ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)
22 décembre 2008 ( *1 )
«Aides d'État — Régime d'aides en faveur de stations de radio locales — Financement par une taxe parafiscale sur les régies publicitaires — Décision favorable de la Commission au terme de la phase préliminaire d'examen prévue à l’article 93, paragraphe 3, du traité CE (devenu article 88, paragraphe 3, CE) — Aides pouvant être compatibles avec le marché commun — Article 92, paragraphe 3, du traité CE (devenu, après modification, article 87, paragraphe 3, CE) — Contestation de la légalité de la
décision — Obligation de motivation — Appréciation des faits — Compatibilité avec le traité CE de la taxe parafiscale»
Dans l’affaire C-333/07,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par la cour administrative d’appel de Lyon (France), par décision du 12 juillet 2007, parvenue à la Cour le 17 juillet 2007, dans la procédure
Société Régie Networks
contre
Direction de contrôle fiscal Rhône-Alpes Bourgogne,
LA COUR (grande chambre),
composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann, C. W. A. Timmermans (rapporteur), K. Lenaerts, A. Ó Caoimh et J.-C. Bonichot, présidents de chambre, MM. K. Schiemann, P. Kūris, E. Juhász, L. Bay Larsen et Mme P. Lindh, juges,
avocat général: Mme J. Kokott,
greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 30 avril 2008,
considérant les observations présentées:
— pour la société Régie Networks, par Mes B. Geneste et C. Medina, avocats,
— pour le gouvernement français, par MM. G. de Bergues et B. Messmer, en qualité d’agents,
— pour la Commission des Communautés européennes, par MM. J.-P. Keppenne et B. Martenczuk, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 26 juin 2008,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur la validité de la décision de la Commission des Communautés européennes du 10 novembre 1997 de ne pas soulever d’objections à l’encontre de la modification d’un régime d’aides en faveur des stations de radio locales (aide d’État no N 679/97 — France) (ci-après la «décision litigieuse»), dont une communication succincte a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes (JO 1999, C 120, p. 2).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un recours introduit par la société Régie Networks (ci-après «Régie Networks»), société de droit français, tendant à obtenir le remboursement de la somme que celle-ci a versée au titre de la taxe parafiscale sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision pour l’année 2001.
Le cadre juridique
3 L’article 80 de la loi no 86-1067, du 30 septembre 1986, relative à la liberté de communication (JORF du 1er octobre 1986, p. 11755), tel que modifié par les articles 25 de la loi no 89-25, du 17 janvier 1989 (JORF du 18 janvier 1989, p. 728), et 27 de la loi no 90-1170, du 29 décembre 1990 (JORF du 30 décembre 1990, p. 16439), dispose:
«Les services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne dont les ressources commerciales provenant de messages diffusés à l’antenne et présentant le caractère de publicité de marque ou de parrainage sont inférieures à 20 % de leur chiffre d’affaires total bénéficient d’une aide selon les modalités fixées par décret en Conseil d’État.
Le financement de cette aide est assuré par un prélèvement sur les ressources provenant de la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision.
La rémunération perçue par les services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne lors de la diffusion de messages destinés à soutenir des actions collectives ou d’intérêt général n’est pas prise en compte pour la détermination du seuil visé à l’alinéa 1er du présent article.»
4 Aux termes de l’article 1er du décret no 97-1263, du 29 décembre 1997, portant création d’une taxe parafiscale au profit d’un fonds de soutien à l’expression radiophonique (JORF du 30 décembre 1997, p. 19194):
«Il est institué, à compter du 1er janvier 1998 et pour une durée de cinq ans, une taxe parafiscale sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision [(ci-après la ‘taxe sur les régies publicitaires’)] destinée à financer un fonds d’aide aux titulaires d’une autorisation de service de radiodiffusion sonore par voie hertzienne dont les ressources commerciales provenant de messages diffusés à l’antenne et présentant le caractère de publicité de marque ou de parrainage sont
inférieures à 20 % de leur chiffre d’affaires total.
Cette taxe a pour objet de favoriser l’expression radiophonique.»
5 L’article 2 de ce décret dispose:
«La taxe est assise sur les sommes, hors commission d’agence et hors taxe sur la valeur ajoutée, payées par les annonceurs pour la diffusion de leurs messages publicitaires à destination du territoire français.
Elle est due par les personnes qui assurent la régie de ces messages publicitaires.
Un arrêté conjoint des ministres chargés du budget et de la communication fixe le tarif d’imposition par paliers de recettes trimestrielles perçues par les régies assujetties dans les limites suivantes:
[…]»
6 Il ressort de l’article 3 dudit décret que le produit net de la taxe sur les régies publicitaires est versé au Fonds de soutien à l’expression radiophonique (ci-après le «FSER»), qui consiste dans un compte individualisé ouvert dans la comptabilité de l’Institut national de l’audiovisuel.
7 L’article 4 de ce même décret prévoit que cette taxe est assise, liquidée et recouvrée pour le compte du FSER par la direction générale des impôts selon les mêmes règles, garanties et sanctions que celles qui sont prévues pour la taxe sur la valeur ajoutée.
8 Les articles 7 à 20 du décret no 97-1263 prévoient le régime des aides versées par l’Institut national de l’audiovisuel et financées par le produit net de la taxe sur les régies publicitaires versé au FSER.
9 Sont bénéficiaires de ces aides les titulaires d’une autorisation de service de radiodiffusion sonore visés à l’article 1er de ce décret (ci-après les «stations de radio locales»).
10 Selon l’article 7 dudit décret, les aides sont attribuées, dans la limite des fonds disponibles, par une commission dont la composition et le fonctionnement sont réglés par cette disposition ainsi que par les articles 8 à 11 du même décret (ci-après la «commission du FSER»).
11 Le décret no 97-1263 instaure trois types d’aide (ci-après les «aides à l’expression radiophonique»).
12 Il s’agit d’abord de la subvention d’installation, dont les conditions d’attribution sont fixées par les articles 12 et 13 de ce décret. Cette subvention, dont le montant est plafonné à 100000 FRF, est attribuée aux stations de radio locales nouvellement autorisées sur la base d’un dossier présenté par celles-ci.
13 Il s’agit ensuite de l’aide à l’équipement, dont les modalités sont prévues à l’article 14 dudit décret. Cette aide, qui est attribuée aux stations de radio locales au vu d’un dossier présenté par celles-ci, ne peut être accordée moins de cinq ans après l’octroi d’une subvention d’installation et ne peut l’être qu’une fois par période de cinq ans. Son montant ne peut être supérieur à 50 % du montant de l’investissement concerné et est également plafonné à 100000 FRF.
