La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/06/2009 | CJUE | N°C-33/08

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Agrana Zucker GmbH contre Bundesministerium für Land- und Forstwirtschaft, Unwelt und Wasserwirtschaft., 11/06/2009, C-33/08


ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

11 juin 2009 ( *1 )

«Sucre — Régime temporaire de restructuration de l’industrie sucrière — Article 11 du règlement (CE) n o  320/2006 — Calcul du montant temporaire au titre de la restructuration — Inclusion de la part du quota ayant fait l’objet d’un retrait préventif — Principes de proportionnalité et de non-discrimination»

Dans l’affaire C-33/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Verwaltungsgerichtshof (Autrich

e), par décision du 19 novembre 2007 , parvenue à la Cour le , dans la procédure

Agrana Zucker GmbH

...

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

11 juin 2009 ( *1 )

«Sucre — Régime temporaire de restructuration de l’industrie sucrière — Article 11 du règlement (CE) n o  320/2006 — Calcul du montant temporaire au titre de la restructuration — Inclusion de la part du quota ayant fait l’objet d’un retrait préventif — Principes de proportionnalité et de non-discrimination»

Dans l’affaire C-33/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Verwaltungsgerichtshof (Autriche), par décision du 19 novembre 2007 , parvenue à la Cour le , dans la procédure

Agrana Zucker GmbH

contre

Bundesministerium für Land- und Forstwirtschaft, Umwelt und Wasserwirtschaft,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, MM. K. Schiemann, P. Kūris (rapporteur), L. Bay Larsen et M me  C. Toader, juges,

avocat général: M me  V. Trstenjak,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

— pour le gouvernement lituanien, par M. D. Kriaučiūnas, en qualité d’agent,

— pour le Conseil de l’Union européenne, par M. M. Moore et M me  Z. Kupčová, en qualité d’agents,

— pour la Commission des Communautés européennes, par MM. F. Erlbacher et B. Doherty, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 18 février 2009 ,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation et la validité de l’article 11 du règlement (CE) n o  320/2006 du Conseil, du 20 février 2006 , instituant un régime temporaire de restructuration de l’industrie sucrière dans la Communauté européenne et modifiant le règlement (CE) n o  1290/2005 relatif au financement de la politique agricole commune ( JO L 58, p. 42 ).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un recours formé par Agrana Zucker GmbH (ci-après « Agrana Zucker » ) contre une décision du Bundesminister für Land- und Forstwirtschaft, Umwelt und Wasserwirtschaft (ministre fédéral de l’Agriculture, de la Sylviculture, de l’Environnement et de l’Eau), du 16 avril 2007 , relative au montant temporaire au titre de la restructuration (ci-après le « montant temporaire » ) pour l’exercice 2006/2007.

Le cadre juridique

3 Dans le cadre de la réforme de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre intervenue au cours de l’année 2006, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement (CE) n o  318/2006, du 20 février 2006 , portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre ( JO L 58, p. 1 ), ainsi que le règlement n o  320/2006, du même jour, instituant un régime temporaire de restructuration de l’industrie sucrière. Conformément aux prévisions de l’article 44 du règlement n o
 318/2006, la Commission des Communautés européennes a adopté le règlement (CE) n o  493/2006, du , portant mesures transitoires dans le cadre de la réforme de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre, et modifiant les règlements (CE) n o  1265/2001 et (CE) n o  314/2002 ( JO L 89, p. 11 ).

Le règlement n o  318/2006

4 Le vingt-deuxième considérant du règlement n o  318/2006 expose ce qui suit:

« Il y a lieu de prévoir de nouveaux instruments de marché qui seront gérés par la Commission. En premier lieu, il devrait être possible pour les opérateurs, au cas où les prix du marché tomberaient au-dessous du prix de référence pour le sucre blanc, de bénéficier d’un régime de stockage privé, dans des conditions qui seront définies par la Commission. En second lieu, afin de maintenir l’équilibre structurel des marchés dans le secteur du sucre à un niveau de prix proche du prix de référence, la
Commission devrait pouvoir décider de retirer des quantités de sucre du marché jusqu’à ce que l’équilibre du marché soit rétabli. »

5 L’article 19 du règlement n o  318/2006 est libellé en ces termes:

« 1.    Afin de maintenir l’équilibre structurel du marché à un niveau de prix proche du prix de référence, compte tenu des obligations de la Communauté découlant d’accords conclus au titre de l’article 300 du traité, un pourcentage, commun à tous les États membres, de sucre sous quota […] peut être retiré du marché jusqu’au début de la campagne de commercialisation suivante.

