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03/09/2009 | CJUE | N°C-534/07

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, William Prym GmbH & Co. KG et Prym Consumer GmbH & Co. KG contre Commission des Communautés européennes., 03/09/2009, C-534/07


ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

3 septembre 2009 ( *1 )

Table des matières

  I — Cadre juridique


  II — Les faits à l’or...

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

3 septembre 2009 ( *1 )

Table des matières

  I — Cadre juridique
  II — Les faits à l’origine du litige et la décision litigieuse
  III — L’arrêt attaqué
  IV — Les conclusions des parties devant la Cour
  V — Sur le pourvoi
  A — Sur le premier moyen, tiré de la violation des droits de la défense et de l’obligation de motivation lors de la division de la procédure administrative
  1. L’arrêt attaqué
  2. Argumentation des parties
  3. Appréciation de la Cour
  B — Sur le deuxième moyen, tiré de l’interdiction du déni de justice
  1. L’arrêt attaqué
  2. Argumentation des parties
  3. Appréciation de la Cour
  C — Sur le troisième moyen, tiré de la prise en considération insuffisante par le Tribunal de la constatation de la violation de l’obligation de motivation par la Commission en ce qui concerne la détermination de la gravité de l’infraction
  1. Sur la première branche du troisième moyen, tirée d’une prise en considération insuffisante par le Tribunal de la constatation de la violation de l’obligation de motivation par la Commission en ce qui concerne la taille du marché concerné
  a) L’arrêt attaqué
  b) Argumentation des parties
  c) Appréciation de la Cour
  2. Sur la seconde branche du troisième moyen, tirée d’une prise en considération insuffisante par le Tribunal de la constatation de la violation de l’obligation de motivation par la Commission en ce qui concerne l’impact concret de l’infraction sur le marché
  a) L’arrêt attaqué
  b) Argumentation des parties
  c) Appréciation de la Cour
  i) Sur la demande de substitution de motifs de la Commission
  ii) Sur l’argumentation des requérantes
  D — Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation des lignes directrices et d’une appréciation erronée de la gravité de l’infraction
  1. Sur la première branche du quatrième moyen, tirée de l’absence de prise en considération du caractère erroné de la détermination de l’impact concret de l’infraction sur le marché
  a) L’arrêt attaqué
  b) Argumentation des parties
  c) Appréciation de la Cour
  2. Sur la seconde branche du quatrième moyen, tirée de l’absence de prise en considération, à titre de circonstance atténuante, du fait que les requérantes auraient volontairement mis fin à l’infraction
  a) L’arrêt attaqué
  b) Argumentation des parties
  c) Appréciation de la Cour
  E — Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité dans la détermination du montant de l’amende
  1. L’arrêt attaqué
  2. Argumentation des parties
  3. Appréciation de la Cour
  VI — Sur les dépens

«Pourvoi — Concurrence — Ententes — Marché européen des produits de mercerie (aiguilles) — Accords de partage de marché — Violation des droits de la défense — Obligation de motivation — Amende — Lignes directrices — Gravité de l’infraction — Impact concret sur le marché — Mise en œuvre de l’entente»

Dans l’affaire C-534/07 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 26 novembre 2007 ,

William Prym GmbH & Co. KG,

Prym Consumer GmbH & Co. KG,

établies à Stolberg (Allemagne), représentées par M es  H.-J. Niemeyer, C. Herrmann et M. Röhrig, Rechtsanwälte,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant:

Commission des Communautés européennes, représentée par M. F. Castillo de la Torre et M me  K. Mojzesowicz, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (première chambre),

composée de M. P. Jann (rapporteur), président de chambre, MM. M. Ilešič, A. Tizzano, A. Borg Barthet et J.-J. Kasel, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M me  R. Şereş, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 5 mars 2009 ,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 30 avril 2009 ,

rend le présent

Arrêt

1 Par leur pourvoi, William Prym GmbH & Co. KG et Prym Consumer GmbH & Co. KG demandent l’annulation, dans la mesure où il leur fait grief, de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 12 septembre 2007 , Prym et Prym Consumer/Commission (T-30/05, ci-après l’ « arrêt attaqué » ), par lequel celui-ci a partiellement annulé la décision C(2004) 4221 final de la Commission, du 26 octobre 2004 , relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE (Affaire
COMP/F-1/38.338 — PO/Nadeln) (ci-après la « décision litigieuse » ).

I — Cadre juridique

2 L’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) n o  1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002 , relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité ( JO 2003, L 1, p. 1 ), dispose:

« 2.    La Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et associations d’entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence:

a) elles commettent une infraction aux dispositions [des articles] 81 ou 82 du traité, […]

[…]

Pour chaque entreprise et association d’entreprises participant à l’infraction, l’amende n’excède pas 10% de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent.

[…]

3.    Pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci. »

3 L’article 31 du règlement n o  1/2003 prévoit:

« La Cour de justice statue avec compétence de pleine juridiction sur les recours formés contre les décisions par lesquelles la Commission a fixé une amende ou une astreinte. Elle peut supprimer, réduire ou majorer l’amende ou l’astreinte infligée. »

4 Le point 1, A, des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15 paragraphe 2 du règlement n o  17 et de l’article 65 paragraphe 5 du traité CECA ( JO 1998, C 9, p. 3 , ci-après les « lignes directrices » ) est libellé comme suit:

« L’évaluation du caractère de gravité de l’infraction doit prendre en considération la nature propre de l’infraction, son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et l’étendue du marché géographique concerné.

Les infractions seront ainsi classées en trois catégories permettant de distinguer les infractions peu graves, les infractions graves et les infractions très graves.

— Infractions peu graves:

  il pourra s’agir par exemple de restrictions, le plus souvent verticales, visant à limiter les échanges mais dont l’impact sur le marché reste limité, ne concernant en outre qu’une partie substantielle mais relativement étroite du marché communautaire.

  Montants envisageables: de 1000 à 1 million d’[euros].

— Infractions graves:

  il s’agira le plus souvent de restrictions horizontales ou verticales de même nature que dans le cas précédent, mais dont l’application est plus rigoureuse, dont l’impact sur le marché est plus large et qui peuvent produire leurs effets sur des zones étendues du marché commun. […]

  Montants envisageables: de 1 million à 20 millions d’[euros].

— Infractions très graves:

  il s’agira pour l’essentiel de restrictions horizontales de type ‘ cartels de prix ’ et de quotas de répartition des marchés, ou autres pratiques portant atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur, telles que celles visant à cloisonner les marchés nationaux ou d’abus caractérisés de position dominante d’entreprises en situation de quasi-monopole […]

  Montants envisageables: au-delà de 20 millions d’[euros].

[…]

Il sera en outre nécessaire de prendre en considération la capacité économique effective des auteurs d’infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, notamment aux consommateurs, et de déterminer le montant de l’amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif.

[…] »

II — Les faits à l’origine du litige et la décision litigieuse

5 Les antécédents du litige, tels qu’ils ressortent de l’arrêt attaqué, peuvent être résumés comme suit.

6 Les requérantes sont des entreprises allemandes qui se présentent comme une des premières marques européennes d’articles de mercerie métalliques et plastiques ainsi que d’articles de couture.