14 Il s’agit enfin de la subvention annuelle de fonctionnement, dont les conditions d’octroi sont fixées par les articles 16 et 17 de ce même décret.
15 Aux termes de l’article 17, premier alinéa, du décret no 97-1263:
«Le montant de la subvention de fonctionnement est fixé selon un barème établi par la commission [du FSER] compte tenu des produits d’exploitation normale et courante du service considéré, avant déduction des frais de régie publicitaire. Il est rendu public.»
16 Le deuxième alinéa de ce même article prévoit que ce montant peut être majoré de 60 % en fonction des efforts accomplis pour diversifier les ressources économiques directement liées à l’activité radiophonique, des actions engagées en faveur de la formation professionnelle du personnel du service considéré, des actions engagées dans le domaine éducatif et culturel, de la participation apportée à des actions collectives en matière de programmes et des efforts accomplis dans les domaines de la
communication sociale de proximité et de l’intégration.
17 Le régime d’aides à l’expression radiophonique instauré par le décret no 97-1263, applicable dans le cadre de l’affaire au principal, a succédé à ceux institués à partir du 1er janvier 1983 par différents décrets antérieurs, d’abord pour une période initiale de deux ans et ensuite pour des périodes de cinq ans.
18 Le régime d’aides à l’expression radiophonique prévu à l’article 302 bis KD du code général des impôts, introduit par l’article 47 de la loi no 2002-1575, du 30 décembre 2002, de finances pour 2003 (JORF du 31 décembre 2002, p. 22025), a lui-même succédé à celui qu’avait instauré le décret no 97-1263, à partir du 1er janvier 2003, et ce pour une période indéfinie.
19 Ce nouveau régime a été modifié, à partir du 1er juillet 2003, par l’article 22 de la loi no 2003-709, du 1er août 2003, relative au mécénat, aux associations et aux fondations (JORF du 2 août 2003, p. 13277).
20 Aux termes de l’article 302 bis KD, paragraphe 2, du code général des impôts, tel que modifié par cette loi:
«La taxe est assise sur les sommes, hors commission d’agence et hors taxe sur la valeur ajoutée, payées par les annonceurs aux régies pour l’émission et la diffusion de leurs messages publicitaires à partir du territoire français.
[…]»
Le litige au principal et la question préjudicielle
Les décisions de la Commission sur les régimes d’aides à l’expression radiophonique successifs
21 Par sa décision du 1er mars 1990, relative à la mesure d’aide no N 19/90, la Commission a informé les autorités françaises qu’elle n’entendait pas soulever d’objections à la mise en place du régime d’aides à l’expression radiophonique que ces autorités lui avaient notifié conformément à l’article 93, paragraphe 3, du traité CEE (devenu article 93, paragraphe 3, du traité CE, lui-même devenu, article 88, paragraphe 3, CE).
22 Tel fut également le sens de la décision de la Commission du 16 septembre 1992 relative à la mesure d’aide no N 359/92, s’agissant du projet de décret modifiant le régime d’aides à l’expression radiophonique ayant fait l’objet de sa décision antérieure et que les autorités françaises lui avaient notifié conformément à l’article 93, paragraphe 3, du traité CEE.
23 Dans cette deuxième décision, la Commission a considéré que, au regard notamment des caractéristiques mêmes des bénéficiaires de ces soutiens (stations de petite taille et à audience locale), la concurrence et les échanges intracommunautaires ne paraissaient pas devoir être affectés dans une mesure contraire à l’intérêt commun et que, dès lors, une dérogation à l’interdiction des aides pouvait se justifier en raison de la permanence des objectifs d’intérêt général poursuivis par un tel régime.
24 Ensuite, par la décision litigieuse, la Commission a de même informé les autorités françaises qu’elle n’entendait pas soulever d’objections au projet de décret visant à modifier le régime d’aides à l’expression radiophonique précédemment admis, que celles-ci lui avaient notifié conformément à l’article 93, paragraphe 3, du traité CE et qui est devenu par la suite le décret no 97-1263.
25 Dans cette décision, la Commission a estimé que, étant donné que les ressources budgétaires afférentes aux soutiens concernés n’étaient pas augmentées et que les bénéficiaires de ces soutiens étaient des stations radiophoniques à audience locale, les échanges intracommunautaires ne paraissaient pas devoir être affectés dans une mesure contraire à l’intérêt commun et que, dès lors, une dérogation à l’interdiction des aides pouvait se justifier en raison de la permanence des objectifs d’intérêt
général poursuivis par un tel régime.
26 Enfin, par sa décision du 28 juillet 2003, relative à la mesure d’aide no NN 42/03 (ex N 725/02), la Commission n’a pas soulevé d’objections au projet de loi visant à modifier le régime d’aides à l’expression radiophonique ayant été précédemment approuvé, dans ses modalités successives, par les trois décisions susmentionnées, que les autorités françaises lui avaient notifié conformément à l’article 88, paragraphe 3, CE. Le régime ainsi modifié fait désormais l’objet de l’article 302 bis KD,
paragraphe 2, du code général des impôts, tel que modifié par la loi no 2003-709.
27 Dans cette dernière décision, la Commission a relevé que la taxe sur les régies publicitaires finançant le régime d’aides concerné est acquittée par les régies publicitaires, et non par les annonceurs individuels, sur la facture desquels elle n’apparaît d’ailleurs pas.
28 Elle a également constaté que cette taxe ne frappe que les régies établies sur le territoire français et que, partant, aucune charge n’est imposée sur la diffusion depuis l’étranger de messages publicitaires à destination du territoire français.
29 De plus, la Commission a pris en considération que, inversement, les régies publicitaires établies sur le territoire français qui émettent exclusivement à destination de l’étranger sont assujetties à ladite taxe, qui se trouve ainsi en conformité avec les règles communautaires gouvernant les taxes parafiscales destinées à financer un régime d’aides.
30 En outre, la Commission a notamment estimé que, étant donné que les bénéficiaires du régime d’aides concerné sont des radios non commerciales et purement locales, ce régime poursuit un but d’intérêt général en sauvegardant la pluralité des médias sur le plan local et que l’affectation des échanges intracommunautaires qui en résulte est faible.
31 La Commission a par conséquent considéré que ledit régime, qui facilite le développement de l’activité de la radiodiffusion associative et n’affecte pas les échanges intracommunautaires dans une mesure contraire à l’intérêt commun, constitue une aide compatible avec le marché commun en vertu de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE.
