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31/03/2011 | CJUE | N°C-407/09

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Commission européenne contre République hellénique., 31/03/2011, C-407/09


Affaire C-407/09

Commission européenne

contre

République hellénique

«Manquement d’État — Manquement à l’obligation d’exécuter un arrêt de la Cour — Sanctions pécuniaires — Imposition d’une somme forfaitaire»

Sommaire de l'arrêt

1. Recours en manquement — Arrêt de la Cour constatant le manquement — Manquement à l'obligation d'exécuter l'arrêt — Sanctions pécuniaires — Finalité — Choix de la sanction appropriée

(Art. 228, § 2, CE)

2. Recours en manquement — A

rrêt de la Cour constatant le manquement — Manquement à l'obligation d'exécuter l'arrêt — Sanctions pécuniaires — Imposition d'une somme for...

Affaire C-407/09

Commission européenne

contre

République hellénique

«Manquement d’État — Manquement à l’obligation d’exécuter un arrêt de la Cour — Sanctions pécuniaires — Imposition d’une somme forfaitaire»

Sommaire de l'arrêt

1. Recours en manquement — Arrêt de la Cour constatant le manquement — Manquement à l'obligation d'exécuter l'arrêt — Sanctions pécuniaires — Finalité — Choix de la sanction appropriée

(Art. 228, § 2, CE)

2. Recours en manquement — Arrêt de la Cour constatant le manquement — Manquement à l'obligation d'exécuter l'arrêt — Sanctions pécuniaires — Imposition d'une somme forfaitaire

(Art. 228, § 2, CE)

3. Recours en manquement — Arrêt de la Cour constatant le manquement — Délai d'exécution — Date de référence pour apprécier l'existence du manquement

(Art. 228 CE)

1. Dans le cadre de la procédure prévue à l’article 228, paragraphe 2, CE, il appartient à la Cour, dans chaque affaire et en fonction des circonstances de l’espèce dont elle se trouve saisie ainsi que du niveau de persuasion et de dissuasion qui lui paraît requis, d’arrêter les sanctions pécuniaires appropriées pour assurer l’exécution la plus rapide possible de l’arrêt ayant précédemment constaté un manquement et prévenir la répétition d’infractions analogues au droit de l’Union. Si
l’imposition d’une astreinte semble particulièrement adaptée pour inciter un État membre à mettre fin, dans les plus brefs délais, à un manquement qui, en l’absence d’une telle mesure, aurait tendance à persister, l’imposition d’une somme forfaitaire repose essentiellement sur l’appréciation des conséquences du défaut d’exécution des obligations de l’État membre concerné sur les intérêts privés et publics, notamment lorsque le manquement a persisté pendant une longue période postérieurement à
l’arrêt qui l’a initialement constaté.

(cf. points 28-29)

2. Dans le cadre de la procédure prévue à l’article 228, paragraphe 2, CE, l’imposition éventuelle d’une somme forfaitaire doit, dans chaque cas d’espèce, demeurer fonction de l’ensemble des éléments pertinents ayant trait tant aux caractéristiques du manquement constaté qu’à l’attitude propre à l’État membre concerné par la procédure initiée sur le fondement de l’article 228 CE. En tout état de cause, si la Cour décide de l’imposition d’une somme forfaitaire, il lui appartient, dans
l’exercice de son pouvoir d’appréciation, de fixer celle-ci de sorte qu’elle soit, d’une part, adaptée aux circonstances et, d’autre part, proportionnée au manquement constaté ainsi qu’à la capacité de paiement de l’État membre concerné. Par conséquent, afin de statuer sur une demande d’imposition d’une somme forfaitaire, la Cour doit tenir compte de l’ensemble des circonstances du manquement et, notamment, de l’attitude de l’État membre concerné, de la durée ainsi que de la gravité de l’infraction.

(cf. points 30-32)

3. Si l’article 228 CE ne précise pas le délai dans lequel l’exécution d’un arrêt doit intervenir, la mise en œuvre de l’exécution doit être entamée immédiatement et aboutir dans les délais les plus brefs possible.

