ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)
7 juin 2012 (*)
«Renvoi préjudiciel – Irrecevabilité manifeste»
Dans l’affaire C‑21/11,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Commissione tributaria provinciale di Benevento (Italie), par décision du 22 septembre 2010, parvenue à la Cour le 14 janvier 2011, dans la procédure
Volturno Trasporti Sas di Santoro Nino & C.
contre
Camera di commercio, industria, artigianato e agricoltura di Benevento,
Equitalia Sestri SpA,
LA COUR (septième chambre),
composée de M. J. Malenovský, président de chambre, MM. T. von Danwitz et D. Šváby (rapporteur), juges,
avocat général: M^me J. Kokott,
greffier: M. A. Calot Escobar,
l’avocat général entendu,
rend la présente
Ordonnance
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 10, sous c), et 12, paragraphe 1, sous e), de la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux (JO L 249, p. 25).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Volturno Trasporti Sas di Santoro Nino & C. (ci-après «Volturno Trasporti») à la camera di commercio, industria, artigianato e agricoltura di Benevento et à Equitalia Sestri SpA au sujet d’un avis de paiement du droit annuel dû en raison de son inscription au registre des entreprises tenu par ladite chambre.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 L’article 10 de la directive 69/335 dispose:
«En dehors du droit d’apport, les États membres ne perçoivent, en ce qui concerne les sociétés, associations ou personnes morales poursuivant des buts lucratifs, aucune imposition, sous quelque forme que ce soit:
[...]
c) pour l’immatriculation ou pour toute autre formalité préalable à l’exercice d’une activité, à laquelle une société, association ou personne morale poursuivant des buts lucratifs peut être soumise en raison de sa forme juridique.»
4 L’article 12, paragraphe 1, de la même directive est libellé comme suit:
«Par dérogation aux dispositions des articles 10 et 11, les États membres peuvent percevoir:
[...]
e) des droits ayant un caractère rémunératoire;
[...]»
Le droit italien
5 Il ressort de la décision de renvoi que l’article 18 de la loi n° 580, portant réorganisation des chambres de commerce, d’industrie, d’artisanat et d’agriculture (legge n. 580 – Recante Riordinamento delle camere di commercio, industria, artigianato e agricoltura), du 29 décembre 1993 (supplément ordinaire à la GURI n° 7, du 11 janvier 1994), telle que modifiée par le décret législatif n° 114, du 31 mars 1998, en application de l’article 4, paragraphe 4, de la loi n° 59, du 15 mars 1997,
applicable au litige au principal (ci-après la «loi n° 580/1993»), dispose:
«[1.] Il est pourvu au financement ordinaire des chambres de commerce moyennant:
[...]
d) les droits de secrétariat sur l’activité de certification effectuée et sur l’inscription dans des rôles, annuaires, registres et tableaux tenus en vertu des dispositions en vigueur;
[...]
[3.] Les rubriques et les montants des droits de secrétariat visés au paragraphe 1, sous d), sont modifiés et mis à jour par décret du ministre du Développement économique, en concertation avec le ministre de l’Économie et des Finances, en tenant compte des coûts moyens de gestion et de fourniture des services y afférents.
[...]»
Le litige au principal et la question préjudicielle
6 En application du rôle ordinaire n° 2008/2799 émanant de la camera di commercio, industria, artigianato e agricoltura di Benevento, l’agent percepteur de la province de Bénévent a émis et notifié à Volturno Trasporti un avis de paiement d’un montant de 170 euros correspondant au droit annuel dû au titre de son inscription au registre des entreprises pour l’année 2005, majoré de 93,50 euros à titre de sanction pécuniaire et de 15,36 euros à titre d’intérêts légaux.
7 Le 17 novembre 2009, Volturno Trasporti a saisi la Commissione tributaria provinciale di Benevento d’un recours dirigé contre cet avis de paiement. Au soutien de son recours, Volturno Trasporti allègue l’incompatibilité du droit annuel, et notamment de l’article 18, paragraphe 3, de la loi n° 580/1993, avec la directive 69/335.
8 Considérant, d’une part, que ledit droit annuel ne peut être assimilé à l’imposition prévue par la législation néerlandaise dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 11 juin 1996, Denkavit Internationaal e.a. (C‑2/94, Rec. p. I‑2827), et, d’autre part, que le caractère rémunératoire du droit en cause au sens de l’article 12, paragraphe 1, sous e), de la directive 69/335 soulève des doutes, la Commissione tributaria provinciale di Benevento a décidé de surseoir à statuer et de poser à la
Cour la question préjudicielle suivante:
«[Une réglementation nationale telle que la réglementation italienne relative au] droit d’inscription à la chambre de commerce italienne, et, notamment, [...] l’article 18, paragraphe 3, de la loi [n° 580/1993], [est‑elle compatible] avec la directive [69/335] et, notamment, ses articles 10, sous c), et 12[, paragraphe 1], sous e)[?]»