Les faits à l’origine du litige
32 Les faits à l’origine du litige, tels qu’ils ressortent de la décision de renvoi, peuvent être résumés comme suit.
33 Régie Networks, la régie qui commercialise l’espace publicitaire des fréquences locales de NRJ GROUP, a acquitté la somme de 152524 euros au titre de la taxe sur les régies publicitaires pour l’année 2001.
34 Elle a ensuite réclamé le remboursement de cette somme auprès des autorités fiscales locales. Sa réclamation ayant été implicitement rejetée en l’absence d’une décision dans le délai légal, elle a porté le litige devant le tribunal administratif de Lyon.
35 Par jugement du 25 avril 2006, cette juridiction a rejeté le recours de Régie Networks. Cette dernière a alors interjeté appel devant la cour administrative d’appel de Lyon.
36 Devant la juridiction de renvoi, Régie Networks a fait valoir, en premier lieu, que la décision litigieuse est invalide en raison d’une insuffisance de motivation.
37 D’une part, cette décision ne justifierait pas que le régime d’aides concerné relève bien d’une des catégories de dérogation prévues par le traité CE. D’autre part, dans ladite décision, la Commission aurait omis d’examiner le point de savoir si le mode de financement de ce régime, à savoir la taxe sur les régies publicitaires, est compatible avec le traité et de motiver expressément son appréciation à cet égard, alors qu’il découlerait de la jurisprudence de la Cour qu’un tel examen est
indispensable à l’appréciation de la compatibilité d’une aide, Régie Networks se référant à cet égard à l’arrêt du 21 octobre 2003, van Calster e.a. (C-261/01 et C-262/01, Rec. p. I-12249).
38 En deuxième lieu, Régie Networks a soutenu que la décision litigieuse est entachée d’une erreur de droit. La taxe sur les régies publicitaires serait incompatible avec le marché commun, au motif, d’ailleurs pris en compte par la Commission dans sa décision du 28 juillet 2003 évoquée aux points 26 à 31 du présent arrêt, que, selon une jurisprudence constante de la Cour, les produits et services importés doivent être exonérés de toute taxe fiscale destinée à financer un régime d’aides dont seules
bénéficient les entreprises nationales.
39 En troisième lieu, Régie Networks a fait valoir que la décision litigieuse est entachée d’une erreur d’appréciation des faits, dès lors que la Commission a affirmé, contrairement à la réalité, que les ressources budgétaires afférentes au régime d’aides concerné n’étaient pas augmentées.
40 Régie Networks en a conclu que, si la décision litigieuse devait être déclarée invalide par la Cour, le régime d’aides dont la mise en œuvre a été autorisée par cette décision serait entaché d’illégalité ab initio et que cette illégalité emporterait l’illégalité de son financement.
41 La juridiction de renvoi estime que les trois moyens présentés par Régie Networks soulèvent des difficultés sérieuses mettant en cause la validité de la décision litigieuse.
42 Dans ces conditions, la cour administrative d’appel de Lyon a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question suivante:
«[La décision litigieuse est-elle valide] quant à sa motivation, quant à l’appréciation portée sur la compatibilité avec le traité du financement du régime d’aides à l’expression radiophonique institué pour la période 1998-2002 et quant au motif fondé sur l’absence d’augmentation des ressources budgétaires du régime d’aides en cause[?]»
Sur la question préjudicielle
Sur la recevabilité
43 La Commission estime qu’il n’y pas lieu pour la Cour de statuer sur la question de la validité de la décision litigieuse que pose la juridiction de renvoi, dès lors que cette question n’a aucun rapport avec l’objet du litige au principal, qui concerne la légalité de la taxe sur les régies publicitaires.
44 Selon la Commission, cette taxe n’entre pas dans le champ d’application des dispositions du traité en matière d’aides d’État. En effet, dès lors que le montant des subventions versées au titre du régime d’aides à l’expression radiophonique serait déconnecté du produit de la taxe qui les finance, les critères de détermination du montant des aides n’ayant aucun lien avec le niveau du produit de cette taxe, celle-ci ne ferait pas partie intégrante de ce régime. La Commission se réfère à cet égard au
point 40 de l’arrêt du 27 octobre 2005, Distribution Casino France e.a. (C-266/04 à C-270/04, C-276/04 et C-321/04 à C-325/04, Rec. p. I-9481).
45 Cette objection ne saurait être retenue.
46 Selon une jurisprudence constante, les questions relatives à l’interprétation du droit communautaire posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit
communautaire n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2007, van der Weerd e.a., C-222/05 à C-225/05, Rec. p. I-4233, point 22 et jurisprudence citée).
47 La Cour peut en particulier décider de ne pas statuer sur une question préjudicielle en appréciation de validité d’un acte communautaire lorsqu’il apparaît de manière manifeste que cette appréciation, demandée par la juridiction nationale, n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal (voir, notamment, arrêt du 10 janvier 2006, Cassa di Risparmio di Firenze e.a., C-222/04, Rec. p. I-289, point 75 et jurisprudence citée).
48 Aux fins de l’appréciation de la recevabilité de la présente demande de décision préjudicielle, il suffit de constater qu’il ne peut a priori être exclu qu’un rapport existe entre la question préjudicielle en appréciation de validité de la décision litigieuse, prise dans le cadre des règles du traité en matière d’aides d’État, et le litige au principal, ayant pour objet la demande de Régie Networks tendant au remboursement des sommes payées pour l’année 2001 au titre de la taxe sur les régies
publicitaires dont l’examen nécessite l’appréciation de la légalité de cette taxe.
49 En effet, il n’est à tout le moins pas manifeste que ladite taxe ne fasse pas partie intégrante du régime d’aides à l’expression radiophonique.
50 À ce stade de l’analyse de la question préjudicielle, il suffit d’indiquer que le contraire semble plutôt être le cas, puisque la législation nationale en cause prévoit expressément que le produit de la taxe sur les régies publicitaires est destiné à alimenter le FSER, lequel sert à financer lesdites aides.
51 Or, s’il apparaît qu’il peut, à première vue, être soutenu qu’un tel lien d’affectation existe entre ladite taxe et les aides pour le financement desquelles celle-ci a été introduite, il ne saurait être exclu que le constat d’une éventuelle invalidité de la décision litigieuse puisse découler de l’illégalité de cette taxe, ce qui serait susceptible d’entraîner l’obligation de remboursement des montants payés au titre de celle-ci.
52 Dans ces conditions, il n’apparaît pas, à tout le moins pas de manière manifeste, que l’appréciation en validité de la décision litigieuse sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal.
