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20/09/2012 | CJUE | N°C-394/11

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Valeri Hariev Belov contre CHEZ Elektro Balgaria AD et autres., 20/09/2012, C-394/11


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M ME JULIANE KOKOTT

présentées le 20 septembre 2012 ( 1 )

Affaire C‑394/11

Valeri Hariev Belov

[demande de décision préjudicielle présentée par la Komisia za zashtita ot diskriminatsia (Bulgarie)]

«Recevabilité de la demande préjudicielle — ‘Juridiction d’un des États membres’ au sens de l’article 267 TFUE — Directive 2000/43/CE — Principe de l’égalité de traitement sans distinction de race ou d’origine ethnique — Discrimination indirecte — Quartiers urbains m

ajoritairement peuplé de membres de la communauté rom — Placement de compteurs électriques à une hauteur inaccessible pour le c...

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M ME JULIANE KOKOTT

présentées le 20 septembre 2012 ( 1 )

Affaire C‑394/11

Valeri Hariev Belov

[demande de décision préjudicielle présentée par la Komisia za zashtita ot diskriminatsia (Bulgarie)]

«Recevabilité de la demande préjudicielle — ‘Juridiction d’un des États membres’ au sens de l’article 267 TFUE — Directive 2000/43/CE — Principe de l’égalité de traitement sans distinction de race ou d’origine ethnique — Discrimination indirecte — Quartiers urbains majoritairement peuplé de membres de la communauté rom — Placement de compteurs électriques à une hauteur inaccessible pour le consommateur — Justification — Lutte contre fraudes et abus — Directives 2006/32/CE et 2009/72/CE — Possibilité
pour le consommateur de contrôler sa consommation électrique individuelle»

I – Introduction

1. Est-il discriminatoire de placer, dans les quartiers majoritairement habités par un groupe ethnique déterminé, les compteurs électriques à une hauteur plus élevée que dans d’autres quartiers? Telle est, en substance, la question que la commission bulgare pour la protection contre les discriminations (KZD) ( 2 ) a posée à la Cour, lui offrant ainsi l’occasion d’affiner sa jurisprudence concernant ce qu’il est convenu d’appeler les «directives anti-discrimination», à savoir la directive
2000/43/CE ( 3 ) en l’espèce ( 4 ). C’est la première fois qu’elle est invitée à se prononcer sur la discrimination indirecte fondée sur l’origine ethnique et sur les possibilités de justifier une telle discrimination. À titre préliminaire, la Cour devra en outre tirer au clair la question de savoir si la KZD est compétente à lui adresser une demande préjudicielle sur le fondement de l’article 267 TFUE.

2. Le litige a vu le jour dans la ville bulgare de Montana, dans certains quartiers de laquelle les compteurs électriques sont fixés à des poteaux à une hauteur de 7 mètres, alors que, dans d’autres, il sont placés à une hauteur de 1,70 mètre au maximum de manière à ce que les consommateurs puissent y avoir accès. Le problème, c’est que les premiers quartiers sont essentiellement habités par des membres de la communauté rom ( 5 ), de sorte que se pose la question de savoir si cette façon de procéder
ne dénote pas une discrimination fondée sur l’origine ethnique.

3. La présente espèce revêt une sensibilité particulière parce que la population concernée par l’éventuelle discrimination est une population rom. La situation des Roms en tant que principale communauté minoritaire d’Europe, puisqu’elle compte entre 10 et 12 millions de personnes, n’a cessé de susciter des débats de plus en plus animés au cours des dernières années. Nombre d’entre eux sont quotidiennement confrontés à des préjugés et à des discriminations, ainsi qu’à des manifestations d’intolérance
et d’exclusion sociale. Ils vivent fréquemment dans des conditions socio-économiques extrêmement défavorables ( 6 ). L’intégration sociale et économique des Roms est dès lors un des objectifs déclarés de l’Union européenne et de la République de Bulgarie ( 7 ). La Cour européenne des droits de l’homme a elle aussi déjà été plusieurs fois saisie de cas de discrimination dont étaient victimes les Roms ( 8 ).

II – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

4. La présente affaire doit être examinée à la lumière de la directive 2000/43. À titre complémentaire, il faut également mentionner les directives 2006/32/CE ( 9 ) et 2009/72/CE ( 10 ), qui contiennent respectivement des règles concernant l’efficacité énergétique dans les utilisations finales et le marché intérieur de l’électricité.

1. La directive anti-discrimination 2000/43

5. L’article 2 de la directive 2000/43 contient notamment la définition suivante:

«1.   Aux fins de la présente directive, on entend par ‘principe de l’égalité de traitement’, l’absence de toute discrimination directe ou indirecte fondée sur la race ou l’origine ethnique.

2.   Aux fins du paragraphe 1:

a) une discrimination directe se produit lorsque, pour des raisons de race ou d’origine ethnique, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable;

b) une discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’une race ou d’une origine ethnique donnée par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires.

[…]»

6. L’article 3 de la directive 2000/43 définit le champ d’application de celle-ci dans les termes suivants:

«1.   Dans les limites des compétences conférées à la Communauté, la présente directive s’applique à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne:

[…]

h) l’accès aux biens et services et la fourniture de biens et services, à la disposition du public, y compris en matière de logement.

[…]»

7. L’article 7, paragraphe 1, de la directive 2000/43, qui énonce des règles sur la défense des droits, dispose ce qui suit:

«Les États membres veillent à ce que des procédures judiciaires et/ou administratives, y compris, lorsqu’ils l’estiment approprié, des procédures de conciliation, visant à faire respecter les obligations découlant de la présente directive soient accessibles à toutes les personnes qui s’estiment lésées par le non-respect à leur égard du principe de l’égalité de traitement, même après que les relations dans lesquelles la discrimination est présumée s’être produite se sont terminées.»

8. L’article 8, paragraphe 1, de la directive 2000/43 énonce les dispositions suivantes concernant la charge de la preuve:

«Les États membres prennent les mesures nécessaires, conformément à leur système judiciaire, afin que, dès lors qu’une personne s’estime lésée par le non-respect à son égard du principe de l’égalité de traitement et établit, devant une juridiction ou une autre instance compétente, des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu’il n’y a pas eu violation du principe de l’égalité de traitement.»

9. Enfin, l’article 13 de la directive 2000/43 est consacré aux organismes de promotion de l’égalité de traitement:

«1.   Les États membres désignent un ou plusieurs organismes chargés de promouvoir l’égalité de traitement entre toutes les personnes sans discrimination fondée sur la race ou l’origine ethnique. Ils peuvent faire partie d’organes chargés de défendre à l’échelon national les droits de l’homme ou de protéger les droits des personnes.

2.   Les États membres font en sorte que ces organismes aient pour compétence:

— sans préjudice des droits des victimes et des associations, organisations et autres personnes morales visées à l’article 7, paragraphe 2, d’apporter aux personnes victimes d’une discrimination une aide indépendante pour engager une procédure pour discrimination,

— de conduire des études indépendantes concernant les discriminations,

— de publier des rapports indépendants et d’émettre des recommandations sur toutes les questions liées à ces discriminations.»

2. Les directives sur le marché intérieur de l’électricité et sur l’efficacité énergétique dans les utilisations finales

10. La directive 2006/32 vise à augmenter les capacités des utilisations finales de l’énergie dans les États membres au moyen de diverses mesures, destinées, notamment, à améliorer l’efficacité énergétique au profit des consommateurs finals. Son vingt-neuvième considérant est formulé dans les termes suivants:

«Afin que les utilisateurs finals puissent prendre des décisions en meilleure connaissance de cause en ce qui concerne leur consommation d’énergie individuelle, il convient de leur fournir une quantité raisonnable d’informations en la matière ainsi que d’autres informations pertinentes […]. De plus, les consommateurs devraient être résolument encouragés à vérifier régulièrement les indications de leurs compteurs.»

11. L’article 13, paragraphe 1, de la directive 2006/32 dispose en outre ce qui suit:

«Les États membres veillent à ce que, dans la mesure où cela est techniquement possible, financièrement raisonnable et proportionné compte tenu des économies d’énergie potentielles, les clients finals dans les domaines de l’électricité, du gaz naturel, du chauffage et/ou du refroidissement urbain(s) et de la production d’eau chaude à usage domestique reçoivent à un prix concurrentiel des compteurs individuels qui mesurent avec précision leur consommation effective et qui fournissent des
informations sur le moment où l’énergie a été utilisée.»

12. La directive 2009/72 contient des règles communes pour la production, le transport, la distribution et la fourniture d’électricité et définit les modalités d’organisation et de fonctionnement du secteur de l’électricité ( 11 ). Conformément à l’article 3, paragraphe 7, de cette directive, les États membres prennent les «mesures appropriées pour protéger les clients finals». Dans le cas des clients particuliers, ils devront au moins prendre les mesures énumérées à l’annexe I de la directive.

13. Aux termes de l’annexe I, point 1, de la directive 2009/72, intitulée «Mesures relatives à la protection des consommateurs», «les mesures visées à l’article 3 ont pour objet de faire en sorte que les clients:

[…]

h) puissent disposer de leurs données de consommation […]; [et]

i) soient dûment informés de la consommation réelle d’électricité et des coûts s’y rapportant, à une fréquence suffisante pour leur permettre de réguler leur propre consommation d’électricité. […] Il y a lieu de prendre dûment en compte le rapport coût-efficacité de telles mesures. Ce service ne donne lieu à aucun surcoût pour le consommateur;

[…]»

B – Le droit bulgare

14. Pour transposer toute une série de directives et d’autres actes de l’Union européenne, notamment la directive 2000/43, la République de Bulgarie a adopté la loi sur la protection contre les discriminations ( 12 ) (ZZD), qui, outre des règles sur l’interdiction des discriminations, contient également des dispositions sur la Commission pour la protection contre les discriminations de la KZD. La demande préjudicielle se réfère en outre à de nombreuses autres dispositions nationales telles que la
loi sur l’énergie, le règlement relatif au raccordement des producteurs et des consommateurs d’électricité aux réseaux d’acheminement et de distribution ainsi que les conditions générales de vente des entreprises de distribution et de fourniture d’électricité.

III – Les faits et la procédure au principal

15. La procédure au principal a été déclenchée par une réclamation déposée par M. Valeri Hariev Belov auprès de la KZD. M. Belov vit dans la ville bulgare de Montana, et plus précisément dans un des deux quartiers de cette ville qui, ainsi qu’il apparaît des indications figurant dans la demande de renvoi, sont connus comme étant des «quartiers roms» en raison de leur population majoritairement composée de membres de cette communauté.

16. L’approvisionnement en énergie électrique de la commune de Montana a été confié à la ChEZ Elektro Balgaria AD (CEB) et la distribution du courant à la ChEZ Raspredelenie Balgaria AD (CRB), qui travaillent l’une et l’autre sous le contrôle de la commission de régulation de l’énergie et de l’eau ( 13 ) (DKEVR), qui est un organe d’État. L’ensemble du territoire de la ville de Montana est équipé de compteurs électriques qui appartiennent à la CRB.

17. Au cours des années 1998 et 1999, les compteurs électriques des deux quartiers roms «Ogosta» et «Kosharnik» de la commune de Montana ont été placés sur des poteaux électriques à une hauteur de 7 mètres, tout comme ils l’avaient été dans quelques autres villes du pays. En dehors de ces quartiers, les compteurs électriques sont placés à une hauteur de 1,70 mètre au maximum, généralement dans les habitations des consommateurs ou sur les murs extérieurs des bâtiments, voire sur les enceintes des
propriétés.

18. Afin de permettre aux consommateurs habitant ces deux quartiers de contrôler leur consommation sur les compteurs électriques placés à une hauteur de 7 mètres, la CRB s’est engagée, dans ses conditions générales de vente, à mettre gratuitement à la disposition des clients qui en font la demande écrite un véhicule équipé d’une nacelle au moyen duquel ses employés peuvent accéder aux compteurs pour en faire la lecture. Aucun client n’a cependant fait usage de cette possibilité jusqu’à présent. Les
consommateurs ont également la possibilité de faire placer un compteur à leurs frais dans leur logement. En dehors de ces deux solutions, il n’existe pas d’autre possibilité de contrôle pour les habitants de ces quartiers.

19. Au cours de la procédure de réclamation qu’il a engagée devant la KZD, M. Belov fait valoir que placer les compteurs électriques à une hauteur de 7 mètres est une mesure discriminatoire qui lui fait grief en raison de son origine ethnique. Il soutient également que toutes les personnes d’origine rom résidant dans les deux quartiers concernés seraient victimes d’une discrimination fondée sur leur appartenance ethnique.

