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06/10/2011 | CJUE | N°C-443/10

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Philippe Bonnarde contre Agence de Services et de Paiement., 06/10/2011, C-443/10


Affaire C-443/10

Philippe Bonnarde

contre

Agence de Services et de Paiement

(demande de décision préjudicielle, introduite par

le tribunal administratif de Limoges)

«Libre circulation des marchandises — Restrictions quantitatives — Mesures d’effet équivalent — Importation par une personne résidente dans un État membre d’un véhicule déjà immatriculé dans un autre État membre — Bonus écologique — Conditions — Certificat d’immatriculation attestant de la nature de véhicule de démonstration»

Somm

aire de l'arrêt

Libre circulation des marchandises — Restrictions quantitatives — Mesures d'effet équivalent — Régleme...

Affaire C-443/10

Philippe Bonnarde

contre

Agence de Services et de Paiement

(demande de décision préjudicielle, introduite par

le tribunal administratif de Limoges)

«Libre circulation des marchandises — Restrictions quantitatives — Mesures d’effet équivalent — Importation par une personne résidente dans un État membre d’un véhicule déjà immatriculé dans un autre État membre — Bonus écologique — Conditions — Certificat d’immatriculation attestant de la nature de véhicule de démonstration»

Sommaire de l'arrêt

Libre circulation des marchandises — Restrictions quantitatives — Mesures d'effet équivalent — Réglementation nationale exigeant pour l'octroi d'un bonus écologique lors de l'immatriculation d'un véhicule automobile de démonstration importé l'apposition sur le premier certificat d'immatriculation de la mention "véhicule de démonstration" — Inadmissibilité — Justification — Protection de l'environnement et lutte contre la fraude — Absence

(Art. 34 TFUE et 36 TFUE)

Les articles 34 TFUE et 36 TFUE s’opposent à une réglementation d’un État membre qui exige, pour l’octroi de l’aide dénommée «bonus écologique - Grenelle de l’environnement» lors de l’immatriculation dans cet État membre de véhicules automobiles de démonstration importés, que soit apposée sur le premier certificat d’immatriculation de tels véhicules la mention «véhicule de démonstration».

En effet, même si une telle réglementation impose à l’égard de l’ensemble des véhicules automobiles de démonstration, et ce indépendamment de leur provenance, la production d’un certificat d’immatriculation comportant ladite mention afin de bénéficier d'un bonus écologique, cette exigence affecte de manière différente les véhicules importés d'autres États membres selon qu’ils proviennent d’un État membre prévoyant ou non la présence d’une telle mention sur les certificats d’immatriculation. Partant,
elle peut avoir une influence sur le comportement des acheteurs, et, par conséquent, affecter l’accès de ces véhicules au marché de cet État membre.

Certes, les objectifs de protection de l’environnement ainsi que de lutte contre la fraude peuvent justifier des mesures nationales susceptibles d’entraver le commerce intracommunautaire, pourvu que ces mesures soient proportionnées à l’objet visé. Toutefois, le fait d’exiger que figure la mention «véhicule de démonstration» sur le certificat d’immatriculation d’un tel véhicule n’est qu’un moyen parmi d’autres à la disposition des autorités compétentes pour lutter contre la fraude et protéger
l’environnement. Une telle mesure est dès lors excessive et, partant, disproportionnée par rapport aux objectifs recherchés.

(cf. points 29-30, 34, 37-38, 39 et disp.)

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

6 octobre 2011 (*)

«Libre circulation des marchandises – Restrictions quantitatives – Mesures d’effet équivalent – Importation par une personne résidente dans un État membre d’un véhicule déjà immatriculé dans un autre État membre – Bonus écologique – Conditions – Certificat d’immatriculation attestant de la nature de véhicule de démonstration»

Dans l’affaire C‑443/10,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le tribunal administratif de Limoges (France), par décision du 9 septembre 2010, parvenue à la Cour le 14 septembre 2010, dans la procédure

Philippe Bonnarde

contre

Agence de Services et de Paiement,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. J.-J. Kasel, président de chambre, MM. A. Borg Barthet (rapporteur) et M. Ilešič, juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: M^me A. Impellizzeri, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 mai 2011,

considérant les observations présentées:

– pour le gouvernement français, par MM. G. de Bergues et S. Menez, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par MM. G. Wilms et A. Marghelis ainsi que par M^me A. Kostova Bourgeix, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 34 TFUE et 36 TFUE ainsi que de l’article 1^er de la directive 1999/37/CE du Conseil, du 29 avril 1999, relative aux documents d’immatriculation des véhicules (JO L 138, p. 57), telle que modifiée par la directive 2003/127/CE de la Commission, du 23 décembre 2003 (JO L 10, p. 29, ci-après la «directive 1999/37»).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Bonnarde au directeur général du Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles (Cnasea) au sujet du refus de ce dernier de lui accorder le bénéfice de l’aide dénommée «bonus écologique – Grenelle de l’environnement» (ci-après le «bonus écologique») pour l’achat d’un véhicule automobile de démonstration provenant d’un autre État membre.

