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22/01/2009 | CJUE | N°C-473/07

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Association nationale pour la protection des eaux et rivières-TOS et Association OABA contre Ministère de l'Ecologie, du Développement et de l'Aménagement durables., 22/01/2009, C-473/07


ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

22 janvier 2009 ( *1 )

«Pollution et nuisances — Directive 96/61/CE — Annexe I — Point 6.6, sous a) — Élevage intensif de volailles — Définition — Notion de ‘ volaille ’ — Nombre maximal d’animaux par installation»

Dans l’affaire C-473/07,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Conseil d’État (France), par décision du 7 mai 2007 , parvenue à la Cour le 25 octobre 2007 , dans la procédure

Association national

e pour la protection des eaux et rivières-TOS,

Association OABA

contre

Ministère de l’Écologie, du Dével...

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

22 janvier 2009 ( *1 )

«Pollution et nuisances — Directive 96/61/CE — Annexe I — Point 6.6, sous a) — Élevage intensif de volailles — Définition — Notion de ‘ volaille ’ — Nombre maximal d’animaux par installation»

Dans l’affaire C-473/07,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Conseil d’État (France), par décision du 7 mai 2007 , parvenue à la Cour le 25 octobre 2007 , dans la procédure

Association nationale pour la protection des eaux et rivières-TOS,

Association OABA

contre

Ministère de l’Écologie, du Développement et de l’Aménagement durables,

en présence de:

Association France Nature Environnement,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, MM. K. Schiemann, J. Makarczyk, P. Kūris (rapporteur) et M me C. Toader, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M me R. Şereş, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 18 septembre 2008 ,

considérant les observations présentées:

— pour l’Association nationale pour la protection des eaux et rivières-TOS, par M. P. Jeanson, vice-président de l’association,

— pour l’association France Nature Environnement, par M. R. Léost, vice-président de l’association,

— pour le gouvernement français, par M. G. de Bergues et M me A.-L. During, en qualité d’agents,

— pour le gouvernement grec, par M. V. Kontolaimos et M me S. Papaioannou, en qualité d’agents,

— pour la Commission des Communautés européennes, par M me A. Alcover San Pedro et M. J.-B. Laignelot, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 6 novembre 2008 ,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du point 6.6, sous a), de l’annexe I de la directive 96/61/CE du Conseil, du 24 septembre 1996 , relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution ( JO L 257, p. 26 ), telle que modifiée par le règlement (CE) n o  1882/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 29 septembre 2003 ( JO L 284, p. 1 , ci-après la « directive 96/61 » ).

2 Cette demande a été présentée par le Conseil d’État dans le cadre de recours pour excès de pouvoir formés par l’Association nationale pour la protection des eaux et rivières-TOS ainsi que par l’association OABA visant à obtenir l’annulation du décret n o  2005-989, du 10 août 2005 , modifiant la nomenclature des installations classées (JORF du 13 août 2005 , texte 52).

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3 L’article 1 er de la directive 96/61 dispose:

« La présente directive a pour objet la prévention et la réduction intégrées des pollutions en provenance des activités figurant à l’annexe I. Elle prévoit les mesures visant à éviter et, lorsque cela s’avère impossible, à réduire les émissions des activités susvisées dans l’air, l’eau et le sol, y compris les mesures concernant les déchets, afin d’atteindre un niveau élevé de protection de l’environnement considéré dans son ensemble, et cela sans préjudice de la directive 85/337/CEE [du Conseil,
du 27 juin 1985 , concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement ( JO L 175, p. 40 )] et des autres dispositions communautaires en la matière. »

4 L’article 2 de la directive 96/61 dispose:

« Aux fins de la présente directive, on entend par:

[…]

3) ‘ installation ’ : une unité technique fixe dans laquelle interviennent une ou plusieurs des activités figurant à l’annexe I […]

4) ‘ installation existante ’ : une installation en service ou, dans le cadre de la législation existante avant la date de mise en application de la présente directive, une installation autorisée ou ayant fait l’objet de l’avis de l’autorité compétente d’une demande complète d’autorisation, à condition que cette installation soit mise en service au plus tard un an après la date de mise en application de la présente directive;

[…]

9) ‘ autorisation ’ : la partie ou la totalité d’une ou de plusieurs décisions écrites accordant le droit d’exploiter tout ou une partie d’une installation sous certaines conditions permettant d’assurer que l’installation satisfait aux exigences de la présente directive. […]