(cf. point 34)

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

31 mars 2011 (*)

«Manquement d’État – Manquement à l’obligation d’exécuter un arrêt de la Cour – Sanctions pécuniaires – Imposition d’une somme forfaitaire»

Dans l’affaire C‑407/09,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 228 CE, introduit le 22 octobre 2009,

Commission européenne, représentée par M^mes M. Condou-Durande et A.-M. Rouchaud-Joët, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République hellénique, représentée par M^mes K. Samoni-Rantou et N. Dafniou, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. J.-J. Kasel (rapporteur), M. Ilešič, M. Safjan et M^me M. Berger, juges,

avocat général: M. J. Mazák,

greffier: M^me L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 septembre 2010,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 16 décembre 2010,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour:

– de constater que, en n’ayant pas adopté les mesures nécessaires que comportait l’exécution de l’arrêt du 18 juillet 2007, Commission/Grèce (C‑26/07), dans lequel la Cour a jugé que, en ne prenant pas, dans le délai prescrit, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 2004/80/CE du Conseil, du 29 avril 2004, relative à l’indemnisation des victimes de la criminalité (JO L 261, p. 15, ci-après la «directive»), la République
hellénique avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de cette directive, cet État membre a manqué aux obligations qui lui incombent en application de l’article 228, paragraphe 1, CE;

– d’ordonner à la République hellénique de verser à la Commission, sur le compte «Ressources propres de la Communauté européenne», une astreinte proposée d’un montant de 72 532,80 euros par jour de retard dans l’adoption des mesures nécessaires pour exécuter l’arrêt Commission/Grèce, précité, à compter du prononcé de l’arrêt dans la présente affaire et jusqu’au jour où sera exécuté ledit arrêt Commission/Grèce;

– d’ordonner à la République hellénique de verser à la Commission, sur le même compte, une somme forfaitaire dont le montant sera obtenu en multipliant le montant de 10 512 euros par jour de retard à compter du jour du prononcé de l’arrêt Commission/Grèce, précité, et jusqu’à la date à laquelle sera rendu l’arrêt dans la présente affaire ou jusqu’à celle de l’adoption des mesures nécessaires pour exécuter ledit arrêt Commission/Grèce, si cette adoption intervient plus tôt, et

– de condamner la République hellénique aux dépens.

L’arrêt Commission/Grèce

2 Le 25 janvier 2007, la Commission a, conformément à l’article 226 CE, introduit un recours en manquement contre la République hellénique en raison du fait que cette dernière n’avait pas effectué la transposition dans son ordre juridique de la directive, dont le délai de transposition initialement imparti était fixé au 1^er juillet 2005.

3 Au point 1 du dispositif de l’arrêt Commission/Grèce, précité, la Cour s’est prononcée comme suit:

«En ne prenant pas, dans le délai prescrit, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la [directive], la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.»

La procédure précontentieuse

4 Le 29 février 2008, la Commission a adressé à la République hellénique une lettre de mise en demeure dans laquelle elle demandait à cette dernière de l’informer au sujet des mesures qu’elle avait prises afin de se conformer à l’arrêt Commission/Grèce, précité.

5 Dans sa réponse du 10 septembre 2008, cet État membre a indiqué qu’un projet de loi devant mettre fin au manquement constaté se trouvait en phase d’élaboration finale.

6 Constatant que la République hellénique n’avait toujours pas exécuté l’arrêt Commission/Grèce, précité, la Commission a, le 23 septembre 2008, adressé un avis motivé à cet État membre dans lequel elle invitait ce dernier à prendre les mesures nécessaires pour se conformer audit arrêt dans un délai de deux mois à compter de la réception de cet avis motivé. Dans celui-ci, la Commission attirait également l’attention de la République hellénique sur les sanctions pécuniaires que la Cour est
susceptible d’infliger, conformément à l’article 228, paragraphe 2, CE, à un État membre qui ne se conforme pas à un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne ayant constaté un manquement.

