision préjudicielle introduite par l’Elegktiko Synedrio doit être déclarée irrecevable.

Sur les dépens

35 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant l’Elegktiko Synedrio, il appartient à celui-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

  La demande de décision préjudicielle introduite par l’Elegktiko Synedrio (Grèce), par décision du 1er juillet 2011, est irrecevable.

  Signatures

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( *1 )   Langue de procédure: le grec.


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : C‑363/11
Date de la décision : 19/12/2012
Type de recours : Recours préjudiciel - irrecevable

Analyses

demande de décision préjudicielle, introduite par l’Elegktiko Synedrio (Grèce).

Renvoi préjudiciel – Notion de ‘juridiction d’un des États membres’ au sens de l’article 267 TFUE – Procédure destinée à aboutir à une décision de caractère juridictionnel – Cour des comptes nationale statuant sur une autorisation préalable à une dépense publique – Irrecevabilité.

Politique sociale


Parties
Demandeurs : Epitropos tou Elegktikou Synedriou sto Ypourgeio Politismou kai Tourismou
Défendeurs : Ypourgeio Politismou kai Tourismou – Ypiresia Dimosionomikou Elenchou.

Composition du Tribunal
Avocat général : Sharpston
Rapporteur ?: Malenovský

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2012:825

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