[…] »

5 L’article 4 de la directive 96/61 énonce:

« Les États membres prennent les mesures nécessaires afin qu’aucune nouvelle installation ne soit exploitée sans autorisation conforme à la présente directive […] »

6 L’article 9 de la directive 96/61, intitulé « Conditions de l’autorisation » , énonce:

« 1.    Les États membres s’assurent que l’autorisation comprend toutes les mesures nécessaires pour remplir les conditions de l’autorisation, visées aux articles 3 et 10, afin d’assurer la protection de l’air, de l’eau et du sol et d’atteindre ainsi un niveau élevé de protection de l’environnement dans son ensemble.

2.   Dans le cas d’une nouvelle installation ou d’une modification substantielle où l’article 4 de la directive 85/337/CEE s’applique, toute information ou conclusion appropriée, obtenue à la suite de l’application des articles 5, 6 et 7 de ladite directive, est à prendre en considération pour l’octroi de l’autorisation.

3.    L’autorisation doit comporter des valeurs limites d’émission pour les substances polluantes, notamment celles figurant à l’annexe III, susceptibles d’être émises par l’installation concernée en quantité significative eu égard à leur nature et à leur potentiel de transferts de pollution d’un milieu à l’autre (eau, air et sol). En tant que de besoin, l’autorisation contient des prescriptions appropriées garantissant la protection du sol et des eaux souterraines, et des mesures concernant la
gestion des déchets générés par l’installation. Le cas échéant, les valeurs limites peuvent être complétées ou remplacées par des paramètres ou des mesures techniques équivalents.

Pour les installations visées à l’annexe I point 6.6, les valeurs limites d’émission établies conformément au présent paragraphe prendront en compte les modalités pratiques adaptées à ces catégories d’installations.

[…]

4.   Sans préjudice de l’article 10, les valeurs limites d’émission, les paramètres et les mesures techniques équivalentes visés au paragraphe 3 sont fondés sur les meilleures techniques disponibles, sans prescrire l’utilisation d’une technique ou d’une technologie spécifique, et en prenant en considération les caractéristiques techniques de l’installation concernée, son implantation géographique et les conditions locales de l’environnement. Dans tous les cas, les conditions d’autorisation
prévoient des dispositions relatives à la minimisation de la pollution à longue distance ou transfrontière et garantissent un niveau élevé de protection de l’environnement dans son ensemble.

[…] »

7 L’article 16, paragraphe 2, de la directive 96/61 prévoit:

« La Commission organise l’échange d’informations entre les États membres et les industries intéressées au sujet des meilleures techniques disponibles, des prescriptions de contrôle y afférentes et de leur évolution. La Commission publie tous les trois ans les résultats des échanges d’informations. »

8 La directive 96/61 fixe, à son annexe I, les catégories d’activités industrielles visées à son article 1 er . Ladite annexe I prévoit au point 2 de son introduction:

« Les valeurs seuils citées ci-dessous se rapportent généralement à des capacités de production ou des rendements. […] »

9 Elle mentionne également à son point 6.6, sous a), en tant que catégories d’activités industrielles visées à l’article 1 er de la directive 96/61, les « [i]nstallations destinées à l’élevage intensif de volailles […] disposant de plus de […] 40000 emplacements pour la volaille » .

10 L’annexe III de la directive 96/61, intitulée « Liste indicative des principales substances polluantes à prendre en compte obligatoirement si elles sont pertinentes pour la fixation des valeurs limites d’émission » , expose différents polluants de l’air et de l’eau. Elle mentionne ainsi, s’agissant de l’air, notamment, l’oxyde d’azote et les autres composés de l’azote ainsi que les métaux et leurs composés. S’agissant de l’eau, elle cite, notamment, les composés organophosphorés, les métaux et
leurs composés ainsi que les substances contribuant à l’eutrophisation, en particulier les nitrates et les phosphates.