Le cadre juridique

La réglementation de l’Union

3 L’article 1^er de la directive 1999/37 prévoit:

«La présente directive s’applique aux documents délivrés par les États membres lors de l’immatriculation des véhicules.

Elle ne préjuge pas du droit des États membres d’utiliser, pour l’immatriculation temporaire des véhicules, des documents qui, le cas échéant, ne répondent pas en tous points aux exigences de la présente directive.»

4 L’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive dispose:

«Les États membres délivrent un certificat d’immatriculation pour les véhicules qui sont soumis à immatriculation selon leur législation nationale. Ce certificat se compose soit d’une seule partie conforme à l’annexe I, soit de deux parties conformes aux annexes I et II.»

5 Le point II.7 figurant à l’annexe I de la directive 1999/37 énonce que les États membres peuvent inclure d’autres informations dans la partie I du certificat d’immatriculation.

La réglementation nationale

6 L’article 63, paragraphe 5, de la loi n° 2007-1824, du 25 décembre 2007, de finances rectificative pour 2007 (JORF du 28 décembre 2007, p. 21482), dispose:

«Il est institué un fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres ayant pour mission […] l’attribution d’aides à l’acquisition de véhicules propres qui peuvent être complétées, le cas échéant, d’aides au retrait de véhicules polluants.

Un décret précise l’organisme gestionnaire du fonds ainsi que les conditions dans lesquelles il assure sa gestion.»

7 L’article 1^er du décret n° 2007-1873, du 26 décembre 2007, instituant une aide à l’acquisition des véhicules propres (JORF du 30 décembre 2007, p. 21846, ci-après le «décret n° 2007-1873 dans sa version initiale»), tel que modifié par le décret n° 2009-66, du 19 janvier 2009 (JORF du 20 janvier 2009, p. 1098, ci-après le «décret n° 2007-1873 modifié»), énonce:

«Une aide est attribuée par le fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres créé par l’article 63 de la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007 à toute personne justifiant d’un domicile ou d’un établissement en France, à l’exception des administrations de l’État, qui acquiert ou qui prend en location dans le cadre d’un contrat de location avec option d’achat ou d’un contrat souscrit pour une durée d’au moins deux ans un véhicule automobile terrestre à moteur qui
satisfait, à la date de sa facturation, aux conditions suivantes:

1° Il appartient à la catégorie des voitures particulières ou des camionnettes au sens de l’article R. 311-1 du code de la route ainsi qu’à toute catégorie de véhicules soumise à la mesure des émissions de dioxyde de carbone conformément aux dispositions de la directive 80/1268/CEE du 16 décembre 1980 ou du règlement (CE) n° 715/2007 du 20 juin 2007.

2° Il ne doit pas avoir fait l’objet précédemment d’une première immatriculation en France ou à l’étranger;

3° Il est immatriculé en France dans une série définitive;

4° Il n’est pas destiné à être cédé par l’acquéreur en tant que véhicule neuf;

[…]»

8 L’article 2, second alinéa, du décret n° 2007-1873 dans sa version initiale prévoit:

«Les concessionnaires et les agents de marques de véhicules ne peuvent pas bénéficier de l’aide prévue à l’article 1^er à raison des voitures particulières neuves qu’ils affectent à la démonstration. Toutefois, pour l’application du régime d’aide prévu à l’article 1^er, ces voitures particulières affectées à la démonstration sont réputées neuves si leur cession ou leur location intervient dans un délai de douze mois à compter du jour de leur première immatriculation.»

9 L’article 2, second alinéa, du décret n° 2007-1873 modifié prévoit:

«Les concessionnaires et les agents de marques de véhicules ne peuvent pas bénéficier de l’aide prévue à l’article 1^er à raison des véhicules neufs appartenant à l’une des catégories définies au point 1 de cet article et qu’ils affectent à la démonstration. Toutefois, pour l’application du régime d’aide prévu à l’article 1^er, ces véhicules affectés à la démonstration en France sont réputés neufs si leur cession ou leur location intervient dans un délai de douze mois à compter du jour de leur
première immatriculation.»