7 Les 7 et 8 novembre 2001 , la Commission a effectué des vérifications, en application de l’article 14, paragraphe 3, du règlement n o  17 du Conseil, du 6 février 1962 , premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité ( JO 1962, 13, p. 204 ), dans les locaux de plusieurs producteurs et distributeurs communautaires d’articles de mercerie, dont les requérantes et deux entreprises britanniques ainsi que leurs filiales respectives, à savoir, d’une part, Coats Holdings Ltd et J & P
Coats Ltd (ci-après, ensemble, « Coats » ) et, d’autre part, Entaco Group Ltd et Entaco Ltd (ci-après, ensemble, « Entaco » ).

8 Le 15 mars 2004 , la Commission a adressé une communication des griefs aux requérantes, à Entaco et à Coats.

9 Le 26 octobre 2004 , la Commission a adopté la décision litigieuse.

10 À l’article 1 er de ladite décision, la Commission a constaté que les requérantes, Coats et Entaco ont participé à des pratiques concertées et ont conclu, entre le 10 septembre 1994 et le 31 décembre 1999 , une série d’accords écrits, formellement bilatéraux, mais équivalant, dans la pratique, à des accords tripartites, en vertu desquels ces entreprises ont procédé ou contribué à une répartition des marchés de produits, en segmentant le marché européen des articles de mercerie métalliques et
plastiques, ainsi que des marchés géographiques, en segmentant le marché européen des aiguilles.

11 À l’article 2 de la décision litigieuse, la Commission a infligé aux requérantes une amende 30 millions d’euros.

12 Dans la décision litigieuse, la Commission a indiqué qu’elle a fixé l’amende en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction. Ainsi, au titre de la gravité de l’infraction, la Commission a tenu compte de la nature de l’infraction, de son impact concret sur le marché ainsi que de l’étendue du marché géographique concerné. Sur la base de ces éléments, elle a conclu que les entreprises ayant participé à l’entente en cause avaient commis une infraction « très grave » , la conduisant à fixer
le montant de départ de l’amende à 20 millions d’euros pour les requérantes.

13 En ce qui concerne la durée de l’infraction, la Commission a constaté que celle-ci s’était étalée sur une période de cinq ans et trois mois. Pour cette raison, elle a majoré le montant de départ de l’amende de 50% et ainsi fixé le montant de base de celle-ci à 30 millions d’euros pour les requérantes.

14 Par ailleurs, la Commission a refusé aux requérantes le bénéfice des circonstances atténuantes, en soulignant notamment que la cessation anticipée de l’accord illicite ne résultait pas d’une intervention de sa part et qu’elle avait déjà pris en considération une telle cessation anticipée lors de la détermination de la durée de l’infraction.

III — L’arrêt attaqué

15 Le 28 janvier 2005 , les requérantes ont introduit un recours devant le Tribunal, visant à obtenir, à titre principal, l’annulation de la décision litigieuse pour autant qu’elle les concerne ou, à titre subsidiaire, l’annulation ou la réduction de l’amende qui leur a été infligée.

16 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a partiellement accueilli le recours pour autant qu’il tendait à la réduction de l’amende, en constatant que les requérantes s’étaient vu refuser à tort le bénéfice des dispositions de la communication de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur les ententes ( JO 1996, C 207, p. 4 ). Dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction au sens de l’article 229 CE, le Tribunal a réduit le
montant de l’amende infligée aux requérantes à 27 millions d’euros. Il a rejeté le recours pour le surplus.

IV — Les conclusions des parties devant la Cour

17 Les requérantes demandent à la Cour:

— d’annuler l’arrêt attaqué, dans la mesure où il leur fait grief;

— d’annuler la décision litigieuse dans la mesure où elle les concerne;

— à titre subsidiaire, d’annuler ou de réduire l’amende qui leur a été infligée à l’article 2 de cette décision;

— à titre plus subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour que celui-ci statue sur leur recours, et

— de condamner la Commission aux dépens de l’ensemble de la procédure.

18 La Commission demande à la Cour:

— de rejeter le pourvoi, et

— de condamner les requérantes aux dépens de la présente instance.

V — Sur le pourvoi

19 À l’appui de leur pourvoi, les requérantes invoquent cinq moyens qui seront examinés successivement.

A — Sur le premier moyen, tiré de la violation des droits de la défense et de l’obligation de motivation lors de la division de la procédure administrative

1. L’arrêt attaqué

20 En réponse à l’argumentation par laquelle les requérantes faisaient valoir que la division de la procédure initialement unique, ouverte dans l’affaire dite « Articles de mercerie » , en deux procédures distinctes, les affaires « Articles de mercerie: Aiguilles » (ci-après l’ « affaire ‘ aiguilles ’» ) et « Articles de mercerie: Fermetures » (ci-après l’ « affaire ‘ fermetures ’» ), avait constitué une violation des droits de la défense, le Tribunal a jugé, au point 61 de l’arrêt attaqué:

« […] force est de constater que la communication des griefs, transmise aux requérantes le 15 mars 2004 , porte le titre univoque de ‘ Communication des griefs dans la procédure PO/articles de mercerie: aiguilles ’ . Les requérantes savaient donc, au plus tard à cette date, que la Commission avait ouvert une procédure distincte concernant le marché des aiguilles. Elles étaient ainsi en mesure de se défendre contre la séparation des procédures dans leur réponse à la communication des griefs. »

2. Argumentation des parties

21 Les requérantes font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, au point 61 de l’arrêt attaqué, qu’elles savaient, à tout le moins à compter de ladite communication des griefs, que la Commission engagerait deux procédures distinctes et que, dès lors, elles étaient en mesure de se défendre au regard de cette division de la procédure administrative. Selon elles, cette communication des griefs faisait seulement apparaître que la Commission considérait que leur comportement dans
le secteur des aiguilles constituait une infraction autonome par rapport à leur comportement dans le secteur des fermetures. Or, seule une présentation suffisamment détaillée des faits sur la base desquels la Commission avait procédé à la division de la procédure leur aurait permis d’apprécier la légalité de cette mesure et, partant, de défendre efficacement leurs intérêts.

22 Les requérantes ajoutent que, en s’abstenant de préciser les raisons de la division de la procédure, la Commission a violé son obligation de motivation.

23 La Commission fait valoir que, devant le Tribunal, les requérantes se sont bornées à soutenir qu’elles avaient été privées de la possibilité de faire observer à la Commission que les amendes qui pourraient leur être infligées dans les deux affaires ne pourraient, en raison de la connexité existant entre celles-ci, dépasser le plafond, prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n o  1/2003, de 10% du chiffre d’affaires global qu’elles réalisaient dans l’Union européenne.

24 Dès lors, selon la Commission, qui conteste l’existence d’un défaut de motivation à cet égard, le premier moyen doit être considéré comme nouveau et, à ce titre, être rejeté comme irrecevable et, subsidiairement, comme non fondé dans la mesure où il allègue une violation de l’obligation de motivation.