9 À la suite du prononcé de l’arrêt du 19 avril 2012, Grillo Star (C‑443/09, non encore publié au Recueil), et constatant que l’article 18, paragraphe 3, de la loi n° 580/1993, visée par la question préjudicielle, concernait non pas le droit annuel dont la validité était contestée dans le litige au principal, mais des droits de secrétariat, le greffe de la Cour a interrogé la juridiction de renvoi sur cette disposition, sans que celle-ci ait procédé, par la suite, à une modification de sa
décision de renvoi.
Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle
10 Selon une jurisprudence constante, la procédure instituée à l’article 267 TFUE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu’elles sont appelées à trancher (voir, notamment, arrêts du 16 juillet 1992, Meilicke, C‑83/91, Rec. p. I‑4871, point 22, et du 5 février 2004, Schneider, C‑380/01, Rec. p. I‑1389, point
20, ainsi que ordonnance du 8 septembre 2011, Abdallah, C‑144/11, point 9).
11 Dans le cadre de cette coopération, il appartient à la juridiction nationale saisie du litige, qui seule possède une connaissance directe des faits à l’origine de celui-ci et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’elle pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les
questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (voir, notamment, arrêts du 13 mars 2001, PreussenElektra, C‑379/98, Rec. p. I‑2099, point 38; Schneider, précité, point 21, et du 17 avril 2007, AGM-COS.MET, C‑470/03, Rec. p. I‑2749, point 44).
12 Toutefois, la nécessité de parvenir à une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions qu’il pose ou que, à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées (voir, notamment, arrêt du 26 janvier 1993, Telemarsicabruzzo e.a., C‑320/90 à C‑322/90, Rec. p. I‑393, point 6; ordonnances du 17 septembre 2009, Canon Kabushiki
Kaisha, C‑181/09, point 8, ainsi que Abdallah, précitée, point 10).
13 Ainsi, il est indispensable que le juge national explicite, dans la décision de renvoi elle-même, le cadre factuel et réglementaire du litige au principal. Il importe de rappeler, à cet égard, que les informations contenues dans les décisions de renvoi servent non seulement à permettre à la Cour de fournir des réponses utiles, mais également à donner aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres intéressés la possibilité de présenter des observations conformément à l’article 23 du
statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Il incombe à cette dernière de veiller à ce que cette possibilité soit sauvegardée, compte tenu du fait que, en vertu de cette disposition, seules les décisions de renvoi sont notifiées aux intéressés (voir ordonnance Abdallah, précitée, point 11).
14 En l’occurrence, il est constant que la Commissione tributaria provinciale di Benevento a, dans la décision de renvoi, décrit à suffisance le cadre factuel du litige au principal et donné les motifs juridiques qui l’ont conduit à s’interroger sur l’interprétation de la directive 69/335. En revanche, la description du cadre juridique de ce litige, telle que maintenue par la juridiction de renvoi, fait apparaître que le libellé des dispositions visées par la question préjudicielle, à savoir
l’article 18, paragraphe 3, de la loi n° 580/1993, se rapporte à des droits de secrétariat et non au droit annuel dû par les entreprises aux chambres de commerce italiennes en raison de l’inscription de ces entreprises au registre des entreprises tenu par lesdites chambres, seul en cause dans le litige au principal.
15 Il s’ensuit que la juridiction de renvoi interroge la Cour sur la compatibilité avec la directive 69/335 d’un droit annuel tel que celui en cause au principal en visant des dispositions sans rapport avec le droit annuel dont la validité est contestée.
16 Dès lors, la Cour n’est pas en mesure de fournir à la juridiction de renvoi une interprétation utile de la disposition du droit de l’Union visée à la question préjudicielle.
17 Dans ces conditions, il convient, dès ce stade de la procédure, de constater, en application des articles 92, paragraphe 1, et 103, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, que la présente demande de décision préjudicielle est manifestement irrecevable.
Sur les dépens
18 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs, la Cour (septième chambre) ordonne:
La demande de décision préjudicielle introduite par la Commissione tributaria provinciale di Benevento (Italie), par décision du 22 septembre 2010, est manifestement irrecevable.
Signatures
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* Langue de procédure: l’italien.