20. La réclamation de M. Belov est dirigée contre la CEB. La CRB, les représentants légaux et les dirigeants des deux entreprises ainsi que la DKEVR ont été attraits à la cause en intervention forcée par la KZD.

IV – La demande préjudicielle et la procédure devant la Cour

21. La KZD a décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour des questions préjudicielles suivantes:

«1) La présente affaire relève-t-elle du champ d’application de la directive 2000/43 du Conseil, du 29 juin 2000, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique [article 3, paragraphe 1, sous h)]?

2) Que faut-il comprendre par ‘traitée de manière moins favorable’ au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la directive 2000/43, et par ‘est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’une race ou d’une origine ethnique donnée’, au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/43?

2.1) Pour qu’un traitement moins favorable soit qualifié de discrimination directe, est-il absolument nécessaire qu’il soit plus défavorable et qu’il affecte directement ou indirectement des droits ou des intérêts expressément établis par la loi, ou bien faut-il comprendre que cela vise toute forme de comportement (attitude), dans le sens le plus large du terme, qui serait moins confortable par rapport à un comportement dans une situation comparable?

2.2) Pour que le fait de procurer un désavantage particulier soit qualifié de discrimination indirecte, est-il également nécessaire qu’il affecte directement ou indirectement des droits ou des intérêts expressément établis par la loi, ou bien faut-il comprendre que cela vise, dans un sens plus large, toute forme de placement dans une situation particulière défavorable ou inconfortable?

3) Eu égard à la réponse donnée à la deuxième question, si, pour considérer que l’on est en présence d’une discrimination directe ou indirecte au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous a) et b), de la directive 2000/43, il faut qu’il y ait un traitement moins favorable ou bien qu’il soit procuré un désavantage particulier affectant directement ou indirectement un droit ou un intérêt établi par la loi, alors:

3.1) les dispositions de l’article 38 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de la directive 2006/32/CE (vingt-neuvième considérant, article 1er et article 13, paragraphe 1), de la directive 2003/54/CE (article 3, paragraphe 5), de la directive 2009/72/CE (article 3, paragraphe 7) confèrent-elles à l’utilisateur final de l’électricité un droit ou un intérêt à vérifier régulièrement l’affichage du compteur d’électricité susceptible d’être invoqué devant une juridiction
dans une procédure telle que celle au principal,

et

3.2) autorisent-elles une législation nationale ou une pratique administrative, approuvée par la commission nationale de régulation des marchés de l’énergie et de l’eau, qui laissent à l’entreprise de distribution d’électricité la liberté d’installer les compteurs d’électricité à des endroits difficiles d’accès ou inaccessibles, en empêchant les consommateurs de contrôler et de suivre personnellement et régulièrement l’affichage des compteurs d’électricité?

4) Eu égard à la réponse donnée à la deuxième question, si, pour considérer que l’on est en présence d’une discrimination directe ou indirecte, il n’est pas nécessaire qu’il y ait une atteinte directe ou indirecte à un droit ou à un intérêt établi par la loi, les dispositions de l’article 2, paragraphe 2, sous a) et b), de la directive 2000/43:

4.1) autorisent-elles une législation nationale et une jurisprudence, comme celles en cause dans la procédure au principal, selon lesquelles, pour qu’un traitement soit qualifié de discriminatoire, il est nécessaire qu’il soit plus défavorable et que le placement dans une situation plus défavorable affecte directement ou indirectement des droits ou des intérêts établis par la loi,

4.2) et, si elles n’autorisent pas cela, la juridiction nationale est-elle tenue de les laisser inappliquées dans l’affaire dont elle est saisie et d’appliquer les définitions fixées dans la directive?

5) Comment la disposition de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2000/43 doit-elle être interprétée?

5.1) Cette disposition exige-t-elle que la victime apporte la preuve de faits permettant catégoriquement, indubitablement et certainement de conclure que l’on est en présence d’une discrimination directe ou indirecte, ou bien est-il suffisant que les faits donnent lieu à une discrimination supposée ou présumée?

5.2) Le fait que a) les compteurs d’électricité sont placés sur des poteaux électriques dans la rue, à une hauteur inaccessible aux fins d’un contrôle visuel de leur affichage par les consommateurs, uniquement dans deux quartiers de la ville connus pour être des quartiers roms, avec des exceptions connues dans certaines parties de ces quartiers, et que b) dans tous les autres quartiers de la ville, les compteurs d’électricité sont placés à une hauteur différente, accessible aux fins d’un
contrôle visuel (environ 1,7 m), le plus souvent dans la propriété de l’usager ou sur la façade de l’immeuble ou encore sur la clôture, est-il de nature à renverser la charge de la preuve, pour la faire peser sur la partie défenderesse?

5.3) Un renversement de la charge de la preuve pour la faire peser sur la partie défenderesse est-il exclu a) par le fait que, dans les deux quartiers de la ville connus pour être des quartiers roms, il ne vit pas que des Roms, mais également des personnes ayant une autre origine ethnique, b) selon la proportion de personnes, dans ces deux quartiers, qui se considèrent effectivement comme des Roms, et c) par le fait que l’entreprise de distribution d’électricité a estimé, pour des raisons
notoirement connues, que dans ces deux quartiers les compteurs d’électricité devaient être installés à cette hauteur de 7 m?

6) Eu égard à la réponse donnée à la cinquième question:

6.1) les règles découlant de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2000/43 doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles exigent la supposition/présomption de l’existence d’une discrimination, et les faits en question renversent-ils la charge de la preuve, pour la faire peser sur la partie défenderesse, et quelle forme de discrimination ces faits font-ils supposer (directe, indirecte et/ou un harcèlement)?

6.2) les dispositions de la directive 2000/43 permettent-elles de justifier une discrimination directe et/ou un harcèlement par la poursuite d’un intérêt légitime en employant les moyens nécessaires et appropriés à cet effet?

6.3) en l’espèce, eu égard aux intérêts légitimes faits valoir par la société de distribution d’électricité, la mesure appliquée dans les deux quartiers en question peut-elle être justifiée, sachant que:

a) ladite mesure est appliquée en raison de l’accumulation de factures impayées dans les deux quartiers visés, des violations perpétrées par les usagers portant atteinte et mettant en danger la sécurité, la qualité, la continuité, et la sûreté du fonctionnement des installations électriques,

et que

la mesure en question est appliquée collectivement, indépendamment du fait que l’usager concerné paie ou ne paie pas ses factures de distribution et de fourniture d’électricité et indépendamment du constat que l’usager concerné ait perpétré quelque violation que ce soit (manipulation des indications du compteur d’électricité, branchement irrégulier et/ou détournement/consommation d’électricité sans qu’elle soit mesurée et payée, ou n’importe quelle autre atteinte au réseau qui violerait
ou mettrait en danger la sécurité, la qualité, la continuité, et la sûreté de son fonctionnement),

et

b) que, pour toute violation similaire, la législation et les conditions générales du contrat de distribution prévoient des responsabilités, y compris la responsabilité civile, administrative et pénale,

et

c) que la clause prévue à l’article 27, paragraphe 2, des conditions générales du contrat, selon laquelle l’entreprise de distribution doit assurer la possibilité d’effectuer un contrôle visuel de l’affichage des compteurs d’électricité, sur demande écrite expresse de l’usager, ne permet pas réellement à l’usager de contrôler personnellement et régulièrement ledit affichage,

et

d) qu’il existe la possibilité d’installer le compteur d’électricité au domicile de l’usager sur la base d’une demande écrite expresse, et moyennant le paiement d’une redevance,

et

e) que la mesure en question pointe du doigt, d’une façon singulière et manifeste, un comportement incorrect de l’usager, quelle qu’en soit la forme, en raison du caractère notoirement connu, selon la société de distribution, des raisons de sa mise en œuvre,

et

f) qu’il existe d’autres façons et d’autres moyens techniques pour prévenir les atteintes aux compteurs d’électricité,

et

g) que, selon les affirmations du représentant en justice de la société de distribution, une mesure similaire, mise en œuvre dans des quartiers roms dans une autre ville, n’a pas réellement été efficace pour prévenir les atteintes,

h) et qu’une installation électrique (transformateur) construite dans un de ces quartiers semble dénuée de dispositifs de sécurité et de compteurs d’électricité?»

22. Ont présenté des observations écrites et orales dans la procédure devant la Cour la CEB et la CRB ( 14 ), ainsi que le gouvernement bulgare et la Commission européenne. M. Belov était représenté à l’audience de la Cour du 11 juillet 2012.

V – Appréciation juridique

A – Recevabilité de la demande préjudicielle

23. Certaines des parties qui ont présenté des observations contestent la recevabilité du renvoi au motif, principalement, que la KZD ne serait pas une juridiction. Elles font également valoir que certaines des questions qu’elle a adressées à la Cour seraient hypothétiques.

1. Sur la capacité de la KZD

24. Vu la multitude d’autorités indépendantes qui ont été créées dans les États membres au cours des dernières années, bien souvent en exécution d’obligations résultant du droit de l’Union, il n’est pas étonnant que la Cour soit régulièrement confrontée à la question de savoir si de telles autorités peuvent engager des procédures préjudicielles ( 15 ).

25. Pour déterminer si une autorité indépendante telle que la KZD peut saisir la Cour d’une demande de décision préjudicielle, il faut établir si cette institution peut être considérée comme une «juridiction d’un des États membres» au sens de l’article 267 TFUE. La Commission et le gouvernement bulgare affirment que tel est le cas, alors que la CEB et la CRB défendent le point de vue contraire.

26. Pour apprécier si l’organisme de renvoi est une juridiction au sens de l’article 267 TFUE, question qui, selon une jurisprudence constante de la Cour, relève uniquement du droit de l’Union, la Cour tient compte d’un ensemble d’éléments, tels l’origine légale de l’organe, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de la procédure, l’application, par cet organisme, des règles de droit ainsi que son indépendance ( 16 ). En outre, les juridictions nationales
ne sont habilitées à saisir la Cour que si un litige est pendant devant elles et si elles sont appelées à statuer dans le cadre d’une procédure destinée à aboutir à une décision à caractère juridictionnel ( 17 ). C’est la raison pour laquelle nous allons à présent nous employer à déterminer si la KZD remplit ces critères en nous fondant sur les règles concrètes qui régissent sa structure et la procédure engagée devant elle.

27. Il convient de souligner à ce sujet que l’on ne saurait déclarer, sans autre forme de procès, que la KZD est une juridiction en se référant à la mission de droit de l’Union qui lui a été confiée en sa qualité d’organe créé en vue de promouvoir l’égalité de traitement et d’assurer une protection juridique aux victimes de discrimination (articles 7 et 13 de la directive 2000/43). En effet, la protection juridique exigée par la directive 2000/43 est une protection selon des procédures judiciaires
ou administratives (article 7, paragraphe 1, de la directive 2000/43) et n’est donc pas nécessairement une protection qui s’obtient devant les seules juridictions. Il est, par conséquent, nécessaire de vérifier en détail si la KZD remplit les critères exigés des juridictions des États membres par le droit de l’Union aux fins de l’article 267 TFUE.

28. L’origine légale de la KZD, son caractère permanent et l’application par elle des règles de droit ne soulèvent aucun problème ( 18 ). La KZD remplit également le critère de la nature contradictoire de la procédure ( 19 ). En revanche, l’indépendance de la KZD, le caractère obligatoire de sa compétence et le caractère juridictionnel de ses décisions sont farouchement contestés.

a) Indépendance

29. Il est de jurisprudence constante que la notion d’indépendance judiciaire comporte deux aspects: un aspect externe et un aspect interne.

30. L’aspect externe de l’indépendance implique que l’organisme appelé à statuer soit protégé d’interventions ou de pressions extérieures susceptibles de mettre en péril l’indépendance de jugement de ses membres quant aux litiges qui leur sont soumis ( 20 ). L’indépendance externe des membres de l’organe de décision de la KZD ne fait aucun doute en l’espèce. Les règles concernant l’indépendance des juges qui sont énoncées dans le code de procédure civile bulgare leur sont applicables par analogie (
21 ). Ils bénéficient donc de garanties comparables à celles qui protègent les juges des juridictions de droit commun en Bulgarie.

31. En ce qui concerne l’aspect interne de l’indépendance, il rejoint la notion d’impartialité et vise l’égale distance par rapport aux parties au litige et à leurs intérêts respectifs au regard de l’objet de celui-ci ( 22 ).

32. La CEB et la CRB considèrent que la KZD n’est pas objectivement impartiale ( 23 ) en raison de sa structure. Elles montrent du doigt le lien qui existe entre son organe de décision et l’appareil administratif qui lui est subordonné et dénoncent les missions dont elle s’acquitte.