10 L’article 29 de l’arrêté du 5 novembre 1984, remplacé par l’arrêté du 9 février 2009 relatif aux modalités d’immatriculation des véhicules, qui reprend cet article sans le modifier, énonce:

«On entend par véhicule de démonstration un véhicule neuf de moins de 3,5 tonnes de PTAC affecté pour une durée de trois mois minimum et un an maximum à la démonstration, c’est-à-dire utilisé par les concessionnaires et agents de marque (y compris constructeurs et importateurs) dans le cadre d’opérations de présentation, d’essai et de vente auprès de leur clientèle.

Peut être affecté à la démonstration tout véhicule soumis à immatriculation répondant aux conditions précitées et ce, quels que soient son genre et sa carrosserie (voiture particulière, motocyclette, camionnette, remorque, etc.).

Les délais définis ci-dessus s’entendent à partir de la date de la première immatriculation indiquée sur le certificat d’immatriculation.

En application de l’article 1635 bis H (II) du code général des impôts, il est délivré pour ces véhicules des cartes grises gratuites. Sur ces cartes grises est apposée la mention ‘véhicule de démonstration’.»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

11 Au cours du mois de janvier de l’année 2009, M. Bonnarde a acquis, auprès d’un concessionnaire automobile situé en Belgique, un véhicule automobile appartenant à PSA-Belgique. Celui-ci a fait l’objet d’une première immatriculation dans cet État membre, avant d’être importé en France par M. Bonnarde où il a été immatriculé le 4 février 2009.

12 M. Bonnarde a demandé l’attribution du bonus écologique en raison de l’acquisition, en qualité de véhicule de démonstration, de ce véhicule peu polluant, dont la date de première immatriculation n’était antérieure que de huit mois à celle de l’acquisition et qui affichait un kilométrage d’environ 6 000 kilomètres.

13 Par décision du 23 février 2009, le directeur général du Cnasea a rejeté cette demande au motif que ledit véhicule avait déjà fait l’objet, le 20 mai 2008, d’une première immatriculation à l’étranger, à savoir en Belgique, et que, malgré la demande qui lui en avait été faite, M. Bonnarde n’avait pas produit de certificat d’immatriculation portant la mention «véhicule de démonstration».

14 Le 28 février 2009, le requérant au principal a introduit un recours devant le tribunal administratif de Limoges visant à l’annulation de cette décision.

15 Devant cette juridiction, M. Bonnarde a fait valoir que la réglementation belge ne prévoit pas la délivrance d’un document portant la mention «véhicule de démonstration». En effet, si les autorités belges délivrent un certificat d’immatriculation pour toute voiture de démonstration, il n’est pas prévu que la mention spécifique «véhicule de démonstration» y figure. M. Bonnarde estime que sa voiture ne polluant pas davantage qu’un véhicule de démonstration français, l’exigence de production
d’un certificat d’immatriculation comportant une telle mention présente un caractère discriminatoire.

16 Il n’est pas contesté que, en raison du taux d’émission de CO_2 du véhicule du requérant au principal, celui-ci peut bénéficier du bonus écologique. Ne sont pas davantage contestées les affirmations dudit requérant relatives tant à l’ancienneté et à l’état de ce véhicule qu’à l’impossibilité de produire un certificat d’immatriculation portant la mention «véhicule de démonstration» établi par les autorités compétentes du Royaume de Belgique.

17 Considérant que l’issue du litige dont il est saisi dépend de l’interprétation du droit de l’Union applicable, le tribunal administratif de Limoges a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Les dispositions du droit de l’Union [...], notamment celles du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne destinées à garantir la libre circulation ainsi que celles des directives susvisées relatives aux documents d’immatriculation des véhicules, doivent-elles être interprétées comme s’opposant à la législation d’un État membre instituant, pour l’immatriculation des véhicules, un document particulier, tel un certificat d’immatriculation sur lequel doit être apposée la mention
‘véhicule de démonstration’, pouvant être regardé comme n’ayant pas pour objet une immatriculation temporaire au sens de l’article 1^er de la directive [1999/37] et, par suite, comme faisant obstacle à ce que le bénéfice d’un avantage puisse être lié à la présentation d’un tel document?