[…]

2.   Le pourcentage de retrait visé au paragraphe 1 est défini au plus tard le 31 octobre de la campagne de commercialisation concernée, sur la base de l’évolution attendue des marchés durant cette campagne de commercialisation.

3.   Chaque entreprise disposant d’un quota stocke, à ses frais, durant la période de retrait, les quantités de sucre correspondant à l’application du pourcentage visé au paragraphe 1 à sa production sous quota pour la campagne de commercialisation concernée.

Les quantités de sucre retirées du marché au cours d’une campagne de commercialisation sont considérées comme les premières quantités produites sous quota pour la campagne de commercialisation suivante. Toutefois, selon l’évolution attendue du marché du sucre, il peut être décidé, conformément à la procédure visée à l’article 39, paragraphe 2, de considérer, pour la campagne de commercialisation en cours et/ou la campagne suivante, que tout ou partie du sucre […] retiré du marché est:

— du sucre excédentaire […] susceptible de devenir du sucre industriel […],

ou

— une production sous quota temporaire, dont une partie peut être réservée à l’exportation dans le respect des engagements de la Communauté découlant d’accords conclus au titre de l’article 300 du traité.

[…] »

Le règlement n o  320/2006

6 Le règlement n o  320/2006, à ses premier, deuxième, quatrième et cinquième considérants, énonce notamment ce qui suit:

« (1) […] Afin d’aligner le régime communautaire de production et de commerce du sucre sur les exigences internationales et de garantir sa compétitivité à l’avenir, il est nécessaire de lancer un processus approfondi de restructuration du secteur en vue d’une réduction importante de la capacité de production non rentable dans la Communauté. À cette fin, pour garantir la mise en œuvre d’une nouvelle organisation commune des marchés du sucre au fonctionnement harmonieux, il convient d’abord
d’instituer un régime temporaire, distinct et autonome, de restructuration de l’industrie sucrière dans la Communauté […].

(2) Il convient d’instituer un fonds de restructuration temporaire afin de financer les mesures de restructuration de l’industrie sucrière de la Communauté […].

[…]

(4) Il y a lieu de financer les mesures de restructuration prévues par le présent règlement en percevant des montants temporaires auprès des producteurs de sucre, d’isoglucose et de sirop d’inuline qui profiteront à terme du processus de restructuration. Étant donné que ces montants ne relèvent pas des charges traditionnellement connues dans le cadre de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre, il convient de considérer les recettes qui en découlent comme des ‘ recettes
affectées ’ au sens du règlement (CE, Euratom) n o  1605/2002 du Conseil du 25 juin 2002 portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes […].

(5) Il y a lieu d’instaurer une incitation économique importante, sous la forme d’une aide à la restructuration adéquate, destinée aux entreprises dont la productivité est la plus faible, afin qu’elles abandonnent leur production sous quota. À cet effet, il convient de mettre en place une aide à la restructuration qui incite à abandonner la production de sucre sous quota et à renoncer aux quotas considérés […]. Cette aide devrait être disponible pendant quatre campagnes de commercialisation, afin
de réduire la production dans la mesure nécessaire pour parvenir à une situation de marché équilibrée dans la Communauté. »

7 Aux termes de l’article 3 du règlement n o  320/2006, tel que modifié par le règlement (CE) n o  2011/2006 du Conseil, du 19 décembre 2006 ( JO L 384, p. 1 ):

« 1.     Toute entreprise produisant du sucre […] à laquelle un quota a été attribué avant le 1 er  juillet 2006 , ou avant le dans le cas de la Bulgarie et de la Roumanie, peut bénéficier d’une aide à la restructuration par tonne de quota libéré, à condition que, pendant l’une des campagnes de commercialisation suivantes: 2006/2007, 2007/2008, 2008/2009 à 2009/2010, elle:

a) renonce au quota qu’elle a assigné à une ou plusieurs de ses usines et démantèle totalement les installations de production des usines concernées;

ou

b) renonce au quota qu’elle a assigné à une ou plusieurs de ses usines et démantèle partiellement les installations de production des usines concernées, et n’utilise pas les installations de production restantes des usines concernées pour la fabrication de produits relevant de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre;

ou

c) renonce à une partie du quota qu’elle a assignée à une ou plusieurs de ses usines et n’utilise pas les installations de production des usines concernées pour le raffinage de sucre brut.