33. Ces objections ne sont cependant guère convaincantes.

34. En effet, d’un point de vue fonctionnel, il existe une séparation nette entre l’organe de décision de la KZD et l’appareil administratif qui lui est subordonné. S’il est vrai que cet appareil peut également établir, sur les questions de discrimination, des rapports juridiques destinés aux membres de la commission, rien dans les informations fournies à la Cour ne permet cependant de conclure qu’il serait associé au processus de décision de ces membres ( 24 ). L’aide juridique aux victimes de
discrimination, qui fait partie des missions de la KZD en tant qu’institution ( 25 ), n’est d’ailleurs pas fournie par les membres de la commission eux-mêmes, mais par l’administration et par elle seule. Le gouvernement bulgare a expliqué à l’audience que les conseils et le soutien ne sont fournis aux victimes de discrimination qu’en dehors des procédures pendantes. Ni les membres de la commission ni l’administration ne se tiennent donc aux côtés d’une des parties dans le cadre d’une procédure
de réclamation engagée devant la KZD. Les membres de la commission statuent au contraire de manière objective et indépendante sur les contraventions à la ZZD ( 26 ).

35. Le simple fait que la KZD ait été créée en tant qu’organe d’application du principe de l’égalité de traitement ( 27 ) n’implique pas forcément qu’elle se tiendrait automatiquement du côté des victimes et aurait partie liée avec eux. S’il est vrai qu’elle a pour mission de veiller au respect des règles légales de la ZZD, elle s’acquitte cependant de cette mission en tant qu’organe étatique objectif et indépendant qui, lorsqu’il est saisi d’une plainte, doit statuer comme une juridiction et
déclarer s’il existe ou non une discrimination.

36. Il résulte de l’argumentation qui précède que la KZD est suffisamment indépendante pour pouvoir être considérée comme une juridiction au sens de l’article 267 TFUE.

b) Activité juridictionnelle

37. La CEB et la CRB font valoir en outre que la KZD n’exerce aucune activité juridictionnelle. Elle ne serait pas un organe de l’ordre judiciaire, mais une autorité administrative, comme le démontreraient les missions qui lui ont été confiées ainsi que le fait qu’elle peut comparaître en qualité de partie dans une procédure de recours ultérieure engagée contre ses propres décisions ( 28 ), intervenir d’office contre les discriminations ( 29 ) et rapporter ses propres décisions avec l’accord des
parties ainsi que le fait que les procédures civiles ont la primauté sur les procédures engagées devant elle ( 30 ).

38. Il faut tout d’abord observer à ce sujet que les activités administratives de la KZD n’excluent pas forcément qu’elle ait la qualité de juridiction. En effet, la Cour a itérativement jugé que l’habilitation d’un organisme à former des demandes préjudicielles doit s’analyser selon des critères tant structurels que fonctionnels. Un seul et même organisme national peut ainsi être qualifié à la fois de juridiction et d’administration selon qu’il exerce des fonctions juridictionnelles ou s’acquitte
de missions administratives dans un cas concret ( 31 ). Il est dès lors nécessaire de vérifier quelle est la nature spécifique des fonctions que la KZD exerce dans le contexte normatif particulier dans lequel elle est appelée à saisir la Cour en l’espèce ( 32 ).

39. C’est dans le cadre d’une procédure de réclamation que l’organe de décision indépendant de la KZD s’est adressé à la Cour en l’espèce. La KZD a été saisie de cette réclamation par un particulier se disant victime de discrimination qui lui demande de contrôler la compatibilité des mesures litigieuses avec la ZZD. Ce contrôle peut dès lors être qualifié d’activité juridictionnelle. Les missions administratives que l’administration subordonnée aux membres de la commission assume dans un autre
contexte, comme les conseils prodigués aux victimes et la représentation de la KZD en seconde instance, sont dénuées de pertinence aux fins de l’appréciation du caractère juridictionnel d’une procédure de réclamation telle que celle que M. Belov a engagée en l’espèce.

40. En deuxième lieu, que l’organe de décision de la KZD puisse aussi, en théorie, entamer une procédure d’office n’a aucune importance ( 33 ), car, dans la présente espèce en tout cas, la KZD n’a pas agi de sa propre initiative, mais parce qu’elle avait été saisie d’une réclamation par un particulier se disant victime d’une discrimination. Le point de savoir si, lorsqu’il s’acquitte d’autres missions que celle qui a débouché sur la saisine de la Cour, l’organe de renvoi peut être qualifié de
juridiction au sens de l’article 267 TFUE est dénué de pertinence pour apprécier s’il est habilité à former des demandes préjudicielles ( 34 ).

41. En troisième lieu, le fait que la KZD peut attraire d’autres parties en intervention forcée dans la procédure de réclamation dont ont été saisis les membres de la commission ne signifie pas davantage qu’elle n’aurait pas la nature d’une juridiction. En effet, l’intervention forcée est un instrument parfaitement habituel dans les procédures devant des juridictions administratives classiques également ( 35 ).

42. En quatrième lieu, les règles qui régissent les rapports entre la procédure devant la KZD et les procédures devant les juridictions civiles bulgares ne sont pas davantage de nature à permettre de conclure que la KZD n’est pas une juridiction. Contrairement à la CEB et à la CRB, nous considérons que ces règles, qui ont été largement commentées au cours de l’audience devant la Cour, militent plutôt en faveur de la thèse de l’aptitude de la KZD à former des renvois préjudiciels que contre elle.

43. S’il est vrai que la KZD ne peut pas statuer sur une réclamation lorsque le différend a été porté devant une juridiction civile bulgare ( 36 ), il ne faut cependant voir dans cette impossibilité que l’expression du principe de la litispendance, qui est un principe général du droit de la procédure. Il résulte de ce principe qu’un recours est irrecevable lorsqu’un recours identique a déjà été introduit devant une autre juridiction ( 37 ). Que ce principe s’applique également à la KZD milite en
faveur de sa qualité de juridiction au sens de l’article 267 TFUE. En effet, si une procédure telle que la procédure au principal n’avait pas un caractère juridictionnel, il ne serait pas d’emblée nécessaire de créer une règle d’incompétence en cas de litispendance devant les juridictions civiles, puisque aucun problème de litispendance ne pourrait de toute façon se présenter.

44. Rien, du moins dans les informations dont dispose la Cour, ne permet d’affirmer que la KZD perdrait également sa compétence dans le cas d’une procédure engagée ultérieurement devant une juridiction civile, c’est-à-dire que sa saisine serait «moins importante» que celle des juridictions civiles. Interrogées sur ce point à l’audience, la CEB et la CRB qui avaient argumenté en ce sens n’ont cependant fourni que des explications extrêmement vagues et sont, notamment, demeurées dans l’impossibilité
de citer une règle de droit concrète qui corroborerait leur thèse. En l’absence d’éléments qui démontreraient le contraire, il y a donc lieu d’admettre que la règle de la litispendance s’applique toujours de la même manière indépendamment du point de savoir si, dans un cas concret, c’est une juridiction civile bulgare ou la KZD qui a été saisie en premier lieu. Cette permanence de la règle de litispendance incline à penser que la KZD est une juridiction.

45. Enfin, le fait que la KZD puisse rapporter ou modifier ses propres jugements avec l’accord des parties ( 38 ) ne démontre aucunement qu’elle ne serait pas une juridiction. Les pouvoirs administratifs peuvent en général rapporter leurs décisions sans l’accord des parties. Toutes les parties à la procédure devant la Cour ont confirmé que tel est également le cas en droit bulgare. En revanche, les décisions judiciaires peuvent généralement être annulées par voie de recours avant qu’elles soient
devenues définitives et, une fois qu’elles le sont devenues, elles ne peuvent être annulées qu’à titre tout à fait exceptionnel après réouverture de la procédure. Il est certes permis de considérer le fait que la KZD peut apparemment modifier ses décisions à des conditions assouplies comme l’expression d’une sorte de «statut hybride» de l’organe de décision de la KZD qui situerait celui-ci entre une autorité administrative classique et une juridiction classique. Il n’en demeure pas moins que
l’élément déterminant est que les décisions que la KZD a rendues après avoir été saisie d’une réclamation ne peuvent être modifiées qu’avec l’accord des deux parties. En définitive, cette possibilité d’amendement peut ainsi être considérée comme l’expression d’un principe de disposition au sens large dans la procédure judiciaire ( 39 ).

c) Le caractère obligatoire de la juridiction

46. La CEB et la CRB font encore valoir que les procédures de réclamation engagées devant la KZD ne relèveraient pas d’une juridiction à caractère obligatoire, parce que l’article 71 de la ZZD permet au plaignant de préférer s’adresser à une juridiction civile en cas de discrimination. Le critère du caractère obligatoire de la juridiction ne serait dès lors pas rempli, puisque le recours à la KZD ne serait pas la seule voie de recours possible contre les discriminations.

47. Dans l’affaire Dorsch Consult, la Cour devait notamment préciser la notion de juridiction obligatoire. Dans son arrêt, elle a établi une distinction entre une juridiction «obligatoire» en ce sens que l’organe saisi offrirait la seule voie de recours possible et une juridiction «obligatoire» en ce sens que l’organe saisi rendrait des décisions ayant force obligatoire ( 40 ). Dans cette affaire-là, la Cour n’a pas eu à donner une délimitation claire et nette qui permettrait d’accorder la
préférence à l’une ou à l’autre possibilité d’interprétation, parce que la juridiction de l’organe concerné était «obligatoire» dans les deux sens susvisés. La présente affaire offre donc à la Cour l’occasion de préciser sa jurisprudence sur ce point.

48. À l’instar de la position que la Commission avait adoptée dans l’affaire Dorsch Consult ( 41 ) ainsi qu’au cours de l’audience qui s’est tenue dans la présente affaire, nous sommes encline à penser, nous aussi, que le terme «obligatoire» désigne uniquement le caractère obligatoire des décisions de l’organisme de renvoi. En effet, si la juridiction cessait d’être obligatoire en raison du simple fait qu’il existe d’autres voies de recours, une juridiction civile classique ne pourrait pas, à
strictement parler, saisir la Cour d’une demande de décision préjudicielle dans un cas tel que celui-ci, parce qu’il existerait une autre voie de recours qu’une action devant elle, à savoir la procédure de réclamation devant la KZD ( 42 ). Cette impossibilité aurait pour conséquence paradoxale qu’aucun des deux organes bulgares compétents à connaître des recours fondés sur la ZZD ne serait habilité à adresser des questions préjudicielles à la Cour concernant l’interprétation de la directive
2000/43.

49. Par conséquent, le seul critère logique peut uniquement être celui de savoir si une décision rendue par la KZD dans une procédure de réclamation a force obligatoire pour les parties. Tel est le cas en l’espèce. Comme l’a expliqué le gouvernement bulgare et ainsi qu’il résulte d’ailleurs des articles 69 et 82 de la ZZD, les décisions de la KZD ont force de chose jugée, elles lient les parties et leur non-respect est passible d’une amende.

50. En résumé, j’estime que la KZD devrait être considérée comme une juridiction au sens de l’article 267 TFUE en l’espèce.

2. Sur le caractère prétendument hypothétique des questions préjudicielles

51. La CEB et la CRB font encore valoir que la deuxième et la sixième question préjudicielle seraient hypothétiques dans la mesure où elles portent sur une discrimination directe ou un harcèlement. Dès lors qu’il s’agirait d’une discrimination indirecte en l’espèce, seules les questions relatives à cette forme de discrimination seraient recevables.

52. Il est exact que la mesure litigieuse ne peut pas à la fois être une discrimination directe et une discrimination indirecte. C’est à la KZD, en sa qualité de juridiction de renvoi, qu’il appartient d’établir de quelle forme de discrimination il s’agit sur la base des circonstances du cas concret au terme d’une appréciation de tous les faits. Or, la KZD demande précisément une interprétation de chaque type afin de pouvoir déterminer sur quelle forme de discrimination elle doit statuer. Déclarer
la demande préjudicielle recevable uniquement en ce qui concerne une seule forme de discrimination amènerait la Cour à anticiper sur l’appréciation des faits qui appartient à la KZD et, le cas échéant, à fournir à celle-ci une réponse étrangère aux faits dont elle a à connaître.

53. Néanmoins, dans la mesure où certaines questions ou certaines parties d’entre elles devraient effectivement s’avérer hypothétiques ou superflues au cours de notre analyse juridique, nous ne les aborderons pas dans nos propositions de réponse.