La réglementation nationale

11 L’annexe I du décret n o  2005-989, modifiant la nomenclature des installations classées, contient notamment la rubrique suivante:

NUMÉRO DÉSIGNATION DE LA RUBRIQUE A. D. S. ( 1 ) R ( 2 )
[…]      
2111 Volailles, gibier à plumes (activité d’élevage, vente, etc. de), à l’exclusion d’activités spécifiques visées à d’autres rubriques:    
  1. Plus de 30 000 animaux-équivalents………………… A 3
  De 5 000 à 30 000 animaux-équivalents……………. D  

Nota. — Les volailles et gibier à plumes sont comptés en utilisant les valeurs suivantes exprimées en animaux-équivalents:

caille = 0,125 ;

pigeon, perdrix = 0,25 ;

coquelet = 0,75 ;

poulet léger = 0,85 ;

poule, poulet standard, poulet label, poulet biologique, poulette, poule pondeuse, poule reproductrice, faisan, pintade, canard colvert = 1;

poulet lourd = 1,15 ;

canard à rôtir, canard prêt à gaver, canard reproducteur = 2;

dinde légère = 2,20 ;

dinde médium, dinde reproductrice, oie = 3;

dinde lourde = 3,50 ;

palmipède gras de gavage = 7;
[…]      
 (1)  A: autorisation, D: déclaration, S: servitude d’utilité publique.

 (2)  Rayon d’affichage en kilomètres.

Le litige au principal et la question préjudicielle

12 L’Association nationale pour la protection des eaux et rivières-TOS ainsi que l’association OABA soutiennent, à l’appui de leur recours en annulation de tout ou partie du décret n o  2005-989 devant le Conseil d’État, que ce décret méconnaît le point 6.6, sous a), de l’annexe I de la directive 96/61. En effet, ce dernier prévoirait, dans la rubrique 2111 de la nomenclature des installations classées, un seuil de 30000 animaux-équivalents au-delà duquel les élevages de volailles et de gibiers à
plumes ne peuvent être exploités sans bénéficier au préalable d’une autorisation pour ce faire, en déterminant notamment un coefficient de conversion de 0,125 pour les cailles et de 0,25 pour les perdrix et les pigeons. Ainsi, en application desdits coefficients, un élevage de plus de 40000 cailles, perdrix ou pigeons n’atteindrait pas ce seuil de 30000 animaux-équivalents et pourrait être exploité sous le régime de la déclaration.

13 Le Conseil d’État relève, dans les motifs de sa décision que, au regard des dispositions du point 6.6, sous a), de l’annexe I de la directive 96/6:

— les installations destinées à l’élevage intensif de volailles disposant de plus de 40000 emplacements doivent être soumises à autorisation;

— cette directive ne définit pas les espèces qui doivent être considérées comme des « volailles » au sens de ladite annexe, alors que des directives applicables aux volailles au titre d’autres législations prévoient explicitement les espèces entrant dans leur champ d’application, soit en excluant les cailles, les perdrix et les pigeons, soit en les incluant.

14 C’est ainsi que le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

« Le point 6.6, sous a), de l’annexe I de la directive 96/61 […] qui vise les installations destinées à l’élevage intensif de volailles de plus de 40000 emplacements, doit-il être interprété:

— comme incluant dans son champ d’application les cailles, perdrix et pigeons,

— dans l’affirmative, comme autorisant un dispositif conduisant à calculer les seuils d’autorisation à partir d’un système d’ ‘ animaux-équivalents ’ , qui pondère le nombre d’animaux par emplacement selon les espèces, afin de prendre en compte la teneur en azote effectivement excrétée par les différentes espèces? »

Sur la question préjudicielle

15 À titre liminaire, il convient de relever qu’il ressort des dispositions de la directive 96/61 et de son annexe I, point 6.6, sous a), que les installations destinées à l’élevage intensif de volailles disposant de plus de 40000 emplacements sont soumises à un régime d’autorisation préalable.

16 Le champ d’application de cette disposition est déterminé par trois éléments cumulatifs, à savoir que l’élevage doit être de nature intensive, qu’il doit s’agir d’un élevage de volailles et que les installations visées doivent comprendre un nombre minimal de 40000 emplacements.

17 Il est, par ailleurs, constant que la directive 96/61 ne définit ni la notion d’ « élevage intensif » , ni celle de « volaille » , ni celle d’ « emplacement » .

Sur la première partie de la question

18 Par la première partie de sa question, la juridiction de renvoi demande si la notion de « volaille » , employée au point 6.6, sous a), de l’annexe I de la directive 96/61, inclut les cailles, les perdrix et les pigeons.