2) En cas de réponse négative à la question précédente, ces dispositions doivent-elles être interprétées comme impliquant que l’application, à l’occasion de l’acquisition du véhicule dans un autre État membre, d’une réglementation nationale subordonnant l’attribution d’une aide à l’acquisition de véhicules propres ayant déjà fait l’objet d’une immatriculation à la condition que le certificat de cette immatriculation porte, en vertu de la réglementation de l’État membre, la mention ‘véhicule de
démonstration’ doive être écartée, lorsque le vendeur du véhicule n’a pas pu, lui-même, bénéficier de cette aide et lorsque:

– soit l’acquéreur produit un certificat d’immatriculation établi dans l’autre État membre et spécifique à des véhicules destinés à la démonstration,

– soit le véhicule présente les caractères, tenant notamment à la date de sa première mise en circulation, exigés par la réglementation nationale pour être qualifié de véhicule de démonstration?»

Sur les questions préjudicielles

18 Par ses questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 1999/37 ou, le cas échéant, les articles 34 TFUE et 36 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit que le bénéfice d’un avantage ne peut être accordé que s’il est apposé sur le certificat d’immatriculation des véhicules automobiles de démonstration la mention «véhicule de
démonstration».

Observations liminaires

19 À titre liminaire, ainsi que l’ont relevé le gouvernement français et la Commission européenne, il convient de relever que l’article 2, deuxième alinéa, du décret n° 2007-1873 dans sa version initiale prévoyait que «ces voitures particulières affectées à la démonstration sont réputées neuves si leur cession ou leur location intervient dans un délai de douze mois à compter du jour de leur première immatriculation», alors que la même disposition du décret n° 2007-1873 modifié prévoit que «ces
véhicules affectés à la démonstration en France sont réputés neufs si leur cession ou leur location intervient dans un délai de douze mois à compter du jour de leur première immatriculation».

20 Il y a lieu de préciser que la juridiction de renvoi interroge la Cour au regard de la rédaction de l’article 2, deuxième alinéa, du décret n° 2007-1873 dans sa version initiale. Toutefois, la réponse à la question de savoir si la directive 1999/37 ou les articles 34 TFUE et 36 TFUE s’opposent à ce qu’un État membre exige que soit apposée la mention «véhicule de démonstration» sur les certificats d’immatriculation de ces véhicules pour l’obtention du bonus écologique s’analyse de la même
manière qu’il s’agisse du décret n° 2007-1873 dans sa version initiale ou du décret n° 2007-1873 modifié. Par conséquent, il appartiendra à la juridiction de renvoi de déterminer le droit national applicable ratione temporis.

Sur l’interprétation de la directive 1999/37

21 La conformité au droit de l’Union d’une disposition nationale qui impose que figure la mention «véhicule de démonstration» sur le certificat d’immatriculation de tels véhicules, et dont l’application combinée avec d’autres dispositions nationales a pour conséquence que seuls les véhicules munis d’un certificat d’immatriculation attestant de leur nature de véhicule de démonstration peuvent se voir attribuer un bonus écologique, doit d’abord être examinée à la lumière des obligations des États
membres découlant de la directive 1999/37.

22 En effet, selon une jurisprudence constante, toute mesure nationale dans un domaine qui a fait l’objet d’une harmonisation exhaustive au niveau de l’Union doit être appréciée au regard des dispositions de cette mesure d’harmonisation, et non pas au regard de celles du droit primaire (arrêts du 11 décembre 2003, Deutscher Apothekerverband, C-322/01, Rec. p. I‑14887, point 64, ainsi que du 16 décembre 2008, Gysbrechts et Santurel Inter, C-205/07, Rec. p. I-9947, point 33).

23 Toutefois, en l’espèce, il est constant que la directive 1999/37 n’a pas opéré une harmonisation exhaustive. À cet égard, ainsi que le point II.7 figurant à l’annexe I de cette directive le prévoit expressément, celle-ci autorise les États membres à inclure, dans la partie I du certificat d’immatriculation, d’autres informations que celles qui ont l’obligation d’y figurer en vertu de ladite annexe I.

24 Ainsi, conformément audit point II.7, la directive 1999/37 ne s’oppose pas à des dispositions nationales qui incluent, dans la partie I du certificat d’immatriculation, des informations complémentaires à celles devant obligatoirement y figurer, pourvu que ces dispositions n’enfreignent pas les règles du traité FUE.

25 Il importe, par conséquent, d’examiner si les articles 34 TFUE et 36 TFUE font obstacle à des règles nationales telles que celles du litige au principal.