3. Résultat intermédiaire

54. La demande préjudicielle est ainsi intégralement recevable.

B – Appréciation du contenu des questions préjudicielles

55. La KZD a formulé son catalogue de questions extrêmement détaillé afin d’obtenir des précisions sur la portée du principe de l’égalité de traitement au regard de l’origine ethnique des personnes et sur les exigences auxquelles doivent satisfaire les preuves permettant d’établir une discrimination. Un regroupement de certaines sous-questions soulevées par la KZD s’impose pour pouvoir répondre à la demande préjudicielle.

1. Le champ d’application de la directive 2000/43 (première question)

56. La KZD a formulé sa première question afin que la Cour lui précise si des faits tels que ceux qui sont en cause au principal relèvent du champ d’application de la directive 2000/43. Elle demande concrètement une interprétation de l’article 3, paragraphe 1, sous h), de la directive, qui a trait à l’accès aux biens et aux services et à la fourniture de biens et de services mis à la disposition du public. Les parties ne s’entendent pas sur le point de savoir si, outre l’approvisionnement en
électricité proprement dit, la fourniture de compteurs électriques relève également de ce champ d’application.

57. Le gouvernement bulgare, la CEB et la CRB préconisent une interprétation restrictive du champ d’application de la directive. L’Union ne serait pas compétente à édicter des règles concernant les compteurs électriques. Selon eux, seules la création d’un marché intérieur de l’électricité et l’amélioration de son fonctionnement relèvent du champ d’application des règles de l’Union. La fourniture de compteurs électriques ne serait cependant pas une mesure nécessaire à ces fins, de sorte qu’en raison
de la restriction énoncée à l’article 3, paragraphe 1, première phrase, de la directive 2000/43, qui précise que celle-ci s’applique «dans les limites des compétences conférées à l[’Union]», le cas en litige ne relèverait pas de son champ d’application. Par ailleurs, fournir gratuitement des compteurs électriques ne serait pas une prestation de services au sens de la directive, puisque cette fourniture n’aurait pas de contrepartie en argent. La CEB et la CRB prétendent en outre que l’accès aux
compteurs électriques ne pourrait pas être assimilé à la fourniture de courant. L’article 3, paragraphe 1, sous h), de la directive 2000/43 porterait uniquement sur l’approvisionnement en électricité proprement dit, mais pas sur la mise à disposition de compteurs électriques.

58. Cette argumentation ne saurait prospérer.

59. L’approvisionnement en électricité proprement dit fait incontestablement partie des domaines dans lesquels l’article 3, paragraphe 1, sous h), de la directive 2000/43 interdit toute discrimination fondée sur la race ou l’origine ethnique. Il est constant également que la CRB a mis des compteurs électriques à la disposition de ses clients et que ces compteurs font ainsi concrètement partie des conditions générales auxquelles ils achètent le courant en l’espèce.

60. Or, ce sont précisément ces conditions générales qui déterminent la prestation de services «approvisionnement en électricité» en l’espèce. Ces différents éléments ne peuvent pas être considérés séparément les uns des autres. Prétendre que seul l’approvisionnement en électricité proprement dit devrait être assuré sans discrimination et que tout ce qui va au-delà, en particulier les stipulations précises qui figurent dans les conditions de fourniture, ne relève pas du champ d’application de la
directive ne nous convainc pas.

61. Serait-il concevable qu’une entreprise de transports publics mette à la disposition des passagers des sièges différents en fonction de leur sexe, de la couleur de leur peau ou de leur origine ethnique? Quand bien même tous les passagers seraient ainsi véhiculés et donc incontestablement bénéficiaires d’une prestation de services de transport en tant que tel, il n’en demeurerait pas moins évident que leurs conditions concrètes de transport ne seraient pas les mêmes.

62. La directive 2000/43 a précisément pour but de garantir les citoyens de l’Union contre toute discrimination et de leur assurer un niveau de protection aussi élevé que possible ( 43 ). Confiner la protection aux domaines de base compromettrait l’efficacité pratique de l’interdiction de toute discrimination. Interpréter les matières énumérées à l’article 3 de la directive de façon restrictive réduirait la protection contre les discriminations à la portion congrue, ce qui serait incompatible avec
l’objectif de la directive qui vient d’être mentionné.

63. En somme, la directive 2000/43 est une expression particulière du principe général de l’égalité de traitement, qui est un des principes fondateurs du droit de l’Union et dont le respect est garanti par les articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. À ce titre-là également, son champ d’application ne peut pas être défini de manière restrictive ( 44 ).

64. C’est la raison pour laquelle, dans un cas tel que celui de l’espèce, le champ d’application de la directive 2000/43 englobe non seulement l’approvisionnement en électricité, mais également les conditions auxquelles celui-ci est assuré, lesquelles comprennent la mise à disposition de compteurs électriques ( 45 ).

65. Que l’on ne vienne pas nous dire que les consommateurs utilisent les compteurs électriques gratuitement, alors que la directive 2000/43 ne concerne que les prestations de services effectuées à titre onéreux. En effet, la fourniture de courant, qui est l’objet principal du contrat de prestation de services, est assurée contre rémunération et il y a tout lieu de penser que les frais afférents aux compteurs sont compris dans le prix de l’électricité et répercutés ainsi de manière indirecte sur les
consommateurs. Comme nous l’avons déjà dit plus haut, l’approvisionnement en électricité et la mise à disposition d’un compteur sont indissociables. Quelle serait l’utilité d’un compteur sans fourniture de courant? La mise à disposition du compteur n’est donc pas une prestation de services autonome, mais une partie de l’approvisionnement en électricité en tant que prestation globale.

66. En ce qui concerne, enfin, les compétences de l’Union visées à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2000/43, il suffit de rappeler que le législateur de l’Union est compétent en matière de réglementation du marché intérieur de l’électricité ( 46 ). Il a d’ailleurs, même si ce n’est pas déterminant, déjà fait usage de cette compétence à diverses reprises, en particulier lorsqu’il a énoncé des règles concernant l’information de consommateurs finals sur leur consommation électrique et
expressément mentionné les compteurs à cette occasion ( 47 ).

67. Tout bien considéré, nous proposons dès lors à la Cour de répondre à la première question que des faits tels que ceux qui sont en cause au principal relèvent du champ d’application de la directive 2000/43.

2. Aucune exigence de violation de droits ou d’intérêts expressément établis par la loi (deuxième à quatrième questions)

68. La KZD a formulé ses deuxième et quatrième questions afin que la Cour lui précise s’il faut qu’un traitement enfreigne des droits ou des intérêts expressément établis par la loi pour qu’il y ait une discrimination au sens de la directive 2000/43 ou si un traitement peut être discriminatoire indépendamment d’une telle violation. Dans l’hypothèse où cette directive n’implique pas qu’il y ait violation de droits ou d’intérêts expressément établis par la loi, la question se pose de savoir si une
disposition nationale qui prévoit une telle exigence est compatible avec la directive.

69. La KZD se pose ces questions parce que, conformément aux définitions légales du droit bulgare, plus précisément en vertu de l’article 1er, point 7, des dispositions additionnelles de la ZZD ( 48 ), un «traitement moins favorable» implique que ce traitement affecte directement ou indirectement des droits ou des intérêts expressément établis par la loi. La CEB se prévaut de cette disposition pour affirmer que les consommateurs n’auraient pas droit à ce qu’un compteur électrique leur soit fourni
gratuitement. Rien n’autoriserait donc à dénoncer une discrimination, puisque aucun droit n’a été violé.

70. C’est l’article 2, paragraphe 2, de la directive 2000/43 qui énonce les conditions auxquelles une discrimination se produit. Conformément au point a), une discrimination directe se produit «lorsque, pour des raisons de race ou d’origine ethnique, une personne est traitée de façon moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable». L’inégalité de traitement à l’origine de cette discrimination est donc directement fondée sur la race ou l’origine
ethnique. Aux termes du point b), en revanche, une discrimination indirecte se produit «lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’une race ou d’une origine ethnique donnée par rapport à d’autres personnes».

71. Il résulte donc des termes utilisés dans la directive 2000/43 qu’une discrimination de l’un ou de l’autre type peut se produire sans qu’il soit porté atteinte à des droits ou à des intérêts expressément établis par la loi. Le seul élément déterminant est qu’une personne ou qu’un groupe déterminé fasse l’objet d’un traitement moins favorable ou soit défavorisé, indépendamment du point de savoir à quel titre ce traitement défavorable est appliqué, s’il affecte des droits ou des intérêts et, dans
l’affirmative, lesquels. Qui plus est, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’une discrimination n’implique même pas qu’il existe une victime concrète ( 49 ).

72. Il suffit donc, pour conclure à l’existence d’une discrimination, qu’une personne ou un groupe de personnes fasse l’objet d’un traitement, quel qu’il soit, moins favorable que celui dont bénéficie, a bénéficié ou bénéficierait une autre personne ou un autre groupe de personnes. Ajouter des conditions non prévues dans la directive 2000/43 serait incompatible avec le niveau de protection élevé souhaité par le législateur de l’Union.

73. Il y a, par ailleurs, tout lieu de supposer que, si elle impliquait la violation de droits, la directive 2000/43 l’aurait expressément précisé, comme elle l’a fait, par exemple, pour la question de la défense des droits à son article 7, paragraphe 1. Il en résulte a contrario qu’un traitement ne doit pas nécessairement affecter des droits ou des intérêts de quelque manière que ce soit pour être discriminatoire.

74. Dès lors que la directive 2000/43 n’exige donc pas qu’il y ait une violation de droits ou d’intérêts expressément établis par la loi, il est indifférent que les consommateurs aient ou non droit à des compteurs électriques gratuits, que ce soit en vertu du droit national ou en vertu du droit de l’Union.

75. Dans ces conditions se pose également la question de savoir si des dispositions du droit national subordonnant la reconnaissance d’une discrimination à une telle violation de droits ou d’intérêts expressément établis par la loi sont conformes au droit de l’Union.

76. La réponse est non. En effet, la directive 2000/43 a pour objet de mettre en place des conditions minimums d’application du principe de l’égalité de traitement afin d’empêcher les discriminations. Si elle laisse expressément aux États membres la latitude d’adopter ou de maintenir des dispositions plus favorables pour les intéressés que les règles de l’Union ( 50 ), il n’en demeure pas moins que seraient incompatibles avec la directive des dispositions nationales qui seraient moins favorables
pour eux et qui demeureraient donc en deçà des exigences minimums posées par le droit de l’Union. C’est exactement l’effet qu’aurait une norme exigeant que des droits ou des intérêts expressément établis par la loi soient enfreints pour pouvoir conclure à l’existence d’une discrimination, ce qui serait une condition nationale supplémentaire.

77. En ce qui concerne la dernière partie de la quatrième question, au moyen de laquelle la KZD voudrait savoir comment la juridiction nationale doit procéder en cas d’incompatibilité des dispositions bulgares avec la directive 2000/43, il suffit de se reporter à la jurisprudence constante de la Cour: les dispositions de droit national doivent, autant que possible, être interprétées et appliquées d’une manière conforme à la directive dans la procédure au principal. Lorsqu’elles appliquent leur droit
interne, les juridictions nationales appelées à l’interpréter sont tenues de le faire dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive pour atteindre le résultat visé par celle-ci ( 51 ). Elles doivent faire tout ce qui relève de leur compétence, en prenant en considération l’ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, afin de garantir la pleine effectivité de la directive en cause et d’aboutir
à une solution conforme à la finalité poursuivie par celle-ci ( 52 ).

78. Rien, dans les informations dont dispose la Cour, n’indique que l’organe de renvoi ne pourrait pas interpréter et appliquer les dispositions pertinentes du droit bulgare, à savoir celles de la ZZD, d’une manière conforme à la directive 2000/43.

79. Si la KZD devait néanmoins constater qu’une interprétation et une application du droit bulgare conformes à la directive n’est pas possible, il lui appartiendrait d’observer ceci: M. Belov ne peut puiser directement dans la directive 2000/43 aucun droit dont il pourrait se prévaloir à l’encontre des entreprises CEB et CRB, parce qu’une directive ne peut pas, par elle-même, créer d’obligations dans le chef d’un particulier et ne peut donc pas être invoquée en tant que telle à son encontre ( 53 ).

80. L’interdiction de toute discrimination fondée sur la race et l’origine ethnique est cependant un principe général du droit de l’Union qui est consacré, en droit primaire, à l’article 21 de la charte des droits fondamentaux et que la directive 2000/43 ne fait que concrétiser ( 54 ), exactement comme la directive 2000/78, par exemple, l’avait fait pour l’interdiction des discriminations fondées sur l’âge ou l’orientation sexuelle ( 55 ), ce qui n’est pas le cas, notamment, du droit à des congés
payés annuels ( 56 ).