7 Le 10 septembre 2009, après l’échange de plusieurs courriers, la République hellénique a informé la Commission du fait que, en raison d’élections législatives anticipées, le Parlement grec a dû, le 7 septembre 2009, interrompre les travaux d’adoption de la loi visant à assurer la transposition de la directive. En Grèce, la tenue d’élections parlementaires implique que l’ensemble des projets de lois en cours d’adoption doivent être renvoyés à l’administration en vue de la réouverture de la
procédure législative postérieurement à l’élection des membres du nouveau Parlement, et ce quel que soit le stade d’adoption auquel se trouvent ces projets.

8 Dans ces conditions, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

Les développements intervenus au cours de la présente procédure

9 Le 18 décembre 2009, a été publiée au Journal officiel de la République hellénique la loi 3811/2009 (FEK A’ 231/18.12.2009), qui assure, selon l’État membre défendeur, l’exécution complète de l’arrêt Commission/Grèce, précité.

10 Après avoir examiné le contenu de ladite loi, la Commission, dans son mémoire en réplique, a considéré que la République hellénique avait mis sa législation en conformité avec l’arrêt Commission/Grèce, précité.

11 Par conséquent, la Commission ne demande plus la fixation d’une astreinte. Toutefois, elle a maintenu sa demande relative au paiement d’une somme forfaitaire.

Sur le manquement

Argumentation des parties

12 S’agissant du manquement allégué, la Commission rappelle que, conformément à l’article 228, paragraphe 1, CE, lorsque la Cour constate qu’un État membre a manqué à l’une des obligations qui lui incombent en vertu du traité CE, cet État membre est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour. Quant au délai dans lequel l’exécution d’un tel arrêt doit intervenir, la Commission précise qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’intérêt qui s’attache à une
application immédiate et uniforme du droit de l’Union exige que cette exécution soit engagée immédiatement et aboutisse dans des délais aussi brefs que possible.

13 Dans la mesure où, en l’espèce, il n’est pas contesté que, à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé du 23 septembre 2008, la République hellénique n’avait pas encore adopté les mesures législatives nécessaires que comporte l’exécution de l’arrêt Commission/Grèce, précité, le manquement reproché serait clairement établi.

14 La République hellénique ne conteste pas qu’elle n’avait pas adopté les mesures en question dans le délai fixé dans ledit avis motivé. À titre de justification, cet État membre fait valoir qu’il a dû faire face à des circonstances imprévisibles liées, notamment, à la recherche de ressources pour le paiement des indemnisations prévues dans le cadre du système mis en place par la directive et à la convocation d’élections législatives anticipées. De ce fait, le projet de loi, dont la procédure
d’approbation par le Parlement grec était déjà bien avancée, a dû être renvoyé aux services compétents de l’administration pour être soumis une nouvelle fois à cette même procédure devant le Parlement nouvellement élu.

15 La République hellénique considère que, dans la mesure où la Commission a été dûment informée tant de l’avancement de la procédure d’adoption du projet de loi en question que de l’organisation d’élections législatives anticipées, cette institution a violé l’obligation de coopération loyale qui lui incombe en introduisant, peu avant l’adoption de la loi mettant un terme au manquement, le présent recours. Dans ces conditions, il y aurait lieu de rejeter celui-ci.

Appréciation de la Cour

16 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et que les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour, quand bien même ils constitueraient une transposition correcte de la règle de droit de l’Union faisant l’objet du recours en manquement (voir, notamment, arrêts du 3
décembre 2009, Commission/Belgique, C‑475/08, Rec. p. I‑11503, point 30, et du 9 décembre 2010, Commission/Espagne, C‑340/09, point 39).

17 Ainsi que la République hellénique l’a admis, les mesures législatives nécessaires pour assurer l’exécution de l’arrêt Commission/Grèce, précité, n’ont été arrêtées qu’avec l’adoption de la loi 3811/2009, publiée le 18 décembre 2009, et donc bien postérieurement au délai de deux mois imparti à cet égard dans l’avis motivé du 23 septembre 2008.