[…] »

8 L’article 11 du règlement n o  320/2006 dispose:

« 1.    Les entreprises qui détiennent un quota versent, par campagne de commercialisation et par tonne de quota, un montant temporaire […].

Les quotas libérés par une entreprise à partir d’une campagne de commercialisation donnée conformément à l’article 3, paragraphe 1, ne sont pas soumis au paiement du montant temporaire […] pour cette campagne de commercialisation, ni pour les campagnes suivantes.

2.   Le montant temporaire […] pour le sucre […] est fixé à:

— 126,40 EUR par tonne de quota pour la campagne de commercialisation 2006-2007,

— 173,8 EUR par tonne de quota pour la campagne de commercialisation 2007-2008,

— 113,3 EUR par tonne de quota pour la campagne de commercialisation 2008-2009.

[…]

3.   Les États membres sont redevables envers la Communauté du montant temporaire […] à percevoir sur leur territoire.

[…]

5.   La totalité des montants temporaires […] destinés à être versés conformément au paragraphe 3 est attribuée par l’État membre aux entreprises établies sur son territoire, conformément au quota attribué au cours de la campagne de commercialisation concernée.

[…] »

Le règlement n o  493/2006

9 Parmi les mesures transitoires prévues par le règlement n o  493/2006, tel que modifié par le règlement (CE) n o  1542/2006 de la Commission, du 13 octobre 2006 ( JO L 283, p. 24 , ci-après le « règlement n o  493/2006 » ), figure le « retrait préventif » .

10 À cet égard, le sixième considérant du règlement n o  493/2006 énonce ce qui suit:

« Afin d’améliorer l’équilibre du marché dans la Communauté sans créer de nouveaux stocks de sucre durant la campagne de commercialisation 2006/2007, il convient de prévoir une mesure transitoire pour réduire la production éligible sous quota au titre de ladite campagne. Il y a lieu de fixer un seuil au-delà duquel la production sous quota de chaque entreprise est considérée comme retirée au sens de l’article 19 du règlement […] n o  318/2006 ou, à la demande de l’entreprise, comme production
hors quota au sens de l’article 12 dudit règlement. Compte tenu de la transition entre les deux régimes, ce seuil doit être obtenu par une combinaison, à parts égales, de la méthode prévue à l’article 10 du règlement (CE) n o  1260/2001 et de celle prévue à l’article 19 du règlement […] n o  318/2006, et tenir compte des efforts particuliers consentis par certains États membres dans le cadre du fonds de restructuration établi par le règlement […] n o  320/2006 […] »

11 L’article 3 du règlement n o  493/2006 fixe comme suit les dispositions transitoires relatives au retrait préventif:

« 1.     Pour chaque entreprise, la part de la production de sucre […] de la campagne de commercialisation 2006/2007 produite sous quota attribué en vertu des quotas fixés à l’annexe IV et qui dépasse le seuil établi conformément au paragraphe 2 du présent article est considérée comme retirée au sens de l’article 19 du règlement […] n o  318/2006 ou, à la demande de l’entreprise concernée avant le 31 janvier 2007 , considérée en tout ou partie comme produite hors quota au sens de l’article 12
dudit règlement.

2.   Pour chaque entreprise, le seuil visé au paragraphe 1 est établi en multipliant son quota visé au paragraphe 1 par la somme des coefficients suivants:

a) le coefficient fixé pour l’État membre concerné, à l’annexe I;

b) le coefficient obtenu en divisant le total des quotas auxquels il a été renoncé pour la campagne de commercialisation 2006/2007 dans l’État membre concerné au titre de l’article 3 du règlement […] n o  320/2006 par le quota fixé pour cet État membre à l’annexe IV du présent règlement. La Commission fixe ce coefficient au plus tard le 15 octobre 2006 .