81. Le principe de l’égalité de traitement revêt une importance particulière dans des rapports juridiques tels que ceux de l’espèce, où s’affrontent consommateurs et fournisseurs de services nécessaires à la vie courante. À l’instar des rapports du travail, ces rapports juridiques sont, en effet, caractérisés par un déséquilibre structurel des parties.

82. Dans une telle situation, il paraît justifié de ne pas appliquer, même entre particuliers, les règles de droit national qui enfreignent l’interdiction des discriminations, dont le principe est ancré dans les droits fondamentaux. Cela est d’autant plus vrai que, dans un cas tel que celui-ci, le droit fondamental ne s’adresse pas directement au particulier, mais il est utilisé uniquement comme critère de contrôle de la légalité du droit interne.

83. En résumé, il n’est pas nécessaire qu’un traitement affecte des droits ou des intérêts expressément établis par la loi pour pouvoir constater l’existence d’une discrimination directe ou indirecte au sens de l’article 2, paragraphe 2, de la directive 2000/43. Tout comportement quelconque entraînant un traitement moins favorable d’une personne par rapport à une autre en raison de sa race ou de son origine ethnique ou par lequel des personnes appartenant à une race ou à un groupe ethnique
déterminés peuvent être désavantagées d’une manière particulière est suffisant. Les règles nationales qui subordonnent la reconnaissance d’une discrimination à la condition que le traitement incriminé porte atteinte à des droits ou à des intérêts expressément établis par la loi sont incompatibles avec la directive 2000/43. Le juge national est tenu, sur ce point, d’interpréter le droit national d’une manière conforme au droit de l’Union et, à supposer qu’une telle interprétation ne soit pas
possible, il doit ne pas appliquer les dispositions nationales qui enfreignent l’interdiction de discrimination, dont le principe est consacré par les droits fondamentaux.

84. Dans ces conditions, il est superflu d’examiner le contenu de la troisième question préjudicielle.

3. Exigences concernant la preuve et la justification éventuelle d’une discrimination (cinquième et sixième questions)

85. La cinquième et la sixième question portent, d’une part, sur les règles concernant la charge de la preuve auxquelles l’article 8 de la directive 2000/43 soumet la démonstration de l’existence d’une discrimination. D’autre part, la KZD voudrait s’entendre préciser en substance si les modalités d’installation des compteurs électriques dans les deux quartiers roms qui ont été décrites comportent, dans les circonstances concrètes de l’affaire au principal, une discrimination au sens de la directive
et, le cas échéant, de quel type de discrimination il s’agit. Elle voudrait en outre savoir si une éventuelle discrimination peut être justifiée.

a) Renversement de la charge de la preuve (article 8, paragraphe 1, de la directive 2000/43)

86. L’article 8, paragraphe 1, de la directive 2000/43 dispose que: «Dès lors qu’une personne s’estime lésée par le non-respect à son égard du principe de l’égalité de traitement et établit […] des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu’il n’y a pas eu violation du principe de l’égalité de traitement».

87. La KZD voudrait savoir à ce sujet dans quelle mesure les faits établis doivent permettre la «conclusion» qu’il existe une discrimination ou si la simple présomption de l’existence d’une discrimination est suffisante. Il apparaît des explications fournies par la KZD qu’il existe des disparités entre les différentes versions linguistiques de la directive 2000/43. La version bulgare exigerait la présentation de faits «qui permettraient de tirer la conclusion» qu’il s’agit d’une discrimination,
alors que les versions allemande et anglaise exigent uniquement que ces faits permettent de «supposer» ou de «présumer» l’existence d’une discrimination. Une «conclusion» concernant l’existence d’une discrimination ne pourrait cependant être adoptée qu’avec un degré de certitude plus élevé que s’il s’agissait d’une simple «supposition» ou «présomption». Dans la pratique bulgare interne, la disposition applicable de la ZZD aurait jusqu’à présent été invoquée comme critère de preuve d’une manière
telle qu’elle exigerait un degré de certitude particulièrement élevé. On aurait exigé un degré de certitude qui allait au-delà de la simple présomption et du doute et qui s’apparenterait très fort à une preuve complète de la discrimination. La question de la KZD porte donc sur le point de savoir avec quel degré de précision l’auteur de la plainte doit établir les faits constitutifs d’une discrimination.

88. Les versions linguistiques de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2000/43 que nous avons comparées ( 57 ) requièrent à l’unisson une simple «présomption» de discrimination ( 58 ), et non pas une «conclusion» certaine de l’existence d’une telle discrimination. Le vingt-et-unième considérant de ladite directive dispose que le renversement de la charge de la preuve intervient dès l’instant où il existe une «présomption de discrimination» ( 59 ). Dans les observations qu’elle a présentées, la
Commission explique en outre que la version bulgare elle-même de la directive 2000/43 n’exige pas forcément un niveau de certitude plus élevé, parce que cette version linguistique exige elle aussi uniquement des faits qui «peuvent autoriser la conclusion» qu’il existe une discrimination.

89. La situation juridique n’est pas différente dans le cas des discriminations fondées sur le sexe. La Cour a dit pour droit à propos de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 97/80/CE ( 60 ), dont les termes sont quasi identiques à ceux de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2000/43 et à ceux de l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2000/78 également ( 61 ), que la charge de la preuve est toujours renversée lorsque le plaignant établit de manière plausible qu’il est victime d’une
discrimination ( 62 ).

90. Cette jurisprudence peut être transposée sans problème à la réglementation qui nous intéresse ici ( 63 ). Toute autre interprétation plus restrictive de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2000/43 compromettrait l’efficacité pratique de celle-ci et aurait pour effet de vider pratiquement de son contenu la règle sur le renversement de la charge de la preuve. Sans un tel renversement de la charge de la preuve, ce seraient les règles de droit commun qui s’appliqueraient et celui qui estime
être victime d’une discrimination devrait exposer et démontrer tous les faits susceptibles de fonder son allégation et de permettre de constater une discrimination avec suffisamment de certitude.

91. C’est précisément pour éviter de telles difficultés et améliorer la situation de la victime potentielle que le législateur a renversé la charge de la preuve afin de renforcer la position du plaignant. Une pratique nationale telle que celle qu’a décrite la KZD heurterait de front cette finalité, car exiger du plaignant qu’il expose et démontre des faits permettant de conclure avec certitude à l’existence d’une discrimination correspond, en définitive, à la répartition normale de la charge de la
preuve. L’article 8, paragraphe 1, de la directive 2000/43 n’améliorerait alors aucunement la situation qu’occupe le plaignant dans la procédure.

92. L’interprétation de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2000/43 que nous préconisons ne blesse d’ailleurs pas le principe du procès équitable au détriment de la CEB et de la CRB. En introduisant la règle du renversement de la charge de la preuve dans toutes les directives contre les discriminations, le législateur a opté pour une solution qui réalise un juste équilibre entre les intérêts de celui qui se dit victime d’une discrimination et ceux de la partie qui lui fait face ( 64 ). Cette
règle n’écarte d’ailleurs pas la charge de la preuve incombant au plaignant: elle ne fait que la modifier.

93. Certes, le renversement de la charge de la preuve en l’espèce peut avoir pour effet de contraindre la CEB et la CRB à fournir au juge de renvoi des explications justifiant la décision commerciale d’installer les compteurs électriques dans les quartiers roms d’une manière différente de la méthode communément utilisée en Bulgarie, décision qui date peut-être de temps éloignés déjà. Leur imposer cet exercice n’en est pas moins logique, car les informations qu’elles seraient amenées à fournir à ce
sujet relèvent de la sphère de compétence et du domaine de responsabilité de ces entreprises ou de celles dont elles ont pris la succession. De surcroît, l’entreprise de distribution a déclaré au juge de renvoi que les motifs qui sont à l’origine de cette manière particulière d’installer les compteurs électriques dans les deux quartiers concernés ne sont un secret pour personne ( 65 ), de sorte qu’elle ne devrait pas être en peine de fournir des explications sur la justification de ces mesures.

94. Tout bien considéré, il suffit donc, pour opérer un renversement de la charge de la preuve conformément à l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2000/43, que le justiciable qui se prétend lésé par l’inapplication du principe d’égalité de traitement expose de manière plausible des faits créant l’apparence d’une discrimination.

b) Nature de la discrimination (article 2, paragraphe 2, de la directive 2000/43)

95. C’est à la KZD elle-même qu’il appartient d’apprécier si des circonstances telles que celles qu’elle a décrites dans la deuxième partie de la cinquième question sont de nature à créer l’apparence d’une discrimination, car c’est à elle seule qu’il incombe d’établir et de qualifier les faits ainsi que d’appliquer le droit à l’espèce dont elle a été saisie ( 66 ). La Cour peut cependant lui fournir toutes les indications utiles qui lui faciliteront la solution du litige au principal ( 67 ). Elle a
d’autant plus raison de le faire que la KZD a formulé des doutes à ce sujet dans sa demande préjudicielle, où elle a rappelé la jurisprudence restrictive que la plus haute Cour administrative bulgare a dégagée dans des cas comparables. Les considérations suivantes méritent toute attention à ce sujet.

96. Dans les deux quartiers de la ville de Montana qui ont été qualifiés de quartiers roms, les compteurs électriques sont, à quelques exceptions près, fixés sur des poteaux électriques à une hauteur inaccessible de 7 mètres, alors qu’ailleurs ils sont fixés à une hauteur permettant une lecture aisée.

97. Ni la demande préjudicielle ni les observations présentées dans cette affaire ne fournissent d’élément concret indiquant que cette façon particulière d’installer les compteurs électriques dans les deux quartiers roms aurait été choisie en raison de l’origine ethnique des habitants de ces quartiers ou se rattacherait à une particularité indissociable de leur origine ethnique. Pour autant que l’on puisse juger, cette mesure concerne ces consommateurs uniquement en raison de leur qualité de
riverains. Par conséquent, rien dans les informations dont on dispose ne fournit d’élément qui plaiderait en faveur d’une discrimination directe fondée sur l’origine ethnique [article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2000/43].

98. À défaut d’élément concret, la pratique consistant à installer les compteurs électriques à une hauteur de 7 mètres ne peut pas être considérée comme un comportement présentant un «lien avec l’origine ethnique» des habitants des deux quartiers roms et ayant pour objet ou pour effet de blesser leur dignité et de créer pour eux un environnement dégradant. Ainsi, les informations disponibles ne permettent pas de conclure que nous serions en présence d’un «harcèlement» au sens de l’article 2,
paragraphe 3, de la directive 2000/43.

99. Il est néanmoins constant que les deux quartiers concernés sont principalement habités par des personnes appartenant à la communauté rom ( 68 ). Placer les compteurs électriques à une hauteur de 7 mètres est donc a priori de nature à affecter les membres de ce groupe ethnique et à les défavoriser, puisque cette pratique a pour effet qu’il leur est pratiquement impossible ou, du moins, extrêmement difficile d’accéder à leurs compteurs pour en faire la lecture. Dans ces conditions, il faut
admettre que le cas de l’espèce présente l’apparence d’une discrimination indirecte fondée sur l’origine ethnique [article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/43].

c) Justification [article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/43]

100. Contrairement à la discrimination directe fondée sur la race ou l’origine ethnique, laquelle, en principe, ne peut pas être justifiée parce que la directive 2000/43 ne contient aucune règle à ce sujet ( 69 ), l’article 2, paragraphe 2, sous c), de celle-ci dispose, à propos de la discrimination indirecte, que les dispositions, critères ou pratiques en question sont objectivement justifiés lorsqu’ils répondent à un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et
nécessaires, c’est-à-dire, en définitive, proportionnés ( 70 ). Cette formulation est conforme aux exigences généralement admises en droit de l’Union en ce qui concerne la justification d’une inégalité de traitement indirecte.

i) Objectif légitime

101. La demande préjudicielle ainsi que les observations écrites et orales de la CEB et de la CRB font apparaître que c’est parce que de nombreux usagers dans les quartiers concernés ne payaient pas leurs factures d’électricité, se branchaient illégalement sur le réseau, manipulaient les compteurs et prélevaient clandestinement du courant que l’entreprise a décidé de placer les compteurs électriques à une hauteur de 7 mètres. Cette mesure a pour objet d’empêcher fraudes et abus à l’avenir et de
contribuer à assurer la qualité d’un approvisionnement en électricité financièrement abordable dans l’intérêt de tous les consommateurs.