19 À titre préalable, le gouvernement français fait valoir, notamment, que les cailles, les perdrix et les pigeons ne peuvent faire l’objet d’élevage intensif. Le point 6.6, sous a), de l’annexe I de la directive 96/61 n’aurait, par conséquent, pas vocation à s’appliquer à ces volatiles.

20 Un tel raisonnement ne saurait être retenu.

21 En effet, le gouvernement français n’a apporté aucun élément scientifique tendant à démontrer l’impossibilité d’élever ces volatiles de manière intensive et le seul fait que les élevages français de cailles et de pigeons comprendraient en moyenne 3000 animaux n’est pas de nature à établir que des élevages de plus de 40000 volatiles ne seraient pas susceptibles d’exister.

22 Par ailleurs, il convient de relever que l’existence d’élevages intensifs de certains de ces volatiles est envisagée par la législation française, ainsi que cela ressort notamment des dispositions mêmes de l’arrêté ministériel du 18 septembre 1985 fixant les coefficients d’équivalence pour les productions hors sol (JORF du 8 octobre 1985 , p. 11683) qui définit pour un exploitant agricole la surface minimum d’installation pour les élevages hors sol à 200000 cailles vendues vives ou 120000 cailles
vendues mortes.

23 S’agissant de la notion de volaille, laquelle n’est pas définie de manière spécifique par la directive 96/61, il convient de relever que le sens habituel de ce terme désigne l’ensemble des oiseaux élevés pour leurs œufs ou leur chair. Or, les cailles, les perdrix et les pigeons, qui sont des espèces d’oiseaux, peuvent être élevés pour la consommation de leurs œufs ou de leur chair.

24 Cette interprétation peut également s’appuyer sur l’économie générale et la finalité de cette directive (voir, par analogie, arrêt du 24 octobre 1996 , Kraaijeveld e.a., C-72/95, Rec. p. I-5403, point 38).

25 À cet égard, il convient de relever que l’objet de la directive 96/61, tel que défini par son article 1 er , est la prévention et la réduction intégrées des pollutions par la mise en œuvre de mesures visant à éviter ou à réduire les émissions des activités visées à son annexe I dans l’air, l’eau et le sol afin d’atteindre un niveau élevé de protection de l’environnement.

26 Comme le souligne M. l’avocat général au point 34 de ses conclusions, cette approche intégrée se matérialise par une coordination adéquate de la procédure et des conditions d’autorisation des installations industrielles dont le potentiel de pollution est important, permettant d’atteindre le niveau le plus élevé de protection de l’environnement dans son ensemble, ces conditions devant, dans tous les cas, inclure des dispositions relatives à la minimisation de la pollution à longue distance ou
transfrontière et garantir un niveau élevé de protection de l’environnement dans son ensemble.

27 L’objectif de la directive 96/61 ayant été défini de manière large, il ne saurait être considéré que le point 6.6, sous a) de son annexe I puisse être interprété de façon telle qu’il n’inclut pas les cailles, les perdrix et les pigeons.

28 La circonstance, invoquée par le gouvernement français, que le point 17, sous a), de l’annexe I de la directive 85/337, dans la version de cette annexe qui résulte de la directive 97/11/CE du Conseil, du 3 mars 1997 ( JO L 73, p. 5 ), se réfère aux installations destinées à l’élevage intensif de volailles disposant de plus de 85000 emplacements pour les poulets ou de plus de 60000 emplacements pour les poules ne saurait davantage influencer l’interprétation qu’il convient de retenir à propos du
point 6.6, sous a), de l’annexe I de la directive 96/61. Cette dernière constitue une réglementation spécifique qui, ainsi qu’il résulte de son libellé, vise les volailles au sens large et prévoit un seuil différent de ceux qu’édicte ledit point 17, sous a).

29 Par ailleurs, l’argument du gouvernement français tendant à délimiter le champ d’application du point 6.6, sous a), de l’annexe I de la directive 96/61 aux seuls poules pondeuses, poulets de chair, dindes, canards et pintades, au motif qu’une telle délimitation a été effectuée dans le document relatif aux meilleures techniques disponibles pour l’élevage intensif de volailles et de porcs, désigné sous le nom de BREF, et publié au cours du mois de juillet 2003 (JO C 170, p. 3) par la Commission en
application de l’article 16, paragraphe 2, de la directive 96/61, doit être écarté.