18 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que, en n’ayant pas pris, à la date à laquelle a expiré le délai imparti dans l’avis motivé émis le 23 septembre 2008 par la Commission en vertu de l’article 228 CE, les mesures que comportait l’exécution de l’arrêt Commission/Grèce, précité, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu du paragraphe 1 de cet article.

Sur la sanction pécuniaire

Argumentation des parties

19 La Commission considère que, eu égard à la durée et à la gravité du manquement reproché à la République hellénique, la condamnation de cette dernière au paiement d’une somme forfaitaire est justifiée.

20 En effet, d’une part, un laps de temps considérable, à savoir 29 mois, se serait écoulé entre le prononcé, le 18 juillet 2007, de l’arrêt Commission/Grèce, précité, et l’adoption, le 18 décembre 2009, des mesures nationales nécessaires pour exécuter celui-ci. D’autre part, le manquement reproché aurait été particulièrement grave puisqu’il concernait l’absence de transposition d’une directive qui, en raison de la finalité et de la nature de ses dispositions, a des retombées transfrontalières,
dès lors qu’elle vise tant les personnes résidant sur le territoire grec que les citoyens d’autres États membres qui sont victimes d’actes criminels lors de l’exercice de leur droit à la libre circulation en Grèce.

21 La Commission ajoute que, en l’espèce, il existe des circonstances aggravantes dont il conviendrait également de tenir compte lors de la fixation de la somme forfaitaire.

22 Ainsi, tout d’abord, tant les dispositions de la directive que le dispositif de l’arrêt Commission/Grèce, précité, seraient d’une grande clarté et ne susciteraient aucune difficulté d’interprétation. Ensuite, il n’existerait aucun problème particulier lié à la procédure de transposition de ladite directive dans le droit national. Enfin, la République hellénique aurait réagi à l’avis motivé avec sept mois de retard.

23 Lors de l’audience, la Commission a proposé de réduire le montant du forfait journalier, qu’elle avait initialement fixé à 10 512 euros, à 10 248 euros. Ce montant serait obtenu, conformément à la communication SEC(2005) 1658 de la Commission, du 13 décembre 2005, relative à la mise en œuvre de l’article 228 CE, en multipliant le forfait de base uniforme de 200 euros par le coefficient de gravité 12 et le facteur «n», qui s’élèverait, dans le cas de la République hellénique, désormais à 4,27
et non plus à 4,38. Il conviendrait au demeurant d’appliquer ce forfait journalier sur toute la période d’inexécution mentionnée au point 20 du présent arrêt.

24 À titre principal, la République hellénique fait valoir que, en l’espèce, elle ne devrait être condamnée au paiement d’aucune somme forfaitaire. À l’appui de ses prétentions, elle relève, tout d’abord, qu’elle s’est conformée à l’arrêt Commission/Grèce, précité, constatant le manquement avant que l’arrêt rendu par la Cour en vertu de l’article 228, paragraphe 2, CE ne soit prononcé et, en tout état de cause, dans un délai raisonnable compte tenu des difficultés économiques qu’elle a connues
récemment et auxquelles elle se trouve encore confrontée actuellement. Ensuite, elle soutient que, en l’espèce, il n’existerait aucun risque de récidive. Enfin, elle ajoute que le manquement allégué ne saurait être considéré comme particulièrement grave puisque les conséquences de la non-exécution dudit arrêt Commission/Grèce pour les intérêts publics et privés n’auraient été qu’indirectes et n’auraient pas revêtu un caractère réel et effectif.

25 À titre subsidiaire, pour le cas où la Cour devrait néanmoins considérer le recours comme fondé et infliger le paiement d’une somme forfaitaire à la République hellénique, cette dernière rappelle qu’il appartient à la Cour de fixer cette somme de manière telle qu’elle soit proportionnée, notamment, «à la capacité de paiement» de cet État membre telle qu’elle se présente actuellement.