Sur l’interprétation des articles 34 TFUE et 36 TFUE

26 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’interdiction des mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives à l’importation édictée à l’article 34 TFUE vise toute mesure des États membres susceptible d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intracommunautaire (voir, notamment, arrêts du 16 novembre 2000, Commission/Belgique, C-217/99, Rec. p. I-10251, point 16; du 26 octobre 2006, Commission/Grèce, C-65/05, Rec.
p. I-10341, point 27; du 15 mars 2007, Commission/Finlande, C-54/05, Rec. p. I-2473, point 30, et du 24 avril 2008, Commission/Luxembourg, C-286/07, Rec. p. I-63, point 27). Ainsi, le seul fait d’être dissuadé d’introduire ou de commercialiser les produits en question dans l’État membre concerné constitue pour l’importateur une entrave à la libre circulation des marchandises (arrêt Commission/Luxembourg, précité, point 27).

27 De plus, doivent être considérées comme des «mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives à l’importation», au sens de l’article 34 TFUE, les mesures prises par un État membre ayant pour objet ou pour effet de traiter moins favorablement des produits en provenance d’autres États membres, ainsi que les entraves à la libre circulation des marchandises résultant, en l’absence d’harmonisation des législations nationales, de l’application à des marchandises en provenance d’autres
États membres, où elles sont légalement fabriquées et/ou commercialisées, de règles relatives aux conditions auxquelles doivent répondre ces marchandises, même si ces règles sont indistinctement applicables à tous les produits (voir, en ce sens, arrêt Deutscher Apothekerverband, précité, point 67).

28 Dans l’affaire au principal, il est constant que l’ensemble des États membres ne prévoit pas que les certificats d’immatriculation des véhicules automobiles de démonstration comportent la mention spécifique «véhicule de démonstration». Dès lors que les véhicules automobiles de démonstration importés des États membres, alors qu’ils remplissent les conditions fixées par la réglementation nationale française pour bénéficier du bonus écologique, à savoir celles liées à l’ancienneté et à l’état
du véhicule ainsi qu’au taux d’émission de CO_2 de celui-ci, ne peuvent toutefois pas bénéficier de ce bonus du fait de l’absence de cette mention spécifique sur leur certificat d’immatriculation, il y a lieu de considérer que ladite mention constitue une condition d’octroi du bonus écologique susceptible de dissuader certains intéressés résidant en France d’importer dans cet État membre des véhicules de démonstration précédemment immatriculés dans d’autres États membres (voir, par analogie, arrêts
du 20 septembre 2007, Commission/Pays-Bas, C-297/05, Rec. p. I-7467, point 73, et du 5 juin 2008, Commission/Pologne, C-170/07, Rec. p. I-87, point 44).

29 À cet égard, il convient de relever que, même si la réglementation nationale en cause au principal impose à l’égard de l’ensemble des véhicules automobiles de démonstration, et ce indépendamment de leur provenance, la production d’un certificat d’immatriculation comportant la mention «véhicule de démonstration» afin de bénéficier du bonus écologique, cette exigence affecte de manière différente les véhicules relevant de l’hypothèse en cause selon qu’ils proviennent d’un État membre prévoyant
ou non la présence d’une telle mention sur les certificats d’immatriculation (voir, en ce sens, arrêt Commission/Luxembourg, précité, point 28).

30 En effet, même si la réglementation nationale en cause au principal n’a pas pour objet de traiter moins favorablement des produits en provenance d’autres États membres, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, la circonstance que la mention «véhicule de démonstration» doit figurer sur le certificat d’immatriculation des véhicules de démonstration afin d’ouvrir le droit au bonus écologique peut avoir une influence sur le comportement des acheteurs, et, par conséquent, affecter
l’accès de ces véhicules au marché de cet État membre (voir, en ce sens, arrêt du 10 février 2009, Commission/Italie, C-110/05, Rec. p. I-519, point 56).

31 L’exigence d’une telle mention sur les certificats d’immatriculation des véhicules de démonstration importés en vue de l’octroi du bonus écologique en cause constitue, partant, une restriction à la libre circulation des marchandises, interdite par l’article 34 TFUE.

32 Toutefois, il ressort d’une jurisprudence constante qu’une réglementation nationale qui constitue une mesure d’effet équivalent à des restrictions quantitatives peut être justifiée par l’une des raisons d’intérêt général énumérées à l’article 36 TFUE ou par des exigences impératives. Dans l’un et l’autre cas, la disposition nationale doit être propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour qu’il soit atteint (voir, notamment,
arrêts Commission/Pays-Bas, précité, point 75; Commission/Pologne, précité, point 46, et du 9 décembre 2010, Humanplasma, C‑421/09, non encore publié au Recueil, point 34).