Toutefois, lorsque la somme des coefficients dépasse 1,0000 , le seuil est égal au quota visé au paragraphe 1. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

12 En 2006, Agrana Zucker s’est vu attribuer par l’autorité administrative compétente un quota de 405812,4  tonnes pour la production de sucre au cours des campagnes de commercialisation 2006/2007 à 2014/2015. La même autorité a fixé, en application de l’article 3 du règlement n o  493/2006, un seuil de production de 348565,56  tonnes pour la campagne de commercialisation 2006/2007, imposant ainsi à cette société un retrait préventif de 57246,84  tonnes.

13 Par décision de l’Agrarmarkt Austria (organisme liquidateur) en date du 16 janvier 2007 , il a été demandé à Agrana Zucker de verser la première tranche du montant temporaire pour la campagne de commercialisation 2006/2007 s’élevant à 30776812,42  euros.

14 Se plaignant de ce que le montant temporaire a été calculé sur la base du quota qui lui a été attribué, et donc en incluant dans cette base les 57246,84  tonnes de sucre retirées qu’elle ne pouvait vendre en tant que quantité de sucre produite sous quota, Agrana Zucker a formé un recours contre la décision de l’Agrarmarkt Austria auprès du Bundesminister für Land- und Forstwirtschaft, Umwelt und Wasserwirtschaft. Ce dernier a rejeté ledit recours par décision du 16 avril 2007 , laquelle fait
l’objet de la procédure devant la juridiction de renvoi.

15 Il ressort de la décision de renvoi qu’Agrana Zucker soutient au principal que la prise en compte, dans le calcul du montant temporaire, de la quantité de sucre ayant fait l’objet d’un retrait du marché viole le principe de proportionnalité et celui de non-discrimination tel que consacré à l’article 34, paragraphe 2, CE.

16 C’est dans ces conditions que le Verwaltungsgerichtshof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

« 1) Convient-il d’interpréter l’article 11 du règlement […] n o  320/2006 […] en ce sens qu’un quota de sucre qui, par suite d’un retrait du marché à titre préventif en vertu de l’article 3 du règlement […] n o  493/2006 […], ne peut pas être utilisé intégralement doit faire partie intégrante du calcul du montant temporaire […]?

2) Pour le cas où la première question appelle une réponse affirmative:

L’article 11 du règlement […] n o  320/2006 est-il compatible avec le droit primaire, et en particulier avec le principe de non-discrimination qui se déduit de l’article 34 CE et avec le principe de confiance légitime? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

17 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 11 du règlement n o  320/2006 doit être interprété en ce sens que la part du quota de sucre attribué à une entreprise qui a fait l’objet d’un retrait préventif en application de l’article 3 du règlement n o  493/2006 est incluse dans la base de calcul du montant temporaire.

18 Il convient de rappeler que l’article 11, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n o  320/2006 dispose que les entreprises qui détiennent un quota versent, par campagne de commercialisation et par tonne de quota, un montant temporaire.

19 Il résulte de cette disposition que la base de calcul du montant temporaire dû par une entreprise est constituée du nombre total de tonnes de quota de sucre attribué à celle-ci pour la campagne de commercialisation considérée.

20 La seule exonération du versement du montant temporaire édictée par le règlement n o  320/2006 est celle — prévue à l’article 11, paragraphe 1, deuxième alinéa, dudit règlement — des quotas libérés par l’entreprise conformément à l’article 3, paragraphe 1, du même règlement. Il s’agit des quotas auxquels renonce, au cours de l’une des campagnes de commercialisation visées par cette disposition, une entreprise qui démantèle totalement ou partiellement ses installations de production ou n’utilise
pas celles-ci et qui peut, à ce titre, bénéficier d’une aide à la restructuration par tonne de quota libéré.

21 À cet égard, il convient d’observer, en premier lieu, que la renonciation à un quota prévue à l’article 3, paragraphe 1, du règlement n o  320/2006 est, dans le cadre de la réforme de l’organisation commune du marché du sucre, un instrument bien distinct du retrait du marché au sens de l’article 19 du règlement n o  318/2006 ainsi que du retrait préventif au sens de l’article 3 du règlement n o  493/2006, dont la nature et la finalité sont différentes.