53 La Commission conteste également la recevabilité de la question préjudicielle au motif qu’il ne découlerait pas nécessairement d’un éventuel arrêt préjudiciel déclarant invalide la décision litigieuse que la taxe concernée serait illégale et devrait être remboursée.
54 Selon la Commission, compte tenu de sa compétence exclusive pour se prononcer sur la compatibilité des aides, le juge national ne devrait ordonner le remboursement de la taxe finançant une aide autorisée par la Commission que si l’invalidité constatée est telle que, même dans le cadre d’une nouvelle décision, cette aide ne pourrait qu’être déclarée incompatible avec le marché commun.
55 Cette objection doit également être écartée.
56 Il est certes vrai que, si, à la suite d’un éventuel arrêt préjudiciel déclarant invalide la décision litigieuse, la Commission adopte une nouvelle décision, celle-ci n’aura pas nécessairement pour résultat que la taxe sur les régies publicitaires devrait être considérée comme illégale, dès lors que cette nouvelle décision pourrait de nouveau être favorable.
57 Toutefois, il ne découle pas de cette seule circonstance que l’appréciation en validité de la décision litigieuse sollicitée n’aurait manifestement aucun rapport avec l’objet du litige au principal et que, par conséquent, l’appréciation qu’a faite la juridiction nationale de la pertinence et de la nécessité du renvoi préjudiciel pourrait être remise en cause par la Cour.
58 Bien au contraire, s’il devait s’avérer que la décision litigieuse doit effectivement être déclarée invalide, une réponse de la Cour en ce sens pourrait être tout à fait utile et pertinente pour la solution du litige au principal, car elle obligerait la Commission à réexaminer le régime d’aides en cause au principal.
59 Par ailleurs, il ne saurait être exclu, dans la mesure surtout où certains griefs de Régie Networks portent sur des aspects de ce régime que la Commission n’aurait pas encore examinés et qui le rendraient incompatible avec le marché commun, que, par suite de ce réexamen, la Commission arrive à la conclusion que ledit régime doit effectivement être déclaré incompatible avec le marché commun, ce qui, ainsi qu’il a déjà été exposé au point 51 du présent arrêt, est susceptible d’entraîner
l’illégalité de la taxe sur les régies publicitaires et, par suite, l’obligation de rembourser les sommes payées au titre de cette taxe.
60 Partant, la présomption de pertinence dont bénéficient les demandes de décision préjudicielle n’est pas renversée par les objections émises par la Commission (voir par analogie, notamment, arrêt van der Weerd e.a., précité, points 22 et 23).
61 Il en découle que la question préjudicielle est recevable.
Sur le fond
Sur la validité de la décision litigieuse au regard de l’obligation de motivation
62 Par sa question, pour autant qu’elle porte sur la validité de la décision litigieuse quant à sa motivation, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur le point de savoir si cette décision doit être considérée comme invalide en raison d’une insuffisance de motivation, dès lors que, d’une part, elle ne justifierait pas que le régime d’aides en cause relève bien d’une des catégories de dérogation prévues à l’article 92, paragraphe 3, du traité CE et que, d’autre part, dans cette décision, la
Commission aurait omis d’examiner le point de savoir si le mode de financement de ce régime d’aides, à savoir la taxe sur les régies publicitaires, est compatible avec le traité et de motiver expressément son appréciation à cet égard.
63 Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 190 du traité CE (devenu article 253 CE) doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution auteur de l’acte de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce,
notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 190 du traité doit être appréciée au regard non seulement de son
libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, notamment, arrêts du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C-390/06, Rec. p. I-2577, point 79, et du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C-341/06 P et C-342/06 P, Rec. p. I-4777, point 88 et jurisprudence citée).
64 S’agissant, en premier lieu, de la nature de l’acte en cause, la décision litigieuse a été adoptée au terme de la phase préliminaire d’examen des aides instituée par l’article 93, paragraphe 3, du traité CE, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale de l’aide concernée, sans que soit ouverte la procédure formelle d’examen prévue au paragraphe 2 dudit article, qui, quant à elle, est destinée à permettre à la
Commission d’avoir une information complète sur l’ensemble des données relatives à cette aide (voir en ce sens, notamment, arrêt Nuova Agricast, précité, point 57 et jurisprudence citée).
65 Or, une telle décision, qui est prise dans des délais brefs, doit uniquement contenir les raisons pour lesquelles la Commission estime ne pas être en présence de difficultés sérieuses d’appréciation de la compatibilité de l’aide concernée avec le marché commun (arrêt du 15 juin 1993, Matra/Commission, C-225/91, Rec. p. I-3203, point 48).
66 Pour ce qui concerne, en second lieu, le contexte de la décision litigieuse, ainsi qu’il ressort des points 21 à 23 du présent arrêt, celle-ci est intervenue à la suite de deux autres décisions favorables qui portaient sur des régimes antérieurs d’aides à l’expression radiophonique essentiellement identiques à celui sur lequel porte la décision litigieuse et qui avaient également été préalablement notifiés par les autorités françaises à la Commission. La décision litigieuse se réfère d’ailleurs
expressément à l’examen et à l’acceptation par la Commission du régime d’aides antérieur à celui faisant l’objet de cette décision, que ce dernier était destiné à remplacer.
67 Cette circonstance justifiait également que la motivation de la décision litigieuse soit succincte.
68 C’est à l’aune de ces précisions qu’il convient d’examiner les griefs spécifiques relatifs à une violation de l’obligation de motivation qui sont dirigés contre cette décision.
69 Ladite décision est motivée par la considération selon laquelle, «étant donné que les ressources budgétaires afférentes ne sont pas augmentées et que les bénéficiaires de ces soutiens sont des stations radiophoniques à audience locale, les échanges intracommunautaires ne paraissent pas devoir être affectés dans une mesure contraire à l’intérêt commun et […], dès lors, une dérogation à l’interdiction des aides peut se justifier en raison de la permanence des objectifs d’intérêt général poursuivis
par un tel régime».
70 Si, certes, cette motivation est succincte, elle fait néanmoins apparaître de façon claire et non équivoque les raisons pour lesquelles la Commission a estimé ne pas être en présence de difficultés sérieuses d’appréciation de la compatibilité du régime d’aides concerné avec le marché commun. Il en découle en effet que la Commission a fondé cette conclusion sur le motif essentiel que les échanges intracommunautaires ne paraissaient pas devoir être affectés par celui-ci dans une mesure contraire Ã
l’intérêt commun.