33 Le gouvernement français soutient que la disposition nationale en cause au principal est justifiée par l’objectif de la protection de l’environnement ainsi que par celui de lutte contre la fraude. Par cette disposition, la République française souhaite notamment encourager l’acquisition de véhicules automobiles peu polluants et, dans la mesure où les véhicules automobiles de démonstration sont supposés n’être pas ou très peu usagés, le bonus écologique peut également être versé pour
l’acquisition de tels véhicules. Toutefois, contrairement aux véhicules automobiles neufs, les véhicules de démonstration ont déjà fait l’objet d’une première immatriculation. De ce fait, l’acquéreur d’un tel véhicule doit produire un certificat d’immatriculation portant la mention «véhicule de démonstration» afin d’apporter la preuve qu’il s’agit non pas d’un véhicule d’occasion, mais d’un véhicule ayant été affecté à la démonstration.

34 Selon une jurisprudence constante, les objectifs de protection de l’environnement ainsi que de lutte contre la fraude peuvent justifier des mesures nationales susceptibles d’entraver le commerce intracommunautaire, pourvu que ces mesures soient proportionnées à l’objet visé (voir, notamment, arrêts du 10 avril 2008, Commission/Portugal, C-265/06, Rec. p. I-2245, point 38; Commission/Luxembourg, précité, point 38, ainsi que du 4 juin 2009, Mickelsson et Roos, C-142/05, Rec. p. I-4273, point
32).

35 Si l’exigence de la mention «véhicule de démonstration» sur les certificats d’immatriculation importés apparaît, certes, de nature à faciliter l’identification des véhicules de démonstration pouvant ainsi bénéficier du bonus écologique et, par conséquent, propre à atteindre les objectifs de protection de l’environnement et de lutte contre la fraude, il y a toutefois lieu de vérifier qu’elle est nécessaire pour atteindre ces objectifs et qu’il n’existe pas d’autres moyens moins restrictifs
pour y parvenir.

36 Dans l’affaire au principal, le caractère prétendument nécessaire de la mesure en cause n’est pas prouvé étant donné que, dans ses observations écrites et lors de l’audience, le gouvernement français a admis que le bonus écologique pourrait être accordé à un véhicule automobile de démonstration acquis dans un autre État membre sur la présentation d’un certificat spécifique à cette catégorie de véhicule ou par tout autre moyen de preuve démontrant que ce véhicule remplit les mêmes conditions
que celles prévues pour les véhicules de démonstration nationaux.

37 Ainsi, le fait d’exiger que figure la mention «véhicule de démonstration» sur le certificat d’immatriculation d’un tel véhicule n’est qu’un moyen parmi d’autres à la disposition des autorités compétentes pour lutter contre la fraude et protéger l’environnement.

38 Il s’ensuit que cette mesure doit être considérée comme étant excessive et, partant, disproportionnée par rapport aux objectifs recherchés.

39 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions posées que les articles 34 TFUE et 36 TFUE s’opposent à une réglementation d’un État membre qui exige, pour l’octroi du bonus écologique lors de l’immatriculation dans cet État membre de véhicules automobiles de démonstration importés, que soit apposée sur le premier certificat d’immatriculation de tels véhicules la mention «véhicule de démonstration».

Sur les dépens

40 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit:

Les articles 34 TFUE et 36 TFUE s’opposent à une réglementation d’un État membre qui exige, pour l’octroi de l’aide dénommée «bonus écologique – Grenelle de l’environnement» lors de l’immatriculation dans cet État membre de véhicules automobiles de démonstration importés, que soit apposée sur le premier certificat d’immatriculation de tels véhicules la mention «véhicule de démonstration».

Signatures

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* Langue de procédure: le français.


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : C-443/10
Date de la décision : 06/10/2011
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Tribunal administratif de Limoges - France.

Libre circulation des marchandises - Restrictions quantitatives - Mesures d’effet équivalent - Importation par une personne résidente dans un État membre d’un véhicule déjà immatriculé dans un autre État membre - Bonus écologique - Conditions - Certificat d’immatriculation attestant de la nature de véhicule de démonstration.

Mesures d'effet équivalent

Restrictions quantitatives

Libre circulation des marchandises


Parties
Demandeurs : Philippe Bonnarde
Défendeurs : Agence de Services et de Paiement.

Composition du Tribunal
Avocat général : Jääskinen
Rapporteur ?: Borg Barthet

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2011:641

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