22 En effet, ainsi que l’a relevé M me  l’avocat général aux points 40 à 43 de ses conclusions, la renonciation de l’entreprise à un quota accompagnée du démantèlement ou de la non-utilisation de ses installations de production est définitive. Comme cela ressort notamment des premier et cinquième considérants du règlement n o  320/2006, elle constitue l’un des moyens de la restructuration du secteur du sucre en vue d’une réduction de la capacité de production non rentable dans la Communauté et fait
l’objet d’une incitation économique, sous la forme d’une aide à la restructuration, destinée aux entreprises dont la productivité est la plus faible, afin qu’elles abandonnent leur production sous quota.

23 En revanche, le retrait du marché décidé par la Commission est temporaire. Les quantités de sucre concernées sont, selon l’article 19, paragraphe 1, du règlement n o  318/2006, retirées du marché jusqu’au début de la campagne de commercialisation suivante et peuvent être stockées ou écoulées hors quotas. Comme cela ressort de cette disposition et du vingt-deuxième considérant du même règlement, cet instrument vise à maintenir l’équilibre structurel du marché à un niveau de prix proche du prix de
référence, compte tenu des engagements internationaux de la Communauté.

24 Il en est de même du retrait préventif prévu à l’article 3 du règlement n o  493/2006, qui constitue, selon le sixième considérant de ce règlement, une mesure transitoire visant à améliorer l’équilibre du marché dans la Communauté sans créer de nouveaux stocks de sucre durant la campagne de commercialisation 2006/2007.

25 En second lieu, la renonciation à un quota, le retrait du marché et le retrait préventif faisant partie du même train de mesures visant à réformer l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre, il s’en déduit que c’est à dessein que le législateur communautaire n’a pas édicté, à l’article 11 du règlement n o  320/2006, une exonération du montant temporaire pour les quantités de sucre retirées du marché comme celle y prévue pour les quotas auxquels il a été renoncé.

26 Au vu de ces considérations, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 11 du règlement n o  320/2006 doit être interprété en ce sens que la part du quota de sucre attribué à une entreprise qui a fait l’objet d’un retrait préventif en application de l’article 3 du règlement n o  493/2006 est incluse dans la base de calcul du montant temporaire.

Sur la seconde question

27 La seconde question porte sur la validité de l’article 11 du règlement n o  320/2006. Bien que cette question mentionne le principe du respect de la confiance légitime, il apparaît que les considérations exposées dans la décision de renvoi ont trait uniquement aux principes de proportionnalité et de non-discrimination. Il y a donc lieu d’examiner la validité dudit article 11 au regard de ces deux derniers principes.

Sur la validité de l’article 11 du règlement n o  320/2006 au regard du principe de proportionnalité

28 Il ressort de la décision de renvoi que la requérante au principal soutient, en substance, que la fixation du montant temporaire dû par une entreprise en fonction du quota qui lui a été attribué, incluant la part de quota ayant fait l’objet d’un retrait du marché, a pour effet de faire peser sur elle des charges disproportionnées, le prix net du sucre produit sous quota étant de ce fait très inférieur au prix de référence. En outre, la part du quota retirée du marché au cours de la campagne de
commercialisation 2006/2007 étant reportée à la campagne de commercialisation suivante, elle serait de nouveau intégrée dans le calcul du montant temporaire effectué l’année suivante.

29 Le mode de fixation du montant temporaire serait ainsi contraire à la finalité de la réforme du marché du sucre, à savoir le renforcement des établissements aptes à affronter la concurrence. Il serait en outre en contradiction avec le principe de proportionnalité ainsi qu’avec le quatrième considérant du règlement n o  320/2006, selon lequel il y a lieu de financer les mesures de restructuration par la perception de montants temporaires auprès des producteurs de sucre qui profiteront à terme du
processus de restructuration.

30 Le gouvernement lituanien est également d’avis que la prise en compte, dans la base de calcul du montant temporaire, de la part de quota ayant fait l’objet d’un retrait du marché a pour effet de faire supporter par les entreprises concernées une charge financière injustifiée, disproportionnée et, partant, une taxation infondée empêchant celles-ci de profiter du processus de restructuration. Il estime que le raisonnement suivi dans l’arrêt du 8 mai 2008 , Zuckerfabrik Jülich e.a. ( C-5/06 et
C-23/06 à C-36/06, Rec. p. I-3231 ) peut également être adopté dans la présente affaire.