71 Eu égard à la jurisprudence rappelée aux points 63 à 65 du présent arrêt, une telle motivation, compte tenu de la nature de l’acte dans lequel elle figure et du contexte de celui-ci, doit être considérée comme suffisante au regard de l’exigence de motivation que prévoit l’article 190 du traité, la question du bien-fondé de cette motivation étant étrangère à cette exigence.
72 S’il eût été préférable que, dans la motivation de la décision litigieuse, la Commission identifie expressément la catégorie de dérogation, parmi celles énumérées à l’article 92, paragraphe 3, du traité CE, qui était visée dans le cas d’espèce et décrive en outre la taxe finançant le régime d’aides à l’expression radiophonique, comme elle l’a d’ailleurs fait dans sa décision ultérieure du 23 juillet 2003 portant sur une modification de ce régime, la décision litigieuse ne saurait être censurée au
titre de l’article 190 CE en raison de l’absence d’une telle motivation spécifique sur ces points.
73 Pour ce qui concerne en particulier le grief relatif à l’absence d’indication, dans la motivation de la décision litigieuse, de la catégorie de dérogation prévue à l’article 92, paragraphe 3, du traité CE dont relève le régime d’aides en cause, il découle de manière implicite des énonciations selon lesquelles «les bénéficiaires de ces soutiens sont des stations radiophoniques à audience locale» et «les échanges intracommunautaires ne paraissent pas devoir être affectés dans une mesure contraire Ã
l’intérêt commun» que la catégorie de dérogation visée était celle de l’article 92, paragraphe 3, sous c), du traité CE, en particulier celle des aides destinées à faciliter le développement de certaines activités, en l’occurrence, comme la Commission l’a d’ailleurs explicité dans sa décision du 23 juillet 2003, l’activité de radiodiffusion associative.
74 Enfin, pour ce qui concerne l’absence, dans la décision litigieuse, d’une motivation expresse quant à la compatibilité avec le traité du mode de financement du régime concerné, à savoir la taxe sur les régies publicitaires, l’allégation d’une violation de l’article 190 du traité ne saurait en tout état de cause prospérer dès lors que, selon la Commission, il n’y avait pas lieu de procéder à l’examen de ce point puisque cette taxe ne ferait pas partie intégrante du régime d’aides concerné.
75 Or, le bien-fondé de cette thèse ne saurait faire l’objet d’une appréciation dans le cadre de l’examen d’un grief portant sur l’obligation de motivation. Cette appréciation sera donc opérée ultérieurement, dans le cadre de la réponse à la partie de la question préjudicielle relative à l’allégation d’une erreur de droit en ce que la décision litigieuse n’aurait pas constaté que la taxe sur les régies publicitaires est incompatible avec le marché commun.
76 Il doit en être conclu que, pour ce qui concerne l’obligation de motivation, l’examen de la question posée n’a pas révélé d’éléments de nature à affecter la validité de la décision litigieuse.
Sur l’erreur dans l’appréciation des faits alléguée en ce qui concerne l’évolution des ressources budgétaires affectées au régime d’aides à l’expression radiophonique
77 Par sa question, pour autant qu’elle porte sur la validité de la décision litigieuse quant au motif fondé sur l’absence d’augmentation des ressources budgétaires affectées au financement du régime d’aides en cause, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur le point de savoir si ladite décision doit être considérée comme invalide dès lors que sa motivation, en ce qu’elle énonce que les ressources budgétaires afférentes aux aides concernées ne seraient pas augmentées, comporterait une erreur
factuelle, puisque lesdites ressources auraient bien été augmentées.
78 Il ressort de la jurisprudence que la Commission bénéficie, pour l’application de l’article 92, paragraphe 3, du traité CE, d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice implique des évaluations complexes d’ordre économique et social, qui doivent être effectuées dans un contexte communautaire. Dans ce cadre, le contrôle juridictionnel appliqué à l’exercice de ce pouvoir d’appréciation se limite à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation ainsi qu’au contrôle de
l’exactitude matérielle des faits retenus et de l’absence d’erreur de droit, d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits ou de détournement de pouvoir (voir, notamment, arrêt du 11 septembre 2008, Allemagne e.a./Kronofrance, C-75/05 P et C-80/05 P, Rec. p. I-6619, point 59 et jurisprudence citée).
79 Il y a lieu de relever que, en l’espèce, l’affirmation de la Commission selon laquelle les ressources budgétaires afférentes aux aides concernées ne seraient pas augmentées, lorsqu’elle a été exprimée, constituait une appréciation des effets futurs du régime d’aides à l’expression radiophonique pour ce qui concerne en particulier le produit de la taxe sur les régies publicitaires destinée à alimenter le FSER servant à financer ces aides.
80 Or, il est sans pertinence que, par après, il se soit avéré que les moyens affectés audit fonds ont connu une certaine augmentation.
81 En effet, la légalité d’une décision en matière d’aides d’État, a fortiori lorsqu’il s’agit d’une décision de ne pas soulever d’objections à l’encontre d’un régime d’aides adoptée au terme de la phase préliminaire d’examen prévue à l’article 93, paragraphe 3, du traité CE, telle la décision litigieuse, doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée (voir, en ce sens, arrêt Nuova Agricast, précité, points 54 et 55).
82 Dès lors que, dans le cadre de la décision litigieuse, la Commission était amenée à apprécier les effets futurs d’un régime d’aides alors que ces effets ne pouvaient être prévus avec exactitude, cette décision ne saurait être censurée en raison de son appréciation selon laquelle les ressources budgétaires afférentes aux aides concernées ne seraient pas augmentées que si cette dernière apparaissait manifestement erronée au vu des éléments dont la Commission disposait au moment de l’adoption de
ladite décision.
83 Or, s’il est vrai que, pour ce qui concerne la publicité télévisée, l’article 2 du projet de décret qui est devenu le décret no 97-1263 prévoyait une augmentation des limites dans lesquelles les tarifs d’imposition pouvaient être fixés, il y a lieu de constater que, à l’époque où le régime d’aides concerné lui fut notifié, ces tarifs d’imposition devaient encore être arrêtés conformément à l’article 2, troisième alinéa, dudit projet.
84 En outre, il est constant que, à cette époque, l’importance des recettes publicitaires constituant l’assiette de la taxe sur les régies publicitaires n’était elle non plus pas encore connue et ne pouvait donc faire l’objet que de prévisions.
85 Eu égard à la présence de telles variables, constituant autant d’éléments d’incertitude devant être appréciés par la Commission en tenant compte, notamment, des éléments d’appréciation que comportait la notification du régime d’aides en cause et, le cas échéant, des informations communiquées par les autorités nationales, une erreur manifeste dans l’appréciation des éléments en cause ne saurait être constatée par la Cour.
