ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)
11 décembre 2008 (*)
«Manquement d’État – Directive 2004/35/CE – Responsabilité environnementale – Prévention et réparation des dommages environnementaux – Non-transposition dans le délai prescrit»
Dans l’affaire C‑330/08,
ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 18 juillet 2008,
Commission des Communautés européennes, représentée par MM. G. Rozet et U. Wölker, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
contre
République française, représentée par MM. G. de Bergues et A. Adam, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LA COUR (septième chambre),
composée de M. A. Ó Caoimh, président de chambre, MM. J. N. Cunha Rodrigues (rapporteur) et A. Arabadjiev, juges,
avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,
greffier: M. R. Grass,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en ne prenant pas les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux (JO L 143, p. 56, ci-après la «directive»), la République française a manqué aux
obligations qui lui incombent en vertu de l’article 19 de la directive.
Le cadre juridique
2 Aux termes de l’article 19 de la directive:
«1. Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 30 avril 2007. Ils en informent immédiatement la Commission.
Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d’une telle référence lors de leur publication officielle. Les États membres arrêtent les modalités de cette référence.
2. Les États membres communiquent à la Commission le texte des principales dispositions de droit interne qu’ils adoptent dans le domaine régi par la présente directive, ainsi qu’un tableau de correspondance entre la présente directive et les dispositions nationales adoptées.»
La procédure précontentieuse
3 N’ayant pas été informée par la République française des dispositions prises par cet État membre pour se conformer à la directive et ne disposant pas non plus d’autres éléments d’information lui permettant de conclure que ledit État membre avait satisfait à son obligation de se conformer à la directive, la Commission a, par lettre du 31 mai 2007, et conformément à la procédure prévue à l’article 226 CE, mis la République française en demeure de présenter ses observations dans un délai de
deux mois à compter de la notification de ladite lettre.
4 Par un courrier en date du 18 juillet 2007, les autorités françaises ont reconnu qu’un certain retard avait été pris dans la transposition de la directive et que la date limite du 30 avril 2007 n’avait pas pu être respectée. Un projet de loi ajoutant un nouveau chapitre au code de l’environnement aurait été déposé au Sénat le 5 avril 2007 en vue d’une adoption par le Parlement au plus tard au premier trimestre de l’année 2008. Le décret devant compléter cette loi serait élaboré dans les
mêmes conditions de concertation et serait publié dans les meilleurs délais.
5 Par lettre du 1^er février 2008, la Commission a émis un avis motivé dans lequel elle a conclu que la République française avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 19 de la directive et a invité la République française à prendre les mesures requises pour se conformer à l’avis motivé dans un délai de deux mois à compter de sa réception.
6 Par un courrier en date du 4 avril 2008, les autorités françaises ont indiqué que le projet de loi précité figurerait à l’ordre du jour du Sénat pour la seconde quinzaine du mois de mai 2008 et que le Parlement devrait se prononcer sur ce projet avant la pause estivale. Les travaux de rédaction du décret d’application et des arrêtés nécessaires à une transposition complète de la directive seraient menés dans l’optique d’une saisine du Conseil d’État très proche de la publication de la loi
en question et d’une publication à l’automne 2008.
7 N’ayant pas été en mesure de conclure que toutes les mesures nécessaires à la transposition de la directive avaient été effectivement adoptées, la Commission a introduit le présent recours.
Sur le recours
Argumentation des parties
8 La Commission observe que, conformément à l’article 249, troisième alinéa, CE, les États membres sont tenus de prendre les mesures nécessaires pour transposer les directives dans l’ordre juridique national avant l’expiration du délai qu’elles prescrivent et de communiquer immédiatement ces mesures à la Commission. En l’espèce, l’article 19, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive prévoit que les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et
administratives nécessaires pour se conformer à celle-ci au plus tard le 30 avril 2007 et qu’ils en informent immédiatement la Commission.
9 Selon la Commission, il n’a pas été contesté par le gouvernement français dans le cadre de la procédure précontentieuse qu’il avait l’obligation de mener à bien les procédures nécessaires à cet effet. Ce gouvernement aurait, au demeurant, expressément reconnu qu’un certain retard avait été pris dans la transposition de la directive et que toutes les mesures nécessaires aux fins de cette transposition n’avaient pas encore été adoptées.
10 Le gouvernement français reconnaît qu’il n’a pas été en mesure de communiquer les dispositions nécessaires pour se conformer à la directive.
11 Cependant, la loi n° 2008-757 relative à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’environnement (JORF du 2 août 2008, p. 12361) aurait été promulguée le 1^er août 2008 et notifiée à la Commission le 15 septembre 2008. Elle complèterait, par son article 1^er, la partie législative du code de l’environnement et représenterait une étape essentielle du processus de transposition de la directive.
12 Certes, le nouvel article L. 165-2 du code de l’environnement prévoirait qu’un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application de l’article 1^er de la loi n° 2008-757. Selon ce gouvernement, le projet de décret a été élaboré conjointement avec le projet de loi et son instruction a été engagée dès la publication de la loi en question. Le projet de décret devrait faire l’objet d’ultimes consultations auprès des services administratifs et d’autres organismes compétents et sa
publication devrait intervenir avant la fin de l’année 2008.
13 Le gouvernement français ajoute que la seule adoption du décret d’application précité achèvera la transposition de la directive. Dès son adoption, ce décret, accompagné d’un tableau de concordance présentant l’ensemble du dispositif, serait communiqué à la Cour et à la Commission. Le gouvernement défendeur espère que, lorsque la transposition de la directive sera totalement achevée, la Commission se désistera du présent recours.
Appréciation de la Cour
14 Conformément à l’article 19, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive, les États membres devaient mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive au plus tard le 30 avril 2007 et en informer immédiatement la Commission.
15 Selon une jurisprudence constante, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé. Les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (voir, notamment, arrêt du 4 novembre 2008, Commission/Luxembourg, C‑95/08, point 24).
16 Par ailleurs, un État membre ne saurait exciper de dispositions, pratiques ou situations de son ordre juridique interne pour justifier le non-respect des obligations et délais prescrits par une directive (voir, notamment, arrêt du 10 avril 2003, Commission/France, C-114/02, Rec. p. I-3783, point 11).
17 En l’espèce, il est constant que les mesures nécessaires pour assurer la transposition complète de la directive n’ont pas été adoptées à l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé.
18 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer le recours introduit par la Commission comme fondé.
19 Au regard des considérations qui précèdent, il convient de constater que, en ne prenant pas, dans le délai prescrit, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 19, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive.
Sur les dépens
20 Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, tout partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République française et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (septième chambre) déclare et arrête:
1) En ne prenant pas, dans le délai prescrit, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 19, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive.
2) La République française est condamnée aux dépens.
Signatures
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* Langue de procédure: le français.