102. Prévenir et combattre fraudes et abus, et garantir la sécurité et la qualité de l’approvisionnement en énergie dans les États membres sont des objectifs légitimes reconnus par le droit de l’Union ( 71 ).

ii) Contrôle de proportionnalité

103. Il faut toutefois encore examiner si, pour atteindre ces objectifs, il était proportionné de placer les compteurs électriques à une hauteur de 7 mètres dans les deux quartiers concernés. Conformément à l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/43, cela présupposerait que cette mesure est «appropriée et nécessaire» pour atteindre les objectifs légitimes poursuivis.

104. Prétendre, comme le font la CEB et la CRB, que les raisons qui les ont amenées à prendre la mesure litigieuse ne sont un secret pour personne ( 72 ) ne dispense pas ces deux entreprises de démontrer que, en agissant ainsi, elles n’ont pas enfreint le principe d’égalité de traitement (article 8, paragraphe 1, de la directive 2000/43), car la notoriété des motifs d’un comportement déterminé d’entreprises ne préjuge pas la justification de celui-ci ni, en particulier, sa proportionnalité.

– «Caractère approprié» (adéquation) de la mesure

105. Est «appropriée» au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous d), de la directive 2000/43 une mesure qui est de nature à permettre d’atteindre l’objectif légitime poursuivi ( 73 ), ce qui signifie, en l’espèce, que la mesure est propre à empêcher effectivement fraudes et abus, et à contribuer à garantir la qualité de l’approvisionnement en électricité.

106. Il ne fait aucun doute que placer les compteurs électriques et les coffrets de distribution à une hauteur de 7 mètres normalement inaccessible aux consommateurs rend plus difficiles les manipulations et prélèvements clandestins. Qui plus est, tout obstacle aux interventions illégales des particuliers sur le réseau électrique a tendance à produire des effets positifs pour l’ensemble des consommateurs, parce qu’il empêche les dégradations de l’infrastructure et permet de prévenir une éventuelle
majoration générale des prix de l’électricité destinée à compenser le coût des réparations.

107. La décision de renvoi contient cependant une allusion au fait que, dans un quartier rom d’une autre ville bulgare, l’application de mesures comparables à celle qui est en cause ici n’a pas permis d’empêcher effectivement les usagers de se brancher illégalement sur le réseau électrique ( 74 ). Dans les observations qu’elles ont présentées à la Cour, la CEB et la CRB ont pourtant expliqué à ce propos qu’elles jugeaient les mesures qu’elles avaient prises globalement positives, parce qu’elles
avaient permis de réduire les branchements illégaux dans une très large mesure.

108. Il faut se rappeler à ce sujet que l’adéquation d’une mesure doit constamment s’apprécier au regard de l’objectif qu’elle poursuit. Si une mesure a, comme en l’espèce, pour objet de réagir aux nombreux branchements sauvages sur le réseau électrique dans un quartier donné, on ne pourra guère subordonner son adéquation à la condition qu’à l’avenir, tous les cas d’abus et de fraudes aient disparu ainsi que toutes les déprédations qui portaient atteinte à la qualité de l’approvisionnement en
électricité. Au contraire, le juge sera déjà tenu de la considérer comme propre à réaliser ses objectifs légitimes si elle contribue à réduire de manière sensible le nombre des branchements sauvages. C’est à la KZD qu’il appartiendra de déterminer si tel est le cas en l’espèce.

– Nécessité

109. Si l’on admet que la mesure litigieuse est propre à empêcher fraudes et abus, et à garantir la qualité de l’approvisionnement en électricité, il faut alors se demander si elle est également nécessaire à la réalisation de cet objectif. Une mesure est nécessaire lorsque l’objectif légitime poursuivi ne peut pas être atteint au moyen d’une mesure aussi appropriée mais moins contraignante. C’est-à-dire qu’il faut rechercher s’il n’existe pas de solutions moins radicales pour empêcher les
manipulations frauduleuses des compteurs électriques et les raccordements sauvages.

110. La KZD s’interroge, en premier lieu, sur la possibilité d’installer les compteurs à une hauteur normale, mais de les garantir contre les manipulations illégales au moyen de dispositifs techniques particuliers ( 75 ).

111. Équiper les compteurs de dispositifs anti-infraction serait incontestablement une mesure moins rigoureuse à l’égard des consommateurs résidant dans les quartiers concernés. Cette méthode permettrait, en particulier, d’assurer que tous les consommateurs puissent continuer à contrôler régulièrement leurs compteurs, comme cela semble d’ailleurs être habituellement le cas ailleurs en Bulgarie.

112. Il ne faut cependant pas oublier que protéger ainsi les compteurs au moyen de dispositifs techniques particuliers entraînerait très vraisemblablement pour les entreprises concernées des coûts supplémentaires considérables qu’elles seraient tentées de répercuter sur l’ensemble des consommateurs, comme n’ont pas manqué de le faire remarquer la CEB et la CRB durant la procédure devant la Cour. Sous réserve d’une analyse plus poussée de cette problématique par la KZD, protéger les compteurs
électriques simplement au moyen de dispositifs techniques particuliers ne semble donc pas être un moyen aussi approprié d’atteindre les objectifs légitimes poursuivis. Par conséquent, cette mesure ne peut pas être invoquée comme argument qui démontrerait que la mesure litigieuse actuellement appliquée ne serait pas nécessaire, c’est-à-dire qu’il ne serait pas nécessaire de placer les compteurs à une hauteur de 7 mètres.

113. Deuxièmement, la KZD explique qu’il serait loisible à la CEB et à la CRB d’engager des poursuites contre les abus éventuels afin d’obtenir réparation des dommages causés aux compteurs et aux infrastructures. Elles auraient le choix entre la voie civile ou la voie pénale.

114. La CEB et la CRB lui ont rétorqué à bon escient qu’engager des poursuites a posteriori contre les contrevenants comporte souvent son lot d’incertitudes et entraîne des frais considérables en raison, d’une part, de la difficulté de démontrer les faits et, d’autre part, de la longueur des procédures, de leur inefficacité et du manque de diligence des organes compétents. La CEB et la CRB ont également mis le doigt sur les risques de blessure ou de mort que comporte la manipulation de compteurs
électriques, risques qui ne peuvent pas davantage être efficacement combattus par une intervention a posteriori. Sous réserve d’un examen plus approfondi de cette problématique par la KZD, rien ne permet de considérer sans autre forme de procès qu’engager simplement des poursuites a posteriori devant le juge civil ou le juge pénal serait un moyen aussi approprié d’atteindre les objectifs légitimes poursuivis en l’espèce ( 76 ).

115. Troisièmement, on pourrait encore envisager de ne placer à une hauteur difficile d’accès que les compteurs qui ont effectivement été manipulés. Une telle façon de faire comporterait néanmoins les mêmes incertitudes qu’une procédure au civil ou au pénal en cas de manipulations sauvages ou de branchements clandestins. Sous réserve d’un examen plus approfondi par la KZD, cette possibilité ne peut donc pas non plus être considérée comme un moyen aussi approprié d’atteindre les objectifs légitimes
poursuivis.

116. Dans la situation actuelle, il apparaît donc à tout le moins douteux que la CEB et la CRB puissent, sans engager des frais exorbitants, recourir à d’autres moyens aussi appropriés qui entraînent moins d’inconvénients pour la population qui réside dans les quartiers concernés.

– Absence d’inconvénients démesurés pour les habitants des quartiers concernés

117. Si les mesures prises s’avèrent appropriées et nécessaires pour atteindre les objectifs légitimes poursuivis, il faut encore examiner si les inconvénients qu’elles entraînent pour les habitants des quartiers concernés ne sont pas démesurés ( 77 ). En effet, il résulte du principe de proportionnalité que des mesures portant atteinte à un droit garanti par le droit de l’Union, à savoir l’interdiction de toute discrimination fondée sur l’origine ethnique, en l’espèce, ne peuvent entraîner pour
leurs destinataires des inconvénients démesurés par rapport au but visé ( 78 ). En d’autres termes, l’objectif légitime poursuivi doit, dans toute la mesure du possible, être concilié avec les exigences du principe d’égalité de traitement et un juste équilibre entre les divers intérêts en présence doit être trouvé ( 79 ).

118. On se souviendra, dans ce contexte, que placer les compteurs électriques à une hauteur de 7 mètres est une mesure comparativement brutale qui frappe indistinctement («collectivement» ( 80 )) tous les habitants des deux quartiers en question, y compris ceux qui n’ont jamais manipulé les compteurs ou amoncelé les factures électriques en souffrance. Le caractère aveugle de la mesure pourrait éveiller l’impression que tous les habitants des quartiers concernés ou un grand nombre d’entre eux
seraient impliqués dans des fraudes, des manipulations ou d’autres irrégularités dans leur consommation d’électricité et, en définitive, paver le chemin d’une stigmatisation des populations de ces quartiers ( 81 ).

119. Il faut rappeler en outre, indépendamment de toute stigmatisation éventuelle de la population locale, que, dans les directives 2006/32 et 2009/72, le législateur de l’Union souligne expressément l’intérêt qu’ont les consommateurs à être régulièrement informés de leur consommation individuelle d’électricité. Ils doivent notamment être activement encouragés à contrôler leurs compteurs régulièrement ( 82 ). Équiper les ménages de compteurs électriques en les plaçant à une hauteur de 7 mètres qui
les rend inaccessibles pour des contrôles va à l’encontre de l’objectif fixé par le législateur de l’Union.

120. Certes, la CEB et la CRB offrent de mettre gratuitement à la disposition des consommateurs qui en font individuellement la demande écrite un véhicule équipé d’une nacelle afin qu’ils puissent contrôler leurs compteurs, mais on peut sérieusement se demander si une procédure aussi lourde et complexe est susceptible de répondre aux exigences de l’objectif du droit de l’Union que nous avons mentionnées, à savoir encourager les consommateurs à contrôler régulièrement ( 83 ) leurs compteurs
électriques ( 84 ). Il faut, en effet, être réaliste et songer que mettre en place un véhicule spécial équipé d’une nacelle qui doit être expressément acheminé avant chaque utilisation peut tout au plus être envisagé une ou deux fois par an.

121. La KZD devra, en tout cas, vérifier si l’offre que la CEB et la CRB ont faite aux consommateurs de placer des compteurs électriques dans leurs maisons s’ils en manifestent le souhait et contre paiement d’une redevance ( 85 ) est susceptible de compenser de façon appropriée l’absence d’accès à leurs compteurs ordinaires placés à une hauteur de 7 mètres. Elle devra, en particulier, garder à l’esprit que le caractère onéreux de l’opération pourrait décourager maints usagers de passer commande.

122. Il est certain que le droit de l’Union n’impose pas de manière impérative aux États membres de mettre un compteur électrique gratuitement à la disposition de chaque consommateur (voir, en particulier, l’article 13, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2006/32), mais, précisément, dans un secteur d’approvisionnement dans lequel des branchements clandestins et des manipulations de compteurs ont fréquemment été constatés par le passé, les consommateurs ont un intérêt particulier à pouvoir
contrôler et surveiller régulièrement leur consommation individuelle d’électricité.

123. Enfin, il incombera à la KZD d’étudier avec soin et en tenant compte de toutes les circonstances de l’espèce si, d’une part, le risque de stigmatisation d’un groupe ethnique des quartiers concernés se présente et si, d’autre part, il a été dûment tenu compte des intérêts des consommateurs concernés.

iii) Résultat intermédiaire

124. En résumé, nous retiendrons qu’une mesure telle que la mesure litigieuse peut être justifiée dans la mesure où elle sert à empêcher fraudes et abus, et à contribuer à garantir la qualité de l’approvisionnement en électricité dans l’intérêt de tous les consommateurs,

— à condition qu’aucune autre mesure aussi appropriée garantissant la réalisation de ces objectifs et produisant des effets moins défavorables pour la population des quartiers concernés ne puisse être adoptée à un coût raisonnable et

— à condition que la mesure prise n’entraîne pas des inconvénients démesurés pour les habitants des quartiers concernés, le risque d’une stigmatisation d’un groupe ethnique ainsi que l’intérêt des consommateurs à pouvoir régulièrement contrôler leur consommation individuelle d’électricité par une lecture de leurs compteurs devant dûment être pris en considération.

VI – Conclusion

125. Compte tenu des explications qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre comme suit aux questions de la Komisia za zashtita ot diskriminatsia (KZD):

«1) Des faits tels que ceux qui sont en cause au principal relèvent du champ d’application de la directive 2000/43/CE du Conseil, du 29 juin 2000, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique.