86 Il doit en être conclu que, pour ce qui concerne l’erreur dans l’appréciation des faits alléguée, l’examen de la question posée n’a pas révélé d’éléments de nature à affecter la validité de la décision litigieuse.
Sur l’erreur de droit alléguée en ce qui concerne la compatibilité de la taxe sur les régies publicitaires avec le traité
87 Par sa question, pour autant qu’elle porte sur la validité de la décision litigieuse quant à l’appréciation portée sur la compatibilité avec le traité du financement du régime d’aides à l’expression radiophonique institué pour la période allant de 1998 jusqu’à 2002, la juridiction de renvoi demande à la Cour si ladite décision devrait être déclarée invalide du fait que la taxe sur les régies publicitaires serait incompatible avec le marché commun dans la mesure où celle-ci est également perçue
sur la publicité radiophonique et télévisée diffusée depuis l’étranger à destination de la France, alors que le produit de cette taxe finance un régime d’aides dont seules peuvent bénéficier les stations de radio locales établies en France.
88 Si, comme il a été rappelé au point 78 du présent arrêt, la Commission dispose, dans l’application de l’article 92, paragraphe 3, du traité CE, d’un large pouvoir d’appréciation, ce pouvoir est néanmoins soumis à certaines limites dont il incombe au juge communautaire de contrôler le respect.
89 Ainsi, la Cour a jugé que le mode de financement d’une aide peut rendre l’ensemble du régime d’aides qu’il sert à financer incompatible avec le marché commun. Dès lors, l’examen d’une aide ne saurait être séparé des effets de son mode de financement. Tout au contraire, l’examen d’une mesure d’aide par la Commission doit nécessairement aussi prendre en considération le mode de financement de l’aide dans le cas où ce dernier fait partie intégrante de la mesure (voir en ce sens, notamment, arrêts
van Calster e.a., précité, point 49, ainsi que du 15 juillet 2004, Pearle e.a., C-345/02, Rec. p. I-7139, point 29).
90 Dans un tel cas, la notification de la mesure d’aide, prévue à l’article 93, paragraphe 3, du traité CE, doit également porter sur le mode de financement de celle-ci, afin que la Commission puisse effectuer son examen sur la base d’une information complète. À défaut, il ne saurait être exclu que soit déclarée compatible avec le marché commun une mesure d’aide qui, si la Commission avait eu connaissance de son mode de financement, n’aurait pas pu l’être (arrêt van Calster e.a., précité, point 50).
91 Lors de l’audience de plaidoirie, la Commission a toutefois soutenu qu’il convient de partir du principe qu’une taxe finançant une mesure d’aide ne doit être notifiée par un État membre et, partant, examinée par la Commission que s’il existe, selon une première appréciation devant être effectuée par l’État membre concerné, un rapport de concurrence entre les redevables de cette taxe et les bénéficiaires des aides concernées. En l’absence d’un tel rapport de concurrence, aucun intérêt
communautaire n’existerait à ce qu’un État membre notifie et la Commission examine une taxe finançant une mesure d’aide.
92 Cette thèse doit être rejetée.
93 Si la question de savoir s’il existe un rapport de concurrence entre les débiteurs d’une taxe et les bénéficiaires des aides que cette taxe sert à financer est susceptible d’être tout à fait pertinente dans le cadre du contrôle de fond opéré par la Commission en ce qui concerne la compatibilité d’une mesure d’aide avec le marché commun, elle ne saurait toutefois être érigée en un critère supplémentaire déterminant l’étendue de l’obligation de notification d’une aide prévue à l’article 93,
paragraphe 3, du traité CE.
94 En présence d’une taxe constituant le mode de financement d’un régime d’aides tel que celui en cause au principal, il existe un intérêt communautaire certain à ce que l’État membre notifie ce régime y compris le mode de financement qui en fait partie intégrante, afin que la Commission puisse disposer de toutes les données requises afin d’apprécier la compatibilité de cette mesure avec le marché commun, appréciation qui relève de son pouvoir exclusif, exercé sous le contrôle du juge communautaire
(voir en ce sens, notamment, arrêt du 18 juillet 2007, Lucchini, C-119/05, Rec. p. I-6199, point 52 et jurisprudence citée).
95 En effet, l’effectivité de ce pouvoir exclusif risquerait d’être compromise si son exercice dépendait d’une appréciation préalable et unilatérale portée par chaque État membre sur la question de savoir s’il existe un rapport de concurrence entre les débiteurs d’une taxe et les bénéficiaires d’aides financées par cette taxe.
96 Ceci est d’autant plus le cas dans un contexte tel que celui dans lequel s’inscrivent le régime d’aides et la taxe en cause au principal, dès lors que ce régime concerne des aides dont les bénéficiaires opèrent sur un marché dont il ne peut être considéré qu’il est manifestement distinct de celui duquel relèvent les assujettis à cette taxe.
97 La réponse à apporter à la question de l’existence d’un rapport de concurrence entre lesdits bénéficiaires et assujettis peut, dans de nombreux cas, prêter à discussion, ainsi que le démontre la divergence des vues exprimées dans le cadre de la présente procédure préjudicielle tant dans les observations écrites qu’au cours de l’audience de plaidoirie. Une telle réponse nécessite en effet un examen approfondi des caractéristiques des marchés concernés dans le cadre du contrôle de fond de la mesure
d’aide auquel seule la Commission peut procéder, sous le contrôle du juge communautaire.
98 Il convient de déterminer si la taxe sur les régies publicitaires aurait en tout état de cause dû être prise en compte par la Commission dans son examen du régime d’aides concerné du fait que, au vu de la jurisprudence rappelée au point 89 du présent arrêt, elle devrait être considérée comme faisant partie intégrante du régime d’aides à l’expression radiophonique que cette taxe sert à financer.
99 Pour qu’une taxe puisse être considérée comme faisant partie intégrante d’une mesure d’aide, il doit exister un lien d’affectation contraignant entre la taxe et l’aide concernées en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l’aide et influence directement l’importance de celle-ci et, par voie de conséquence, l’appréciation de la compatibilité de cette aide avec le marché commun (voir, notamment, arrêt du 15
juin 2006, Air Liquide Industries Belgium, C-393/04 et C-41/05, Rec. p. I-5293, point 46 et jurisprudence citée).
100 En l’occurrence, il ressort des articles 3 et 6 du décret no 97-1263 que le produit net de la taxe sur les régies publicitaires alimente le FSER, à partir duquel sont versées les aides à l’expression radiophonique par la commission du FSER. Ladite taxe est spécifiquement et uniquement perçue pour le financement des mesures d’aide en cause (voir, par analogie, arrêt van Calster e.a., précité, point 55).