3. Appréciation de la Cour

25 Sans qu’il soit besoin d’examiner la recevabilité du premier moyen, il convient de constater que celui-ci ne saurait prospérer.

26 Certes, le respect des droits de la défense dans la conduite des procédures administratives en matière de politique de la concurrence constitue un principe général de droit communautaire dont la Cour assure le respect (voir, en ce sens, arrêts du 15 octobre 2002 , Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C-238/99 P, C-244/99 P, C-245/99 P, C-247/99 P, C-250/99 P à C-252/99 P et C-254/99 P, Rec. p. I-8375 , points 167 à 171; du 14 juillet 2005 , ThyssenKrupp/Commission, C-65/02 P et
C-73/02 P, Rec. p. I-6773 , point 92, ainsi que du 21 septembre 2006 , Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, C-105/04 P, Rec. p. I-8725 , point 35).

27 S’agissant d’une procédure d’application de l’article 81 CE, il convient toutefois de distinguer deux phases dans la procédure administrative, à savoir la phase d’instruction antérieure à la communication des griefs et celle correspondant au reste de la procédure administrative. Chacune de ces périodes successives répond à une logique interne propre, la première devant permettre à la Commission de prendre position sur l’orientation de la procédure et la seconde de se prononcer définitivement sur
l’infraction reprochée (voir arrêts précités Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, points 181 à 183, ainsi que Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, point 38).

28 Les appréciations portées dans la communication des griefs prévue par les règlements communautaires sont destinées à circonscrire l’objet de la procédure administrative vis-à-vis des entreprises à l’encontre desquelles celle-ci a été engagée (voir, notamment, arrêt du 17 novembre 1987 , British American Tobacco et Reynolds Industries/Commission, 142/84 et 156/84, Rec. p. 4487 , point 70). À cette fin, la communication des griefs doit énoncer, de manière claire, tous les éléments essentiels sur
lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure. Selon une jurisprudence constante, cette indication peut être faite de manière sommaire, car cette communication constitue un document préparatoire dont les appréciations de fait et de droit ont un caractère purement provisoire (voir, notamment, arrêts du 7 juin 1983 , Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825 , point 14, ainsi que du 7 janvier 2004 , Aalborg Portland e.a./Commission, C-204/00 P,
C-205/00 P, C-211/00 P, C-213/00 P, C-217/00 P et C-219/00 P, Rec. p. I-123 , point 67).

29 En l’espèce, le Tribunal a constaté, au point 61 de l’arrêt attaqué, que la communication des griefs transmise aux requérantes portait le titre de « Communication des griefs dans la procédure PO/articles de mercerie: aiguilles » . Les requérantes ont elles-mêmes admis, dans leur pourvoi, que cette communication faisait apparaître que la Commission considérait que leur comportement dans le secteur des aiguilles constituait une infraction autonome par rapport à leur comportement dans le secteur des
fermetures.

30 Les requérantes ne contestent donc pas que, en l’occurrence, l’exposé des griefs a été libellé dans des termes suffisamment clairs pour leur permettre de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur étaient reprochés par la Commission et de l’orientation que celle-ci entendait donner à la procédure.

31 Le seul argument qu’elles invoquent à l’appui de leur affirmation selon laquelle elles n’ont pas pu faire valoir utilement leur défense à ce stade réside dans le défaut de motivation dont était, selon elles, entachée la communication des griefs quant à la division de la procédure vers laquelle s’orientait la Commission.

32 Cette argumentation ne peut être retenue.

33 Elle reviendrait, en effet, à exiger de la Commission qu’elle énonce non seulement les éléments de fait et de droit essentiels qu’elle retient, à ce stade de la procédure administrative, comme constitutifs d’une infraction au droit communautaire de la concurrence, mais encore qu’elle expose, au moins sommairement, les raisons pour lesquelles elle n’entend pas, dans le cadre de cette même procédure, se fonder sur certains éléments sur lesquels elle a initialement enquêté ou envisagé d’enquêter.
L’obligation de motivation incombant à la Commission au stade de l’envoi de la communication des griefs se trouverait ainsi étendue à des éléments par définition non essentiels au déroulement de la procédure qu’elle entend poursuivre. Une telle obligation de motivation irait au-delà des exigences définies dans la jurisprudence rappelée au point 28 du présent arrêt.

34 Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté comme étant, en tout état de cause, non fondé.

B — Sur le deuxième moyen, tiré de l’interdiction du déni de justice

1. L’arrêt attaqué

35 Au point 64 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé que la Commission a le droit, pour des raisons objectives, de dissocier comme de joindre des procédures. En réponse aux affirmations des requérantes selon lesquelles de telles raisons n’existaient pas en l’espèce, le Tribunal a relevé, au point 65 du même arrêt, que la situation n’était pas entièrement comparable à celle dans laquelle il avait admis une telle dissociation en présence d’infractions distinctes. S’agissant toutefois des
affirmations des requérantes selon lesquelles les comportements qui leur étaient reprochés constituaient, en réalité, une infraction unique, le Tribunal a estimé, au point 66 dudit arrêt, que celles-ci ne pourraient être vérifiées qu’après l’adoption de la décision dans l’affaire « fermetures » .

2. Argumentation des parties

36 Les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en refusant de vérifier la légalité de la division de la procédure alors que, d’une part, il a reconnu que la Commission ne peut procéder à une telle dissociation que lorsqu’il s’agit d’infractions distinctes et que, d’autre part, il était en possession d’indices, sous la forme de la communication des griefs du 16 septembre 2004 , dans l’affaire « aiguilles » , et de celle du 8 mars 2006 , dans l’affaire « fermetures » ,
laissant présumer que la Commission avait procédé à une division arbitraire d’une infraction unique. Ce serait à tort que le Tribunal a constaté, au point 66 de l’arrêt attaqué, que, en l’absence de décision de la Commission dans l’affaire « fermetures » à la date où l’affaire « aiguilles » a été mise en délibéré par le Tribunal, les suppositions concernant l’issue de l’affaire « fermetures » étaient de nature spéculative.

37 La Commission propose de rejeter ce moyen. Selon elle, c’est à bon droit que le Tribunal a jugé que les allégations des requérantes ne pourraient pas être examinées avant l’adoption d’une décision dans l’affaire « fermetures » .

3. Appréciation de la Cour

38 Aux points 64 à 66 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que, selon sa propre jurisprudence, une procédure d’infraction aux règles communautaires de concurrence peut faire l’objet d’une dissociation et aboutir à l’adoption de plusieurs décisions infligeant des amendes distinctes à condition qu’il s’agisse d’infractions distinctes.

39 Les requérantes ne contestent pas cette analyse, mais font grief au Tribunal de ne pas avoir vérifié si, en l’espèce, les comportements incriminés dans la décision litigieuse au titre de l’affaire « aiguilles » , d’une part, et ceux identifiés dans la communication des griefs du 8 mars 2006 au titre de l’affaire « fermetures » , d’autre part, étaient ou non constitutifs d’infractions distinctes.