26 À cet égard, elle fait valoir que le facteur 4,27 utilisé par la Commission pour exprimer la capacité de paiement de la République hellénique, qui a été fixé sur le fondement des données économiques relatives à l’année 2008, ne correspond pas à la réalité économique actuelle puisque le produit intérieur brut de la Grèce a encore sensiblement baissé au cours des années 2009 et 2010. En outre, la capacité de paiement d’un État membre ne saurait être correctement évaluée sans prendre en
considération, notamment, le déficit public et la dette publique de cet État ou le taux d’inflation qui y est enregistré.

27 Eu égard à ces considérations, la République hellénique estime que la somme forfaitaire devrait être réduite au montant minimal prévu par la Commission dans sa communication SEC(2005) 1658, à savoir 2 190 000 euros. Par ailleurs, elle a demandé, lors de l’audience, à être autorisée à procéder à un paiement fractionné, sans intérêts, de la somme forfaitaire qui serait, le cas échéant, mise à sa charge par l’arrêt à intervenir.

Appréciation de la Cour

28 Il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé que, si l’imposition d’une astreinte semble particulièrement adaptée pour inciter un État membre à mettre fin, dans les plus brefs délais, à un manquement qui, en l’absence d’une telle mesure, aurait tendance à persister, l’imposition d’une somme forfaitaire repose essentiellement sur l’appréciation des conséquences du défaut d’exécution des obligations de l’État membre concerné sur les intérêts privés et publics, notamment lorsque le
manquement a persisté pendant une longue période postérieurement à l’arrêt qui l’a initialement constaté (voir, notamment, arrêt du 9 décembre 2008, Commission/France, C‑121/07, Rec. p. I‑9159, point 58).

29 Il appartient à la Cour, dans chaque affaire et en fonction des circonstances de l’espèce dont elle se trouve saisie ainsi que du niveau de persuasion et de dissuasion qui lui paraît requis, d’arrêter les sanctions pécuniaires appropriées pour assurer l’exécution la plus rapide possible de l’arrêt ayant précédemment constaté un manquement et prévenir la répétition d’infractions analogues au droit de l’Union (voir arrêt Commission/France, précité, point 59).

30 En ce qui concerne l’imposition éventuelle d’une somme forfaitaire, il convient également de rappeler que celle-ci doit, dans chaque cas d’espèce, demeurer fonction de l’ensemble des éléments pertinents ayant trait tant aux caractéristiques du manquement constaté qu’à l’attitude propre à l’État membre concerné par la procédure initiée sur le fondement de l’article 228 CE (voir, notamment, arrêt Commission/France, précité, point 62).

31 En tout état de cause, si la Cour décide de l’imposition d’une somme forfaitaire, il lui appartient, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, de fixer celle-ci de sorte qu’elle soit, d’une part, adaptée aux circonstances et, d’autre part, proportionnée au manquement constaté ainsi qu’à la capacité de paiement de l’État membre concerné (arrêt du 4 juin 2009, Commission/Grèce, C‑568/07, Rec. p. I‑4505, point 47).

32 Par conséquent, afin de statuer sur la demande d’imposition d’une somme forfaitaire à la République hellénique, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances du manquement qui lui est reproché et, notamment, de l’attitude de cette dernière, de la durée ainsi que de la gravité de l’infraction.

33 Ainsi, s’agissant, en premier lieu, de l’attitude dudit État membre, il convient de relever que les autorités helléniques ont répondu avec des retards importants tant à la lettre de mise en demeure qu’à l’avis motivé. En outre, ainsi qu’il ressort du courrier de la République hellénique du 22 juin 2009, il est constant que, à cette date, le projet de loi nécessaire pour exécuter l’arrêt du 18 juillet 2007, Commission/Grèce, précité, n’avait pas encore été soumis pour adoption au Parlement
grec, alors que l’action requise pour éliminer complètement le manquement constaté par cet arrêt ne présentait aucune difficulté particulière.

34 S’agissant, en deuxième lieu, de la durée du manquement faisant l’objet du présent recours, il importe de rappeler que, si l’article 228 CE ne précise pas le délai dans lequel l’exécution d’un arrêt doit intervenir, il est toutefois constant que la mise en œuvre de l’exécution doit être entamée immédiatement et qu’elle doit aboutir dans les délais les plus brefs possible (voir, notamment, arrêt du 4 juin 2009, Commission/Grèce, précité, point 51).