30 En effet, il importe de relever, d’une part, que le document BREF lui-même précise que l’interprétation du terme « volaille » est spécifique à ce document et, d’autre part, qu’un tel document n’a aucune valeur contraignante ni vocation interprétative de la directive 96/61, celui-ci se limitant à fournir un état des lieux des connaissances techniques en matière de meilleures techniques disponibles d’élevage.

31 En conséquence, la circonstance que le document BREF en cause ne traite ni des cailles, ni des perdrix, ni des pigeons ne signifie aucunement que ces trois volatiles ne seraient pas couverts par la notion de « volaille » telle qu’énoncée au point 6.6, sous a), de l’annexe I de la directive 96/61.

32 Enfin, il convient d’écarter la thèse du gouvernement français selon laquelle la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution), présentée par la Commission le 21 décembre 2007 [COM(2007) 844 final] et visant à réviser et à refondre en un seul texte juridique plusieurs instruments communautaires dont la directive 96/61, viendrait étayer une conception étroite de la notion de « volaille » au sens
de cette dernière directive.

33 En effet, une proposition de directive, quand bien même elle se limiterait à une refonte de textes en vigueur à droit constant, ne saurait fonder l’interprétation d’une directive en vigueur.

34 Compte tenu de ces considérations, il y a lieu de répondre à la première partie de la question préjudicielle que la notion de « volaille » qui figure au point 6.6, sous a), de l’annexe I de la directive 96/61 doit être interprétée en ce sens qu’elle englobe les cailles, les perdrix et les pigeons.

Sur la seconde partie de la question préjudicielle

35 Par sa question, la juridiction de renvoi souhaite aussi savoir si le point 6.6, sous a), de l’annexe I de la directive 96/61 s’oppose à ce qu’un État membre institue un système, dit « système d’ ‘ animaux-équivalents ’» , consistant à fixer les seuils d’autorisation préalable des installations d’élevage intensif de volailles en pondérant le nombre d’animaux par emplacement selon les espèces, afin de prendre en compte la teneur en azote réellement excrétée par les différents volatiles.

36 Les associations requérantes au principal soutiennent que l’utilisation d’un système d’animaux-équivalents n’est pas interdit tant que le seuil d’autorisation reste inférieur ou égal à 40000 volailles physiquement présentes à un moment quelconque dans l’installation.

37 Le gouvernement français fait valoir que la réglementation française prévoit qu’une autorisation est nécessaire pour les élevages de volailles ou de gibiers à plumes comportant plus de 30000 animaux-équivalents et fixe un coefficient de pondération égal à 0,125 pour les cailles et 0,25 pour les perdrix et les pigeons. Ces derniers coefficients auraient été calculés de manière à refléter non seulement la quantité d’azote excrétée par les différentes espèces sur la base des données publiées par le
Comité d’orientation pour les pratiques agricoles respectueuses de l’environnement (Corpen), instance placée sous la tutelle du ministère de l’Agriculture et du ministère de l’Environnement, mais également l’ensemble des autres impacts sur l’environnement tels que la quantité d’effluents qui sont produits sur une année ou les nuisances liées aux bruits et aux odeurs.

38 La Commission expose que si l’interprétation donnée par le gouvernement français peut paraître justifiée, elle s’apparente, en l’état actuel du droit communautaire, à une interprétation contra legem. En effet, selon elle, l’expression « plus de 40000 emplacements pour la volaille » contenue au point 6.6, sous a), de l’annexe I de la directive 96/61 fait référence à une capacité de production simultanée de plus de 40000 volailles et non à un seuil d’autorisation qui serait fonction de la pollution
générée par chaque espèce de volaille.

39 À cet égard, s’il est constant que la notion d’ « emplacement » n’est pas définie par la directive 96/61, il convient néanmoins de relever que le point 2 de l’introduction de l’annexe I, de cette directive précise que « les valeurs seuils citées ci-dessous se rapportent généralement à des capacités de production ou des rendements » . La directive 96/61 n’envisage donc pas, sans toutefois l’exclure, de déterminer le seuil d’autorisation selon une méthode d’animaux-équivalents.