40 Ainsi qu’il a été rappelé au point 28 du présent arrêt, la communication des griefs ne constitue qu’un document préparatoire dont les appréciations de fait et de droit ont un caractère purement provisoire. La décision ultérieure ne doit pas nécessairement être une copie de l’exposé des griefs, la Commission devant tenir compte des éléments résultant de la procédure administrative soit pour abandonner des griefs qui se seraient révélés mal fondés, soit pour aménager et compléter tant en fait qu’en
droit son argumentation à l’appui des griefs qu’elle retient (voir, notamment, arrêts précités Musique Diffusion française e.a./Commission, point 14, ainsi que Aalborg Portland e.a./Commission, point 67).

41 Dans ces conditions, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant, au point 66 de l’arrêt attaqué, que, tant qu’aucune décision n’avait été adoptée dans l’affaire « fermetures » , toutes les suppositions concernant l’existence on non d’infractions distinctes étaient de nature spéculative.

42 Les requérantes ne sauraient arguer d’un déni de justice dès lors que, comme il ressort du raisonnement suivi par le Tribunal, il leur demeurait loisible de présenter leur argumentation relative à la présence d’une infraction unique après l’adoption de la décision dans l’affaire « fermetures » dans le cadre du contrôle de légalité de cette décision. Ainsi qu’elles l’ont indiqué lors de l’audience, les requérantes ont d’ailleurs introduit un recours au titre de l’article 230 CE devant le Tribunal,
visant à l’annulation de la décision de la Commission dans l’affaire « fermetures » .

43 Le deuxième moyen doit donc être rejeté comme non fondé.

C — Sur le troisième moyen, tiré de la prise en considération insuffisante par le Tribunal de la constatation de la violation de l’obligation de motivation par la Commission en ce qui concerne la détermination de la gravité de l’infraction

44 Ce moyen se divise en deux branches, tirées d’une prise en considération insuffisante par le Tribunal de la constatation de la violation de l’obligation de motivation par la Commission relative, en ce qui concerne la première branche, à la taille du marché concerné et, en ce qui concerne la seconde branche, à l’impact concret de l’infraction sur le marché.

1. Sur la première branche du troisième moyen, tirée d’une prise en considération insuffisante par le Tribunal de la constatation de la violation de l’obligation de motivation par la Commission en ce qui concerne la taille du marché concerné

a) L’arrêt attaqué

45 Le Tribunal a relevé, au point 87 de l’arrêt attaqué, que, eu égard à l’objet anticoncurrentiel des accords, il n’existait pas d’obligation pour la Commission d’opérer, en l’espèce, une délimitation du marché aux fins de l’application de l’article 81, paragraphe 1, CE. Il a toutefois précisé, au point 88 dudit arrêt, que, puisque le dispositif de la décision litigieuse infligeait une amende en application du règlement n o  1/2003, les constatations factuelles relatives au marché concerné étaient
pertinentes, même si leur insuffisance n’était pas susceptible d’entraîner l’annulation totale de ladite décision.

46 À cet égard, le Tribunal a jugé ce qui suit au point 89 de l’arrêt attaqué:

« […] selon les lignes directrices, l’évaluation du caractère de gravité de l’infraction ‘ doit prendre en considération ’ non seulement la nature propre de l’infraction, mais également ‘ son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable ’ (point 1 A, premier alinéa). Or, afin d’évaluer l’impact concret de l’infraction sur le marché, il est nécessaire de délimiter ce marché. Les lignes directrices prescrivent également qu’il est ‘ nécessaire ’ , afin de déterminer la gravité d’une
infraction, de ‘ prendre en considération la capacité économique effective des auteurs d’infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs ’ (point 1 A, quatrième alinéa), ce qui implique la nécessité de déterminer la taille des marchés et les parts de marché que détiennent les entreprises concernées. »

47 Après avoir considéré, au point 95 de l’arrêt attaqué, qu’il n’existait aucun défaut de motivation quant à la délimitation des marchés de produits en cause, le Tribunal a examiné les constatations de la Commission relatives à la taille du marché figurant dans la décision litigieuse.

48 Au point 98 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que les appréciations de la Commission sur les dimensions des trois marchés de produits qu’elle avait identifiés restaient lacunaires et ne permettaient pas de vérifier la taille de tous les marchés concernés. Il en a déduit, au point 99 dudit arrêt, que la décision litigieuse était « entachée d’une insuffisance de motivation, ce qui pourrait conduire à [son] annulation partielle […], à moins que les constatations de la Commission relatives à
la capacité économique effective des entreprises concernées à causer un préjudice important ne soient fondées sur d’autres motifs de la décision [litigieuse] » .

49 Aux points 100 et 101 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que les requérantes n’ont jamais contesté les constatations de la Commission, exposées dans la décision litigieuse, permettant d’affirmer l’existence d’une telle capacité, à savoir, notamment, leur position de leaders du marché européen de la fabrication d’aiguilles, marché sur lequel la concurrence était très limitée.

b) Argumentation des parties

50 Selon les requérantes, le Tribunal a violé l’article 253 CE en n’annulant pas la décision litigieuse alors qu’il a constaté une violation de l’obligation de motivation en ce qui concerne la taille du marché concerné. Il aurait ainsi méconnu que ce vice a eu un impact sur la détermination de la gravité de l’infraction, dès lors que la détermination de celle-ci implique le recours cumulatif à plusieurs critères et que la Commission a elle-même indiqué, dans ladite décision, qu’elle a pris en
considération la taille du marché concerné et la capacité économique des auteurs de l’infraction à causer un dommage important.

51 Le Tribunal aurait également commis une erreur de droit en estimant que la Commission a suffisamment décrit l’impact concret de l’infraction sur le marché en se référant à la position de leaders des requérantes. Le Tribunal aurait ainsi méconnu la différence entre la détermination de la capacité économique effective d’une entreprise à causer un dommage important et celle de l’impact concret sur le marché.

52 Les requérantes estiment qu’il existe donc une contradiction de motifs entre, d’une part, le point 89 de l’arrêt attaqué et, d’autre part, les points 99 ainsi que 100 de celui-ci.

53 La Commission répond que, selon une lecture correcte de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a approuvé l’obligation de déterminer la taille du marché concerné qu’en ce qui concerne la capacité des entreprises à causer un dommage important. Toutefois, si cette capacité peut être constatée, comme ce serait le cas en l’espèce, par d’autres moyens, la Commission serait dispensée de l’obligation de déterminer la taille du marché. En outre, il résulterait de la jurisprudence du Tribunal que la méthode de
calcul des amendes décrite dans les lignes directrices n’impose nullement la prise en compte, aux fins de la détermination du montant de départ de l’amende, de la taille du marché concerné.

c) Appréciation de la Cour

54 Selon une jurisprudence constante, la gravité des infractions au droit communautaire de la concurrence doit être établie en fonction d’un grand nombre d’éléments, tels que, notamment, les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu’ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (voir, notamment, arrêts Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, précité, point 465; du
28 juin 2005 , Dansk Rørindustri e.a./Commission, C-189/02 P, C-202/02 P, C-205/02 P à C-208/02 P et C-213/02 P, Rec. p. I-5425 , point 241, ainsi que du 25 janvier 2007 , Dalmine/Commission, C-407/04 P, Rec. p. I-829 , point 129).