2) Il n’est pas nécessaire qu’un traitement affecte des droits ou des intérêts expressément établis par la loi pour pouvoir constater l’existence d’une discrimination directe ou indirecte au sens de l’article 2, paragraphe 2, de la directive 2000/43. Tout comportement quelconque entraînant un traitement moins favorable d’une personne par rapport à une autre en raison de sa race ou de son origine ethnique ou par lequel des personnes appartenant à une race ou à un groupe ethnique déterminés
peuvent être désavantagées d’une manière particulière est suffisant.

3) Les règles nationales qui subordonnent la reconnaissance d’une discrimination à la condition que le traitement incriminé porte atteinte à des droits ou à des intérêts expressément établis par la loi sont incompatibles avec la directive 2000/43. Le juge national est tenu, sur ce point, d’interpréter le droit national d’une manière conforme au droit de l’Union et, à supposer qu’une telle interprétation ne soit pas possible, il doit ne pas appliquer les dispositions nationales qui enfreignent
l’interdiction de discrimination, dont le principe est consacré par les droits fondamentaux.

4) Pour opérer un renversement de la charge de la preuve conformément à l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2000/43, il suffit que le justiciable qui se prétend lésé par l’inapplication du principe de l’égalité de traitement expose de manière plausible des faits créant l’apparence d’une discrimination.

5) Lorsque les compteurs normalement mis gratuitement à la disposition des consommateurs sont installés dans ou sur les immeubles de manière à ce qu’ils soient accessibles et puissent être aisément contrôlés alors que, dans les quartiers dans lesquels vivent principalement des membres de la communauté rom, ces compteurs électriques sont placés sur des poteaux à une hauteur inaccessible de 7 mètres, cette différence présente l’apparence d’une discrimination indirecte fondée sur l’origine
ethnique au sens de l’article 2,paragraphe 2, sous b), lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2000/43.

6) Une mesure telle que la mesure litigieuse peut être justifiée dans la mesure où elle sert à empêcher fraudes et abus, et à contribuer à garantir la qualité de l’approvisionnement en électricité dans l’intérêt de tous les consommateurs,

— à condition qu’aucune autre mesure aussi appropriée garantissant la réalisation de ces objectifs et produisant des effets moins défavorables pour la population des quartiers concernés ne puisse être adoptée à un coût raisonnable et

— à condition que la mesure prise n’entraîne pas des inconvénients démesurés pour les habitants des quartiers concernés, le risque d’une stigmatisation d’un groupe ethnique ainsi que l’intérêt des consommateurs à pouvoir régulièrement contrôler leur consommation individuelle d’électricité par une lecture de leurs compteurs devant dûment être pris en considération.»

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( 1 ) Langue originale: l’allemand.

( 2 ) Komisia za zashtita ot diskriminatsia.

( 3 ) Directive du Conseil, du 29 juin 2000, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique (JO L 180, p. 22).

( 4 ) Font également partie des directives anti-discrimination la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO L 303, p. 16), la directive 2004/113/CE du Conseil, du 13 décembre 2004, mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès à des biens et services et la fourniture de biens et services (JO L 373, p. 37), et la directive
2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2006, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail (JO L 204, p. 23).

( 5 ) La notion de «rom» est communément utilisée pour désigner des communautés présentant des particularités culturelles similaires (comme, par exemple, les Roms, les Sintis, les gitans, les Kalés, les gens du voyage), qu’ils soient sédentaires ou non; voir, en particulier, à ce sujet la note 1 de la communication de la Commission européenne du 5 avril 2011, Cadre de l’UE pour les stratégies nationales d’intégration des Roms pour la période allant jusqu’en 2020 [COM(2011) 173 final] et la note 1 de
la communication de la Commission du 21 mai 2012, Stratégies nationales d’intégration des Roms: un premier pas dans la mise en œuvre du cadre de l’UE [COM(2012) 226 final].

( 6 ) Voir communication de la Commission du 5 avril 2011, p. 2.

( 7 ) Voir, à ce sujet, une fois encore les communications de la Commission du 5 avril 2011 et du 21 mai 2012 ainsi que les mesures adoptées par la République de Bulgarie qui sont mentionnées dans la demande préjudicielle, tels le programme-cadre d’intégration des Roms dans la société bulgare, le programme national d’amélioration des conditions de vie des Roms en Bulgarie et le plan d’action nationale mis en œuvre dans le cadre de l’initiative «Décennie de l’intégration des Roms 2005-2015».

( 8 ) Voir, par exemple, arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (grande chambre) D. H. e.a. c. République tchèque du 13 novembre 2007, no 57325/00, Recueil des arrêts et décisions 2004-IV, et Oršuš e.a. c. Croatie du 16 mars 2010, no 17566/03, non encore publié au Recueil des arrêts et décisions.

( 9 ) Directive du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2006, relative à l’efficacité énergétique dans les utilisations finales et aux services énergétiques et abrogeant la directive 93/76/CEE du Conseil (JO L 114, p. 64).

( 10 ) Directive du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE (JO L 211, p. 55).

( 11 ) La directive 2009/72, que les États membres devaient transposer pour le 3 mars 2011 au plus tard, a abrogé et remplacé la directive 2003/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2003, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 96/92/CE (JO L 176, p. 37). C’est la raison pour laquelle, dans les conclusions qui suivent, nous renverrons exclusivement aux dispositions de la directive 2009/72 et non pas à celles de la directive
2003/54, citée par la KZD.

( 12 ) Zakon za zashtita ot diskriminatsia.

( 13 ) Darzhavna Komisia po energiyno i vodno regulirane.

( 14 ) La CEB et la CRB étaient représentées conjointement devant la Cour et ont déposé des observations écrites et orales conjointes.

( 15 ) Voir, parmi tant d’autres, arrêts du 6 juillet 2000, Abrahamsson et Anderson (C-407/98, Rec. p. I-5539); du 31 mai 2005, Syfait e.a. (C-53/03, Rec. p. I-4609, point 29); du 18 octobre 2007, Österreichischer Rundfunk (C-195/06, Rec. p. I-8817), et du 22 décembre 2010, RTL Belgium (C-517/09, Rec. p. I-14093); voir, également, points 26 à 30 des conclusions que l’avocat général Jääskinen a présentées le 7 juin 2012 dans l’affaire Westbahn Management (C‑136/11, pendante).

( 16 ) Voir, notamment, arrêts du 30 juin 1966, Vaassen-Göbbels (61/65, Rec. p. 377); du 17 septembre 1997, Dorsch Consult (C-54/96, Rec. p. I-4961, point 23); du 21 mars 2000, Gabalfrisa e.a. (C-110/98 à C-147/98, Rec. p. I-1577, point 33); Syfait e.a. (déjà cité à la note 15, point 29); Österreichischer Rundfunk (déjà cité à la note 15, point 19); RTL Belgium (déjà cité à la note 15, point 36) et du 14 juin 2011, Miles e.a. (C-196/09, Rec. p. I-5105, point 37).

( 17 ) Voir, notamment, arrêts du 19 octobre 1995, Job Centre (C-111/94, Rec. p. I-3361, point 9); du 30 novembre 2000, Österreichischer Gewerkschaftsbund (C-195/98, Rec. p. I-10497, point 25); Syfait e.a. (déjà cité à la note 15, point 29); du 30 juin 2005, Längst (C-165/03, Rec. p. I-5637, point 25), et du 27 avril 2006, Standesamt Stadt Niebüll (C-96/04, Rec. p. I-3561, points 13 et 14), ainsi qu’ordonnances du 18 juin 1980, Borker (138/80, Rec. p. 1975, point 4); du 5 mars 1986, Greis Unterweger
(318/85, Rec. p. 955, point 4); du 26 novembre 1999, ANAS (C-192/98, Rec. p. I-8583, point 21), et du 24 mars 2011, Bengtsson (C-344/09, Rec. p. I-1999, points 18 et 19).

( 18 ) Voir, sur l’origine légale, l’article 40, paragraphe 1, de la ZZD ainsi que les articles 2 et 3 des dispositions transitoires et finales de cette ZZD; sur le caractère permanent, article 48 de la ZZD et article 5 du règlement de la KZD; sur l’application des règles de droit, article 47, points 1, 2 et 3, de la ZZD.

( 19 ) Bien que, conformément à la jurisprudence de la Cour, il ne s’agisse pas d’un critère absolu (voir arrêts du 17 mai 1994, Corsica Ferries, C-18/93, Rec. p. I-1783, point 12; Dorsch Consult, déjà cité à la note 16, point 31, et Standesamt Stadt Niebüll, déjà cité à la note 17, point 13).

( 20 ) Arrêts du 19 septembre 2006, Wilson (C-506/04, Rec. p. I-8613, points 50 et 51), et RTL Belgium (déjà cité à la note 15, point 39) ainsi qu’ordonnance du 14 mai 2008, Pilato (C-109/07, Rec. p. I-3503, point 23); dans le même sens arrêt Abrahamsson et Anderson (déjà cité à la note 15, point 34).

( 21 ) Voir article 61, paragraphe 3, de la ZZD, qui renvoie aux articles 22 à 24 du code de procédure civile bulgare.

( 22 ) Arrêt Wilson (déjà cité à la note 20, point 52) et RTL Belgium (déjà cité à la note 15, point 40); dans le même sens, arrêt Abrahamsson et Anderson (déjà cité à la note 15, points 34 à 37) et ordonnance Pilato (déjà citée à la note 20, point 24).

( 23 ) Sur la distinction entre impartialité objective et impartialité subjective, voir arrêt du 19 février 2009, Gorostiaga Atxalandabaso/Parlement (C-308/07 P, Rec. p. I-1059, point 46).

( 24 ) Contrairement à la situation qui se présentait dans les affaires Syfait e.a. et RTL Belgium (toutes deux déjà citées à la note 15), il n’existe au sein de la KZD précisément «aucun lien fonctionnel» entre l’organe de décision, d’une part, et l’appareil administratif subalterne, d’autre part. Contrairement à ce qui se passait dans les affaires Syfait e.a. et RTL Belgium, les membres de la KZD ne statuent pas sur une proposition qui leur serait faite par l’administration, mais indépendamment de
celle-ci.

( 25 ) Voir article 47, point 9, de la ZZD.

( 26 ) Voir article 40, paragraphe 1, de la ZZD ainsi que statut et règlement de la KZD.

( 27 ) Voir articles 7 et 13 de la directive 2000/43.

( 28 ) Voir article 153, paragraphe 1, du code de droit administratif bulgare.

( 29 ) Voir article 50, point 2, de la ZZD.

( 30 ) Il résulte de l’article 52, paragraphe 2, de la ZZD que la KZD n’entame pas une procédure lorsqu’elle constate qu’un recours a déjà été engagé devant une juridiction dans la même affaire.

( 31 ) Ordonnances du 26 novembre 1999, ANAS (déjà citée à la note 17, point 22) et RAI (C-440/98, Rec. p. I-8597, point 13), concernant la Cour des comptes italienne (Corte dei conti). La situation juridique est comparable dans le cas, par exemple, des tribunaux d’instance allemands: voir, d’une part, arrêt Längst (déjà cité à la note 17) et, d’autre part, arrêt Standesamt Stadt Niebüll (déjà cité à la note 17) ainsi qu’ordonnance du 12 janvier 2010, Amiraike Berlin (C-497/08, Rec. p. I-101).

( 32 ) Ordonnance ANAS (déjà citée à la note 17, point 23).

( 33 ) Voir article 50, point 2, de la ZZD; il apparaît des explications fournies par la Commission à l’audience que 1 % seulement des procédures de la KZD sont le résultat d’une enquête menée d’office.

( 34 ) Ordonnance ANAS (déjà citée à la note 17, point 23).

( 35 ) À ce sujet, voir, par exemple, article 65 de la loi allemande sur les juridictions administratives (Verwaltungsgerichtsordnung).

( 36 ) Voir article 52, paragraphe 2, de la ZZD.

( 37 ) Arrêts du 22 septembre 1988, France/Parlement (358/85 et 51/86, Rec. p. 4821, point 12); du 24 novembre 2005, Italie/Commission (C-138/03, C-324/03 et C-431/03, Rec. p. I-10043, point 64), et du 9 juin 2011, Diputación Foral de Vizcaya e.a./Commission (C‑465/09 P à C‑470/09 P, point 58).

( 38 ) Voir article 62, paragraphe 2, de la ZZD.

( 39 ) Le principe de disposition, conformément auquel les parties ont la maîtrise de l’introduction, de l’interruption et de la conduite de la procédure, est reconnu dans de nombreux codes de procédure (civile) des États membres et permet aux parties, par exemple, de renoncer à un jugement en s’accordant sur le litige par transaction. La possibilité qu’ont les parties de renoncer en commun à un jugement, même après le prononcé de celui-ci, repose, en définitive, sur la même idée.