31 À cet égard, il convient de rappeler que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit communautaire, exige que les actes des institutions communautaires ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante, et que les inconvénients causés
ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêt du 7 septembre 2006 , Espagne/Conseil, C-310/04, Rec. p. I-7285 , point 97 et jurisprudence citée).

32 En ce qui concerne le contrôle juridictionnel des conditions de la mise en œuvre d’un tel principe, eu égard au large pouvoir d’appréciation dont dispose le législateur communautaire en matière de politique agricole commune, seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure arrêtée en ce domaine, par rapport à l’objectif que l’institution compétente entend poursuivre, peut affecter la légalité d’une telle mesure (arrêt Espagne/Conseil, précité, point 98 et jurisprudence citée).

33 Ainsi, il s’agit de savoir non pas si la mesure adoptée par le législateur était la seule ou la meilleure possible, mais si elle était manifestement inappropriée (arrêt Espagne/Conseil, précité, point 99 et jurisprudence citée).

34 En l’espèce, il ressort du premier considérant du règlement n o  320/2006 que le Conseil a estimé nécessaire, afin d’aligner le régime communautaire de production et de commerce du sucre sur les exigences internationales et de garantir sa compétitivité à l’avenir, de lancer un processus approfondi de restructuration du secteur en vue d’une réduction importante de la capacité de production non rentable dans la Communauté. À cette fin, il a institué, par ledit règlement, un régime temporaire,
distinct et autonome, de restructuration de l’industrie sucrière dans la Communauté.

35 Dans le cadre de ce régime temporaire, le règlement n o  320/2006 a instauré, ainsi qu’il est exposé à son cinquième considérant, une incitation économique, sous la forme d’une aide à la restructuration, destinée aux entreprises dont la productivité est la plus faible, afin qu’elles abandonnent leur production sous quota. À cet effet, ledit règlement prévoit, à son article 3, une aide à la restructuration disponible sur quatre campagnes de commercialisation, à savoir les campagnes 2006/2007 à
2009/2010, afin de réduire la production dans la mesure nécessaire pour parvenir à une situation de marché équilibré dans la Communauté.

36 Pour financer les mesures de restructuration prévues par le règlement n o  320/2006, le Conseil a institué un fonds de restructuration temporaire et a notamment décidé, ainsi que cela est énoncé au quatrième considérant dudit règlement, que le financement de ces mesures serait assuré par la perception de montants temporaires auprès des producteurs de sucre, d’isoglucose et de sirop d’inuline qui profiteront à terme du processus de restructuration. Les recettes qui en découlent sont considérées
comme des « recettes affectées » au sens du règlement (CE, Euratom) n o  1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002 , portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes ( JO L 248, p. 1 ).

37 Ainsi, le montant temporaire prévu à l’article 11 du règlement a pour objet l’autofinancement, par les producteurs, du régime temporaire de restructuration de l’industrie sucrière dans la Communauté, ce qui implique un équilibre budgétaire entre les dépenses encourues et les recettes perçues au cours des quatre campagnes de commercialisation considérées.

38 Or, en réponse à une question écrite de la Cour, la Commission a produit un tableau des dépenses et des recettes prévisionnelles du fonds de restructuration temporaire pour la période allant de 2007 à 2013 ainsi que le bilan de la campagne de commercialisation 2006/2007. Il en ressort, d’une part, que les recettes et les dépenses prévisionnelles s’équilibrent sur une période de trois années, un excédent de recettes perçues lors de la campagne 2006/2007 devant servir au financement des dépenses
prévues pour des campagnes suivantes, et, d’autre part, que les dépenses constatées au terme de cette première campagne ont sensiblement excédé les dépenses prévues.

39 Ces données confirment que la fixation du montant temporaire dû par le producteur de sucre en fonction du quota qui lui a été attribué et non en fonction du quota qu’il a pu effectivement commercialiser après le retrait du marché d’une partie de ce quota n’est pas manifestement inappropriée pour atteindre l’objectif du règlement n o  320/2006, tel que décrit au point 34 du présent arrêt.

40 À cet égard, la mesure en question se distingue de celle en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Zuckerfabrik Jülich e.a., précité, par lequel la Cour a jugé que le mode de calcul des cotisations analysé aux points 57 à 60 de cet arrêt allait au-delà de ce qui était nécessaire pour atteindre l’objectif du règlement (CE) n o  1260/2001 du Conseil, du 19 juin 2001 , portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre ( JO L 178, p. 1 ), qui visait à faire supporter
intégralement aux producteurs, de façon juste et efficace, les charges à l’écoulement des excédents de production communautaire selon le principe de l’autofinancement.