55 Par conséquent, contrairement à ce que font valoir les requérantes, la taille du marché concerné n’est en principe pas un élément obligatoire, mais seulement un élément pertinent parmi d’autres pour apprécier la gravité de l’infraction et fixer le montant de l’amende (voir, en ce sens, arrêt Dalmine/Commission, précité, point 132).

56 Au point 89 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a néanmoins relevé que, selon le point 1, A, quatrième alinéa, des lignes directrices, il est nécessaire, aux fins de l’appréciation de la gravité de l’infraction, de prendre en considération la capacité économique effective des entreprises à causer un dommage important aux autres opérateurs. Il a ajouté que cette prise en considération implique la nécessité de déterminer la taille des marchés.

57 Les requérantes ne contestent pas l’analyse faite par le Tribunal, mais font valoir que ce dernier s’est par la suite contredit en admettant, au point 101 de l’arrêt attaqué, que la référence à la position de leaders qu’elles occupaient sur le marché concerné puisse constituer une description suffisante de l’impact concret de l’infraction sur ce marché.

58 À cet égard, il convient de constater que les requérantes procèdent à une lecture erronée du point 101 de l’arrêt attaqué. Il ressort en effet de ce point que la référence faite à la position de leaders des requérantes sur le marché est considérée comme un critère pertinent pour évaluer la capacité économique effective de ces dernières à causer un dommage important aux autres opérateurs et non pas, comme le soutiennent les requérantes, pour apprécier l’impact concret de l’infraction sur le
marché.

59 Il n’en demeure pas moins que le Tribunal s’est effectivement contredit en affirmant, d’une part, au point 89 de l’arrêt attaqué, que l’évaluation de la capacité économique d’une entreprise à causer un dommage important requiert nécessairement la détermination de la taille du marché et en considérant, d’autre part, aux points 99 à 101 dudit arrêt, que l’insuffisance de motivation qu’il a constatée à cet égard puisse être comblée par d’autres constatations telles que, en l’espèce, la position de
leaders que les requérantes occupaient sur ledit marché.

60 Toutefois, cette contradiction ne saurait conduire à constater, comme le demandent les requérantes, une prise en considération insuffisante par le Tribunal de la violation par la Commission de son obligation de motivation en ce qui concerne la taille du marché concerné.

61 En effet, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal au point 89 de l’arrêt attaqué, la prise en considération, conformément au point 1, A, quatrième alinéa, des lignes directrices, de la capacité économique effective des auteurs d’infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs n’implique pas la nécessité de déterminer la taille du marché.

62 Certes, la Cour a jugé que, en vue de la fixation du montant de l’amende, les parts de marché détenues par une entreprise sont pertinentes afin de déterminer l’influence que celle-ci a pu exercer sur le marché (arrêt du 17 décembre 1998 , Baustahlgewebe/Commission, C-185/95 P, Rec. p. I-8417 , point 139).

63 Toutefois, pour les raisons exposées par M. l’avocat général aux points 98 à 101 de ses conclusions, il ne saurait être inféré de la jurisprudence mentionnée au point précédent que, pour évaluer l’influence d’une entreprise sur le marché ou, selon les termes des lignes directrices, sa capacité économique effective à créer un dommage important aux autres opérateurs, il y aurait lieu de mesurer cette capacité en obligeant la Commission à procéder à une délimitation préalable du marché ainsi qu’à
une appréciation de la taille de celui-ci, en prenant en considération le volume du chiffre d’affaires de cette entreprise.

64 Au surplus, dans le cas d’une infraction telle que celle en cause en l’espèce, consistant en une répartition de marchés, une interprétation aussi formaliste de l’arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, que celle défendue par les requérantes aurait pour conséquence d’imposer à la Commission, au titre de la méthode de calcul des amendes, une obligation à laquelle, selon une jurisprudence constante, elle n’est pas tenue aux fins de l’application de l’article 81 CE dès lors que l’infraction en
cause a un objet anticoncurrentiel (voir, notamment, arrêts précités Aalborg Portland e.a./Commission, point 261, ainsi que Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, point 125).

65 C’est donc à bon droit que le Tribunal a admis, aux points 99 à 101 de l’arrêt attaqué, que la capacité économique des requérantes à créer un dommage important aux autres opérateurs pouvait être établie par des constatations telles que leur position de leaders sur le marché concerné.

66 Il s’ensuit que, malgré la contradiction de motifs relevée à juste titre par les requérantes dans le raisonnement du Tribunal, la première branche du troisième moyen doit être rejetée comme inopérante.

2. Sur la seconde branche du troisième moyen, tirée d’une prise en considération insuffisante par le Tribunal de la constatation de la violation de l’obligation de motivation par la Commission en ce qui concerne l’impact concret de l’infraction sur le marché

a) L’arrêt attaqué

67 Aux points 109 à 112 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé ce qui suit:

« 109 […] la considération de l’impact concret sur le marché n’est requise que ‘ lorsqu’il est mesurable ’ . Toutefois, au cours de la procédure, la Commission n’a jamais soutenu que cet impact n’était pas mesurable dans le cas d’espèce et elle s’est limitée, dans sa défense sur ce point, à rappeler que la répartition des marchés de produits et du marché géographique convenue dans les accords conclus entre les requérantes et Entaco a été mise en œuvre et a ‘ donc nécessairement eu des effets
réels sur les conditions de la concurrence sur les marchés communautaires ’ .

110 Cette conclusion n’est cependant pas convaincante. […]

111 En fait, aux considérants 318 à 320 de la décision [litigieuse], la Commission […] s’est […] fondée exclusivement sur une relation de cause à effet entre la mise en œuvre de l’entente et son impact concret sur le marché, ce qui n’est cependant pas suffisant pour le calcul de l’amende.

112 Par conséquent, la Commission n’a pas suffisamment satisfait à l’obligation de motivation qui lui incombait à cet égard. Les conséquences juridiques qu’il convient d’en tirer seront examinées aux points 190 et suivants ci-après. »

68 S’agissant des conséquences juridiques que pouvait avoir la méconnaissance de l’obligation de motivation relevée au point 112 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté, aux points 188 et 189 du même arrêt, que, en l’espèce, l’infraction, qui avait pour objet une répartition des marchés de produits et du marché géographique, constituait une infraction patente au droit de la concurrence et était, par sa nature, particulièrement grave. Par conséquent, selon lui, eu égard à la définition donnée dans
les lignes directrices, la qualification de l’infraction de ‘ très grave ’ dans la décision litigieuse était justifiée.