40 L’objectif de la directive 96/61 étant la prévention et la réduction des pollutions provenant de certaines activités, dont l’élevage intensif de volailles, l’utilisation d’une méthode d’animaux-équivalents ne devrait être admise que si elle assure le plein respect de cet objectif. Le recours à ladite méthode ne saurait, en revanche, avoir pour effet de soustraire au régime institué par ladite directive des installations qui relèvent de celle-ci eu égard au nombre d’emplacements qu’elles
totalisent.

41 En l’occurrence, le lien qui existerait entre le contenu de la réglementation française et la prise en compte de la teneur en azote effectivement excrétée par ces volatiles n’est, en outre, pas démontré par le gouvernement français.

42 En effet, il suffit de constater que les informations résultant des annexes à la circulaire du ministère de l’Écologie, du Développement et de l’Aménagement durables, du 7 septembre 2007 , relative aux installations classées (élevages, volailles) utilisation de nouvelles références de rejets (Bulletin officiel, 30 octobre 2007 , MEDAD 2007/20, texte 15, p. 1), démontrent que le rapport entre les rejets en azote d’une caille, d’une perdrix ou d’un pigeon et ceux d’un poulet standard ne correspond
pas à la pondération retenue par le décret n o  2005-989. Ce dernier prévoit qu’un poulet standard équivaut à huit cailles, quatre perdrix ou pigeons alors que les informations susmentionnées laissent apparaître que les excréments d’une caille ou d’une perdrix contiennent une teneur en azote équivalant à la moitié de celle d’un poulet standard, tandis qu’un pigeon en produit cinq fois plus. Selon les mêmes informations, la teneur en phosphore, cuivre et zinc des rejets de cailles, de perdrix et
de pigeons est également supérieure à celle contenue dans les rejets de poulets standard.

43 Pour justifier cette absence de proportionnalité, le gouvernement français a expliqué à l’audience que les autres impacts sur l’environnement étaient pris en compte, sans toutefois apporter aucun élément scientifique établissant la nature et la part de ces autres impacts sur l’environnement.

44 Dans ces conditions, et comme l’a relevé M. l’avocat général au point 54 de ses conclusions, il apparaît que le décret n o  2005-989 conduit à exonérer de la procédure d’autorisation préalable prévue par la directive 96/61 les installations d’élevage intensif comprenant de 40001 à 240000 cailles ou de 40001 à 120000 perdrix ou pigeons, alors même que ces installations sont susceptibles de produire une quantité d’azote, de phosphore, de cuivre et de zinc supérieure à celle produite par les
installations destinées à l’élevage intensif de 40000 poulets standards.

45 Eu égard à tout ce qui précède, il convient de répondre à la seconde partie de la question préjudicielle que le point 6.6, sous a), de l’annexe I de la directive 96/61 s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, conduisant à calculer les seuils d’autorisation d’installation d’élevage intensif à partir d’un système d’animaux-équivalents reposant sur une pondération d’animaux par emplacement selon les espèces afin de prendre en compte la teneur en azote
réellement excrétée par les différents volatiles.

Sur les dépens

46 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

  1) La notion de « volaille » qui figure au point 6.6, sous a), de l’annexe I de la directive 96/61/CE du Conseil, du 24 septembre 1996 , relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution, telle que modifiée par le règlement (CE) n o  1882/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 29 septembre 2003 , doit être interprétée en ce sens qu’elle englobe les cailles, les perdrix et les pigeons.

  2) Le point 6.6, sous a), de l’annexe I de la directive 96/61, telle que modifiée par le règlement n o  1882/2003, s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, conduisant à calculer les seuils d’autorisation d’installation d’élevage intensif à partir du système d’animaux-équivalents reposant sur une pondération d’animaux par emplacement selon les espèces afin de prendre en compte la teneur en azote réellement excrétée par les différents volatiles.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure: le français.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : C-473/07
Date de la décision : 22/01/2009
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Conseil d'État - France.

Pollution et nuisances - Directive 96/61/CE - Annexe I - Point 6.6, sous a) - Élevage intensif de volailles - Définition - Notion de 'volaille' - Nombre maximal d’animaux par installation.

Environnement

Pollution


Parties
Demandeurs : Association nationale pour la protection des eaux et rivières-TOS et Association OABA
Défendeurs : Ministère de l'Ecologie, du Développement et de l'Aménagement durables.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mengozzi
Rapporteur ?: Kūris

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2009:30

Source

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