101 Ce lien étroit existant entre la taxe sur les régies publicitaires et les aides qu’elle sert à financer ressort d’ailleurs clairement tant du titre du décret no 97-1263, «portant création d’une taxe parafiscale au profit d’un fonds de soutien à l’expression radiophonique», que de l’intitulé des deux parties que celui-ci comporte et, donc, de sa structure, à savoir, respectivement, «Des ressources du [FSER]» et «De l’attribution des aides».
102 La taxe sur les régies publicitaires revêt en outre une nature essentiellement différente de celle des taxes finançant les mesures d’aide en cause dans certaines affaires ayant donné lieu à des arrêts de la Cour qui sont invoqués par la Commission, dans lesquelles la Cour a jugé qu’il n’existait pas de lien d’affectation contraignant entre la taxe et l’aide concernées en vertu de la réglementation nationale pertinente (arrêts du 13 janvier 2005, Pape, C-175/02, Rec. p. I-127, ainsi que
Distribution Casino France e.a., précité).
103 En effet, dans ces affaires, cette conclusion était fondée sur le constat que, en vertu de la réglementation nationale pertinente, le produit de la taxe concernée n’influençait pas directement l’importance de l’aide.
104 En l’espèce, le produit net de la taxe sur les régies publicitaires est exclusivement et intégralement affecté au financement des aides à l’expression radiophonique et influence dès lors directement l’importance de celles-ci. S’il est vrai que ces aides sont attribuées par la commission du FSER, il est constant que cet organe n’a pas le pouvoir d’affecter les fonds disponibles à des fins autres que ces aides.
105 Ainsi, l’article 7 du décret no 97-1263 dispose que les aides sont attribuées, dans la limite des fonds disponibles, par la commission du FSER. Il n’est du reste pas contesté que les ressources du FSER autres que celles provenant du produit de la taxe sur les régies publicitaires sont marginales.
106 S’il est vrai que la subvention à l’installation et l’aide à l’équipement sont plafonnées et calculées en fonction de critères d’examen propres, la fixation de leur montant, s’il se situe en dessous des plafonds, doit être effectuée dans la limite essentiellement du produit escompté de la taxe sur les régies publicitaires.
107 Ceci est d’ailleurs plus évident encore s’agissant de la subvention annuelle de fonctionnement, qui constitue le type d’aide à l’expression radiophonique manifestement le plus important, dès lors qu’il représente à lui seul, par exemple, plus de 96 % du total des aides versées en 2003, ainsi que Régie Networks l’a relevé à l’audience sans être contredite sur ce point.
108 En effet, conformément à l’article 17 du décret no 97-1263, le montant de cette aide est fixé selon un barème établi par la commission du FSER, qui tient compte des produits d’exploitation normale et courante du service considéré, avant déduction des frais de régie publicitaire.
109 Or, lors de l’audience de plaidoirie, Régie Networks a exposé, de nouveau sans être contredite sur ce point, que ledit barème est fixé en fonction des ressources du FSER constatées l’année précédente, du montant prévisionnel des recettes de la taxe sur les régies publicitaires inscrit dans la loi de finance initiale et des prévisions d’évolution du marché publicitaire.
110 Enfin, si la possible majoration de la subvention annuelle de fonctionnement prévue à l’article 17, deuxième alinéa, du décret no 97-1263 est limitée à 60 %, la fixation annuelle de celle-ci sera également fonction, dans les limites de ce plafond, des fonds disponibles, et donc essentiellement des recettes ou des prévisions de recettes de la taxe sur les régies publicitaires.
111 Dans ces conditions, le produit de cette taxe influence l’importance du montant des aides à l’expression radiophonique versées. En effet, l’octroi de ces aides ainsi que, dans une très large mesure, leur étendue, dépendent du produit de ladite taxe.
112 Il doit en être conclu que la taxe sur les régies publicitaires fait partie intégrante du régime des aides à l’expression radiophonique que cette taxe sert à financer.
113 Partant, la Commission devait nécessairement prendre en considération ladite taxe lors de l’examen du régime d’aides concerné, en l’occurrence, par suite de la notification de ce régime, dans le cadre de la phase préliminaire d’examen des aides instituée par l’article 93, paragraphe 3, du traité CE.
114 Or, il est constant que, si ledit mode de financement a bien été notifié à la Commission, dès lors qu’il constituait le titre Ier du projet de décret qui, par la suite, est devenu le décret no 97-1263, la Commission ne l’a pas examiné dans le cadre de la procédure au terme de laquelle la décision litigieuse fut adoptée. Devant la Cour, la Commission a en effet soutenu qu’un tel examen ne devait pas être opéré, puisque la taxe sur les régies publicitaires ne ferait pas partie intégrante du régime
d’aides à l’expression radiophonique.
115 Il convient, par ailleurs, de relever que, par une lettre du 8 mai 2003, la Commission s’est opposée à un mode de financement d’un régime modifié d’aides à l’expression radiophonique en substance identique à la taxe sur les régies publicitaires en cause au principal, estimant que celui-ci était contraire au principe général, régulièrement réaffirmé par la Commission et confirmé par la Cour dans son arrêt du 25 juin 1970, France/Commission (47/69, Rec. p. 487), selon lequel les produits ou
services importés doivent être exonérés de toute taxe parafiscale destinée à financer un régime d’aides dont seules bénéficient des entreprises nationales. Ce n’est que par suite de la modification du projet d’aide concerné de telle sorte que la taxe qui lui était liée ne couvre désormais que les messages publicitaires diffusés à partir du territoire français que la Commission a décidé, par sa lettre du 28 juillet 2003, de ne pas soulever d’objection à ce régime d’aides.
116 Dans la mesure où la Commission, pour apprécier la conformité du régime d’aides en cause avec les règles du traité en matière d’aides d’État, n’a pas pris en considération le mode de financement de ces aides, alors que ce dernier faisait partie intégrante de ce régime, l’appréciation de la compatibilité dudit régime avec le marché commun est nécessairement entachée d’une erreur.
117 Il en découle que, pour ce motif, la décision litigieuse doit être déclarée invalide.
118 Dans le cas où la décision litigieuse serait déclarée invalide, le gouvernement français demande que la Cour limite les effets de son arrêt dans le temps, en exceptant de cette limitation les seules entreprises qui ont, avant l’arrêt à intervenir, introduit un recours en justice ou soulevé une réclamation équivalente quant à la perception de la taxe sur les régies publicitaires.