69 Au point 190 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a ajouté:

« S’agissant de l’appréciation de l’impact concret de l’infraction sur le marché, il a déjà été constaté que, dans la [décision litigieuse], la Commission a manqué à l’obligation de motivation qui lui incombe […]. […] Ce défaut de motivation ne saurait toutefois, dans les circonstances de l’espèce, conduire à la suppression ou à la réduction du montant de l’amende infligée, étant donné que la qualification de l’infraction de ‘ très grave ’ était fondée et que la Commission a choisi le montant
minimal de départ prévu par les lignes directrices pour une telle infraction (voire, plus précisément, le montant maximal pour une infraction ‘ grave ’ ), à savoir 20 millions d’euros. En effet, la Commission relève à juste titre que le choix du montant minimal suffit en l’espèce pour tenir compte de la diminution de l’impact de l’infraction pendant la période d’infraction. »

b) Argumentation des parties

70 Selon les requérantes, le Tribunal a violé l’article 253 CE en refusant d’annuler la décision litigieuse alors qu’il avait constaté une violation de l’obligation de motivation en ce qui concerne l’impact concret de l’infraction sur le marché. En jugeant, au point 190 de l’arrêt attaqué, que ce défaut de motivation ne devait pas, dans les circonstances de l’espèce, conduire à la suppression ou à la réduction de l’amende étant donné que la qualification de l’infraction de « très grave » était
fondée, le Tribunal aurait confondu des questions concernant la légalité matérielle de ladite décision avec des questions relatives aux conséquences juridiques d’une violation de l’obligation de motivation formelle.

71 La Commission conteste l’argumentation des requérantes. Elle considère cependant que le Tribunal a commis des erreurs de droit aux points 109 à 112 de l’arrêt attaqué. D’une part, il aurait exigé de la Commission qu’elle démontre l’absence d’impact concret mesurable de l’infraction sur le marché, alors que lui-même n’a pas constaté que cet impact était mesurable. D’autre part, le Tribunal aurait contredit une jurisprudence constante selon laquelle la mise en œuvre d’un accord dont l’objet est
anticoncurrentiel suffit à écarter la possibilité de conclure à une absence d’impact sur le marché. Partant, la Commission invite la Cour à procéder à une substitution de motifs en écartant les constatations contenues auxdits points 109 à 112 relatives à la preuve et à la mesurabilité de l’impact de l’infraction sur le marché.

c) Appréciation de la Cour

i) Sur la demande de substitution de motifs de la Commission

72 Selon une jurisprudence constante, si les motifs d’un arrêt du Tribunal révèlent une violation du droit communautaire mais que son dispositif apparaît fondé pour d’autres motifs de droit, le pourvoi doit être rejeté (voir, notamment, arrêts du 9 juin 1992 , Lestelle/Commission, C-30/91 P, Rec. p. I-3755 , point 28, ainsi que du 9 septembre 2008 , FIAMM e.a./Conseil et Commission, C-120/06 P et C-121/06 P, Rec. p. I-6513 , point 187).

73 À supposer même qu’une demande de substitution de motifs puisse être accueillie dans les conditions dans lesquelles elle a été formulée par la Commission, cette demande devrait, en l’espèce, être rejetée.

74 S’agissant, en premier lieu, de l’obligation ou non pour la Commission d’établir, aux fins du calcul de l’amende, l’existence d’un impact concret de l’infraction sur le marché, il convient de rappeler que, si cet impact est un élément à prendre en considération pour évaluer la gravité de l’infraction, il s’agit d’un critère parmi d’autres, tels que la nature propre de l’infraction et l’étendue du marché géographique. De même, il ressort du point 1, A, premier alinéa, des lignes directrices que
cet impact est à prendre en considération uniquement lorsqu’il est mesurable (arrêt du 9 juillet 2009 , Archer Daniels Midland/Commission, C-511/06 P, non encore publié au Recueil, point 125).

75 En ce qui concerne les ententes horizontales de prix ou de répartitions de marchés, il ressort aussi des lignes directrices que ces ententes peuvent être qualifiées d’infractions très graves sur le seul fondement de leur nature propre, sans que la Commission soit tenue de démontrer un impact concret de l’infraction sur le marché. Dans ce cas de figure, l’impact concret de l’infraction ne constitue qu’un élément parmi d’autres qui, s’il est mesurable, peut permettre à la Commission d’augmenter le
montant de départ de l’amende au-delà du montant minimal envisageable de 20 millions d’euros.

76 En l’espèce, l’entente en cause avait pour objet un partage de marchés et pouvait donc être qualifiée d’infraction très grave sans que la Commission soit tenue de démontrer un impact concret de celle-ci sur le marché.

77 Toutefois, le Tribunal a constaté, au point 111 de l’arrêt attaqué, que, dans la partie de la décision litigieuse relative au calcul de l’amende, la Commission a consacré, sous l’intitulé « Impact concret de l’infraction » , trois points à l’examen de ce critère.

78 Dans ces conditions, le Tribunal, qui a relevé, au point 109 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’avait jamais soutenu au cours de la procédure que l’impact concret de l’infraction n’était pas mesurable, a pu, sans commettre d’erreur de droit, estimer, d’une part, que la Commission considérait que l’impact décrit dans la décision litigieuse était mesurable et, d’autre part, qu’elle entendait tenir compte de ce critère aux fins du calcul du montant de l’amende.

79 S’agissant, en second lieu, des éléments que la Commission, dans une telle hypothèse, doit fournir aux fins d’établir un impact concret de l’infraction sur le marché, il convient d’écarter la thèse de cette institution selon laquelle il lui suffirait à cet effet de se référer à la mise en œuvre de l’entente.

80 Une telle référence, sans autre démonstration supplémentaire, se réduit en effet à une présomption selon laquelle la mise en œuvre de l’entente a engendré un effet sur le marché.

81 Or, si l’existence d’un impact concret de l’infraction n’est pas un élément nécessaire à la qualification de l’infraction comme très grave dans le cas d’un accord ayant un objet anticoncurrentiel, la prise en considération supplémentaire de cet élément permet à la Commission d’augmenter le montant de départ de l’amende au-delà du montant minimal envisageable de 20 millions d’euros fixé par les lignes directrices, sans autre plafond que la limite maximale de 10% du chiffre d’affaires total réalisé
par l’entreprise concernée au cours de l’exercice social précédent, fixé pour le montant total de l’amende à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n o  1/2003.

82 Au regard de ces effets, dès lors que la Commission estime opportun, aux fins du calcul de l’amende, de tenir compte de cet élément facultatif qu’est l’impact concret de l’infraction sur le marché, elle ne peut se limiter à fournir une simple présomption, mais doit apporter, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 140 de ses conclusions, des indices concrets, crédibles et suffisants permettant d’apprécier l’influence effective que l’infraction a pu avoir au regard de la concurrence sur
ledit marché.

83 Dès lors, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant en substance, aux points 110 et 111 de l’arrêt attaqué, que la Commission ne pouvait, sans autre explication, se limiter à déduire de la mise en œuvre de l’entente l’existence d’effets réels de celle-ci sur le marché et se borner à fonder sa décision sur une relation de cause à effet entre la mise en œuvre de l’entente et l’impact concret de celle-ci sur le marché.