41 À l’inverse, retrancher de la base de calcul du montant temporaire la part du quota ayant fait l’objet d’un retrait du marché pour une campagne de commercialisation donnée romprait l’équilibre budgétaire tel que planifié tout en nuisant à la stabilité et la prévisibilité des recettes. Partant, une telle modalité compromettrait l’autofinancement des mesures de restructuration voulu par le législateur communautaire et, par suite, le fonctionnement et l’objectif du régime temporaire de
restructuration de l’industrie sucrière institué par le règlement n o  320/2006.

42 En outre, s’agissant des charges que ce régime fait peser sur les entreprises assujetties, il convient de souligner le caractère temporaire dudit régime, le caractère ponctuel du retrait préventif ainsi que le bénéfice que ces entreprises peuvent attendre, d’une part, de la renonciation à des quotas que le législateur communautaire a entendu stimuler et, d’autre part, du soutien du prix du sucre sous quota permis par un retrait du marché et, en particulier, par le retrait préventif. Ce bénéfice
est de nature à compenser les inconvénients occasionnés par ledit régime, y compris le fait que la quantité de sucre retirée du marché au cours d’une campagne de commercialisation est encore soumise au montant temporaire applicable au quota attribué pour la campagne de commercialisation suivante si cette quantité y est reportée et non vendue en tant que sucre industriel ou hors quota sur le marché mondial.

43 Il résulte de tout ce qui précède que la fixation du montant temporaire en fonction du quota attribué, y inclus le cas échéant la part du quota ayant fait l’objet d’un retrait du marché, n’est pas manifestement inappropriée pour atteindre l’objectif poursuivi et, par conséquent, ne saurait être considérée comme contraire au principe de proportionnalité.

Sur la validité de l’article 11 du règlement n o  320/2006 au regard du principe de non-discrimination

44 Il ressort de la décision de renvoi que la requérante au principal soutient que l’inclusion, dans la base de calcul du montant temporaire, de la quantité de sucre ayant fait l’objet d’un retrait préventif se heurte au principe de non-discrimination tel que consacré à l’article 34, paragraphe 2, CE. Elle fait valoir, essentiellement, que la prise en compte de la quantité de sucre ainsi retirée affecte de manière discriminatoire, du fait du mode de calcul du seuil de production prévu à l’article 3
du règlement n o  493/2006, les entreprises des États membres dans lesquels il a été renoncé à un nombre de quotas peu élevé pour la campagne de commercialisation 2006/2007 par rapport aux entreprises des États membres ayant au contraire abandonné définitivement un nombre élevé de quotas pour cette campagne. Les premières seraient désavantagées par rapport aux secondes, car elles obtiendraient, pour la quantité de sucre sous quota qui leur reste après le retrait préventif, un prix net très
inférieur à celui obtenu par ces dernières.

45 Le gouvernement lituanien observe également qu’un tel mode de fixation du montant temporaire est de nature à générer une inégalité de traitement injustifiée entre les entreprises qui ne se sont pas retirées du marché, puisque la charge du montant temporaire est répartie différemment entre les producteurs de sucre se trouvant dans une situation comparable, mais établis dans des États membres différents, en fonction de facteurs qui ne dépendent pas d’eux.

46 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’article 34, paragraphe 2, deuxième alinéa, CE, qui énonce l’interdiction de toute discrimination dans le cadre de la politique agricole commune, n’est que l’expression spécifique du principe général d’égalité, lequel exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’une différenciation ne soit
objectivement justifiée (arrêt du 11 juillet 2006 , Franz Egenberger, C-313/04, Rec. p. I-6331 , point 33 et jurisprudence citée).