( 40 ) Arrêt Dorsch Consult déjà cité à la note 16, points 28 et 29.

( 41 ) Ibidem, point 27.

( 42 ) Dans leurs observations écrites, la CEB et la CRB se réfèrent à une décision du Varhoven administrativen sad du 27 octobre 2010 dans laquelle cette juridiction aurait souligné l’équivalence des deux voies de recours. À la différence de la KZD, cependant, une juridiction civile peut accorder des dommages et intérêts.

( 43 ) Voir, notamment, le vingt-huitième considérant de la directive 2000/43, aux termes duquel celle-ci a pour objectif d’assurer un «niveau élevé commun de protection contre la discrimination dans tous les États membres».

( 44 ) Voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2011, Runevič-Vardyn et Wardyn (C-391/09, Rec. p. I-3787, point 43).

( 45 ) Voir, également, les conditions générales de vente de la CEB, dont l’article 3, paragraphe 2, dispose que l’approvisionnement en électricité est assuré dans le respect, notamment, du principe de l’égalité de traitement et l’article 10, paragraphe 1, que l’approvisionnement en électricité est garanti à chaque consommateur du territoire couvert aux mêmes conditions et sans discrimination. Les conditions générales de vente de la CRB contiennent, elles aussi, un article 3 aux termes duquel
l’approvisionnement en électricité doit être assuré «dans le respect du principe d’égalité».

( 46 ) Articles 53, paragraphe 2, TFUE, 62 TFUE et 114 TFUE (anciens articles 47, paragraphe 2, CE, 55 CE et 95 CE.

( 47 ) Article 3, paragraphe 7, lu en combinaison avec l’annexe I, point 1, sous h) et i), de la directive 2009/72 et article 13, paragraphe 1, point 1, et vingt-neuvième considérant, dernière phrase, de la directive 2006/32.

( 48 ) Dopalnitelni razporedbi.

( 49 ) Arrêt du 10 juillet 2008, Feryn (C-54/07, Rec. p. I-5187, point 25).

( 50 ) Voir article 6, paragraphe 1, et vingt-cinquième considérant de la directive 2000/43.

( 51 ) Jurisprudence constante; voir, parmi tant d’autres, arrêts du 13 novembre 1990, Marleasing (C-106/89, Rec. p. I-4135, point 8); du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a. (C-397/01 à C-403/01, Rec. p. I-8835, point 113); du 15 avril 2008, Impact (C-268/06, Rec. p. I-2483, point 98); du 19 janvier 2010, Kücükdeveci (C-555/07, Rec. p. I-365, point 48), et du 24 janvier 2012, Dominguez (C‑282/10, point 24).

( 52 ) Voir, sur ce point, arrêts, précités à la note 51, Pfeiffer e.a. (points 115 à 119), Impact (point 101) et Dominguez (point 27). Dans le même sens déjà, arrêt du 10 avril 1984, von Colson et Kamann (14/83, Rec. p. 1891, point 28: «dans toute la mesure où une marge d’appréciation lui est accordée par son droit national»).

( 53 ) Arrêt du 14 juillet 1994, Faccini Dori (C-91/92, Rec. p. I-3325, point 20); voir en outre arrêts, précités à la note 51, Pfeiffer e.a. (point 108), Kücükdeveci (point 46) et Dominguez (point 37).

( 54 ) Voir, en ce sens, arrêt Runevič-Vardyn et Wardyn (déjà cité à la note 44, point 43).

( 55 ) La jurisprudence relative à la directive 2000/78 peut donc être transposée purement et simplement à la directive 2000/43; voir arrêts du 22 novembre 2005, Mangold (C-144/04, Rec. p. I-9981, points 74 et 75); Kücükdeveci (déjà cité à la note 51, points 51 et 53) et du 10 mai 2011, Römer (C-147/08, Rec. p. I-3791, point 59).

( 56 ) Dans l’affaire Dominguez (déjà citée à la note 51), qui avait trait aux congés payés annuels, il ne s’agissait pas d’une émanation du principe général de l’égalité de traitement au sens de l’article 21 de la charte des droits fondamentaux, mais bien d’un droit consacré à l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux au titre de la «Solidarité».

( 57 ) Voir ainsi la version allemande («Tatsachen glaubhaft machen, die […] vermuten lassen»), la version grecque («προσάγει [...] πραγματικά περιστατικά, από τα οποία τεκμαίρεται»), la version anglaise («establish […] facts from which it may be presumed»), la version espagnole («alegue […] hechos que permitan presumir»), la version française («établit […] des faits qui permettent de présumer»), la version italienne («espongono […] fatti dai quali si può presumere»), la version néerlandaise
(«feiten aanvoeren die […] kunnen doen vermoeden»), la version polonaise («przedstawia […] fakty, z których można domniemywać»), la version portugaise («apresentar […] elementos de facto constitutivos da presunção») et la version suédoise («lägger fram fakta som ger anledning att anta») de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2000/43.

( 58 ) Voir, dans le même sens, arrêt Feryn (déjà cité à la note 49, point 30).

( 59 ) De nombreuses autres versions linguistiques du vingt-et-unième considérant de la directive 2000/43 sont rédigées dans le même sens: «a prima facie case of discrimination» (anglais), «Όταν πιθανολογείται διακριτική μεταχείριση» (grec), «una presunta discriminación» (espagnol), «Anschein einer Diskriminierung» (allemand), «une présomption de discrimination» (français), «una presunzione di discriminazione» (italien), «domniemani[e] dyskryminacji» (polonais) «presumível discriminação» (portugais)
et «ett prima facie-fall av diskriminering» (suédois).

( 60 ) Directive du Conseil, du 15 décembre 1997, relative à la charge de la preuve dans les cas de discrimination fondée sur le sexe (JO 1998, L 14, p. 6).

( 61 ) Arrêt du 19 avril 2012, Meister (C‑415/10, point 35); voir, également, point 22 des conclusions que l’avocat général Poiares Maduro a présentées le 12 mars 2008 dans l’affaire Feryn (déjà citée à la note 49).

( 62 ) Arrêt du 10 mars 2005, Nikoloudi (C-196/02, Rec. p. I-1789, point 74 lu en combinaison avec le point 68); voir, dans le même sens, arrêt du 21 juillet 2011, Kelly (C-104/10, Rec. p. I-6813, point 30). À propos de la situation juridique antérieure à la directive 97/80, arrêt du 30 mars 2000, JämO (C-236/98, Rec. p. I-2189, point 53): «Dans une situation de discrimination apparente».

( 63 ) Voir, en ce sens, arrêt Meister (déjà cité à la note 61, points 34 à 40).

( 64 ) Voir, en ce sens, point 22 des conclusions que l’avocat général Mengozzi a présentées le 12 janvier 2012 dans l’affaire Meister (déjà citée à la note 61).

( 65 ) Voir point 5.3, sous c), de la cinquième question préjudicielle.

( 66 ) Voir le quinzième considérant de la directive 2000/43: «L’appréciation des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte appartient à l’instance judiciaire nationale ou à une autre instance compétente, conformément au droit national ou aux pratiques nationales». C’est ce que la Cour n’a cessé de répéter dans une jurisprudence constante sur la procédure préjudicielle; voir, parmi tant d’autres, arrêts du 1er juillet 2008, MOTOE (C-49/07, Rec. p. I-4863,
point 30); du 8 septembre 2010, Winner Wetten (C-409/06, Rec. p. I-8015, point 49), et Kelly (déjà cité à la note 62, point 31).

( 67 ) Voir arrêts Feryn (déjà cité à la note 49, point 19) et MOTOE (déjà cité à la note 66, point 30); voir également arrêts du 2 décembre 2009, Aventis Pasteur (C-358/08, Rec. p. I-11305, point 50), et du 6 septembre 2011, Patriciello (C-163/10, Rec. p. I-7565, point 21).

( 68 ) Compte tenu de cette situation, il est superflu de s’étendre davantage sur les circonstances mentionnées dans la question 5.3, sous a) et b).

( 69 ) Un traitement différent en raison de la race ou de l’origine ethnique n’est possible que pour autant que les intéressés ne se trouvent pas dans une situation comparable [voir article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2000/43].

( 70 ) Voir, à propos de la justification d’une discrimination fondée sur l’âge au sens de la directive 2000/78, points 46 et 47 des conclusions que nous avons présentées le 6 mai 2010 dans l’affaire Ingeniørforeningen i Danmark (arrêt du 12 octobre 2010, C-499/08, Rec. p. I-9343).

( 71 ) Sur la lutte des organismes nationaux contre fraudes et abus, voir arrêts du 21 février 2006, Halifax e.a. (C-255/02, Rec. p. I-1609, points 68 et 69); du 12 septembre 2006, Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas (C-196/04, Rec. p. I-7995, point 35), et du 5 juillet 2007, Kofoed (C-321/05, Rec. p. I-5795, point 38); sur la garantie de la sécurité et de la qualité de l’approvisionnement en énergie dans les États membres, voir arrêts du 10 juillet 1984, Campus Oil e.a. (72/83, Rec.
p. 2727, points 34 et 35); du 4 juin 2002, Commission/Belgique (C‑503/99; Rec. p. I-4809, en particulier point 55), et du 11 novembre 2010, Commission/Portugal (C-543/08, Rec. p. I-11241, point 84).

( 72 ) Voir point 5.3, sous c), de la cinquième question.

( 73 ) Voir, à ce sujet, en ce qui concerne la justification d’une discrimination fondée sur l’âge au sens de la directive 2000/78, point 53 des conclusions que nous avons présentées dans l’affaire Ingeniørforeningen i Danmark (déjà citée à la note 70). La fin de l’article 6, paragraphe 1, point 1), de la directive 2000/78 est rédigée dans des termes identiques à ceux de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/43, de sorte que les explications que nous avons exposées dans l’affaire
Ingeniørforeningen i Danmark peuvent être transposées à la présente espèce.

( 74 ) Voir point 6.3, sous g), de la sixième question.

( 75 ) Voir point 6.3, sous f), de la sixième question.

( 76 ) Voir, dans le même sens, arrêts du 10 février 2009, Commission/Italie (C-110/05, Rec. p. I-519, point 67); du 16 décembre 2010, Josemans (C-137/09, Rec. p. I-13019, point 82), et du 24 mars 2011, Commission/Espagne (C-400/08, Rec. p. I-1915, point 124), dans lesquels la Cour a signalé à propos de contextes les plus divers que les organes nationaux compétents ne sauraient être privés de la possibilité de prendre des mesures simples à appliquer et à contrôler.

( 77 ) Voir, dans le même sens, à propos de la directive 2000/78, arrêt Ingeniørforeningen i Danmark (déjà cité à la note 70, points 41 à 48, en particulier point 47) ainsi que point 67 des conclusions que nous avons présentées dans cette affaire.

( 78 ) Arrêts du 11 juillet 1989, Schräder (265/87, Rec. p. 2237, point 21); du 10 mars 2005, Tempelmann et van Schaijk (C-96/03 et C-97/03, Rec. p. I-1895, point 47), et du 9 mars 2010, ERG e.a. (C-379/08 et C-380/08, Rec. p. I-2007, point 86).

( 79 ) Voir, sur ce point, point 68 des conclusions que nous avons présentées dans l’affaire Ingeniørforeningen i Danmark (déjà citée à la note 70).

( 80 ) Voir point 6.3, sous a), de la sixième question.

( 81 ) La KZD s’est elle aussi exprimée en ce sens au point 6.4, sous e), de sa sixième question.

( 82 ) Vingt-neuvième considérant de l’exposé des motifs de la directive 2006/32, dernière phrase.

( 83 ) Article 3, paragraphe 7, lu en combinaison avec l’annexe I, point 1, sous i), de la directive 2009/72, ainsi que le vingt-neuvième considérant de la directive 2006/32, dernière phrase.

( 84 ) La KZD a exprimé un doute identique au point 6.3, sous c), de sa sixième question.

( 85 ) Point 6.3, sous d), de la sixième question.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : C-394/11
Date de la décision : 20/09/2012
Type de recours : Recours préjudiciel - irrecevable

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Komisia za zashtita ot diskriminatsia - Bulgarie.

Renvoi préjudiciel - Article 267 TFUE - Notion de ‘juridiction nationale’ - Incompétence de la Cour.

Citoyenneté de l'Union

Principes, objectifs et mission des traités


Parties
Demandeurs : Valeri Hariev Belov
Défendeurs : CHEZ Elektro Balgaria AD et autres.

Composition du Tribunal
Avocat général : Kokott

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2012:585

Source

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