84 Il résulte des considérations qui précèdent que la demande de substitution de motifs formulée par la Commission doit, en tout état de cause, être rejetée.

ii) Sur l’argumentation des requérantes

85 L’argumentation des requérantes, selon laquelle le Tribunal a commis une erreur de droit en ce que, après avoir constaté une violation de l’obligation de motivation en ce qui concerne l’impact concret de l’infraction sur le marché, il a refusé d’annuler la décision litigieuse, ne saurait être accueillie.

86 S’agissant du contrôle exercé par le juge communautaire sur les décisions de la Commission en matière de concurrence, il convient de rappeler que, au-delà du simple contrôle de légalité, qui ne permet que de rejeter le recours en annulation ou d’annuler l’acte attaqué, la compétence de pleine juridiction conférée, en application de l’article 229 CE, au Tribunal par l’article 31 du règlement n o  1/2003 habilite cette juridiction à réformer l’acte attaqué, même en l’absence d’annulation, en tenant
compte de toutes les circonstances de fait, afin de modifier, par exemple, le montant de l’amende (arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, précité, point 692).

87 Au titre du contrôle de légalité, le Tribunal a en premier lieu constaté, au point 112 de l’arrêt attaqué, l’existence d’une insuffisance de motivation quant à l’un des critères utilisés par la Commission pour déterminer la gravité d’une infraction à l’article 81 CE aux fins du calcul de l’amende, à savoir le critère de l’impact concret de l’infraction sur le marché. Eu égard au nombre de critères qui, ainsi qu’il a été rappelé au point 54 du présent arrêt, peuvent être utilisés par la Commission
pour déterminer, aux fins de la fixation de l’amende, la gravité d’une infraction aux règles de concurrence, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que la constatation qu’il avait opérée, relative à un seul desdits critères, n’entraînait pas automatiquement l’annulation, même partielle, de la décision litigieuse.

88 Au titre de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal a en second lieu, au point 190 de l’arrêt attaqué, pris en considération le vice qu’il avait constaté et examiné si celui-ci avait eu une incidence sur le montant de l’amende et s’il y avait donc lieu de réformer ce montant. Dans le cadre de cet examen, le Tribunal a jugé qu’il n’était pas opportun de modifier le montant de départ de l’amende retenu dans la décision litigieuse.

89 Le Tribunal a donc dûment apprécié, tant au titre du contrôle de légalité que de sa compétence de pleine juridiction, les conséquences juridiques qu’il convenait de tirer de la violation par la Commission de son obligation de motivation en ce qui concerne l’impact concret de l’infraction sur le marché.

90 La seconde branche du troisième moyen doit dès lors être rejetée.

91 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le troisième moyen doit être rejeté dans son ensemble comme non fondé.

D — Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation des lignes directrices et d’une appréciation erronée de la gravité de l’infraction

92 Ce moyen comporte également deux branches, tirées, la première, de l’absence de prise en considération du caractère erroné de la détermination de l’impact concret de l’infraction sur le marché et, la seconde, d’un défaut de prise en compte, à titre de circonstance atténuante, du fait que les requérantes auraient volontairement mis fin à l’infraction.

1. Sur la première branche du quatrième moyen, tirée de l’absence de prise en considération du caractère erroné de la détermination de l’impact concret de l’infraction sur le marché

a) L’arrêt attaqué

93 Cette branche du moyen est notamment dirigée contre les points 188 à 190 de l’arrêt attaqué, dont il est fait état aux points 68 et 69 du présent arrêt.

b) Argumentation des parties

94 Les requérantes font valoir que le Tribunal a commis, aux points 188 à 190 de l’arrêt attaqué, une double erreur de droit. D’une part, il aurait estimé que le défaut de motivation concernant l’impact concret de l’infraction était juridiquement sans pertinence dès lors que celle-ci, eu égard à sa forme abstraite, pouvait être qualifiée de « très grave » . Cette absence de prise en considération des circonstances concrètes de l’infraction serait contraire tant aux lignes directrices qu’à la
jurisprudence de la Cour et à la pratique décisionnelle de la Commission. D’autre part, ce serait à tort que le Tribunal a considéré que le montant de départ de l’amende prévu par les lignes directrices pour une infraction « très grave » constitue un montant minimal dont il n’est pas permis de s’écarter. Cette approche serait contraire à la pratique décisionnelle de la Commission et constituerait une violation du principe de proportionnalité.

95 La Commission renvoie pour partie à l’argumentation qu’elle a développée dans le cadre du troisième moyen à propos de l’impact concret de l’infraction. Elle ajoute que le Tribunal n’a pas considéré le montant de départ de l’amende prévu par les lignes directrices comme un seuil infranchissable, mais a examiné sa proportionnalité aux points 206 et 223 de l’arrêt attaqué. Quant aux arguments des requérantes relatifs à la pratique décisionnelle de la Commission, les exemples cités par ces dernières
seraient soit dénués de pertinence, soit nouveaux ou inexacts.

c) Appréciation de la Cour

96 S’agissant de la première erreur de droit invoquée par les requérantes, tirée de la prétendue qualification abstraite de l’infraction, opérée par le Tribunal sans égard au caractère erroné de la détermination de son impact concret sur le marché, il convient de rappeler que, pour la détermination des montants des amendes, il y a lieu de tenir compte de la durée des infractions et de tous les éléments de nature à entrer dans l’appréciation de la gravité de celles-ci, tels que le comportement de
chacune des entreprises, le rôle joué par chacune d’elles dans l’établissement des pratiques concertées, le profit qu’elles ont pu tirer de ces pratiques, leur taille et la valeur des marchandises concernées ainsi que le risque que des infractions de ce type représentent pour les objectifs de la Communauté européenne (voir arrêts précités Musique Diffusion française e.a./Commission, point 129, ainsi que Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 242). Il s’ensuit que l’effet d’une pratique
anticoncurrentielle n’est pas, en soi, un critère déterminant dans l’appréciation du montant adéquat de l’amende. En particulier, des éléments relevant de l’aspect intentionnel peuvent avoir plus d’importance que ceux relatifs auxdits effets, surtout lorsqu’il s’agit d’infractions intrinsèquement graves, telles qu’une répartition des marchés, élément présent en l’espèce (voir arrêt du 2 octobre 2003 , Thyssen Stahl/Commission, C-194/99 P, Rec. p. I-10821 , point 118).

97 En ce qui concerne la seconde erreur de droit, selon laquelle le Tribunal aurait considéré à tort que le montant de départ de l’amende prévu par les lignes directrices pour une infraction « très grave » constitue un seuil minimal dont il n’est pas permis de s’écarter, il convient de relever que, au point 190 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est borné à examiner si le vice qu’il avait constaté quant à l’appréciation de l’impact concret de l’infraction avait eu une conséquence sur le calcul du
montant de l’amende. Dans le cadre de cet examen, il a en premier lieu constaté que la Commission n’avait opéré aucune majoration du montant de départ au titre de l’impact sur le marché. Dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, il a en second lieu estimé que le montant de départ retenu dans la décision litigieuse pouvait être justifié par la qualification de l’infraction de « très grave » . Le fait que le Tribunal n’a pas jugé opportun, dans les circonstances de l’espèce, de
réformer le montant de départ fixé par la Commission ne saurait signifier qu’il a considéré le montant de 20 millions d’euros comme un seuil minimal au-dessous duquel il ne serait pas possible de descendre.