47 En l’occurrence, ainsi que cela ressort du sixième considérant du règlement n o  493/2006, le retrait préventif constitue, dans le cadre des mesures transitoires instaurées par ledit règlement en vue d’assurer la transition dans le secteur du sucre entre le régime antérieur au règlement n o  318/2006 et celui établi par ce dernier, une mesure transitoire destinée à réduire la production éligible sous quota au titre de la campagne de commercialisation 2006/2007, et ce afin d’améliorer l’équilibre
du marché dans la Communauté sans créer de nouveaux stocks de sucre durant cette campagne. Pour sa mise en œuvre, l’article 3 dudit règlement fixe un seuil au-delà duquel la production sous quota de chaque entreprise est considérée comme retirée au sens de l’article 19 du règlement n o  318/2006.

48 Ce seuil est, selon l’article 3, paragraphe 2, du règlement n o  493/2006, établi en multipliant le quota attribué à l’entreprise par la somme de deux coefficients, dont le second dépend du total des quotas auxquels il a été renoncé, pour la campagne de commercialisation 2006/2007, dans l’État membre concerné au titre de l’article 3 du règlement n o  320/2006.

49 Il en découle que l’importance du retrait préventif imposé aux entreprises pour cette campagne de commercialisation varie notamment selon l’État membre dans lequel celles-ci sont établies. Partant, la part du montant temporaire qu’elles acquittent correspondant à la part de leur quota ayant fait l’objet d’un tel retrait préventif est également plus ou moins importante selon qu’elles sont établies dans tel ou tel État membre.

50 Dans cette mesure, la fixation du montant temporaire telle que prévue à l’article 11 du règlement n o  320/2006 procède d’un traitement différencié des entreprises se trouvant dans une situation éventuellement comparable mais établies dans des États membres différents.

51 Toutefois, un tel traitement des entreprises apparaît objectivement justifié. En effet, la répartition des quotas entre les entreprises et la gestion de ceux-ci demeurant assurées par les États membres, la renonciation à des quotas est également organisée par chacun d’eux et varie de l’un à l’autre. Dans ce contexte, ainsi que cela ressort du sixième considérant du règlement n o  493/2006, l’application d’un coefficient variant selon l’État membre concerné, tel que prévu à l’article 3,
paragraphe 2, dudit règlement a pour finalité de tenir compte des efforts consentis par les États membres pour libérer définitivement des quotas et, ce faisant, de contribuer à faire baisser la production dans une même proportion dans tous les États membres afin d’atteindre un équilibre de production dans l’ensemble de la Communauté.

52 Il s’ensuit que l’inclusion, dans la base de calcul du montant temporaire, de la quantité de sucre ayant fait l’objet d’un retrait préventif ne saurait être considérée comme contraire au principe de non-discrimination.

53 Au vu de tout ce qui précède, il convient de répondre à la seconde question que l’examen de celle-ci n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de l’article 11 du règlement n o  320/2006.

Sur les dépens

54 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

  1) L’article 11 du règlement (CE) n o  320/2006 du Conseil, du 20 février 2006 , instituant un régime temporaire de restructuration de l’industrie sucrière dans la Communauté européenne et modifiant le règlement (CE) n o  1290/2005 relatif au financement de la politique agricole commune, doit être interprété en ce sens que la part du quota de sucre attribué à une entreprise qui a fait l’objet d’un retrait préventif en application de l’article 3 du règlement (CE) n o  493/2006 de la Commission, du
, portant mesures transitoires dans le cadre de la réforme de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre, et modifiant les règlements (CE) n o  1265/2001 et (CE) n o  314/2002, tel que modifié par le règlement (CE) n o  1542/2006 de la Commission, du , est incluse dans la base de calcul du montant temporaire au titre de la restructuration.

  2) L’examen de la seconde question n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de l’article 11 du règlement n o  320/2006.

  Signatures

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : C-33/08
Date de la décision : 11/06/2009
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Verwaltungsgerichtshof - Autriche.

Sucre - Régime temporaire de restructuration de l'industrie sucrière - Article 11 du règlement (CE) nº 320/2006 - Calcul du montant temporaire au titre de la restructuration - Inclusion de la part du quota ayant fait l'objet d'un retrait préventif - Principes de proportionnalité et de non-discrimination.

Principes, objectifs et mission des traités

Agriculture et Pêche

Sucre


Parties
Demandeurs : Agrana Zucker GmbH
Défendeurs : Bundesministerium für Land- und Forstwirtschaft, Unwelt und Wasserwirtschaft.

Composition du Tribunal
Avocat général : Trstenjak
Rapporteur ?: Kūris

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2009:367

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award