35 Dans le présent litige, il y a lieu de relever que 29 mois se sont écoulés depuis la date du prononcé de l’arrêt du 18 juillet 2007, Commission/Grèce, précité, jusqu’à celle de la publication, le 18 décembre 2009, de la loi 3811/2009 ayant mis en conformité la législation nationale avec le dispositif dudit arrêt.

36 Les justifications invoquées par la République hellénique à cet égard, à savoir le fait que le retard dans l’exécution dudit arrêt serait dû à des difficultés internes, liées à la procédure législative et à la tenue d’élections anticipées, ne sauraient être acceptées. Ainsi que la Cour l’a itérativement jugé, un État membre ne saurait exciper de dispositions, pratiques ou situations de son ordre juridique interne pour justifier l’inobservation des obligations résultant du droit de l’Union
(voir, notamment, arrêt du 4 juin 2009, Commission/Grèce, précité, point 50).

37 Force est donc de constater que le manquement reproché à la République hellénique a persisté pendant une période de temps significative.

38 En ce qui concerne, en troisième lieu, la gravité de l’infraction, il convient de constater que le manquement reproché a porté atteinte à la réalisation d’une liberté fondamentale, en l’occurrence la libre circulation des personnes dans un espace unique de liberté, de sécurité et de justice.

39 En effet, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 43 de ses conclusions en se référant au deuxième considérant de la directive, le législateur de l’Union considère que la protection de l’intégrité physique d’un ressortissant de l’Union européenne se rendant d’un État membre dans un autre constitue le corollaire du droit à la libre circulation des personnes et que les mesures visant à faciliter l’indemnisation des victimes de la criminalité prévues par la directive contribuent à la
réalisation de cette liberté.

40 Eu égard à ce qui précède, la Cour estime que, en l’occurrence, il est justifié d’infliger à la République hellénique le paiement d’une somme forfaitaire.

41 En ce qui concerne le montant de ladite somme forfaitaire, il importe, d’une part, de relever que, nonobstant les considérations dont il est fait état aux points 33 à 39 du présent arrêt, la République hellénique a mis un terme au manquement reproché.

42 Il convient, d’autre part, de tenir compte de la capacité de paiement dudit État membre telle qu’elle se présente au regard des dernières données économiques soumises à l’appréciation de la Cour.

43 Eu égard à tout ce qui précède, il est fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en fixant à trois millions d’euros le montant de la somme forfaitaire que la République hellénique devra acquitter au titre de l’article 228, paragraphe 2, troisième alinéa, CE.

44 Il y a donc lieu de condamner la République hellénique à payer à la Commission, sur le compte «Ressources propres de l’Union européenne», une somme forfaitaire de trois millions d’euros.

Sur les dépens

45 En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République hellénique et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:

1) En n’ayant pas pris, à la date à laquelle a expiré le délai imparti dans l’avis motivé émis le 23 septembre 2008 par la Commission des Communautés européennes en vertu de l’article 228 CE, les mesures que comportait l’exécution de l’arrêt du 18 juillet 2007, Commission/Grèce (C‑26/07), la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu du paragraphe 1 dudit article.

2) La République hellénique est condamnée à payer à la Commission européenne, sur le compte «Ressources propres de l’Union européenne», une somme forfaitaire de trois millions d’euros.

3) La République hellénique est condamnée aux dépens.

Signatures

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* Langue de procédure: le grec.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C-407/09
Date de la décision : 31/03/2011
Type de recours : Recours en constatation de manquement - fondé

Analyses

Manquement d’État - Manquement à l’obligation d’exécuter un arrêt de la Cour - Sanctions pécuniaires - Imposition d’une somme forfaitaire.

Dispositions institutionnelles

Dispositions générales


Parties
Demandeurs : Commission européenne
Défendeurs : République hellénique.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mazák
Rapporteur ?: Kasel

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2011:196

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