98 S’agissant de l’argument tiré par les requérantes de la pratique décisionnelle de la Commission, il suffit de rappeler que celle-ci ne sert pas de cadre juridique pour la fixation du montant des amendes en matière de concurrence, la Commission disposant dans ce domaine d’un large pouvoir d’appréciation dans l’exercice duquel elle n’est pas liée par les appréciations qu’elle a portées antérieurement (voir, notamment, arrêts précités Dansk Rørindustri e.a./Commission, points 209 à 213, ainsi que
Archer Daniels Midland/Commission, point 82).

99 Il s’ensuit que la première branche du quatrième moyen doit être rejetée.

2. Sur la seconde branche du quatrième moyen, tirée de l’absence de prise en considération, à titre de circonstance atténuante, du fait que les requérantes auraient volontairement mis fin à l’infraction

a) L’arrêt attaqué

100 Au point 211 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé, en se référant à une jurisprudence constante, que, dans le cadre du calcul d’une amende infligée pour violation des règles de concurrence, il ne peut être question d’une circonstance atténuante que si les entreprises en cause ont été incitées à arrêter leurs comportements anticoncurrentiels par les interventions de la Commission.

101 Ayant constaté, au point 212 de l’arrêt attaqué, qu’il ressort de la décision litigieuse que la cessation anticipée de l’accord illicite a résulté non pas d’une intervention de la Commission ni d’une décision des requérantes de mettre fin à l’infraction, mais d’une décision de stratégie économique, le Tribunal a jugé, au point 213 dudit arrêt, que la cessation anticipée de l’accord avait déjà été prise en considération dans l’appréciation de la durée de l’infraction et ne pouvait donc pas
constituer une circonstance atténuante.

b) Argumentation des parties

102 Selon les requérantes, le Tribunal a commis une erreur de droit aux points 211 et 213 de l’arrêt attaqué dans la mesure où son analyse ne tient pas compte du caractère volontaire de la cessation de l’infraction. Le fait de renoncer, de sa propre initiative, à un comportement illégal devrait constituer une circonstance atténuante qui n’est pas prise en considération dans l’appréciation de la durée de l’infraction.

103 La Commission soutient que l’analyse du Tribunal est conforme à une jurisprudence constante en la matière qu’il n’y a pas lieu de remettre en cause.

c) Appréciation de la Cour

104 Parmi les circonstances atténuantes qui peuvent entraîner une diminution du montant de base de l’amende, le point 3 des lignes directrices indique, à son troisième tiret, la cessation des infractions dès les premières interventions de la Commission, notamment en cas de vérifications.

105 Au point 158 de l’arrêt Dalmine/Commission, précité, la Cour a confirmé l’appréciation du Tribunal selon laquelle une circonstance atténuante ne peut être accordée au titre du point 3, troisième tiret, des lignes directrices dans le cas où l’infraction a déjà pris fin avant la date des premières interventions de la Commission ou, dans le cas où une décision ferme d’y mettre fin a déjà été prise par ces entreprises, avant cette date.

106 Dès lors, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en confirmant le refus opposé par la Commission, dans la décision litigieuse, d’accorder des circonstances atténuantes aux requérantes en raison de leur décision de mettre fin aux accords constitutifs de l’infraction, dans la mesure où cette dernière décision, ainsi que les requérantes l’indiquent elles-mêmes, avait été prise antérieurement à et indépendamment de toute intervention de la Commission.

107 Dans ces conditions, la seconde branche du quatrième moyen et, partant, le quatrième moyen dans son ensemble doivent être rejetés.

E — Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité dans la détermination du montant de l’amende

1. L’arrêt attaqué

108 Aux points 228 à 232 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné la proportionnalité du montant de l’amende infligée par la décision litigieuse successivement au regard du volume des marchés concernés, de la taille et de la puissance économique des requérantes, de leur situation financière et du risque qu’elles se voient infliger une amende dans l’affaire « fermetures » . Il a conclu, au point 233 dudit arrêt, que l’argument tiré par les requérantes de la violation du principe de proportionnalité
devait être rejeté dans son ensemble.

2. Argumentation des parties

109 Les requérantes soutiennent que, lors de la détermination de la gravité de l’infraction dans le cadre de la fixation du montant des amendes, le Tribunal a méconnu le principe de proportionnalité à deux égards. D’une part, le Tribunal aurait procédé à une application formaliste des lignes directrices, sans prendre en considération les circonstances concrètes de l’infraction. D’autre part, il n’aurait vérifié le caractère proportionné de l’amende qu’au regard de critères isolés, sans prendre en
considération de manière globale les circonstances de l’espèce.

110 La Commission soutient que ce moyen est irrecevable, car il invite la Cour à procéder à un réexamen du niveau de l’amende. À titre subsidiaire, elle souligne que le Tribunal a examiné de manière détaillée le caractère proportionné de l’amende et que les arguments des requérantes ne sont pas fondés.

3. Appréciation de la Cour

111 En ce qui concerne le premier argument des requérantes, il convient de constater qu’il reprend, en substance, les considérations exposées dans le cadre de la seconde branche du quatrième moyen et qu’il doit donc être rejeté pour les mêmes motifs que ceux qui ont conduit au rejet de celle-ci.

112 En ce qui concerne le second argument, il y a lieu de considérer qu’il invite, en substance, la Cour à procéder au réexamen du montant de l’amende fixé par le Tribunal. Or, selon une jurisprudence constante, il n’appartient pas à la Cour, lorsqu’elle se prononce dans le cadre d’un pourvoi, de substituer, pour des motifs d’équité, son appréciation à celle du Tribunal statuant, dans l’exercice de sa pleine juridiction, sur le montant d’une amende infligée à une entreprise en raison de la
violation, par celle-ci, du droit communautaire (voir, notamment, arrêts précités Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 614, ainsi que Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 245).

113 Le cinquième moyen doit donc être rejeté comme irrecevable.

114 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le pourvoi doit être rejeté dans son intégralité.

VI — Sur les dépens

115 Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation des requérantes et ces dernières ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner aux dépens.

  Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:

  1) Le pourvoi est rejeté.

  2) William Prym GmbH & Co. KG et Prym Consumer GmbH & Co. KG sont condamnées aux dépens.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C-534/07
Date de la décision : 03/09/2009
Type d'affaire : Pourvoi - irrecevable, Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi - Concurrence - Ententes - Marché européen des produits de mercerie (aiguilles) - Accords de partage de marché - Violation des droits de la défense - Obligation de motivation - Amende - Lignes directrices - Gravité de l'infraction - Impact concret sur le marché - Mise en œuvre de l'entente.

Pratiques concertées

Ententes

Concurrence


Parties
Demandeurs : William Prym GmbH & Co. KG et Prym Consumer GmbH & Co. KG
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mengozzi
Rapporteur ?: Jann

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2009:505

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