119 Dans la même hypothèse, la Commission demande à la Cour de maintenir les effets de la décision déclarée nulle, afin de ne remettre en cause ni la perception des taxes ni l’attribution des aides.
120 Au soutien de cette demande, il est notamment rappelé que ce régime d’aides a été notifié et autorisé par la Commission tout comme les régimes précédents et a été appliqué pendant une période prolongée. Le gouvernement français estime en particulier qu’une obligation de récupérer les montants concernés auprès du FSER et des stations de radio locales pour la période allant de 1998 jusqu’à 2002 risquerait de mettre en péril les finances et l’existence même de ceux-ci, et pourrait constituer une
menace pour la pluralité des médias.
121 À cet égard, il y a lieu de rappeler, d’abord, que, lorsque des considérations impérieuses de sécurité juridique le justifient, la Cour bénéficie, en vertu de l’article 231, second alinéa, CE, applicable, par analogie, également dans le cadre d’un renvoi préjudiciel en appréciation de validité des actes pris par les institutions de la Communauté européenne, au titre de l’article 234 CE, d’un pouvoir d’appréciation pour indiquer, dans chaque cas particulier, ceux des effets de l’acte concerné qui
doivent être considérés comme définitifs (voir en ce sens, notamment, arrêt du 8 novembre 2001, Silos, C-228/99, Rec. p. I-8401, point 35 et jurisprudence citée).
122 Conformément à cette jurisprudence, la Cour a fait usage de la possibilité de limiter les effets dans le temps de la constatation de l’invalidité d’une réglementation communautaire lorsque des considérations impérieuses de sécurité juridique tenant à l’ensemble des intérêts, tant publics que privés, en jeu dans les affaires concernées empêchaient de remettre en cause la perception ou le paiement de sommes d’argent effectués sur le fondement de cette réglementation pour la période antérieure à la
date de l’arrêt (voir, notamment, arrêt Silos précité, point 36).
123 En l’occurrence, force est de constater, d’une part, que le régime d’aides en cause a été applicable pendant une période de cinq ans et que les aides versées au titre de ce régime sont très nombreuses et concernent un ensemble important d’opérateurs. D’autre part, les considérations impérieuses de sécurité juridique invoquées tant par le gouvernement français que par la Commission, et notamment les circonstances que ledit régime a été notifié à la Commission et que la décision par laquelle
celle-ci l’a autorisé n’a pas été contestée devant les juridictions communautaires, sont susceptibles de justifier la limitation des effets dans le temps de la déclaration d’invalidité de la décision litigieuse.
124 Il y a lieu de rappeler, ensuite, que, lorsque la Cour constate, dans le cadre d’une procédure initiée en vertu de l’article 234 CE, l’invalidité d’un acte adopté par une autorité communautaire, sa décision a comme conséquence juridique d’imposer aux institutions compétentes de la Communauté de prendre les mesures nécessaires pour remédier à l’illégalité constatée, l’obligation établie à l’article 233 CE en cas d’arrêt d’annulation s’appliquant en pareil cas par analogie (voir, notamment, arrêt
du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission, C-120/06 P et C-121/06 P, Rec. p. I-6513, point 123 et jurisprudence citée).
125 Enfin, ainsi qu’il a été rappelé au point 94 du présent arrêt, la Commission dispose, en vertu du traité, d’un pouvoir exclusif pour apprécier la compatibilité des aides d’État avec le marché commun, sous le contrôle du juge communautaire.
126 Partant, il y a lieu de tenir en suspens les effets du constat d’invalidité de la décision litigieuse jusqu’à l’adoption d’une nouvelle décision par la Commission, afin de permettre à cette dernière de remédier à l’illégalité constatée dans le présent arrêt. Lesdits effets sont tenus en suspens pendant une période ne pouvant excéder deux mois à compter de la date du prononcé du présent arrêt au cas où la Commission déciderait d’adopter cette nouvelle décision dans le cadre de l’article 88,
paragraphe 3, CE et pendant une période supplémentaire raisonnable si la Commission décide d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE.
127 Au vu de ce qui précède, il y a toutefois lieu de donner suite à la demande du gouvernement français d’excepter de cette limitation dans le temps des effets du présent arrêt les seules entreprises qui ont introduit avant la date du prononcé de cet arrêt un recours en justice ou une réclamation équivalente quant à la perception de la taxe sur les régies publicitaires en application du décret no 97-1263.
128 Eu égard à tout ce qui précède, il convient de répondre à la question posée que la décision litigieuse est invalide. Toutefois, il y a lieu de tenir en suspens les effets du constat d’invalidité de cette décision jusqu’à l’adoption d’une nouvelle décision par la Commission en vertu de l’article 88 CE. Lesdits effets sont tenus en suspens pendant une période ne pouvant excéder deux mois à compter de la date du prononcé du présent arrêt au cas où la Commission déciderait d’adopter cette nouvelle
décision dans le cadre de l’article 88, paragraphe 3, CE et pendant une période supplémentaire raisonnable si la Commission décide d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE. Sont exceptées de cette limitation dans le temps des effets du présent arrêt les seules entreprises qui ont introduit avant la date du prononcé de cet arrêt un recours en justice ou une réclamation équivalente quant à la perception de la taxe sur les régies publicitaires instituée par l’article 1er du
décret no 97-1263.
Sur les dépens
129 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
 Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:
 La décision de la Commission des Communautés européennes du 10 novembre 1997 de ne pas soulever d’objections à l’encontre de la modification d’un régime d’aides en faveur des stations de radio locales (aide d’État no N 679/97 — France) est invalide.
Il y a lieu de tenir en suspens les effets du constat d’invalidité de ladite décision de la Commission des Communautés européennes du 10 novembre 1997 jusqu’à l’adoption d’une nouvelle décision par la Commission en vertu de l’article 88 CE. Lesdits effets sont tenus en suspens pendant une période ne pouvant excéder deux mois à compter de la date du prononcé du présent arrêt au cas où la Commission déciderait d’adopter cette nouvelle décision dans le cadre de l’article 88, paragraphe 3, CE et
 pendant une période supplémentaire raisonnable si la Commission décide d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE. Sont exceptées de cette limitation dans le temps des effets du présent arrêt les seules entreprises qui ont introduit avant la date du prononcé de cet arrêt un recours en justice ou une réclamation équivalente quant à la perception de la taxe parafiscale sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision, instituée par l’article 1er du
décret no 97-1263, du 29 décembre 1997, portant création d’une taxe parafiscale au profit d’un fonds de soutien à l’expression radiophonique.
 Signatures
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( *1 ) Langue de procédure: le français.